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660. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 104-107

Il sera toujours flatteur pour un Ecrivain quelconque de se voir ainsi critique ; & nous devons rendre cette justice aux Zélateurs de la Philosophie, qu’ils nous ont souvent procuré cette consolation. […] Nous ajouterons enfin, qu’il n’eût pas dû sur-tout confondre parmi les Ecrivains des Trois Siecles de notre Littérature, depuis François I jusqu’à nos jours, Guillaume de Lorris & Clopinel, qui vivoient dans le treizieme siecle ; encore moins faire un Auteur distingué du prétendu M.

661. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Mais ici, autour de l’idée principale, venaient naturellement se grouper une foule de questions accessoires que l’auteur a négligées et que provoquait l’esprit de l’époque : jusqu’à quel point est légitime et approuvé par le goût cet emprunt d’images étrangères ; en quoi il peut réellement consister ; si c’est en bravant l’harmonie par une foule de mots barbares tirés d’idiomes encore grossiers, ou en reproduisant simplement une pensée naïve, une coutume touchante d’un jeune peuple, si c’est en s’emparant sans discernement des êtres créés dans des mythologies étrangères, ou en ne s’enrichissant que des allégories ingénieuses et faites pour plaire en tous lieux, que le poète imitateur méritera dignement de la littérature nationale ; ou encore, s’il n’y a pas l’abus à craindre dans ce recours trop fréquent à des descriptions de phénomènes ; si Delille, Castel, que l’auteur cite souvent, et les écrivains de cette école qu’il paraît affectionner, s’en sont toujours gardés ; si enfin il n’y a pas souvent cet autre danger non moins grave à éviter, de parler à la nation d’une nature qu’elle ne comprend pas, d’en appeler à des souvenirs qui n’existent que pour l’écrivain, et réduire l’homme médiocrement éclairé à consulter Buffon ou Cuvier pour entendre un vers. […] On dirait que l’auteur a prévu cette objection, et dans deux épisodes très-remarquables, il a comme essayé de se rapprocher du genre de ces deux grands écrivains.

662. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Voici un écrivain qui semble se détacher tout à fait du passé. […] Jamais caractère d’écrivain ne fut plus en contradiction avec son œuvre. […] La langue des couleurs est très riche chez lui : il ne nous donne pas simplement du rouge, comme la plupart des écrivains avaient fait avant lui ; mais il a toute une gamme de rouges : incarnat, ponceau, carmin, pourpre, vermillon, corail.

663. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

Quand un auteur s’est trompé, on le reprend honnêtement ; & lorsqu’il y a du ridicule dans un livre on le tire avec tant de circonspection, que l’écrivain peut seulement se le reprocher à lui-même. […] Divers écrivains connus, tels que s’Gravesande, Sallengre, Van-effen, St. […] Son style est vif, clair, naturel, & assaisonné du sel de la critique ; il avoit surtout une adresse cruelle & singuliére à donner le change aux auteurs mêmes qu’il critiquoit ; & tel écrivain a été le remercier d’une louange ingénieusement équivoque, qui s’est ensuite apperçu qu’il s’étoit laissé honteusement tromper par son style à deux faces.

664. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

L’écrivain ne jugea pas à propos de réitérer. […] Je ne sais pas d’écrivain plus inégal que M.  […] Cette fois, la personnalité de l’écrivain s’affirmait. […] Savez-vous beaucoup d’écrivains de qui l’on en puisse dire autant ? […] le génie du jeune écrivain.

665. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Comme écrivain de marque, M. de Maistre ne se produisit qu’après l’âge de quarante ans. […] Son talent d’écrivain sortit tout brillant et coloré du milieu de ses fortes études, comme un fleuve déjà grand s’élance du sein d’un lac austère. […] si j’avais un pistolet, ce serait autre chose, je pourrais craindre l’accident. » Mais c’est à l’écrivain qu’il nous faut revenir et nous attacher. L’écrivain pourtant ne serait pas assez expliqué dans toutes les circonstances, si nous ne nous occupions encore de l’homme. […] M. de Maistre me paraît, de tous les écrivains, le moins fait pour le disciple servile et qui le prend à la lettre : il l’égaré.

666. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Ainsi, l’effort qu’il nous demande, cet écrivain le récompense. […] Le devoir de l’écrivain : surtout, le devoir de l’écrivain français, quand toute notre littérature est un emblème de clarté. […] Mais aussi, la critique subit le tort des écrivains. […] Et, parmi les écrivains de notre époque, M.  […] La vraie élégance est, pour un écrivain, d’écrire bien.

667. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franc-Nohain (1873-1934) »

Car, enfin, ce n’est pas l’usage de prendre, sans y être autorisé, la signature d’un écrivain, cet écrivain fût-il un oncle.

668. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La doctrine symboliste » pp. 115-119

Cette question de l’origine, qui est négligeable quand il s’agit de peser la valeur d’un écrivain, devient importante quand il s’agit d’expliquer les faits et de justifier certaines hérésies. […] Ce vœu de négliger les muettes dans le corps du vers répugne à notre tempérament analytique, et c’est Ronsard qui a raison quand il écrit : Mari-e, vous avez la joue aussi vermeille Qu’une rose de mai… Encore ne faut-il pas considérer comme étrangers les écrivains de race gréco-latine (Pélasges).

669. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre premier. Du Christianisme dans la manière d’écrire l’histoire. »

L’écrivain religieux peut seul découvrir ici un profond conseil du Très-Haut : Si les puissances coalisées n’avaient voulu que faire cesser les violences de la Révolution, et laisser ensuite la France réparer ses maux et ses erreurs ; peut-être eussent-elles réussi. […] De plus, il y a dans le nom de Dieu quelque chose de superbe, qui sert à donner au style une certaine emphase merveilleuse, en sorte que l’écrivain le plus religieux est presque toujours le plus éloquent.

670. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre II. Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. »

Causes générales qui ont empêché les écrivains modernes de réussir dans l’histoire. — Première cause : beautés des sujets antiques. Il se présente ici une objection : si le christianisme est favorable au génie de l’histoire, pourquoi donc les écrivains modernes sont-ils généralement inférieurs aux anciens dans cette profonde et importante partie des lettres ?

671. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Au risque d’aggraver mon tort, j’ajoute que les plus grands de ces écrivains sont ceux où je me trouve le plus souvent de ma personne. […] Vous avez quelques belles parties de l’écrivain, l’élégance, le nombre, les nuances, et, — le mot n’est-il pas de vous ? […] Si vous en aviez plus souvent la bonne fortune, on dirait de vous : « Celui-là est un écrivain !  […] Mais vous n’évitez rien avec plus de soin que ce qui fait l’écrivain original. […] J’y visa toutes les pages les sentiments de l’homme de bien, et j’y trouvai dans plus d’une le talent de l’écrivain.

672. (1885) L’Art romantique

Chaque écrivain est plus ou moins marqué par sa faculté principale. […] Quelques-uns, même parmi les écrivains, peuvent ne pas partager mon opinion. […] Proudhon est un écrivain que l’Europe nous enviera toujours. […] Voilà un écrivain. […] un auteur charmant, bon, consolant, faisant le bien, un grand écrivain !

673. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 34-39

Ce n’est pas exagérer son mérite, que de dire qu’il étoit un des Ecrivains les plus polis & les plus éclairés du siecle dernier. […] Le plus connu des Ouvrages de cet Ecrivain presque oublié, est l’Histoire générale de la France, durant les deux premieres Races de nos Rois, en deux vol.

674. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 467-471

Patru a éprouvé, est l’image de celui qui est réservé à plusieurs Ecrivains de nos jours, dont la renommée n’est que le fruit des préventions d’une infinité d’esprits incapables de juger & d’estimer autrement que sur parole. […] Plusieurs Ecrivains, déifiés par le préjugé ou l’esprit de parti, commencent à voir diminuer leur culte, & à retomber sur terre, du haut du piédestal sur lequel on les avoit élevés.

675. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Préface »

Elle n’avait pas lu la préface générale, placée à la tête du premier volume des Œuvres et des Hommes (le volume des Philosophes et des Écrivains religieux), ou si elle l’avait lue, elle ne s’en souvenait plus, car il est dit positivement dans cette préface, que pour être plus dans le mouvement de son temps, l’auteur laisserait là toute exposition artificielle ou chronologique, et ne partirait jamais, tout en embrassant le siècle tout entier, dans un nombre indéterminé de volumes, que des publications contemporaines ou des réimpressions par lesquelles on atteint à tous les moments du passé et à tous les hommes qui y ont laissé une place durable ou éphémère… Avec ce système, il y a des attentes, il n’y a pas d’oublis ! […] Ce dernier n’était que parmi les écrivains religieux, — comme sermonnaire.

676. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Depuis qu’on pouvait le mesurer à terre, il ne restait de lui qu’un honnête homme, un philosophe ténébreux, un fastidieux écrivain, la ruine d’une illusion d’homme d’État. […] Nul député, nul écrivain n’exprimera librement sa pensée s’il peut être banni quand sa franchise aura déplu ; nul homme n’osera parler avec sincérité, s’il peut lui en coûter le bonheur de sa famille entière. […] Mais l’âme, tantôt virile, tantôt féminine de madame de Staël, en inonde les pages d’une si magique et d’une si touchante poésie de cœur et de style, qu’on oublie le livre pour admirer l’écrivain. […] Peu d’écrivains de cette époque se firent scrupule d’adorer au moins d’une génuflexion et d’un enthousiasme le maître de la force. […] Le style de l’écrivain de l’Allemagne était partout à la hauteur de cette pensée ; c’était un chant plutôt qu’un style.

677. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

a dit un grand écrivain et un grand honnête homme… Eh bien ! […] Dans ces deux volumes, comme dans les précédents, c’est toujours le même homme et le même écrivain que M.  […] En effet, puisqu’un écrivain comme M.  […] Qui ne sait l’outrance de la pensée de l’écrivain qui a écrit le Prêtre, la Femme et la Famille ? […] Quant à l’historien de saint Dominique, le faux romancier de Marie-Madeleine et l’écrivain, partout ailleurs que dans ces conférences, d’une si étonnante médiocrité, ils ont trouvé tous les trois la gloire qui leur convenait, en entrant à l’Académie.

678. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

J’étudierai séparément les impuissants parqués dans la critique et les écrivains qui font aussi de la critique : les juges et les jurés. […] D’ailleurs, vous avez peut-être raison de ne jamais parler des vrais écrivains. […] S’il voulut sincèrement faire œuvre vivante et ramener de l’oubli un écrivain de second ordre qui eut des frémissements de vraie poésie, je le félicite de son intention. […] L’aimable écrivain et délicieux à aborder, car son « gros et lourd assemblage de phrases boursoufflées et engorgées de superlatifs » s’efforce d’être, non point, comme chez les modernes universitaires, du vulgaire français, mais du grec, du grec, ma sœur ! […] Il vaut aussi par l’esprit ingénieux qui s’y déploie, par l’écrivain qui y « porte son manteau avec grâce et en homme libre ».

679. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Si quelque écrivain nous apparaît, dans sa conduite et dans toute sa personne, violent, déraisonnable, choquant au bon sens, aux convenances les plus naturelles, il peut avoir du talent (car le talent, un grand talent, est compatible avec bien des travers), mais soyez sûrs qu’il n’est pas un écrivain de la première qualité et de la première marque dans l’humanité. […] Il y a eu déplacement dans le niveau de l’approbation publique, en même temps que le point d’honneur de l’écrivain s’est lui-même déplacé, et que son ambition a sensiblement descendu. […] De cette disposition bien avouée et convenue entre nous, de ce que, tout en profitant de notre mieux des instruments, un peu onéreux parfois, de la critique nouvelle, nous retiendrons quelques-unes des habitudes et les principes mêmes de l’ancienne critique, accordant la première place dans notre admiration et notre estime à l’invention, à la composition, à l’art d’écrire, et sensibles, avant tout, au charme de l’esprit, à l’élévation ou à la finesse du talent, vous n’en conclurez pas, messieurs, que nous serons nécessairement, à l’égard des livres et des écrivains célèbres, dans la louange monotone, dans une louange universelle. […] Nous tâcherons donc, messieurs, de ne pas admirer plus qu’il ne faut, ni autrement qu’il ne faut ; — de ne pas tout donner à un siècle, même à un grand siècle ; de ne pas tout mettre à la fois sur quelques grands écrivains. […] Il se pourra quelquefois que, dans cette quantité d’appréciations, d’estimations successives, où je mettrai tout mon soin, nous différions un peu de mesure, qu’il y ait des cas où vous me trouviez moins vif que vous ne comptiez, et que vous admiriez plus que moi certaines qualités de nos écrivains ; je serai heureux d’être en cela comme en d’autres choses, dépassé par vous.

680. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Le Saint-Simonisme, M. de Balzac pour sa part, l’illustre écrivain qui s’intitule George Sand pour la sienne, ont été instruments et organes de ce changement survenu, non pas dans les mœurs, mais dans l’expression des mœurs. […] Comme poëte, comme artiste, comme écrivain, on a souvent rabaissé sa qualité de sentiment, sa manière de faire ; il a eu peine à se pousser, à se classer plus haut que la vogue, et malgré son talent redoublé, malgré ses merveilleuses délicatesses d’observation, à monter dans l’estime de plusieurs jusqu’à un certain rang sérieux. […] Nous tâcherons de l’analyser avec quelque détail, et, même dans nos plus grandes sévérités de jugement, de marquer l’attention qu’on doit à un écrivain actif, infatigable, toujours en effort et en rêve de progrès, qui nous a charmé mainte fois, et dont nous saluons volontiers en bien des points la supériorité naturelle. […] Certains côtés délicats et sensibles auraient pu être touchés avec art ; mais l’écrivain, pur épicurien, n’y est pas arrivé encore. […] Enfin, il y a en grammaire une faute insoutenable qu’il pratique constamment et par système ; au rebours des écrivains d’aujourd’hui qui ont mis le son, sa, ses, partout, qui disent à propos d’un fait et d’une observation lui et elle, M. de Balzac ne connaît que le en : ainsi, dans les Célibataires, toutes les fois que l’abbé Birotteau était entré chez le chanoine Chapeloud il en avait admiré l’appartement et les meubles.

681. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Les admirations contemporaines les plus unanimes et les mieux méritées ne peuvent rien contre ; la résignation la plus humble, comme la plus opiniâtre résistance, ne hâte ni ne retarde ce moment inévitable, où le grand poëte, le grand écrivain, entre dans la postérité, c’est-à-dire où les générations dont il fut le charme et l’âme, cédant la scène à d’autres, lui-même il passe de la bouche ardente et confuse des hommes à l’indifférence, non pas ingrate, mais respectueuse, qui, le plus souvent, est la dernière consécration des monuments accomplis. […] Ce petit chef-d’œuvre échappé en un jour de bonheur à l’abbé Prévost, et sans plus de peine assurément que les innombrables épisodes, à demi réels, à demi inventés, dont il a semé ses écrits, soutient à jamais son nom au-dessus du flux des années, et le classe de pair, en lieu sûr, à côté de l’élite des écrivains et des inventeurs. […] L’écrivain qui nous l’a peinte restera apprécié dans le calme, comme étant arrivé à la profondeur la plus inouïe de la passion par le simple naturel d’un récit, et pour avoir fait de sa plume, en cette circonstance, un emploi cher à certains cœurs dans tous les temps. […] La littérature anglaise y est jugée fort au long dans la personne des plus célèbres écrivains ; on y lit des notices détaillées sur Roscommon, Rochester, Dennys, Wicherley, Savage ; des analyses intelligentes et copieuses de Shakspeare ; une traduction du Marc-Antoine de Dryden, et d’une comédie de Steele. […] C’est un écrivain du xviie  siècle dans le xviiie , un l’abbé Fleury dans le roman ; c’est le contemporain de Le Sage, de Racine fils, de madame de Lambert, du chancelier Daguesseau ; celui de Desfontaines et de Lenglet-Dufresnoy en critique.

682. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Mais vous, vous n’êtes guère poli et je crois d’ailleurs que vous exagérez. » On m’a raconté qu’il disait un jour : « Depuis que je suis au monde, j’entends un tas de gens dire qu’ils sont agacés ; moi, je ne sais pas ce que c’est : je n’ai jamais été agacé de ma vie. » Écrivain, il a au plus haut point le naturel et la clarté, car il ne parle jamais que dès choses qu’il « conçoit » parfaitement. […] Sarcey est un des très rares écrivains vraiment gais que nous ayons aujourd’hui ? […] Les mots importants, significatifs, doivent se détacher, être comme « lancés », non seulement par l’acteur, mais d’abord par l’écrivain, de façon à passer la rampe. « Il y a un style de théâtre comme il y a un style d’oraison funèbre, un style de traité de philosophie, un style de journal. » Souvent la situation initiale suppose des événements antérieurs qui ont quelque chose d’extraordinaire et d’invraisemblable. […] Quelques-uns des dramaturges de notre temps peuvent être de bons écrivains ; mais nos plus grands artistes, ceux qui nous communiquent la plus forte impression de vérité et de beauté ne sont pas au théâtre. […] c’est le métier de l’écrivain dramatique. » — « La scène est superbe, écrit-il à propos de la Tour de Nesle, absurde si l’on veut parce qu’elle est d’une invraisemblance monstrueuse, mais superbe ! 

683. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Mais nos âmes vont se modifiant et, par suite, l’idée que nous nous formons des grands écrivains et des grands artistes et l’émotion qu’ils nous donnent ne sont point les mêmes aux diverses époques de notre vie : faut-il rappeler une vérité si simple ? […] Déjà Victor Hugo était le seul de nos grands écrivains dont le cercueil eût été exposé sous l’Arc de Triomphe, le seul qui eût été inhumé au Panthéon, le seul dont les œuvres posthumes eussent eu les honneurs d’une récitation publique à la Comédie-Française. […] Est-ce à l’écrivain populaire ? […] Depuis le divorce consommé au seizième siècle entre la multitude et les lettrés, les grands écrivains n’ont été populaires chez nous que rarement et par accident. […] Mais sans doute — et bien que le peuple ne puisse le comprendre entièrement — c’est au poète que s’adressent ces hommages que nul autre écrivain n’a jamais reçus.

684. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Tous, je m’en fais garant, ont, d’eux-mêmes, douté d’une spéciale largesse de la nation en faveur de leur personne — soit, qu’aient éclairé de sublimes écrivains morts, à vente certaine : mais, l’habitude acquise et une distraction prolongée au maniement de vastes affaires ! […] Tout le monde sait et je rappelle sans détails, qu’un dispositif, unique en la législation, limite à cinquante ans, après la mort des écrivains, le revenu attribué à leurs ouvrages. […] Style, versification s’il y a cadence et c’est pourquoi toute prose d’écrivain fastueux, soustraite à ce laisser-aller en usage, ornementale, vaut en tant qu’un vers rompu, jouant avec ses timbres et encore les rimes dissimulées ; selon un thyrse plus complexe. […] Les grands, de magiques écrivains, apportent une persuasion de cette conformité. […] Tel un avis ; et, incriminer de tout dommage ceci uniquement qu’il y ait des écrivains à l’écart tenant, ou pas, pour le vers libre, me captive, surtout par de l’ingéniosité.

685. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Puis il m’accrocha, et me saisissant le bras gauche, il s’écria : « Oui, oui, le voilà bien, ce glorieux manchot, ce fameux tout, cet écrivain si gai, ce consolateur des muses !  […] Un aimable écrivain qui, sans se laisser oublier ici, a su depuis quelques années se naturaliser en Espagne, M.  […] Le même écrivain français a pris soin de nous traduire une pièce de vers, en grande partie inédite et récemment retrouvée, de Cervantes. […] Jugeant en parfaite connaissance de cause les écrivains espagnols, Saint-Évremond disait : « Il y a peut-être autant d’esprit dans les autres ouvrages des auteurs de cette nation que dans les nôtres ; mais c’est un esprit qui ne me satisfait pas, à la réserve de celui de Cervantes en Don Quichotte, que je puis lire toute ma vie sans en être dégoûté un seul moment. […] Antoine de Latour (1 vol. in-18, Michel Lévy). — Il y a évidemment une erreur de date lorsque le livre de M. de Latour parle du 274e anniversaire de la mort de Cervantes ; c’est sans doute le 247e qu’il faut lire. — Autre reproche plus grave : pourquoi cet écrivain, que j’appelle aimable, se fait-il aigre en quelques endroits ?

686. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Cependant on a distingué certaines espèces de métaphores13, dont il est assez aisé de donner la formule : ce sont celles où l’idée que l’on a dans l’esprit, et celle dont on applique l’expression à la première, sont entre elles dans un rapport simple, nettement défini, permanent même, et dépendant le moins possible de la fantaisie de l’écrivain, connu de tous ou facilement perceptible à tous. […] C’est pourquoi nos écrivains ne se soucient plus guère de les employer, et l’on a renoncé à dire Cérès pour du pain, Neptune pour la mer, et Bellone, pour la guerre. […] Cette confusion des métaphores et des termes propres n’est pas propre aux écrivains de notre siècle. […] Les métaphores n’ont pas besoin d’être préparées, ni annoncées par l’écrivain, mais comprises par le public ; et elles sont suffisamment amenées, dès qu’on les rend claires et justes. […] Il faut donc que la périphrase à cette parfaite transparence ajoute quelques avantages positifs, qu’elle présente des idées et des images intéressantes, convenables, et dont le retranchement mutilerait la pensée de l’écrivain.

687. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

. — Il est absurde et scandaleux qu’une compagnie proprement littéraire et qui, par définition, doit compter « dans son sein » les meilleurs écrivains du temps, soit à ce point encombrée de médiocrités, et il y a pas mal de ces bonshommes à qui on aurait envie de fourrer dans les narines les branches de persil qu’ils portent sur leur collet ? […] Car, enfin, on avait bien vu des hommes de lettres conspuer l’Académie dans leur jeunesse, quand elle ne songeait pas à eux, et y entrer dans leur âge mûr ; mais on n’avait jamais vu, que je sache, un écrivain, n’ayant qu’un signe à faire pour y entrer, déclarer publiquement qu’il ne voulait pas en être, et, l’Académie lui ayant pardonné, renouveler cette impertinente déclaration. […] cet homme dont le premier roman a été précisément couronné par l’Académie, cet écrivain de vie si bourgeoise et qui est notoirement un si bon père de famille   Tsigane, oui. […] C’est un écrivain infiniment curieux. […] Il est, je crois, l’écrivain le plus sincèrement « réaliste » qui ait été.

688. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Thiers, j’ai osé toucher à Napoléon législateur et conquérant ; aujourd’hui, à propos de ces nouveaux Mémoires très authentiques, publiés il y a deux ans par les fils du général Bertrand et restés, je ne sais pourquoi, inaperçus, je voudrais dire quelque chose de Napoléon écrivain et l’un des maîtres de la parole. […] J’ai connu des gens de goût, mais d’un goût restreint et nourri à l’ombre du cabinet, qui, en jugeant Napoléon pour son talent de parole, en étaient restés sur cette première impression : Daunou, par exemple, écrivain d’un style pur, châtié et orné. […] J’ai nommé Pascal : c’est peut-être l’écrivain moderne duquel se rapproche le plus, pour la trempe, la parole de Napoléon, quand celui-ci est tout entier lui-même. […] Thiers, dans le premier article qui ait été fait sur Napoléon écrivain (Le National du 24 juin 1830), a bien cité le portrait de Masséna, qui est dans le même style ! […] Et puisque j’en suis à indiquer les bons juges qui ont déjà parlé de Napoléon écrivain, je n’oublierai pas M. 

689. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Les écrivains de ces âges plus ou moins classiques n’écrivaient qu’avec leur pensée, avec la partie supérieure et tout intellectuelle, avec l’essence de leur être. Aujourd’hui, par suite de l’immense travail que l’écrivain s’impose et que la société lui impose à courte échéance, par suite de la nécessité où il est de frapper vite et fort, il n’a pas le temps d’être si platonique ni si délicat. La personne de l’écrivain, son organisation tout entière s’engage et s’accuse elle-même jusque dans ses œuvres ; il ne les écrit pas seulement avec sa pure pensée, mais avec son sang et ses muscles. La physiologie et l’hygiène d’un écrivain sont devenues un des chapitres indispensables dans l’analyse qu’on fait de son talent. […] est un plus grand, plus sûr et plus ferme écrivain que M. de Balzac ; elle ne tâtonne jamais dans l’expression.

690. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Tel est le rôle du grand Frédéric dans l’histoire ; mais, au fond, ses goûts secrets ou même très peu secrets, ses réelles délices étaient de raisonner en toute matière, de suivre ses pensées de philosophe, et aussi de les jeter sur le papier, soit au sérieux, soit en badinant, comme rimeur et comme écrivain. […] Un jour, Voltaire a le front de lui dire que lui, Frédéric, écrit mieux le français que Louis XIV, que Louis XIV ne savait pas l’orthographe, et autres misères de ce genre ; comme si Louis XIV n’avait pas été un des hommes de son royaume qui parlât le mieux, et comme si l’une des plus grandes louanges à donner à l’excellent écrivain Pellisson, ce n’était pas d’avoir été en plus d’un cas le digne secrétaire de Louis XIV. […] Son instruction était le plus volontiers tournée à la morale pratique et à l’application sociale ; en cela il se rapprochait de Voltaire, qui était aussi pratique lui-même qu’un écrivain peut l’être, et il aurait pu dire comme lui : « Je vais au fait, c’est ma devise. » De la littérature allemande, il en est à peine question avec Frédéric ; il en sent très bien les défauts, qui étaient encore sans compensation à cette date, la pesanteur, la diffusion, le morcellement des dialectes, et il indique quelques-uns des remèdes. […] Ici, c’est Frédéric qui est le vrai philosophe, le vrai citoyen de la société moderne, et qui lui répond : Je sais qu’un Français, votre compatriote, barbouille régulièrement par semaine deux feuilles de papier à Clèves ; je sais qu’on achète ses feuilles, et qu’un sot trouve toujours un plus sot pour le lire ; mais j’ai bien de la peine à me persuader qu’un écrivain de cette trempe puisse porter préjudice à votre réputation. […] Laissons, au sujet de Frédéric, ces noms tant redits et qui veulent être injurieux ou flatteurs, ces noms trop contestables de l’empereur Julien et de Marc Aurèle ; n’allons pas, d’un autre côté, chercher le nom de Lucien, dont il n’offrirait que des parodies et des travestissements étranges ; et, si nous voulons le désigner classiquement, définissons-le dans ses meilleures parties un écrivain du plus grand caractère, dont la trempe n’est qu’à lui, mais qui, par l’habitude et le tour de la pensée, tient à la fois de Polybe, de Lucrèce et de Bayle.

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