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1212. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Les poètes et les musiciens, loin d’être des êtres très intelligents (c’est-à-dire qui contrôlent leurs gestes), sont comme les représentants attardés d’une primitive humanité, où le langage n’était pas dissocié de la musique. […] Leur sens littéral est un peu troublant, mais la musique des mots crée en moi une atmosphère de sentiment ému ; et on comprend que les vrais poètes sont, en effet, comme la perpétuation à travers les siècles de ce premier langage de l’humanité, qui n’exprimait que des états de sensibilité. […] Je ne m’asseoirai pas au clos de la Grande Ourse Dont le lopin d’azur hante mes soirs d’été ; Comme un cheval lancé dans l’arène à la course Je tournerai toujours dans mon humanité. […] Deschamps de Gillette Vernoy, l’Inconstante de Mme d’Houville : « Elle ignore les clauses du contrat social par où l’humanité civilisée a essayé d’établir une différence entre les sentiments qui unissent l’homme à la femme, et les instincts qui font roucouler sous bois les tourterelles en l’honneur de divers tourtereaux.

1213. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Les trois Dumas furent, en somme, trois beaux exemplaires d’humanité. […] Ils ont tari, volontairement les sources d’enthousiasme où se rafraîchissait, aux heures de lassitude, l’âme dolente de l’humanité. […] On se décide à réconcilier la littérature avec la vie et l’art avec l’humanité. […] Sans descendre jusqu’à la plate sagesse du bonhomme Chrysale, on peut continuer à penser que la femme est faite pour avoir des enfants, et que ce signalé service rendu à l’humanité devrait la dispenser des autres corvées. […] Avant les philosophes, avant les orateurs, avant Phidias et Polyclète, la sagesse grecque a prononcé spontanément des paroles que l’humanité n’a pas oubliées.

1214. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Or, comme vous, Monsieur, j’entends bien Alceste, au début, tonitruer sa haine pour l’humanité entière (Oui, j’ai conçu pour elle une effroyable haine ! […] Ceux-ci ont été bons et généreux, mais, mal payés de leurs bienfaits, ils en veulent à toute l’humanité des torts à leur égard de quelques hommes. […] Il aime ses amis et même l’humanité entière. […] La moitié de l’humanité des salons lui serait demeurée ignorée, celle qui devait le plus exacerber sa misanthropie. […] Il ne se raille pas des ridicules de l’humanité.

1215. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Une humanité qui voudrait se comprendre toute, systématiser toute son activité, penser tous ses modes d’être, irait au rebours de la nature. […] D’autre part, une humanité qui prétendrait s’emprisonner dans les conceptions héréditaires sur les points où les méthodes expérimentales ont renouvelé les idées irait, elle aussi, contre la nature. […] Aucun de ces changements n’est de nature à modifier la loi éternelle des sociétés, cet Humanum paucis vivit genus, qu’il faut comprendre : l’humanité vit pour et par ses élites. […] Une première objection m’avait saisi depuis longtemps : si la démocratie était ce fait universel et nécessaire, on devrait en conclure que l’humanité se développe au rebours de toutes les lois que la Science reconnaît comme celles de la vie ? […] Si Musset n’a pas la richesse d’imagination de Heine, quel charme il a, que ne possède pas l’autre, par son tact exquis même dans le libertinage, par son humanité si pathétique même dans l’égarement !

1216. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Mais il y a plus que cela ; il y a la part d’observation psychologique et morale dont l’humanité s’est enrichie depuis le temps de Plaute et d’Euripide. […] Or une telle croyance est si peu le principe de désespoir, de découragement et d’inertie qu’ils veulent, qu’au contraire c’est elle que l’on trouve à la racine des grandes religions qui se partagent l’humanité. […] Ce serait bien répondu si Gil Blas, ou son ami Fabrice, ou encore don Chérubin de la Ronda, dans le Bachelier de Salamanque, étaient les seuls à se ressouvenir ainsi de leurs humanités. […] Dans la ressemblance, il excelle à discerner la différence, et dans ce qui est de l’humanité tout entière, à nous montrer ce qui est de l’individu. […] Les mêmes « époques » qui marquent pour l’un dans l’histoire un progrès de l’humanité sont pour l’autre autant d’« époques » d’aggravation de l’injustice et de l’inégalité.

1217. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il l’engage à abandonner l’enfer et les peines éternelles, non-seulement au nom de la justice et de l’humanité, mais encore au nom des livres saints et de la primitive Église. […] Cette sentence est un coup de couteau qui tranche d’un trait la racine de l’humanité et de la pitié. […] Le vice monte en lui comme une marée, noyant l’humanité, le sens commun et l’honneur. […] Dans ses lettres, dans ses actions il y a cent traits de cette humanité, si rare alors, et qui chez lui était si naturelle. […] » Chez lui la miséricorde, la bonté, la tendresse coulaient à flots et coulaient de source ; l’âpre doctrine stoïque ne diminuait en rien son humanité ni sa douceur.

1218. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

On démêle aussi chez lui un sentiment d’humanité qui semble tenir au progrès de quelque idée nouvelle mêlée à la servitude romaine. […] Des idées d’humanité, de bienfaisance, de justice, sortent du milieu de ce fatras de révélations et de récits merveilleux. […] Mais ce que l’on doit le plus regretter dans le roman d’Héliodore, c’est qu’il ne fait point connaître un état de la société, et qu’à l’exception de cette lueur d’humanité chrétienne que l’on y voit percer, il n’offre que des mœurs fictives, et ne représente ni un siècle ni un peuple. […] Pour la première fois l’ambition mériterait d’être remerciée au nom de l’humanité. […] Le long parlement, si animé contre le monarque, mais capable d’un reste de justice et d’humanité, venait d’être violemment épuré par les soldats de Cromwell ; et quelques hommes furieux ou avilis allaient juger leur roi, sous les yeux du despote qui se faisait un marchepied de son échafaud.

1219. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Enfin François I les ranima, & mérita d’être surnommé leur Père & leur restaurateur, titre peut-être moins flatteur pour l’orgueil du maître, mais plus cher à sa nation & plus précieux à l’humanité. […] Enfin parce qu’eux-mêmes, punis d’avance par les reproches secrets de leur propre conscience, cachent en faux braves l’inquiétude qui les dévore, & fiers de leurs vaines lumières, ne cherchent à les répandre que pour éblouir & pour égarer les victimes qu’ils surprennent ; semblables à ces feux trompeurs, dont la funeste clarté ne sert pendant la nuit, qu’à augmenter la terreur de celui qui voyage, & à redoubler l’horreur de l’obscurité ; il faudra bannir de l’univers toute vertu & toute vraie science, rompre tous les liens de la société, vivre esclaves de l’ignorance & de nos passions, abjurer en un mot pour toujours les droits sacrés de l’humanité ! […] dont le but est d’attaquer des vérités consacrées à jamais, & d’ôter à l’humanité ses sentimens, à l’ame ses vertus, son espérance & ses consolations, à l’esprit son calme & sa gaïeté, aux mœurs leur pureté, leur candeur & leur frein !

1220. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

L’article était signé Unus, mot que n’aime pas et ne comprend pas Villemessant, qui, on le sait, n’avait pas fait ses humanités. […] Et ce qu’il y a de particulier dans ces cauchemars, c’est toute cette humanité de rêve que j’y rencontre : ces visages de vieillards, d’hommes faits, d’enfants, si sournois, si impitoyablement gouailleurs, si méchamment fermés, ces visages diplomatiques, d’un machiavélisme que montrent seulement les plus mauvaises figures de la vraie humanité, et qui vous laissent la sensation d’une intimidation, douloureusement indéfinissable, — des figures que je voudrais décrire, le matin, si le rêve ne vous laissait pas des êtres qu’il fabrique, des impressions, si effacées, si délavées.

1221. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Stevens s’étonne de l’absence complète du sentiment de l’art chez la plupart des grands écrivains, affirmant qu’il n’en est pas ainsi à l’égard de la littérature chez les peintres de talent, même chez ceux qui n’ont pas fait d’humanités, déclarant qu’on ne les trouverait jamais à lire un livre d’auteur médiocre. […] N’est-ce pas, ce serait gentil de donner ainsi une portraiture de l’humanité de ce temps ? […] Vendredi 29 juillet Je lis les Conversations de Goethe, par Eckermann, et je trouve que l’écrivain allemand divisait l’humanité en deux classes : les poupées, jouant un rôle appris, et les natures, le petit groupe d’êtres, tels que Dieu les a créés.

1222. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

La prose a eu la terre et tout ce qui s’y rapporte ; la poésie a eu le ciel et tout ce qui dépasse, dans l’impression des choses terrestres, l’humanité. […] Qui est-ce qui a enseigné ou imposé à l’humanité qu’il fallait parler en prose ces choses, et chanter en vers celles-là ?

1223. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

On prête aux Roland, aux Guillaume, aux Renaud, des vertus qui excèdent la mesure de l’humanité ; on leur attribue des exploits dignes de leurs vertus ; on arme l’un de sa « Durandal », on met l’autre à cheval sur « Bayard ». […] Rapports de « l’épopée psychologique » (Gaston Paris) de Guillaume de Lorris avec l’« épopée animale » du Roman de Renart. — Comme les auteurs de Renart ont personnifié dans leurs animaux les vices de l’humanité, ainsi fait Guillaume de Lorris, en son Art d’aimer, des nuances de l’amour. — Sa conception de l’amour ; — et ses rapports avec celle de la « poésie courtoise ». — Son habileté dans le maniement de l’allégorie ; — et qu’elle ne doit pas avoir été la moindre raison du succès du Roman de la Rose. — Pour toutes ces raisons le Roman de la Rose peut être considéré comme l’expression idéale des sentiments de la même société dont le Roman de Renart est la peinture satirique.

1224. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Il sut s’en abstenir par humanité ou s’en guérir par charité.

1225. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Il est bien de connaître, de partager les nobles fièvres de son temps, car ce sont souvent des fièvres de croissance pour l’humanité, cette éternelle enfant qui n’a jamais fini de grandir.

1226. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Quand on erre, on sent qu’on suit la vraie condition de l’humanité ; c’est là, je crois, le secret du charme » ; il essaye, à ce moment de sa vie, de concilier le christianisme et le culte de la nature ; il cherche, s’il se peut, un rapport mystique entre l’adoration de cette nature qui vient se concentrer dans le cœur de l’homme et s’y sacrifier comme sur un autel, et l’immolation eucharistique dans ce même cœur.

1227. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Pourquoi deux grandes puissances ne feraient-elles pas une fois au profit de l’humanité la plus belle et la plus utile des expériences, celle d’une liberté de commerce de bonne foi, convenue pour un certain terme et sans aucun dessein de se circonvenir mutuellement ?

1228. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

J’ai pu avoir alors mes impressions personnelles, mes passions même à un certain moment : je les avais étouffées ; j’ai su apprécier les douceurs de ce régime de dix-huit ans, ses facilités pour l’esprit et pour l’étude, pour tous les développements pacifiques, son humanité, les plaisirs d’amateur que causaient, même à ceux qui n’avaient pas l’honneur d’être censitaires, des luttes merveilleuses de talent et d’éloquents spectacles de tribune, et aussi les éclairs de satisfaction que donnaient à tous les cœurs restés français de brillants épisodes militaires.

1229. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Et une autre fois, pendant une bonne veine, lorsque le duc de Bourgogne gagnait depuis quelque temps, d’une manière sensible, en douceur, en amour des lettres, en humanité, Fénelon écrivait sa fable enchanteresse : Le Rossignol et la Fauvette, la plus exquise de ses Fables, comme le dialogue d’Horace et de Virgile est le plus parfait de ses Dialogues.

1230. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Ce n’était nullement un génie dans le vrai sens du mot, ce n’était qu’un élève, le plus brillant des élèves ; il eût été le premier au collège dans toutes les facultés, humanités, rhétorique, philosophie, et même plus tard un des premiers en théologie, s’il avait composé avec les élèves du séminaire.

1231. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Après avoir souri un instant de quelques-unes de ces malices contre les personnes, il n’y tint plus et jeta le livre : « C’est un livre détestable, s’écria-t-il, avilissant pour la France, avilissant pour l’humanité !

1232. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Je n’insiste pas ; mais l’humanité, dans Paul et Virginie, est un touchant et parfait accompagnement de la pureté14.

1233. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Chabanon a écrit un mot qui est la critique de Grandisson et des romans trop vertueux : « Depuis Aristote tout le monde a senti et répété que l’humanité dépeinte devient plus intéressante par ses faiblesses mêmes. » (Lettre de Chabanon à Mme de La Briche après la lecture des Mémoires manuscrits de cette ; dame). — Si quelqu’un a jamais paru propre à faire mentir ce mot, ç’a été le comte de Gisors.

1234. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Le bon sens et l’humanité parlent trop haut et par trop de bouches pour ne pas être entendus.

1235. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Et à toutes les époques de trouble et de renouvellement, quiconque, témoin des orages politiques, en saisira par quelque côté le sens profond, la loi sublime, et répondra à chaque accident aveugle par un écho intelligent et sonore ; ou quiconque, en ces jours de révolution et d’ébranlement, se recueillera en lui-même et s’y fera un monde à part, un monde poétique de sentiments et d’idées, d’ailleurs anarchique ou harmonieux, funeste ou serein, de consolation ou de désespoir, ciel, chaos ou enfer ; ceux-là encore seront lyriques, et prendront place entre le petit nombre dont se souvient l’humanité et dont elle adore les noms.

1236. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Ces êtres seuls n’ont plus de droits à l’association mutuelle de misères et d’indulgence, qui, en se montrant sans pitié, ont effacé dans eux le sceau de la nature humaine : le remords d’avoir manqué à quelque principe de morale que ce soit, est l’ouvrage du raisonnement, ainsi que la morale elle-même ; mais le remords d’avoir bravé la pitié, doit poursuivre comme un sentiment personnel, comme un danger pour soi, comme une terreur dont on est l’objet ; on a une telle identité avec l’être qui souffre, que ceux qui parviennent à la détruire, acquièrent souvent une sorte de dureté pour eux-mêmes, qui sert encore, sous quelques rapports, à les priver de tout ce qu’ils pourraient attendre de la pitié des autres ; cependant, s’il en est temps encore, qu’ils sauvent un infortuné, qu’ils épargnent un ennemi vaincu, et, rentrés dans les liens de l’humanité, ils seront de nouveau sous sa sauvegarde.

1237. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Ce qui lui manqua, ce fut une pensée originale, une pensée qui ne fût occupée qu’à faire entrer le monde et la vie dans les formes du tempérament, à projeter le tempérament sur l’univers et sur l’humanité : qui par conséquent permît au tempérament de dégager toute sa puissance, et de réaliser ses propriétés personnelles.

1238. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Ce qui excite la pitié, Aristote l’écrivait il y a longtemps, c’est le malheur immérité d’un homme semblable à nous et en qui nous puissions nous reconnaître sans être dégoûtés de nous-mêmes : et la pitié est plus grande quand ce malheur est, en outre, exprimé par un homme semblable à nous, lui aussi, doué seulement d’une sensibilité plus délicate et du don prestigieux de peindre par les mots  Que de tendresse et que « d’humanité » dans les petits récits de notre conteur !

1239. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

C’est un fait bien connu maintenant, que dans les langues monosyllabiques que parle un tiers de l’humanité, il n’y a point de distinction entre les parties du discours.

1240. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Des humanités aux sciences de l’homme, dir.

1241. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Il tire de l’observation des comparaisons étonnamment justes : « Elle eut à la fin des larmes, qui coulèrent comme des pilules argentées, le long de sa bouche. » Comme pour tous les artistes, le commerce avec la réalité, avec ce que l’on peut saisir par les sens, revoir, tâter et montrer avec les spectacles familiers de l’humanité et du, monde, lui a été profitable.

1242. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Ainsi elle croyait n’obéir qu’à un sentiment d’humanité, et elle suivait un conseil de la Providence.

1243. (1887) La banqueroute du naturalisme

S’ils sont descendus dans l’âme d’une fille ou d’un criminel, ç’a été pour y chercher l’âme elle-même et l’humanité.

1244. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Pour l’humanité naissante, l’Orient seul était habitable ; de l’Orient seul l’antiquité nous a transmis un art, une poésie.

1245. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Elle tend à transformer, autant qu’il dépend d’elle, l’univers et l’humanité à son image… » Elle tend à devenir une règle, et le Moraliste comprend cela. […] Ce qui le frappe dans l’humanité, ce sont les vastes formes de la vie collective, les grands symboles pieux ou métaphysiques. […] Ils se sont servis pour cela de l’analyse des textes, étudiant des nuances de vocabulaire et de syntaxe, et ramenant à des questions de grammaire ce qui fût le drame ineffable de l’humanité mystique. […] Cette même jeunesse du tempérament et de la race a préservé Tourguéniev de l’insignifiance, écueil redoutable pour les romanciers qui veulent peindre l’humanité par des personnages moyens. […] A ce frémissement de l’humanité retrouvée par-delà les analyses, à cette sympathie profonde même dans la mise à nu de la misère humaine, à ce don des larmes conservé jusqu’au bout, vous reconnaissez la présence constante ; chez Tourguéniev, de la flamme divine de l’amour.

1246. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Il me semble que l’Asie est plus riche d’humanité. […] Voilà un scrupule d’une espèce rare et délicate ; on doit en signaler l’exemple aux petits docteurs qui ne s’embarrassent pas d’une pareille expérience pour trancher les questions sociales et prédire l’avenir de l’humanité. Il faut aller très loin, si l’on veut revivre quelques-unes des minutes terribles par où l’humanité a dû passer, en son enfance précaire, si l’on veut soupçonner, par un effort d’atavisme, la douloureuse surprise des premiers hommes, et leur unanime angoisse devant la souffrance et devant la mort. […] Je voudrais voir seulement, dans ces récits où j’ai tant appris, plus de vie, de passion et de fougue, un peu moins d’ustensiles et de défroques, plus de nature et d’humanité. […] Qu’importe à l’humanité que M. 

1247. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Trop évidemment l’esthéticisme égotiste de d’Albert manque de simple et large humanité. […] Seulement le romancier a négligé de nous montrer le travail intérieur par lequel cette jeune fille a été jetée, suivant son expression, hors de l’humanité. […] Sa curiosité s’amuse, son humanité s’attendrit au spectacle de ses modèles. […] Qui l’empêche, tout comme l’autre, de montrer les caractères de ces personnages historiques dans leur humanité éternelle ? […] Ne lui rappelez pas que l’ordre chrétien assurait à l’humanité du treizième siècle, par exemple, une vigueur morale que nous ne connaissons plus.

1248. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Il se croyait heureux dans son isolement hautain, il se savait bon gré de dédaigner ce qui fait battre le cœur de l’humanité. […] Zola, pressé, écrit que c’est, en somme, « traiter l’humanité d’une façon fort méprisable ». […] Ses colères enfantines contre l’humanité, l’explication en est facile. […] À cet amour a succédé celui de l’humanité et de la science : en conséquence, il a inventé une mitrailleuse qui anéantira cent mille hommes en douze minutes. […] Dumas l’affirme, fait faire un grand pas à l’humanité vers cette terre promise.

1249. (1802) Études sur Molière pp. -355

Baron, âgé pour lors de neuf à dix ans, était dans la troupe de la Raisin, à qui Molière venait de prêter sa salle par humanité : il vit le jeune comédien, devina son talent, l’invita à souper, et le fit coucher chez lui : qu’on se figure la surprise de cet enfant quand, à son réveil, on lui apporta un habit magnifique ; il crut être bercé par un songe agréable, surtout lorsque Molière lui fit présent de six louis, en lui recommandant de ne les dépenser qu’à ses plaisirs, et qu’il lui montra l’ordre par lequel le roi lui permettait de quitter la troupe de la Raisin pour entrer dans celle de son bienfaiteur. […] Le goût mit peu à peu L’Avare à sa véritable place, malgré les jaloux, malgré Racine même ; c’est le cas d’appliquer ici ces deux vers de La Métromanie : Mais à l’humanité, si parfait que l’on fût, Toujours par quelque faible on paya le tribut. […] On ne peut douter encore que Molière n’ait pris, dans la seconde nouvelle, les divers caractères de ses personnages ; la sotte vanité de George Dandin, la morgue de monsieur de Sotenville, l’affectation de madame de Sotenville à soutenir qu’une femme, à qui elle a donné le jour, ne peut trahir son devoir, et le dédain offensant d’Angélique pour son époux ; par conséquent, la morale de la pièce, oui, la morale, il est peu de comédies, je pense, qui en présentent une plus utile à l’humanité. […] Il leur aurait épargné la peine de se rétracter, et Molière n’aurait pas eu la faiblesse de s’affliger ; pauvre humanité ! Pauvre humanité !

1250. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Elles ne sont plus enfin ces pompes barbares, aussi contraires à la politique qu’à l’humanité, où l’on prodiguait l’insulte au malheur, le mépris à de grandes ruines, et la calomnie à des tombeaux. […] Au milieu de tous les désordres des camps et de tous les excès inséparables de la guerre civile, l’humanité se réfugia sous sa tente, et n’en fut jamais repoussée. […] Ces héros d’une espèce toute nouvelle poussent encore plus loin, s’il est possible, l’enthousiasme de l’humanité. […] L’arc et la flèche échappaient à la main du sauvage ; l’avant-goût des vertus sociales et des premières douceurs de l’humanité entrait dans son âme confuse. […] Quelles différentes vues de l’humanité !

1251. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Vous savez qu’il ne tient point à votre génie sublime, à la réputation dont vous jouissez ; je ne m’élève pas jusque-là : la bonté de votre âme, cette courageuse patience que je n’ai connue qu’à vous, l’amour de la vertu pour la vertu même, voilà mon lien, voilà ce qui me fait désirer votre bonheur pour l’honneur de l’humanité autant que pour le bonheur de ceux qui vous connaissent. […] J’espérais du moins plus d’humanité du côté de la France ; mais j’avais tort… Repos, repos, chère idole de mon cœur, où te trouverai-je ?

1252. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

La grandeur d’un peuple, c’est de se personnifier tout entier dans quelques colossales mémoires, en sorte que, quand on nomme ce peuple, sur-le-champ le personnage national se présente à la pensée et dit : « C’est moi. » Aussi rendez-vous bien compte de vos impressions quand vous lisez l’histoire universelle ; toute la scène du monde est remplie pour vous par une centaine d’acteurs immortels, héroïques, politiques, poétiques ou littéraires, qui figurent à eux seuls l’humanité. […] On a dû reconnaître dans cette affaire que la justice et l’humanité m’ont dicté seules la conduite que j’ai tenue.

1253. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

En contemplant bien ce magnifique tableau, et en entrant, par tous les pores, dans la pensée du peintre, c’est la poésie du bonheur, c’est l’idéal de la paix des champs, c’est l’infini dans la calme jouissance de la nature, c’est l’idylle de l’humanité, dans son premier Éden, devant le Créateur : idylle transposée aujourd’hui sous le soleil, dans ce monde de travail et de sueur, mais pleine encore de toute la félicité que cette terre corrompue peut offrir à l’homme. […] C’est cette félicité de l’humanité naïve, laborieuse, opulente de peu, qu’il avait rêvée, qu’il avait vue, et qu’il voulait reproduire en un groupe, comme une image complète du bonheur terrestre, comme l’hymne sans mots de la création.

1254. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Poète, philosophe, citoyen, magistrat, consul, administrateur de provinces, modérateur de la république, idole et victime du peuple, théologien, jurisconsulte, orateur suprême, honnête homme surtout, il eut de plus le rare bonheur d’employer tous ces dons divers, tantôt à l’amélioration, au délassement et aux délices de son âme dans la solitude, tantôt au perfectionnement des arts de la parole par l’étude, tantôt au maniement du peuple, tantôt aux affaires publiques de sa patrie, qui étaient alors les affaires de l’univers, et d’appliquer ainsi ses dons, ses talents, son courage et ses vertus au bien de son pays, de l’humanité, et au culte de la Divinité, à mesure qu’il perfectionnait ces dons pour lui-même ! […] Excepté sa voix grave et façonnée par l’exercice, toute son apparence extérieure était celle d’une pure intelligence qui n’aurait emprunté de la matière que la forme strictement nécessaire pour se rendre visible à l’humanité.

1255. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Déjà, vous le savez, je me plaisais à réunir dans ma mémoire, comme ils l’étaient dans mon portefeuille oriental, les plus antiques et les plus modernes accents des muses bienfaitrices de l’humanité. […] Quant à moi, comme au milieu de ces divers travestissements de sa pensée, je ne rencontrais que peu de traits de son propre génie, je m’en étais fait une image idéale plus près du ciel que de la terre, et cette image s’est mêlée à toutes les jouissances ou aux illusions de mes pérégrinations orientales ; enfin, quand je m’asseyais sur les décombres d’Éleusis et sous les colonnes du Parthénon, où vous avez médité vous-même, il me semblait toujours voir planer, au-dessus des monuments écroulés ou debout encore du culte ou des arts, la grande figure d’Orphée, le premier en date des bienfaiteurs de l’humanité. » XI Une traduction des poésies d’Eschyle, cette élégie nationale des vaincus de Salamine, écrite et chantée sur le théâtre d’Athènes pour grandir les vainqueurs, termine cette belle étude sur la poésie des Grecs.

1256. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Et cependant, c’est tout un passé qui se prolonge et retentit en elle : le battement de son cœur est la continuation du battement de cœur universel ; la rougeur de ses joues est le signe visible d’une infinité d’émotions intérieures où se résument les émotions de toute une race ; ce n’est pas elle seulement qui aime, c’est l’humanité et même la nature entière qui aime en elle. […] Il en résulte aussi que la lutte pour la préservation de l’existence est la seule loi des individus au sein de la nation, des nations diverses au sein de l’humanité.

1257. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Sainte-Beuve reproche à Taine d’avoir soumis son Histoire de la littérature anglaise à l’examen d’ennemis, d’inférieurs, enchantés de le faire passer sous leur férule et de l’admonester… Et la parole des uns et des autres de monter… et Taine de déclarer que les quatre grands grands hommes, sont : Shakespeare, Dante, Michel-Ange, Beethoven, qu’il dénomme « les quatre cariatides de l’humanité ». — Mais tout cela c’est de la force, et la grâce ? […] Depuis que l’humanité marche, son progrès, ses acquisitions sont toutes de sensibilité.

1258. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Toute époque particulière du développement littéraire de l’humanité perd d’ailleurs son importance exclusive quand on la compare à l’ensemble de ce développement : même les époques classiques, si justement admirées, ne sauraient marquer toujours, pour l’historien de la littérature, un point culminant ; elles peuvent être un plus parfait modèle pour l’étudiant, comme Racine est un plus parfait modèle que Corneille, et Corneille que Shakespeare, mais leur supériorité classique ne saurait constituer une supériorité esthétique absolue. […] Le ridicule peut être un des ferments de la vie morale ; il ne faut craindre ni d’être innocemment ridicules, ni de rire innocemment des ridicules de l’humanité.

1259. (1894) Textes critiques

Du réel (au sens vulgaire) assez pour insuffler l’humanité aux fantoches et que le sang jaillisse couleur de lèvres de nos coups d’ongle au fœtus de terre glaise pétri par le génie des paumes du dramaturge magnétiseur.‌ […] L’inanimé, simple parce que mouvement est différenciation (autres synonymes : vie, non-existence. tendance à l’humanité), repose eu cette beauté et harmonie.

1260. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Ce ne sont plus des mers, des Alpes, des rivières Qui bornent l’héritage entre l’humanité : Les bornes des esprits sont leurs seules frontières : Le monde en s’éclairant s’élève à l’unité. […] J’encadrerais dans le vélin le plus pur et dans l’or tes Nuits, incomparables rivales de celles d’Hervey, de Novalis, de Young, et je composerais avec le tout deux petits volumes que j’intitulerais Sourires et Soupirs ; l’un les plus frais sourires de la jeunesse, l’autre les plus pathétiques soupirs de l’humanité.

1261. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Cette foule n’agit pas ; elle s’écoule, semblable à une cataracte de l’humanité, dans les abîmes. […] Le Purgatoire C’est une des idées philosophiques les plus naturelles à l’humanité que celle d’un lieu d’épreuve continuée après cette vie, et d’achèvement de la destinée des âmes dans un séjour de purification et d’initiation appelé Purgatoire.

1262. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Rosny s’inquiétaient de l’humanité tout entière, avec ses instincts et ses gestes inutiles. […] Pierre de Querlon s’est complu à observer l’humanité par le gros bout d’une lorgnette.

1263. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Luther et Calvin, ces deux faces du monstre bicéphale de la Réforme, — car Henri VIII, le cuistre sanglant, n’est qu’un Luther portant couronne, — c’est la pléthore de Luther, la pléthore de sa chair, de son orgueil, de sa lubricité, de tout son être, excepté de son génie ; — Luther et Calvin, l’Homme rouge et l’Homme pâle, pour emprunter à l’Apocalypse, en parlant de ces deux fléaux, le saisissant de ses images, sont les derniers jumeaux de cette ventrée de rebelles que l’Humanité portait depuis tant de siècles et mettait bas, à certains jours. […] Jamais on ne vit rien de si différent et de si semblable, et, comme l’Erreur, en se faisant homme, se rame toujours de la même manière dans le tempérament de l’humanité, nous avons vu, quand, de religieux, le principe protestant est devenu politique, se reproduire le même phénomène d’identité dans le mal et d’antagonisme dans les facultés.

1264. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Celui-là aimera Massillon, qui aime mieux le juste et le noble que le nouveau, qui préfère le naturel élégant au grandiose un peu brusque ; qui, dans l’ordre de l’esprit, se complaît avant tout à la riche fertilité et à la culture, à la modération ornée, à l’ampleur ingénieuse, à un certain calme et à un certain repos jusque dans le mouvement, et qui ne se lasse point de ces lieux communs éternels de morale que l’humanité n’épuisera jamais.

1265. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Mon témoignage sera sans doute suspect, mais l’abbé de Montesquiou me parut sous la figure d’un ange descendu du ciel pour disposer les esprits à l’union, pour prêcher l’humanité sur la terre… Quelques mois plus tard, et le lendemain du 14 Juillet, quand les mêmes électeurs de Paris vont recevoir une députation de l’Assemblée nationale dont était Bailly, M. 

1266. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Celui-ci fait là à Raphaël un reproche qui rappelle certaines critiques adressées de nos jours à Racine pour avoir, dans Esther et même dans Athalie, adouci un peu trop et diminué les types juifs : un ton général d’harmonie, un esprit d’humanité et de christianisme qui brille sur l’ensemble, leur a fait sacrifier peut-être, au poète comme au peintre, certains traits crus et saillants.

1267. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Bergeret, secrétaire du cabinet, à célébrer Louis XIV, ses guerres, ses conquêtes, le triomphe de sa diplomatie impérieuse : Heureux, disait en terminant Racine (et cette péroraison n’est pas la plus délicate partie de son discours), heureux ceux qui, comme vous, Monsieur, ont l’honneur d’approcher de près ce grand prince, et qui, après l’avoir contemplé, avec le reste du monde, dans ces importantes occasions où il fait le destin de toute la terre, peuvent encore le contempler dans son particulier, et l’étudier dans les moindres actions de sa vie, non moins grand, non moins héros, non moins admirable, que plein d’équité, plein d’humanité, toujours tranquille, toujours maître de lui, sans inégalité, sans faiblesse, et enfin le plus sage et le plus parfait de tous les hommes !

1268. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Voltaire sérieux sous ses badinages, ou du moins passionné pour ou contre certaines idées et certaines institutions sociales, y mettant à tout instant la main comme l’enfant imprudent et terrible, mais parfois aussi comme l’ami de l’humanité, ne saurait être ramené et diminué jusqu’à Voiture, qui n’a jamais épousé dans sa vie aucune cause, et qui n’a été que le héros de la bagatelle.

1269. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Un peu d’application et d’étude suffit pourtant bientôt pour dissiper ou pour réduire la plupart de ces fausses vues et de ces objections exagérées à distance : à le considérer de près, dans ses actes et dans ses Œuvres, on reconnaît qu’avec ses défauts et ses taches Frédéric est de la race des plus grands hommes, héroïque par le caractère, par la volonté, supérieur au sort, infatigable de travail, donnant à chaque chose sa proportion, ferme, pratique, sensé, ardent jusqu’à sa dernière heure, et sachant entremêler à son soin jaloux pour les intérêts de l’État un véritable et très sincère esprit de philosophie, des intervalles charmants de conversation, de culture grave et d’humanité ornée.

1270. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

La pensée est ravie au-delà ; l’humanité est dépassée.

1271. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

cela relève, cela console, et la vue de l’humanité n’en est que plus complète.

1272. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Ainsi l’homme de lettres en Bonstetten profitait de l’administrateur déjà, de même que l’administrateur en lui profita et s’inspira sans cesse de l’homme de lettres éclairé, bienveillant et ami sincère de l’humanité.

1273. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

La faculté de souffrir, de saigner pour tous, et d’espérer, malgré tout, en l’avenir du monde, les sentiments d’humanité, de sociabilité chrétienne, qui y éclatent, sont tels que Lamennais ne craint ici la comparaison avec personne.

1274. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Grâce à lui pourtant, la fable lascive et faite pour les caresses de la muse d’Ovide devient presque auguste et majestueuse : Symbole fabuleux vêtu de volupté : Le Cygne est l’univers, Léda l’humanité.

1275. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

L’un accepte et comprend les choses comme elles sont dans la nature et dans l’humanité ; il prend, sans les disjoindre (car tout cela se tient, se correspond et, pour ainsi dire, se double), le rat et le cygne, le reptile et l’aigle, le crapaud et le lion ; il prend le cœur à pleines mains, tel qu’il est au complet, or et boue, cloaque ou Éden, et il laisse à chaque objet sa couleur, à chaque passion son cri et son langage.

1276. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Est-ce que Bossuet lui-même, qu’on ne récusera certes pas comme exprimant dans un haut exemple la moyenne des lumières du grand règne, avait profité de l’expérience produite sous ses yeux aux années de sa jeunesse, lorsque dans l’Oraison funèbre du prince de Condé il ne craignait pas de dire en une phrase magnifique et souvent citée : « Loin de nous les héros sans humanité !

1277. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

« Cher Deleyre, lui disait-il, sans être votre ami, j’ai de l’amitié pour vous. » Et moyennant cette distinction à demi bourrue, à demi obligeante, il lui donnait parfois de bons conseils ; un jour, par exemple, que Deleyre s’était refait journaliste et polémiste à l’étranger : « Cher Deleyre, lui écrivait Rousseau, défiez-vous de votre esprit satirique ; surtout apprenez à respecter la religion : l’humanité seule exige ce respect.

1278. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Voici le titre complet : Du Progrès intellectuel dans l’Humanité ; Supériorité des Arts modernes sur les Arts anciens : — Poésie, — Sculpture, — Peinture, — Musique — par M. 

1279. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Il en est du champ de l’humanité comme de celui de Sempach : « L’œuvre qu’un seul commence, un grand peuple l’achève. » Chacun des successeurs de Colomb a pu dire : « J’ai fait le même voyage. » C’est ce qui arriva à Rotrou après Corneille. » Pour apprécier ici la vérité et la beauté de l’image, il faut savoir son histoire suisse de l’époque héroïque et se rappeler ce qu’était et ce que fit ce Winkelried, lequel, à la journée de Sempach, s’avançant le premier contre le bataillon hérissé de fer des Autrichiens qu’on ne pouvait entamer, étendit les bras pour ramasser le plus de piques ennemies qu’il put contre sa poitrine, et qui, tombant transpercé, ménagea ainsi dans la redoutable phalange une trouée par où les Suisses vainqueurs pénétrèrent.

1280. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Le siège de Troie a duré dix ans ; il est des problèmes qui dureront peut-être autant que la vie de l’humanité même.

1281. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Jean-Bon fut comme la plupart des hommes de cette époque : son esprit qui était ferme et net, et non supérieur, s’excitant et s’enflammant au foyer du cœur et au souffle de la passion, marcha avec les événements sans les devancer de beaucoup, et il est de ceux qui auraient pu dire en toute vérité avec le moraliste : « Les occasions nous font connaître aux autres, et encore plus à nous-mêmes. » Le 30 avril 1789, à l’occasion de l’Édit de Louis XVI en faveur des Protestants et en vertu duquel il leur était permis de s’avouer tels désormais sans péril et sans crainte, de pratiquer leur culte, de contracter mariage selon les lois et de jouir des avantages et des droits de citoyens, Jean-Bon prononçait à titre et en qualité de pasteur, « devant quelques vrais serviteurs de Dieu et divers citoyens amis de la religion, de la tolérance, de la patrie et de l’humanité », un discours ou sermon où il se montrait pénétré de reconnaissance envers « le bienfaisant monarque », et d’une sensibilité autant que d’une modération qu’il n’a que trop tôt démenties : « Mais peut-on se le dissimuler ?

1282. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

M. de La Mennais, en raisonnant ici comme le public, comme les philosophes et comme le sens commun, en se faisant lui-même juge du moment décisif pour l’humanité, est devenu semblable à presque tous, à part la supériorité du génie.

1283. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

C’était étrange, c’était nouveau… il n’en fallait pas davantage pour que mon Dumas fût empaumé, je devrais dire emballé, car il fut, dès le principe, un des plus fervents adeptes des nouvelles doctrines, un adepte, plutôt un apôtre, prêchant d’exemple et de parole : “Songez donc, me disait-il, la vie de l’être, de l’Humanité, est là toute entière !

1284. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Les éléments de notre être, la pitié, le courage, l’humanité, agissent en nous avant que nous soyons capables d’aucun calcul.

1285. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Et, si telle est la vie, qu’est-ce que l’humanité qui en est un si mince fragment   Tel est l’homme dans la nature, un atome, un éphémère ; n’oublions pas cela dans les systèmes que nous faisons sur son origine, sur son importance, sur sa destinée.

1286. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Nature généreuse et sensible, passionné pour la tolérance, l’humanité, la liberté, il avait adopté une éloquence nette, sobre, sévère, volontairement un peu froide.

1287. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

La nature, par une extension hardie d’analogie, est assimilée à l’humanité et revêtue d’attributs mentaux. » Une question intéressante peu étudiée jusqu’ici termine cette esquisse d’esthétique : c’est celle du rire.

1288. (1886) De la littérature comparée

Il l’a recherché à travers « l’évolution graduelle de la vie sociale, du clan à la cité, de la cité à la nation, de la nation à l’humanité cosmopolite ».

1289. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Or elle aperçut dans le lointain quelques bribes de notre humanité et elle se lamenta : — Hélas !

1290. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Il semblait croire pourtant que l’avenir, un avenir très lointain, réparerait pour l’humanité tous les maux du présent ; il combinait dans une certaine mesure le désabusement et la chimère.

1291. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Cette pauvre humanité est un rude enfant, et qui coûte terriblement à élever !

1292. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

« De l’esprit, des manières, du penchant à l’étude, pourvu néanmoins qu’on lui choisît une étude agréable » ; tel d’Olivet nous le peint dès les premières années, et tout ce début de la Notice de d’Olivet est à citer comme touchant déjà à fond le caractère : Patru fit excellemment ses humanités ; en philosophie, au contraire, la barbarie des termes le révolta.

1293. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

[NdA] Pellisson, dans son Histoire de Louis XIV, où il n’est plus l’avocat de Fouquet, nous mène à l’explication de son caractère quand il le définit ainsi : « L’un était d’un génie élevé, fertile en expédients et en ressources, plein de vigueur et tempéré de beaucoup d’humanité. » Fouquet avait en lui la fibre humaine, il savait la toucher dans les autres, et elle lui répondit.

1294. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Oui, sans doute, on le sent bien à la lecture, il a manqué quelque chose à cette éloquence ; cet œil ne lançait point d’étincelles ni d’éclairs ; cette voix n’avait point d’éclats sonores, ni de ce qui vibre à distance ; mais du moins un sentiment juste, équitable, pénétré, animait cette gravité douce et abondante ; une imagination tempérée y jetait plutôt de la lumière que de la couleur ; parfois la finesse et une certaine grâce d’ironie n’y manquaient pas ; l’humanité surtout, avec la justice, en était l’âme, et cet orateur au ton sage avait en lui toutes les piétés.

1295. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

C’est que, fait pour prouver le vice radical des armées permanentes, pour étaler le mal de cette institution arriérée, comme disent les progressifs, le livre de Vigny n’en a plus fait voir que la vertu, et cela avec une telle magie que tout ce qui a du cœur et de la pensée ne voudrait pas qu’on pût fermer un jour cette grande école de l’âme ; mais, au contraire, souhaitera qu’on la maintienne éternellement ouverte, pour l’honneur de l’humanité !

1296. (1925) Comment on devient écrivain

Balzac a vu l’humanité complète, l’humanité de tous les temps. […] Si l’on surmonte l’ennui que dégagent ces compilations héroïques, on est largement récompensé par la vision des êtres et des choses et l’humanité des milieux et des sentiments. […] Et comme cela importe à la littérature, à l’humanité, à l’histoire !  […] Son naïf métier dramatique, le ton suranné de ses dialogues, empêchent bien des personnes de voir sa profondeur d’humanité éternelle. […] Le génie de Shakespeare, sa profondeur, son éternelle humanité, tout cela est absent du théâtre d’Hugo, qui n’avait pour lui que le don de poésie.

1297. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

La nature et l’humanité sollicitent à la fin une solennelle vengeance… » Le ton, on le voit, est à la hauteur des circonstances : l’écrivain n’échappe pas entièrement à la phraséologie déclamatoire qui régnait alors, et qui ne faisait que traduire le plus souvent avec sincérité l’exaltation des sentiments. […] Des soldats. — Qui, même après le 9 thermidor, quand l’humanité se réveillait dans tous les cœurs, reprit encore au premier signal ces habitudes de carnage, et, répondant par des coups de canon aux justes représentations d’un peuple libre, porta de nouveau dans les murs de Paris l’épouvante et la mort ? […] … Voyez l’humanité de ces vertueux citoyens !

1298. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Ce coup d’œil historique rapide, cette prévision soudaine et lointaine que nous n’apercevons pas chez Daunou à d’autres instants de sa vie publique, le sentiment d’équité et d’humanité les lui communique ici et les lui suggère : il comprend aussitôt que de ce premier pas que va faire la Convention dépend tout son avenir et celui de la république qu’elle enfante. […] Il ne faut point appeler hauteur de la révolution ce qui ne serait que la région des vautours : restons dans l’atmosphère de l’humanité et de la justice. » Et ailleurs, après une description un peu idéale de ce que c’est que ce peuple tant invoqué : « Quant aux factions plus ou moins obscures, plus ou moins intrigantes, plus ou moins impuissantes, quant aux agrégations partielles qui agitent, qui divisent, qui assassinent, et que l’on s’obstine à nommer le peuple, elles ne sont pas plus le peuple que les marais ne sont la nature et que les reptiles ne sont l’univers. » Ce style de Daunou, si contenu d’ordinaire, si en garde contre les trop fortes images, s’élève donc involontairement en ces heures violentes et paraît comme porté un moment par le souffle des grandes tempêtes. […] Il voulut être tyran, bien plus ardemment que la plupart des hommes ne savent vouloir être libres, et cette volonté vive, inflexible, toujours agissante, a tenu lieu de génie à bien d’autres oppresseurs de l’humanité… » Je suis forcé, à mon grand regret, d’abréger cette page pour laquelle j’ai presque à demander pardon aux néo-terroristes d’aujourd’hui : mais voici l’adoucissement : « Quelque affreux que soit Robespierre d’après le portrait que nous en avons tracé, continue Daunou, Courtois a fait de ce personnage un portrait beaucoup plus horrible encore, et s’est attaché surtout à lui contester toute espèce de talent.

1299. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Ces généreuses paroles partent du cœur ; la source est pleine, elle a beau couler, elle ne tarit pas ; dès que l’écrivain parle de la cause qu’il aime, dès qu’il voit se lever devant lui la Liberté, l’Humanité et la Justice, la Poésie naît d’elle-même dans son âme, et vient poser sa couronne sur le front de ses nobles sœurs. […] Il fit ce crime par humanité, persuadé qu’il n’y avait pas d’autre moyen de pacifier les hautes terres. […] Mais la vertu elle-même contribue à la chute de celui qui croit pouvoir, en violant quelque règle morale importante, rendre un grand service à une Église, à un État, à l’humanité.

1300. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Le confiseur Siraudin, critique dramatique à ses heures, abîma la Révolte de Villiers de l’Isle-Adam en bougonnant que si tout le monde rêvait comme Elisabeth, l’humanité finirait. […] monsieur, observa doucement Villiers, si tout le monde faisait des marrons glacés, l’humanité finirait aussi ! […] Il montre que Balzac « a construit sa peinture de l’humanité, son idée de l’art et de l’histoire, sa politique et sa morale, sa mystique et son esthétique, sur une intuition énergétique ». […] Son bloc d’humanité, son bloc français, il l’a tiré d’une Europe que nous continuons à vivre. […] La belle occasion, pour les humanités modernes, de se révéler, et de prouver le mouvement en marchant !

1301. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

En vain Camille Desmoulins hasarda dans son Vieux Cordelier quelques maximes tardives d’humanité. […] C’était, dans ce Temple de Mars, quelque chose de ce bienfaisant esprit de Numa, dont parle Plutarque, qui allait s’insinuant comme un doux vent à travers l’Italie, et s’ouvrant les cœurs, le lendemain des jours sauvages de Romulus : « Elles ne sont plus enfin ces pompes barbares, aussi contraires à la politique qu’à l’humanité, où l’on prodiguait l’insulte au malheur, le mépris à de grandes ruines et la calomnie à des tombeaux. » Attestant les Ombres du grand Condé, de Turenne et de Catinat, présentes sous ce dôme majestueux, l’orateur les réunissait en idée à celle du héros libérateur : « Si ces guerriers illustres n’ont pas servi la même cause pendant leur vie, la même renommée les réunit quand ils ne sont plus. […] M. de Fontanes n’avait nullement partagé les idées de la fin du xviiie  siècle sur la perfectibilité indéfinie de l’humanité, et la Révolution l’avait plus que jamais convaincu de la décadence des choses, du moins en France. […] Cet accent du cœur dénote dans le poëte ce qui était dans tout l’homme chez Fontanes, une inépuisable humanité, une facilité plutôt extrême.

1302. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Sa condition à Brunswick ne fait que le rejeter plus avant dans le mépris des grands et des cours, mais elle n’est guère propre à lui rendre cette estime sérieuse et ce respect de l’humanité qui est pourtant le fond de toute politique généreuse et libérale. […] Cet excès d’infamie, dont j’ai vu les preuves, m’a inspiré un tel dégoût, que je n’entends plus les mots d’humanité, de liberté, de patrie, sans avoir envie de vomir… » Nous continuons de démontrer le pour et contre en ce grand et mobile esprit du futur tribun : « (1792.) […] On se demande, on s’est demandé sans doute plus d’une fois comment, avec des talents si éminents, une si noble attitude de tribun, d’écrivain spiritualiste et religieux, de vengeur des droits civils et politiques de l’humanité, avec une plume si fine et une parole si éloquente, il manqua toujours à Benjamin Constant dans l’opinion une certaine considération établie, une certaine valeur et consistance morale, pourquoi il ne fut jamais pris au sérieux autant que des hommes bien moindres par l’esprit et par les services rendus. […] Si alors de nouveaux Marat, Robespierre, etc., etc., viennent la troubler et qu’ils ne soient pas aussitôt écrasés qu’aperçus, j’abandonne l’humanité et j’abjure le nom d’homme. » 185.

1303. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Il fallait toute la majesté olympienne de Victor Hugo et les tremblements de terreur qu’il inspirait pour qu’on lui passât son petit col rabattu — concession à Joseph Prudhomme — et quand les portes étaient closes, qu’il n’y avait là aucun profane, on regrettait cette faiblesse d’un grand génie qui le rattachait à l’humanité et même — à la bourgeoisie ! […] Regardé comme un traître par son ancien parti, suspect au parti de la cour, faisant en personne ce qu’il devrait laisser faire à des subalternes, contrariant les intérêts par des rigorismes outrés, marchant en aveugle dans le dédale des intrigues, en quelques mois de pouvoir il perd sa popularité, ses amitiés et presque son honneur domestique, et résigne sa charge, désabusé de ses rêves, ne croyant plus à son talent, doutant de l’homme et de l’humanité.

1304. (1903) La pensée et le mouvant

Ce mélange d’humanité est justement ce qui fait que l’effort d’intuition peut s’accomplir à des hauteurs différentes, sur des points différents, et donner dans diverses philosophies des résultats qui ne coïncident pas entre eux, encore qu’ils ne soient nullement inconciliables. […] Ce qui se comprend moins, c’est qu’on ait appelé Dieu un principe qui n’a rien de commun avec celui que l’humanité a toujours désigné par ce mot. […] Quelque chose de l’adoration et du respect que l’humanité lui voue passe alors au principe qu’on a décoré de son nom. […] Nul doute que chacun des résultats acquis par l’humanité ne soit précieux ; mais c’est là du savoir adulte, et l’adulte le trouvera quand il en aura besoin, s’il a simplement appris où le chercher. […] Notre grammaire aurait été autre, autres eussent été les articulations de notre pensée, si l’humanité, au cours de son évolution, avait préféré adopter des hypothèses d’un autre genre.

1305. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Ce furent ses capitaines et ses officiers qui, peu exacts et peu fidèles, non point par humanité, mais par avarice ou légèreté, permirent sur plus d’un point l’entrée des vivres « pour en retirer des écharpes, plumes, étoffes, bas de soie, gants, ceintures, chapeaux de castor et autres telles galantises ».

1306. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Vous remarquerez que, pour l’achever et la couronner, il a cru essentiel de mêler à son idée de l’homme aimable un sentiment d’humanité, d’affection, et presque de détachement sincère au milieu du succès : c’est qu’il sait bien que l’écueil de ce qu’on appelle ordinairement l’amabilité dans le monde et de l’usage exclusif de l’esprit, c’est la sécheresse et la personnalité.

1307. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Il avait l’habitude de s’exprimer à ce sujet sous la forme, à lui si familière, de l’apologue, et il disait : Il y a dans l’humanité un inexplicable préjugé en faveur des anciennes coutumes et habitudes, qui dispose à les continuer même après que les circonstances qui les avaient rendues utiles ont cessé d’exister.

1308. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Cette lettre, publiée par Voltaire, est devenue historique, et elle fait le plus grand honneur auprès de la postérité à l’esprit et à l’humanité de M. d’Argenson : « Vous m’avez écrit, monseigneur, lui répondait Voltaire, une lettre telle que Mme de Sévigné l’eût faite, si elle s’était trouvée au milieu d’une bataille. » Et cet éloge est mérité ; on a la description gaie, vive, émue, du combat, du danger, du succès plus qu’incertain à un moment, de la soudaine et complète victoire ; le principal honneur y est rapporté au roi : puis, après tout ce qu’un courtisan en veine de cœur et d’esprit eût pu dire, on lit les paroles d’un citoyen philosophe ou tout simplement d’un homme : Après cela, pour vous dire le mal comme le bien, j’ai remarqué une habitude trop tôt acquise de voir tranquillement sur le champ de bataille des morts nus, des ennemis agonisants, des plaies fumantes… J’observai bien nos jeunes héros ; je les trouvai trop indifférents sur cet article… Le triomphe est la plus belle chose du monde : les Vive le roi !

1309. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Mais Frédéric y met moins de façons, et il n’hésite pas à placer le niveau moyen de l’humanité au-dessous d’une trop sublime espérance.

1310. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Ce jeune homme, et très jeune homme au temps où il servait avec Vauvenargues, avait le trait caractéristique de sa famille : « Je lui trouve dans l’humeur quelque chose des Riquetti, qui n’est point conciliant. » Vauvenargues, qui jugeait ainsi le petit chevalier, essayait de lui insinuer un peu de douceur, de politesse de ton et de mœurs, de l’assouplir. « Quant au genre de persuasion que vous soufflez au chevalier, lui disait Mirabeau, vous ne réussirez pas, s’il est du même sang que nous ; votre système est d’arriver aux bonnes fins par la souplesse ; le mien est d’arriver au bien, droit devant moi, ou par la violence ; de fondre sur le mal décidé, de l’épouvanter, et enfin de m’éloigner de ce qui n’a la force d’être ni l’un ni l’autre. » Ce système à outrance et que Vauvenargues a décrit dans un de ses caractères intitulé Masis (évidemment d’après Mirabeau), est le contraire de sa science à lui, de sa tactique dans le maniement des esprits, qui va à les gagner par où ils y prêtent, et à en tirer le parti le meilleur : Où Masis a vu de mauvaises qualités, jamais il ne veut en reconnaître d’estimables ; ce mélange de faiblesse et de force, de grandeur et de petitesse, si naturel aux hommes, ne l’arrête pas ; il ne sait rien concilier, et l’humanité, cette belle vertu, qui pardonne tout parce qu’elle voit tout en grand, n’est pas la sienne… Je veux une humeur plus commode et plus traitable, un homme humain, qui ne prétendant point à être meilleur que les autres hommes, s’étonne et s’afflige de les trouver plus fous encore ou plus faibles que lui ; qui connaît leur malice, mais qui la souffre ; qui sait encore aimer un ami ingrat ou une maîtresse infidèle ; à qui, enfin, il en coûte moins de supporter les vices que de craindre ou de haïr ses semblables, et de troubler le repos du monde par d’injustes et inutiles sévérités.

1311. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Tout compté, si trop souvent il s’est montré dur, cruel, sans scrupule dans l’exécution, il a rendu en somme un éminent service à l’État, et même, on l’ose dire, à l’humanité, en organisant cette chose sauvage, la guerre : il l’a, jusqu’à un certain point, moralisée.

1312. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Il est un petit nombre d’écrivains qui ont un privilège : ils ont peint l’homme dans leurs œuvres, ou plutôt ils sont l’homme, l’humanité même, et comme elle ils deviennent un sujet inépuisable, éternel, d’observations et d’études.

1313. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Au second siècle de notre ère, l’humanité était dans un triste état mental ; pour vous en faire idée, vous n’avez qu’à lire Philostrate ou Apulée.

1314. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Marie lit trop, je l’ai dit ; elle est pleine de ces livres du temps où l’on ne parlait jamais d’amour sans parler de croyances et sans faire intervenir l’humanité : « Marie, Marie !

1315. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Paris, avec sa bonne humeur et sa bonne grâce, avec une certaine humanité de ton et de mœurs qui y est généralement répandue, adoucit tout et sauve les transitions : Londres laisse se heurter à nu les contrastes.

1316. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Encore une fois, revenons au vrai, et à ce vrai littéraire qui n’oublie jamais l’humanité, et qui implique une sorte de sympathie pour tout ce qui en est digne ; si nous sommes justes pour l’ex-chaudronnier Bunyan qui, dans ses visions fanatiques, a fait preuve de force et d’imagination, n’écrasons point d’autre part cette gentille et spirituelle créature, cette quintessence d’âme, cette goutte de vif esprit dans du coton, Pope.

1317. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

L’idée récente encore et, pour ainsi dire, présente de son amie était si grande et si honorable, son image empreinte dans l’âme de tous les amis de la patrie et de l’humanité était si noble et si touchante, qu’il fallait, en quelque sorte, avoir pour elle un respect religieux et ne rien laisser paraître sous son nom qui pût mêler une idée de malignité d’esprit, de préventions et de petitesses féminines, à celle d’un si beau caractère, d’une telle virilité d’âme et d’un si auguste malheur. » Tel était le sentiment des contemporains immédiats, et il ne faut jamais le perdre de vue dans nos appréciations à distance.

1318. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Elle fit en elle un excellent choix, selon ses vues : fécondité, piété, douceur, humanité, surtout grande incapacité aux affaires.

1319. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Demander si un tel homme peut compter au nombre des moralisateurs du genre humain, c’est demander si le génie est une clarté ou une obscurité sur le monde ; c’est renouveler le blasphème de Platon ; c’est chasser les poètes de la civilisation ; c’est mutiler l’humanité dans son plus sublime organe, l’organe de l’infini !

1320. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Il a dévoilé la machine humaine depuis le premier rouage jusqu’au dernier ; il a monté et démonté le mécanisme des empires, et mis à nu tous les ressorts qui font mouvoir la sublime ou déplorable humanité.

1321. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Boileau ne le fit pas, et n’alla point au-delà des idées littéraires proprement dites : il ne regarda point les réalités psychologiques qui se cachent derrière ces abstractions, une langue, un genre : il n’y vit point les expressions de ces consciences collectives qu’on appelle des peuples, et ne se rendit pas compte que chaque nation façonne sa langue à son image, et que l’apparition et la disparition, la perfection et la décadence de ces formes organiques qui sont les genres, représentent la succession des états d’âme, la diversité des aptitudes intellectuelles et des aspirations morales des divers groupes de l’humanité.

1322. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Vouloir classer les métaphores usitées serait faire le dénombrement de tous les rapports perçus dans l’univers par l’esprit de l’homme : vouloir répartir en catégories les métaphores possibles serait aussi chimérique que de prétendre faire le tableau des découvertes futures de l’humanité.

1323. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Tout cela, un jour, aidera la comédie, cette fidèle et suggestive image de l’humanité, à sortir de la farce vainement fantaisiste, ou réaliste sans portée.

1324. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Avec le Cid se dégage la tragédie française : étude morale, humanité.

1325. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Mais, au fond, cela ne fait guère honneur à l’humanité ; cela montre combien nous sommes faibles et vaniteux.

1326. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Zola en prenne son parti : il ne peut pas être à la fois Zola et autre chose que Zola… Il lui restera toujours d’avoir écrit la Conquête de Plassans, l’Assommoir et Germinal, d’avoir puissamment exprimé les instincts, les misères, les ordures et la vie extérieure de la basse humanité.

1327. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Sa circonspection autant que son humanité se refusait à toute réforme un peu décisive, qui aurait profondément changé la condition des choses et celle des personnes.

1328. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Nous ne nous chargeons pas de répondre à toutes les excellentes plaisanteries lancées par lui contre un homme qu’il faudrait placer au rang des bienfaiteurs de l’humanité, n’eût-il établi qu’une vérité, celle qui nous sert d’épigraphe : « L’âge d’or, qu’une aveugle tradition a placé jusqu’ici dans le passé, est devant nous. » Carrel donna encore dans Le Producteur quelques autres articles de polémique, et il en fit aussi sur le commerce de la Grèce moderne, à le considérer sous un rapport de régénération politique et morale pour cette nation.

1329. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Dans un petit Traité de morale, rédigé à l’usage d’un neveu de M. de Malesherbes, et qu’il fit à la demande d’une mère, il a montré combien l’aménité était la forme de son caractère, et l’humanité le fond de son âme.

1330. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Tout en l’épargnant, tout en estompant, avec des paroles de reconnaissance, le peu de valeur du personnage, il nous le peint, comme ayant un certain tact de l’humanité, et le sens divinatoire, à première vue, d’un incapable avec un intelligent.

1331. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Elle confine au point d’honneur et, par là, perd beaucoup de son humanité.

1332. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Qui peut contester pourtant que, de tout temps, l’humanité a mis les valeurs artistiques et spéculatives bien au-dessus des valeurs économiques ?

1333. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

La mort créancière, —L’intrus dans l’Aldiana 95, la Faim, Le choix d’un lanmdo, l’Humanité [Adina] , le Mensonge et la Vérité)96.

1334. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Sans doute, la religion et l’amour, l’héroïsme et la vertu, l’humanité et le patriotisme, la tendresse paternelle et la piété filiale.

1335. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Dans tous les cas, qu’importe à Taine que du Méril l’accuse de spinosisme en disant, avec une malice spirituelle, que « si Spinosa n’avait pas existé il n’aurait probablement pas pensé au spinosisme, et que, pour lui comme pour les autres, tout homme étant une généralité, il n’y a pas de biographie privée, mais une histoire infinie de l’humanité » ?

1336. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Bien avant les abatteurs de frontière, qui dressent sur le pavois, embrassée et entrelacée, la grande figure de l’Humanité, le comte de Maistre, l’anti-philosophe, l’anti-progressif, le retardataire, montrait de son doigt prophétique l’Europe, et par l’Europe le monde, ascendant vers ce but de tout : l’unité !

1337. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Ils croiraient moins à la couleur locale, ils croiraient plus à la dramatique humanité, à l’égalité des âmes et des douleurs, qui fait que le reste est secondaire, le temps, le lieu et toute l’enveloppe de ces âmes.

1338. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Quelle sanction sublime auraient reçue les fragments de vérité, les éclairs de sentiment moral, les premiers cris de justice et d’humanité mêlés souvent aux erreurs de sa philosophie et aux pernicieux exemples de son siècle corrompu !

1339. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

C’est que, au moyen âge, sous l’insuffisance et la gaucherie des choses écrites, on devine une humanité plus tourmentée, agitée de passions plus violentes et plus profondes, plus intéressante enfin (à mon avis) que l’humanité antique. […] On voit par sa traduction comment un « amateur », un brave homme qui n’était évidemment muni que d’humanités sommaires, écrivait au temps de Rabelais. […] Il donnait, comme don Juan, « au nom de l’humanité », au nom de la solidarité humaine, pareil en cela, aux philanthropes du siècle suivant. […] On a beaucoup répété que la haine d’Alceste contre les hommes était une forme détournée de son amour de l’humanité. […] Le poète façonne la bouche tendre et balbutiante des enfants ; il ferme leur oreille aux discours grossiers ; il forme leur cœur par de belles maximes, leur communique l’humanité et la douceur.

1340. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Ce jour me fait penser qu’au point de vue de l’histoire de l’humanité, il est très intéressant et presque amusant pour un sceptique à l’endroit du progrès, de constater, cette année 1871, que la force brute, malgré tant d’années de civilisation, malgré tant de prêcheries sur la fraternité des peuples, et même en dépit de tant de traités pour la fondation d’un équilibre européen, la force brute, dis-je, peut s’exercer et primer, comme au temps d’Attila, sans plus d’empêchements. […] Si Versailles ne se dépêche pas, nous verrons la rage de la défaite se tourner en massacres, fusillades et autres gentillesses de ces doux amis de l’humanité. […] » Quelqu’un fait la remarque que les Allemands contemporains qui ont toutes les sciences, manquent absolument de celle de l’humanité, qu’ils n’ont pas, à l’heure qu’il est, un roman, une pièce de théâtre. […] » — « Mais non, mais non… vous êtes jeunes, vous les Occidentaux… vous n’avez presque pas d’histoire… mais c’est toujours comme ça… et le siège et la Commune : c’est l’histoire normale de l’humanité. » Il me retient à dîner, et me lit, le soir, de sa Tentation de saint Antoine. […] L’innocent croyait être transporté immédiatement en Calédonie… Il part, parqué avec ses compagnons, dans des wagons à bestiaux, si bien calfeutrés contre les évasions, que, vers la fin des quarante-huit heures que dura le voyage de Cherbourg, le pain s’aigrissant dans la fermentation de l’humanité, entassée là, ils étouffaient et étaient forcés, de se coucher, tour à tour, par terre, et de chercher un peu d’air respirable par les fentes du plancher.

1341. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Il était — trop différent, incapable de plier ses pensées — à celles des autres, quoique son âme eût été foulée — dans sa jeunesse par ses propres pensées ; toujours retranché dans son indépendance, —  refusant de livrer le gouvernement de son esprit — à des âmes contre lesquelles la sienne se révoltait, —  fier jusque dans un désespoir qui savait trouver — une vie en lui-même, et respirer en dehors de l’humanité ! […] Nous restons à genoux devant les sanctuaires où pendant trois mille ans a prié l’humanité ; nous n’arrachons pas une seule rose aux guirlandes dont elle a couronné ses divines madones ; nous n’éteignons pas une seule des lampes qu’elle entassait sur les marches de son autel ; nous contemplons avec un plaisir d’artistes les châsses précieuses où, parmi les candélabres ouvragés, les soleils de diamants et les chapes resplendissantes, elle a répandu les plus purs trésors de son génie et de son cœur. […] Sitôt qu’on cesse de voir en ce Faust l’humanité, qu’est-ce qu’il devient ?

1342. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Non pas la lecture des oisifs, mais le sanglot musical de l’Humanité ! […] Cette formule écarte à la fois le ratiocinement classique, la sentimentalité romantique, la réduction naturaliste aux fonctions physiques de l’humanité, et réunissant en un unique faisceau ces trois éléments, par une exaltation de la vie intérieure, c’est-à-dire, proprement, de la vie humaine, nous permet d’exprimer, vers un idéal, tout l’homme par tout l’art. […] Ne me considérant pas comme « un ange exilé sur la terre » ni comme un dédaigneux des vagues humanités juché au sommet de la « Tour d’Ivoire ».

1343. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

La transformation presque parallèle du vieux docteur Faust, du don Juan espagnol et moliéresque, du Juif-Errant des légendes, en symboles de l’humanité est caractéristique. L’œuvre poétique décisive, le « grand genre » vers lequel conflue de partout le lyrisme romantique, on les reconnaît facilement dans ce poème symbolique sur le développement de la nature et de l’humanité qui fut l’ambition de tous. […] Pour cet idéaliste au rêve si matériel et si plastique, l’existence du Livre forme, plus haut que l’humanité, un ordre qui se suffit. […] L’avenir, il le vit parfois à la façon d’un Anglais en révolte, d’un Poe, d’un Carlyle, d’un Ruskin, et il a évoqué dans le pur et classique poème en prose du Phénomène futur une humanité qui finirait dans la laideur. […] — « le trou magnifique ou l’attente, qui, comme une faim, se creuse chaque soir, au moment où brille l’horizon, dans l’humanité — ouverture de gueule de la Chimère méconnue et frustrée à grand soin par l’arrangement social »147.

1344. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Ils ne se déclarèrent contre Galilée & contre ce nouveau systême, « que pour se venger de l’injure involontaire que leur faisoit un grand homme qui peut-être en éclairant l’humanité, en paroissant plus instruit que les ecclésiastiques, pouvoit diminuer leur crédit sur le peuple ». […] On lui a construit depuis un tombeau magnifique, sur lequel est gravée l’épitaphe la plus honorable, & qui finit ainsi(*) ; Que les mortels se félicitent de ce qu’un d’eux a fait tant d’honneur à l’humanité. […] Maldonat y enseigna la philosophie, & Vanège les humanités. […] L’humanité seroit bien à plaindre d’être telle qu’il l’a représentée. […] Il fit ses humanités en France, & fut étudier en théologie à Louvain.

1345. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

L’exposition des manœuvres, des tracasseries & des emportemens qu’on a vus de part & d’autre, fera connoître quel est l’esprit de plusieurs de ces hommes, qui ne devroient point en avoir d’autre que celui de l’application au bien & à la conservation de l’humanité. […] Des vues sublimes & utiles, une marche hardie, la dialectique la plus juste, beaucoup de tableaux frappans, un stile nerveux, une philosophie mâle, l’amour des arts & de l’humanité ; voila ce qui caractérise le discours préliminaire auquel l’auteur doit en partie sa grande réputation. […] Selon lui, on y fait d’excellentes humanités : on y enseigne la plus saine philosophie. […] T héophraste Renaudot, né à Loudun, étoit un de ces hommes qui n’ont de vues, qui ne forment de projets que pour le bien public, & dont l’humanité s’honore. […] Il réclama les droits d’une liaison de tant d’années, les droits de la religion, de l’humanité, de la reconnoissance même, puisqu’enfin il n’étoit devenu odieux au parti contraire aux jésuites, que pour avoir voulu les ménager.

1346. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

En effet, même sans parler de la simple beauté de forme, de contour et d’ensemble, de la grâce et du charme dans la conception, de la délicatesse dans l’exécution technique, nous voyons exposé, sous nos yeux, ce que les Grecs et les Romains pensaient, au sujet de la mort, et le philosophe, le prédicateur, l’homme du monde pratique, le Philistin lui-même, seront certainement touchés par ces « sermons en pierres » avec leur portée profonde, l’abondance d’idées qu’ils suggèrent et leur simple humanité. […] Le Grec, dans son désir d’identifier la Nature et l’Humanité, peuplait le bosquet et les flancs des montagnes de belles formes fantaisistes, voyait le dieu tapi dans la futaie, la naïade suivant le fil de l’eau. […] De même que Lord Tennyson aime l’Angleterre, Virgile aimait Rome  : les grands spectacles de l’histoire et la pourpre de l’empire sont également chers aux deux poètes, mais ni l’un ni l’autre n’a la grandiose simplicité, ou la large humanité des chanteurs primitifs, et comme héros, Énée est manqué non moins qu’Arthur. […] Sans le terrain de course à pied d’Eton, sans la piste à remorquage d’Oxford, sans les écoles de natation de la Tamise, et les cirques annuels, l’humanité oublierait la perfection plastique et dégénérerait en professeurs myopes et précieuses à lunettes. […] Je ne saurais dire comment cela finira, mais ce que je puis vous dire, c’est que vous formez, vous élevez une race, qui en viendra un jour à étonner l’humanité par l’éducation que vous lui donnez ».

1347. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

. —  La véritable étude de l’humanité, c’est l’homme. —  Placé dans cet isthme de sa condition moyenne, —  sage avec des obscurités, grand avec des imperfections, —  avec trop de connaissances pour tomber dans le doute du sceptique, —  avec trop de faiblesse pour monter jusqu’à l’orgueil du stoïcien, —  il est suspendu entre les deux ; ne sachant s’il doit agir ou se tenir tranquille, —  s’il doit s’estimer un Dieu ou une bête, —  s’il doit préférer son esprit ou son corps, —  ne naissant que pour mourir, ne raisonnant que pour s’égarer, —  sa raison ainsi faite qu’il demeure également dans l’ignorance, —  soit qu’il pense trop, soit qu’il pense trop peu, —  chaos de pensée et de passion, tout pêle-mêle, —  toujours par lui-même abusé ou désabusé, —  créé à moitié pour s’élever, à moitié pour tomber, —  souverain seigneur et proie de toutes choses, —  seul juge de la vérité, précipité dans l’erreur infinie, —  la gloire, le jouet et l’énigme du monde. […] « Simplicité d’enfant, écrivait Pope, esprit d’homme. » Il vivait, comme La Fontaine, aux dépens des grands, voyageait autant qu’il pouvait à leurs frais, perdait son argent dans les spéculations de la mer du Sud, souhaitait une place à la cour, écrivait des fables pleines d’humanité pour former le cœur du duc de Cumberland1127, finissait par s’établir en parasite aimé, en poëte domestique, chez le duc et la duchesse de Queensbury.

1348. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

et les lois de l’humanité violées en moi ! […] Cependant, quelle que soit la pitié que ses malheurs inspirent aux cœurs généreux, cette pitié ne doit pas se tourner en colère et en accusations injustes contre l’ingratitude de l’humanité envers les génies qui l’honorent.

1349. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Quand ce fut fini avec lui, ils frondèrent la Sainte-Alliance, et pourtant jamais on n’a rien trouvé de plus grand et de plus bienfaisant pour l’humanité. […] Je vois mieux chaque jour que la poésie est un bien commun de l’humanité, et qu’elle se montre partout dans tous les temps, dans des centaines et des centaines d’hommes.

1350. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Les idées générales, comme celles de famille, de patrie, d’humanité, sont, elles aussi, des idées-forces, et cela de deux manières : 1° par leur pouvoir d’éveiller une multitude d’images, ce qui fait qu’elles renferment en elles-mêmes une condition de changement et de mouvement intellectuel ; 2° par les appétitions et tendances motrices qui accompagnent les images renaissantes et qui font que le mouvement intellectuel tend à s’achever en mouvement volontaire, avec mouvement physique corrélatif106. […] Aussi l’humanité s’élève-t-elle peu à peu, dans la science, du raisonnement qualitatif au raisonnement quantitatif.

1351. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

» Je répondais : « Parce que la littérature se renouvelle comme toutes les choses de la terre… et qu’il n’y a que les gens qui sont à la tête de ces renouvellements, qui survivent… parce que, sans vous en douter, vous n’admirez, vous-même, que les révolutionnaires de la littérature dans le passé, parce que… tenez, prenons un exemple, parce que Racine, le grand, l’illustre Racine a été chuté, sifflé par les enthousiastes de Pradon, par les souteneurs du vieux théâtre, et que ce Racine avec lequel on éreinte les auteurs dramatiques modernes, était en ce temps un révolutionnaire, tout comme quelques-uns le sont aujourd’hui. » Jeudi 16 janvier Pillaut avec son dilettantisme musical de lettré et de penseur, cause de Wagner, et dit que sa forme musicale fait penser à un monde futur, et que ses sonorités sont des sonorités qui semblent fabriquées pour les oreilles de l’humanité qui viendra après nous. […] Dans le roman Flaubert n’a pas été seulement un peintre de la contemporanéité, il a été un résurrectionniste, à la façon de Carlyle et de Michelet, des vieux mondes, des civilisations disparues, des humanités mortes.

1352. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

» Ici même il s’élève à des idées qui ne lui sont nullement étrangères, mais qu’on n’est point accoutumé d’associer à son nom ; il a des accents qui partent de l’âme : Si les hommes n’étaient pas ingrats, dit-il, je leur passerais la folie, l’inconséquence, l’humeur et toutes les autres imperfections qui dégradent un peu l’humanité ; mais il est dur de ne pas recueillir le fruit de ses bienfaits.

1353. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

.) — Tout au contraire, à mesure que le procès marche, il appuie et favorise les propositions qui ouvraient la voie à une solution d’humanité (Journal de Paris du 6 janvier 1793). — Il soulève et indique les objections contre les votes irréguliers qui condamnent (12 janvier).

1354. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Le président écrivit donc à Voltaire, et après avoir loué en lui avec effusion le talent sérieux, éloquent, le pathétique auteur d’Adélaïde du Guesclin et de Tancrède, il ajoutait ceci à l’adresse du soi-disant abbé Bazin : Je ne suis point théologien, ainsi je ne m’aviserai pas de lui répondre (à cet abbé Bazin) ; mais je suis homme et je m’intéresse à l’humanité.

1355. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

On lit dans une lettre du roi ce bel éloge : « Nous avons eu ici (10 octobre 1784) M. de Bouillé, qui est un homme de mérite, parce qu’il a su allier au mérite d’un bon militaire tout le désintéressement d’un philosophe ; et, quand on est assez heureux de rencontrer des hommes pareils, il faut en tenir compte à toute l’humanité. » Le prince Henri, en recevant M. de Bouillé à Rheinsberg, ne put s’empêcher de s’exprimer devant lui, de s’épancher sur le compte du roi son frère, comme il n’avait cessé malheureusement de penser et de sentir : Il le représentait, dit M. de Bouillé dans des mémoires dont on n’a donné que des extraits57, comme impatient, envieux, inquiet, soupçonneux et même timide, ce qui paraît extraordinaire ; il lui attribuait une imagination déréglée, propre à des conceptions décousues, bien plus qu’un esprit capable de combiner des idées pour les faire judicieusement fructifier.

1356. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

La qualité était une passion souvent sincère et la conviction sur des points qui intéressaient l’humanité.

1357. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Mais ces subtilités sont celles d’une nature élevée, délicate ; ces tourments sont d’une noble espèce, et l’humanité a de tout temps estimé ceux qui y furent sujets et qui se sont montrés capables de ces belles croix.

1358. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

J’y opposerai seulement une certaine page des mémoires de Marolles où il se représente, sans y être obligé, comme singulièrement attaché à la pudeur, et n’ayant jamais manqué en rien d’essentiel aux devoirs de sa condition, et aussi cette autre page où, déplorant en 1650 la mort d’une petite fille née en son logis et sœur des deux autres personnes dont parle Jean Rou, il la regrette en des termes si touchants, si expressifs et si publics, que véritablement il ne semble pas soupçonner qu’on puisse attribuer sa douleur à un sentiment plus personnel : « Cela fait bien voir, dit-il simplement, ce que peut quelquefois la tendresse de l’innocence sur le cœur d’un philosophe quand il ne s’est pas dépouillé de toute humanité. » — Cette remarque faite pour l’acquit de ma conscience, chacun en croira pourtant ce qu’il voudra.

1359. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Je m’acquitte de ma promesse, et je ne puis pas, à mon avis, lui choisir dans toute l’Europe un protecteur plus respectable par ses liaisons, et plus recommandable par son humanité.

1360. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Jeune, « il avait appris les humanités par goût, la théologie par devoir. » Dans ses années de résidence à Rouen, il avait fort connu Brébeuf et Corneille, et c’était qui lui avait exhorté, dit-on, le grand tragique à mettre l’Imitation en vers français.

1361. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Cette thèse ou cette manière d’entendre et de défendre Marie-Antoinette, outre qu’elle a pour soi la vraisemblance, est plus sûre en même temps, notez-le bien, plus inexpugnable aux yeux de l’avenir et en regard de la démocratie survenante, accessible surtout aux raisons de sentiment et d’humanité, que la gageure un peu hasardée de ces valeureux champions, qui, dans leur préjugé de point d’honneur, semblent prendre pour devise à propos d’elle : Tout ou rien, et qui relèvent le gant en chaque rencontre sans rien concéder.

1362. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Je ne suis pas très-content de Bayle sur l’article des Vaudois ; il a parlé d’eux en plus d’un endroit, et dans son Avis aux Réfugiés, et dans sa Réponse aux questions d’un Provincial ; au milieu des raisonnements qu’il fait et des choses justes qu’il ne peut manquer de dire, on y désirerait un mouvement d’humanité et un cri d’indignation qui n’y est pas.

1363. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Un général comme Catinat qui veut qu’il y ait discipline dans ses troupes, qu’on ne pille pas l’habitant, qu’on ne mange pas le pays ennemi, et qui a de ces perpétuels scrupules de probité et d’humanité, est toujours dans l’embarras des subsistances et devient naturellement l’homme des objections.

1364. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Il y a de quoi : un roi de vingt ans et une reine de dix-neuf, et toutes leurs actions sont comblées d’humanité, générosité, prudence et grand jugement.

1365. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Ils ont beau lui vouloir du bien et lui en faire, elle refuse de croire à leur humanité et à leur désintéressement.

1366. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

On y sentait surtout le cœur sensible de l’homme de douleur battre dans une grande poitrine, et la mélancolie pensive entraîner l’humanité vaincue dans ce torrent de larmes amassées par les calamités politiques.

1367. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

L’esprit qui tendait à prévaloir abolissait le sens historique par l’attention exclusive qu’il donnait à la commune et immuable essence de l’humanité.

1368. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Il s’inquiète assez habituellement des conséquences que peuvent avoir les idées qu’il expose pour le bonheur et pour le bien moral de l’humanité.

1369. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Renan que je veux dire, les a par avance démentis : « Le progrès de l’humanité n’est en aucune façon esthétique… Le grand art même disparaîtra.

1370. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Renan que je veux dire, les a par avance démentis : « Le progrès de l’humanité n’est en aucune façon esthétique… Le grand art même disparaîtra.

1371. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Si nous passons à l’humanité considérée dans son organisme social, nous trouvons de nombreux faits à l’appui de notre loi.

1372. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

L’année de Salamine ou de l’Orestie, des frontons du Parthénon ou de l’Histoire d’Hérodote lue à Olympie, compte davantage dans l’existence de l’humanité que les périodes millénaires des chronologies de Memphis.

1373. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Mlle Le Couvreur, touchée de l’arrestation d’un homme qui peut-être avait voulu la duper et s’insinuer près d’elle, mais qui peut-être aussi avait voulu sincèrement la servir, écrivit au lieutenant de police une lettre pleine de dignité et d’humanité : Je lui ai parlé et fait parler souvent et longtemps, disait-elle de ce jeune homme, et toujours il a répondu avec suite et ingénuité.

1374. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

J’avoue que mes muscles étaient crispés… On voit, ce me semble, la situation, l’attitude et le geste des deux parts : d’un côté, M. de Lally, celui qu’on a appelé le plus gras, le plus gai, le plus gourmand des hommes sensibles, ce personnage spirituel et démonstratif, à qui un moment d’éloquence généreuse et de pathétique dans sa jeunesse permit d’être déclamateur toute sa vie, ayant le beau rôle des larmes et se le donnant ici comme toujours ; de l’autre côté, un homme jeune, ardent, un peu amer, irrité de voir un mouvement d’humanité devenir une machine oratoire et un coup de tactique ; qu’on se représente les deux hommes en présence, et tout s’expliquera.

1375. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Ainsi donc, sans prétendre garantir l’opinion de Saint-Simon sur tel ou tel personnage, et en en tenant grand compte seulement en raison de l’instinct sagace et presque animal auquel il obéissait et qui ne le trompait guère, on ne peut dire qu’en masse il ait calomnié son siècle et l’humanité ; ou, si cela est, il ne l’a calomniée que comme Alceste, et avec ce degré d’humeur qui est le stimulant des âmes fortes et la sève colorante du talent.

1376. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

. — Seul le Génie de l’humanité y domine et s’y glorifie dans une dernière page d’une perspective grandiose et superbe, bien que légèrement attristée49.

1377. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Ce livre fait beaucoup d’honneur à M. de Blignières, qui est professeur de rhétorique dans l’un de nos collèges de Paris (Stanislas) ; la science dont il fait preuve n’est pas la seule chose qui plaise en lui ; son affection pour Amyot décèle ses mœurs, une âme qui aime les lettres, et qui les aime avec cette humanité d’autrefois, avec cette chaleur communicative qui est propre à gagner la jeunesse, et que possédaient les vieux maîtres.

1378. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Philippe (c’est le nom du valet de chambre, qui, indépendamment de toutes ses qualités, est studieux, instruit, amateur de lecture), Philippe, retiré du service et vivant auprès de son fils, a pris l’habitude de jeter ses pensées sur le papier ; et comme on lui proposait un jour de se faire imprimer : « Non, vraiment, répondit-ilh, je craindrais de trahir les secrets de l’humanité ; on sent le besoin de les cacher quand on connaît les hommes. » Vers le temps où, retiré en Champagne, à l’abri de la proscription, il écrivait sa Dot de Suzette, M. 

1379. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

il était né bon et juste, et Dieu lui avait donné assez pour être un bon roi, et peut-être même un assez grand roi… Qu’il y eût dans Louis XIV un premier fonds de bonté, de douceur, d’humanité, qui disparut trop souvent dans l’idolâtrie du rang suprême, Saint-Simon le reconnaît et, même en s’en étonnant, nous l’atteste ; Mme de Motteville nous le fait remarquer comme un caractère naturel du roi enfant, et plus d’une parole de Louis XIV, dans les pages sincères de sa jeunesse, nous le confirmera.

1380. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

J’éviterai pourtant l’excès contraire, qui irait à une apothéose systématique, et je tâcherai de contenir l’admiration, en ce qui le concerne, dans les limites du bon sens et de l’humanité.

1381. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Ses recherches sur l’une des plus effrayantes impuissances morales de l’homme moderne, la sympathie même qui l’ai tire vers les misérables et les imparfaits, tout le spectacle attristant de l’humanité vue de près, l’ont irrémédiablement contristé, et de même qu’un aliéniste, à force de voir la fêlure légère ou béante des cerveaux qu’il examine, doute qu’il y ait des âmes normales, Tourguénef tient en suspicion la force de l’homme et la joie de la vie.

1382. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Paris est la capitale d’un versant de l’humanité, Londres est la capitale du versant opposé.

1383. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

N’est-ce rien enfin que cet amour de l’humanité, cette fraternité en esprit qui nous inspire cette croyance que nul homme ne se trompe d’une manière absolue ?

1384. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Nous ne connaissons exactement aucun des obstacles qui arrêtent son développement progressif, et l’on ne peut s’en étonner si l’on songe combien nous sommes ignorants à cet égard, même en ce qui concerne l’Humanité, que nous connaissons cependant mieux qu’aucune autre espèce.

1385. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Dans ce livre modeste et hardi, tout à la fois, des Horizons célestes, il est un passage d’une audacieuse nouveauté intitulé : « du Paradis qui ne fait pas peur », et dans lequel le Paradis du Dante ne tient pas plus, sous le regard de la femme, qui en veut un taillé à la mesure de son âme, que les plus vulgaires notions de ces paradis légendaires qui préoccupent depuis des siècles l’humanité, cette grande songeuse.

1386. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Malgré tout ce que dit l’auteur allemand de la fermeté d’Innocent (et bien contrairement aux idées répandues par des écrivains passionnés dans le sens opposé à Hurter), nous pensons, nous, que le Pape n’osa pas toujours se servir de l’omnipotence d’opinion dont il était nanti par le fait de l’éducation et des développements de l’humanité au xiiie  siècle.

1387. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

L’humanité s’est passée d’elles pendant fort longtemps ; et elles n’auraient peut-être jamais paru dans le monde s’il ne s’était rencontré jadis, en un coin de la Grèce, un petit peuple auquel l’à-peu-près ne suffisait pas, et qui inventa la précision 8.

1388. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Le premier jour ou un pâtre arya modula une onomatopée admirative ou joyeuse ou éclata en sanglots, le poème était fondé, et le poème ne servit depuis qu’à développer le cri de joie et le cri de douleur de l’humanité. […] quelle est la nécessité de l’art et de la science, leur destination, leur utilité dans cette humanité qui semble entièrement dédiée à chercher, les uns à se guérir, les autres à préserver leurs richesses acquises, des revendications populaires ? […] De ces théories sociales, dont on doit d’abord accepter la justesse des intentions et ce grand point reconnu qu’il faut soigner l’humanité et non la révolutionner, que reste-t-il acquis ? […] Les tableaux qui suivront sont pris des sentiments et des monuments à la fois éternels et d’une minute de cette humanité à la fois stable et kaléidoscopique telle que la veut voir le poète. […] Lazare, de pauvres esprits, des mystiques de nul intérêt, on n’a pas le droit de les représenter comme l’élite de l’humanité… : ceci est de l’appréciation purement personnelle.

1389. (1903) Propos de théâtre. Première série

Tel le margrave Ruedegër dans les Niebelungen, tel le Brutus de Shakspeare se demandant s’il doit préférer le devoir d’humanité au devoir civique, et, de la pitié ou du patriotisme, lequel a le droit de parler plus haut : « Cassius, ne t’abuse pas. […] Et voici Molière, que Rousseau a tant attaqué, qui soutient dans Les Femmes savantes la thèse de Rousseau sur la mauvaise influence des lettres, des sciences et des arts pour le bonheur de l’humanité. […] L’esprit religieux est un violent, puissant et admirable effort pour échapper à la nature, pour nous dégager d’elle, pour la vaincre en nous, pour nous élever au-dessus de l’humanité proprement dite. […] Voilà qui va bien ; mais l’humanité n’est pas si tranchée, et, entre les deux groupes extrêmes, que de groupes intermédiaires ! […] Ce n’est pas l’individu qui parle et chante en cette langue ; c’est la religion, la morale éternelle, la pitié, l’humanité, la patrie.

1390. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

La conscience de l’humanité est la plus haute image réfléchie que nous connaissions de la conscience totale de l’univers. […] Gaudry, l’humanité semble la merveille à laquelle a abouti la création. […] Je me rappelle avoir vu jadis une lithographie ridicule montrant « Molière étudiant l’humanité chez un perruquier de Pézenas ». […] Ils seraient des chefs de famille, ils auraient apporté non pas leur sacrifice d’une heure, mais leur labeur de tous les jours à l’humanité. […] J’ai signalé plus haut le sentiment d’humanité qui, contrairement aux habitudes militaires du temps, apparaît souvent dans les Mémoires du général Paulin.

1391. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Huszar indique en passant que les femmes dans Corneille « surpassent peut-être les hommes dans leur passion exagérée de volonté maniaque et perdent ainsi le charme de la faiblesse et presque tout caractère d’humanité ». […] La vieille humanité gît en mal de progrès, Et le fruit nouveau-né sortant de ses entrailles Annonce son décès. […] Il est vain de s’épuiser à chercher des différences de degré, sur ce point, entre de pareils démiurges d’humanité. […] L’un accepte les choses comme elles sont dans la nature et dans l’humanité ; il prend sans les disjoindre… le rat et le cygne, le reptile et l’aigle, le crapaud et le lion ; il prend le cœur à pleines mains, tel qu’il est au complet, or et boue, cloaque ou Eden, et il laisse à chaque objet sa couleur, à chaque passion son cri et son langage. […] Et puis, pour oublier cette pensée amère, J’ai voulu contempler Athènes, notre mère, Notre éternelle et sainte et divine cité, La ville de la Grèce et de l’humanité.

1392. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

C’est que la société française d’alors produisait une humanité si caractérisée qu’elle ne semblait pas conditionnée. […] Mais cette vision trop sommaire de l’humanité répugnait à sa fine et haute culture. […] Que ce Français complexe qu’il nous peignait fût un exemplaire d’humanité à la fois très raffiné et très dangereux pour l’avenir du pays, les catastrophes où s’est abîmé le second Empire ne l’attestent que trop. […] Le temps de les regarder, et on me les enlève. » — Votre ami Dupré appelle cela des trésors, ces loques d’humanité », me répétait Poncet, en me rappelant cette conversation, « moi qui n’ai jamais pu mettre les pieds dans un asile, sans horreur !  […] Elle a aussi pour mission de représenter dans la patrie certaines vertus de discipline et d’ordre qui ont fait écrire à un autre moraliste : « L’homme le plus honnête est ordinairement le militaire honnête. » Et il continuait : « Dès que le soldat a remis l’épée au fourreau, la sainte humanité reprend ses droits et peut-être que les sentiments les plus exaltés et les plus généreux se retrouvent chez les militaires. » Comme on éprouve la justesse de cette remarque à suivre la carrière du maréchal Fayolle de 1870 à 1914, durant cette longue période qui s’étend entre Sedan et la Marne, et quel enseignement !

1393. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

L’humanité manque aussi bien que la décence10. […] Si dans les drames qui suivent, la Saint-Barthélemy, le Juif de Malte, l’enflure diminue, la violence reste : Barabbas, le Juif, ensauvagé par la haine, est désormais sorti de l’humanité ; il a été traité par les chrétiens comme une bête, et il les hait à la façon d’une bête. […] —  Dans quelle ombre, dans quel profond puits d’obscurité vit cette pauvre humanité craintive !

1394. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

., a produit, dans certaines âmes, de si grands effets de générosité, de renoncement à soi-même ; ce sentiment est si doux, si sublime, si consolant pour l’humanité, qu’il a plusieurs fois rempli la scène, avec succès. […] En nous conduisant de la compassion à la crainte, elle trouve un moyen d’intéresser notre amour-propre par un sentiment d’autant plus vif du contre-coup, que l’art de la poésie ferme nos yeux sur une surprise aussi avantageuse, et fait à l’humanité plus d’honneur qu’elle ne mérite. […] D’ailleurs, si le comique roule sur des caractères généraux et sur quelque vice radical de l’humanité, il sera ressemblant dans tous les siècles.

1395. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Nous avons de la peine à nous en apercevoir, parce que les modifications de l’humanité retardent d’ordinaire sur les transformations de son outillage. […] C’est cette maîtrise qui profite à l’humanité, bien plus encore que le résultat matériel de l’invention même. […] Paul Lacombe a fait ressortir l’influence capitale que les grandes inventions ont exercée sur l’évolution de l’humanité (P.

1396. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Et semble que ce moyen de nous entravertir apporterait non légère commodité au commerce public ; car à tout coup il y a des conditions qui s’entrecherchent, et, pour ne s’entr’entendre, laissent les hommes en extrême nécessité. » Renaudot, qui savait sort Montaigne et qui s’en autorise, résolut d’établir ce centre commun d’annonces, d’adresses et de renseignements ; il eut l’idée de plus, soit par un sentiment d’humanité, soit pour mieux achalander son entreprise, de donner des consultations gratuites, et de se faire le commissaire officieux, mais qualifié et breveté, des pauvres et des malades, de ceux qui ne voulaient pas entrer dans les hôpitaux, et qui désiraient être traités à domicile : il se chargeait de leur procurer gratis médecins et médicaments.

1397. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Pendant qu’Aladin voyage monté sur un coursier, et s’arrête ou se détourne toutes les fois que sa curiosité ou son humanité intéressée le lui suggèrent, il rencontre un autre voyageur monté sur un âne, qui va d’un pas égal, mais qui ne se détourne ni ne s’arrête jamais.

1398. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Je trouvai à ce propos que ledit M. de Chauvelin n’était aucunement homme d’Etat comme je l’avais cru, et que ce n’était qu’un courtisan peu intelligent au bonheur de la nation ni aux sentiments que nous devons à l’humanité.

1399. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

J’ose assurer que nous ferons plus de progrès dans une année, que l’on n’en fait pour l’ordinaire dans tout le long cours des humanités.

1400. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

L’humanité ne lui paraît pas meilleure de son temps qu’autrefois, mais elle ne lui paraît pas pire.

1401. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

L’Espagne était depuis un siècle dans un accroissement de puissance et d’ascendant qui troublait les conditions d’existence et les rapports naturels des pays voisins, et menaçait tout l’occident de l’Europe ; et en même temps elle apportait dans ses conquêtes politiques un système d’oppression absolue et de machiavélisme pratique qui tendait à pervertir la morale, à nouer tout développement de l’esprit et à déformer l’humanité.

1402. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Je n’ai nulle envie de diminuer un esprit éminent, ni de dénigrer un homme dont le caractère, malgré ses fragilités fréquentes, laissait voir au fond l’humanité et même la débonnaireté.

1403. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

L’humanité se montre chez lui bien naïvement aussi, dans l’anecdote suivante ; il aurait pu faire la Fille du régiment, comme il a fait le Chien du régiment ; il aimait mieux pourtant n’avoir pas à traiter ce nouveau sujet de tableau : « Dis à Jazet14 que je lui rapporte une vigoureuse collection de sujets.

1404. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

C’est bien, au reste, la même organisation, déjà connue, qui se traduit à nous, vive, heureuse, courante, avec la même facilité, la même verve et un fonds de bon sens dans la pétulance ; on y remarquera de plus la bonté et l’âme, l’humanité, et des éclairs de poésie et d’élévation.

1405. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Ce contraste du roi le plus sombre et le plus despotique, maître de tant de royaumes, et du cœur républicain le plus brûlant, le plus épanoui, le plus vaste, battant pour toute l’humanité et enveloppant dans son amour le monde entier, avec toutes les races futures, visant à réaliser au plus tôt le bonheur de l’espèce ou par le fils, le royal héritier de tant de sceptres, ou directement par le père même dès qu’il se flatte d’avoir action et prise sur lui, ce contraste une fois admis amenait des scènes d’un grand effet et d’une beauté morale saisissante, toujours à la condition de se laisser enfermer dans le cercle magique du poète.

1406. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Son effréné désir serait de remonter le cours des âges, de faire rebrousser le fleuve de l’humanité, D’Albert aime l’impossible, et il s’y acharne.

1407. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

L’humanité est ainsi faite : après tout grand succès et pour le compléter, il y a toujours un M. de Rubentel, un monsieur aigri, outré, impossible, qui vous en veut à mort de ce jour-là, qui vous saluait la veille et qui ne vous salue plus.

1408. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Avant tout, le hasard et la bizarrerie des destinées ; cette fatalité « qui préside aux événements de notre vie, qui paraît dormir dans les temps calmes, mais qui, dès que le vent s’élève, emporte l’homme à travers l’air comme une paille légère » ; les premiers succès, l’entrain du début, les heures brillantes de la vie, les espérances déjà couronnées ; puis les revers, les lenteurs, les mécomptes, les difficultés tournant à la ruine ; la prison, la souffrance, une épreuve sans terme ; une longue agonie dans l’âge de la force ; une nature d’élite écrasée, victime et martyre des persécutions ; les haines aveugles des foules, les sauvages préjugés des races ; l’horreur des guerres injustes ; toujours et partout, çà et là, quelques âmes bienfaisantes et compatissantes ; notre pauvre humanité au naturel et à nu, en bien et en mal ; une belle mort enfin, délicate et magnanime.

1409. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Léon Gautier, si, dans toutes les annales de l’humanité, il est une époque que l’on puisse légitimement comparer à notre Renaissance.

1410. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Depuis que Voltaire a été détrôné sans retour par la philosophie de l’histoire, et qu’il est convenu que la Fronde ne saurait se reproduire sous d’autres formes, nous succombons sous les grandes causes qu’on met en avant, et selon lesquelles on fait manœuvrer après coup l’humanité : le présent seul fait défaut jour par jour à cette grandeur.

1411. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Cette toile de Pénélope, dans la science et la philosophie, amuse les amants de l’humanité, qui s’imaginent toujours que le soleil ne s’est jamais levé si beau que ce matin-là, et que ce sera pour ce soir à coup sûr le triomphe de leur rêve.

1412. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Je voudrais bien pouvoir n’en conclure qu’une chose, c’est que, même à tort et à travers, l’humanité ne conçoit rien de grand, à la longue, sans une certaine bonté.

1413. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

« Mais, pour plaire aux sages et pour avoir la perfection, il faut que l’unité ait pour limites celles de sa juste étendue, que ses limites viennent d’elle ; ils la veulent éminente pleine, semblable à un disque et non pas semblable à un point. » En songeant à ses erreurs, à ce qu’il croyait tel, il ne s’irritait pas ; sa bienveillance pour l’humanité n’avait pas souffert : « Philanthropie et repentir, c’est ma devise. » Trompé par une ressemblance de nom, nous avons d’abord cru et dit que, comme administrateur du département de la Seine, il contribua à la formation des Écoles centrales  ; nous avions sous les yeux un discours qu’un M. 

1414. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Aussi devine-t-on combien, en sa substance, l’œuvre sera dure ; combien il y aura peu de tendresse, de sympathie, d’humanité, dans cette ironie, et quelle brutalité fera le fond de cette gaieté si légèrement aimable.

1415. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

« Consciencieux, il voulut, avant d’aller plus loin, étudier mieux la vie, observer l’humanité.

1416. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Ne constituent-ils pas une sorte de réalité idéale où 1 humanité aime à se représenter à ses propres yeux ?

1417. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Les questions qui se débattent alors dans les salons, le sourire aux lèvres, sont de celles qui engagent les plus graves intérêts de l’humanité.

1418. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Bossuet sème ses discours chrétiens de latinismes, et quand il résume à l’usage de son royal élève l’histoire de l’humanité, c’est le peuple romain qu’il comprend le mieux et admire le plus.

1419. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Ce philanthrope fabrique des outils de carnage, ce rêveur humanitaire rêve des mixtures à faire sauter l’humanité dans la lune, cet apôtre veut convertir l’Europe à la paix par d’épouvantables hachis.

1420. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Indépendamment de l’intérêt tout particulier qui s’attachait au nom glorieux de Ney et de la question d’humanité même, il y avait dans ce vote autre chose encore, il y avait une théorie.

1421. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Les malades, à la date de 1778, étaient encore très peu bien traités dans les hôpitaux ; il suffira de dire qu’on en mettait plus d’un dans un même lit, et l’hospice fondé par Mme Necker le fut dans l’origine « pour montrer la possibilité de soigner les malades seuls dans un lit avec toutes les attentions de la plus tendre humanité, et sans excéder un prix déterminé ».

1422. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Beaumarchais répondit gaillardement que cette petite n’était autre qu’une pauvre enfant adoptive dont Figaro, à Séville, prenait soin par humanité ; que depuis lors elle avait passé en France, avait épousé à Paris « un pauvre honnête garçon, gagne-denier sur le port Saint-Nicolas, nommé L’Écluze, qui venait d’être écrasé misérablement, au milieu de tous ses camarades, par la machine qui sert à décharger les bateaux » : Il a laissé, ajoutait-il, sa pauvre femme, âgée de vingt-cinq ans, avec un enfant de treize mois et un de huit jours qu’elle allaite, quoiqu’elle soit très malade et qu’elle manque de tout.

1423. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

La pureté de ses eaux, les beaux ombrages qui l’entourent, les rochers escarpés et les épaisses forêts qui en défendent l’approche ; ce mélange de beautés tout à la fois douces et imposantes cause un saisissement difficile à exprimer, et semble annoncer la secrète présence d’un Être supérieur à l’humanité.

1424. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Mais le xviiie  siècle, dans son ambition, ne se contente point de si peu ; Sieyès, dans un de ses rares moments d’épanchement, disait : « La politique est une science que je crois avoir achevée. » Et quant à la morale, plus d’un philosophe du temps eût été plus loin et eût dit : « Je crois l’avoir à la fois achevée et inventée. » Piqué par les reproches du Génie et enhardi par sa présence, le voyageur s’ouvre donc à lui ; il veut savoir « par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Ici les ruines de Palmyre s’oublient : le Génie enlève le voyageur dans les airs, lui montre la terre sous ses pieds, lui déroule l’immensité des lieux et des temps, et commence à sa manière toute une histoire de l’humanité et du principe des choses, de l’origine des sociétés, le tout sous forme abstraite et en style analytique, avec un mélange de versets dans le genre du Coran.

1425. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Ainsi grandit et s’éclaire le génie de l’humanité.

1426. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Un bel ouvrage tombe entre leurs mains, c’est un premier ouvrage, l’auteur ne s’est pas encore fait un grand nom, il n’a rien qui prévienne en sa faveur, il ne s’agit point de faire sa cour ou de flatter les grands en applaudissant à ses écrits ; on ne vous demande pas, Zélotes , de vous récrier, C’est un chef-d’œuvre de l’esprit ; l’humanité ne va pas plus loin : c’est jusqu’où la parole humaine peut s’élever : on ne jugera à l’avenir du goût de quelqu’un qu’à proportion qu’il en aura pour cette pièce ; phrases outrées, dégoûtantes, qui sentent la pension ou l’abbaye, nuisibles à cela même qui est louable et qu’on veut louer : que ne disiez-vous seulement, Voilà un bon livre ; vous le dites, il est vrai, avec toute la France, avec les étrangers comme avec vos compatriotes, quand il est imprimé par toute l’Europe et qu’il est traduit en plusieurs langues ; il n’est plus temps.

1427. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

L’histoire, de l’aveu même des éditeurs, y est totalement négligée ; on n’y parle d’aucun de ces faits qui piquent la curiosité, ou qui instruisent sur les mœurs des différens siécles ; on n’y fait connoître aucun de ces hommes fameux qui ont bien mérité des Lettres ou de la patrie, ou dont les vices & les passions ont été funestes aux Empires & à l’humanité.

1428. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Son anthologie poétique Crépuscule de l’humanité est devenue classique.

1429. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Ce livre n’était pas, il est vrai, l’histoire complète de la Restauration, ce n’en ôtait que l’histoire littéraire : mais l’histoire littéraire d’une époque, c’est sa pensée, et qui tient la pensée tient tout, quand il s’agit de l’homme et de l’humanité !

1430. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

L’un puisait par en haut dans cet étang de sang, de larmes et de fanges typhoïdes ; l’autre puisait par en bas, mais ils étaient tous deux originaux, tous deux trouveurs, l’un, en nous rapportant son idéale amphore de marbre noir veiné de rose, l’autre son humble cruche de grès, toutes deux remplies de la même vase saignante et des mêmes larmes de l’humanité !

1431. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

« Élevez-le ; car la chancelante humanité a besoin de son appui.

1432. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Il reçut encore plus d’éloges sur un genre de mérite qui lui est propre : c’est d’avoir jetté dans tous ses drames une morale utile à l’humanité, sans être nuisible à l’intérêt de la scene. […] Nos Politiques ne cherchaient point à pénétrer dans le cabinet des Princes, à combiner leurs intérêts différens ; mais ils s’occupaient des intérêts de l’humanité en général, & du bien de leur Patrie en particulier. […] Le même pinceau qui venait de tracer les malheurs & les pertes de l’humanité, nous offrait encore la peinture de son industrie & de ses ressources dans l’Histoire générale du commerce des Anciens. […] Tout dans ses Drames tourne au profit de l’humanité. […] Toutes les classes de l’humanité contribuerent à son travail ; toutes y trouvent de quoi se rectifier.

1433. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Je dis que la philosophie de Voltaire, comme fonds de pensées, fut sa raison, parce qu’il lui dut ce caractère distinctif de son talent qui se montre sans cesse animé du désir de rendre sa plume utile aux idées éternelles de justice et d’humanité : ses vues générales sont toujours nobles et imposantes, quoiqu’elles nuisent à la fidélité de ses peintures historiques et locales. […] Son temps devait n’appartenir qu’à l’honorable ministère qu’il s’était créé de défendre mémorablement la cause, toujours en débat, de la justice, de la libre raison, et de l’humanité ; car Voltaire fut ardemment humain et indépendant : ces deux passions éclatèrent à sa gloire dans les rôles admirables de Zopire, des deux Brutus, et d’Alvarès. […] L’étonnement que de noirs attentats nous excite fait honneur à l’humanité : car les hommes rassemblés s’indignent tellement contre les barbaries, qu’on serait tenté de se persuader que les forfaits sont plus rares parmi les individus séparés. […] Malheur à qui ne fut jamais saisi par ces transports d’humanité ! […] par les seuls compatriotes qu’il ait revus depuis dix ans, par ceux même dont il implore l’humanité !

1434. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

L’humanité l’éclaire sur leurs droits et sur leurs malheurs, autant que la politique de ses maîtres l’aveugla. […] Le reste n’est que vague réminiscence, et déclamation ambitieuse, un faux sublime toujours lyrique, toujours tendu ; moins de profondeur que de vide ; des êtres fantastiques et gigantesques, de qui les formes indécises apparaissent comme à travers les vapeurs d’un horizon où se grossit et se perd leur image ; l’action continuellement hors de l’humanité : répondra-t-on qu’un sujet tout divin exigeait un langage mystérieux, et des ressorts entièrement surnaturels ? […] Ce n’est, de même, qu’à son burin de tracer comment la croisade de l’humanité, détournée de son but, affecta de confondre un peuple loyal avec des perfides, pour lui vendre au prix de ses dépouilles le rameau flétri de la paix, autour duquel toutes les branches de l’industrie peuvent rester desséchées longtemps sur une terre que d’innombrables troupes ont dévastée. […] Voilà ce qu’il importait de bien peindre ; et dans ce tableau nous retrouvons l’âme de notre poète, si passionné pour l’humanité. […] C’est là qu’il veut chanter l’expédition de Vasco de Gama ; mais c’est là que les barbaries, les cupidités d’un gouverneur des naissantes colonies, arrachent à son humanité une satire intitulée : Disparates da India, pleine de l’image sanglante des extorsions qu’il déplore.

1435. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Il ne voit pas le bien qu’il peut y avoir pour l’humanité à ce qu’un peuple libre et fier, quoique trop libre et trop fier, soit conquis par trois autocrates servis par leurs esclaves, et à ce qu’un peuple un peu fou, mais où régnent l’honneur et la vertu, soit domestiqué par des peuples où règne la crainte. […] … Non, sans doute, un crime est toujours un crime, soit qu’il ait été commandé par un prince, dans l’aveuglement de la colère, soit qu’il ait été revêtu de patentes signées de sang-froid avec toutes les formalités possibles…  » (Prix de la justice et de l’humanité.) […] Mais, du reste, le socialisme sentimental, qui n’est qu’une forme de la charité chrétienne ou tout simplement de l’humanité, ne lui est pas inconnu. […] Je souhaiterais passionnément que vous voulussiez entreprendre cet ouvrage et l’embellir de votre poésie, afin que, chacun pouvant l’apprendre aisément, il portât dès l’enfance dans les cœurs ces sentiments de douceur et d’humanité qui brillent dans vos écrits et qui manquèrent toujours aux dévots. […] Les derniers temps leur ont été plus favorables surtout en Hollande et en Angleterre, où ils jouissent de leurs richesses et de tous les droits de l’humanité dont on ne doit dépouiller personne.

1436. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

la fréquentation de ses contemporains lorsqu’on peut fréquenter chez soi les plus grands génies de l’humanité ! […] L’humanité est partout, mon cher monsieur, mais la blague plus à Paris qu’ailleurs, j’en conviens. […] Cet éternel lieu commun de l’humanité, cet universel penchant, base de la perpétuité de notre espèce, suffirait seul à justifier la vogue du roman à notre époque. […] Il était homme, après tout, et même avec le génie, l’humanité ne perd pas ses droits. […] La paraphrase Imaginative de Saint-Victor dans ses Deux Masques est toute contenue dans la Bible de l’humanité de Michelet.

1437. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Et voilà pourquoi je changerais encore sans hésitation si je venais à découvrir que mes opinions actuelles sont des erreurs, et qu’il y a des routes nouvellement découvertes dans lesquelles la marche est plus sûre, le sol plus solide et les vertus sociales plus mûres et plus abondantes pour l’humanité. […] XXXII Je cherchai donc dans cette situation difficile les questions neutres, pour ainsi dire, telles que les questions d’affaires étrangères, de finances, d’humanité, de moralité, d’institutions bienfaisantes pour les classes laborieuses, d’économie politique, de liberté du commerce, d’industrie, de charité, et je pris la parole au milieu d’une très vive attention publique dans quelques-unes de ces discussions.

1438. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Quant aux erreurs, en si grand nombre, où il est tombé, le caractère en est le même que celui des vérités ; elles y paraissent moins de l’humanité que d’un homme. […] A la charité chrétienne il ajouta l’amour de l’humanité, cette passion sublime qui devait échauffer tous les écrits du dix-huitième siècle.

1439. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Dîner chez Daudet, en tout petit comité de famille, et le soir, avec Alphonse, une longue et captivante causerie sur la fin de terre touchant au pôle, où il n’y a plus d’humanité, d’animalité, de végétation, où plus rien n’est que glace et nuit, — et sur l’effroi du silence, qui règne dans ce monde glacé. […] » Ce cri me fait plaisir, parce que je le vois prêt à n’être plus l’homme des bouquins, mais tourné à bouquiner de l’humanité.

1440. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Néanmoins, il y a trop de délibération, trop d’humanité dans cette affaire, et l’on pourrait gager mille contre un que la ville ne se bâtira pas, ou qu’elle ne s’appellera pas Washington, ou que le Congrès n’y résidera pas. » Beaucoup des prédictions de M. de Maistre (ne l’oublions pas) ne sont ainsi que des gageures. […] L’origine du mal, l’origine des langues, les destinées futures de l’humanité,  — pourquoi la guerre ?   […] Il est des endroits sensibles de l’humanité qu’il ne faut pas retourner rudement, pas plus que, dans un hôpital, certaines plaies du malade, pour se donner le plaisir de faire une démonstration théorique et anatomique exacte.

1441. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Pommier n’a, lui, qu’un personnage dans tout son poème ; mais son héros, c’est la Foule, c’est le Monde, c’est l’Humanité… » — Ça y est-il ? […] Déclamations de tribun bourgeois faisant le populaire, qui se souvient de ses humanités beaucoup trop dans l’espèce, et de littérateur qui est à cent mille lieues d’assez oublier qu’il a trempé dans le mélodrame — mais pas convaincu, pas convaincu pour un rouge liard ! […] Puis aux résignations comme divines et qu’il voit encore telle l’investit et lui dicta de nombreux poèmes mystiques, du plus pur catholicisme, comme ceci qui data toute une ère nouvelle, dans sa poésie et peut passer pour divin de sa vie pendant d’assez longues années ensuite desquelles, comme cela devait arriver, l’humanité trop tendue reprit ou crut reprendre quelque peu ses droits ou ses prétendus droits, d’où une série des volumes : Chansons pour Elle, Odes en son honneur, etc., où étaient célébrées des affections nouvelles sur des rhythmes appropriés.

1442. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

vous faites pour la seule justice, pour l’humanité seule, ce qu’à peine on aurait attendu de la plus ardente amitié ! […] Si la douleur n’était point un mal, elle ne le serait pas plus pour les autres que pour nous-mêmes ; nous devrions la compter pour rien dans eux comme dans nous : pourquoi donc cette tendre humanité qui caractérise les plus grands des stoïciens, bien mieux peut-être que la fermeté et la constance de leurs vertus ? […] Je suis assuré que quiconque lira son histoire de la Gaule, puis son Cours, avec l’attention qui convient, sentira que l’effet général est de lui agrandir la vue historique, de lui montrer l’humanité sous d’autres aspects plus larges et à la fois très-positifs, tellement qu’il devient difficile, après cela, de se contenter de la manière extérieure de peindre propre à quelques historiens, ou des petits traits de plume et des pointes perpétuelles de certains autres ; mais, pour goûter ce genre d’exposé et ne pas se rebuter des lenteurs, il faut se sentir attiré vraiment vers le fond des choses et par ce qui en fait l’essence. […] » — Et quelques mois après, un jour qu’il était plus souffrant des nerfs que de coutume, il laissait échapper ces mots irrités, dont l’allusion est assez sensible : « Lorsque les maux physiques surviennent, on a peine à concevoir avec quel acharnement les hommes se créent des maux d’une autre espèce ; et l’on éprouve surtout une indignation vive de ce que la nature, si féconde en douleurs, ne les dirige pas contre les ennemis de l’humanité.

1443. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Respect aux esprits qui, dans la langue des prophètes, enseignent à l’humanité ses grands devoirs ! […] Lequel de nous a dit que l’art poétique pouvait se passer de ses éléments principaux de force et de grandeur, et dans quel monde inconnu trouver un poète qui ne soit pas pétri d’humanité ? […] Si on veut leur sourire, ils vous épouvantent par ce qu’ils ont dans les yeux de ciel et de tonnerre ; si on veut leur rendre un culte, ils en apparaissent indignes par leur humanité visible. […] Recéler une parcelle de cette flamme dont brillent les grands phares qui éclairent l’humanité, et n’être pas capable d’être une lanterne vénitienne gaie et changeante à l’œil ! […] S’il chante les grands chênes, C’est qu’ils portent en eux, les arbres fraternels, Tous les débris épars de l’humanité morte.

1444. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Mais, d’un autre côté, expériences manquées, chefs-d’œuvre avortés en naissant, si quelques curieux les connaissent, — et si d’ailleurs les historiens de la littérature ou de la science ne doivent jamais négliger de s’en enquérir scrupuleusement, — l’humanité les ignore ; et elle a bien raison ! […] … Mais maintenant, c’est ma Cléopâtre, meurtrière tour à tour d’un mari, d’un premier fils, et d’un second, qui vous paraît sortir de la nature et de l’humanité dont même vous vous demandez si vous n’imputerez pas les crimes à la noirceur de mon imagination ? […] Nous le savons, et Andromaque aussi, mais d’une manière qui laisse encore quelque place à l’espérance ; et cela n’a l’air de rien ; et, cependant, il n’en faut pas plus pour rabattre la tragédie du plan de l’histoire sur celui de l’humanité, si je puis user de cette expression ; et cela suffit, pour achever de la transformer d’une succession d’événements en une succession « d’états d’âme ». […] Ce qui provoquera notre curiosité, c’est la déformation que les sentiments généraux de l’humanité subiront en se réfractant comme au travers des conditions, des professions, des métiers.

1445. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

C’était le temps, il est vrai, où la philanthropie dans toute sa confiance et son ingénuité se donnait carrière, où le sentiment exalté d’humanité qu’aucun échec n’avait encore averti se passait toutes ses espérances et tous ses rêves, où des zélés en venaient jusqu’à proposer de créer des espions du mérite et de la vertu pour dénoncer les beaux génies inconnus et modestes, pour découvrir les belles actions cachées, avec la même vigilance et la même adresse qu’on met à découvrir les mauvaises.

1446. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Ne pourrait-on pas demander à l’auteur de la Démocratie (et c’est la seule critique que je hasarde) un peu moins d’amour-propre pour l’homme, un peu plus d’amour pour la démocratie elle-même, pour l’humanité en masse ?

1447. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

L’Humanité chemine au rendez-vous ; Elle n’a plus de chaîne qui la noue ; Tu vas devant, la regardant venir.

1448. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Observant autour d’elle et en elle l’humanité d’une vue un peu chagrine, elle envia tour à tour les moutons, les fleurs, les oiseaux, les ruisseaux, cette nature enfin qu’elle voyait trop peu.

1449. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

On l’occupa successivement dans les diverses maisons de l’Ordre à Saint-Ouen de Rouen, où il eut une polémique à son avantage avec un jésuite appelé Le Brun ; à l’abbaye du Bec, où, tout en approfondissant la théologie, il fit connaissance d’un grand seigneur retiré de la cour qui lui donna peut-être la pensée de son premier roman ; à Saint-Germer, où il professa les humanités ; à Évreux et aux Blancs-Manteaux de Paris, où il prêcha avec une vogue merveilleuse ; enfin à Saint-Germain-des-Prés, espèce de capitale de l’Ordre, où on l’appliqua en dernier lieu au Gallia Christiana, dont un volume presque entier, dit-on, est de lui.

1450. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Les recherches de l’auteur sont attentives ; ses jugements, intègres ; sa prédilection, ardente pour tout effort de justice et d’humanité, pour tout noble caractère, dans quelque parti qu’il se trouve.

1451. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Leur architecture dite cyclopéenne, où la main de l’homme conserve dans ses ouvrages l’empreinte monumentale et divine de la force des temps et de la rusticité de la nature, l’élégance dorienne de leurs ruines de temples, le dessin inexpliqué de leurs vases, plus grecs que la Grèce elle-même, et aussi naïfs que l’âge primitif de l’homme, tout cela atteste qu’une science inconnue de l’humanité civilisée a coulé aux bords de l’Arno des rochers de la Toscane.

1452. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Avant tout, ce qui lui plaît, c’est la vie, et sa vie : dans ces drames merveilleux, rien ne le touche tant que le réel, et parmi ces acteurs surhumains, sa sympathie va à la simple, même à la basse humanité, au peuple vulgaire comme lui, comme lui bruyant, gausseur et jouisseur.

1453. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Il a l’amour de l’humanité, le sentiment social et philanthropique ; il est bienfaisant et prêche la bienfaisance.

1454. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Grand redresseur des petits abus, protecteur des petits fonctionnaires, terreur des administrations et des Compagnies, hygiéniste convaincu, épris avant tout d’utilité, capable de s’intéresser à, tout ce qui touche à notre « guenille », vivant bien sur la terre et aimant y vivre, pareil en cela à ses ancêtres du XVIIIe siècle dont il a l’ardeur d’humanité et l’activité d’esprit — moins la sensiblerie et les illusions  que de questions n’a-t-il pas remuées et que de services n’a-t-il pas rendus ou voulu rendre !

1455. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Un philosophe donne, comme don Juan, pour l’amour de l’humanité.

1456. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Dans le rôle, l’amour de l’humanité, l’amour de la justice ; dans l’homme, l’humeur pour règle, la conscience parlant bas comme si elle avait peur d’être un préjugé ; le bien et le mal au hasard du tempérament ; les vices de l’individu reprochés à la société ; la prédication dans les livres tenant lieu d’innocence ; l’homme se croyant quitte du devoir quand l’auteur l’a prêché.

1457. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Mais il est bon de se rappeler que dans ce long effort, qui tend à établir une équivalence parfaite, c’est-à-dire une égalité de droits n’excluant pas une diversité de fonctions entre les deux moitiés de l’humanité, il y a eu des moments d’arrêt, de progrès rapide et aussi d’effervescence désordonnée.

1458. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

… Et songer que l’humanité est si jeune, songer que vingt-quatre centenaires, se tenant par la main, nous feraient une chaîne qui nous ramènerait aux temps héroïques, à Thésée… Ah !

1459. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

L’humanité ne se lasse pas de se gausser d’un sentiment que jamais pourtant elle ne cessera d’éprouver.

1460. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

« Quand les hommes de génie, a dit un poëte allemand contemporain, ne souffrent pas pour l’humanité, ils souffrent pour leur propre grandeur, pour leur horreur du vulgaire et leur grande manière d’être. » Il était donc tout simple que Guérin souffrit.

1461. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Je laisse de côté la question de savoir si, délicatisant l’humanité en proportion des jouissances nouvelles qu’il lui apporte, le progrès indéfini ne serait pas sa plus ingénieuse et sa plus cruelle torture ; si, procédant par une opiniâtre négation de lui-même, il ne serait pas un mode de suicide incessamment renouvelé, et si, enfermé dans le cercle de feu de la logique divine, il ne ressemblerait pas au scorpion qui se perce lui-même avec sa terrible queue, cet éternel desideratum qui fait son éternel désespoir ?

1462. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

En formulant ainsi la croyance de l’humanité, nous y mettons peut-être plus de précision qu’il ne convient.

1463. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Eh bien, c’est dans l’éloge funèbre de ce bon gentilhomme que, mettant à la place de l’individu, qui n’est rien, la grandeur et la misère de l’humanité, Bossuet se complaît à dire : « Toutes les rivières ont cela de commun qu’elles viennent d’une commune origine, que, dans le progrès de leur course, elles routent leurs flots en bas par une chute continuelle, et qu’elles vont perdre leurs noms, avec leurs eaux, dans le sein immense de l’Océan, où l’on ne distingue plus le Rhin ni le Danube7 d’avec les rivières les plus inconnues.

1464. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

— C’est dans la première jeunesse qu’il sent sa force naître, qu’il pressent l’avenir de son génie, qu’il étreint d’un amour immense l’humanité et la nature, et c’est alors qu’on se défie de lui et qu’on le repousse. […] Ils sont toujours peu nombreux, et je ne puis me refuser à croire qu’ils ont quelque valeur, puisque l’humanité est unanime sur leur grandeur, et les déclare immortels sur quelques vers : quand ils sont morts, il est vrai.

1465. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Cette époque est une des grandes époques de la vie du peuple russe et de l’humanité tout entière. […] Des larmes brillaient aussitôt dans tes yeux, un doux sourire s’épanouissait sur tes lèvres, tu te sentais pénétré d’un ardent amour pour l’humanité, et le sentiment du beau et du juste embrasait ton âme naïve comme celle d’un enfant.

1466. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Mon refus d’écrire en sa faveur pouvait être suivi de ma mort ; mais j’étais résolu de perdre la tête plutôt que ma conscience: et si le pouvoir et les bienfaits de ce despote, qui voyait à ses pieds la république consternée le combler d’adulations, et qui avait entre ses mains ma fortune et ma vie, n’ont pu me faire parler pour manquer à l’humanité, il n’est aucune puissance qui pût me faire écrire pour manquer à la Divinité, qui m’a donné le courage de ne pas fléchir le genou devant un tyran. […] » Elle ajoutait que les idées d’humanité, de vertu, de religion, adoptées par tous les peuples, n’étaient que des inventions de la politique de leurs princes.

1467. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

« Vous n’avez vécu que pour les choses de l’intelligence ; et, non content de chercher dans l’observation de notre coin de nature et d’humanité, matière à remplir vos études et à satisfaire la curiosité de vos goûts, vous avez élargi l’horizon contemporain, vous avez ressuscité le charme d’un siècle disparu, vous avez rapproché de nous la fantaisie et le mystère des arts lointains. […] Quoi, ce pays qui a eu le coquet et rondissant mobilier de paresse du xviiie  siècle, est sous la menace de ce dur et anguleux mobilier, qui semble fait pour les membres frustes d’une humanité des cavernes et des lacustres.

1468. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Quand on a connu de tels hommes, l’humanité s’agrandit ; on méprise en secret ceux qui affectent de mépriser l’argile qui contient de telles âmes. […] … l’humanité pour tout le monde !

1469. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Vous vous le rappelez, mon ami ; car c’est un des beaux plaidoyers qui aient été faits en faveur de l’humanité ; c’est une des plus vives lueurs jetées sur cette question tant ressassée depuis, de la moralisation des bagnes. […] Douée, comme centre, d’une puissance d’assimilation supérieure à celle de toutes les nations ses voisines, elle pouvait joindre à la raison et à l’esprit, qui sont ses qualités distinctives, qui sont ses dons naturels, la rêverie de Dante, l’humanité de Shakespeare, le pittoresque de Calderon, la fécondité de Lope de Vega, la passion de Schiller, le philosophisme poétique de Goethe.

1470. (1896) Études et portraits littéraires

Il a supputé « ce qu’il y introduit de pudeur, de douceur et d’humanité, ce qu’il y maintient d’honnêteté, de bonne foi et de justice ». […] Avec quelle netteté il les a lui-même formulées un jour : « Les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leur illusion particulière17. » Ainsi s’est-il fait la sienne et, parce qu’il est un grand artiste, l’a-t-il suggérée à une partie de sa génération. […] On l’a dit, l’humanité supérieure rentrait dans son œuvre. […] Comme tout le monde, il abusait de quelques vocables : sensibilité, humanité… Influence peut-être du voisinage des Charmettes, la phraséologie de Rousseau l’avait gagné : l’être des êtres, l’Être suprême, le Grand Être… Et voici, dans sa harangue de 1777 sur la vertu, un morceau qui sent de près, n’est-ce pas ? […] Il plaisait à cet hégélien de voir se confondre en lui toutes les catégories où s’éparpille l’humanité.

1471. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Je remarquerai seulement que cette observation s’exerce dans un domaine un peu bien étroit ; que l’auteur, normand lui-même, n’a très évidemment étudié que des normands, qui ce volontaire et dure, mais égoïste, sèche, et maussade à désespérer ; qu’il ramène toute l’humanité de ses livres à ce type unique, et que c’est là un procédé de généralisation assez méchant pour un romancier qui a, comme lui, des parties de philosophe. […] Kant, disent-ils, a fait « découler la liberté, l’Homme-Dieu, du beau principe désintéressé qui est pour lui comme l’honneur de l’humanité et la clef de voûte de sa philosophie : le devoir », Évidemment, il n’y a plus rien à dire. […] Il l’emporte en vive et profonde humanité. […] On sent que le réalisme russe, que Tolstoï a passé là et sa saignante humanité. — Rapprochez l’admirable pièce de Théodore de Banville : Le Prussien mort (Idylles prussiennes).

1472. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Pour cela j’interroge Homere ; c’est-à-dire que je lis son ouvrage avec attention ; et persuadé en le lisant que rien n’est parfait, et que les fautes sont inséparables de l’humanité, je suis en garde contre la prévention, afin de ne pas confondre les beautez et les fautes. […] Pourquoi n’étendrions-nous pas cette humanité aux choses qui ne regardent que l’esprit ? […] il y a toûjours, dit-elle, quelque si, quelque mais, qui ne laisse pas ce grand poëte joüir en paix de sa réputation ; je sçai bien qu’elle ne veut ni de si ni de mais sur un auteur qu’elle juge irréprochable : car elle a beau dire par condescendance, qu’il peut bien y avoir quelque chose dans Homere qui se ressente de l’humanité, elle défend avec ardeur tout ce que les critiques y ont repris : ils ont été assez malheureux jusqu’ici pour n’attaquer rien que de parfait, que de divin : ni la malice ingénieuse à trouver des fautes, ni la raison qui les trouve d’autant mieux, qu’elle les cherche sans prévention, n’ont pû appercevoir les foiblesses d’Homere ; elles échappent même à la pénétration de Me D et il semble que ce soit un secret impénétrable à l’intelligence humaine. […] Selon cette idée litterale, rien n’est plus convenable ; mais selon l’idée allegorique, rien ne seroit plus deplacé ; car en ce cas il faudroit prendre Minerve pour la prudence même d’Achille qui modere son propre emportement par ses reflexions ; et ce seroit une contradiction manifeste avec le caractere établi de ce héros qui ne connoît ni humanité ni retenuë.

1473. (1893) Alfred de Musset

Il ne désespérait pas de la littérature et de l’humanité. […] Musset n’a rien écrit de plus impie, en ce sens que nulle part il n’a exalté l’« idolâtrie de la créature » à un tel degré, et avec autant d’éloquence, ne laissant qu’elle pour horizon à l’humanité avilie, ne voyant qu’elle pour fin de l’« immortelle nature ». […] » En écoutant ces récits amers, Camille a vu l’humanité à travers un mauvais rêve, et elle a prié Dieu de n’avoir plus rien de la femme. […] Nous qui sommes d’une pâte moins fine et moins sensible, et qui ne pouvons peut-être pas entrer dans les souffrances mystérieuses du génie, dans « ses luttes avec ses anges », nous ne devons pas oublier qu’en un certain sens, mais très réellement, ces hommes-là souffrent pour nous ; qu’ils résument en eux nos aspirations inconscientes, qu’ils mettent devant nos yeux le spectacle de combats plus rudes que les nôtres, et que ce sont vraiment les confesseurs de l’humanité.

1474. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Elle affecte parfois d’appartenir jusque dans le costume, à l’autre partie de l’humanité dont elle assume souventes fois les courantes idées. […] Puis comme cela devait arriver, l’humanité trop tendue, reprit ou crut reprendre quelque peu ses droits ou ses prétendus droits, d’où une série de volumes : « Chansons pour elle », « Odes en son honneur », où étaient célébrées des affections nouvelles sur des rythmes appropriés. […] Peu de personnages, dans ce livre très simple : un prêtre, deux hommes, une femme : n’est-ce pas là un microcosme dans lequel peuvent évoluer tous les sentiments et tous les instincts de notre pauvre humanité : voilà les acteurs que M. d’Argis a choisis pour jouer ce drame poignant qui commence par des scrupules et finit par un remords, seul châtiment, mais combien affreux, d’une faute qui fut si peu commise ! […] Si bien qu’au moins jusqu’à présent, ma thèse me semble bonne et que, si l’on doit m’en croire, ce qu’il faut qui plane sur notre aventure encore en train jusqu’à l’imminent peut-être cataclysme dont question, c’est ce vol entrelacé d’archanges, cette conjonction précise du génie racinien, l’Esprit seul, la Poésie dégagée, toute nue, mieux même que la Vérité, l’Humanité pure, — De ces vains ornements ne chargez plus ma tête. —  et du génie de Shakespeare, la nature entière, fruste et savoureuse dans ses miels et dans ses poisons, torrents et volcans, forêts et montagnes, fleurettes aussi, ruisselets aussi, avec l’homme comme comparse très important, mais accessoire, — somme toute, un monde dont nous serions, nous, artistes du Concept et du Verbe, selon un vers de ce Victor Hugo, notre Maître, notre « Provincial » de France, Le jour et peut-être la nuit.

1475. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Le progrès se continue jusque dans l’humanité même. […] Elle est beaucoup moins qu’un Dieu substantiel ; elle est un peu plus, cependant, que le travail isolé d’un homme ou même que le travail collectif de l’humanité. […] Quoi qu’il en soit, son rôle principal, chez Kant, est de donner à l’ensemble de notre science un caractère relatif et humain, bien que d’une humanité déjà quelque peu divinisée.

1476. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Je crois même avoir été moins dur pour l’humanité dans Salammbô que dans Madame Bovary.

1477. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Il a le soin et l’humanité, tout le long de son histoire, de se préoccuper du peuple, de la situation qui lui est faite, des progrès de sa condition ou de la continuité de ses misères.

1478. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Les deux premières, selon une définition bien juste, sont proprement des prix de l’humanité à la souffrance.

1479. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Avec les écrivains, on n’aura jamais à se repentir d’avoir pratiqué la justice, surtout sous la forme de l’humanité.

1480. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

XXX L’histoire des enfants perdus, soit dans la forêt, mangeant des mûres, soit dans les rues d’une grande capitale, et recueillis par la pitié d’un vagabond dans son nid d’un soir, dans un monument en charpente d’Égypte ou de Paris, est toujours une des misères les plus apitoyantes de l’humanité.

1481. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Au lieu de l’appeler le Livre du peuple et de le lancer à cette partie déshéritée, souffrante et irritée de la société, adressez-le, sous un autre titre, à la partie aisée, privilégiée, heureuse et jouissante de l’humanité, et montrez-lui les moyens pratiques d’améliorer sans le renverser l’état social.

1482. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

C’est de cette union des hommes nouveaux usés par la civilisation avec la nature sauvage que devait naître la nouvelle Bible de l’humanité.

1483. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Nous le trouvons en 1624 sous le costume de prêtre séculier, attaché comme secrétaire à l’évêque de cette ville Geoffroy d’Estissac, autrefois son camarade d’études Prelat devot de bonne conscience, Et fort savant en diviné science, En canonicque et en humanité, dit Jean Bouçhet procureur à Poitiers un des plus célèbres poètes du temps.

1484. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Mais ce n’est pas seulement par cet esprit d’opposition au gouvernement de Louis XIV qu’ils appartiennent au dix-huitième siècle ; ils en sont les précurseurs par tout ce qu’ils ont pensé et exprimé de durable sur les devoirs des gouvernements envers les peuples, et par des maximes d’humanité, de justice, de patriotisme, dont la propagation a été la gloire du dix-huitième siècle et dont l’application est la tâche du nôtre.

1485. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

C’est là le seul point sur lequel nous ne soyons pas toujours d’accord ; car, pour moi, je me résignerais volontiers, si l’occasion s’en présentait (je dois dire qu’elle s’éloigne de jour en jour), à servir, pour le plus grand bien de la pauvre humanité, à l’heure qu’il est si désemparée, un tyran philanthrope, instruit, intelligent et libéral.

1486. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Et Richard Wagner, le génie mâle, a, dans cette œuvre féminine, exprimé ces sentiments si universels, — et son propre désespoir, et son « doute de lui-même », qui faisaient qu’à ce moment il approchait du niveau commun de l’humanité, — dans une musique si humaine, si mélodieuse !

1487. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Il est incontestable, croyons-nous, que Wagner, tout en spécialisant son art en Allemagne par l’importance qu’il a donnée au rythme particulier de la parole, a destiné son œuvre à l’humanité tout entière, à la perception de tous.

1488. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Telles sont les prévisions que l’on a hasardées sur l’avenir de l’humanité.

1489. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Une personne animée de dispositions bienveillantes pour l’humanité ne goûtera pas pleinement des livres exprimant une misanthropie méprisante, comme l’Education sentimentale ; de même, un homme à l’esprit prosaïque et précis sera difficilement saisi d’admiration à la lecture de poésies qui font appel au sens du mystère, ou qui essaient, de susciter une mélancolie sans cause.

1490. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan écrit, page 38 : « La Religion dans l’humanité est l’équivalent de la nidification chez l’oiseau. » C’est Mascarille, à l’Académie !

1491. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Vous pensez bien que je ne vais pas trancher au pied levé, pendant la demi-minute qui me reste, le plus grave des problèmes que puisse se poser l’humanité.

1492. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Elle est pour lui l’automne naturel de l’humanité, la récolte bienfaisante qui fera lever de nouvelles moissons. […] Sachant à qui il laissait l’Empire, il aurait pu s’écrier encore comme Sévère mourant : Omnia fui, nihil prodest. « J’ai été tout, et rien ne sert. » Ses amis lui demandèrent à qui il recommandait son fils. — « A vous, répondit-il, et aux Dieux Immortels, s’il en est digne. » — Les voyant s’éloigner de son lit déjà funèbre, hâtés peut-être d’aller saluer le nouveau César, une plainte lui échappa, et comme un triste adieu à l’humanité : « Si vous prenez déjà congé de moi, adieu donc, je vais devant vous. » Si jam me dimittitis, vale vobis dico, vos praecedens. […] Le mysticisme de la gloire peut seul expliquer un tel caractère, une telle abstraction des joies et des passions de l’humanité. […] Ce rire sardonique est le symptôme des grandes crises : lorsque la vie se fait trop laide, l’homme n’y tient plus et la répudie ; Tant de catastrophes avaient ébranlé les nerfs de l’humanité.

1493. (1887) Essais sur l’école romantique

C’est en Grèce, c’est en Asie, c’est sur les rives du Bosphore, là où la pensée n’est que l’imagination, où tout profite à la poésie, même l’esclavage, pays si beau, que l’humanité n’y paraît plus en proportion avec la nature ; c’est là qu’une âme forte et pleine d’images s’est inspirée de tout ce qui charme ou flétrit la vie sous ce ciel si poétique, la guerre, l’amour, la liberté, le despotisme. […] Dans un poète du caractère et du génie de lord Byron, la rouerie même a de la grandeur, parce qu’elle cache un mépris profond de l’humanité, et qu’elle est la réaction naturelle d’un homme irrité et fort, contre une société qui ne veut pas de ses vices au prix même de sa gloire. […] S’il s’approche des choses de la vie commune, c’est comme l’aigle, en planant ; c’est pour y jeter un insouciant regard, et pour y prendre en passant quelque image qu’il agrandit et qu’il idéalise ; s’il s’abaisse à parler de nos souillures, c’est en homme qui n’a jamais mis la main dans les plaies de l’humanité ; il a besoin d’ennoblir jusqu’à nos douleurs, pour les plaindre et y compatir. […] J’avais toujours regardé le roman comme la confession d’un homme d’expérience, faisant, sous d’autres noms, l’aveu de ses propres fautes, et ajoutant à l’histoire des désenchantements de notre pauvre humanité le récit de ses illusions personnelles. […] Autres temps, autres rôles : c’est maintenant le poète qui demande au siècle un sujet, et il le lui demande avec instance, avec obstination, et il prie tous ceux qui sont de ce siècle de lui dire quelle doit être la tâche de l’art, si grande et si ardue que puisse être cette tâche ; mais le siècle ne lui renvoie que des demi-croyances qui transigent avec l’incrédulité, des demi-passions qui transigent avec le bon sens, une société qui doute d’elle-même, de la poussière d’institutions et de mœurs, quantité de profils et point de faces, des hommes et des femmes et point d’humanité.

1494. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Il est vrai qu’il n’adopta cette méthode que les dernieres années de sa vie, & l’on peut dire alors que son esprit s’étoit affoibli, d’autant plus qu’il poussa sa carriere bien au-delà de quatre vingts ans — Et monsieur de Voltaire, lui dis-je, ne paya-t-il pas un tribut à l’humanité, en se livrant souvent à des accès d’humeur, qui le faisoient déraisonner. […] Mais, qu’il seroit beau, dis-je alors, de les obliger gratuitement, la religion s’en applaudiroit ainsi que l’humanité. --- On ne sauroit croire, dit un des convives, combien les marchands comptent sur l’industrie pour vendre leurs marchandises. […] Il avoit de bonnes vues, mais mille préjugés qui partoient néanmoins d’un fond d’humanité. […] Leur état ne les affranchit ni des passions, ni des petites préventions attachées à l’humanité. […] Tableau, sans doute, consolant pour l’humanité, & tout-à-fait honorable pour le regne de Louis XVI.

1495. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

C’est un mythe qui se retrouve ailleurs avec d’innombrables variantes, une des formes que la pauvre humanité a données à son éternel rêve de bonheur. […] C’est le problème même du bonheur, que l’humanité, depuis qu’elle pense, qu’elle sent et qu’elle songe, se pose toujours et n’arrive pas à résoudre. […] On y a reconnu l’emblème de l’humanité, marchant toujours jusqu’à la fin du monde ; on s’est surtout cru fondé à y voir l’image du peuple juif, chassé de ses foyers pour avoir méconnu le Christ, errant depuis lors par le monde, et conservant toujours, malgré toutes les persécutions, sa bourse suffisamment garnie. On y a découvert un symbolisme plus transcendant encore : le Juif errant absorbe en lui Caïn, Wodan, Rudra, Xerxès, Jésus même et bien d’autres, et sa légende, « c’est l’évolution de la guerre, l’état originel de l’humanité, aboutissant à la paix, qui est son état typique102 ». […] Goethe avait voulu faire un Ahasvérus, et il avait conçu le sujet avec une originalité profonde, en donnant au cordonnier de Jérusalem un caractère très particulier, mélange de bon sens, d’étroitesse d’esprit et d’ironie, qui lui aurait permis d’avoir une attitude personnelle en face de l’humanité qui s’écoule devant lui.

1496. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Il en est de même de l’étude de l’Histoire, bien plus importante que l’autre, puisque c’est l’école de l’humanité & un cours de morale en action. […] Ailleurs les Princes, les Grands occupent le théatre entier ; ici les hommes, les citoyens jouent un rôle qui intéresse davantage l’humanité.

1497. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Ces chapitres sont loin d’épuiser le sujet dont les discussions qui précèdent viennent de montrer l’étendue : leur objet propre est la définition de la parole intérieure comme fait psychique ; or la parole intérieure n’est pas seulement un fait intéressant par ses caractères distinctifs : ce fait est à peu près universel dans l’humanité, à peu près constant en chacun de nous ; on ne saurait pourtant dire qu’il est nécessaire, et en tout cas, il ne saurait être primitif ; son extension, son histoire, ses causes, mériteraient d’être étudiées à part ; de même aussi les perturbations qu’il éprouve dans certains états de l’âme qui ne sont pas l’état normal. Une monographie complète de la parole intérieure devrait donc examiner successivement quatre ordres de problèmes : 1° La nature du fait, son essence, par quels caractères il se distingue des faits analogues ou concomitants, principalement de la parole extérieure et de la pensée ; et, s’il présente des variétés, par quels caractères elles se distinguent les unes des autres ; 2° Sa loi, ou son extension dans la vie psychique, ses rapports de concomitance avec les autres faits psychiques ; dans quelle mesure la parole intérieure est constante et nécessaire ; quels substituts elle peut recevoir ; 3° Ses causes et son histoire chez l’individu contemporain et dans la vie de l’humanité ; 4° Ses modifications dans les états psychiques anormaux : distraction, fatigue, sommeil, ivresse, folie, extase, somnambulisme, délire, aphasie, etc.

1498. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

» Ces paroles sont sincères : Euripide s’intéresse plus à l’humanité que ne le feront les Alexandrins. […] Ce réalisme obéit à deux grands courants : l’un, celui de la Réforme, qui le porte vers l’enseignement de la foi et de la morale évangéliques ; l’autre, celui de la Renaissance, qui l’éloigne de l’enseignement religieux pour le tourner vers l’enseignement de l’humanité à la façon antique, de la morale païenne et de la science indépendante. […] Pendant des siècles, elle a eu champ ouvert : L’humanité, nous dit M.  […] Un moyen plus sûr, c’est de peindre « la vie vivante », de mettre « de la véritable humanité debout sur ses jambes168 ». […] C’est un peu de la même façon qu’il se trouve érigé un beau matin en vengeur de l’humanité.

1499. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Mais le grand monde, cette classe que l’ambition, les grandeurs et la richesse, séparent tant du reste de l’humanité, le grand monde me paraît une arène hérissée de lances, où, à chaque pas, on craint d’être blessé ; la défiance, l’égoïsme et l’amour-propre, ces ennemis-nés de tout ce qui est grand et beau, veillent sans cesse à l’entrée de cette arène et y donnent des lois qui étouffent ces mouvements généreux et aimables par lesquels l’âme s’élève, devient meilleure, et par conséquent plus heureuse.

1500. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

III Vous souvient-il de ces délicieuses pages de Boccace, un des esprits les plus optimistes, les plus souriants, les plus causeurs, de toutes les littératures, pages dans lesquelles il raconte comment d’un désastre universel naquit le Décaméron, qui amusera le monde tant qu’il restera un sourire sur les lèvres de l’humanité ?

1501. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

On l’a bien vu, quand, porté un moment, par le hasard de ma vie et des événements, à la place même où Robespierre avait reçu le coup de pistolet vengeur du sang qu’il avait demandé et qu’il demandait encore, mon premier acte politique a été de proposer au gouvernement de la seconde république, qui partageait mon impatience d’humanité, de porter le décret d’abolition de la peine de mort en politique, et de désarmer, en nous désarmant, le peuple de l’arme des supplices, qui déshonore toutes les causes populaires quand elle ne les tue pas.

1502. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Ces hommes sont le chœur chantant de l’humanité ; ils regardent d’en haut ou d’en bas le drame que le siècle ou les siècles jouent sur la terre, et ils s’y associent par le regard et par la voix seulement, tantôt pleurant sur la chute de l’homme, tantôt le relevant de ses déchéances, tantôt le célébrant dans ses triomphes, prêtres de l’enthousiasme portant jusqu’au ciel, sur leurs strophes lyriques, l’apothéose du génie humain.

1503. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

La politique applaudit peut-être ; l’humanité rougit et frémit.

1504. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Le sentiment de la nature, l’amour de l’humanité idéale, la méditation chrétienne, l’adoration de l’art, tel est le fond de ses premiers ouvrages.

1505. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Montrons, autant qu’il sera en nous, par des documents d’ordre privé, des souvenirs, des notes familières, ce qui fut l’homme en ce créateur prodigieux qui a tiré de soi-même un art complet, à jamais vivant ; racontons s’il se peut, la genèse de ses ouvrages, de la conception première au plein épanouissement de l’exécution et, tout au moins, efforçons-nous d’en traduire le frisson particulier ; descendons à l’examen des procédés techniques — surtout des moyens expressifs ; répandons, enfin, notre admiration profonde et raisonnée pour ce génie hors de pair qui a ramené le Théâtre musical à l’humanité, à la vérité, à la musique.

1506. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

La musique nous met en pleine humanité supérieure, dans la région des absorbantes essences, à mille lieues des hasards vulgaires.

1507. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Les vestiges du passé de l’humanité, les cités ensevelies de Palmyre, de Ninive, du Yucatan nous émeuvent, soit dans la réalité, soit dans les livres, et nous ne sommes point saisis d’une crainte délicieuse, quand nous parcourons une carrière ou un musée géologique.

1508. (1904) En méthode à l’œuvre

S’il est commode, pour la matérielle activité des humanités surmenées ne demandant au langage quotidien que transmettre vite des idées à moitié devinées par le regard, que les mots soient surtout une sorte de gesticulation, une suite de graphiques parlés : ce ne peut être une sanction à l’inattention apportée au premier et générateur élément des langues, sinon à sa presque suppression.

1509. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

quel roi a donc, en cela, rendu plus de services à l’humanité que Louis XIV ?

1510. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Il a montré Faust qui, après s’être élevé peu à peu dans l’échelle de l’humanité par sa conscience, par son goût du travail, par le goût de l’activité féconde et productrice qui lui est venu, il l’a montré ayant cependant une grave défaillance de conscience, toute naturelle, du reste, de la part du puissant et du victorieux.

1511. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Il y a le somptueux amour du vulgaire et du bas qui distingue ces Sans-Culottes du Réalisme, en révolution contre tout ce qui n’est pas vulgaire et bas comme eux, et qui leur ferait peindre avec des orgueils de pinceau singuliers les déjections de l’humanité.

1512. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Il suffit d’envisager l’ensemble des moralités d’Homère pour apprendre à détester les dissensions et les injustes combats, mais à aimer les glorieux périls de la guerre nécessitée par une légitime défense : car jamais la philosophie ne voulut persuader qu’il faille sacrifier son foyer, sa famille, ses lois, à l’amour d’une lâche paix, et exercer une humanité passive envers des brigands et des pirates inhumains. […] Disons mieux, il ne sera ni républicain, ni royaliste, dans le sens que les partis attachent à ces mots ; il demeurera l’organe de l’humanité dans tous les systèmes, l’apôtre de cette sagesse toujours pareille dont les immuables maximes, proclamées depuis l’antiquité, survivent aux princes, aux peuples, aux révolutions passionnées. […] Revenus à nous-mêmes, munis de notre petite fiole de raison, nous analyserons, de notre mieux, les principes de cette divertissante épopée, qui, pour le bien de l’humanité, désillusionne par ses féeries, les frénésies des preux, les monstrueuses batailles, le point d’honneur des Ferragus, des Sacripants, les grands coups d’épée des Rodomonts, les pèlerinages, les processions, et les momeries monastiques. […] Un acte magnanime soit de piété, soit d’humanité, soit de vaillance, qui part d’un homme ignoré, peut faire le sujet d’une apologie en quelques vers, mais non d’un poème étendu qui frappe tous les peuples. […] Les païens sentirent que les dieux n’auraient pu sans injustice condamner l’humanité entière à des supplices interminables, pour la faiblesse involontaire d’une seule créature passive : à peine la boîte ouverte de leur Pandore eut répandu les douleurs sur la terre, qu’au fond de cette boîte elle aperçut l’espérance.

1513. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Compte-rendu de la Conscience : …… Une des plus grandes crises de l’humanité sanglote dans cette maison ! […] » s’écrie notre voisine, à laquelle ce trait d’humanité du pantin arrache en abondance des larmes qui la suffoquaient. […] Oui, certes, il a fait un livre que la postérité feuillettera éternellement pour lire ces navrantes, sublimes ou charmantes histoires, vieilles comme l’humanité et jeunes comme le cœur humain : Harpagon, Elmire, Alceste, Célimène, Chrysale, Agnès, Sganarelle, Marianne, Géronte, madame Pernelle et Tartuffe.

1514. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Ainsi le jugement Paul est homme signifie-t-il que l’humanité est une matière dont Paul est une spécification ? […] Inversement Rousseau soutenait que le progrès des sciences, poursuivi pour lui-même, diminue le bonheur et corrompt l’humanité, cela encore par une loi de nature. […] Indispensable, à son tour, veut donc être traduit par préférable, c’est-à-dire plus conforme à l’humanité, répondant mieux à cette sympathie pour les faibles que l’on suppose exister en l’homme.

1515. (1929) Amiel ou la part du rêve

Nature, humanité, astronomie, sciences naturelles, mathématiques, religion, beaux-arts, histoire, psychologie, tout doit rentrer dans la philosophie comme je la conçois. […] Dans ce collège Bourbon où dix ans avant lui Sainte-Beuve (à qui il devait succéder comme critique du Temps) avait fait de si solides et si brillantes humanités, Scherer s’était traîné en médiocre ou mauvais élève. […] La justice consiste à reconnaître le droit des autres, le droit réciproque, ponctuel, équivalent, des autres nations, des peuples, des sociétés, le droit de l’humanité.

1516. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Il remédie à tout, il est prêt sur tout, il devine tout, il ose tout, contre tout devoir, toute humanité, tout bon sens, en dépit des prières de ses amis, des supplications de Clarisse, des remords de son propre cœur. […] Les larmes pleuvent ; Harriett s’attendrit sur sa rivale sacrifiée, et sir Charles « d’une façon caressante, tendre et respectueuse, mettant son bras autour d’elle, lui prend son mouchoir, sans qu’elle résiste, pour essuyer les pleurs qui coulent sur ses joues. —  Douce humanité, dit-il ; charmante sensibilité, ne réprimez point cette effusion touchante !

1517. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

La lame jeta bien avant dans les terres une partie des spectateurs, qu’un mouvement d’humanité avait portés à s’avancer vers Virginie, ainsi que le matelot qui l’avait voulu sauver à la nage. […] Bernardin de Saint-Pierre ne fut pas un historien, il fut une voix de l’humanité, un Job du cœur.

1518. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Mais, bien loin d’admettre cet axiome, il est, selon moi, un argument contre la science, qui, si elle est vraie, ne doit pas être la révolte de tous les instincts de nos âmes et l’épouvante ou le dégoût de l’humanité. […] Nous avons reconnu par une funeste expérience que quarante ans de déclamation et de pathos sur l’humanité, la sensibilité, la bienfaisance, n’avaient servi qu’à préparer les cœurs à tous les excès de la barbarie. » Il y a certainement de la colère dans ce mépris terrible de Geoffroy, et cette colère, quand, en 1811, on touchait encore au bois sanglant des échafauds, était légitime ; mais le temps, qui a glacé ce mépris furieux, ne l’a pas effacé.

1519. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Lorsque les hommes se taisaient et qu’un grand silence régnait sur cet immense empire, les femmes parlaient et souriaient derrière leur éventail, et ce chuchotement inquiétait Napoléon, et il l’écoutait à travers les rugissements de son artillerie et les tonnerres de ses combats de géants, et il avait raison, car ce petit bruit, c’était la voix de l’humanité qui se révoltait contre les excès de la force et de la puissance. […] Enseveli la plupart du temps dans les fouilles de ses travaux, Balzac n’a pu matériellement observer les deux mille personnages qui jouent leur rôle dans sa comédie aux cent actes ; mais tout homme, quand il a l’œil intérieur, contient l’humanité : c’est un microcosme où rien ne manque. […] Lorsque Baudelaire peint les laideurs de l’humanité et de la civilisation, ce n’est qu’avec une secrète horreur. […] Dès qu’il paraissait, la foule faisait silence ; elle attendait quelque noble parole, quelque conseil austère, quelque pensée généreuse, et elle se retirait satisfaite, emportant un germe de dévouement, d’humanité et d’harmonie. […] L’apparition du premier couple humain clôt le poëme, et l’auteur, prévoyant dans l’avenir de nouvelles révolutions cosmiques, salue l’avènement d’un Adam nouveau, personnification d’une humanité supérieure.

1520. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Tout en reconnaissant dans la tragédie française du xviie  siècle plusieurs éléments périssables qui s’expliquent par le milieu où ils se sont produits, il n’aurait pas nié les éléments immortels de cette même tragédie, qui ne relèvent ni des événements, ni des lieux, qui n’appartiennent ni à la Grèce, ni à la France, mais bien à l’humanité entière. […] Il croit que la passion sans le ridicule, et le ridicule sans la passion, n’expriment qu’imparfaitement l’humanité, et il veut, par la mise en œuvre de tous les éléments de la réalité, s’élever jusqu’à la vérité générale, universelle. […] Quand ils verront le public accueillir avec indifférence, avec dédain, la vingtième épreuve du système qu’ils ont construit, et détourner les yeux du drame splendide aussi bien que du drame physiologique, ils comprendront la nécessité de chercher dans l’histoire et dans la société, non pas le costume et le scandale, mais bien les passions qui agitent et les devoirs qui gouvernent l’humanité. […] Il ne consent pas à prendre dans le gouvernement de la société un rôle déterminé par la nature de ses travaux ; il ne reconnaît pas en lui-même le limon commun de l’humanité ; c’est pourquoi le seul rôle qui lui semble digne de lui, le seul qu’il puisse accepter sans déroger, n’est autre que la souveraineté absolue.

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