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694. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Grâce à Dieu, Chapus a maintenant assez vécu pour prendre enfin cette revanche, attestation de sa force, qu’un homme de talent finit toujours par prendre contre une société sans sympathie ! […] Maintenant, ce qu’à Dieu ne plaise !

695. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages La métaphysique des philosophes commence par éclairer l’âme humaine, en y plaçant l’idée d’un Dieu, afin qu’ensuite la logique, la trouvant préparée à mieux distinguer ses idées, lui enseigne les méthodes de raisonnement, par le secours desquelles la morale purifie le cœur de l’homme. […] Ainsi s’établit le mariage, c’est-à-dire l’union charnelle faite selon la pudeur, et avec la crainte d’un Dieu.

696. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Un poëte moderne, un homme comme Alfred de Musset, Hugo, Lamartine ou Heine, ayant fait ses classes et voyagé, avec un habit noir et des gants, bien vu des dames et faisant le soir cinquante saluts et une vingtaine de bons mots dans le monde, lisant les journaux le matin, ordinairement logé dans un second étage, point trop gai parce qu’il a des nerfs, surtout parce que, dans cette épaisse démocratie où nous étouffons, le discrédit des dignités officielles a exagéré ses prétentions en rehaussant son importance, et que la finesse de ses sensations habituelles lui donne quelque envie de se croire Dieu. […] Il y a une cause intérieure qui a tourné l’esprit des fidèles vers ces graves et monotones mélodies, une cause plus large que son effet, je veux dire l’idée générale du vrai culte extérieur que l’homme doit à Dieu ; c’est elle qui a modelé l’architecture du temple, abattu les statues, écarté les tableaux, détruit les ornements, écourté les cérémonies, enfermé les assistants dans de hauts bancs qui leur bouchent la vue, et gouverné les mille détails des décorations, des postures et de tous les dehors. Elle-même provient d’une autre cause plus générale, l’idée de la conduite humaine tout entière, intérieure et extérieure, prières, actions, dispositions de tout genre auxquelles l’homme est tenu vis-à-vis de Dieu ; c’est celle-ci qui a intronisé la doctrine et la grâce, amoindri le clergé, transformé les sacrements, supprimé les pratiques, et changé la religion disciplinaire en religion morale. Cette seconde idée, à son tour, dépend d’une troisième plus générale encore, celle de la perfection morale, telle qu’elle se rencontre dans le Dieu parfait, juge impeccable, rigoureux surveillant des âmes, devant qui toute âme est pécheresse, digne de supplice, incapable de vertu et de salut, sinon par la crise de conscience qu’il provoque et la rénovation du cœur qu’il produit. […] Si maintenant la conception générale à laquelle la représentation aboutit est poétique, mais non ménagée, si l’homme y atteint, non par une gradation continue, mais par une intuition brusque, si l’opération originelle n’est pas le développement régulier, mais l’explosion violente, alors, comme chez les races sémitiques, la métaphysique manque, la religion ne conçoit que le Dieu roi, dévorateur et solitaire, la science ne peut se former, l’esprit se trouve trop roide et trop entier pour reproduire l’ordonnance délicate de la nature, la poésie ne sait enfanter qu’une suite d’exclamations véhémentes et grandioses, la langue ne peut exprimer l’enchevêtrement du raisonnement et de l’éloquence, l’homme se réduit à l’enthousiasme lyrique, à la passion irréfrénable, à l’action fanatique et bornée.

697. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Dieu lui-même aurait pu faire scandale, s’il en eût proféré tout haut le nom. […] Insensés qui ne voient pas que l’être est le premier problème de toute philosophie, que l’existence du dernier des êtres est un effet évident qui proclame une cause, et que Dieu est la cause de tous les effets. […] Passer Dieu sous silence, c’est le blasphème du sens commun. […] Homme naturel, grand de sa propre grandeur, modeste, paisible, et ne demandant à personne une grandeur supérieure à celle que Dieu lui avait permis de développer pour sa patrie. […] Mais, en attendant, regardons-le vivre les longs jours que Dieu lui avait destinés.

698. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Dieu ! […] Dieu ! […] Dieu est le maître d’ouvrir ou de rétrécir sa main à ses créatures ! […] Dieu ! […] que j’y ai passé de bons soirs à causer à l’ombre, avec vos braves pères, en buvant une goutte du bon jus de vos ceps et en bénissant san Francisco des dons de Dieu pour les cœurs simples ; mais à présent, continua-t-il, je ne repasserai jamais là sans maudire la perversité des méchants !

699. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Dieu lisait tout cela comme je l’ai lu moi-même dans le cœur de cette excellente mère, mais le monde cherche à voir les vertus même du mauvais côté. […] Mais, comme toujours, ces complaisants s’étaient trompés : le comte d’Artois avait juré au lit de mort de madame de Polastron, son dernier attachement, que nulle autre femme ne la remplacerait jamais dans son cœur, et qu’il allait donner ce cœur à Dieu seul. […] Ô martyre divin, supplice rédempteur, Sceptre du Tout-Puissant, Arbre dominateur Dont Dieu même jeta la racine féconde ; Étendard glorieux qui gouverne le monde, Symbole consolant, Croix sainte ! […] …………………………………………………… Fais que dans mes récits, déguisant leur faiblesse, La parole de Dieu conserve sa noblesse ! […] Quand la vie disparaît, toutes les petites passions disparaissent avec elle ; il ne reste que de grandes pensées sous des noms d’hommes ou de femmes, qui secouent la poussière du monde et qui contemplent leur néant en face de Dieu.

700. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Je crois que Dieu les femmes favorise : Car de quatre yeulx qui furent parjurez, Rouges les miens devindrent, sans faintise ; Les siens en sont plus beaulx et azurez. […] Elle le loue de sa clémence envers les révoltés de La Rochelle ; elle l’admire avec exaltation surtout pour sa loyale conduite et ses chevaleresques représailles envers Charles-Quint, son grand ennemi, lorsqu’il le fêta si royalement durant ce hasardeux passage à travers la France : L’Ytalien à grand peine l’a creu, Car la bonté, qui de Dieu est venue, De l’infidelle est tousjours incongnue. […] Or, dites-moi, qu’esse que Dieu demande ? […] Le Roy l’a faict, et si l’a accomply : Ce dont le cueur, s’il n’est de Dieu remply, Plustost mourroit que de s’y accorder. […] Comme mouvement bien sincère de piété non moins que de poésie, je signalerai un très-bel et très-vif élan de prière à Dieu, père de Christ (page 181) ; le jet de l’oraison s’y soutient d’un bout à l’autre ; c’est un curieux exemple de verve puritaine à cette époque.

701. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Que la pitié de la terre et la bénédiction de Dieu la suivent dans sa tombe ! […] Il faut bien, ajoutai-je lentement, que l’affliction soit de quelque profit aux hommes, puisque Dieu si bon a pu se résoudre à les affliger. » XV Ainsi finit le livre par une réflexion morose sur la vie, et par une réflexion juste et consolante, pleine de confiance en Dieu qui a fait ou permis la douleur. Ainsi se dessinent les deux caractères : l’un léguant ses désespoirs et ses rancunes à la postérité, l’autre remettant le passé et les peines de l’avenir à la bonté de Dieu ! […] J’avais un sentiment d’admiration et de pitié pour ces belles îles de l’Archipel, où fleurissent en hommes et en femmes la plus charmante jeunesse du monde ; mais je n’avais aucune haine pour Mahomet et pour ce peuple religieux, pasteur et guerrier, qui était venu à son temps balayer des vallées de Bithynie la corruption byzantine, et prêcher l’unité de Dieu, ce dogme des Arabes, à la place des superstitions ingénieuses de l’Église grecque qui touchent de si près à l’idolâtrie. […] Alors il prononça gravement et d’une voix haute ces deux vers de l’Iliade qu’on venait de lui donner à apprendre et à méditer pour sa leçon du lendemain : Ἀτρεἱδη, μἡ ψεὑδε’ ἐπιστἁμενος σἁφα εἰπειν, Οὐ γἁρ ἐπἱ ψεὑδεσσι πατἠρ Ζευς ἔσσετ’ ἁρωγὁς. — « Fils d’Atrée, ne mentez pas, vous qui savez si bien dire la vérité. — Car Dieu, notre père, ne sera jamais le soutien du mensonge. » « Et mon jeune lecteur, en épelant ces vers, se reprit, comme s’il eût été devant le pédagogue, pour me faire sentir l’accent du mot ψεὑδεσσι, mensonge, sur lequel d’abord il n’avait pas assez appuyé.

702. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Je suis parti dans cette intention ; et peut-être est-ce la volonté de Dieu, que, comme cette guerre a commencé par le sang de mon frère et par le mien, elle se termine aujourd’hui par mon intervention. […] Il remontait à Platon et à Dieu. […] Il passa de là aux harmonies sacrées où Dieu remplit tout, et me montra à moi-même la vraie route et le vrai but de toute poésie. […] « Vous êtes désormais consacré à Dieu et à l’Église, et pour cette raison vous devez constamment aspirer à être un bon ecclésiastique, et montrer que vous préférez l’honneur et l’état de l’Église et du saint-siége apostolique à toute autre considération. […] On le vit plus tard porter le défi au feu lui-même, et jurer qu’il n’oserait pas le consumer ; puis, retirer son défi et demander pour l’accomplir qu’il consumât son Dieu avec lui ; puis victime de ses honteuses tergiversations, périr sous la vengeance du peuple qu’il avait fasciné.

703. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Un Dieu bon, un Dieu méchant, une société guerrière, une société industrielle réclament de nous des gestes différents. […] Autant le monde régi par un Dieu parfait nous fixe avec précision des devoirs de respect et d’amour, autant le monde chaotique et dispersé que la réalité nous impose manque d’autorité morale. […] Et quelle ironie latente dans les pensées du philosophe qui ayant, sinon découvert, du moins mis en lumière mieux que personne avant lui, la lutte pour la vie et son mécanisme, se réjouit doucement en son cœur, et féliciterait volontiers le Dieu bon et sage d’avoir si ingénieusement assuré le développement des êtres ! […] Si elle ne va pas jusqu’à nous suggérer qu’un âne Pour Dieu qui nous voit tous est autant qu’un ânier, cependant elle nous laissera entendre que l’âne, l’ânier, et même les princes et les rois, et les savants, et les artistes, et les philosophes, quelles que soient les différences qui les séparent les uns des autres, sont peu de chose dans le monde et qu’il conviendrait mieux à leur nature de ne pas s’accabler entre eux de leur haine et de leurs dédains. […] Entre Dieu et lui, il multiplie les intercesseurs, les saints spéciaux, et les vierges locales.

704. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Dieu, c’est la catégorie de l’idéal. Ce Dieu est-il ou n’est-il pas ? […] Soyons frères, au nom de Dieu.

705. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

La faculté de faire des miracles passait pour une licence régulièrement départie par Dieu aux hommes 739, et n’avait rien qui surprît. […] La guérison des malades était considérée comme un des signes du royaume de Dieu, et toujours associée à l’émancipation des pauvres 746. […] Quand les démons veulent le proclamer fils de Dieu, il leur défend d’ouvrir la bouche ; c’est malgré lui qu’ils le reconnaissent 758.

706. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

» disait un jour le Régent à un de ces braves grenadiers de la haire et du froc, qui sont la gloire même des armées de Dieu. […] Grâce à Dieu, retiré, contre les pestes de son temps, dans ce lazaret d’un régiment, la dernière chose de l’ancienne monarchie qui ait été corrompue, s’il n’échappa point à tous les miasmes contemporains, ce qui est impossible à l’être perméable que l’on appelle l’homme le plus fort, il échappa du moins au plus grand nombre et aux plus dangereux. […] Dieu lui a épargné de vieillir, de porter longtemps cette force désespérée et vaine qui n’a pas d’autre emploi que de nous peser sur le cœur.

707. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

disait un jour le Régent à un de ces braves grenadiers de la haire et du froc, qui sont la gloire même des armées de Dieu. […] Grâce à Dieu, retiré, contre les pestes de son temps, dans ce lazaret d’un régiment, la dernière chose de l’ancienne monarchie qui ait été corrompue ; s’il n’échappa point à tous les miasmes contemporains, ce qui est impossible à l’être perméable que l’on appelle l’homme le plus fort, il échappa du moins au plus grand nombre et aux plus dangereux. […] Dieu lui a épargné de vieillir, de porter longtemps cette force désespérée et vaine qui n’a pas d’autre emploi que de nous peser sur le cœur.

708. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

« Prenez acte de ceci, — a-t-il dit à ses amis, — que je meurs en libre penseur », c’est-à-dire sans souci de Dieu, de l’âme et de sa destinée. Il a donc réalisé le terrible mot de Stendhal, qui était aussi de cette boutique de la Libre Pensée et qui mourut frappé d’apoplexie sur le pavé, sans que Dieu lui laissai le temps d’être inconséquent à son célèbre dire : « la pénitence est une sottise. […] — Vous rappelez-vous ces deux cités de saint Augustin, — la Cité de Dieu et la Cité du Diable, — ces deux camps tranchés et retranchés dont l’idée, à part la vérité théologique, serait encore une simplification sublime de l’histoire de l’humanité ?

709. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Il n’était plus qu’un gros chanoine de la cathédrale des lettres, si les lettres avaient une cathédrale, mais les drôlesses croient à peine en Dieu ! […] Cent ans pendant lesquels la Révolution, cette boueuse de Dieu, nettoya de son balai sanglant le sol souillé de la patrie ! […] Dieu soit béni, la chose est faite, comme je le dis.

710. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Au commencement, il n’aperçoit que Dieu et le monde, ou plutôt le monde en Dieu. Puis l’homme paraît entre le monde et Dieu, et bientôt Dieu, l’homme et le monde se confondent dans l’Être universel ; tout est Dieu. […] Pourquoi Dieu m’a-t-il envoyé sur la terre ? […] S’il y a quelque part un Dieu, il doit être juste. […] David, quel spectacle, grand Dieu !

711. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Il se confesse à Dieu, directement ; et il attend que Dieu, par un signe, lui donne permission d’aller à la sainte table. […] Le pauvre diable, à qui Dieu n’a point répondu, ne sait pas si Dieu l’approuve ou, du moins, lui pardonne. Il lui manque l’assurance de ne pas défendre Dieu malgré Dieu ; et, dans le doute qui le martyrise, il n’ose pas recevoir l’hostie. […] … Seulement, le héros, aux mains de Dieu, m’échappe. Ses mystiques prières vont de lui à Dieu, sans moi.

712. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Dieu sait à quoi je n’ai pas rêvé alors pour me procurer un appointement borné dans les derniers emplois du gouvernement ! […] On le disait jeune comme les prodiges qui n’ont point d’ancêtres, sauvage comme les prophètes qui ne ressortent que d’eux-mêmes et de Dieu, triste comme les immensités. […] Vous avez ce bonheur, que les trois quarts de la France et de l’Europe vous devancent dans la voie des expiations et qu’un héros vous précède ; vous ne pouvez douter que Bonaparte ne veuille s’allier à la religion tôt ou tard, pour rendre au peuple l’obéissance et pour mettre sous la sanction du Dieu des armées l’autorité dont il s’empare. […] Par quelle bouche Dieu parlerait-il au fils si ce n’est par celle de sa mère morte ? Il revint à Dieu, et, malgré un scepticisme quelquefois renaissant, il essaya de persévérer.

713. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

De foi intacte et fraîche encore, mais mondaine, assez enthousiaste pour se croiser, il ne saurait se désintéresser longtemps : il a des pensées positives dans le cœur, tandis que le service de Dieu est sur ses lèvres. […] Il lui plaît qu’on prenne la conquête de l’empire grec pour un accident singulier amené par une suite de circonstances fortuites et fatales : il n’a garde de confesser que du jour où Boniface devint le chef de la croisade, c’était fait de la défense des lieux saints et du service de Dieu ; il n’a garde de laisser entendre que les Vénitiens ne sont pas des fils dévoués de l’Eglise, et peuvent entretenir des rapports quelconques avec Abd el-Melek, le sultan d’Egypte. […] L’article essentiel de sa foi, c’est que Dieu peut prolonger la vie des hommes qui le prient. […] Il ne veut pas revenir, et qu’on puisse lui reprocher de n’avoir pas bien fait le service de Dieu. […] Ayant une fois tâté de la croisade, il en a assez, et quand saint Louis reprend la croix et l’engage à faire de même, il répond, avec plus de sens que de zèle, que le meilleur moyen de servir Dieu, pour un seigneur, c’est de rester sur ses terres, et de protéger ses gens.

714. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Polyeucte aime Pauline dès le début « cent fois plus que lui-même » ; près du martyr, il l’aimera Beaucoup moins que son Dieu, mais bien plus que lui-même. […] Lorsqu’il connaissait mal Dieu, Pauline était tout pour lui : l’œuvre de la grâce achevée, son amour est tout à Dieu, et ne retombe sur la créature que renvoyé sous forme de charité par l’amour même de Dieu. […] Mais Polyeucte, converti, rebelle, martyr, lui révèle un héroïsme supérieur, tandis que la situation accuse les parties vulgaires de l’amour de Sévère : l’amour de Pauline se transportera donc à Polyeucte, d’où il s’élancera jusqu’à la souveraine perfection, jusqu’à Dieu.

715. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Plein de ces désolantes idées, mon cœur était abattu et s’adressait tout bas à Dieu que je venais de retrouver, et qu’à peine connaissais-je encore. […] J’ai mangé d’un succulent potage, deux côtelettes panées à la minute, l’œil et les abat-joues de cette tête de veau si blanche, ce morceau de brochet du côté de l’ouïe que vous m’avez servi vous-même : je n’ai rien refusé parce qu’il faut que la volonté de Dieu et des jolies femmes soit faite ; j’ai fait honneur aux trois services : en un mot, j’ai dîné, moi indigne, comme aurait pu le faire un ancien prélat, et voilà cependant (ici les pleurs redoublent) que je songe à quelles cruelles privations sont exposés tant de pauvres prêtres sans dîmes, de chanoines sans bénéfices, qui n’ont peut-être pas une omelette au lard, et qui dîneront mal d’ici à l’éternité, si la Providence ne vient à leur secours. […] … Mais, je vous en conjure, seulement un doigt de liqueur (vous en avez des Îles)… Je prie Dieu de leur donner tous les jours la même patience qu’à moi : elle est devenue bien rare pour supporter tant de tribulations… De la crème des Barbades, si vous voulez bien… J’en connais de bien respectables… — Au reste, la vie du chrétien n’est que tribulation, et je ne dois pas murmurer contre la volonté du ciel : je vous suis. » La scène est bonne ; elle est chargée : mais qu’importe ? […] J’ai été trompé de toutes manières par celle à qui je ne voulais faire que du bien, et Dieu s’est servi d’elle pour me punir du mal que j’avais fait à d’autres. […] Marie-Joseph Chénier, vers ce temps aussi, publia sa satire, Les Nouveaux Saints, dans laquelle La Harpe joue un grand rôle, et où on lui fait dire : Avant Dieu, j’ai jugé les vivants et les morts.

716. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

La ballade, à peine altérée en passant de bouche en bouche, le raconte au long : Ors, écoutez naïve histoire, Histoire des jours d’autrefois, Quand chevaliers aimaient la gloire, Dieu, les dames et les tournois. […] Les preux, que la fureur transporte, Les poursuivent vers Entreporte, Noir défilé que Dieu creusa   Aux flancs du Jura.

717. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

Joachim Gasquet Goethe a dit : « L’homme est un entretien de la nature avec Dieu ». […] Pierre Quillard M. de Bouhélier a le droit d’écrire, sans nous suggérer d’ironie, « Dieu et le brin de paille », parce que rien ne s’offre à lui que sous les espèces du pathétique ; il sait fort bien reconnaître dans le paysan qui jette le blé au sillon une manière de héros, et telles pages, Le Départ après les moissons, indiquent simplement et sûrement la très ancienne tragédie des adieux sans retour.

718. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Puis revient le chapitre de Dieu. […] On a marché sur son Dieu, on a craché sur son hostie. […] C’est peut-être pour cela que Dieu nous a fait deux. […] Dieu lui-même n’en a pas la certitude. […] Mais voici Gautier qui, à propos du livre de Renan, auquel il reproche l’entortillage de ce Dieu qui n’est pas Dieu et qui est plus que Dieu, fait le livre, selon lui, qu’il fallait faire sur Jésus-Christ.

719. (1927) Des romantiques à nous

Une doctrine qui attend des purs mouvements de la sensibilité qu’ils nous élèvent si haut, au bien, à Dieu, est foncièrement optimiste. […] Renan veut dire, m’explique-t-il, qu’il a élargi la notion de Dieu qui ne saurait jamais l’être trop. […] Berdaïeff sur « l’humanité qui se sépare de Dieu » pourraient s’appliquer avec quelque précision. […] Aux débuts de l’école laïque, on inscrivit dans ses programmes l’idée de Dieu et des devoirs envers Dieu, facteur commun des confessions chrétiennes et de la religion judaïque. […] Dieu sait que rien ne lui ressemblait moins.

720. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Après l’amour, après l’amitié absolue, sans arrière-pensée ni retour ailleurs, tout entière occupée et pénétrée, et la même que nous, il n’y a que la mort ou Dieu. […] On sent qu’on a vécu jusque-là dans l’illusion et le mensonge ; qu’on s’est nourri de viandes en peinture ; qu’on n’a pris de la vertu que l’ajustement et la parure, et qu’on en a négligé le fond, parce que ce fond est de rapporter tout à Dieu et au salut, et de se mépriser soi-même en tout sens, non par une vanité plus sage et par un orgueil plus éclairé et de meilleur goût, mais par le sentiment de son injustice et de sa misère. » Le reste de la lettre est également admirable, et de ce ton approprié et pressant. — Ainsi, vous qui avez rêvé, cessez vos rêves ! Vous qui vous estimiez vraie entre toutes, et que le monde flattait d’être telle, vous ne l’étiez pas ; vous ne l’étiez qu’à demi et qu’à faux : votre sagesse sans Dieu était pur bon goût !  […] … Elle a eu raison pendant sa vie, et elle a eu raison après sa mort, et jamais elle n’a été sans cette divine raison, qui étoit sa qualité principale… Elle n’a eu aucune connoissance pendant les quatre jours qu’elle a été malade… Pour notre consolation, Dieu lui a fait une grâce toute particulière, et qui marque une vraie prédestination : c’est qu’elle se confessa le jour de la petite Fête-Dieu, avec une exactitude et un sentiment qui ne pouvoient venir que de lui, et reçut Notre-Seigneur de la même manière. Ainsi, ma chère madame, nous regardons cette communion, qu’elle avoit accoutumé de faire à la Pentecôte, comme une miséricorde de Dieu, qui nous vouloit consoler de ce qu’elle n’a pas été en état de recevoir le viatique. » — Ainsi mourut et vécut dans un mélange de douceur triste et de vive souffrance, de sagesse selon le monde et de repentir devant Dieu, celle dont une idéale production nous enchante.

721. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Quand l’homme est juste, Dieu est grand ! […] N’allez pas vous méprendre ni accuser de singularité cette vocation qu’Audubon avait reçue de Dieu même. […] Chaque année produisait une immense quantité de détestables dessins, que je condamnais au feu, le jour de leur naissance ; et Dieu sait quel incendie ces monceaux de papier barbouillé allumaient dans le foyer paternel ! […] Dieu bénit mon union ; les soins du ménage, la tendresse que je ressentais pour ma femme et la naissance de deux enfants ne diminuèrent pas ma passion ornithologique. […] Je regrettai mes bois, la dépense de ce long voyage ; et mon entreprise, qui m’avait paru aventureuse jusqu’à l’héroïsme, me sembla téméraire jusqu’à la démence ; mais Dieu soit loué ! 

722. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

De là Dieu et une autre vie. […] Dieu, le monde, l’ame, l’existence future, sont des objets qui provoquent sans cesse la curiosité de l’esprit humain, et auxquels il revient sans cesse, car notre nature se sent dégradée lorsqu’elle les néglige. […] Et il indique les argumens en faveur de l’existence de Dieu, de la liberté, de l’immortalité que donnait l’ancienne métaphysique, et ceux que la nouvelle mettra à leur place ; il soutient que la critique peut bien nuire au monopole de l’école, mais non pas à l’intérêt du genre humain, puisqu’elle-même répare les ruines qu’elle opère. […] Quand on dit qu’il faut partir du monde extérieur pour arriver à l’homme, des sens pour arriver à l’intelligence, ou bien lorsque l’on pose tout d’abord l’existence de Dieu et que l’on en déduit l’homme et le monde, des deux côtés égale erreur. […] Il y a, selon Kant, une métaphysique naturelle qui a toujours été, qui sera toujours, à savoir l’ardente curiosité de voir clair dans des questions que l’intelligence humaine se propose éternellement ; ces questions sont Dieu, l’ame, le monde, son éternité ou son commencement, etc.

723. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

En ce danger il s’adressa à Dieu, et, s’étant relevé sain et sauf, il sentit le désir de se donner tout entier à celui à qui il devait le salut. […] Certes, elle aimerait mieux la paix qu’un tel éclat ; elle se déclare innocente ; elle est prête à en passer par l’épreuve ou de l’eau froide ou du fer chaud ; elle jure par tous les saints, par le Dieu tout-puissant, que Renart lui fut toujours étranger. […] s’écrie-t-il en s’adressant dans son transport à dame Hersent, gentille baronnesse, plût à Dieu qu’aussi loyale fût mon ânesse, Et Chien et Loup et autres bêtes, Et toutes femmes comm’ vous êtes ! […] … Mais, chez le vieux trouvère, dame Pinte ne plaisante pas ; elle s’avance la première et donne le ton à toutes les autres de sa suite, qui s’écrient avec elle tout d’une haleine : « Pour Dieu !

724. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Renart reconnut bien la bête à cette maladresse : il en secoue deux fois la tête, se lève pour mieux voir, et avise là-haut Tiècelin qui était son compère d’ancienne date, tenant le bon fromage entre ses pieds : Par les saints de Dieu, que vois-je là ? […] Dieu vous sauve, sire compère ! […] Renart le pousse de plus en plus, car il s’agit de l’enivrer tout à fait : « Dieu ! […] Il commence et il finira par prier le Dieu qui mourut en croix d’avoir pitié des âmes de tous ceux qui combattirent ce jour-là, et qui sont morts la plupart au moment où lui, trouvère, il raconte : tous tant qu’ils sont, soit Bretons, soit Anglais, il ne les sépare point dans sa prière.

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