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54. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Il ne s’agit pas de l’amender ; il s’agit de le déchirer. […] Il s’agit de faire des enfants. […] Il s’agit des usages d’une caste intellectuelle. […] Il ne s’agit pas d’être patriote ; il s’agit de défendre contre les animaux étrangers la pureté de la fontaine où l’on boit. […] Agir et vivre dans le désintéressement de celui qui n’agit pas, c’est peut-être le bonheur parfait.

55. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

S’il s’agit d’un objet agréable, il y a cette impression de manque qui se traduit par le regret, il y a l’attitude de la volonté qui voudrait retenir ce qui lui échappe. […] Quand il s’agit d’une peine passée, il y a un sentiment de délivrance particulier, qui suppose encore une simple idéalité par opposition à la réalité. […] Mais, dans l’ordre psychique comme dans l’ordre physique, on a le droit de symboliser les forces et de les supposer agissant séparément, quoiqu’elles agissent simultanément et solidairement. […] Chez les êtres qui n’ont point l’idée du temps, l’adaptation à l’avenir n’est qu’une apparence : ils n’agissent en réalité, quand ils agissent, que sous l’influence actuelle de quelque force externe ou interne, qui les pousse a tergo. […] Le passé n’agit plus seulement par ses résidus bruts et inconscients, mais par ce résidu conscient et intelligent qui est l’idée présente du passé.

56. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Il s’agit, pour ceux à qui elle est chère, bien plus de politique que de philosophie, d’influence que de vérité. […] L’impartialité historique, c’est-à-dire la science, n’existait pas dans les historiens modernes dès qu’il s’agissait de l’Église. […] Qu’on ne parle pas de la charité du pasteur quand il s’agit d’une condescendance indigne de l’autorité suprême ! […] l’Église a toujours trop vite pardonné, trop vite oublié, quand il s’est agi des siens. […] Comme l’évidence était trop complète, comme il ne pouvait pas ne point voir quel coup de fortune c’était pour l’Église que la prise de Constantinople, il ne s’abstint pas entièrement d’agir dans le sens éternel de la position de ses prédécesseurs et de la sienne.

57. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Elle nous montre, dans la faculté de comprendre, une annexe de la faculté d’agir, une adaptation de plus en plus précise, de plus en plus complexe et souple, de la conscience des êtres vivants aux conditions d’existence qui leur sont faites. […] Créée par la vie, dans des circonstances déterminées, pour agir sur des choses déterminées, comment embrasserait-elle la vie, dont elle n’est qu’une émanation ou un aspect ? […] Elles substitueraient au faux évolutionnisme de Spencer, — qui consiste à découper la réalité actuelle, déjà évoluée, en petits morceaux non moins évolués, puis à la recomposer avec ces fragments, et à se donner ainsi, par avance, tout ce qu’il s’agit d’expliquer, un évolutionnisme vrai, où la réalité serait suivie dans sa génération et sa croissance. […] L’intelligence se trouve ainsi replacée dans sa cause génératrice, qu’il s’agirait alors de saisir en elle-même et de suivre dans son mouvement.

58. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Préface »

Sur ce sujet comme sur tant d’autres, les Philosophes, ces Quinze-Vingts superbes, n’ont vu goutte, et les Rhétoriciens, moins heureux que les huîtres, qui ont parfois le hasard d’enfermer une perle dans leurs écailles, n’ont jamais, parmi les mots qu’ils enfilent ou brassent, rencontré celui-là qui eût dit heureusement l’idée qu’il s’agit pourtant d’exprimer. […] Il ne s’agit que de frapper juste toute pierre, si roulée et même si salie qu’elle soit dans les ornières de la vie, pour en faire jaillir le feu sacré ; seulement, pour frapper ce coup juste, il faut la suprême adresse de l’instinct qui est le génie, ou l’adresse de seconde main de l’expérience, qui est du talent plus ou moins cultivé. […] Il s’agissait du P.

59. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Il agit bien par rapport à la société que cette bande exploitait. […] Des individus, des groupes, des ensembles de groupes très nombreux et très variés agissent sur nous et agissent toujours, à quelque degré, chacun pour soi. […] On agit selon une règle, on exige des autres qu’ils suivent une règle tirée d’une morale différente. […] L’égoïste timide, faible, ou consciencieux cherche à se convaincre et à convaincre les autres qu’il agit pour le mieux. […] Celui qui n’est pas tenté ou qui agit aisément a du bonheur, il n’est pas vertueux.

60. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Il s’agit d’approfondir l’un, et d’approfondir l’autre. […] Il ne s’agit pas de confondre. C’est dans les écoles qu’il s’agit de confondre. Il ne s’agit même pas de convaincre. […] Il ne s’agit pas d’avoir raison ou d’avoir tort.

61. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Si l’idée du devoir décidait seule à agir, dit-il, que de héros à rayer des fastes de l’humanité ! […] Il ne veut pas qu’on les condamne, parce que vivre, c’est agir, et que, sans les passions, l’homme serait voué à l’immobilité de la mort. […] Assez souvent la liaison entre certains livres et certaines façons de penser, de sentir et d’agir s’impose d’elle-même à l’attention. […] On sait après cela quels livres ont influé sur un groupe d’esprits et en quel sens ils ont agi. […] Il faut conseiller encore à ceux qui poursuivent une enquête de cette espèce de distinguer nettement deux catégories d’œuvres : celles qui avouent l’intention d’agir sur les lecteurs, spectateurs ou auditeurs ; celles qui agissent sans que les auteurs l’aient voulu et même contre leur volonté.

62. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Dans le cas de la mécanique, chaque cause se retrouve dans l’effet, comme si elle avait agi seule. […] Qui doute que si nous connaissions à fond le caractère d’une personne et toutes les circonstances qui agissent sur elle, nous puissions prédire avec certitude ses résolutions ? […] Quand nous nous représentons par hypothèse ayant agi autrement que nous avons agi, nous supposons toujours une différence dans les antécédents de l’acte. […] Mais si le châtiment n’avait pas le pouvoir d’agir sur la volonté, il serait illégitime. Si la volonté est supposée capable d’agir contre des motifs, la punition reste sans objet et sans justification115.

63. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

Bien citer, quand il s’agit de ces vieux poëtes, c’est les faire apprécier de la meilleure manière, c’est déjà les juger soi-méme avec sagacité et discernement. […] S’agit-il de Louise Labé ? […] S’agit-il de Jacques Tahureau ?

64. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Celle qui avait agi, régné presque en premier ministre, cette grande surintendante de la monarchie espagnole disparut comme une camériste qu’on chasse. […] » Comment, au sujet de Mme de Maintenon encore et de l’estime due à son mérite, nous parler de l’honorabilité de son caractère, comme s’il s’agissait de qualifier un témoin devant une cour d’assises ? […] Elle agit de concert, et même à côté ; elle s’informe, elle rend compte, elle correspond directement avec ses amis de Versailles57. […] Les ambassadeurs tiennent registre de tout, et ils informent leurs souverains des moindres choses qu’ils entendent dire aux ministres : celle-ci serait prise comme une insinuation qui sûrement déterminerait M. le duc de Savoie à faire ce que nous souhaitons, en lui laissant néanmoins une pleine liberté d’agir à sa fantaisie. […] Il y a, dans une lettre du 18 décembre 1712, une phrase impossible, que l’on a peine à croire d’elle ; il s’agit des plans et dessins pour les jardins du Retiro : « Elles (Leurs Majestés catholiques) seront bien aises, auparavant que de les faire mettre à exécution, que M. le duc d’Antin les fasse voir au roi dont elles ont une grande opinion du goût » ; au lieu de : du goût duquel elles ont une grande opinion.

65. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Il s’agissait de revenir sur ces aliénations, sous quelque prétexte que ce fût, et de revendiquer le droit que prétendaient les nouveaux évêques sur tous ces anciens vassaux plus ou moins émancipés. […] Il s’agissait, en 1687, de construire dans un repli de la Moselle, entre Trêves et Coblentz, la forteresse de Mont-Royal. […] Ils pouvaient même donner à un traité une interprétation arbitraire : ainsi, lorsqu’ils voulurent abaisser les Rhodiens, ils dirent qu’ils ne leur avaient pas donné autrefois la Lycie comme présent, mais comme amie et alliée. » Il semblerait vraiment, à les voir agir, que Louis XIV et Louvois eussent étudié les Romains de plus près qu’ils ne l’avaient fait sans doute, et qu’ils eussent pris des leçons de cette politique tant vantée. […] Ces trésoriers avaient coutume d’envoyer les fonds nécessaires au moyen de lettres de change payables à Strasbourg, et ce n’était pas ici le compte, puisqu’on allait agir contre Strasbourg même. […] L’ordre d’agir enfin, envoyé de Fontainebleau, et pendant que tout le monde semblait en fête, fut apporté avec des précautions non moins mystérieuses : « Le 10 septembre 1681, nous dit M. 

66. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Ces émotions relâchent les muscles, affaiblissent les fonctions digestives, agissent sur la peau, les yeux, les cheveux. […] Physiquement, elles agissent surtout sur la glande lacrymale. […] Sa méthode expérimentale, très bonne quand elle s’applique aux simples phénomènes psychiques, ne nous paraît pas aussi heureuse ici, ou il s’agit moins des faits que d’un idéal, moins de ce qui est que de ce qui doit être. […] L’excitation nerveuse doit suivre celui des trois canaux qui s’ouvrira le plus facilement : dans le cas du rire, la décharge agit sur les muscles. Soit le rire qui résulte d’une cause physique (froid, chatouillement) ; la décharge agira d’abord sur les muscles qui se meuvent le plus habituellement, c’est-à-dire ceux de la bouche et des organes de la voix ; si elle est très forte, elle agira sur d’autres parties du corps comme dans le rire violent.

67. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Il agit sur un bout de papier de trois doigts, et, insoucieux (trop insoucieux peut-être !) […] Il y déploie un luxe d’imagination qu’il n’a point au même degré quand il s’agit de la physionomie de ses personnages. […] Mais, précisément, ce qui le fait si splendide et si fée dans l’animation des choses matérielles, le rend parfois mesquin quand il s’agit des choses de l’âme. […] S’il ne s’agit plus impérieusement, à ce qu’il semble, de Balzac, dont l’œuvre est faite, — et connue, — il s’agit de vous, messieurs les éditeurs, dont l’édition n’est que commencée, qui faites des dérangements dans l’œuvre connue, et qui nous promettez de superbes arrangements à côté ! Mais il s’agit encore, néanmoins, et il s’agira encore bien longtemps, de Balzac.

68. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Mais la vérité où l’on aboutit ainsi devient toute relative à notre faculté d’agir. […] Laissons-nous aller, au contraire ; au lieu d’agir, rêvons. […] Or, il n’y a pas de point matériel qui n’agisse sur n’importe quel autre point matériel. […] Mais il ne s’agit pas de cette conscience diminuée qui fonctionne en chacun de nous. […] Elle nous donne aussi plus de force pour agir et pour vivre.

69. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Ce passage de quelques heures à Paris eut la plus grande influence sur sa manière d’agir les jours suivants. […] Trop comprendre est souvent une difficulté de plus pour agir. […] Deux considérations agissaient surtout sur l’esprit de Marmont : donner à ce gouvernement une force militaire et morale qui lui permît de compter près des Alliés, et obtenir pour Napoléon déchu des conditions meilleures. […] Dans toute cette suite rapide de déterminations et d’actes si décisifs, on voit à chaque instant Marmont agir sous l’impression de sentiments vifs et sincères, qu’il ne croit pas avoir besoin de justifier. […] Dans le traitement des sociétés, il est tout différent d’agir au hasard, sans préparation, sans consulter l’état moral de l’ensemble, ou de tenir compte de ces données générales qu’on dirige et qu’on modifie ensuite, mais qu’on ne supprime pas.

70. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

Nous ignorons le mode d’action des substances volatilisées qui agissent sur les nerfs olfactifs et des substances liquéfiées qui agissent sur les nerfs gustatifs ; nous admettons qu’il est chimique, mais à cela se réduit notre connaissance ; nous ne savons pas s’il est une ondulation ou tout autre mouvement ; nous n’avons pas la plus petite idée de ses éléments ; nous ne pouvons nous servir de cette idée pour former aucune induction sur les sensations correspondantes […] Dans l’un et dans l’autre, il s’agit de mouvements dont la petitesse, la vitesse et le nombre sont tout à fait disproportionnés aux grandeurs ordinaires que nous pouvons apprécier dans le temps et dans l’espace. […] Par conséquent, lorsque vous avez une sensation du froid, ce n’est point l’action immédiate du froid sur le nerf qui vous la donne ; car tout à l’heure vous ne l’avez point eue, lorsque le froid agissait immédiatement sur le nerf cubital. Pour que vous l’ayez, il faut que le froid agisse indirectement, c’est-à-dire à travers certains alentours du nerf, certains organes disposés pour cela ; ce sont eux qui agissent directement sur le nerf ; le froid les modifie, et leur modification imprime au nerf un type spécial d’action qui éveille en nous la sensation spéciale de froid. — Au contraire, détruisez isolément dans ces alentours, et sans paralyser le nerf, la propriété qu’ils ont d’imprimer au nerf ce rhythme d’action ; nous n’aurons plus la sensation spéciale de froid ; quand alors le froid viendra agir sur le nerf, il n’éveillera plus en nous la sensation spéciale de froid, mais seulement, comme tout à l’heure lorsqu’il agissait sur le nerf cubital, la sensation de douleur. […] En tout cas, il s’agit d’un ordre de positions qui s’altère, puis se rétablit.

71. (1900) La culture des idées

Il s’agit du style : c’est demander si M.  […] Le subconscient nocturne est onirique ou préonirique, s’il s’agit du sommeil ou des instants qui précèdent le sommeil. […] Il ne s’agit pas de vérité. […] On n’agit décemment qu’en conformité avec sa propre nature ; les gens qui veulent agir ou ne pas agir d’après les ordres d’une morale extérieure à leur vérité personnelle finissent, Dieu aidant, dans les compromis les plus saugrenus. […] Le motif initial de la nouvelle morale sexuelle agit toujours à notre insu.

72. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

On ne peut saisir ce principe intérieur, l’isoler, agir sur lui. […] On entend dire en effet souvent que le physicien agit sur l’électricité ou sur la lumière ; que le médecin agit sur la vie, la santé, la fièvre ou la maladie : ce sont là des façons de parler. […] Mais on ne pourrait pas agir de même sur les larves vivantes dans l’eau. […] L’hiver n’a pas agi sur les œufs de ver à soie comme une condition particulière ou extra-physique ; l’hiver a agi simplement comme condition physique, comme froid. […] Comment agit alors l’élévation de température ?

73. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Au reste, il ne s’agit pas de charger en rien Ney, le brave des braves, mais d’expliquer la suite des faux pas, des malentendus dont un ou deux, ou trois encore, eussent été réparables, mais qui, en s’ajoutant tous, en s’accumulant opiniâtrement et sans relâche jusqu’à la fin, comblèrent la mesure et firent mentir dans ses calculs les plus profonds et les plus justes le génie moderne des combats. […] Ney attendait donc pour agir le corps de Reille, et, sur son ordre pressant, il ne vit arriver en premier lieu que Reille lui-même en personne, dont les divisions ne se mirent en mouvement pour rejoindre qu’un peu plus tard, et dont les conseils prudents, les remarques à l’égard des Anglais et du caractère particulier de leurs troupes, ne laissaient pas de lui donner à penser. […] Il s’agit de d’Erlon et de son corps d’armée qui flotta, durant toute faction, des Quatre-Bras à Fleurus et de Fleuras aux Quatre-Bras, d’une bataille à l’autre, espèce de Juif errant qui marcha toujours sans arriver jamais. […] L’armée prussienne est perdue si vous agissez vigoureusement : le sort de la France est entre vos mains !  […] Pour lui, prenant en fin de compte un demi-parti, il se contenta d’envoyer dans la direction de Bry une seule de ses divisions (Durutte), qui, dès lors, n’atteignit le but qu’en tâtonnant et sans servir à autre chose, la journée finie, qu’à précipiter la retraite des Prussiens ; et lui-même il arriva à Frasnes sur les derrières de Ney, trop tard, et quand il n’y avait plus à agir.

74. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

Il y a de grands courants sentimentaux comme il y a de grands courants intellectuels et ils agissent forcément sur les sensibilités individuelles. […] C’est admettre implicitement que les idées peuvent agir sur les sentiments qui sont des idées inférieures et moins claires. […] L’insatiabilité du désir fait que l’individu ne se sent jamais en parfaite harmonie avec son milieu et avec les satisfactions qu’il lui procure ; elle agit en lui, en tant qu’il est un être social, comme un principe éternel d’insatisfaction et de mécontentement. […] Car il agit dans l’individu comme un principe d’inquiétude et de révolte ; il renferme en lui un ferment de critique infinie contre toutes les formes sociales et tous les agencements sociaux. […] Mais de quel individualisme s’agit-il ?

75. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Elles sont directes ou indirectes, et forment une chaîne dont les premiers anneaux n’agissent qu’en tirant le dernier anneau. […] On fait agir sur lui un courant électrique, et nous apercevons de vives lueurs. […] On s’en assure par deux expériences. — S’il est comprimé, lié, coupé dans un point quelconque situé entre les centres nerveux et l’endroit excité, il n’y a plus de sensation ; or les centres nerveux sont intacts, le bout terminal du nerf agit comme auparavant, c’est donc le bout central qui a cessé d’agir ; il agissait donc auparavant ; donc, lorsque à la suite d’une excitation terminale une sensation s’est produite, le nerf a fonctionné dans tous ses segments et sur tout son trajet. — D’autre part, sur toutes les parties de son trajet, cette action aboutit au même effet111. […] Robin, ce n’est pas la rétine qui, en l’absence de l’objet, continue et recommence à agir, « c’est le centre cérébral de perception visuelle » ; ayant agi une première fois, il rentre de lui-même en action deux ou trois fois encore. […] Ces trois mouvements ainsi liés constituent l’action réflexe ; moelle épinière, protubérance, lobes cérébraux, partout la substance grise agit de la même façon.

76. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

Une société individualiste sera donc celle où agiraient des modes de contrainte différents de ceux qui agissent dans une société unitaire ; mais la contrainte ne disparaîtra pas pour cela. […] Soit ; mais il ne faut pas perdre de vue que l’esprit critique se convertit vite en esprit dogmatique et même cette conversion est inévitable quand il s’agit d’un esprit critique enseigné. […] Ce qu’il y a de plus clair dans les différents systèmes d’éducation que nous venons de passer en revue, c’est que l’école est un moyen d’imposer plus ou moins sournoisement certaines croyances, certaines manières de penser et d’agir à la jeune génération. […] Mais l’influence de l’éducation, quoique très limitée, n’est pas nulle, et dans la mesure où elle agit, elle est ou elle tente d’être une mainmise de la société sur l’individu. […] Un autre individualisme pédagogique est celui dont le desideratum serait d’individualiser le plus possible l’éducation, de l’adapter au tempérament intellectuel et moral de celui qui le reçoit, de faire violence le moins possible à l’individualité qu’il s’agit de former.

77. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Il ne s’agit pas non plus d’une psychologie de la critique. […] Il ne s’agit que de s’entendre. […] La précision sert à l’art d’agir. […] Et le roc une fois trouvé il s’agissait de bâtir. […] Et il s’agit bien de critique, non d’histoire littéraire.

78. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Pourquoi tant de vaillants et magnifiques génies, si experts en toutes sortes d’affaires, si adroits dans la création de chants lyriques, si sublimes par la poésie, si grands chaque fois qu’ils firent des odes ou des harangues, pourquoi donc furent-ils si petits lorsqu’il s’agit pour eux de faire une œuvre utile ?  […] Le grand homme qui nous l’enseigne ne cherche point à nous embellir de vertus rares, il ne nous apprend pas le jeûne et l’abstinence ; il ne nous demande point des pensées supérieures, et il n’agit pas avec nous comme Jésus avec ses disciples dans le désert. […] La beauté que confère l’amour fécond et fort, tous les hommes peuvent l’atteindre, elle est à leur portée, ils n’ont qu’à vivre, à croître, à grandir, à agir, à développer leur race. […] La partie sérieuse et pensante de la jeunesse veut agir sur le monde et ne se contente pas du tout de célébrer le printemps.

79. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

L’insurrection normande en 179333 I Ce sont des miettes pour l’Histoire que ce livre, mais les miettes de la vérité sont encore quelque chose, et en fait d’histoire il ne s’agit pas de faire le fier ; il faut tout ramasser. […] Il ne nous raconte pas ses impressions et sa vie, et ses manières, longuement déduites, de penser, et ses excuses pour avoir agi. […] Quant au mouvement insurrectionnel dont Vaultier nous fait le récit en l’opposant au récit des Mémoires de Louvet et de Wimpfen, le général équivoque des forces armées du Calvados, il se borna, ce formidable mouvement, à la ridicule affaire de Brécourt, que des historiens à microscope, dès qu’il s’agit de la Révolution, ont exagérée. […] Et c’est là, en effet, ce qui attire le plus d’abord celui qui les ouvre, que ce nom d’une fille qui agit au lieu de parler, et fit, au prix de sa vie, de l’antique réussi, parmi ces collégiens qui puaient la rhétorique apprise et jouaient l’antiquité comme des marionnettes.

80. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Il s’agit bien de Kant. […] Il s’agit bien de cela. […] Il s’agit de remplacer. […] Il ne s’agit pas que Berlin écrase Paris, il s’agit que Berlin remplace Paris. […] Il ne s’agit pas de convaincre, il s’agit de vaincre et même il s’agit de n’être pas vaincu ou plutôt il s’agit de n’être pas écrasé.

81. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

On ne sent pas la lumière pour sentir, mais pour agir et mouvoir. […] Primitivement, il s’agit d’un rythme entre jouir et souffrir. […] Au lieu d’agir semblablement dans les cas semblables par un automatisme sans aucune conscience de la similitude, comme fait la bête, il agira semblablement dans les cas semblables avec conscience de la similitude, c’est-à-dire avec un sentiment de la ressemblance assez fort pour être réfléchi et aperçu. […] Je puis agir volontairement sur les choses par mes idées des choses ; donc je les connais et je les affirme, autant du moins qu’il est nécessaire à la connaissance purement scientifique. […] Pour cela nous n’avons qu’un moyen : agir et nous mouvoir selon notre idée, afin de voir si elle est une force capable de conséquences pratiques dans le monde réel.

82. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

L’éditeur a agi comme ayant droit de réconcilier après leur mort des membres de sa famille qui n’avaient pas été bien unis. […] D’ailleurs, au point de vue littéraire, l’éditeur de 1825, dans les portions où les manuscrits nous permettent de le contrôler, a perpétuellement agi comme s’il avait eu droit d’arranger et de traduire à sa guise les paroles du marquis d’Argenson, telles qu’il les trouvait toutes vives et ayant sauté du cœur sur le papier. […] Il s’agit du garde des sceaux d’Argenson tel qu’il était en province dans sa jeunesse : Voici le vrai texte : Au reste, il était gaillard, d’une bonne santé, donnant dans les plaisirs sans crapule ni obscurité ; la meilleure compagnie de la province le recherchait ; il buvait beaucoup sans s’incommoder, avait affaire à toutes les femmes qu’il pouvait, séculières ou régulières, un peu plus de goût pour celles-ci… Il disait force bons mots à table, il était de la meilleure compagnie qu’on puisse être.

83. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Il s’agissait d’en finir avec des souffrances intolérables. […] La résistance n’est pas plus forte s’il s’agit d’un pays plus lointain. […] Il s’agissait d’énergies physico-chimiques, et d’une science qui portait sur la matière. […] S’agit-il de la relation de l’âme au corps ? […] Le corps est bien pour nous un moyen d’agir, mais c’est aussi un empêchement de percevoir.

84. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

C’est là, évidemment, une idée toute problématique, mais qui n’en agit pas moins sur notre intelligence et notre volonté. […] Il ne s’agit pas d’un cheval, d’un homme, mais du nombre 1. […] Nous jugeons l’intelligence bonne, parce que nous jouissons de connaître et de comprendre, la puissance bonne, parce que nous jouissons d’agir et de mouvoir, etc. […] Et il n’est pas vrai de dire, avec Descartes, que cette puissance n’est rien ; car il ne s’agit pas ici d’une puissance abstraite et nue comme celle de l’école : il s’agit d’une puissance vivante et concrète qui a toujours conscience de déborder sa réalisation actuelle. […] Il y a une expérience en quelque sorte radicale et constante, qui est la conscience même de ce qu’il y a de permanent dans notre manière d’agir et de réagir, dans notre volonté intelligente.

85. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

L’emploi d’une forme de style, l’expression d’une conception particulière quelconque, que cet emploi soit original ou qu’il puisse paraître entaché d’imitation, est un fait ayant pour cause prochaine, comme tout le livre, la toile, la partition dont il s’agit, un acte physique de leur auteur, poussé par quelque besoin de gloire, d’argent, par un mobile, instinctif, n’importe, de faire une de ces œuvres. […] L’interprétation des émotions sera simple et directe s’il s’agit d’œuvres évidemment et franchement passionnées ; il faudra recourir à des détours quand, par impassibilité, par ironie ou par toute autre cause, l’auteur semble s’efforcer d’empêcher que l’on aperçoive quelles émotions il a voulu suggérer, ou même que l’on en ressente une. La plupart des artistes montrent, dès l’abord, par tout l’aspect extérieur de leurs œuvres, qu’ils font ouvertement appel à la sympathie, à la sentimentalité du public ; ils usent des modes d’expression propres à causer une certaine émotion, la décrivent et la désignent clairement soit en des passages éloquents, s’il s’agit d’un livre, soit par le sujet ou le mouvement s’il s’agit d’un tableau, soit en général par quelque excès peu harmonieux de la forme. […] Une fois tous les indices esthétiques recueillis, triés et précisés, une fois ces signes traduits en leur sens, c’est-à-dire en une série de faits mentaux, et ces derniers exprimés en termes définis de psychologie, il s’agit de rassembler tous ces points épars, de les unir et de les coordonner, au moyen d’une reconstruction hypothétique de l’intelligence dont ils donnent pour ainsi dire le tracé. Il s’agit d’émettre sur le jeu et la nature des gros organes de cette âme, une supposition qui nous permette de la figurer telle qu’elle puisse être la cause des manifestations constatées.

86. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Elle est matière à recherches scientifiques : car il s’agit, non pas d’apprécier d’après notre goût personnel la valeur des qualités dont nous avons pu reconnaître l’existence, mais d’en découvrir l’origine. […] Toutefois, il faut avouer qu’on n’accroît guère de la sorte la somme de ses connaissances, qu’on n’explique pas encore les phénomènes dont il s’agit de trouver la raison d’être. […] Quand même il ne s’agirait que de connaître l’auteur, il faut d’autres procédés pour avoir do lui une idée, je ne dis pas complète, mais suffisante. […] Ce ne sont plus maintenant des documents toujours destinés au public qu’il s’agit d’interpréter : ce sont des paroles échappées dans la causerie, des lettres intimes où la pensée se montre sous forme familière et parfois dans toute sa nudité ; ce sont des actes où se trahit la vraie nature de celui qui les commet. […] Sans doute la biographie ne permet pas toujours de saisir d’une atteinte aussi sûre et aussi directe les motifs qui ont dirigé la plume d’un auteur, les influences qui ont agi sur sa pensée.

87. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Elles ne se consument point en réflexions, lorsqu’il est question d’agir ; elles savent tout concilier, comme tout résoudre. […] Si sentir vivement les atteintes portées aux principes les plus indispensables & les plus respectés ; si s’exprimer avec chaleur & intérêt, dès qu’il s’agit de tous ces importans objets, c’est être partial ; nous souscrivons volontiers à cette inculpation. […] Toutes les fois qu’il s’est agi des différens Auteurs que nous censurons, n’avons-nous pas rendu justice aux talens, lors même que nous nous attachions le plus à en faire sentir les abus, & à prévenir les dangers qui pouvoient résulter d’une estime indiscrete ? […] Agir autrement, c’eût été affoiblir la seule digue qu’on pût opposer au torrent ; c’eût été nous associer à ces ames froides & stériles, qui voient le désordre, se contentent de le remarquer, ont trop de foiblesse pour le combattre, & en deviennent par-là en quelque sorte les complices. […] Que peut-on trouver de répréhensible dans cette façon d’agir ?

88. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Il ne s’agit plus d’émancipation, mais de domination. […] Même l’observation, quand il s’agit de femmes, n’ose plus maintenant être cruelle. […] Physiologiquement, métaphysiquement et socialement, trois choses unies et dépendantes, la femme est-elle conformée de manière à faire dans toutes les sphères de l’activité humaine, identiquement ce que fait l’homme ; et comme il ne s’agit ici que de littérature et d’art, est-elle d’organes, de cerveau, et même de main, lorsqu’il s’agît d’art, capable des mêmes œuvres que l’homme, quand l’homme est supérieur ? […] Il ne s’agit nullement de faire aux femmes, qui aiment tant à être victimes, parce qu’elles savent que c’est la meilleure manière d’être bourreau, le plaisir de leur refuser tout ; mais simplement de reconnaître exactement, — en le déterminant, — ce qu’elles ont, et ce qu’on ne veut pas, certes !

89. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Mais s’il s’agit de la différenciation ou de la densité, ou de la complication sociales, comment concevra-t-on que l’idée de l’égalité les engendre ? […] Nous avons donc le droit de conclure que si l’égalitarisme, une fois accepté, est capable d’agir ou de réagir sur certaines de nos formes sociales, il n’a nullement la puissance de les susciter toutes, et que par suite, là où l’histoire nous montre entre elles et lui des rapports constants, il est, bien plutôt que leur cause unique, une de leurs conséquences. […] Jusqu’à ce jour, lorsqu’il s’est agi d’expliquer l’apparition de quelqu’une de ces formes, c’est par défaut que les sociologues ont péché : ils ont présenté comme leur cause suffisante une de leurs nombreuses conditions. […] D’ailleurs, le nombre des hommes agglomérés ne s’augmente pas de lui-même et mécaniquement : en même temps que de conditions physiologiques, on sait qu’il dépend de conditions psychologiques qu’il s’agirait d’analyser et de classer. — Inversement l’homogénéité d’une société dépend de conditions physiologiques en même temps que de conditions psychologiques.

90. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « X »

Blum aurait raison, si notre pensée était la leur, et s’il s’agissait, en effet, de trouver les mêmes choses qu’ils ont trouvées, parce qu’il n’y aurait plus alors ni assimilation, ni transposition, mais identité. […] Mais de quoi s’agit-il ?35 Il n’est pas du tout question de découvrir ce que les grands écrivains ont découvert ; il s’agit d’appliquer leurs procédés pour découvrir autre chose à notre tour.

91. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Sans doute mon état actuel s’explique par ce qui était en moi et par ce qui agissait sur moi tout à l’heure. […] La difficulté est déjà grande dans le règne animal ; elle devient presque insurmontable quand il s’agit des végétaux. […] Il s’agirait, il est vrai, d’une parenté idéale et non plus d’une filiation matérielle. […] Originellement, nous ne pensons que pour agir. […] L’étincelle qui provoque l’explosion de la poudre agit par déclanchement.

92. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Les choses qui l’environnent agissent sur lui et il réagit sur elles. […] S’agit-il bien de la même chose ? […] Il est vrai qu’il s’agit ici d’images photographiées sur l’objet même, et de souvenirs immédiatement consécutifs à la perception dont ils ne sont que l’écho. […] Il s’agit de deux conceptions radicalement différentes du travail intellectuel. […] Ainsi, selon que nous désirons articuler un son ou un autre, nous transmettons l’ordre d’agir à tels ou tels de ces mécanismes moteurs.

93. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

On pouvait espérer sauver du naufrage des théories métaphysiques certaines vérités d’expérience intime qui ont toujours fait la base des sciences morales, comme le libre arbitre, la responsabilité, le devoir, le droit ; mais il s’agit maintenant d’un débat tout autrement sérieux que le dialogue éternel entre le spiritualisme et le matérialisme. […] Ici en effet, ce n’est plus de rapports entre objets différents qu’il s’agit, comme entre les objets de la géométrie, de la chimie, de l’histoire naturelle. […] Il ne s’agit plus ici d’une action certaine, mais vague, du physique sur le moral, telle que la montraient les observations tirées des états pathologiques du corps humain ; il s’agit des conditions physiologiques de tous les grands faits de la vie psychique, des organes distincts de toutes les fonctions de relation. […] Si l’on ne peut plus agir directement sur la volonté, qui n’est jamais libre, on peut développer et perfectionner l’intelligence, de manière que la volonté ne puisse se déterminer que par cette espèce de motifs qui ont pour conséquence des actions utiles. […] Beaucoup ont leur définition particulière du vice et du crime qui n’a rien de commun avec celle des moralistes et des magistrats ; ils font de l’homme vicieux ou criminel un malade qu’il s’agit non de punir, mais de guérir, et auquel il y a lieu d’appliquer tout un système de thérapeutique physique et morale.

94. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

Qu’il s’agisse de l’évolution politique, religieuse ou littéraire d’une nation, l’idéal pour quiconque veut la retracer est d’aboutir à des résultats certains et définitifs. […] La critique est à l’histoire de la littérature ce que la politique est à la sociologie, la médecine à la physiologie ; l’une applique ce que l’autre a trouvé et prouvé ; l’une veut agir immédiatement sur les hommes et les choses ; l’autre porte dans l’étude des lois de la vie un désintéressement absolu et une sérénité toute scientifique. […] Il ne s’agit pas pour lui de dire ce qu’il aime ou ce qu’il déteste.

95. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VI. Recherche des effets produits par une œuvre littéraire » pp. 76-80

Recherche des effets produits par une œuvre littéraire De même que l’étude attentive d’une œuvre littéraire et de son auteur nous révèle ainsi des causes particulières qui ont agi sur lui et sur elle, de même cette étude peut nous révéler aussi des effets dont cette œuvre et cet auteur ont été le point de départ. […] Si la société agit sur elle, elle réagit à son tour sur la société. […] S’agit-il de vie politique ?

96. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

Tu crois que je parle de moi personnellement, Lecteur ; mais songe un peu, et vois s’il ne s’agit pas aussi de toi. […] XXI Il y a lieu plus que jamais aux jugements qui tiennent au vrai goût, mais il ne s’agit plus de venir porter des jugements de rhétorique. […] XXII On a besoin de renouveler, de rafraîchir perpétuellement son observation et sa vue des hommes, même de ceux qu’on connaît le mieux et qu’on a peints, sans quoi l’on court risque de les oublier en partie et de les imaginer en se ressouvenant. — Nul n’a droit de dire : « Je connais les hommes. » Tout ce qu’on peut dire de juste, c’est : « Je suis en train de les connaître. » XXIII Assembler, soutenir et mettre en jeu à la fois dans un instant donné le plus de rapports, agir en masse et avec concert, c’est là le difficile et le grand art, qu’on soit général d’armée, orateur ou écrivain. […] En un mot, l’homme est instinctivement conduit par sa faculté à se faire telle ou telle opinion, à porter tel ou tel jugement, et à désirer, à espérer, à agir en conséquence.

97. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Faut-il choyer un songe que l’on ne peut agir ? […] Aime et agis pour être selon la vie, aime et agis pour être selon toi-même ; aime et agis pour la Joie d’être. » Pour M. de Régnier rien n’est que les Idées, si j’ai bien lu ses livres.

98. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Il ne s’agit que de l’y faire tenir. […] « Personne ne croit, nous dit M. de Beauverger dans sa préface, que la politique spéculative n’ait pas d’influence sur la destinée des empires et qu’il n’y ait pas d’enseignement à retirer de ses travaux. » Personne ne le croit, en effet ; seulement il s’agit de savoir quelle fut cette influence, si elle était nécessaire, si elle a été bonne ou funeste et si tous ses travaux valaient plus ou moins, de la part des esprits qui dominent ces sujets, que les deux lignes de résumé qui pouvaient être l’ouvrage de M. de Beauverger et qui, malheureusement, ne le sont pas. […] Il ne s’agit pas ici, bien entendu, des talents du gymnaste intellectuel que l’on appelle un philosophe, ni même de la dorure de bec de la Gloire, qui répète parfois et crie des noms, comme les perroquets, sans rien y comprendre, mais il s’agit des hommes qui représentent pour les avoir réellement exprimées le petit nombre de vérités nécessaires à la vie et à l’honneur de l’esprit humain.

99. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Il a peint des femmes toujours viriles, parce que toujours elles agissent par volonté, par intelligence, plutôt que par instinct ou par sentiment. […] Si l’estime en effet détermine l’amour, il faut agir, non pour l’amour, mais pour l’honneur, pour le devoir, dont la perte ou dont la violation ne laisserait pas subsister l’estime. […] Mais il ne s’agit pas de le sacrifier. […] Et de là tout principe d’agir est transporté à la raison, toute force d’agir à la volonté. […] Tous agissent par des déterminations de la volonté, d’après des maximes de la raison.

100. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Il s’agit de savoir si l’activité, si la volonté est un de ces constituants de tout fait mental. […] On ne pourra plus affirmer alors que la réaction psychique soit un ensemble de sensations passives qui, combinées, donnent l’illusion de l’agir et du vouloir ; aucune combinaison de passivités n’explique d’une manière intelligible le sentiment d’activité, et le vouloir-vivre est aussi clair en nous que la sensation même. […] Nous agissons toujours, nous exécutons toujours quelque chose, et même bien des choses à la fois. […] Toutes les scènes intérieures qui nous paraissent et sont, en effet, si diversifiées, empruntent leur diversité aux sensations de mille sortes qui viennent se combiner avec le déploiement de notre volonté ; mais, encore un coup, ce déploiement en lui-même est toujours continu et toujours général ; nous voulons et agissons tout entiers, et les réactions tranchées contre les obstacles ne sont encore que les continuations de notre vouloir antérieur combiné avec des sensations nouvelles. […] Quand nous voulons mouvoir notre petit doigt, dit M. de Hartmann, nous devons supposer, en sus de la volition consciente, une volonté inconsciente : la première, en effet, ne connaît pas la place du cerveau où elle peut agir, ni le moyen d’y agir pour produire le mouvement ; il faut donc qu’il y ait une volition inconsciente qui agit sur le point P du cervelet où le nerf moteur prend naissance, et, pour cela, il faut encore que cette volition ait la représentation du point P.

101. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Mais il ne s’agit pas d’être heureux, il s’agit d’être parfait. […] Songez donc qu’il s’agit de la vraie religion, de la seule chose sérieuse et sainte. […] Il ne s’agit donc plus de dire : « À la porte, les barbares !  […] Il s’agit de capter le vieillard aveugle, et pour cela de mentir, de flatter. […] Il s’agit là pour eux d’être ou de n’être pas.

102. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Les Espagnols répandaient le bruit que cet exil de M. de Rohan n’était qu’une feinte, et qu’on ne l’envoyait de la sorte à Venise que pour y agir contre eux. […] Ici une nouvelle carrière commence pour Rohan : le roi, sur le conseil du cardinal de Richelieu, le croit très propre à ses affaires en ces contrées, à cause des qualités mixtes et variées qu’il possède, négociateur, capitaine, très en renom à l’étranger, pouvant agir comme de lui-même et n’être avoué que lorsqu’il en serait temps. […] Il semblait qu’il n’y eût plus qu’à agir ; mais ce ne fut qu’au commencement de 1635, c’est-à-dire après trois ans de retards et d’ambiguïtés et quand la France enfin se décida ouvertement à la guerre, que Rohan fut mis à même de se distinguer. […] Dès le début de cette campagne, on a reproché à Rohan d’avoir agi un peu timidement, et, dans la crainte d’être tourné, de n’avoir pas défendu résolûment les passages du côté de l’Allemagne ; mais, selon lui, ces passages étaient trop nombreux pour être défendus ; il en comptait jusqu’à quatorze par où l’on aurait pu pénétrer. […] Cette fois, c’est contre ce dernier qu’il se résolut d’agir.

103. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Après la perte de la bataille de Kolin (le 18 juin), il se montre disposé à laisser agir dans ses intérêts cette sœur au courage viril, qui ne saurait rien lui conseiller que de digne. […] Il s’agissait, pour sauver Frédéric, ou de détacher de la coalition, ou du moins de ralentir la France, de convaincre celle-ci, par une voie ou par une autre, qu’il n’était nullement de son intérêt que le roi de Prusse fût détruit, et que, si malheur lui arrivait, elle aurait plus tard à s’en repentir. […] Pendant ce temps-là, on agissait également auprès du maréchal de Richelieu, alors général de l’armée française en Saxe, et, sans rien obtenir quant à l’ensemble des affaires, on parvenait personnellement, par des moyens indirects, à le ralentir. […] La reconnaissance, le tendre attachement que j’ai pour vous, cette amitié de vieille roche qui ne se dément jamais, m’oblige d’en agir sincèrement avec vous. […] Et c’est ici, puisqu’il s’agissait d’un hommage funèbre, qu’on se rend bien compte de tout ce qu’il aurait fallu encore, — quelque chose de la flamme d’un Bossuet, si ce n’est de celle d’un Pindare.

104. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Voici de quoi il s’agit. […] Il ne s’agit pas de savoir si, un an après, résumant dans son livre des Considérations les événements accomplis, elle a écrit « que c’était une niaiserie de vouloir masquer un tel homme que Napoléon en roi constitutionnel » ; il s’agit de savoir ce qu’elle a pu écrire dans les premiers instants, quand l’avenir était encore incertain, et en apprenant ces concessions inattendues et si entières que faisait l’Empereur à la force des choses et aux exigences de l’opinion. […] Thiers d’une manière un peu leste et comme de haut en bas ; elle montre l’illustre historien préoccupé avant tout de chercher « des croyants à la conversion de Napoléon aux idées libérales » ; elle le rappelle à l’ordre pour n’avoir pas eu présents certains passages du livre des Considérations : « Lorsqu’il s’agit, dit-elle, d’un écrivain de l’ordre de Mme de Staël, il ne peut être permis de lui prêter des opinions autres que celles qu’elle a elle-même exprimées. Il suffît d’ouvrir le livre admirable où elle apprécie d’un jugement si ferme les principaux événements de la Révolution française, pour être pleinement édifié sur le peu de foi qu’elle accordait au libéralisme de celui, etc., etc. » Mais, Madame, il ne s’agit pas, encore une fois, du livre de Mme de Staël rédigé plus tard et d’après une impression totale et résumée où l’on supprime et l’on abolit tout ce qui a pu s’en écarter un moment ; il s’agit de lettres écrites dans les cinq premières semaines des Cent-Jours, sous le coup des événements les plus menaçants, de conseils d’amis sans doute très pressants, et sous l’inspiration aussi d’un sentiment national honorable, dont la suggestion a pu être plus forte que les règles et les principes.

105. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Malheureusement les propos tenus par plusieurs ministres du roi dans les Cours ont fait croire le contraire. » Dans de telles conjonctures, Marie-Antoinette, on le conçoit, ne réussit à rien tirer de bien net des ministres qui sont et doivent être plus Français qu’elle, et qui ne se décident point sur des impressions et d’après des convenances de famille : « Pour le roi personnellement, il est bien attaché à l’alliance, et autant que je puisse le désirer ; mais, pour un moment aussi intéressant, je n’ai pas cru devoir me borner à en parler au roi : j’ai vu MM. de Maurepas et de Vergennes ; ils m’ont fort bien répondu sur l’alliance et m’y paraissent véritablement attachés ; mais ils ont tant de peur d’une guerre de terre, que quand je les ai poussés jusqu’au point où le roi de Prusse aurait commencé les hostilités, je n’en ai pu avoir de réponse bien nette. (25 mars 1778.) » Novice qu’elle est dans ces sortes d’affaires, elle ne démêle pas très distinctement les motifs qui font agir nos ministres et les intérêts véritables qu’elle aurait dû comprendre comme eux, ce qui lui aurait permis d’agir de concert vers le seul résultat possible. […] Personne, pas même le grand Frédéric, n’avait repris ses bottes de la guerre de Sept Ans : il ne s’agissait plus de risquer le tout pour le tout. […] Nous nous ressentons déjà d’un despotisme qui n’agit que selon ses convenances, sans principes et avec force. […] il ne s’agit plus de jalousie entre nos deux monarchies, il s’agit de se tenir bien étroitement liés, et qu’aucun ne puisse espérer de nous pouvoir séparer.

106. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Il s’agit d’une simple habitude devenue héréditaire. […] La volonté a agi mécaniquement. […] Il ne s’agit pas de raison, il s’agit de sensibilité. […] Ainsi faut-il agir avec la montagne. […] Il ne s’agit plus d’albuminoïdes, ni d’hydro-carbures, il s’agit d’une satisfaction psychologique.

107. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Agir autrement est dangereux. […] Ce ne sont que des présomptions, fortes ou faibles : très fortes, en général, quand il s’agit de documents modernes, souvent très faibles quand il s’agit de documents anciens. […] Mais, amertume et dureté à part, ils n’ont pas tort d’agir ainsi. […] On pourra donc chercher les faits qui ont agi sur l’évolution de chacune des habitudes de l’humanité ; chaque accident se classera à sa date dans l’évolution où il aura agi. […] Il faut examiner si l’individu a été en situation d’agir fortement.

108. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre premier. De l’invention dans les sujets particuliers »

Mais, le jour où l’on écrit, il ne s’agit pas de dégorger confusément sur le papier tout ce qu’on a dans l’esprit et dans le cœur. […] Il s’agit pour eux d’en tirer ce qu’ils contiennent, et de développer ce qui y est impliqué. […] Il s’agit, quelle que soit l’œuvre, immortelle ou enfantine, d’évoquer un certain ordre de sentiments et d’idées, à l’exclusion de tout autre : on doit donc, avant tout autre soin, reconnaître quel est cet ordre.

109. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

Il ne s’agit plus de parler en homme de métier, puisqu’on ne parle plus à des gens de métier. […] Brunetière, après avoir cité une description d’un romancier contemporain, je puis voir effectivement toutes ces choses… Ce sont des tableaux… dont nous n’avons pas besoin d’avoir vu les modèles, pour louer la ressemblance, puisqu’ils ne sont, après tout, que des associations nouvelles d’éléments anciens, de formes familières et de couleurs accoutumées… Nous sommes rentrés ici dans la vérité de l’art, qui consiste à décrire les choses les plus particulières par les termes les plus généraux, et d’autant plus généraux, qu’il s’agit de nous communiquer l’impression de choses plus particulières. » Il semble que nous soyons ramenés au fameux précepte de Buffon, qui recommande d’avoir attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux. […] Au contraire, il ne s’agit ici que des choses les plus particulières, qui ne peuvent être rendues que par des vocables exotiques ou techniques, incompris de la foule des lecteurs : c’est qu’alors, et ce n’est qu’alors, que les termes généraux, clairs et intelligibles, seront préférables aux termes propres, prétentieusement obscurs.

110. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

La vérité, c’est que, sans doute, le gouvernement n’a mis aucun empressement à nous renseigner ; mais c’est aussi que, rendus timides par une humiliation d’un quart de siècle, conscients de notre impuissance à défendre désormais, à travers le monde, les causes « humaines », nous ne tenions pas beaucoup à savoir, parce que nous étions incapables d’agir. […] On accepte tout quand il s’agit de politique extérieure, par appréhension de « se faire des affaires » et par la lamentable désaccoutumance de se sentir fort. […] Il ne s’agissait que de prononcer publiquement certaines paroles.

111. (1887) Discours et conférences « Appendice à la précédente conférence »

Il ne s’agit pas pour le chrétien d’abandonner le christianisme, ni pour le musulman d’abandonner l’islam. Il s’agit pour les parties éclairées du christianisme et de l’islam, d’arriver à cet état d’indifférence bienveillante où les croyances religieuses deviennent inoffensives. […] Voilà qui est parfait, pourvu qu’il s’agisse de l’instruction sérieuse, de celle qui cultive la raison.

112. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Nous avons montré comment on peut étudier ces individus eux-mêmes en les rattachant à leur tour aux diverses causes qui ont pu agir sur eux et aux divers effets dont ils ont pu être la cause. […] Il s’agit de savoir quel rôle y jouent les grands hommes et quelle place doit leur être accordée. […] On peut donc dire que, pour agir sur ses contemporains, un grand homme doit marcher avec eux.

113. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

Le désir de connaître enveloppe le désir d’affirmer, et le désir d’affirmer, au fond, c’est celui même d’agir. […] L’être intelligent a donc besoin d’affirmer pour agir. […] Dans les sentiments esthétiques, nous sentons pour sentir, plutôt que pour comprendre ou pour agir.

114. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Ils ne peuvent pas arriver à voir que la responsabilité est un vain mot quand il s’agit de l’homme et que des forces supérieures, que les investigations scientifiques ne sont pas parvenues à saisir, agissent beaucoup plus sur l’espèce que toute prétendue volonté particulière. […] S’ils agissent ainsi pour des raisons de stratégie, c’est admissible mais autrement, s’ils sont assez naïfs pour le croire c’est tant pis pour eux. […] Soudain, sous une influence matérielle (froid, faim, etc…) le café cessait d’agir, et l’auteur bâclait un poème qu’il savait ne pas pouvoir reprendre. […] En Allemagne, les gros intellectuels firent en bloc un manifeste historique dont la sottise fut inégalée de ce côté où ils agirent en ordre dispersé. […] Il s’agit du premier recueil de Céline Arnauld (1895-1952), femme de Paul Dermée.

115. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

. — Qu’un nouvel objet semblable aux précédents se rencontre après que nous avons prononcé le mot quatre, il formera avec le mot un groupe nouveau, et il naîtra en nous une tendance analogue à celle qui nous a fait prononcer le mot deux, tendance semblable à la première, en ce qu’il s’agit aussi d’une addition, tendance différente de la première, en ce que, au lieu d’ajouter un objet à un objet, on ajoute ici un objet à un groupe de quatre objets réunis. […] Faire une construction pour démontrer un théorème, c’est substituer certaines lignes et angles connus à d’autres lignes et angles qu’il s’agit de connaître. […] Quand nous apprécions une distance, il faut bien qu’elles soient présentes ; et pourtant nous ne les démêlons plus, quelque envie que nous en ayons ; elles sont pour nous comme si elles n’étaient pas ; il nous semble que nous connaissons, directement et sans leur entremise, la position que seules elles dénotent ; si parfois elles nous frappent, c’est en s’exagérant, par exemple lorsque, obligés de lire de trop près ou de trop loin, nous éprouvons dans les muscles de l’œil une fatigue notable ; hors de ces cas, elles sont invisibles et comme évanouies. — Pareillement, un compositeur qui vient de lire un air d’opéra ne se souvient pas des croches, des blanches, des clefs, des portées, et de tout le barbouillage noir sur lequel ses yeux se sont promenés, mais seulement de la série des accords qu’intérieurement il a entendus ; les signes se sont effacés, les sons seuls surnagent. — Quand il s’agit de mots, nous pouvons marquer les divers degrés de cet effacement. […] Nous jugeons, par l’échelonnement de nos découvertes, que nous avons agi, que nous avons produit une série d’actions, que cette série correspond à une série de qualités ou caractères des choses, que notre action est efficace, et partant réelle. […] Il s’agit maintenant de connaître cet autre.

116. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

J’ai toujours séparé sans peine — je n’aurais pu agir d’autre sorte — mes sympathies personnelles et mes jugements littéraires. […] Le ministre qui a conquis la Tunisie et le Tonkin a été mille fois plus maltraité que le général qui a livré Metz et la France à l’ennemi ; on les a mis en parallèle comme La Bruyère a fait pour Corneille et Racine, et leurs crimes bien pesés et compensés, ce n’est pas le ministre qui a été trouvé le moins coupable… Il ne s’agit pas d’introduire ces gracieusetés dans les mœurs des lettres, de revenir au seizième siècle où, pour Scaliger, quiconque entendait autrement que lui Tite-Live était au moins un scélérat. Il s’agit de reconnaître que le critique peut être sévère sans malveillance. […] Il importe peu que j’écrive plus mal que le romancier, ou même que je n’écrive pas du tout : ce n’est pas de mon style qu’il s’agit, mais du sien. […] Je me rappelle aussi une phrase très belle de Sainte-Beuve, qu’il est toujours flatteur de s’appliquer : « Il y a la race des hommes qui, lorsqu’ils découvrent autour d’eux un vice, une sottise ou littéraire ou morale, gardent le secret et ne songent qu’à s’en servir et à en profiter doucement dans la vie par des flatteries ou des alliances ; c’est le grand nombre, — et pourtant il y a la race de ceux qui, voyant ce faux et ce convenu hypocrite, n’ont pas de cesse que, sous une forme ou sous une autre, la vérité, comme ils la sentent, ne soit sortie et proférée : qu’il s’agisse de rimes ou même de choses un peu plus sérieuses, soyons de ceux-là. » 1.

117. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

La force nerveuse agit sur les diverses parties du corps à la manière d’un courant. […] On voit d’ordinaire, dans notre activité traduite par nos mouvements et nos désirs, le résultat de quelque sensation ou connaissance antérieure ; mais avant celle-là il y a une activité spontanée, venant de nous-même, du dedans et non du dehors, qui agit d’elle-même et non par une réaction contre le monde extérieur. […] On peut croire d’abord qu’il s’agit de ces phénomènes curieux propres aux animaux inférieurs dont l’origine et la cause restent encore impénétrables ; on se fait l’idée d’une psychologie générale ou comparée qui embrasserait toutes les manifestations de la vie mentale. […] Il en a recherché le germe dans cette activité spontanée qui a son siège dans les centres nerveux, qui agit sans aucune impression du dehors, sans aucun sentiment antérieur, quel qu’il soit. […] Le chien qui, le matin, dépense en courses folles sa surabondance d’activité, ne suit que son instinct ; mais c’est juste au moment où il est épuisé que le besoin de nourriture se fait sentir, et qu’il lui faudrait agir pour s’en procurer.

118. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Nous avons vu que l’explication sociologique consiste exclusivement à établir des rapports de causalité, qu’il s’agisse de rattacher un phénomène à sa cause, ou, au contraire, une cause à ses effets utiles. […] Inversement, quand il s’agit de l’effet, le savant distingue souvent ce que le vulgaire confond. […] Le premier procédé peut suffire, à la rigueur, quand il s’agit de faits d’une grande généralité et sur lesquels nous avons des informations statistiques assez étendues et variées. […] Quand, au contraire, il s’agit d’une institution, d’une règle juridique ou morale, d’une coutume organisée, qui est la même et fonctionne de la même manière sur toute l’étendue du pays et qui ne change que dans le temps, on ne peut se renfermer dans l’étude d’un seul peuple ; car, alors, on n’aurait pour matière de la preuve qu’un seul couple de courbes parallèles, à savoir celles qui expriment la marche historique du phénomène considéré et de la cause conjecturée, mais dans cette seule et unique société. […] S’agit-il, par exemple, de l’organisation domestique ?

119. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Jules Lemaître. « Il s’agit de savoir, en définitive, écrit M.  […] L’opinion du Français est immuable, lorsqu’il s’agit de sa patrie. […] Il s’agit donc pour la France d’acquérir une exacte connaissance de l’étranger. […] Il s’agit du livre de M.  […] Il s’agit du livre de M. 

120. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

La gravité des conséquences apparaît ici plus clairement parce qu’il s’agit d’un ministre célèbre et de l’ordre public. […] Elle peut agir selon sa fantaisie avec les papiers dont elle hérite et elle n’a d’autre compte à rendre qu’à sa conscience ou à Dieu. […] L’œuvre d’art sera, par conséquent, à la disposition du public ; s’il s’agit d’un manuscrit, à celle des éditeurs qui veulent le publier. […] C’est intolérable, et j’en dirais autant s’il s’agissait d’inédits de Bossuet ou de Joseph de Maistre. […] Il s’agit de Paul Valéry — cité deux pages auparavant — que sa Jeune Parque a entouré d’une réputation d’hermétisme.

121. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 87-88

On pourroit le regarder comme un bon Traducteur, si la fidélité à rendre le sens de son original étoit la seule qualité nécessaire à quiconque entreprend de faire passer les Poëtes célebres dans une Langue étrangere, sur-tout lorsqu'il s'agit d'une Traduction en Vers. […] Dès qu'il ne s'agira point de comparer ses Fables à celles de Lafontaine, on pourra en trouver quelques-unes de bonnes.

122. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Il faut bien parler politique quand il s’agit de l’Académie. […] J’ai vu, quand il s’agissait de certaine pièce de théâtre à couronner (la Gabrielle de M.  […] Il est et il sera impossible de retrouver jamais de qui il s’agit. […] On l’a trop vu dans ce qui s’est passé, il y a trois ans (1863), lorsqu’il s’est agi de remplacer M.  […] L’Esprit-Saint se mit subitement à agir et à opérer comme dans un conclave.

123. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Il était ainsi châtié pour des sentiments trop catholiques… Cependant, dans ce sermon célèbre, il ne prenait qu’une de ces situations de milieu qui sont parfois opportunes dans des négociations d’intérêt, mais toujours mauvaises quand il s’agit de vérité. […] Seulement, comme il s’agissait d’un des plus illustres propulseurs de l’anglo-catholicisme, on frappa en lui ce que dans un autre on aurait peut-être toléré. […] Oxford a compris qu’il s’agissait de son foyer et de son autel. […] puisqu’elle était Oxford, puisqu’elle avait sous sa rigoureuse surveillance des doctrines qu’elle devait garder inaltérables, elle ne pouvait, sans déshonneur et sans suicide, agir autrement qu’elle n’a agi. […] Son livre, qui tomberait des mains sans qu’on prît la peine de le ramasser, s’il ne s’agissait que de la personnalité de l’auteur, a cependant une certaine importance : — l’importance de l’opinion collective qu’il exprime.

124. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Ainsi donc je crois que les différentes magistratures de la pensée n’ont pas été établies seulement pour la conservation des mœurs ; car, s’il ne se fût agi que des mœurs, on n’aurait eu besoin que de lois répressives et pénales, et non point de lois somptuaires ou préventives. […] Toutes les fois qu’on a réclamé la liberté de penser, on ne demandait en effet que la liberté d’agir en vertu de sa pensée. Maintenant il ne s’agit plus que de la liberté d’écrire et de publier ses pensées. […] Ainsi donc il s’agit de bien connaître l’opinion ; il faut savoir la diriger, et même lui résister lorsqu’elle s’égare.

125. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Il ne s’agit pas de l’univers, il est vrai, ni de ce prodigieux phénomène de la décadence. Il s’agit, au contraire, d’une poignée d’hommes, d’un peuple organisé d’hier, et qui n’en est encore qu’à la première marge de son progrès. Il s’agit de nègres, de ceux qui furent longtemps le rebut du genre humain, et qui n’en sont pas l’honneur encore ! […] Mais, quelles que soient la force de la raison de l’historien et la justice de sa raillerie quand il s’agit d’un pays où les pantalonnades se jouent dans le sang et où le Congo de la barbarie se mêle au Congo de la civilisation, — car on y vénère également des fétiches, des serpents, des journaux et des constitutions démocratiques, — Gustave d’Alaux nous fait toujours l’effet, en peignant le chef de ce monde noir qui le résume si bien dans tous les détails de sa personne, d’un artiste croquant un bourgeois.

126. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Il faut être précis, quand il s’agit d’un phénomène… M.  […] Janin, qui entre aujourd’hui, et triomphalement, dans la peau de Diderot, — et laissons cette expression trop matérielle pour ce qu’elle veut exprimer, mais disons : dans l’individualité d’un talent énorme qu’il s’agit de s’assimiler, — M.  […] Il s’agit d’un homme et de la fin d’un monde dans M.  […] Il en a la langue immense, enthousiaste, éloquente, lyrique, à rires sonores, à larges larmes, l’engueulement sublime du cabaret, la gouaille à écuellées, les gros mots hardis qui n’ont peur de rien, quand il s’agit d’être remuant et pittoresque ; le gros sel, le sel bourguignon qu’il jette à poignées, d’ici, de là, mais plus cristallisé, plus diamanté et qui, en salant tout autant, étincelle davantage !

127. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — S’il est plus aisé, de faire une belle action, qu’une belle page. » pp. 539-539

Celui qui agit, agit à la face d’un peuple ; souvent il est entre l’ignominie et la gloire : s’il ne s’illustre pas, il s’avilit. […] Mais l’être rare par excellence, c’est celui qui réunit la force qui fait agir et le génie qui fait dire grandement, celui à qui j’obéissais en remplissant cette tâche.

128. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

La raison humaine est maintenant assez mûre pour que nous entreprenions de laborieuses recherches scientifiques, sans avoir en vue aucun but étranger capable d’agir fortement sur l’imagination, comme celui que se proposaient les astrologues ou les alchimistes. […] Voilà donc la grande, mais évidemment la seule lacune qu’il s’agit de combler pour achever de constituer la philosophie positive. […] À cela les physiologistes ont objecté avec raison que, si c’était comme images qu’agissaient les impressions lumineuses, il faudrait un autre œil pour les regarder. […] Il s’agit de la question, encore indécise, qui consiste à déterminer si l’azote doit être regardé, dans l’état présent de nos connaissances, comme un corps simple ou comme un corps composé. […] Il ne s’agit ici de rien de semblable ; et le développement de ce cours en fournira la preuve manifeste à tous ceux chez lesquels les éclaircissements contenus dans ce discours auraient pu laisser quelques doutes à cet égard.

129. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Quand ils agissaient de cette manière, le dernier mot n’avait pas été dit sur les hommes qu’ils attaquaient, sur des événements dont le sens dépassait leurs compréhensions. […] En cela, nous pensons qu’il a agi selon le mieux. […] Nous qui savons combien ; en toutes choses, la tradition doit être obéie, n’est-ce pas le cas de nous rappeler le mot de Bossuet : « Hier on croyait ainsi, et aujourd’hui on doit croire de même », et de l’élargir en y ajoutant : — Hier on faisait ainsi, et aujourd’hui on doit faire de même ; car le cardinal Baronius, c’est l’autorité d’un homme qui avait assez profond dans son âme le sentiment de l’Église pour agir, en toute circonstance, comme l’Église elle-même eût agi ? […] Jansénistes, parlements, philosophes, confondaient dans une affreuse accointance leur mépris et leur haine les uns pour les autres, dès qu’il s’agissait de ruiner le principe de l’Église romaine et de l’Ordre qui l’avait sauvé. […] Le cabinet de Madrid n’en agit pas moins avec cette persévérance dont les livres saints ont fait un attribut du démon.

130. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Il s’agit d’obtenir la pièce unique dont tout le reste n’est que la monnaie. […] C’est, pour le musicien ou le poète, une impression neuve qu’il s’agit de dérouler en sons ou en images. […] Nous obtenons ainsi une perception visuelle du mouvement de la valse, si c’est de la valse qu’il s’agit. […] Il s’agit, ici encore, de développer un schéma en images. […] S’agit-il de l’effort de mémoire ?

131. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Quelque jugement qu’on porte sur l’ensemble de ce travail, il le conçut à bonne fin et le commença avec un zèle extrême : L’entreprise est délicate, écrivait-il à un de ses amis de Paris, M. de Chénevières ; il s’agit d’avoir raison sur trente-deux pièces ; aussi je consulte l’Académie toutes les postes, et je soumets toujours mon opinion à la sienne. […] Voltaire avait certainement tout l’esprit nécessaire pour être ministre ; mais il ne s’agit pas tant, en politique, d’avoir quantité d’idées que d’avoir la bonne idée de chaque moment et de s’y tenir. […] Alphonse François, fort au-dessus par son esprit et par son goût de ce travail d’annotateur, a montré qu’il en était plus que capable dans des notes spirituelles et fines toutes les lois qu’il s’agissait de théâtre et de comédie. […] Et c’est ainsi que lorsqu’il s’est agi d’une introduction pour le présent recueil, il est allé tout droit dans sa modestie vers l’écrivain qui peut paraître, au meilleur titre, concilier en lui ces deux filiations, ce double mérite de la haute critique et de la gentillesse de parole et d’esprit ; il s’est donc adressé à M.  […] François est adressée à un jeune clerc, et dans le vers cité il s’agit du commit d’un greffier.

132. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Il s’agissait de montrer à l’Europe, dans la guerre inégale où l’on s’était engagé sur le pied d’auxiliaires et sans volonté ni plan arrêté au début, que la France avait décidément un roi, et de porter Louis XV à faire comme ses glorieux et redoutés prédécesseurs, à paraître à la tête de ses armées. […] Frédéric était un roi essentiellement patriotique, et il ne badinait point dès qu’il s’agissait de son pays et de l’histoire. […] Le maréchal de Noailles le lui insinue aussi respectueusement que possible : « Votre Majesté me paraît frappée, autant que je puis l’être, de la stérilité des grands hommes ; ce n’est cependant pas, Sire, que je ne sois persuadé qu’il n’y ait de l’étoffe pour en faire ; il s’agit d’aider à la nature, d’exciter le zèle et l’émulation et de fournir aux bons sujets les occasions de se développer. […] Fénelon n’était pas un flatteur ou il ne l’était qu’avec goût, lorsque dans son Mémoire sur les occupations de l’Académie française, et conseillant à la docte Compagnie de donner une Rhétorique et une Poétique, il disait : « S’il ne s’agissait que de mettre en français les règles d’éloquence et de poésie que nous ont données les Grecs et les Latins, il ne vous resterait plus rien à faire : ils ont été traduits… Mais il s’agit d’appliquer ces préceptes à notre langue, de montrer comment on peut être éloquent en français, et comment on peut, dans la langue de Louis le Grand, trouver le même sublime et les mêmes grâces qu’Homère et Démosthène, Cicéron et Virgile, avaient trouvés dans la langue d’Alexandre et dans celle d’Auguste. » Il y aurait à dire aux analogies, mais ce qui est certain, c’est que, s’il est naturel et juste de dire la langue de Louis XIV, il serait ironique et ridicule de dire la langue de Louis XV. […] Et pourtant tous les contemporains qui en valent la peine sont d’accord là-dessus : le maréchal est homme à donner d’admirables conseils, même au comte de Saxe (voir Lettres et Mémoires tirés des papiers de ce dernier) ; il a de l’entrain quand il écrit ; il appelle le maréchal de Saxe son fils : il a des effusions et des démonstrations qui ne déplaisent pas : mais en tout il écrit mieux qu’il n’agit, ; il fait de beaux mémoires pour justifier ses lenteurs (Journal du duc de Luynes, tome VI, page 73) ; il a des quantités de projets et des infinités d’idées à la fois, qui donnent de l’éblouissement et qui se nuisent (ibid.

133. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Guizot a pris deux fois la parole, comme écrivain, depuis février 1848 : la première fois, en janvier 1849, par sa brochure, De la démocratie en France ; la seconde fois, ces jours derniers, par le Discours dont il s’agit, et qui est à double fin. […] Et puis, il s’agit bien ici d’un écrivain vraiment ! […] Je me suis donné le plaisir de lire en même temps des pages correspondantes de Hume : on ne croirait pas qu’il s’agisse de la même histoire, tant le ton est différent ! […] Guizot en conclut que, sous toutes les formes de gouvernement, qu’il s’agisse d’une monarchie ou d’une république, d’une société aristocratique ou démocratique, la même lumière brille dans les faits ; le succès définitif ne s’obtient, dit-il, qu’au nom des mêmes principes et par les mêmes voies. […] Clarendon se trompa sur son époque ; il méconnut le sens des grands événements auxquels il avait assisté… Ainsi, vous paraissez croire que la Providence s’y prend avec plus de façons quand il s’agit de ces hommes éminents qu’on appelle Mazarin ou Walpole, que quand il s’agit des simples honnêtes gens privés !

134. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

C’est qu’il s’agit ici non plus des termes mêmes de la pensée, mais de leurs relations et successions, choses particulièrement soumises aux lois mécaniques : rien n’est plus voisin de l’automatisme que l’entendement. […] Le cerveau est à l’état de tension et agit toujours dans sa totalité ; chaque pensée particulière suppose une décharge cérébrale qui ne peut se produire sans altérer les tensions de toutes les autres parties et sans amener par cela même une suite indéfinie d’autres décharges dans une direction déterminée75. […] Comme la synthèse doit être à la fois cérébrale et mentale, il faut en chercher la vraie explication 1° dans la manière dont le cerveau agit, 2° dans la manière dont la conscience agit. […] Au contraire, la loi de contraste a une valeur propre quand il s’agit de peines et de plaisirs. […] Enfin je remarque que la vue du cadavre m’avait causé alors une profonde tristesse et que tout à l’heure aussi j’étais triste. » C’est donc la similarité d’émotion, c’est l’état de la sensibilité qui a été la puissance dominatrice et déterminante ; ici encore les idées empruntent leur principale force aux sentiments ou appétitions qui les animent, et la conscience, loin de refléter passivement les impressions, agit pour les accepter ou les repousser.

135. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Cet être est une force qui agit sur les idées et sur les mouvements, les continue, les suspend, les répète et les reprend par elle-même et par elle seule. […] Celle-ci en produit une dans la moelle, la moelle dans le nerf, le nerf sur le muscle ; c’est le nerf qui agit sur le muscle et ce n’est pas la volonté. […] La volonté est séparée du muscle par deux ou trois barrières ; elle agit sur lui comme l’ingénieur du télégraphe de Vienne agit sur l’aiguille du télégraphe de Paris. — Nous répondrons enfin avec les psychologues que la volonté, bien loin de remuer le muscle, ne tend pas même à le remuer. […] Alors seulement le cerveau agit, la moelle communique l’action, le nerf la transmet, le muscle se contracte, le tendon tire, l’os se déplace, le membre se meut, et la pression des chairs vous donne la sensation commandée. […] M. de Biran prétend que la résolution agit directement, et que directement nous apercevons son œuvre.

136. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Il ne s’agit pas là de pragmatisme. […] Il ne s’agit pas là uniquement de conflits d’intérêts. […] « Nous avons tous agi ainsi. […] Des causes opposées agissaient, pendant ce temps-là, sur nos officiers à nous. […] Il s’agit d’abord de préserver la qualité du travail.

137. (1903) La pensée et le mouvant

S’agit-il de science ? […] Donc il agit. […] S’agit-il de percevoir ? […] S’agit-il de concevoir ? […] S’agit-il enfin de comprendre ?

138. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Aujourd’hui il ne s’agit que d’une application historique de ces doctrines : M.  […] Nous pouvons dire aujourd’hui : Si Robespierre et Danton eussent agi comme Guadet et Vergniaud, d’autres auraient agi comme Robespierre et Danton. » Pour nous, convenons-en, dont la sensibilité défaillante aurait eu peine à faire un seul pas au-delà de la Gironde, nous ne nous déclarons pas convaincu par ces arguments, tout solides qu’ils puissent paraître, et il reste toujours à savoir si, quand on est certain que la patrie sera sacrée, sinon par nous, du moins par d’autres, il n’est pas mieux de savoir mourir pur que de tremper, même à bonne intention, dans use œuvre cruelle et souillée.

139. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Il considère son sujet en plein, sans tant de façon, rondement ; il voit ce qu’il en peut faire avec esprit, avec verve, avec bon sens à travers ; son parti pris, il va ; il s’agit, avant tout, que son feuilleton ait vie, qu’il se meuve, qu’il amuse ; son feuilleton, c’est sa pièce à lui, il faut qu’elle réussisse ; il ne l’écrit pas ce feuilleton, il le joue. […] Mais il ne s’agit pas de savoir si Dampré et la duchesse, et chacun des personnages pris un à un, et trait pour trait, peuvent être plus ou moins des copies d’un certain monde réel ; il s’agit de savoir si tout cet ensemble est comique, intéressant, saisissant.

140. (1911) La valeur de la science « Introduction »

Et cependant pour agir il faut s’arrêter, αναγκη στηναι, comme a dit je ne sais plus quel Grec, Aristote ou un autre. […] Quand elle aura disparu, l’espérance nous restera-t-elle et aurons-nous le courage d’agir ? […] Si nous voulons agir, au contraire, si nous voulons être forts, il faut que nous soyons unis.

141. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Armand Baschet »

car il agit sous l’influence de la plus grande espérance et du plus grand enthousiasme qui puisse exister sur la terre ! […] Pendant les trois quarts et demi de son livre du Roi chez la Reine, quand il n’y a pas encore de Reine chez laquelle puisse aller le Roi, Baschet, qui se lève de bon matin quand il s’agit de ramasser des débris d’étiquette, de la poussière de parquet royal, et, sur cette poussière, des tracés de révérences faites, nous donne déjà, avec quel soin ! […] Quand il s’agit de la grande question politique d’intéresser les sens d’un roi, au fond bien moins niais que transi, il n’est ni grossièreté ni impudeur, présumables ou possibles.

142. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Il ne s’agit que de choisir quelques-uns de ces points de coïncidence ou d’intersection, en se conformant à la nature intime du sujet et à l’idée maîtresse qui doit tout dominer : ces points donneront les divisions naturelles de la matière. […] Exposer son sujet, c’est-à-dire indiquer le temps, le lieu, toutes les circonstances particulières, présenter les personnages, marquer les caractères, annoncer l’action qui va mettre aux prises ces personnages et ces caractères, en rappelant tous les événements antérieurs qu’il est nécessaire de connaître pour comprendre ce qui va se passer ensuite ; développer le sujet, c’est-à-dire montrer le jeu des caractères, l’évolution des idées et des sentiments, la série des faits qui résultent des états d’âme et qui les modifient aussi, faire agir en un mot et souffrir les personnages, dénouer enfin le sujet, c’est-à-dire pousser l’action et les caractères vers un but où l’une s’achève et les autres se complètent, de telle sorte que le lecteur n’ait plus rien à désirer et que toutes les promesses du début soient remplies, voilà la formule classique de l’œuvre dramatique, qui s’adapte merveilleusement aux conditions des brèves narrations. […] Pareillement, quand vous faites parler vos personnages dans une narration, ou que vous avez choisi ou reçu la forme du dialogue, il ne s’agit pas de copier aussi exactement que possible l’allure et le ton d’une conversation réelle. […] Ce serait favoriser l’adversaire que d’agir autrement et d’intervertir cet ordre.

143. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

À plus forte raison s’il s’agit d’un journaliste. […] Cette raillerie n’a qu’une mesure : c’est, à propos de tout, qu’il s’agisse d’un ridicule ou qu’il s’agisse d’une infamie, le même ricanement méthodique, prolongé par les mêmes procédés de développement. […] Car il ne s’agit pas ici de bagatelles. […] La phrase de Giboyer sur Déodat « tirant la canne et le bâton devant l’arche » et « appliquant la facétie à la défense des choses saintes », si vous supposez un moment qu’il s’agit de l’arche de la Révolution, croyez-vous cette phrase conviendrait si mal à M. 

144. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Il s’agit maintenant de relever les tendances, les intentions, les desseins qu’elle peut manifester. […] S’agit-il d’un roman ou d’une pièce : cherchez le personnage sympathique. […] Qu’il s’agisse de contes de fées qui émerveillent les enfants ou d’histoires de revenants qui leur font si grand’peur, qu’il s’agisse d’hymnes religieuses essayant de percer le mystère de la tombe ou d’utopies sociales s’efforçant d’esquisser l’avenir de l’humanité, qu’il s’agisse de méditations métaphysiques sur l’origine et la fin des choses ou de poèmes paradisiaques et prophétiques, nous rencontrons là des qualités nouvelles, des élans d’imagination, des envolées dans le vaste champ du possible, voire même de l’impossible, dans le royaume des hypothèses et des chimères, en un mot de l’idéal.

145. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Il s’agissait pour M.  […] Il s’agit du système de Schelling dont il dit33 : « Selon lui la philosophie doit s’élever d’abord jusqu’à l’Être absolu, substance commune et commun idéal du moi et du non-moi, qui ne se rapporte exclusivement ni à l’un ni à l’autre, mais qui les comprend tous deux, et en est l’identité. […] Il s’agit maintenant de trouver des arguments. […] Il ne s’agit pas, pour nous, d’étudier sa nature ou de démontrer son existence, comme un physicien examine la nature et démontre l’existence de l’éther ; il s’agit de trouver en lui un gardien de la morale.

146. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Même quand il s’agit de ces aventures cléricales où il est trop prompt à prendre parti, si par hasard on lui fait voir qu’il a été trompé, avec quelle bonhomie il reconnaît son erreur, quitte à recommencer le lendemain ! […] S’agit-il de sa tournure d’esprit ? […] il s’agissait du discours de réception de M.  […] Il s’agit des plagiats dont on accuse M.  […] S’il s’agit de personnages historiques, il s’en fait d’avance une certaine idée. « Il existe pour le théâtre une histoire convenue, que rien ne peut détruire.

147. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Mais d’abord, comme nous le montrions jadis, la nature de cette participation est inconnue : elle pourrait tenir à une propriété qu’auraient les choses extérieures, sans durer elles-mêmes, de se manifester dans notre durée en tant qu’elles agissent sur nous et de scander ou de jalonner ainsi le cours de notre vie consciente 20. […] Mais, quand il s’agit du temps, on ne peut que compter des extrémités : on conviendra simplement de dire qu’on a par là mesuré l’intervalle. […] Vous pouvez dire que vous avez encore affaire à du temps, — on est libre de donner aux mots le sens qu’on veut, pourvu qu’on commence par le définir, — mais nous saurons qu’il ne s’agit plus du temps expérimenté ; nous serons devant un temps symbolique et conventionnel, grandeur auxiliaire introduite en vue du calcul des grandeurs réelles. […] C’est donc la part du réel, la part du conventionnel, qu’il s’agit de faire. […] Il ne s’agira ici que de la réalité du temps.

148. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Librement esclaves, ils agissent tout à la fois volontairement et fatalement. […] Il s’agissait donc dans sa pensée d’un de ces desseins confus, chimériques, équivoques, qui ont besoin du succès pour être avoués. […] Il ne lui est pas permis de dire : J’agis, comme homme privé, dans un sens inverse de mon rôle et de mon devoir comme ministre de ma cour. Si l’on veut agir comme homme privé et d’après ses propres inspirations au lieu d’agir selon ses instructions, il faut commencer par donner sa démission de son titre d’envoyé de sa cour. […] Les hommes extraordinaires (Napoléon) ont tous des moments extraordinaires ; il ne s’agit que de savoir les saisir.

149. (1903) Le problème de l’avenir latin

Le Latin parle le plus souvent lorsqu’il faudrait agir. […] Croire est l’âme d’agir, comme agir est l’âme de vivre. […] Il s’agirait d’instituer une sélection restreinte, mais intensive. […] On agit envers un malade autrement qu’envers un homme sain. […] Il ne s’agit nullement de prophétiser.

150. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Il faudra bien vous mettre en défense, et en agir très-prudemment avec le nautonier. […] « — N’agissez pas ainsi, dit Hagene, mon cœur en est attristé. […] Si un autre avait agi de la sorte, vous en seriez affligé. […] Je pense que Hagene le hardi avait ainsi agi à dessein. […] Comment, pour se venger, une femme pourrait-elle agir plus cruellement ?

151. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Si les animaux sentent, imaginent, se souviennent, raisonnent, agissent spontanément et volontairement, s’associent, parlent comme l’homme, où trouver les véritables caractères distinctifs de la nature humaine, sinon dans les faits qui sont reconnus lui être absolument propres ? […] C’est qu’en effet, avec cette manière d’étudier l’homme, il ne s’agit plus de rechercher des causes, mais simplement de constater des rapports et de déterminer des lois. […] S’agit-il d’expliquer telle conception dite rationnelle, comme l’idée de l’infini dans le temps ou dans l’espace ? […] S’agit-il enfin d’expliquer le jeu de l’activité volontaire ? […] Toute cette théorie de l’association des idées, par exemple, n’est pas simplement ingénieuse, elle est vraie par un côté, et féconde en explications heureuses, du moment qu’il ne s’agit que de connaître les antécédents et les conditions d’un phénomène donné.

152. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Vers l’automne de 1695, le roi voyant que le duc de Savoie le lanternait toujours et qu’or, ne concluait pas, voulut décidément être en mesure d’agir la campagne suivante ; et Tessé, qu’il fit interroger sur cet article et sur le point précis où gisait la difficulté, répondait avec sa finesse habituelle, et à la fois avec tout le respect qu’il devait et qu’il portait en effet à Catinat ; — c’est un dernier jour ouvert, et selon moi définitif, sur l’esprit et le moral du très brave, mais très prudent maréchal : « Je vais parler franchement, écrivait donc Tessé (16 septembre 1695), puisque le roi l’ordonne. […] Ce commandement devait être compliqué : il s’agissait pour Catinat de se concerter avec le prince de Vaudemont, général pour le roi d’Espagne notre allié, et de plus d’être ainsi que lui sous les ordres du duc de Savoie notre allié également, lorsque ce prince serait arrivé à l’année. […] Cette disposition à ne jamais agir qu’après avoir tout considéré mène à ne plus agir du tout en vieillissant. […] Il ne propose rien pour secourir Landau menacé, puis investi ; il ne voit partout que des difficultés, des impossibilités d’agir. […] Dès qu’il s’agissait du Piémont et de la frontière d’Italie, le souvenir de ses anciens succès, de son expérience et de sa spécialité en pareil sujet, ramenait à lui ; on lui demandait des mémoires détaillés, et il se faisait un plaisir de les donner.

153. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

On l’a bien vu à maintes reprises, qu’il s’agît des États-Unis d’Amérique, de la Grèce ou de la Pologne. […] Les mêmes vers ne peuvent agir de même façon sur des gens qui ont du poète des conceptions si divergentes. […] Elles agissent sur ce qu’il y a de plus profond dans l’esprit d’un peuple. […] Qu’il s’agisse d’ailleurs de l’une ou de l’autre, une grosse difficulté est de distinguer l’imitation de la simple inspiration. […] Jamais, en tout cas, elle n’a eu littérature plus composite ; jamais il n’a été si nécessaire de démêler les influences innombrables qui, de tous les points du globe et du passé ont agi sur son évolution.

154. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Ce n’est qu’à ce prix qu’il est donné à quelques-uns d’agir en un instant sur tous les hommes. […] De telles paroles font estimer celui qui les profère, mais elles agissent peu. […] Dans son premier ministère, qui dura cinq ans (1776-1781), il lutte contre les courtisans et contre les abus, et il tombe, il se retire par roideur et faute d’adresse devant le vieux Maurepas, qu’il ne s’agissait que d’user et de laisser mourir. […] Il s’agit de savoir si, l’Assemblée nationale une fois convoquée, il fallait s’abstenir d’influer sur les membres qui offraient prise par quelque côté ; et il y en avait beaucoup plus qu’on ne pense dans cette première Assemblée, sans compter Mirabeau. […] On peut dire que l’esprit français a fait insensiblement l’office d’un Voltaire universel, qui a eu raison, à la fin, du savant défaut dont il s’agit.

155. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Or, de même que toutes les œuvres de la nature sont infiniment supérieures à celles de l’art, la sélection naturelle est nécessairement prête à agir avec une puissance incommensurablement supérieure aux faibles efforts de l’homme. […] L’action du climat paraît à première vue sans relation avec la concurrence vitale ; mais pour autant que le climat peut agir principalement en diminuant les subsistances, il cause une lutte des plus intenses entre les individus, soit de même espèce, soit d’espèces diverses, qui vivent des mêmes aliments. Même lorsque le climat, soit par exemple un froid extrêmement rigoureux, agit directement, ce sont les sujets les moins vigoureux, ou ceux qui n’ont pu se procurer qu’une moindre quantité de nourriture pendant la durée de l’hiver, qui souffrent le plus. […] Cette modification affecterait les insectes ; ceux-ci agiraient à leur tour sur les oiseaux insectivores, comme nous l’avons vu tout à l’heure dans le comté de. […] La multiplication de toute espèce est donc toujours entravée par diverses causes qui agissent à différentes périodes de la vie, et qui, en différentes saisons de l’année, jouent leur rôle tour à tour ; quelques-unes sont plus puissantes, mais toutes concourent à déterminer le nombre moyen des individus ou l’existence même de chaque espèce.

156. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Toutefois, dominé par l’exclusivisme atavique de son jugement non moins que par l’opinion vulgaire entachée d’erreur, il agit presque toujours comme si les siècles écoulés n’avaient pas modifié du tout au tout la conception nationale de l’homme antique. […] Il s’agit dans notre conception, d’une solidarité qui intéresse non seulement tel intérêt particulier, ou telle fonction de l’organisme national, mais cet organisme lui-même dans sa totalité et dans son individualité propre. […] S’il s’agit d’une nation en décadence, il est évident que la vie du dehors s’imposera chez elle aux dépens de sa personnalité. […] S’il s’agit au contraire d’un peuple possédant encore en lui-même des forces vitales suffisantes pour jouer un rôle dans le monde, les vents du large peuvent souffler sur lui, sans venir à bout de le détruire. […] Il ne s’agit pas seulement d’isoler et de fractionner, il faut encore relier et unifier.

157. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Mais lorsque l’exercice de la pensée tend à des résultats moraux et politiques, il doit avoir nécessairement pour objet d’agir sur le sort des hommes. […] Mais je crois qu’en examinant ce qui est particulièrement nécessaire à l’émulation philosophique, on verra pourquoi l’esprit révolutionnaire, pendant qu’il agit, est tout à fait décourageant pour la pensée, comment l’ancien régime abaissait en protégeant, et par quels moyens la république pourrait porter au dernier terme la noble ambition des hommes vers les progrès de la raison. […] Les esprits violents se servent des hommes éclairés quand ils veulent triompher du pouvoir établi ; mais lorsqu’il s’agit de se maintenir eux-mêmes, ils s’essaient à témoigner un mépris grossier pour la raison ; ils répandent sourdement que les facultés de l’esprit, que les idées philosophiques ne peuvent appartenir qu’aux âmes efféminées, et le code féodal reparaît sous des noms nouveaux. […] Mais il s’agit ici de ses talents, et non de sa moralité ; distinction que nous n’avons que trop appris à faire depuis dix ans.

158. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Mais cette définition convient aussi au moindre article de journal, avec cette différence qu’il s’agit, dans ce dernier cas, de fort petits fragments d’une réalité journalière et superficielle. […] Il s’agit du Père Hyacinthe : … Mes convictions personnelles n’ont pas à intervenir dans cette affaire ; j’étais allé là comme un Parisien désireux d’entendre une grande parole qui jadis fit courir tout Paris à Notre-Dame, et je n’ai trouvé qu’un comédien de talent. […] Je lis dans un autre article : « Quand un homme a tenu une telle place dans l’art, quand il a exercé une si grande influence sur son temps… » De qui croyez-vous qu’il s’agisse ? […] Point : il s’agit du chanteur Darcier.

159. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Il est très mauvais, même dans la plupart des sciences, d’avoir des mots qui disent trop de choses à la fois ; ces mots finissent par ne plus correspondre à rien de réel, les mêmes combinaisons ne se représentant que fort rarement à l’état identique ; s’il s’agit de phénomènes stables il faut les qualifier soit par un mot net et simple, soit par un ensemble de mots ayant un sens évident dans la langue que l’on parle. […] Il ne s’agit pas de bannir les termes techniques, il s’agit de ne pas traduire en grec les mots légitimes de la langue française et de ne pas appeler céphalalgie 17 le mal de tête 18. […] J’ai relevé ce mot et le suivant, car il s’agit de les prendre en des livres de littérature, dans une étude de M. 

160. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Par l’imprudence des hommes qui ont agi depuis un demi-siècle, tout a disparu de l’ancien édifice social : les ruines mêmes ont péri. […] Agis mourut pour avoir voulu rendre un instant la vie aux lois antiques de Lycurgue, lois qui firent la gloire et la force de Sparte, mais qui étaient tombées en désuétude. […] Il porte uniquement sur ce qu’on a voulu faire une révolution, et que la révolution était faite ; il ne s’agissait que de la constater. […] Les souverains de l’Europe doivent savoir à présent une chose qu’ils ont trop ignorée ; ils doivent savoir qu’il ne s’agit plus ni de la force des armes, ni des limites de territoires, ni de la balance politique entre les différents états.

161. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Ici, dans ce roman, il ne s’agit plus uniquement d’amour, la seule chose à la portée des femmes, mais d’un bien autre sentiment qui les dépasse toutes, et qui n’a pas eu son roman encore. Il s’agit du sentiment de l’amitié. […] Dans le roman de Mme Haller, Dieu, il est vrai, se trouve nommé à plus d’une place, mais jamais il n’y agit directement… L’auteur ne croit guère qu’à la vertu purement humaine. […] Il ne s’agit point de ses mœurs, à cette demoiselle ; elles sont excellentes… Seulement, par le fait des bonds, sauts et ressauts du roman, il se rencontre qu’elle est accusée d’avoir tué un enfant qui n’est pas lie sien, et qu’elle n’a pas tué, et qu’elle aime mieux se faire pendre que de révéler le meurtrier, lequel n’est pas son amant, À coup sûr, c’est là un acte de vertu et de vertu désintéressée, quoique ce ne soit pas celle-là à laquelle l’imagination s’attendait.

162. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Et il s’agit de savoir comme il la comprend. […] Après trente ans de luttes affreuses et de sang versé par torrents, le Catholicisme est miraculeusement resté debout par une miséricorde de Dieu, qui a considéré, sans doute, que la France avait cru en lui et agi pour lui pendant quatorze siècles. […] Tolérant ou toléré, du reste, la tolérance est si chère à M. de Meaux, que dans cette furieuse et religieuse histoire du xvie  siècle, où il s’agit de la Vérité absolue pour ceux qui y croient contre l’Erreur absolue pour ceux qui n’y croient pas, il s’est volontairement détourné des faits immenses et terribles de la Monarchie française déchirée dans sa Tradition et dans l’esprit de sa Constitution, et des hommes de ce temps qui furent parfois également sublimes dans le bien et dans le mal, pour ne voir uniquement que ce petit résultat exquis de la tolérance distillée de la fatigue et de l’indifférence des âmes, et qui lui paraît, à ce grand pharmacien historique, le cordial qui doit réconforter les peuples vieillis et les empêcher de mourir ! […] Seulement, il fallait s’y prendre comme l’Église, et, au xvie  siècle, le Pouvoir politique était tombé dans les mains de princes exceptionnellement abominables, qui, n’ayant ni sa vue surnaturelle des choses, ni la fermeté de sa justice tempérée de miséricorde, ne pouvaient pas agir comme elle.

163. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Il faut bien le dire : l’art pour l’art, ce déplorable et faux système (l’art ne devant jamais être que le glorieux serviteur de la vérité), trouve une application trop fréquente dans notre pays quand il s’agit de l’éloquence, Par une faiblesse commune aux plus mâles esprits, tous ou presque tous nous allons nous asseoir, avec l’espérance d’une grande sensation ou d’une puissante ivresse, devant l’homme qui ne représente souvent pour nous que l’erreur ou que le sophisme, et nous écoutons comme un bois mélodieux et sonore une créature vivante qui abuse artistement de la parole, au lieu de l’écouter comme un pur instrument de la Vérité qui devrait faire palpiter dans nos cœurs l’amour que nous avons pour elle. […] Quand on ne sait plus agir, on se met à parler et on adore la parole. […] Des esprits plus sévères que justes ont, je ne l’ignore pas, reproché au révérend père Lacordaire ce qui m’a toujours semblé la meilleure raison de son influence sur les esprits, je veux dire cette hardiesse de langage qui soit quand il s’agit d’idées philosophiques, soit quand il s’agit des passions, n’hésite jamais ni sur le mot, ni sur la pensée, et parle volontiers des choses du monde, et de manière à ce que ce monde, dans l’insolence de son dédain, ne renvoie pas le dominicain à son couvent comme un pauvre religieux fort estimable sans doute, mais qui ne sait rien de la vie !

164. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Ils ont fait vaillamment leur métier d’éditeurs, quel qu’ait été le motif qui les a fait agir, curiosité simple d’éditeurs consciencieux ou enthousiasme poétique. […] Il s’agit de jauger celle à laquelle Agrippa d’Aubigné a droit. Il s’agit d’apprécier ce qui lui revient de cette denrée d’outre-tombe. […] Il ne s’agit plus que de savoir si le souffle de la Critique fera ce que fit le souffle du Prophète, et communiquera à ces ossements assez de vie dans la Gloire pour devenir une Immortalité, Toute la question est là maintenant.

165. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Il ne s’agit pas de querelle d’Allemand, quoi que vous en disiez : dans les trois quarts des questions de textes ou de critique proprement dite, les Allemands ont raison contre nous. […] Gaston Paris, dans la Revue critique du 6 octobre 1866 ; il s’agit de ces découvertes à la fois imprévues et trop prévues, qui viennent satisfaire si agréablement à un vœu secret du lecteur ; le jeune et savant critique disait à ce propos : « Quand des documents, de quelque nature qu’ils soient, se présentant sans garanties absolues, sont justement ceux que, dans l’état de nos connaissances, nous aurions pu fabriquer ou que nous aurions simplement attendus, ces documents sont presque toujours faux. […] Feuillet de Conches a cherché à prendre sa revanche en étendant de préférence ses dissertations et apologies sur les parties dernières de la Correspondance qui peuvent faire doute encore, tandis que c’étaient surtout les lettres de la première partie qu’il s’agissait de justifier, et de représenter dans des autographes sincères, s’il pouvait en exister de tels en regard de ceux que M. d’Hunolstein avait produits et qui ont été convaincus de fausseté.

166. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Au moment d’agir, Cinq-Mars fut arrêté ; une copie du traité, livrée au cardinal et montrée par celui-ci au roi, avait arraché l’ordre : convaincu d’avoir conspiré contre son premier ministre, Louis XIII n’avait pu mieux témoigner sa repentance qu’en livrant ses complices. […] Quant au roi, il tira sa montre vers l’heure de l’exécution, et dit nonchalamment à ses courtisans : « Je crois que cher ami fait à présent une vilaine mine. » Certes, il y a bien là matière à un roman historique ; ou plutôt il est tout fait dans les Mémoires de ce temps-là, et il ne s’agit que de l’en extraire. […] Quoique le Père Joseph et le juge Laubardemont ne soient pas fort à respecter, encore n’est-il pas permis, ce nous semble, d’en agir avec eux aussi lestement que fait notre auteur.

167. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Sur l’École française d’Athènes On a récemment parlé d’un projet qui honorerait à la fois le Gouvernement français et le Gouvernement grec : il s’agirait d’établir un lien régulier entre l’Université de France et la patrie renaissante des Hellènes, de mettre en rapport l’étude du grec en France avec cette étude refleurie au sein même de la Grèce, d’instituer en un mot une sorte de concordat littéraire entre notre pays latin et la terre d’Athènes. […] S’il s’agissait de bien entendre et de goûter l’ancien français de Villehardouin, dont je suppose qu’on eût été séparé par quelque grande catastrophe sociale et quelque conquête, le plus sûr serait encore d’être Français, et, un peu d’étude aidant, on se trouverait aisément en avance à cet effet sur le plus docte des Germains. » Il semble que le résultat indiqué par ces considérations diverses, c’est qu’une École française , instituée à Athènes pour un certain nombre de jeunes architectes et de jeunes philologues , concilierait à la fois les intérêts de l’art et ceux de l’érudition. […] C’est là qu’il s’agit de jeter avec un peu de confiance, et sans trop marchander, une idée, une institution généreuse.

168. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

« On parle, ajoutait-il, et l’on écrit, en général, pour être compris et les mots qui s’appliquent nettement et exclusivement à la chose qu’on veut désigner sont nettement les meilleurs. » 91 « Il ne s’agit pas, développe encore Rémy de Gourmont en l’ouvrage précité, il ne s’agit pas de bannir les termes techniques, il s’agit de ne pas traduire en grec les mots légitimes de la langue française et de ne pas appeler céphalalgie le mal de tête.

169. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Or, autant qu’il seroit injuste de juger du mérite de ceux dont il s’agit sur un seul succès, autant me paroît-il équitable d’en juger sur plusieurs succez, ainsi que par comparaison aux succez de ceux qui auront eu à conduire des entreprises ou des affaires pareilles à celles dont les personnes desquelles il s’agit ici, auront été chargées. […] Quand il s’agit d’un de ces ouvrages mixtes qui ressortissent à plusieurs tribunaux differens, chacun d’eux juge la question qui est de sa compétence.

170. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIV » pp. 337-339

Tout le profit ou le préjudice de ce commerce ne saurait être de leur côté ; ils ont agi à leur tour sur leur très-malin et très-spirituel ami ; le célèbre chansonnier a donc perdu un peu en gaieté, il a gagné en religiosité, en tendances sérieuses et sociales ; il est sorti peu à peu de son premier cadre et s’est agrandi. […] N'oublions pas que les chroniques de Sainte-Beuve à la Revue suisse étaient anonymes, ce qui permettait à l’auteur de parler de lui-même à la troisième personne, comme s’il s’agissait d’un autre.

171. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 408-410

Nicole, au contraire, l’esprit fait tous les frais ; le cœur agit peu, ou, à proprement parler, il n’agit point du tout, ce qui est un défaut.

172. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 346-348

Un travers qu'il eût dû certainement éviter, est un ton de partialité qui le rend téméraire dans ses conjectures, injuste dans ses jugemens, trop libre dans ses réflexions, trop amer dans ses censures, toutes les fois qu'il s'agit des Papes, du Clergé, & de ceux qui gouvernoient de son temps. […] S'il s'est échappé quelquefois, on doit plutôt attribuer ses écarts à de certaines séductions momentanées, qui agissent plus sur le cœur que sur l'esprit.

173. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

L’attention est forcément intermittente ; la réflexion agit par efforts discontinus. […] Le timbre de certains instruments agit sur l’imagination visuelle d’une manière spéciale. […] « Aucun instrument peut-être n’agit aussi puissamment sur la fantaisie de l’auditeur. […] Il sera poétique dans certaines conditions qu’il s’agit de déterminer. […] Il s’agit de trouver ce qu’il doit penser, ce qu’il doit sentir, comment il doit s’exprimer.

174. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Ils peuvent aussi agir indirectement sur les autres tendances. […] — Il ne s’agit pas de moi. Il ne s’agit pas de mes effets. Il s’agit du rôle et de la pièce. […] C’est de Delacroix qu’il s’agit.

175. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Mais quand il s’agit d’Hugo, toutes les coutumes sont renversées. […] Si vous preniez le récit qui est le fond du livre, à part de ces nauséabondes dissertations qui ne peuvent agir que sur des Bélises et des Philamintes : … Du grec ! […] ils ont le temps et la patience de s’écouter, ces passionnés, au lieu d’agir, et ils ne songent pas à s’interrompre une seule fois ! […] que de faire parler et agir avec toutes les raisons et toutes les noblesses les soldats de cette Royauté détestée, que Victor Hugo ne déteste peut-être plus… et les soutiens de cette religion bête qu’un homme d’autant de génie que lui, parbleu ! […] Mais qu’importe la vraisemblance à un homme qui agit sur les événements de ses livres comme un escamoteur sur ses muscades ?

176. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Les cônes transparents revêtus de pigment, que Müller supposait ne devoir agir que pour exclure les pinceaux divergents de la lumière, adhèrent habituellement à la cornée ; mais il n’est pas rare qu’ils en soient séparés et qu’ils aient leurs extrémités libres convexes : en ce cas, ils doivent agir comme des lentilles convergentes. […] D’après la théorie de sélection naturelle, il est aisé de comprendre pourquoi elle ne le peut pas : puisque la sélection naturelle ne peut agir qu’en profitant de légères variations successives, elle ne fait jamais de sauts, mais elle avance à pas lents. […] J’ai souvent trouvé cette difficulté aussi grande, quoiqu’elle fût de nature tout opposée, que lorsqu’il s’agissait de rendre compte de la formation d’un organe aussi compliqué et aussi parfait que l’œil. […] La sélection naturelle ne produira jamais chez un être rien qui lui soit nuisible, car elle n’agit que pour le bien de chaque individu. […] De plus, les mêmes causes que nous avons vues augmenter, diminuer ou modifier la production des courants électriques musculaires et la puissance des organes électriques, agissent en même sens sur la phosphorescence du Lampyre.

177. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

Je passe mes diverses affections en revue : il me semble que chacune d’elles contient à sa manière une invitation à agir, avec, en même temps, l’autorisation d’attendre et même de ne rien faire. […] Il ne s’agit plus alors seulement de savoir comment nos perceptions se rattachent aux modifications de la substance grise. […] Soit, par exemple, un point lumineux P dont les rayons agissent sur les différents points a, b, c, de la rétine. […] Plus grande est la puissance d’agir du corps (symbolisée par une complication supérieure du système nerveux), plus vaste est le champ que la perception embrasse. […] Mais par là même s’éclaircirait peut-être en partie la nature de ce qu’on appelle l’esprit, et la possibilité pour l’esprit et la matière d’agir l’un sur l’autre.

178. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Mais il s’agit de savoir où est ici la cause et où est l’effet. […] Après avoir accordé que l’hérédité agit dans les sociétés simples, ce sociologue affirme que son rôle devient nul dans les sociétés plus complexes. […] Où d’ailleurs fixer la limite entre les sociétés où l’hérédité agit et celles où elle n’agit plus ? […] Il s’agit ici des sciences spéciales considérées en dehors de toute prétention unitaire. […] Quoi de plus variable ici que l’utilité et de quelle utilité s’agit-il ?

179. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

On a disputé de l’âge où les causes de variabilité, quelles qu’elles soient, agissent généralement ; on s’est demandé si c’est pendant la première ou la dernière période du développement embryonnaire ou à l’instant de la conception. […] J’estime que de tels agents ne peuvent produire que de très petits effets en ce qui concerne les animaux, mais ils paraissent agir davantage sur les plantes48. […] Les sauvages croisent quelquefois leurs Chiens avec des Canidés sauvages, pour en améliorer la race ; et Pline atteste qu’ils agissaient de même en d’autres temps plus reculés. […] Toutes les fois, du reste, qu’il s’agira de la variété domestique du Biset, nous aurons soin de l’indiquer. […] Même sans avoir observé la généralité des effets de l’hérédité, l’utilité plus grande des meilleures races a fait conserver leurs représentants dans toutes les occasions où il s’agissait de détruire certains individus d’un troupeau, et de laisser vivre les autres, ainsi que M. 

180. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Il ne s’agit pourtant pas de géométrie. […] Cependant il y a bien de la différence entre celui qui agit et celui qui parle, entre le héros et celui qui le chante : si le premier n’avait pas été, l’autre n’aurait rien à dire. […] Les étudiants ont acquis des connaissances, il s’agit d’en faire usage ; ils ont des idées, il s’agit de les rendre ; ils ont étudié les grands modèles, il s’agit de les imiter ; ils entendent la langue des historiens, des poètes et des orateurs, il s’agit de leur exposer les principes de la composition, de donner l’essor à leur génie, s’ils en ont, et d’en faire des orateurs et des poëtes. […] Il agit en cela comme pour les citations. […] — Nous donnons cette appréciation, malgré ses erreurs, parce qu’il y a beaucoup plus de vérités que d’erreurs, et qu’il ne s’agit que d’une vue rapide, à vol d’oiseau, qui n’a aucune prétention à être un traité approfondi.

181. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Renart le pousse de plus en plus, car il s’agit de l’enivrer tout à fait : « Dieu ! […] Il s’agit d’entrer dans la place de côté, sans faire trop de violence et sans épouvanter l’ennemi. […] Chanteclair, qui le reconnaît enfin, saute sur un fumier, et ici la scène du Corbeau recommence : il s’agit pour Renart de décider Chanteclair à ne pas fuir, et, qui plus est, à fermer les yeux, afin de se laisser prendre : « Ne fuis pas et n’aie crainte ; je ne suis jamais plus content que quand tu te portes bien, car tu es mon cousin germain », lui dit Renart. […] La fable n’est pas finie ; n’oublions pas qu’avec les trouvères nous sommes dans le récit épique : il ne s’agit pas de faire une fable courte, qu’on lit dans un livre, mais de réciter une action qui se développe, qui tient un auditoire en suspens et qui fait la joie du vilain. […] Sparte et Argos étaient en guerre : il s’agissait d’un lieu important appelé Thyrée, que réclamaient les deux peuples.

182. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Au second chapitre de la Genèse, il est dit d’Adam « que le Seigneur Dieu ayant formé de la terre tous les animaux terrestres et tous les oiseaux du ciel, il les amena devant Adam, afin de voir comment il les appellerait : et le nom qu’Adam donna à chacun des animaux est son nom véritable. » Mais cette langue primitive d’Adam est perdue ; et puis il s’agit ici de nommer les pareils d’Adam, ou, pour ne pas sortir de notre ton et de notre sujet, il s’agit de trouver une juste nomenclature à des esprits et des talents humains, matière essentiellement ondoyante et flottante, diversité et complication infinie. […] Cicéron avait dit, — s’était fait dire par Atticus dans son dialogue Des lois —, que l’histoire était un genre d’écrit éminemment oratoire (« opus hoc oratorium maxime ») ; Atticus lui conseille de s’y appliquer : « Depuis longtemps, dit-il à son éloquent ami, on vous demande une histoire, on la sollicite de vous ; car on est persuadé que, si vous traitiez ce genre, là aussi nous ne le céderions en rien à la Grèce. » Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas, pour Cicéron, de remonter jusqu’aux origines, aux contes de vieille sur Rémus et Romulus, mais bien de retracer les grandes choses de l’histoire contemporaine et les spectacles dont on a été témoin en ce siècle d’orages, y compris cette mémorable année de son consulat. […] Il excelle, quel que soit le sujet, et qu’il s’agisse de Shakespeare, de Saint-Simon, de Fléchier, de Bunyan, de Thackeray, etc., à situer (je l’ai dit) le personnage dans son époque et dans son milieu, à établir les rapports exacts de l’un à l’autre, à l’y enserrer comme dans un réseau, à rapprocher, à faire saillir coup sur coup, dans des phrases fermes et courtes qui tombent dru comme grêle, les traits et les signes visibles du talent personnel, de la faculté principale dominante qu’il poursuit et qu’il veut démontrer. […] Les traductions qu’il insère chemin faisant dans son texte, quand il s’agit d’un auteur de l’Antiquité ou d’un écrivain moderne appartenant à une littérature étrangère, sont des modèles d’exactitude et d’art.

183. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Le même goût épuré appauvrit l’initiative en même temps que la langue, et l’on agit comme on écrit, selon des formes apprises, dans un cercle borné. À aucun prix, l’excentrique, l’imprévu, le vif élan spontané ne sont de mise. — Entre vingt exemples qui se pressent, je choisis le moindre, puisqu’il s’agit d’un simple geste : de là on peut conclure aux autres choses. […] Il s’agit de revenir à la nature, d’admirer la campagne, d’aimer la simplicité des mœurs rustiques, de s’intéresser aux villageois, d’être humain, d’avoir un cœur, de goûter les douceurs et les tendresses des affections naturelles, d’être époux et père, bien plus d’avoir une âme, des vertus, des émotions religieuses, de croire à la providence et à l’immortalité, d’être capable d’enthousiasme. […] Il faut agir cependant, car le danger est là qui les prend à la gorge. […] Ils se laisseront prendre, ils iront docilement en prison ; faire du tapage serait une marque de mauvais goût, et, avant tout, il s’agit pour eux de rester ce qu’ils sont, gens de bonne compagnie.

184. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

. — La loi générale s’applique au cas dont il s’agit. — Différence absolue entre le procédé pair lequel nous acquérons l’idée d’une sensation et le procédé par lequel nous acquérons l’idée des centres nerveux et de leurs mouvements moléculaires. — Les deux idées doivent, être irréductibles entre elles. — Il est possible que leurs deux objets soient un seul et même objet. […] La difficulté est donc simplifiée, et il ne s’agit plus maintenant que de comprendre la liaison d’un mouvement moléculaire et d’une sensation. — D’autre part, nous avons vu que les sensations, en apparence simples, sont des totaux ; que ces totaux, en apparence irréductibles entre eux, peuvent être composés d’éléments semblables ; qu’à un certain degré de simplicité leurs éléments ne sont plus aperçus par la conscience ; qu’ainsi la sensation est un composé d’événements rudimentaires capables de dégradations indéfinies, incapables de tomber sous les prises de la conscience, et dont les actions réflexes nous attestent non seulement la présence, mais encore l’efficacité. La difficulté se trouve une seconde fois simplifiée ; il ne s’agit plus maintenant que de comprendre la liaison de ces événements et d’un mouvement moléculaire. — L’obscurité demeure toujours très grande ; car nous ne pouvons jamais concevoir ces événements que d’après le type des sensations ordinaires, et, entre cette conception et celle d’un mouvement, il reste un abîme. […] Se représenter un mouvement moléculaire des centres nerveux, c’est avoir présentes les images des sensations tactiles, visuelles et autres qu’il éveillerait en nous, si, du dehors, il agissait sur nos sens, c’est-à-dire imaginer des sensations de blanc, de gris, de consistance mollasse, de forme cellulaire ou fibreuse, de petits points tremblotants ; c’est enfin, si l’on va plus loin, combiner intérieurement les noms de mouvement, vitesse et masse, qui désignent des collections et des extraits de sensations musculaires et tactiles. — En somme, la première représentation équivaut à son objet, la seconde au groupe de sensations qu’éveillerait en nous son objet. […] Cet événement moral qu’atteint directement la conscience ne peut être atteint qu’indirectement par les sens ; les sens ne savent de lui que ses effets sur eux ; c’est pour cela qu’ils nous le font concevoir comme un mouvement intestin de cellules grisâtres ; comme il n’agit sur eux que par le dehors, il ne peut leur apparaître que comme extérieur et physique.

185. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Desjardins rédige en style de séminariste bilieux ; il est ignorant (jusqu’à prendre les philosophes grecs comme types d’altruistes alors qu’aucun n’a envisagé la morale autrement que comme une éthique) ; il est naïf (jusqu’à se féliciter des séances politiques où la droite et la gauche s’entr’applaudissent, citant comme telles l’incident où la loyauté de M. de Cazenove de Pradines fut saluée par tous ses collègues, — ce qui est faux, car il fut nargué par la droite, — et l’intervention de l’évêque d’Angers dans la politique d’Extrême-Orient — ce qui ne provoquait l’admiration d’aucun député informé, attendu que Mgr Freppel, chacun le savait, n’agissait que pour défendre ses missionnaires) ; il est encore obséquieux avec les gens en place (jusqu’à cette platitude : « Nous avons par bonheur un ministre de l’instruction publique à tendances idéalistes »). — Mais un autre que M.  […] Ils comprennent qu’ils ne savent rien ; ils sentent qu’il leur serait sain d’agir ; — la santé avant tout : ils agiront au hasard, bravement. […] Le fait est que tout le monde agit. […] Il s’agit de préférer à son être son idée, de mettre la pensée devant la force et le renoncement devant la joie de vivre.

186. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Pour les Daunou, pour les Tracy, tout gouvernement était un mal ; la question ainsi posée, il s’agissait pour la société de subir le moindre mal possible, et pour cela, d’avoir le moins de gouvernement possible, le plus de décentralisation et de dissémination de pouvoir à tous les degrés, et, à chaque pas, des barrières et des garanties contre les gouvernants. […] Mais il s’agit aujourd’hui de Benjamin Constant, et de savoir si, en remettant en lumière ses écrits, c’est bien une résurrection qu’aura opérée M.  […] Mais, après tout, ce prétexte, qui a fourni quelques armes à la jalouse médiocrité, ou plutôt à la mauvaise foi, pour les cas où il s’agit de la France et de ses intérêts secrets, devient ici sans application possible, puisqu’il est question d’une organisation étrangère. […] Mais si une de ces passions, telle que la faiblesse pour les femmes, agit essentiellement sur sa conduite publique, il ressemble à un général qui modifierait son plan de campagne par égard pour sa belle ; il aime quelque chose de plus que son métier ; il n’est pas respectable, il n’est pas grand. […] Ne me confiez rien ; agissez sans moi et contre moi-même. » Voilà parler en homme qui se connaît et qui se juge.

187. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Recommencer toujours à vivre, tel serait l’idéal de l’artiste : il s’agit de retrouver, par la force de la pensée réfléchie, l’inconsciente naïveté de l’enfant. » VI. — Ce qui est aux yeux de Guyau la règle suprême . de l’art, c’est cette qualité morale et sociale par excellence : la sincérité ; si donc il attache à la forme une très grande importance, il ne veut point qu’on sépare la forme du fond. […] Selon lui, le réalisme bien entendu ne cherche pas à agir sur nous par une « sensation directe », mais par l’éveil de « sentiments sympathiques ». […] De plus, « l’accroissement de la sociabilité est parallèle à l’accroissement de l’activité ; or, plus on agit et voit agir, et plus aussi on voit s’ouvrir des voies divergentes pour l’action, lesquelles sont loin d’être toujours des voies droites ». […] Le réalisme bien entendu en est juste le contraire, car « il consiste à emprunter aux représentations de la vie habituelle toute la force qui tient à la netteté de leurs contours, mais en les dépouillant des associations vulgaires, fatigantes et parfois repoussantes. » Le vrai réalisme consiste donc à dissocier le réel du trivial ; c’est pour cela qu’il constitue un côté de l’art si difficile : « il ne s’agit de rien moins que de trouver la poésie des choses qui nous semblent parfois les moins poétiques, simplement parce que l’émotion esthétique est usée par l’habitude. Il y a de la poésie dans la rue par laquelle je passe tous les jours et dont j’ai, pour ainsi dire, compté chaque pavé, mais il est beaucoup plus difficile de me la faire sentir que celle d’une petite rue italienne ou espagnole, de quelque coin de pays exotique. » Il s’agit de rendre de la fraîcheur à des sensations fanées, « de trouver du nouveau dans ce qui est vieux comme la vie de tous les jours, de faire sortir l’imprévu de l’habituel ;  » et pour cela le seul vrai moyen est d’approfondir le réel, d’aller par-delà les surfaces auxquelles s’arrêtent d’habitude nos regards, d’apercevoir quelque chose de nouveau là où tous avaient regardé auparavant. « La vie réelle et commune, c’est le rocher d’Aaron, rocher aride, qui fatigue le regard ; il y a pourtant un point où l’on peut, en frappant, faire jaillir une source fraîche, douce à la vue et aux membres, espoir de tout un peuple : il faut frapper à ce point, et non à côté ; il faut sentir le frisson de l’eau vive à travers la pierre dure et ingrate. » Guyau passe en revue et analyse finement les divers moyens d’échapper air trivial, d’embellir pour nous la réalité sans la fausser ; et ces moyens constituent « une sorte d’idéalisme à la disposition du naturalisme même ».

188. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Ce livre n’était pas, il est vrai, l’histoire complète de la Restauration, ce n’en ôtait que l’histoire littéraire : mais l’histoire littéraire d’une époque, c’est sa pensée, et qui tient la pensée tient tout, quand il s’agit de l’homme et de l’humanité ! […] La pureté du regard qui discerne le vice des doctrines, quand il s’agit des systèmes, est-elle, quand il s’agit des hommes, accompagnée de cette force de main qui sait imprimer une condamnation sur une mémoire ? […] dans cette étrange histoire, ils se voilent la face et retirent leur main, dès qu’il s’agit de frapper les hommes ! […] Nul criterium déduit d’une doctrine première et fondamentale, et quand il s’agit de juger les grands faits intellectuels de l’époque, nulle vue profonde, mais un lieu commun d’une superbe venue, un lieu commun de dix-huit ans qui prend aujourd’hui dans ce gros livre solennellement sa robe prétexte et qui rencontre un autre lieu commun du même âge, lorsqu’il s’agit de juger les œuvres et les hommes.

189. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

En effet il ne s’agit point ici d’une parole transmise, mais de la parole même de Dieu, parole toujours vivante, qui ne peut ni s’affaiblir ni s’altérer. […] Il s’agissait de délivrer un tombeau, le tombeau de celui qui racheta la nature humaine, le seul tombeau qui n’aura rien à rendre à la fin des temps, pour me servir d’une belle expression de M. de Chateaubriand. […] Or, le christianisme seul offrant l’accord de ces croyances, il ne s’agit plus que de chercher où sont les véritables traditions chrétiennes.

190. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Il ne s’agit plus pour lui du xviiie  siècle ni des deux derniers cotillons — comme disait cet insolent Frédéric de Prusse — dans les plis desquels se prit la royauté de France pour aller tomber, un peu plus tard, la tête la première, sur l’échafaud. Il ne s’agit plus de telle ou telle maîtresse de roi : il s’agit de toutes.

191. (1932) Le clavecin de Diderot

Non qu’il s’agisse d’ailleurs de se féliciter, à la manière des critiques en mal de conclusion : On cherche un écrivain et on trouve un homme. […] Et il ne s’agit même plus de la faconde méditerranéenne. […] Il s’agit donc de trouver une formule capable d’entraîner la majorité, de l’entraîner au fil du courant lamartinien. […] Il s’agit d’une coiffe féminine conique en forme de pain de sucre qui fit son apparition en France vers 1420. […] Il s’agit du père Castel (NdE) bi.

192. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Dès que l’enfant pourra agir, répète-t-il sans cesse, mettez-lui dans ses petites mains de la matière qu’il puisse pétrir, de petits morceaux de bois qu’il puisse assembler. […] Il ne s’agit plus de sophistiquer. […] Il s’agit du Christianisme tout entier, du Christianisme, l’erreur absolue qu’il faut balayer de la tête humaine comme une ordure, et le balai, c’est l’éducation ! […] C’est moins de l’Histoire faite par lui, que sa Philosophie de l’Histoire… Il ne s’agit plus ici du passé, mais de l’avenir. […] il s’agit de la vérité absolue ; il s’agit de la vie ou de la mort de la France !

193. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

S’agit-il de la faculté de percevoir et de sentir ? […] S’agit-il de la faculté de vouloir ? […] S’agit-il enfin de la pensée ? […] C’est quelque chose comme l’art du musicien ; mais ne croyez pas que la musique dont il s’agit ici s’adresse simplement à l’oreille, comme on se l’imagine d’ordinaire. […] Que sera-ce, s’il s’agit de l’image visuelle d’une personne, dont la physionomie change, dont le corps est mobile, dont le vêtement et l’entourage sont différents chaque fois que je la revois ?

194. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Ne faut-il pas, pour que nous traitions un homme en égal, d’abord qu’il puisse agir sur nous comme nous pouvons agir sur lui, que nous puissions ensuite, lorsque nous comparons ses actions aux nôtres, nous mettre en quelque sorte à sa place, qu’il y ait en un mot, dans notre esprit ou dans celui d’un tiers, possibilité de nous « substituer » l’un à l’autre ? Or l’hétérogénéité absolue de deux êtres semble leur interdire a priori, en même temps que la capacité d’agir l’un sur l’autre, la capacité de sentir l’un pour l’autre : elle leur défend, pourrait-on dire, en même temps que la réciprocité d’action, la réciprocité de compréhension ; elle empêche que, dans les jugements qui les comparent, ils se substitut l’un à l’autre. […] « L’individu ne s’y appartient pas. » Agitur, non agit . […] Les échanges d’imitations, plus rapides et en quelque sorte plus souples que les croisements biologiques, doivent agir, mais encore plus vite, dans le même sens : ils seront les destructeurs désignés des types collectifs ; aux groupes étroits de gens qui se ressemblent sous tous les rapports ils sont faits pour substituer les groupes indéfiniment élargis de gens qui se ressemblent par quelque côté, et en ce sens, — si nos déductions précédentes sont justes, — pour hâter la venue des idées égalitaires. […] S’agit-il non plus seulement des habits ou des usages, mais des arts, on remarquera que les arts n’ont presque plus de patrie, qu’un peintre italien peint comme un belge, que les styles s’universalisent, — et d’autre part que chacun veut sa manière, qu’il n’y a plus d’écoles, que les artistes, divisés sur tout, n’ont plus qu’un parti pris commun, celui de l’individualisme148.

195. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 150-153

Le risque n’est pas effrayant, lorsqu’il s’agit d’apprécier le mérite des Morts. […] Au contraire, quand il s’agit de parler des Vivans, l’amour-propre s’éveille, les orages grondent, & les écueils se multiplient de tous côtés.

196. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Cette proposition est évidente tant qu’il ne s’agit que des phénomènes matériels ou même psychologiques. […] Pour ranimer l’esprit de famille là où il est affaibli, il ne suffit pas que tout le monde en comprenne les avantages ; il faut faire directement agir les causes qui, seules, sont susceptibles de l’engendrer. […] Pour déterminer de tels changements, il faut que des causes agissent qui les impliquent physiquement. […] S’agit-il de la morale ? […] Le groupe pense, sent, agit tout autrement que ne feraient ses membres, s’ils étaient isolés.

197. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

On ne se plaint pas de d’Aubigné s’il en agit ainsi assez souvent ; le caractère et le mérite de son Histoire est précisément de sentir sa source et d’avoir sa saveur originale. […] S’agit-il des exploits du vaillant chef dauphinois Montbrun, qui dans une rude affaire a eu l’honneur de triompher des bataillons suisses, alors réputés presque invincibles : Deux jours après, écrit d’Aubigné, je trouvai un jeune capitaine suisse au mont du Chat avec une petite troupe qui ne portait que l’épée. […] Il est vrai qu’il s’agit dans le cas présent de Montbrun, un des vaillants selon le cœur de d’Aubigné, un de ceux qui honorent le plus l’idéal qu’il a en vue, c’est-à-dire la chevalerie des guerres civiles. […] De quoi s’agit-il présentement ?

198. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Vous remarquerez toujours que, quand il s’agit d’une idée générale d’où l’auteur est parti, cette idée est un sentiment. […] Dire que nous agissons toujours en vue de notre intérêt, c’est dire que nous n’agissons jamais par bonté, mais c’est dire aussi que nous n’agissons jamais par méchanceté, que l’homme ne fait jamais le mal pour le plaisir de faire le mal, qu’en un mot la méchanceté n’existe pas !

199. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Je suis loin, sans doute, d’admettre, quant à moi, la séparation de la parole et de la pensée ; mais il ne s’agit point de mes propres expériences. […] L’autre observation que j’ai à faire consiste dans l’importance que j’attache à une question aussi abstraite et aussi ténue que celle dont nous sommes occupés ; car enfin il ne s’agit plus, au point où nous en sommes venus, que de prouver que si, à présent, l’union de la pensée et de la parole n’a plus cette sorte de simultanéité qui lui est attribuée par quelques personnes, elle n’a pu s’en passer pour l’établissement de toutes choses. Ceci est donc très important, puisqu’il s’agit, en dernière analyse, d’établir que les deux systèmes sont fondés en raison, c’est-à-dire de faire tout reposer sur les traditions, au moment même où les traditions nous échappent. […] Je dirais donc volontiers aux néophiles : « Ceux contre lesquels vous vous élevez avec tant de violence n’ont d’autre tort que celui d’être restés fidèles au code des idées anciennes, et ils n’y sont restés fidèles que parce que c’était dans la forme même de leur intelligence, dans la manière dont s’opère en eux le phénomène de la pensée. » Je dirais aux archéophiles : « Vous craignez de retomber dans le chaos, parce qu’il vous semble que le principe générateur des sociétés humaines cesse d’agir.

200. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Après 1848, il partit pour la Californie, sans dessein arrêté que d’agir encore, et c’est là qu’une idée qui pouvait valoir un empire s’empara de lui et lui fit jouer sur le dé pipé qu’on appelle le sort des armes une vie qu’il y a laissée ! […] À force d’activité, de fermeté et de volonté maîtrisante, il avait obtenu la concession ; mais ce fut quand il s’agit de l’exploiter qu’il put juger de la mauvaise foi du gouvernement auquel il avait affaire et des dispositions générales du pays contre cet incroyable gouvernement. […] Il l’a surtout tirée de ses papiers et de sa correspondance ; car cet homme, qui savait écrire comme il agissait, a beaucoup écrit, et nous avons dans ses diverses lettres une relation vivante et presque haletante de ses efforts, de ses intentions et de ses projets, qui nous émeut, nous, les admirateurs de tant d’âme, mais que les gouvernements aux longues pensées doivent un jour méditer. […] si toutes les qualités et toutes les forces pouvaient créer les circonstances comme elles ont l’art d’en profiter, Raousset serait dans l’opinion un grand homme comme il l’est pour nous… N’est-on pas potentiellement un grand homme quand on a une grande âme, et d’ailleurs qui niera que le vainqueur d’Hermosillo n’ait agi ?

201. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Il s’agit, dans l’histoire de ce grand Colomb, bien moins de supériorité d’intelligence que de vertu et bien moins de génie que de sainteté. […] Et précisément, en acceptant tout cela, l’historien a fait saillir davantage le côté inspiré d’un homme qui n’avait pas la science, disent les savants, et qui a toujours agi comme la science et une science infaillible aurait agi ; et c’est ainsi que sur les diminutions historiques de la grandeur humaine de Colomb il a élevé et plus solidement établi l’homme providentiel ! […] S’il n’a pas été aussi heureux de vérité et de clarté de regard avec Isabelle, c’est que les vertus de la Catholique agissent sur son catholicisme, et qu’elle, du moins, comprit et protégea Colomb.

202. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

L’auteur, dont nous pressentons les opinions à certains accents qui passent à travers les surveillances de sa pensée, l’auteur nie à Saint-Martin et au mysticisme la vérité philosophique et religieuse, — ces deux vérités qui pour nous n’en font qu’une, mais que les rationalistes croient très habiles de séparer ; — et il a raison, s’il ne s’agit ici que de Saint-Martin, « le philosophe inconnu du xviiie  siècle », et du mysticisme hors l’orthodoxie, du mysticisme de l’hérésie ou de l’erreur. […] Alors il ne s’agissait plus des excentricités de la pensée d’un homme plus ou moins doué d’imagination ou de génie, il s’agissait du génie même ou de l’imagination de son époque, dont un homme, quels que soient sa force et son parti pris, dépend des jours. […] Prendre un siècle comme un homme, par ses prétentions, est un mauvais moyen de le connaître, même quand il s’agit d’apprécier le mal qu’il a fait… ce qui paraît toujours facile.

203. (1932) Les idées politiques de la France

» Ainsi, pour le radical, il ne s’agit pas seulement de la France, mais… Il s’agit de la République » mais… La République, mais celle de la Révolution. […] Il n’emploie ce mot : laïque, qu’à une seule occasion : quand il s’agit de l’école. […] Il s’agit bien d’un intérêt d’idées, et nous nous trouvons sur le plan d’une société de pensée. […] C’est une grande force, mais contre cette force agissent des forces antagonistes. […] Il s’agit de la défense du principe et du levain socialistes, de la foi qui agit comme idée.

204. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

C’est que là on voit l’homme agir de lui-même et par lui-même, sûr de sa force, comme le héros d’une véritable épopée. […] Or c’est là précisément le côté mis en relief par tous les écrivains de l’antiquité, qu’il s’agisse des individus ou des nations. […] « Comme l’homme, dans l’ordre des choses naturelles, ne s’enfante pas lui-même, il est tout aussi loin de se donner l’être quand il s’agit de ses facultés intellectuelles. […] Comme dans ces dernières, il s’agit de tables de présence ou d’absence à dresser, de séries croissantes ou décroissantes à établir, de statistiques à former. […] Qu’il s’agisse d’événements politiques ou d’œuvres d’art et de littérature, l’historien de nos jours ne détache jamais ses personnages du milieu dans lequel ils ont agi ou créé ; il ne manque pas de les étudier dans leurs rapports avec tout ce qui les précède et les entoure dans la manifestation de leurs actes ou la création de leurs œuvres, afin qu’on voie bien que tels personnages politiques ne sont que les ministres d’une nécessité sociale, et que tels auteurs ne sont que les organes d’idées et de sentiments généraux.

205. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Je devais en même temps lui faire observer et le motif si juste qui l’avait dictée, et l’impossibilité pour le Pape d’agir d’une autre manière. […] Il était désolé de ne pouvoir retarder son départ ; il aurait voulu exposer à son maître les excellentes raisons qui forçaient le Pape à ne pas consentir, et l’impossibilité pour Rome d’agir différemment. […] « Le Pape répondit qu’il avait convoqué tous les cardinaux pour s’occuper de cette mission et discuter un projet dont la gravité ne lui permettait pas d’agir sans les plus mûres réflexions et sans avis préalable. […] J’agirai de moi-même. […] Il agit donc ainsi.

206. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

S’agit-il de la perception ? […] Il ne s’agit pas ici d’une hypothèse, mais d’un fait, qu’une hypothèse recouvre généralement. […] Tant qu’il s’agit d’espace, on peut pousser la division aussi loin qu’on veut ; on ne change rien ainsi à la nature de ce qu’on divise. […] Il intéresse les démarches d’un être qui agit sur la matière, mais non pas le travail d’un esprit qui spécule sur son essence. […] De là l’impossibilité de comprendre comment l’esprit agit sur le corps ou le corps sur l’esprit.

207. (1903) La renaissance classique pp. -

Il ne s’agit point de savoir quelle est la première en dignité de la science moderne ou de l’antique poésie. […] Elles parviendront jusqu’à nous comme un ouï-dire populaire qu’il s’agit de transformer en notre vérité et notre beauté propres. […] Qu’il s’agisse d’un vice ou d’une vertu, nous tacherons toujours d’en démêler la forme la plus excellente. […] Mais, dans l’ordre pratique, tu dois agir comme si cet inconnu n’existait point. […] Il s’agit de déblayer ces amoncellements de matières putrides.

208. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Une force n’agit pas sur soi-même, mais sur d’autres forces. […] Il ne s’agit pas de volonté, il s’agit d’émotivité. […] Il s’agit de M. […] Ensuite, en art, s’il s’agit de comprendre, il s’agit surtout de sentir. […] Aussi bien ne s’agit-il pas de science, mais de pédagogie .

209. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Quand il s’agit de Henri IV, fût-ce même à ce titre principal d’écrivain de courts billets et d’auteur de vives harangues, il n’est point possible de ne pas parler un peu du roi et de l’homme. […] Je viens de faire le fol avec mes enfants, je m’en vais maintenant faire le sage avec vous et vous donner audience. » Et comme il s’agit de l’Édit de Nantes sur lequel on essaye de le chapitrer, il les remet en peu de mots au pas et à la raison. […] Il s’agissait du prochain mariage du roi avec une princesse de Florence, et comme Henri IV le lui annonçait, le digne président répondit par une comparaison érudite avec la lance d’Achille, disant que cette maison réparerait ainsi les blessures qu’elle-même avait faites à la France par la personne de Catherine de Médicis. […] … » Mais il ne s’agit pas seulement d’être un peu plus exact que Scipion Dupleix ou d’être moins pastoral que l’abbé de Marolles, il s’agit d’être juste et de ne pas ombrer le tableau là où il n’y a pas d’ombre, M. 

210. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Il s’agit de remplacer M.  […] Je ne suis pas un homme de l'an III, ni un homme de 1816 : il ne s’agit pas d’opposer les inspirations et les influences, mais de les combiner. […] De quoi s’agit-il, en effet ? […] Dufaure qui avait été prononcé, même quand il ne s’agissait que de M.  […] Puisqu’il s’agit non-seulement d’un prêtre, mais d’un religieux à remplacer au sein de l’Académie, il était tout simple que quelques personnes pensassent au Père Gratry, oratorien.

211. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

« Il ne s’agit point, disait le programme primitif, de faire un cours de littérature ni une rhétorique française, ni des leçons d’esthétique, mais simplement une série de lectures. […] Ce mode de démonstration appliqué à la littérature suppose tout un art qui se dérobe, et qui n’est au-dessous d’aucune science ni d’aucune supériorité critique, si élevée et si distinguée qu’elle soit ; car il ne s’agit pas ici simplement de se faire petit avec les petits, il faut se faire souple avec les rudes, insinuant avec les robustes, en restant sincère toujours, de cette sincérité qui ne veut que le beau et le bien ; il faut arriver à inoculer une sorte de délicatesse dans le bon sens, en fortifier les parties simples, en rabattre doucement les tendances déclamatoires, plus innées en France qu’on ne le croirait, dégager enfin dans chacun ce je ne sais quoi qui ne demande pas mieux que d’admirer, mais qui n’a jamais trouvé son objet. […] Corneille. — J’ai agi pour lui comme pour Molière ; effet très grand. […] Athènes était prise par Lysandre, et les plus terribles résolutions allaient prévaloir dans le Conseil des alliés ; il s’agissait de raser la cité de Minerve. […] Quand la majeure partie d’une population en est là, et que les violents sont avertis peu à peu de s’isoler de la masse et de s’en séparer, je dis que la masse s’améliore, et c’est le moment pour les politiques prévoyants d’agir sur elle par des moyens honnêtes, moraux, sympathiques.

212. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Cette Convention, ainsi décapitée et privée des chefs qui faisaient sa terreur et sa force, n’est pourtant pas à mépriser ; Mallet du Pan n’a garde de s’y méprendre, et, en général, il pense que « c’est un mauvais conseil que le mépris de son ennemi. » — « Individuellement, dit-il, la Convention est composée de pygmées ; mais ces pygmées, toute les fois qu’ils agissent en masse, ont la force d’Hercule, — celle de la fièvre ardente. » Quant au peuple, au public en France, à la masse de la population, Mallet la connaît bien ; il ne lui prête ni ne lui ôte rien quand il la montre, au sortir du 9 Thermidor, n’ayant qu’un désir et qu’une passion, le repos et la paix, avec ou sans monarchie, et plutôt sans monarchie s’il est possible : Celle-ci (c’est-à-dire la monarchie), écrit-il à l’abbé de Pradt le 1er novembre 1794, n’a encore que des partisans timides. […] sa conviction, toute sa moralité et sa personne même étant engagées dans les conseils qu’il donnait, il demandait sinon qu’on les suivît à la lettre, au moins qu’au même moment on n’agît point dans un sens directement contraire. […] Quoi qu’il en soit, Mallet du Pan, depuis Thermidor et avant le canon de Vendémiaire, avant l’équipée de Quiberon, avait eu un violent accès d’espérance ; il avait senti, de son coup d’œil de tacticien, que c’était le moment ou jamais d’agir, et qu’avec une charge à fond on pouvait enfoncer l’armée ennemie, c’est-à-dire la Convention. […] Dans sa brochure publiée à Bruxelles en 1793, nous l’avons vu s’adresser plutôt aux chefs des cabinets et aux princes français qu’à la France même : ici, c’est le contraire ; il désespère de l’étranger, et c’est pour la France qu’il écrit, c’est pour ceux du dedans qu’il s’agit de ramener. […] … Votre continent me fait horreur avec ses esclaves et ses bourreaux, ses bassesses et sa lâcheté ; il n’y a que l’Angleterre où l’on puisse écrire, parler, penser et agir : voilà ma place, il n’y en a plus d’autre pour quiconque veut continuer la guerre.

213. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Il ne s’agit pas d’enlever un édifice au culte catholique, mais de soustraire la France à l’emprise sacerdotale et papiste, à l’autorité soucieuse de conserver sa proie de consciences et de vies. […] Il s’agit cette fois de savoir définitivement si la France de 1898 se considère, toujours comme la fille aînée de l’Église, ou au contraire si elle se suffit à elle-même pour se créer sa foi et son idéal ; il s’agit de savoir si le vote qui prosterne aux pieds du Saint-Père la France repentante et gémissante de ses péchés, doit faire plus longtemps obstacle à l’effort spontané des meilleurs vers l’indépendance et la conscience. […] Je viens examiner l’utilité morale, l’utilité religieuse qu’il peut y avoir à établir une église à Montmartre… Lorsqu’il s’agit d’établir à Paris, dans ce grand foyer de la Révolution et de la libre pensée, sur le point culminant de la capitale, sur ce point qui se voit de tous côtés et de si loin, un monument qui le couronne et dans le quartier qui est, à vos yeux, l’un des centres les plus ardents de l’insurrection, l’effet que vous attendez est celui-ci : Mettre là un symbole du triomphe de l’Église sur la Révolution. […] Il ne s’agit plus, dans le nouveau texte, ni de la délivrance du Souverain Pontife, ni d’expiation collective, ni du Sacré-Cœur.

214. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre IV. De la pluralité des temps »

De quel temps s’agit-il ? […] Nous allons démontrer qu’il s’agit du même Temps dans les deux cas. […] S’agit-il de succession et de simultanéité réelles ? […] Même, le long de ce mot commun aux deux cas et qui opère magiquement (la science n’agit-elle pas sur nous comme l’ancienne magie ?) […] Il ne s’agit toujours, bien entendu, que de la théorie de la Relativité restreinte.

215. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Ainsi agit l’art vis-à-vis de la réalité. […] Vivre, c’est agir, c’est se traduire, s’exprimer, mettre en harmonie les organes intérieurs et extérieurs de soi. […] Toutefois, dans tout art littéraire, qui agit directement sur sans l’intermédiaire des formes et l’esprit des couleurs, la sympathie est plus immédiatement éveillée par la peinture de l’émotion morale que par celle de ses signes physiologiques. […] Le temps agit le plus souvent sur les choses à la manière d’un artiste qui embellit tout en paraissant rester fidèle, par une sorte de magie propre. […] Agir, pensais-je, se mouvoir, être la goutte d’eau qui monte et blanchit, non la grande étendue morne, engourdie dans son immobilité éternelle !

216. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

C’est la diagonale du parallélogramme des forces, — et il s’agit ici de forces très diverses et très complexes. […] La valeur littéraire des événements est dans leurs conséquences psychologiques, morales, sociales, et ce sont ces conséquences qu’il s’agit de saisir. […] Un seul personnage raconte, rêve, agit : c’est une sorte de monographie. […] Il parle, agit comme un être ordinaire, et pourtant il y a quelque chose en lui qui échappe. […] C’est celui qui agit le plus, et, somme toute, le livre fermé, il n’est qu’une esquisse ; pourquoi ?

217. (1905) Promenades philosophiques. Première série

S’agit-il du « digesteur » ? […] Mais il s’agit des fourmis en particulier. […] La même objection se dresse s’il s’agit d’esthétique. […] La Commission n’a pas agi autrement. […] On agira par l’école.

218. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Il a poussé un cri d’alarme, — des cris d’aigle, — comme s’il s’agissait de sauver le Capitole ; il a eu même des paroles légères pour « les étudiantes » (style du quartier Latin) ; ç’a été surtout, le dirai-je ? […] De quoi s’agissait-il en effet, et que voyons-nous ? […] Et nous aussi modernes, peut-on se dire, nous sommes du bois dont on fera peut-être un jour des classiques : il ne s’agit que de le mériter.

219. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

La paresse est la reine de la terre, pourrait-on dire ; même quand l’homme est sollicité à agir par le désir ou le besoin, il agit de façon à atteindre son but avec le moins de peine possible. […] Ainsi l’examen de leur œuvre et de leur vie nous apprend que Marivaux, Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau, Ducis ont tous aimé, admiré, reproduit certains écrivains anglais : nous voici autorisés à déclarer que l’Angleterre a exercé sur la France une forte influence intellectuelle au cours du xviiie  siècle, et avec un peu d’attention, il est aisé de marquer dans quels domaines, entre quelles dates, en quel sens elle a agi.

220. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Toutefois, qu’on ne l’oublie pas, l’intelligence n’est pas ici seule en jeu, il s’agit de la réalité phénoménale qui d’ailleurs conditionne, on l’a vu, l’intelligence. […] Que l’on mette en cause une conception de l’ordre moral, politique, social ou religieux, il ne s’agit plus de la comparer avec un modèle idéologique d’une valeur présumée absolue, dont on sait maintenant l’origine arbitraire, avec une idée divinisée de vérité ou de justice, dont on connaît qu’elle n’exprime autre chose qu’un état de sensibilité particulier et propre à un temps donné. […] On recherché quelles vérités, c’est-à-dire quels procédés présidèrent à la formation de cette réalité, durant combien de temps ces vérités eurent le pouvoir de sculpter ses contours, dans quel sens précis elles agirent.

221. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La doctrine symboliste » pp. 115-119

Cette question de l’origine, qui est négligeable quand il s’agit de peser la valeur d’un écrivain, devient importante quand il s’agit d’expliquer les faits et de justifier certaines hérésies.

222. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Il s’agissait d’une consultation de M.  […] il s’agit bien de cela, ma foi ! […] Il ne s’agit que de s’entendre sur la valeur des signes. […] De quoi s’agit-il ? […] Il s’agissait alors d’une nation de pauvres.

223. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre III. Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens. »

Quand il s’agit, comme dans l’ouvrage de Clarke, d’attaquer des hommes qui se piquent de raisonnement, et auxquels il est nécessaire de prouver qu’on raisonne aussi bien qu’eux, on fait merveilleusement d’employer la manière ferme et serrée du docteur anglais ; mais dans tout autre cas, pourquoi préférer cette sécheresse à un style clair, quoique animé ? […] L’autre, au contraire, en m’associant à la Divinité, en me donnant une noble idée de ma grandeur, et de la perfection de mon être, me dispose à bien penser et à bien agir.

224. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Il agit avant d’être démêlé. — Opposition de la pensée animale à la pensée humaine. — Passage de la première à la seconde. — Après les idées des choses individuelles naissent les idées des choses générales. […] Ce ne sont là que des illusions partielles ; il y en a de totales, où, la série de nos événements étant remplacée par une série étrangère, Pierre se croit Paul et agit conformément à sa croyance. […] Quel est le mécanisme de cette opération finale, la plus voisine de la pratique, et la plus importante de toutes, puisque c’est par elle que nous pouvons agir ? […] Animal ou homme, l’être intelligent ne pourvoit à ses besoins, ne conserve sa vie, n’améliore sa condition que par l’accord exact de sa prévision présente et de l’avenir prochain ou même lointain. — Si parfois cette harmonie manque, c’est quand il s’agit d’objets ou de circonstances sur lesquels l’observation antérieure n’a pas fourni assez d’indices. […] Mais ce n’est pas dès l’abord que nous la savons générale ; primitivement, elle agit en nous, sans que nous démêlions son caractère ou que nous sondions sa portée.

225. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Une fois qu’un nom transmis s’est associé chez lui à la perception d’un objet individuel, son esprit agit comme dans l’exemple précédent ; il applique le nom aux objets plus ou moins semblables qu’il reconnaît comme pareils. […] Ici commence une nouvelle série de remaniements, additions et corrections, celle-ci indéfinie, qui se poursuit de génération en génération et de peuple en peuple, je veux parler de la recherche scientifique. — Cette fois, il s’agit de faire coïncider nos idées générales non plus avec les idées générales d’autrui, mais avec les caractères généraux de choses. […] Il ne s’agit point ici de l’unité absolue et métaphysique qui est la propriété d’être indivisible, ou mieux, sans parties, et que posséderait, par exemple, une monade de Leibniz. Il s’agit simplement de l’office qu’un objet quelconque peut remplir, de la fonction qu’il exécute, du rôle qu’il joue en contribuant avec d’autres semblables à faire une collection. […] À présent, introduisons dans notre composé mental une condition nouvelle, la plus simple qu’il se pourra ; supposons que la force initiale, au lieu d’agir seulement au premier instant, continue à agir pendant toute la durée du mouvement et que, par suite, la vitesse du mouvement croisse uniformément.

226. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Il ne s’agit plus de jouer avec la science, d’en faire un thème d’insipides et innocents paradoxes 30 ; il s’agit de la grande affaire de l’homme et de l’humanité : de là un sérieux, une attention, un respect que ne pouvaient connaître ceux qui ne faisaient de la science que par un côté d’eux-mêmes. […] Il s’agit de savoir s’il faut refluer cinq siècles et blâmer un développement qui était évidemment appelé par la nécessité des choses. […] Au nom du ciel, ne nous parlez pas de ces hommes, quand il s’agit de civilisation et de philosophie ! […] Le bon sens a tous les droits quand il s’agit d’établir les bases de la morale et de la psycho-logie ; parce qu’il ne s’agit là que de constater ce qui est de la nature humaine, laquelle doit être cherchée dans son expression la plus générale, et par conséquent la plus vulgaire ; mais le bon sens n’est que lourd et maladroit, quand il veut résoudre seul les problèmes où il faut deviner plutôt que voir, saisir mille nuances presque imperceptibles, poursuivre des analogies secrètes et cachées. […] Il ne s’agit pas du vrai, mais du controversable ; savoir n’est rien, disputer est tout.

227. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

. — Après la paix de Riswick, le roi jugea à propos de l’envoyer à Vienne comme ambassadeur (1699-1701) ; le poste était important à cause de la question pendante de la succession d’Espagne, qui pouvait à tout moment s’ouvrir ; il s’agissait de négocier par précaution un traité de partage avec l’empereur, ce traité dût-il ne pas s’exécuter ensuite. […] Mais cependant, à la guerre, il faut agir, s’ingénier, entreprendre. […] Villars commande le détachement qui doit tout faire pour forcer les obstacles et se mettre en mesure de joindre l’électeur : il s’agit d’abord de traverser le Rhin en présence de l’ennemi, puis de s’ouvrir malgré lui et à travers ses postes retranchés l’entrée des montagnes Noires. […] Villars était arrivé au point où doit viser tout homme qui est né pour le commandement : agir seul et en chef. […] Catinat, certes, en eût agi autrement.

228. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Je n’ai pas de traditions, je n’ai pas de parti, je n’ai point de cause, si ce n’est celle de la liberté et de la dignité humaine : de cela, je suis sûr ; et pour un travail de cette sorte, une disposition et un naturel de cette espèce sont aussi utiles qu’ils sont souvent nuisibles quand il s’agit, non plus de parler sur les affaires humaines, mais de s’y mêler. » J’en demande pardon à Tocqueville : au moment où il dit qu’il n’a point de cause, il déclare assez qu’il en a une, et cette cause, telle qu’il vient de la définir, était pour lui une religion. […] On pourra trouver que, plus indulgent en apparence pour beaucoup d’autres écrivains d’un mérite moindre, j’ai bien tenu ici à marquer mes réserves, quand il s’agissait d’apprécier un esprit d’un ordre aussi élevé. […] Quand il ne s’agit que de soi, on sait peut-être mieux ce dont on a le droit d’être content. Pour moi, il me semble que, s’il se fût agi d’un mien ouvrage, j’aurais été ravi de vos articles. […] J’ai lu des articles sur Tocqueville qui étaient plus bienveillants, je n’en ai pas lu un seul qui sût, aussi bien que les vôtres, mettre en relief ce qui dans ses écrits est vraiment beau, ce qui plaît en eux, ce qui charme : sympathie intellectuelle, confraternité d’artiste, quelque nom qu’on donne au sentiment qui vous fait agir, c’est encore de la bienveillance, et la plus sûre, car elle vient de l’instinct plus que de la volonté.

229. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Dans un discours de sa jeunesse79, il avait traité de la politique des Romains dans la religion ; il est vrai qu’il s’agit de la religion en la main des grands pour gouverner les petits, par « cette crédulité des peuples qui est toujours au-dessus du ridicule et de l’extravagant. » Bossuet l’entend d’une tout autre façon. […] Si on lui parle des sociétés, il ne s’agit pas des sociétés politiques, ni de lui en faire porter des jugements inutiles au grand objet de la connaissance de soi-même ; il s’agit des sociétés purement civiles et des devoirs que chacun est tenu d’y remplir pour être heureux en contribuant au bonheur public. […] Ai-je besoin de dire qu’il ne s’agit ni de l’autorité comme l’entendent ceux qui en usent mal et ceux qui sont incapables d’obéissance, ni de la puissance publique sous une forme particulière de gouvernement. Il s’agit de ce principe, non pas supérieur au principe de liberté, mais apparemment plus nécessaire aux nations, puisqu’il ne souffre pas d’interruption ; il s’agit de cette force protectrice des sociétés, qui se forme de leur consentement intelligent et qui pourrait être le dernier progrès de la liberté dans ceux qui obéissent.

230. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Or, sitôt qu’il est question de révolution, s’agirait-il d’un enfantillage, nous nous reportons à cette gigantesque cataracte et jamais aux changements bien plus lents que présente l’histoire antérieure, le XVIe et le XVIIe siècle, par exemple. […] S’il ne s’agissait que de jouir, mieux vaudrait pour tous le brouet noir que pour les uns les délices, pour les autres la faim. […] Mais il s’agit de réaliser une forme plus ou moins belle de l’humanité ; pour cela, le sacrifice des individus est permis. […] Sans doute, s’il s’était agi de procurer des jouissances d’orgueil à quelque tyran imbécile. Mais il s’agissait d’esquisser en pierre un des états de l’humanité.

231. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Il n’était pas sans se rendre compte des difficultés : Tout le monde, disait-il, veut bien de la république, personne ne veut de la pauvreté ni de la vertu… Il s’agit de faire une république d’un peuple épars avec les débris et les crimes de sa monarchie ; il s’agit d’établir la confiance ; il s’agit d’instruire à la vertu les hommes durs qui ne vivent que pour eux. […] Ici le fanatisme reparaît et se donne carrière ; il s’agit, en effet, de refaire un pays de fond en comble, d’infuser dans les veines de tous ce qui n’est que le délire et la fièvre de quelques-uns. […] Il a rendu ce méchant sentiment avec toute l’énergie dont il était capable, dans un de ses rapports où il est dit : « Il serait juste que le peuple régnât à son tour sur ses oppresseurs, et que la sueur baignât l’orgueil de leur front. » Selon Barère, une telle proposition ne trouva que résistance au sein même du Comité ; on répondit que nos mœurs répugnaient à un tel genre de supplice ; que la noblesse pouvait bien être abolie par les lois politiques, mais que les nobles conservaient toujours dans la masse du peuple un rang d’opinion, une distinction due à l’éducation, et qui ne permettait pas d’agir à Paris comme Marius agissait à Rome : Eh bien !

232. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

De l’éducation de son esprit, j’ai déjà dit un mot quand il s’est agi de vous parler de ses premières études. […] Je vous donne ma conclusion ; je suis persuadé qu’il s’agit, non pas de Malherbe, comme quelques-uns ont incliné à le croire, mais de Voiture. […] Il s’agit d’un comte de Boufflers dont le cercueil écrasa le prêtre qui l’accompagnait au cimetière. […] Junon lui répond : « Il s’agit de se résigner. […] L’âne un jour pourtant s’en moqua… Il s’agit de l’âne qui n’a pas voulu interrompre son repas, son festin, pour se coucher, pour se pencher de telle manière que le chien pût prendre à dîner dans la hotte.

233. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Mais aujourd’hui il ne s’agit de rien sacrifier, car une science véritable est née, elle est désormais organisée avec ses méthodes évidentes et sûres, la science de Galilée, de Pascal, de Descartes, de Newton, celle de Harvey, de Franklin, de Lavoisier, de Cuvier. […] Il s’agit bien de vos goûts et de vos préférences ! […] Le professeur ne négligera pas de résoudre devant eux les petits problèmes d’analyse que la leçon comporte, surtout lorsqu’il s’agit de substances d’un emploi commun. […] Si j’osais faire un rapprochement qui n’est qu’exact, c’est ainsi, dans un livre célèbre, que Ponocrates, devançant le progrès des temps, en agissait avec son élève, et qu’il l’exerçait aux notions pratiques de la vie, tout en le maintenant d’ailleurs en commerce étroit et familier avec les grands auteurs de l’Antiquité, avec Hippocrate comme avec Homère. […] Mais encore une fois, il ne s’agit plus d’avoir à opter exclusivement ni de rien sacrifier, et Quintilien, à côté de Lavoisier et des autres maîtres, garde encore sa belle et bonne part.

234. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Il a raison, quand il s’agit de ces unités extérieures qui emprisonnent l’individu dans la foule et le forcent à marcher au pas des autres, dans la direction des autres. […] Quand il s’agit de celles-là, je ne suis plus avec M.  […] De plus anciens déracinés feront pitié « par leurs pensées violentes et leur faiblesse pour agir ». […] Dans tous les discours que lui prête le pauvre Montégut, je n’ai trouvé, il est vrai, qu’une seule ironie, mais combien fine : le docteur parle d’une chienne comme s’il s’agissait d’une femme et d’une femme comme s’il s’agissait d’une chienne.

235. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

« Que mon ami A ou que mon ami B meure, cela peut changer le degré, mais non la nature de ma douleur. » Selon nous, il y a sous tous les plaisirs, même les plus différents, une sorte de plaisir fondamental et vital qui est le plaisir même de vivre, conséquemment d’agir, de sentir et d’avoir conscience ; mais, de ce qu’il y a ainsi un élément commun qui nous permet de comparer les divers plaisirs en les rapportant tous au plaisir radical de l’action, il n’en résulte nullement qu’il n’existe aucune différence de qualité entre les différents plaisirs comme plaisirs. […] Pourtant, on comprend à la rigueur que l’être agisse pour agir, si un sentiment agréable est la conséquence de toute action, et un sentiment plus agréable la conséquence d’un surplus d’action efficace. […] Cette insensibilité, à notre avis, ne peut être absolue, mais l’excès même du préjugé vulgaire, qui imagine une activité absolument dépourvue de tout sentiment et de toute perception, témoigne en laveur de la priorité de l’agir, sinon de son indépendance et de son état d’isolement. […] Voilà pourquoi nous agissons, et aussi pourquoi notre action tend toujours à du changement intérieur et à quelque mouvement extérieur.

236. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Un nombre considérable d’individus peuvent vivre ensemble sur un même territoire, et agir de façons très diverses les uns sur les autres, sans former, forcément, une société unifiée. […] Ici comme là, qu’il s’agisse de l’assistance ou de l’instruction, de la réglementation industrielle ou des travaux d’intérêt général, tout s’unifie en se centralisant. […] « Un corps unique, et placé au centre du royaume, qui réglemente l’administration publique dans tout le pays ; le même ministre dirigeant presque toutes les affaires intérieures ; dans chaque province, un seul agent qui en conduit tout le détail ; point de corps administratifs secondaires ou des corps qui ne peuvent agir sans qu’on les autorise d’abord à se mouvoir ; des tribunaux exceptionnels qui jugent les affaires où l’administration est intéressée et couvrent tous ses agents. […] La société guerrière idéale est celle qui agit le plus aisément comme un seul homme, celle par suite dans laquelle les ordres, vivement conçus par un centre cérébral unique, sont rapidement transmis jusqu’aux extrémités du corps social et immédiatement exécutés. […] La question qui nous importe reste entière : il ne s’agit pas de décider par quelles raisons la centralisation est provoquée, et si elle est fille du militarisme ou de l’industrialisme, mais de savoir si, par elle-même, elle est ou non contraire au progrès de la démocratie.

237. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

voilà qu’il craint de tomber dans un paradoxe, quand il ne s’agit que du plus ou moins d’admiration au sein de Bossuet, et d’un simple classement dans les Oraisons funèbres ; c’est bien de celui qui tout à l’heure a fait, en tremblant, une révolution sur le Télémaque. […] Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. […] Il ne s’agit que de prendre les gens à leur heure et à leur moment, dans ce qu’ils aiment à la folie. […] [NdA] Je serai plus clair, en réimprimant ici cet article, que je n’avais cru devoir l’être d’abord dans le Moniteur : il s’agissait d’un poème sur la guerre d’Orient, par M. 

238. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

D’une part, dans un monde fondé sur la conquête, dur et froid comme une machine d’airain, condamné par sa structure même à détruire chez ses sujets le courage d’agir et l’envie de vivre, il avait annoncé « la bonne nouvelle », promis « le royaume de Dieu », prêché la résignation tendre aux mains du père céleste, inspiré la patience, la douceur, l’humilité, l’abnégation, la charité, ouvert les seules issues par lesquelles l’homme étouffé dans l’ergastule romain pouvait encore respirer et apercevoir le jour : voilà la religion. […] Sa maison n’est qu’un camp et un refuge ; on a mis de la paille et des tas de feuilles sur le pavé de la grande salle ; c’est là qu’il couche avec ses cavaliers, ôtant un éperon quand il a chance de dormir ; les meurtrières laissent à peine entrer le jour ; c’est qu’il s’agit avant tout de ne pas recevoir des flèches. […] Cependant toutes les choses utiles exécutées par son ordre ou développées sous son patronage, routes, ports, canaux, asiles, universités, académies, établissements de piété, de refuge, d’éducation, de science, d’industrie et de commerce, portent sa marque et le proclament bienfaiteur public. — De tels services appellent une récompense proportionnée : on admet que, de père en fils, il contracte mariage avec la France, qu’elle n’agit que par lui, qu’il n’agit que pour elle, et tous les souvenirs anciens, tous les intérêts présents viennent autoriser cette union.

239. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Le fond de cet ouvrage, pour lequel il trouve la qualification de Mémoires trop ambitieuse, n’ayant jamais de son chef agi ni ordonné, et qu’il intitule simplement Témoignages historiques, ce fond se compose donc des principales affaires d’État qui l’ont occupé, depuis son entrée au ministère, dix jours après le 18 brumaire, jusqu’à la Restauration. […] Vers l’époque du Concordat, une proclamation injurieuse au premier Consul, dans laquelle il s’agissait des capucinades du Corse, ayant été adressée de Rennes, où commandait Bernadotte, à M.  […] Il s’agissait, pour plusieurs maréchaux et généraux, de faire disparaître l’homme, ou, en d’autres termes, de frapper Napoléon au fond de quelque défilé ou d’un bois écarté, de creuser un trou et d’y ensevelir son corps, sans qu’on pût en découvrir la moindre trace.

240. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Je ne puis assurer que je « leur dois beaucoup » ; je leur dois tout ; si bien que, chaque fois que je serai contraint de parler de moi, il est bien entendu que c’est d’eux et d’eux seuls qu’il s’agira. […] Je ne puis assurer que je « leur dois beaucoup » ; je leur dois tout ; si bien que, chaque fois que je serai contraint de parler de moi, il est bien entendu que c’est d’eux et d’eux seuls qu’il s’agira. […] Albalat, dont l’Art d’écrire… eut un réel et mérité succès, auteur de la Formation du style, qu’il s’agit pour M. de G… de réfuter.

241. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Ces Mémoires qui révèlent la Russie à elle-même, et qui sont , dit l’introduction avec l’enflure des joues d’un sonneur de trompe, un de ces ouvrages hardis et venus à propos qui agissent fortement sur les idées d’un peuple et prennent date dans son histoire , méritent fort peu ce grand fracas, et s’ils prennent date quelque part, ce ne sera pas dans l’histoire des mœurs et des institutions de la Russie, mais dans la belle histoire aux pages vastes et vides de la littérature Russe ; car ces Mémoires étincellent d’un talent très vif, et le talent littéraire, comme on le sait, ne neige point là-bas14… Seulement, hors cela, — le talent littéraire que nous allons tout à l’heure mesurer, — il n’y a réellement pas dans le livre d’Yvan Tourgueneff de quoi justifier les illusions de son enthousiaste traducteur. […] , il s’agit bien de la Russie politique et sociale ! […] il ne s’agit que de vérité littéraire… Or, très certainement, on n’avait pas besoin de s’adresser au sentiment public, blessé en ce moment par la Russie, pour provoquer un succès qui se serait naturellement fait tout seul.

242. (1881) Le roman expérimental

Nous n’agissons jamais sur l’essence des phénomènes de la nature, mais seulement sur leur déterminisme, et par cela seul que nous agissons sur lui, le déterminisme diffère du fatalisme sur lequel on ne saurait agir. […] Il s’agira simplement de changer la facture, la carcasse de l’œuvre. […] Il ne s’agit, pas d’une exception, mais d’une majorité. […] Il s’agit du grand duel de M.  […] S’agit-il du monde, portes ouvertes, ou du monde, portes fermées ?

243. (1923) Paul Valéry

Oui, s’il s’agissait d’un autre que du poète. […] Il ne s’agit pas de la facilité de l’auteur. […] Il ne s’agit ni de l’auteur, ni du lecteur, mais de la poésie. […] Il ne saurait s’agir de difficultés quelconques. […] Entrant dans le dialogue, il faut qu’ils sachent ce dont il s’agit.

244. (1904) Zangwill pp. 7-90

Ce n’est pas moi qui invente ce circuit, cette circumnavigation mentale excentrique ; c’est mon auteur ; ce sont tous nos auteurs ; je me reporte à ce La Fontaine et ses fables, qui eut tout l’éclat, qui reçut tout l’accueil, et qui obtint tout le succès d’un manifeste ; il s’agit d’étudier La Fontaine et ses fables ; si nous commencions par parler d’autre chose ; et voici la préface : « On peut considérer l’homme comme un animal d’espèce supérieure, qui produit des philosophies et des poëmes à peu près comme les vers à soie font leurs cocons »,… À peu près ! […] Nous voulons savoir comment, étant donnés un jardin et ses abeilles, une ruche se produit, quels sont tous les pas de l’opération intermédiaire, et quelles forces générales agissent à chacun des pas de l’opération. […] Jésus aujourd’hui agit bien plus que quand il était un Galiléen obscur ; mais il ne vit plus. […] L’homme vit où il agit. […] Mais, si on l’ouvre pour examiner l’arrangement intérieur de ses organes, on y trouve un ordre aussi compliqué que dans les vastes chênes qui la couvrent de leur ombre ; on la décompose plus aisément ; on la met mieux en expérience ; et l’on peut découvrir en elle les lois générales, selon lesquelles toute plante végète et se soutient. » Je me garderai de mettre un commentaire de détail à ce texte ; il faudrait écrire un volume ; il faudrait mettre, à chacun des mots, plusieurs pages de commentaires, tant le texte est plein et fort ; et encore on serait à cent lieues d’en avoir épuisé la force et la plénitude ; et je ne peux pas tomber moi-même dans une infinité du détail ; d’ailleurs nous retrouverons tous ces textes, et souvent ; c’était l’honneur et la grandeur de ces textes pleins et graves qu’ils débordaient, qu’ils inondaient le commentaire ; c’est l’honneur et la force de ces textes braves et pleins qu’ils bravent le commentaire ; et si nul commentaire n’épuise un texte de Renan, nul commentaire aussi n’assied un texte de Taine ; aujourd’hui, et de cette conclusion, je ne veux indiquer, et en bref, que le sens et la portée, pour l’ensemble et sans entrer dans aucun détail ; à peine ai-je besoin de dire que ce sens, dans Taine, est beaucoup plus grave, étant beaucoup plus net, que n’étaient les anticipations de Renan ; ne nous laissons pas tromper à la modestie professorale ; ne nous laissons d’ailleurs pas soulever à toutes les indignations qui nous montent ; je sais qu’il n’v a pas un mot dans tout ce Taine qui aujourd’hui ne nous soulève d’indignation ; attribuer, limiter Racine au seul dix-septième siècle, enfermer Racine dans le siècle de Louis XIV, quand aujourd’hui, ayant pris toute la reculée nécessaire, nous savons qu’il estime des colonnes de l’humanité éternelle, quelle inintelligence et quelle hérésie, quelle grossièreté, quelle présomption, au fond quelle ignorance ; mais ni naïveté, ni indignation ; il ne s’agit point ici de savoir ce que vaut Taine ; il ne s’agit point ici de son inintelligence et de son hérésie, de sa grossièreté, de son ignorance ; il s’agit de sa présomption ;  il s’agit de savoir ce qu’il veut, ce qu’il pense avoir fait, enfin ce que nous voyons qu’il a fait, peut-être sans y penser ; il s’agit de savoir, ou de chercher, quel est, au fond, le sens et la portée de sa méthode, le sens et la portée des résultats qu’il prétend avoir obtenus ; ce qui ressort de tout le livre de Taine, et particulièrement de sa conclusion, c’est cette idée singulière, singulièrement avantageuse, que l’historien, j’entends l’historien moderne, possède le secret du génie.

245. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Il s’agit d’un viatique et non d’un thème de discussion préalable. Il s’agit de guider, non d’égarer. […] Les mêmes personnes, qui administrent consciencieusement les sérums actuels, et qui ont bien raison de les administrer, puisqu’ils agissent ou semblent agir, rient de ces antiques remèdes de bonnes femmes. […] Ils ont agi moins, en attendant de ne plus agir du tout. […] Il arrive que, transplantés de village en village, ces mêmes Simples cessent d’agir, ou agissent moins, de même que les sérums, d’une génération (trente ans) à une autre.

246. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 2. Caractère de la race. »

Ils agirent comme un puissant réactif, ajoutant sans doute aux éléments celtique et latin, mais surtout les forçant à se combiner, à s’organiser en une forme nouvelle : en leur présence, et à leur contact, se forma, se fixa ce composé qui sera la nation française, composé merveilleux, où l’on ne distingue plus rien de gaulois, de romain ni de tudesque, et dont on affirmerait l’absolue simplicité, si l’histoire ne nous faisait assister à l’opération qui l’a produit. […] Race plus raisonnable que morale, parce qu’elle est gouvernée par la notion du vrai plutôt que du bien, plus facile à persuader par la justice que par la charité ; indocile, même quand elle est gouvernable, tenant plus à la liber té de parler qu’au droit d’agir, et encline à railler toujours l’autorité pour manifester l’indépendance de son esprit : elle a le plus vif sentiment de l’unité, d’où vient que la tolérance intellectuelle lui est peu familière, et qu’elle est moutonnière, esclave de la mode et de l’opinion, mais tyrannique aussi, pour imposer à autrui la mode et l’opinion, chacun voulant ou penser avec tout le monde ou faire penser tout le inonde avec soi.

247. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 223-229

Dès qu’il s’agira de Tragédies, de Pastorales lyriques, de Poésies légeres, le Public a déjà décidé que cet Auteur ne figureroit jamais parmi les bons Poëtes de notre nation. […] Et tandis qu’au milieu de l’alarme générale, le Philosophe murmuroit peut-être contre la Nature, ou ne songeoit qu’à sa gloire en préparant le froid projet d’un nouvel Edifice, le Peuple, ce Peuple qui ne raisonne pas, mais qui fait toujours agir efficacement pour le bien général, exposoit sa vie, la sacrifioit, afin de retarder, de quelques momens, le trépas de tant d’Infortunés.

248. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

Il agit comme tout autre agirait dans la même situation.

249. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IV. Si les divinités du paganisme ont poétiquement la supériorité sur les divinités chrétiennes. »

Mais à présent, si vous êtes de bonne foi, vous devez convenir que les divinités du paganisme, lorsqu’elles agissent directement et pour elles-mêmes, sont plus poétiques et plus dramatiques que les divinités chrétiennes. » On pourrait en juger ainsi à la première vue. Les dieux des anciens partageant nos vices et nos vertus, ayant, comme nous, des corps sujets à la douleur, des passions irritables comme les nôtres, se mêlant à la race humaine, et laissant ici-bas une mortelle postérité ; ces dieux ne sont qu’une espèce d’hommes supérieurs qu’on est libre de faire agir comme les autres hommes.

250. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Le jeune enfant grandit auprès d’elle dans une liberté aimable, dans une familiarité qui l’initiait aux réflexions de cette femme distinguée, sur laquelle il devait bientôt agir à son tour. […] De quelque nouveau monde qu’il s’agisse, petit ou grand, quand le Christophe Colomb le découvre, bien d’autres étaient déjà en voie de le chercher. […] Guizot, dont il se plaît à dire qu’aucun esprit n’a plus agi sur le sien, M. de Rémusat garda, comme on peut croire, sa propre originalité. […] Quoi qu’il en soit de ce charme intérieur, M. de Rémusat a beaucoup agi au dehors, beaucoup influé, beaucoup écrit, sans parler de l’avenir ouvert qui lui reste. […] Il s’agissait, en un mot, de trouver un grand précurseur à cette disposition générale d’aujourd’hui.

251. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Toutes mes impressions, toutes mes idées me portent de préférence vers la littérature du Nord ; mais ce dont il s’agit maintenant, c’est d’examiner ses caractères distinctifs. […] Le spectacle de la nature agit fortement sur eux ; elle agit comme elle se montre dans leurs climats, toujours sombre et nébuleuse.

252. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

La femme de race qui fait souvent de ces miracles, la femme dont les pères ont héroïquement agi, ne pouvait pas se prendre longtemps dans une écrivaillerie drapée et orgueilleuse. Elle devait être impatiente d’agir, et elle a agi à son tour.

253. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Cela devient nécessaire partout, mais cela est surtout profitable quand il s’agit — comme ici, par exemple, — de nations lointaines et stationnaires, que le temps agite et ronge sur place, tout en ayant l’air de les conserver. […] Quoi qu’il en puisse être à cet égard, l’historien — qui est un critique très agile dans l’explication et le rapprochement des textes, et qui se livre à un examen fort approfondi de la fameuse inscription de Si-Ngan-Fou, attribuée par Voltaire aux jésuites avec cette moqueuse superficialité d’érudition qui distinguaitle grand perfide, — n’hésite plus quand il s’agit d’affirmer que la propagation de la loi chrétienne existait dans la Haute-Asie de 636 à 781. […] Leur affaire, à ces hommes sublimes, à ces promoteurs du Saint-Esprit dans les âmes, c’est d’agir toujours en dehors de toute prévision naturelle et humaine, c’est de montrer Dieu même aux aveugles, c’est de le parler même à des sourds !

254. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Pourquoi enfin son talent, qui a toujours poussé dans les mêmes directions, qui s’est acharné sur le même sujet pour en prendre et en vider toute la moelle, — car c’est du xvie et du xviie  siècle qu’il s’agit encore dans la nouvelle histoire de Ranke, — pourquoi son talent est-il moins remarquable et moins fort que dans le temps de ses premières découvertes et de ses premiers aperçus ? […] Abrégé décharné et désossé, qui ne creuse rien et croit planer sur tout, avec une prétention d’aigle qui trahit par trop le perroquet de Montesquieu… Et si, talent à part, qui meurt toujours à ce jeu, Ranke avait réussi à nous faire illusion sur la justice de son histoire, il aurait pu croire à la bonté de son système quand il s’agit de l’intérêt de ces idées qui doivent, pour plus de sûreté, s’infiltrer dans les esprits au lieu de s’y répandre, et passer par-dessous les portes au lieu de les forcer. […] De catholique à protestant, les points de vue ne diffèrent pas seulement, ils se renversent, quand il s’agit d’un siècle qui, comme le xvie , a été le commencement de tout pour les uns, et presque la fin de tout pour les autres.

255. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Il ne s’agit pas ici de tragédies plus ou moins oubliées et qu’on oubliera tout à fait. Il ne s’agit pas même de littérature. Il s’agit d’un livre, le moins livre des livres, qui, en quelques pages d’une simplicité infinie, éteint une gloire dangereuse qu’on avait allumée, comme un phare, sur le donjon du Spielberg.

256. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Il ne s’agit pas ici de tragédies plus ou moins oubliées et qu’on oubliera tout à fait. Il ne s’agit pas même de littérature. Il s’agit d’un livre, le moins livre des livres, qui, en quelques pages, d’une simplicité infinie, éteint une gloire dangereuse qu’on avait allumée, comme un phare, sur le donjon du Spielberg.

257. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Quel artiste, en effet, ayant le respect de son art et de lui-même, quand il s’agit de l’ensemble de ses travaux, ne pratique pas sur ce qu’il écrivit, à des époques distantes et dans des inspirations différentes, la retouche suprême qui affermit et qui achève, et après laquelle il n’y a plus pour l’homme que le désespoir de l’idéal ? […] II Il ne s’agit donc ici aujourd’hui que de M.  […] Il ne s’agit que de la partie de ses Œuvres complètes où il a été ce que Racine est seulement dans les siennes, car, le poète ôté dans Racine, tout s’en va ; il ne reste rien.

258. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

On peut aussi agir par les graines. […] Il s’agit d’un gros petit livre de M.  […] Il ne s’agit point de surnaturel. […] Aujourd’hui, il s’agit du jeu, dont MM.  […] Il s’agit de faire peur.

259. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Il s’agissait, après des désastres inouïs et des ruines de tout genre, de tout recomposer, de retrouver sous les sanglants décombres la statue de la Loi, la pierre et le calice de l’autel, le trône lui-même avec ses degrés. […] Mais il s’agit ici de plus que d’un délassement de l’esprit ; il s’agit de la vie morale et intellectuelle d’un temps et d’un peuple. […] Et d’abord, on peut demander toujours de quel monde il s’agit. […] Il s’agit de la Revue des Deux Mondes et de ce qu’on y fondait.

260. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Il ne s’agit encore que de l’histoire romaine, sujet classique, lieu commun de l’éloquence et de la tragédie du siècle précédent : mais la forme est loin d’être oratoire ou dramatique. […] Agissons, puisqu’il faut agir, mais croyons que le résultat sera le même, de quelque façon que nous agissions : et par conséquent agissons selon les lois de la commune morale, puisqu’il ne servirait à rien de les violer.

261. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Deux substances identiques par la nature, le nombre, l’arrangement et la distance des atomes agissaient d’une manière essentiellement différente sur la lumière. […] Il s’agit ici, en effet, de ces questions sur lesquelles la providence (j’entends par ces mots l’ensemble des conditions fondamentales de la marche de l’univers) a voulu qu’il planât un absolu mystère. […] Il ne s’agit pas seulement, en ces obscures matières, de savoir ce qui est possible, il s’agit de savoir ce qui est arrivé. […] Mais sa haute vie l’a mis en rapport avec l’esprit éternel qui agit et se continue à travers les siècles ; il est immortel.

262. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Grimm n’a jamais fait étalage d’érudition, mais toutes les fois qu’il s’est agi de juger ce qui avait rapport aux anciens, il s’est trouvé plus en mesure que la plupart des hommes de lettres français : il avait un premier fonds de solidité classique, à l’allemande. […] En attendant, c’était le bruit du monde, et l’on prenait parti pour ou contre, sans bien savoir de quoi il s’agissait. […] Je veux bien faire un voyage et passer quelques mois dans ma république ; mais, par les propositions que l’on me fait, il s’agit de m’y fixer, et, si j’accepte, je ne serai pas maître de n’y pas rester. […] Ma chère amie, la nature agit lentement et imperceptiblement : elle vous a donné de beaux yeux ; servez-vous-en, et agissez, je vous prie, comme elle. » Tous ses soins vont à mûrir « cette bonne tête qui a de si beaux yeux ».

263. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Dans ses huit volumes de romans, où figurent tous les exemplaires de la race humaine, du paysan au prince, de la petite fille aux vieilles moribondes, chaque acteur agit, existe et souffre, avec toute l’intensité d’un être en chair, avec des gestes particuliers, une physionomie minutieusement évoquée, des façons individuelles de se tenir, de s’exprimer, de se comporter, d’aimer ou de mourir, qui suscitent peu à peu chez le lecteur des images nettes et comme familières. […] Tout cela forme en apparence un jeune homme entier, volontaire, dur, bien équilibré, assagi par la pratique de tout l’appareil bien coordonné des sciences, sachant diriger sa vie, se contenir ou agir d’une façon décidée. […] Il incline vers les destinées de Hamlet et de Werther, des grands irrésolus, dont toute la sève se dépense à agiter des idées fatalement impuissantes, des êtres oscillants, ballottés entre tous les mobiles, n’en concevant plus d’assez passionnel et d’assez impératif pour se résoudre à agir en un sens unique et constant. […] Entre les partis de repousser l’affection qui se donne à lui, ou d’agir et de séduire son amante, comme elle le veut, il se trouve incapable de se déterminer. […] Il ne peut ni vouloir, ni agir.

264. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Mais cette manière d’agir, au moins nette, au moins vaillante et qui semble au moins convaincue, n’est pas celle que M.  […] A-t-il de tout cela jailli une lumière, quelque grande certitude devant lesquelles, puisqu’il s’agit ici de la vie de Jésus, par exemple, la Bible et l’Évangile ne causent plus d’étonnement ? […] Si la pleine liberté de la Critique était consentie, si la Science avait le droit d’agir en vue seulement des résultats scientifiques, on n’aurait plus besoin de rien, on aurait tout, et les vêpres siciliennes de la philosophie sonneraient, à pleines volées, sur nos têtes ! […] Puisqu’il s’agit de son langage, « l’univers, dit-il avec son tour approprié et sublime, fut fait d’une seule lèvre ». […] Il nous est impossible, quand il s’agit de sujets comme ceux que traite M. 

265. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Il s’agit des deux grandes scènes de la fin de l’acte 1 et celle de l’acte 3. […] Il s’agit d’une allusion à l’acte II de Parsifal, et plus précisément au duo entre Kundry et Parsifal. […] Il s’agit du Chœur de la grande scène du Graal de l’acte I de Parsifal. […] Il s’agit des derniers mots du drame scénique sacré Parsifal  : «  Rédemption au Rédempteur  ». […] Il s’agit d’une réplique importante de Kundry à l’acte  II.

266. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Ces organismes élémentaires sont sollicités à agir par un besoin, et un besoin est une peine plus ou moins notable, tout au moins un malaise ; la satisfaction du besoin est suivie de plaisir. […] Un plaisir répété diminue par un effet d’accommodation qui fait que le nerf n’agit plus la seconde fois avec la même intensité que la première. […] Jouir, c’est toujours agir, agir le plus possible, avec la plus grande efficacité et la plus grande indépendance, avec la plus grande liberté possible. […] Notre activité n’est ni solitaire, ni indépendante et absolue ; nous ne pouvons agir et lutter pour la vie que dans un milieu qui est lui-même actif et en lutte incessante ; nous ne pouvons agir qu’en harmonie ou en conflit avec les forces extérieures, qui sont nos auxiliaires ou nos ennemis. […] En effet, si l’unique moteur de l’activité est la peine, il faut ou se résoudre à ne plus agir et à ne plus vivre, ou se résoudre à agir et à vivre uniquement avec la moindre peine possible : la première solution est le nirvana des esprits mystiques, la seconde est l’épicurisme égoïste des esprits « pratiques ».

267. (1899) Arabesques pp. 1-223

J’ai par devers moi de quoi prouver ce que j’avance à ceux qui n’auraient pas gardé la mémoire de cette manière d’agir. […] Au contraire, la plupart veulent agir, être utiles, jouer un rôle social. […] Si, au moins, les bourgeois agissaient avec franchise. […] Pourtant, les Bourgeois trouvent fort mauvais qu’on agisse de la sorte. […] Certes, nul d’entre nous ne peut se vanter d’agir toujours avec justice.

268. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Il ne s’agissait plus d’établir les règles de la langue ; on les avait reçues des écrivains supérieurs : la fonction de ces académies a été de les conserver. […] La tâche terminée, s’il s’agissait de quelque travail de plume, il le rendait à ceux dont il croyait l’avoir reçu. […] Comme il s’agit toujours de réfuter quelque maxime contraire à la doctrine, la maxime est mise en tête à la manière d’un théorème de géométrie, et la réfutation suit, comme la démonstration suit, le théorème. […] Il en est du traité de Nicole comme de certaines vertus modestes : on les ignore, parce qu’elles ne sont pas actives, et parce que leur perfection, tout intérieure, consiste moins à agir qu’à s’abstenir. […] S’il s’agissait de la thèse opposée, et d’un auteur qui fit voir l’impossibilité d’établir la paix parmi les hommes, on s’y porterait avec plus de penchant ; on y serait préparé par un commencement de conviction.

269. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Nous sommes donc ici sur un terrain solide ; car il s’agit d’un ouvrage écrit tout entier de la même main et de la plus parfaite unité. […] Comme on croyait encore le monde près de finir, on se souciait peu de composer des livres pour l’avenir ; il s’agissait seulement de garder en son cœur l’image vive de celui qu’on espérait bientôt revoir dans les nues. […] Ajoutons que les évangiles dont il s’agit semblent provenir de celle des branches de la famille chrétienne qui touchait le plus près à Jésus. […] Chaque trait qui sort des règles de la narration classique doit avertir de prendre garde ; car le fait qu’il s’agit de raconter a été vivant, naturel, harmonieux. […] On observera, d’ailleurs, la réserve des tours de phrase dont nous nous servons quand il s’agit d’exposer le progrès des idées de Jésus.

270. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Quels produits différents de l’intelligence que la pensée qui fait écrire et celle qui fait agir ; la pensée qui se resserre dans les limites d’un acte à accomplir, et celle qui s’étend dans un grand espace et veut juger en général les résultats et les causes ! […] Rivet (23 octobre 1853), les travaux préparatoires dont je vous ai parlé… Il s’agit de savoir s’il y a maintenant quelque chose à tirer de ces matériaux qui ne sont qu’un fumier inutile si par leur moyen on ne fait pas pousser quelque plante nouvelle. […] La première, il s’agissait d’un vote au sujet de l’ouvrage de M.  […] Une autre fois, il s’agissait d’un livre de M. de Vidaillan sur l’organisation des conseils du roi dans l’ancienne France : l’ouvrage était également présenté pour l’un des prix, et M. de Tocqueville ne s’y opposait pas.

271. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Mais là aussi se retrouvent la vérité, l’élévation, un genre de beauté ; seulement il s’agit presque d’un art différent. Ce n’est plus au groupe de la statuaire antique et à cette première grandeur qu’on a affaire ; ce sont plutôt des tableaux finis qu’il s’agit, même à distance, de voir dans leur cadre et dans leur jour. […] Geoffroy remarque avec raison que Titus serait sifflé, s’il agissait ainsi au théâtre, « et Rousseau, ajoute-t-il, mérite de l’être pour avoir consigné cette opinion dans un livre de philosophie. » Tout se tient en morale : c’est pour n’avoir pas senti cette délicatesse particulière, cette religion de dignité et d’honneur qui enchaîne Titus, que Jean-Jacques a gâté certaines de ses plus belles pages par je ne sais quoi de choquant et de vulgaire qui se retrouve dans sa vie, et que l’amant de madame de Warens, le mari de Thérèse, n’a pas résisté à nous retracer complaisamment des situations dignes d’oubli. […] Si redonner de la nouveauté à Racine était une conquête, il ne fallait pas craindre d’aller jusqu’au bout, et, après avoir fait son entrée dans ces grands rôles qui sont comme les capitales de l’empire, il y avait à se loger encore plus au cœur : Bérénice, quand il s’agit de Racine, c’est comme la maison de plaisance favorite du maître.

272. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Ce que Retz voudrait pour agir sur l’esprit de la compagnie, pour l’exciter suffisamment sans l’opprimer, ce serait d’avoir, non à Paris, mais hors de Paris, une armée, une véritable armée au service de la Fronde ; il s’écrierait volontiers comme l’abbé Sieyès : « Il me faut une épée. » Un moment il espéra avoir trouvé celle de M. de Turenne ; on pouvait plus mal choisir ; mais elle lui manqua. Selon lui, une armée à quelque distance et un général de renom agiraient à point sur le Parlement et lui rendraient l’énergie nécessaire sans le menacer, tandis que l’action du peuple à Paris est trop dangereuse, trop immédiate. […] Il est vite obligé de réparer ces bons accès en faisant à son tour quelque proposition bien folle ; c’est ce qui marque très naturellement, dit-il, « l’extravagance de ces sortes de temps, où tous les sots deviennent fous, et où il n’est pas permis aux plus sensés de parler et d’agir en sages ». […] Mais il ne fut pas, ce semble, assez prompt à le sentir, et il continua d’agir au-dehors comme s’il y avait eu espoir, en effet, de l’éloigner définitivement.

273. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Faute de préjugés on admet des fictions convenues : il ne s’agit pas de savoir si cette méthode est bonne, il suffit qu’elle soit inévitable ; on n’a pas de choix. […] Pour bien apprécier l’époque actuelle, il s’agirait surtout d’évaluer la distance qu’il y a entre l’être moral et l’être intelligent. […] Ce n’est pas sans dessein que j’éloigne des points de la comparaison la différence qu’il y a entre le caractère paternel de la royauté et le caractère tyrannique de l’usurpation ; il ne s’agit ici que du législateur. […] S’il n’eût pas agi ainsi, il aurait fait une faute immense ; car il se serait porté héritier de la révolution faite par les hommes, au lieu d’adopter la révolution faite par le temps.

274. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Quelle que soit leur nature dernière, nos idées nous paraissent être, de tous les phénomènes, les plus capables d’être modifiés, et de modifier tout le reste ; c’est sur la force et par la force des idées que nous croyons pouvoir le plus facilement agir, et cette croyance même facilite sans doute notre action. […] S’agit-il surtout de la transmission d’un système d’idées, supposez deux esprits idéalement différents que peut l’un sur l’autre ? […] Bien loin d’expliquer tout à elle seule, l’imitation demande elle-même, dans les différents cas où elle agit, des explications spéciales. […] — Oui, mais cause indirecte ; et si nous voulons comprendre comment elle agit sur l’opinion publique, nous sommes obligés de considérer d’abord l’effet qu’elle produit sur les éléments sociaux, qu’elle assimile, puis l’effet que produit, sur les idées régnantes, cette assimilation même.

275. (1897) Aspects pp. -215

dit Maître Phantasm, il ne s’agit pas de cela, Grymalkin. […] Longtemps il agit autour de vous cet esprit ! […] Il s’agit de se battre. […] Agir ! agir !

276. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Or, la postérité est restée, à propos du Tableau de Paris, sous l’empire d’un mot cruel prononcé par un esprit séducteur : « C’est un livre — disait Rivarol — pensé dans la rue et écrit sur la borne », comme si la rue n’était pas un théâtre d’observation tout comme un autre, quand il s’agit des mœurs d’une grande ville, et même meilleur qu’un autre, quand il s’agit de ses monuments !

277. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Je ne dirai pas qu’il se soit tourné en bonté chez l’auteur de Moïse, mais il lui a communiqué la puissance d’agir pendant trente ans comme s’il eût été parfaitement bon. […] C’est-à-dire : — Croyez en mon orgueil, en cet orgueil sauveur par qui j’ai pu souvent agir comme si j’avais été un saint, et vivre héroïquement dans l’état de désespoir. […] Sa sincérité, quant au fond de ses doctrines, me paraît aussi incontestable que son manque de rigueur lorsqu’il s’agit de les exposer, et que les défaillances de sa probité intellectuelle lorsqu’il s’agit de les propager ou de les défendre. […] Paul Deschanel est, dès maintenant, un de ceux qui sont le plus capables d’agir sur les autres hommes par le discours. […] » Qu’importe, si l’âme croyante reconnaît à son Dieu, et à Celle qui lui porte nos prières, le droit de paraître agir arbitrairement ?

278. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

(1) On conçoit aisément d’abord qu’il ne s’agit pas ici de faire la critique, malheureusement trop facile, des nombreuses classifications qui ont été proposées successivement depuis deux siècles, pour le système général des connaissances humaines, envisagé dans toute son étendue. […] Nos moyens naturels et directs pour agir sur les corps qui nous entourent sont extrêmement faibles et tout à fait disproportionnés à nos besoins. […] Les sciences fondamentales pourraient donc donner lieu à 720 classifications distinctes, parmi lesquelles il s’agit de choisir la classification nécessairement unique qui satisfait le mieux aux principales conditions du problème. […] C’est ainsi, par exemple, que le simple mouvement d’un corps pesant, même quand il ne s’agit que d’un solide, présente réellement, lorsqu’on veut tenir compte de toutes les circonstances déterminantes, un sujet de recherches plus compliqué que la question astronomique la plus difficile. […] Or il est certain que la distinction entre la physiologie végétale et la physiologie animale, qui a une grande importance dans ce que j’ai appelé la physique concrète, n’en a presque aucune dans la physique abstraite, la seule dont il s’agisse ici.

279. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Il ne s’agit que de l’enfoncer. […] Dans le livre de Jack, en effet, il s’agit bien moins de Jack que des ratés. […] Il ne s’agit pas de ses opinions à lui. Il ne s’agit pas de son âme. Il ne s’agit que de son esprit et de l’œuvre de son esprit.

280. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Il ne s’agit ici ni du mâle ni de la femelle exclusivement, les deux sexes y sont compris. […] Harduin : peut-être que la combinaison des unes avec les autres pourra servir quelque jour à les concilier & à faire disparoître les prétendues contradictions du système de prononciation dont il s’agit ici. […] Or je remarque, en effet, par rapport aux mots, trois especes générales de changemens, que les Grammairiens paroissent avoir envisagés, quand ils ont introduit les trois dénominations dont il s’agit, & qu’ils ont ensuite confondues. […] Il ne s’agit pas du fond de la pensée, qui est de faire entendre que César n’avoit exercé aucune cruauté dans la ville de Rome ». […] Ce n’est que cette progression graduelle qui caractérise en effet les verbes dont il s’agit, & c’étoit d’après cette idée spécifique qu’il falloit les nommer progressifs.

281. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Mais si elle est provoquée autrement, elle naîtra sans l’intermédiaire des nerfs, et nous aurons une sensation véritable, celle d’une table verte, celle d’un trait de violon, sans qu’aucune table ni aucun violon aient agi sur nos yeux ou sur nos oreilles. […] C’est pourquoi la répulsion par laquelle la première agit sur la seconde est elle-même un total de répulsions, répulsions inégales et qui, par leur distribution, déterminent le sens dans lequel s’opère le rejet apparent. […] Il s’agit de ces représentations précises, intenses, colorées, auxquelles atteint l’imagination des grands artistes, Balzac, Dickens, Flaubert, Henri Heine, Edgar Poe21 ; j’en ai cité quelques-unes. […] Il s’agit de ces conceptions et imaginations que nous déclarons internes ; on vient de voir par quel mécanisme répressif elles nous apparaissent comme telles. […] Tout cela est permis, et même commode. — Mais ici commence l’erreur ; on est dupé par les mêmes mots et de la même façon qu’à propos de la mémoire et de la perception extérieure ; comme il s’agit d’une connaissance, on veut absolument y trouver un acte de connaissance et un objet connu ; on se la figure comme le regard d’un œil intérieur appliqué sur un événement présent et interne, de même qu’on s’est figuré la mémoire comme le regard d’un œil intérieur appliqué sur un événement passé.

282. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Les programmes de 1902, dont il s’agit, ont été conçus dans le but de préparer le petit Français « à la vie moderne ». […] Qu’importe — s’ils pensent bien et agissent bien !  […] Nous nous battons, il s’agit d’abord de vivre, puis de vaincre. […] C’est en latin qu’on a traduit le Discours de la méthode, lorsqu’il s’est agi de vulgariser, de répandre dans le monde entier les idées cartésiennes. […] Il ne s’agit pas ici de distinguer entre les Grecs et les Latins ; leur héritage pour nous et leurs bienfaits se confondent.

283. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Le Ring n’était pas terminé, les préparatifs pour les solennelles représentations de Tristan devaient commencer, le roi avait ordonné d’élaborer, immédiatement, les projets pour l’école d’art dramatique et pour le Théâtre de Fête qu’il voulait ériger à Munich … : avant tout il s’agissait, pour le maître, de fixer les lignes et de tracer l’esquisse de ce que lui-même appela toujours « sa dernière œuvre ». […] Il ne s’agit pas ici de coïncidences fortuites, ni d’interprétations forcées ; le maître a rendu son intention d’un parallélisme dans l’antithèse si indubitable, qu’on ne peut s’étonner que d’une chose, c’est qu’un fait aussi significatif ait pu passer jusqu’ici inaperçu. […] Puis47, l’âme ayant connu future la damnation : se racheter, se sauver, retrouver la première joie du repos, et la paix du non-désir ; donc agir et souffrir, agir et s’inquiéter, agir et préparer, convoiter, humilier, être humilié, être et faire misérable, souffrir ; hélas ! […] Maintenant48, c’est une résignation à la nécessaire fin ; l’âme sachante de la nécessaire fin, erre désintéressement par les mondes, pour savoir, non pour agir ; et dans les cavernes où tâchent les désirs, dans les bois vastes où s’extasient les désirs, dans les champs admirables où pousse le haut désir, errante et contemplative, elle erre sous la mélancolie tranquille de l’Erdaaw enténébrée ; et, quand par le désir resurgi (par le désespoir, subitement conscient, de n’être plus) retraînée à l’action, l’âme est par l’action trahie, elle se retire, l’âme, dans le sombre de son condamnement… Walhall, burg splendide, burg maudit, adieu, voici, le crépuscule !

284. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Si elle ne peut nous guider dans la détermination des fins supérieures, elle n’est pas moins impuissante quand il s’agit de ces fins secondaires et subordonnées que l’on appelle des moyens. […] Inversement, si, quand il s’agit d’une maladie dont le dénouement est généralement mortel, il est évident que les probabilités que l’être a de survivre sont diminuées, la preuve est singulièrement malaisée, quand l’affection n’est pas de nature à entraîner directement la mort. […] Or, pour agir en connaissance de cause, il ne suffit pas de savoir ce que nous devons vouloir, mais pourquoi nous le devons. […] Mais quand il s’agit des sociétés les plus élevées et les plus récentes, cette loi est inconnue par définition, puisqu’elles n’ont pas encore parcouru toute leur histoire. […] Il ne s’agit plus de poursuivre désespérément une fin qui fuit à mesure qu’on avance, mais de travailler avec une régulière persévérance à maintenir l’état normal, à le rétablir s’il est troublé, à en retrouver les conditions si elles viennent à changer.

285. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Il ne s’agit pas d’étudier le passé pour le passé. […] Il ne s’agit pas de faire que tous soient riches, mais qu’il soit insignifiant d’être riche. […] Pourquoi la science pure paraît avoir peu agi sur l’humanité.

286. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

Or, si la justesse du mépris de Tacite, après dix-huit cents ans, a été suspectée, que serait-ce donc s’il s’agissait d’un mépris, supérieur au sien peut-être, pour des hommes vivants qui n’ont donné leur démission de rien, et dont nous coudoyons les fautes et les crimes, les lâchetés et les trahisons ? […] Puisqu’il s’agissait des débuts de Mme Quinet dans la littérature et la politique, il pouvait au moins la présenter à ses amis, les républicains, et leur dire comme le grand Dauphin à ses officiers : « Mes chers amis, voici ma femme !  […] Quinet l’a devant, puisqu’il s’agit d’une préface !

287. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

— dans la donnée des mœurs de ce temps ; car les mœurs de ce temps étaient immondes, et, comme tous les fumiers des civilisations avancées, elles ne produisaient que des empêchements d’agir ou des lâchetés. La mort de Philippe de Kœnigsmark (c’était de lui qu’il s’agissait) supposait des passions comme on n’en vit guères en Europe, de la Montespan à la Pompadour. […] Mais de telles appellations ne suffisent pas à l’imagination exigeante lorsqu’il s’agit d’une femme qui eût débouté Shakespeare de son génie et dépassé ses inventions !

288. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Il ne s’agit pas d’opposer avec une imagination vulgaire le nid d’aiglons au nid de colombes. […] Il était dans la destinée de madame de Maintenon d’avoir contre elle les deux plus fortes influences qui pussent agir sur la tête d’un pays comme la France : la Philosophie du xviiie  siècle, et, au xviie , la magie du Talent le plus atroce à ses ennemis qui ait peut-être jamais existé ! Saint-Simon et la Philosophie, voilà les deux causes des préjugés qu’on trouve encore dans les meilleurs esprits de nos jours quand il s’agit de madame de Maintenon.

289. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Forgues, trop traduit de Southey, malgré quelques miettes de correspondance qu’il y ajoute, n’augmente pas de beaucoup les faits connus : mais il ne s’agit pas de connaître plus qu’on ne sait, de la vie de Nelson, dont on sait tout, mais de l’écrire. Il s’agit de porter un jugement de penseur sur Nelson, après l’avoir peint en artiste. Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale, aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté, et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes, borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie, cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité.

290. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

croyez-le bien, la sagacité des hommes n’est pas plus grande quand il s’agit du passé que quand il s’agit de l’avenir, et, dans tous les sens, leur vue est courte… Mais puisque après toutes les histoires sur la Révolution française, et Dieu sait s’il y en a eu déjà et s’il y en aura encore ! […] Il n’est pas douteux pour qui que ce soit que si cet historien avait vécu dans la mêlée du temps qu’il raconte, il n’eût parlé, écrit, agi, dans la mesure de sa force, qui n’est pas grande, il est vrai, mais dans le sens de tous ceux-là dont il nous répète les observations, les opinions et les maximes.

291. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Mais il ne s’agit pas de connaître plus qu’on ne sait de la vie de Nelson, dont on sait tout, mais de l’écrire. Il s’agit de porter un jugement de penseur sur Nelson, après l’avoir peint en artiste. Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes : borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité.

292. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

II C’est Fontenelle, cette belle autorité religieuse et même littéraire, qui a écrit le mot fameux et qu’on cite toujours quand il est question de l’Imitation : « L’Imitation est le premier des livres humains, puisque l’Évangile n’est pas de main d’homme. » Seulement rappelons-nous que, quand il grava cette ingénieuse inscription lapidaire pour les rhétoriques des temps futurs, il s’agissait de la traduction de monsieur son oncle, le grand Corneille, et que, sans cette circonstance de famille, l’Imitation lui aurait paru moins sublime. […] Le monde, puisqu’il s’agit de son goût pour une œuvre qui ne fut jamais faite pour lui, lit avec avidité l’Imitation, et ne veut pas lire l’Évangile, et les raisons de cela ne viennent pas de l’Imitation. […] Seulement, si nous n’entrons pas plus avant dans ce point de vue pratique, qu’il est impossible de ne pas ouvrir quand il s’agit d’un livre chrétien, il nous reste à connaître le côté littéraire de l’Imitation comme œuvre humaine, et nous allons l’examiner.

293. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Il s’agit de l’Etat. Il s’agit de la vie de la France. […] S’agit-il de donner une place de gouverneur dans quelque colonie ? […] S’agit-il de récompenser un éclatant service civil ou militaire ? […] Il ne s’agit pas, on l’entend bien, du doute, inséparable de la jalousie.

294. (1914) Une année de critique

Mais l’Écornifleur sait bien comment on se détermine à agir. […] Il ne se presse pas d’agir : quel diplomate ! […] Il s’agit de raccrocher le lecteur, et tous les moyens sont bons. […] Il devient redoutable parce qu’il agit. […] Et s’agit-il du faux-monnayeur allemand ?

295. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

« L’Empereur, parlant de Catinat, disait l’avoir trouvé fort au-dessous de sa réputation, à l’inspection des lieux où il avait opéré en Italie et à la lecture de sa Correspondance avec Louvois. » Napoléon ne le trouvait nullement comparable à Vendôme ; il eût dit de Catinat, servant sous ses ordres, ce qu’il disait de Saint-Cyr : « Saint-Cyr, général très-prudent. » Toute la manière de voir et d’agir de Catinat a été exposée au long par lui-même dans ses lettres confidentielles à son frère Croisilles ; il le fait dans une langue naïve et forte, un peu enveloppée, médiocrement polie, grosse de raisons, et qui sent son fonds d’esprit solide ; il faut en passer par là, si on veut le comprendre, et bien posséder son Catinat, nature originale et compliquée, un peu difficile à déchiffrer, et qui ne se laisse pas lire couramment : « Si je t’entretenais au coin du feu de notre campagne, disait-il à ce frère qui était un autre lui-même (31 octobre 1691), j’aurais bien du plaisir à te faire toucher au doigt et à l’œil ma conduite et les prévoyances que j’ai eues sur ce qui pouvait arriver, et comme il a fallu charrier droit pour faire aller la campagne aussi loin qu’elle a été, sans exposer tout le gros des affaires. […] Le bâton obtenu, il s’agissait de le justifier par quelque action d’éclat, et Catinat n’y manqua point en cette année même. […] J’ai été quatre ou cinq jours bourrelé et n’ai presque point dormi, ayant besoin d’efforts pour manger ; à quoi j’ai suppléé pour aliment en prenant quelques écuellées de lait pour apaiser le sang… » C’était pour un homme de cœur une position cruelle en effet que de se voir obligé d’attendre des renforts, des moyens d’agir, et de supporter cette infériorité évidente d’un air d’indécision et de timidité. […] Mais, ce qui était pis, Vauban, l’autorité même, Vauban semblait croire que Catinat aurait pu agir autrement et tenir le poste de La Pérouse ; il le disait à qui voulait l’entendre : « Je t’assure, écrivait Catinat à son frère, qu’il n’y a ombre de raison à ce dire, et qu’il aurait de la confusion de l’avoir avancé s’il était sur les lieux et qu’on lui dît de disposer ce poste pour être soutenu contre une armée qui a du canon… Je suis assurément rempli d’un grand fonds d’estime et d’affection pour M. de Vauban ; mais je voudrais bien voir jusqu’où iraient ses lumières et la tranquillité de son esprit, s’il était chargé en chef des affaires de ce pays-ci : je crois qu’il y serait pour le moins aussi fécond en inquiétudes qu’il l’était à Namur, où il était demeuré après la prise. » Catinat d’ailleurs n’en veut point à Vauban, et il trouve, pour l’excuser de ce léger tort à son égard, une belle explication amicale : « M. de Vauban est de mes amis ; sa franchise naturelle l’a surpris et l’a fait parler d’une chose qu’il a pensée et qu’il ne sait point, et avec peu de ménagement pour un homme qu’il aime ou qui est en droit de le croire. » Bien qu’endurci par l’expérience à tous les propos, Catinat était donc en ce moment fort fécond en soucis et des plus travaillés d’esprit ; toutes ses lettres adressées du camp de Fénestrelles à son frère nous ouvrent le fond de son âme : « Personne n’est à l’abri du discours, c’est un mal commun à tous ceux qui sont honorés du commandement : il faudrait que je fusse bien abîmé dans un esprit de présomption pour que je pusse imaginer que cela fût autrement à mon égard. […] « Nous aurons, écrivait-il au roi le 15 septembre, toutes les troupes que Votre Majesté a fait marcher (on attendait de jour en jour un renfort ) ; tout est rempli de désir et d’envie d’agir et de contribuer glorieusement au bien de l’État, et avec confiance a l’heureuse étoile de Votre Majesté. » C’est la seconde fois que je surprends Catinat parlant de l’étoile du roi ; il en avait déjà parlé après le prompt et heureux siège de Nice.

296. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

S’agit-il de l’acclimatation, s’agit-il de l’agriculture et de l’élève des bestiaux, s’agit-il des haras, lisez ce qu’en écrivent journellement dans leurs rapports les administrateurs intelligents et entendus qui possèdent leur sujet ; pour moi, s’il m’arrive parfois de jeter les yeux sur ces comptes rendus, je l’avoue, ils m’attachent, ils piquent mon attention, même d’écrivain ; ils enrichissent mon vocabulaire et ma langue en même temps qu’ils m’instruisent. […] D’où je conclus que, puisqu’il en est ainsi, et que la littérature critique (car il s’agit d’elle surtout) se trouve en présence d’un monde nouveau et d’un public qui n’est plus dans les conditions d’autrefois, qui n’est plus un cercle d’amateurs studieux, vibrant aux impressions les plus fines et les plus fugitives ; puisqu’elle-même serait bien embarrassée à ressaisir cette légèreté et cette grâce fondues dans la magie unique du talent, il y a nécessité pour elle de se renouveler d’ailleurs, de se fortifier par d’autres côtés plus sûrs, de ceindre courageusement ses reins comme pour une suite de marches fermes et laborieuses. […] Mais c’est de littérature après tout qu’il s’agit, et M. 

297. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Quand il faut agir de la tête autant que des bras, c’est son affaire. […] S’agit-il d’une bataille, d’un assaut, il dit les forces des deux partis, les ordres de bataille, les dispositions principales, les incidents décisifs. S’agit-il d’un conseil, rarement expose-t-il les discussions qui eurent, lieu. […] Je ne sais s’il y a une anecdote dans son livre : il faut qu’il s’agisse du marquis de Montferrat, pour qu’il nous détaille les circonstances de sa mort. […] Assurément il s’entendait à manier les âmes, ce bon maréchal de Champagne et Romanie, qui savait que, là où échouent tous les arguments, quand il s’agit de persuader ce que le devoir, la conscience et parfois l’intérêt réprouvent, le mot magique qui perce les cœurs et l’ait tout faire, c’est l’honneur, l’honneur qu’on définit : « rester avec les autres, ne pas dépecer l’armée » : en langage moderne, ne pas lâcher les camarades.

298. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

S’il s’agit du Condé de la Ligue ou du grand Condé, à la bonne heure ; ils sont assez considérables pour servir de centre à une histoire politique et militaire de leur temps. […] Il s’agit, en effet, de combiner, pour un but précis, des éléments multiples et qui soutiennent entre eux des rapports compliqués. […] Il s’agit, ici et là, d’avoir à la fois sous les yeux, de retenir en même temps dans le champ de son attention une grande quantité de mouvements accomplis et de mouvements projetés et leurs relations actuelles et futures. […] Il faut certainement un don spécial, une volonté, une confiance peu communes pour agir directement sur ces masses obscures. […] Ce qui fait la grandeur d’un général en chef, outre l’intelligence calculatrice et organisatrice qu’il doit posséder à un degré remarquable, c’est qu’il doit agir, et dans les conditions les plus terribles, les plus propres à paralyser la volonté.

299. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Non qu’il put s’agir de bilan — déjà La Duchesse bleue et Le Fantôme étaient annoncés, — mais précisément parce qu’il n’était question que d’une mise au point, on parut surpris de voir M.  […] Mais il y a en lui quelque chose qui, dès la première heure, lui fut propre ; et il s’agit de quelque chose de remarquable, ne serait-ce que son extraordinaire aptitude à subir des influences de l’ordre le plus élevé. […] Et il ne s’agit pas de cette morale, dont M. France aime redire qu’elle est toute personnelle et référente à chacun, et laquelle est des cabotins et des reîtres, de cette morale qui est l’intelligence facultative du mal et la science du présentable ; il ne s’agit pas d’elle, qui pourrait être également la somme des préjugés communs aux neuf dixièmes des hommes, et dont, d’ailleurs, un bon nombre se prélassent, comme déifiés dans les augustes écrins juridiques. Non, il ne s’agit pas d’elle, et M. 

300. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Mais si la littérature a de la sorte agi sur la vie du monde, elle en a bien davantage subi l’action ; elle doit même à cette influence un de ses caractères essentiels durant toute notre période classique. […] Il s’ensuit qu’en étudiant les effets littéraires de la vie mondaine, c’est une série d’influences à la fois aristocratiques et féminines qu’il s’agit de préciser. […] Feint-on de mépriser les douceurs dont il est prodigue, il répond, la bouche en cœur101 : « Il ne s’agit pas de compliments, Madame ; vous êtes bien au-dessus de cela, et il serait difficile de vous en faire. » N’essayez pas de l’empêcher de débiter ses sucreries ; vous n’y réussiriez pas. — « Tu peux te passer de me parler d’amour, dit Silvia. — Tu pourrais bien te passer de m’en faire sentir, répond Dorante. — Ahi ! […] « Oui, Monsieur, s’écrie Voltaire, un soldat peut répondre ainsi dans un corps de garde, mais non pas sur le théâtre, devant les premières personnes d’une nation, qui s’expriment noblement et devant qui il faut s’exprimer de même. » En vertu de ce système, s’agit-il de rendre un détail familier, mais nécessaire ; vite la périphrase académique accourt à la rescousse. […] Un salon n’agit point de même sur les intelligences, s’il est présidé par une grande dame ou par une bourgeoise, par une femme de vie régulière pu par une célébrité du demi-monde ; ceux qui fréquentaient chez Ninon de l’Enclos étaient certainement poussés en un autre sens que les hôtes habituels de la protestante Mme Necker.

301. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Sitôt qu’il était seul avec ses confidents, j’affectais de sortir par respect, et, quand je me trouvais obligé d’y rentrer, c’était toujours avec tant de circonspection que ma manière d’agir plaisait fort à mon maître, et ne donnait aucun ombrage à nos deux favoris (Sarasin et un M. de Chemerault). […] Pour devenir général, il ne s’agissait pour le prince que d’une chose, faire ce qui était le plus agréable à Mazarin, épouser une nièce ; cette première idée, dont Sarasin lui jeta la semence, ne manqua pas de lever en peu de temps : « Ce prince, ajoute Cosnac qui le connaît jusque dans le fond de l’âme, était homme d’extrémités, à qui il était facile d’inspirer les choses, pourvu qu’elles flattassent sa passion, que l’exécution en fût prompte, et qu’elle ne dépendît pas de son application et de ses soins. » Bien qu’il fallût ici beaucoup de suite et de négociations, le prince de Conti s’en remet sur ses domestiques du soin de mener à bien cette affaire ; et en attendant qu’il épouse une nièce et devienne général, en attendant même que, pour s’illustrer dans cette nouvelle carrière par un coup d’éclat, il appelle en duel le duc d’York (autre idée des plus bizarres qui lui était venue), il ne songe qu’à s’amuser à Pézenas où il a fait venir sa maîtresse de Bordeaux, Mme de Calvimont. […] Comme ils étaient prêts de jouer à la ville, M. le prince de Conti, un peu piqué d’honneur par ma manière d’agir et pressé par Sarasin, que j’avais intéressé à me servir, accorda qu’ils viendraient jouer une fois sur le théâtre de La Grange. […] Mme de Sévigné le peignait ainsi à sa fille quand il avait près de soixante ans : « L’archevêque (d’Aix) a de grandes pensées ; mais plus il est vif, plus il faut s’approcher de lui comme des chevaux qui ruent, et surtout ne rien garder sur votre cœur. » Le prince de Conti lui-même, un jour qu’il s’agissait d’emporter de vive force une grâce auprès du cardinal Mazarin et que Cosnac s’en chargeait, lui disait tout bas au départ : « Mais je vous défends les moulinets. » Il appelait ainsi les gestes de l’abbé et ses emportements. […] Le cardinal lui avait dit en lui remettant son brevet : « Cela s’appelle faire un maréchal de France sur la brèche. » Ce brevet reçu, Cosnac, qui n’était abbé que le moins possible, va trouver l’archevêque de Paris : « Le roi, lui dit-il, monseigneur, m’a fait évêque ; mais il s’agit de me faire prêtre. » — « Quand il vous plaira ! 

302. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Le bon sens est une grande chose, et Bossuet l’appelle « le maître des affaires », mais le petit sens est souvent pris pour lui, et ce petit sens, qu’on adore aussi sous le nom de sens commun, est souvent faux, quand il s’agit de juger les phénomènes de providence, les hommes et les faits historiques. […] Il ne s’agit que d’événements communs, de règlements de chancelleries, de diplomatie plus ou moins fine, de guerres régulières en douze temps, comme l’exercice, mais, quand il est question d’Attila, du maillet du Seigneur, comme disaient les moines, qui avaient le sentiment plus juste de leur époque que les écrivains du xixe  siècle, venus maintenant pour l’expliquer ; quand il est question du monde romain qui s’écroule sous cet effroyable maillet emmanché dans une si compacte masse d’hommes, il n’y a plus de Gibbon ni de Montesquieu qui puissent arracher le sens à cette exceptionnelle histoire ! […] Il est resté trop longtemps assis à l’ombre sérieuse de l’Histoire pour n’avoir pas le respect de ceux qui savent, quand il s’agit de la religion de l’Histoire même, puisqu’elle est une révélation. […] Après la révolution de 1830, quand (on peut le dire) on avait, dans des œuvres que tout le monde connaît, remué, pour ainsi parler, la couleur à la pelle, un grand historien, sans être pour cela un débauché de couleur, pouvait faire donner à la couleur tout ce qu’elle pouvait donner, lorsqu’il s’agissait de peindre et de ressusciter le temps le plus épique de notre histoire ! […] Amédée Thierry n’a pas le sens artiste dans une histoire où il ne s’agit pas uniquement d’être un correct et un assez propre écrivain.

303. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

Il s’agit des ressources qu’on peut trouver en soi après les orages des grandes passions ; des ressources qu’on doit se hâter d’adopter, si l’on s’est convaincu de bonne heure de tout ce que j’ai tâché de développer dans l’analyse des affections de l’âme. […] Les consolations de l’amitié agissent à la surface, mais la personne qui vous aime le plus, n’a pas, sur ce qui vous intéresse, la millième partie des pensées qui vous agitent ; de ces pensées qui n’ont point assez de réalité pour être exprimées, et dont l’action est assez vive cependant pour vous dévorer, excepté dans l’amour, où en parlant de vous, celui qui vous aime s’occupe de lui ; je ne sais comment on peut se résoudre à entretenir un autre de sa peine autant qu’on y pense ; et quel bien, d’ailleurs, en pourrait-on retirer ?

304. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Il ne s’agit pas de mentir et de masquer son ignorance d’une aventureuse assurance. […] Nous étant fixé un but, il s’agit de choisir la voie le plus rapide pour y atteindre, la plus sûre pour y conduire autrui : il ne faut pas, sous prétexte de franchise et de hardiesse, aller par les endroits où l’on est certain de se casser le cou.

305. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VII »

Jules Lemaître juge ainsi que du temps perdu les années passées au collège à « ne pas apprendre le latin »  ; mais il ne s’agit pas d’apprendre le latin : il s’agit de ne pas désapprendre le français.

306. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

Au lieu de rendre des arrêts par prétention, au lieu de se borner à omettre, dans un dictionnaire inconnu du public et déjà démodé quand il paraît, les mots de figure trop étrangère, elle agirait dans le présent, et les formes refusées ou bannies par elle seraient proscrites de l’écriture et du parler. […] Elle agirait dans le sens populaire, contre le pédantisme et contre le snobisme ; elle serait, en face des écorcheurs du journalisme et de la basse littérature, la conservatrice de la tradition française, la tutrice de notre conscience linguistique, la gardienne de notre beauté verbale112 .

307. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Vernet » pp. 227-230

S’il met des hommes en action, vous les voyez agir. […] Pour pallier l’ingratitude de son sujet, l’artiste s’est épuisé sur un grand arbre qui occupe toute la partie gauche de sa composition ; il s’agissait bien de cela !

308. (1927) Approximations. Deuxième série

De quoi s’agit-il ? […] On eût dit qu’il s’agissait de son propre corps. […] Nous agissions chacun de notre côté. […] Et lorsqu’il s’agit d’un poète, cette question du déchet a-t-elle en soi telle importance ? […] XXII : « Façons d’agir en 1830 », [Ibid.

309. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Sauf quand il s’agit de son frère Polynice, c’est vraiment tout. […] Libre à chacun d’agir à sa guise. […] Le Bidois. 1° Il s’agissait — M.  […] Il s’agit de variations psychologiques, de transformations morales. […] Mais il s’agissait d’un bon, de caractère aigri.

310. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

C’est que cette pensée de prendre position contre les États-Unis au Mexique ne devait pas être exclusivement française, mais européenne ; il fallait se consulter, se concerter, s’entendre franchement avant d’agir ; on ne l’a pas fait. […] On a cru qu’elle voulait simplement entraîner ses deux alliés dans une guerre d’intervention uniquement française et monarchique, au lieu de combiner avec Londres et Madrid une démarche armée désintéressée, européenne, et a pour cela été redoutée et abandonnée ; or, de deux choses l’une : ou la France était sincère et elle ne voulait agir que dans l’intérêt commun, et alors il fallait s’expliquer nettement d’avance et n’agir qu’après un concert diplomatique et militaire européen à égal emploi de forces, qui ne donnât motif à aucune plainte de réticence et de défaut de franchise contre son intervention ; ou la France, voulant agir seule, devait agir avec des forces françaises dignes d’elle, et ne pas débuter par planter son drapeau protecteur au Mexique avec une poignée d’hommes héroïques, mais abandonnés de leurs auxiliaires, et insuffisants à l’accomplissement de sa pensée. […] La France y ramènera par sa loyauté mieux prouvée l’Angleterre et l’Espagne, ou bien elle agira seule avec des forces prépondérantes ; l’Amérique espagnole sera protégée, les États-Unis seront réprimés, l’Espagne et l’Angleterre seront ramenées, et cette grande entreprise sera l’honneur de ce siècle en Europe et l’honneur de la France dans l’Amérique espagnole. […] Audubon, c’est l’écrivain dont il s’agit, aurait été partout ailleurs un grand philosophe, un grand orateur, un grand poète, un grand homme d’État, un J. […] Il s’agissait de châtier les assassins.

311. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

L’appétit n’est pas suspendu dans l’empyrée des intellectualistes, il est incorporé ; il se déploie et agit au beau milieu de l’océan matériel. […] Vivre, c’est désirer ; désirer, c’est agir ; agir, c’est mouvoir ; mouvoir, c’est déplacer des corps dans l’espace au moyen d’une transformation d’énergie. […] — Mais, d’abord, c’est seulement de l’expérience externe qu’il s’agit ; de plus, beaucoup de kantiens n’admettent l’extensivité que pour la vue et le toucher. […] Quand il s’agit d’objets assez petits pour être tout entiers enserrés d’une main, les impressions cutanées de résistance se disposent automatiquement en forme sphérique ; il y a là une impression totale et finale sui generis, qui est celle de la solidité. […] En poussant de la main un objet dont nous sentons la surface résistante, nous agissons selon la troisième dimension, et cette action nous la révèle.

312. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Elle agit trop pour les comprendre. […] Mise debout sur l’industrie (qui oserait écrire le mot : assise, quand il s’agit de la nation américaine ?) […] La manière d’agir sur l’esprit du lecteur ne tient pas, chez Edgar Poe, à la partie extérieure des choses, à la mise en scène de son drame ou à la poignante expression qui double la force de la pensée. […] Jupiter finit par obéir, il monte… et se perd bientôt dans la cime. — Monte jusqu’à la septième branche, — dit Legrand. — Il s’agit d’avancer sur cette branche aussi loin que tu le pourras. […] , il n’est pas complètement libre d’agir d’une autre manière.

313. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Il s’agissait de couper isolément un filet du nerf sympathique afin d’examiner si cette opération amènerait un abaissement de la température des parties. […] L’abaissement de température agit d’une manière inverse. […] Jusqu’ici nous vous avons entretenu de sa production et des diverses influences qui agissent sur elle. […] En voici un exemple ; il s’agit de la nature intelligente visant partout à l’unité dans ses créations. […] Le rein agit ici simplement comme éliminateur.

314. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Il s’agissait avant tout de lier l’île d’Ibiza à la côte d’Espagne par un triangle dont le sommet fût dans l’île et la base sur le continent, et, pour cela, il fallait établir à Ibiza des signaux qui fussent visibles des sommets choisis sur la côte. […] Cette partie tout aventureuse de la narration se couronne par un trait imprévu et délicat, tel que sa plume n’en aura pas toujours : il s’agit simplement de la mort d’une gazelle, compagne de la traversée et délassement de la quarantaine ; elle appartenait au principal passager, M.  […] Il n’était pas de ces savants qui s’isolent et se contentent de cultiver durant la sérénité des nuits la muse austère et silencieuse de Newton ou de Pythagore : nature méridionale fortement accusée, il avait besoin d’agir immédiatement sur le public, de le servir et d’en être entouré, d’en recevoir un contrecoup d’applaudissement et de louange en retour des utiles et faciles enseignements qu’il était toujours prêt à lui prodiguer. […] Lorsqu’il s’agit d’un savant qui s’est distingué dans les sciences physiologiques ou naturelles, la difficulté est grande, mais elle est plus de nature à être vaincue ; il y a toujours moyen pour le talent ingénieux et habile (nous en avons des preuves) de trouver des expressions qui traduisent le genre de mérite du mort et donnent à tous quelque idée de ses travaux.

315. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Ministre de l’intérieur dès les premiers jours d’août 1830, il avait eu à choisir entre les deux politiques rivales, et il avait pris parti aussitôt : « Par instinct comme par réflexion, dit-il, le désordre m’est antipathique ; la lutte m’attire plus qu’elle ne m’inquiète, et mon esprit ne se résigne pas à l’inconséquence. » Il avait donc planté intrépidement son drapeau sur la brèche qu’on réparait ; il avait professé rigoureusement sa doctrine, plus rigoureusement même qu’il n’était besoin en saine politique ; car, après tout, il s’agissait du salut social dans le sens de la bourgeoisie, et l’essentiel était d’y atteindre, encore plus que de le proclamer. […] N’oublions pas qu’il s’agissait de la bourgeoisie à discipliner, à rallier et à grouper pour la défense commune : si, au lieu de la tenir unie, on la choquait par le ton trop absolu, par la hauteur et la rigueur de la forme, par un certain ensemble d’idées trop logiques pour elle et qu’on poussait à outrance, si on la désaffectionnait enfin, qu’avait-on gagné ? […] Molé devait tôt ou tard laisser voir sa faiblesse au sein des Chambres, pourquoi devancer l’heure, brusquer l’opinion et former contre lui cette entreprise générale où l’on apporta pour l’abattre le feu et la hache, comme s’il s’agissait d’un grand chêne, et comme si la nouvelle monarchie elle-même, tout à côté, était assez enracinée déjà pour n’en pas ressentir le contrecoup ? […] Il s’agit de la brochure qui a pour titre : L’Église et la Société chrétiennes en 1861.

316. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Agir est la fin de l’homme, et le prix de bien agir est donné par l’estime des hommes et de la postérité. […] Palissot, médiocre auteur et assez plat personnage, fit plus de bruit, ayant agi par le théâtre : instrument d’une pieuse coterie, il fit jouer en mai 1760 ses Philosophes, où Diderot, Rousseau, Mme Geoffrin étaient personnellement ridiculisés, où Helvétius, Duclos étaient attaqués dans leurs œuvres. […] Il marqua dans son prospectus, qu’« en réduisant sous la forme de dictionnaire tout ce qui concerne les sciences et les arts, il s’agissait de faire sentir les secours mutuels qu’ils se prêtent, d’user de ces secours pour en rendre les principes plus sûrs et leurs conséquences plus claires ; d’indiquer les liaisons éloignées ou prochaines des êtres qui composent la nature, et qui ont occupé les hommes, … de former un tableau général des efforts de l’esprit humain dans tous les genres et dans tous les siècles ».

317. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Ainsi on en vient à agir au gré d’une sensibilité que l’on croit avoir et que l’on n’a pas. […] Il s’agit pour lui de se déguiser à sa propre vue derrière un masque de supériorité. […] Sitôt qu’ils sont parvenus à s’unir voici les snobs dispensés d’agir, car ils n’ont recours pour réaliser leur illusion qu’à la foi qu’ils se dispensent les uns les autres, et, qui cherche à justifier sa valeur par des œuvres n’est point des leurs. […] S’agit-il de se convaincre que l’on possède, au lieu de la distinction suprême du bon ton, la supériorité de l’esprit, les procédés ne sont pas empreints d’une moindre niaiserie ni ne sont d’un emploi plus difficile.

318. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

S’il s’agit surtout d’une science toute jeune, et qui commence à peine à se constituer en science positive, de la science la plus complexe et la plus délicate d’entre les sciences physiques, de celle qui nous touche de plus près, puisque par un côté elle confine à la médecine, par l’autre à la psychologie et à la morale, on attachera plus d’importance encore à cette entreprise. […] Sans doute, lorsqu’il s’agit de la théorie abstraite de l’induction ou de la déduction, la philosophie est sur son propre terrain, et elle seule peut accomplir cette œuvre difficile ; mais, lorsque, passant du sujet à l’objet, elle cherche à quelles règles ces procédés doivent obéir pour discerner la vérité dans telle ou telle science, quels sont en mathématiques les principes de la méthode analytique, en physique ceux de la méthode expérimentale, la philosophie ne peut plus alors se passer du concours des sciences ; et, sur ce terrain pratique, les savants seront nécessairement les meilleurs logiciens. […] Il s’agit de savoir si le philosophe n’est jamais que la mouche du coche, résumant sous une forme vague et abstraite les solides découvertes des savants, ou s’il est, non pas sans doute un révélateur tombé du ciel sans précédents et sans contemporains, mais au moins un précurseur anticipant sur l’avenir, et généralisant d’avance ce que la science positive réalisera et démontrera. […] Reid et d’Alembert, très-ennemis des hypothèses, supposent toujours qu’il s’agit de conjectures absolument gratuites, sans aucun fondement dans l’expérience.

319. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

L’homme sait qu’il agit en vertu, j’oserais le dire, d’une délégation du Créateur ; et c’est cela seul qui fonde le précepte d’honorer son père et sa mère. […] Pendant que les uns agissent, les autres prient ; et ceux qui prient remplissent aussi un ministère public. […] Il ne s’agit plus de discuter les avantages et les inconvénients de l’état social, puisque l’homme ne peut exister que là. […] Il ne s’agit point de ressusciter l’esclavage des anciens, ni la féodalité du quatorzième siècle.

320. (1903) Considérations sur quelques écoles poétiques contemporaines pp. 3-31

C’est qu’il ne s’agit pas là, comme on s’est plu à le répéter trop souvent, d’une simple question de phrases à écrire en lignes plus ou moins égales, mais bien de l’inspiration même. […] Villon, Marot, Louise Labé, agissent ainsi. […] Il ne s’agit pas d’ailleurs de faire succéder aveuglément une rime masculine à une rime féminine. […] Il ne s’agit pas, sans doute, de l’employer à tout coup, mais encore faut-il qu’on en ait, de temps à autre, la possibilité.

321. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Chaque jour, il note ce qu’il a fait dans telle circonstance et ce qu’il aurait dû faire où éviter, étant donné les desseins qu’il poursuit et que nous verrons tout à l’heure, Pour lui, s’analyser, c’est agir. […] En s’observant toujours pour mieux agir, il n’agissait plus que faiblement.

322. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Plus l’homme se développe par la tête, plus il rêve le pôle contraire, c’est-à-dire l’irrationnel, le repos dans la complète ignorance, la femme qui n’est que femme, l’être instinctif qui n’agit que par l’impulsion d’une conscience obscure. […] Quant au second Empire, si les dix dernières années réparèrent un peu le mal qui s’était fait dans les huit premières, il ne faut pas oublier combien ce gouvernement fut fort lorsqu’il s’agit d’écraser l’esprit, et faible lorsqu’il s’agit de le relever.

323. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

je n’y toucherais pas s’il ne s’agissait de donner l’idée exacte du temps présent par une de ses publications, et si je ne voyais derrière M.  […] Mais il ne s’agit plus ici ni de M.  […] Ce qu’on entend maintenant, ce qu’il est impossible de ne pas entendre, c’est la grande voix de la Société moderne tout entière, qui passe de bien haut par-dessus cette tête de Soury, et qui, si elle ne dit pas les mêmes choses, identiquement les mêmes choses, — car chacun a sa spécialité d’injures quand il s’agit d’insulter le Christianisme, — dit des extravagances et des impiétés équivalentes, et, dans tous les cas, est disposée à tout entendre, à tout applaudir et à tout accepter.

324. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

Ce n’est pas, effectivement, au xixe  siècle, qu’on peut se contenter d’un chef-d’œuvre de narration sincère quand il s’agit d’un saint, c’est-à-dire d’un de ces phénomènes auxquels on ne doit croire qu’à la dernière extrémité. […] La conscience, même à ce point de vue de la beauté, est aussi puissante que le génie, et, comme elle appartient à tous, il ne s’agit que d’y descendre pour en rapporter des choses qui équivalent à du génie et rétablissent l’égalité entre les hommes par la vertu… C’est là ce qui faisait du pauvre curé d’Ars (il faut bien le dire !) […] Voyez-le agir !

325. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Pour cette raison, l’idée du « sens moral et commun révélé par les lois de notre entendement » que je trouve sous sa plume, je la connais, et puisqu’il s’agit de la vérité, je ne suis pas honteux de dire qu’elle m’épouvante. […] Assurément, il ne s’agit point ici du christianisme du Dr Athanase Renard, qui soumet respectueusement son livre à l’examen et à la décision de l’Église, mais il s’agit de la rigueur d’une définition nécessaire, si elle n’est pas impossible… Et puisque le Dr Athanase Renard s’est donné le noble but de ramener la Philosophie à la Métaphysique chrétienne, il ne doit la ramener que par des moyens métaphysiquement chrétiens.

326. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Quoique le romancier voie les réalités, et, quand il s’agit de les nommer, ne barguigne pas, le cynisme de ce terrible Richepin, qui ne craignait pas autrefois d’être cynique, qui n’hésitait jamais devant l’expression et se jetait à corps perdu sur elle, n’a plus guères, dans tout ce livre, que quelques traits fort rares, et encore le romancier ne s’y arrête pas, ou, s’il les ose, le croiriez-vous jamais ? […] Mais il ne s’agit pas de ce que j’aime ou de ce que je déleste. Il s’agit de juger le talent, en dehors des préférences de la pensée.

327. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 79-87

Oui, sans doute, continue le Député ; mais ce n’est pas de quoi il s’agit. […] Pourquoi faites-vous flageller par des Prêtres d’Eleusine, les Pénirens, & les Initiés, tandis qu’il ne s’agit dans le passage de Pausanias, que vous avez cité pour preuve, que de petites baguettes, avec lesquelles les Prêtres frappoient, dans les cérémonies, non les Initiés & les Pénitens, mais les Images des Dieux des Enfers, parce que ces Dieux retenoient Proserpine ?

328. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VI »

Voici des mots, avec leur état en italien : Thyrse Tirse Tirso Porphyre Porfire Porfirio Nymphe Nimfe, Ninfe58 Ninfa Zéphyr Zéfir Zèfiro Zèffiro Saphique Safique Saffico Symphyse Sinfise, Simfise Sinfisi Sympathique Sinpatique Simpatico Typographie Tipografie Tipografia Orthographe Ortografe59 Ortografia Esthétique Estétique Estetica Technique Tecnique Tecnico Thrasybule Trasibule Typhon Tifon Tifone Polythéisme Politéisme Politeismo Philosophie Filosofie Filosofia Phosphore Fosfore Fosforo Phtisie Tisie Tisi Gymnosophiste Gimnosofiste Ginnosofista Hydrophobie Hidrophobie60 Idrofobia Hydrothérapie Hidrothérapie Idroterapia Ichthyophage Ictiofage Ittiofago Isthme Isme Ismo Asthme Asme Asma Kilogramme Quilogramme Chilogrammo61 Lycanthropie Licantropie Licantropia Métaphysique Métafisique Metafisica Mythologie Mitologie Mitologia Ophthalmie Oftalmie Oftalmia Autochtone Autoctone Autoctono Chlorose Clorose Clorosi Chrysanthème Crisantème Crisantemo Christianisme Cristianisme Cristianismo Cynocéphale Cinocéfale Cinocefalo Syllabe Sillabe Sillaba Dithyrambe Ditirambe Ditirambo Ecchymose Equimose Ecchimosi Euphrosyne Eufrosine Eufrosina Phrase Frase Frase Thym Tym62 Timo On voit qu’il s’agit seulement de franciser des mots insolites63, de les achever au moyen de retouches, de les polir par le sacrifice de quelques excroissances. […] Il ne s’agit pas des savants qui étudient la phonétique 65.

329. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

N’agit-elle pas déja sensiblement sur l’esprit des hommes en rendant la temperature des climats aussi differente qu’on la voit en differens païs comme en differentes années ? […] Je réponds en premier lieu, fondé sur tout ce que j’ai dit précedemment, que la cause qui est assez puissante pour agir sur les cerveaux de toute espece, peut bien n’être pas assez efficace pour altérer la stature des corps.

330. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler » pp. 103-111

Quoiqu’il en soit, supposé qu’il fallut entendre le terme de chanter au propre, quand il s’agit du chant des choeurs, il ne s’ensuivroit pas qu’il fallut entendre ce mot dans la même acception où il s’agit des recits.

331. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Enfin l’occasion d’agir se présente. […] L’activité de l’esprit, quand il s’agit de création poétique, ne peut être que l’activité d’un esprit ; le rythme psychique ne peut être que le rythme, la loi de développement d’une âme. […] Dans la nature, tout se fait par transition avec une remarquable continuité d’effort ; qu’il s’agisse du développement de la vie depuis la première cellule organisée jusqu’à l’âme du plus puissant génie, ou qu’il s’agisse du développement de la première intuition du poème jusqu’à son achèvement intégral, la Nature procède de même, par un travail ininterrompu et progressivement continu. […] L’instinct qui guidait ces réformateurs, s’il eût été tout à fait conscient, eût été celui-ci : une langue a une tradition ; pour agir fortement sur cette langue, il faut comprendre la tradition à laquelle elle obéit. […] Comprenons ses lois profondes et agissons d’après ces lois.

332. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Que la morale soit la constitution et le code, voilà les hommes forcés de s’entendre, forcés de faire concourir leurs efforts, forcés d’agir « en harmonie » au lieu d’agir en incohérence. […] Les hommes forcés de s’entendre, forcés d’agir harmonieusement ! […] Sans elle l’homme n’agit pas, ou agit si mollement que proprement il ne fait rien. […] Car, homme d’action surtout et voulant agir immédiatement, il cherchait quelque chose avec quoi il pût agir. […] Il ne s’agissait pas de regarder, mais de fonder.

333. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Mais il ne s’agit pas d’estomac ; il s’agit d’impiété. Il s’agit de jouer contre Dieu de la mâchoire, comme Samson en joua contre le Philistin, fût-ce sans la vigueur de Samson. […] Ils l’ont peint en le faisant agir. […] Mais, avec M. de Goncourt et le procédé simplificateur de sa préface, il ne s’agit que de mettre ces premiers troubles et ces premières rougeurs sous pli cacheté, à la poste et à l’adresse de M. de Goncourt, chez M.  […] Pourquoi, puisqu’il s’agissait d’éclairer le type de la grande comédienne, ne lui a-t-il pas donné, avec le génie de l’actrice, l’âme d’Adrienne Lecouvreur ou de madame Sainte-Huberti ?

334. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Essayez, un moment, de vous intéresser à tout ce qui se dit et à tout ce qui se fait, agissez, en imagination, avec ceux qui agissent, sentez avec ceux qui sentent, donnez enfin à votre sympathie son plus large épanouissement : comme sous un coup de baguette magique vous verrez les objets les plus légers prendre du poids, et une coloration sévère passer sur toutes choses. […] Elle trempe sa plume dans l’encrier et en retire de la boue, croit s’asseoir sur une chaise solide et s’étend sur le parquet, enfin agit à contresens ou fonctionne à vide, toujours par un effet de vitesse acquise. […] Quand nous parlons d’une beauté et même d’une laideur expressives, quand nous disons qu’un visage a de l’expression, il s’agit d’une expression stable peut-être, mais que nous devinons mobile. […] Seulement, quand il s’agit de la mode actuelle, nous y sommes tellement habitués que le vêtement nous paraît faire corps avec ceux qui le portent. […] L’être vivant dont il s’agissait ici était un être humain, une personne.

335. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Après quelques années d’exercice on s’y habitue ; il ne s’agit que d’être en représentation permanente. […] Quand il s’agit « d’espèces », comme les favoris et les bâtards, il est intraitable. […] Ne pouvant agir, il écrivit ; au lieu de combattre ouvertement de la main, il combattit secrètement de la plume. […] Saint-Simon se figure le détail précis, les angles des formes, la nuance des couleurs, et il les note avec une netteté de peintre ou de géomètre ; je cite tout de suite, pour être précis et l’imiter ; il s’agit de la Vauguyon, demi-fou, qui un jour accula madame Pelot contre la cheminée, lui mit la tête en ses deux poings, et voulut la mettre en compote. […] Il s’agit de la conduite du duc de Bourgogne après la mort de sa femme.

336. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Espérons que les habitués savent de qui il s’agit. […] Il ne s’agit que de s’entendre. […] Il ne s’agit que d’interprétation. […] De qui croyez-vous qu’il s’agisse ? […] Il s’agit de juger les œuvres, et de mesurer les valeurs.

337. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Mais ce n’est pas, pour aujourd’hui, du moment actuel qu’il s’agit, il s’agit de l’avenir. […] Le sourd désir de revanche agit, d’abord, dans les demi-ténèbres de l’inconscient. […] Il en est peu parmi nous qui n’eussent agi à peu près comme il a fait. […] Ne croyez pas que les pouvoirs agissent dans leur intérêt tant que cela. […] C’est qu’il ne s’agit pas d’écraser l’Autriche, il s’agit simplement de la mettre en dehors de l’Allemagne.

338. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il ne s’agit donc pas d’avoir reçu de la société mission de faire tels ou tels actes. […] Dans tous les cas, elles agissent l’une sur l’autre. […] Pourquoi le littérateur n’agirait-il pas de même ? […] Tant qu’un homme respire, il peut agir, s’il veut n’agir que pour lui seul et sans aucun souci de la figure extérieure de ses actes et du jugement porté sur eux. […] Mais s’appliquerait-il davantage à aucun homme ayant écrit, c’est-à-dire ayant agi ?

339. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 4. Physionomie générale du moyen âge. »

« Le grand événement de la vie, dans cette conception, c’est le péché, il s’agit de l’éviter ou de l’expier. » La religion l’enseigne : mais de son enseignement, trop haut, trop spirituel pour ces rudes âmes, on ne saisit que l’extérieur, les pratiques, tout ce qui est observance matérielle, acte physique. […] Cependant, si elle ne peut encore éveiller les âmes à la vie spirituelle, à la pacifique poursuite de la perfection intérieure, la religion agit puissamment, salutairement, comme un frein.

340. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemercier, Népomucène Louis (1771-1840) »

Lemercier, c’est de représenter le poète comique conduisant une intrigue réelle, faisant agir des personnages et les peignant à mesure qu’ils agissent.

341. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Il ne s’agit pas de catégories rigides et factices, mais bien d’un fait psychologique, à interpréter, dans chaque cas particulier de la réalité, avec la prudence et la délicatesse que la psychologie exige partout. […] Qu’il s’agisse donc des formes, des sujets ou de l’inspiration lyrique, épique ou dramatique, j’aboutis toujours au résultat de mes conclusions générales : la liberté disciplinée. […] Laissez cette force agir, créer, s’emballer mime, et votre œuvre d’art aura atteint le maximum d’effet. […] Ou bien la connaissance d’autres ères, en d’autres pays, nous prouverait-elle qu’il s’agit ici d’une rencontre fortuite ? […] Et notez que le « genre » dont il s’agit ici est la Tragédie, laquelle, selon moi, n’est qu’une forme du genre dramatique.

342. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Il s’est agi du navire de Tristan. […] Il ne s’agit pas d’imiter le compositeur dont l’œuvre est typiquement allemande, mais de s’inspirer de sa nouvelle conception de l’art pour créer une œuvre originale. […] Wagner a ouvert une voie à l’art qu’il s’agit d’explorer de façon originale. […] Il s’agit de l’article fondateur de Baudelaire : « Richard Wagner et Tannhäuser à Paris » (Revue européenne, 1er avril 1861) et celui de Jules Chamfleury : « Richard Wagner », in Grandes figures d’hier et d’aujourd’hui, (Poulet-Malassis et de Broise, 1861). […] Il s’agit pour Dujardin d’une francisation comme il le déclare dans le numéro d’octobre 1885 de la Revue wagnérienne.

343. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Nous sommes donc dans une période de vie linguistique et peut-être à un moment très critique, car il s’agit de savoir si le peuple d’aujourd’hui a assez de souplesse et de curiosité d’esprit pour suivre une évolution qui se fait au-dessus de lui et que nos gérontes et nos mandarins lui cachent avec une jalousie de censeurs et de jésuites. […] Mais il s’agit de la langue plus que de la littérature, de l’instrument et non des œuvres de l’ouvrier, et je voudrais rechercher, puisque l’occasion s’en présente119, si l’instrument est toujours bon, et si, parmi ce que M.  […] Il ne s’agit pas de contester l’usage (l’usage est comme l’âme et la vie des mots, dit encore Vaugelas), ni de donner de pernicieux conseils : l’Anonyme a toujours raison ; il s’agit seulement de montrer que la déformation est beaucoup moins capricieuse que ne le croient les professeurs d’orthographe. […] J’ai entendu cette phrase : « Vous avez agi d’une façon cruche. » Le substantif qui implique une idée de qualité, de manière d’être, tend naturellement à devenir un adjectif ; c’est le passage du particulier au général. […] Il s’agit de cuisine.

344. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Ce qui fait que, en général, on ne lit point ce poème et qu’on a raison de ne point le lire, c’est que La Fontaine avait été invité, évidemment, par un de ses grands protecteurs ou une de ses aimables protectrices, à faire l’éloge du Quinquina, parce que c’était une question du jour, parce que c’était un accusé à défendre, ou parce que c’était un arriviste, légitimement arriviste, et qu’il s’agissait de faire parler de lui, le Quinquina étant très discuté, très contesté. […] Voyez-vous, le sujet est religieux, et quand il s’agit d’un sujet religieux, La Fontaine n’est pas en possession absolue de tous ses moyens. […] Il la retrouve — naturellement — quand il s’agit d’une fable à introduire dans le poème. […] Je pense qu’il s’agit de Pyrame et Thisbé dont la Parque a fauché les jours. […] Il s’agit de deux amants qui, au moment d’entrer dans le port, ont eu le malheur d’être frappés par le ciel.

345. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Vous voyez dès à présent comment j’oriente la question : il s’agit de comparer directement des horloges voisines, de constater des événements voisins, d’observer une simultanéité d’indications d’horloges au même lieu. […] S’il s’agit d’un train qui se meut sur la voie, on consent à parler de réciprocité tant que le mouvement reste uniforme : la translation, dit-on, peut être attribuée indifféremment à la voie ou au train ; tout ce que le physicien immobile sur la voie affirme du train en mouvement serait aussi bien affirmé de la voie, devenue mobile, par le physicien devenu intérieur au train. […] Alors, quand on nous parle des « modifications subies par une horloge dans un champ de gravitation », s’agit-il de l’horloge réelle perçue dans le champ de gravitation par un observateur réel ? […] S’agit-il du Temps réel, des horloges réelles que percevait tout à l’heure l’observateur réel placé dans ce qui lui apparaissait comme un champ de gravitation ? […] Il s’agit d’horloges qu’on se représente en mouvement, et elles ne peuvent être représentées en mouvement que dans l’esprit d’un observateur censé à son tour immobile, c’est-à-dire extérieur au système.

346. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Aujourd’hui il s’agit d’un romancier, d’un conteur, dont le nom, fort en estime dans son pays, n’avait guère encore percé en France. […] La nouvelle dont il s’agit débute d’une manière très-originale. […] Il s’agit bien vite pour le vieux Tarass, tout fier des jeunes recrues qui lui arrivent, d’initier les deux écoliers émancipés à la vie cosaque, aux travaux guerriers, et, au sortir d’un festin copieux comme on en verra tant, il est décidé que lui-même les conduira dès le lendemain vers la setch.

347. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Et cependant il y a de tels hasards dans les talents, il y a de tels ressorts dans ces imaginations de poëtes, que j’aurais aimé, chez l’éminent critique, à trouver, au milieu des sévérités que j’embrasse, un mot d’exception en faveur de quelques passages du IXe livre, et notamment des discours de Labiénus et de Caton, quand il s’agit de consulter ou de ne pas consulter l’oracle de Jupiter Ammon sur l’issue des choses, sur les destinées de César et de la patrie. […] Il s’agit dans un dernier chapitre de juger le meurtre de César et d’en apprécier la moralité : « Certes César, s’écrie l’historien comme s’il ne pouvait plus se contenir, avait trop bien mérité les vingt-trois coups de poignard qui l’étendirent sans vie aux pieds de la statue de Pompée et du Sénat asservi par lui. […] Mais vous êtes donc bien assuré des effets de votre éloquence, ô voix d’Orphée, pour croire qu’on peut ainsi soulever et enflammer les courroux, dire à ces vingt-trois poignards leurs motifs d’agir, et tout d’un coup dans une seconde partie oratoire ou philosophique, les arrêter, les suspendre, les faire rentrer tous dans la gaîne comme par enchantement !

348. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Il s’agit pour les morales de faire jouer à l’individu le rôle du « guillotiné par persuasion ». […] On suppose ce qui est en question, en établissant que le véritable intérêt, que le vrai bonheur d’un individu consiste à faire ce qui est utile à la société ; et partant de là, on déclare que tout individu qui agit différemment ne recherche qu’un faux bonheur et qu’il faut l’empêcher de nuire ainsi aux autres et à lui-même. […] Contre les visées sociocratiques des morales, la protestation de l’individu qui veut être lui-même, qui veut tirer de lui-même ses sentiments et ses raisons d’agir et non les demander à des croyances religieuses ou à des impératifs sociaux, la protestation de l’individualité peut prendre deux formes. — Il y a un individualisme négatif qui est l’immoralisme pur et simple, la négation de toute idée morale considérée comme un préjugé destiné à asservir l’individu.

349. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Faire la critique de ces passages caractéristiques, c’est évidemment être encore de compagnie avec le génie qu’il s’agit de comprendre, c’est employer la méthode des physiologistes modernes qui étudient les fonctions organiques dans leurs perturbations afin de les mieux reconstituer à l’état normal. […] N’est-il pas étrange devoir des critiques qui se font si larges pour comprendre la littérature étrangère devenir tout à coup intolérants dès qu’il s’agit d’un génie français, qui peut ne pas avoir toute la mesure, le bon goût et le bon ton national, ne plus lui pardonner le moindre écart et le condamner au nom de tout ce qu’on excuse chez d’autres ! […] En somme, ce ne sont point les lois complexes des sensations, des émotions, des pensées mêmes, qui rendent la critique d’art si difficile ; on peut toujours, en effet, vérifier si une œuvre d’art leur est conforme ; mais, lorsqu’il s’agit d’apprécier si cette œuvre d’art représente la vie, la critique ne peut plus s’appuyer sur rien d’absolu ; aucune règle dogmatique ne vient à son aide : la vie ne se vérifie pas, elle se fait sentir, aimer, admirer.

350. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Il paraît, par le discours du lion, qu’il en agit de très-bonne foi, et qu’il se confesse très-complettement. […] Des députés… Otez des huit vers suivans ces mots de Rats, Chats, Ratopolis, vous croiriez qu’il s’agit d’une grande république, et que c’est ici une narration de Vertot ou de Rollin. […] La Fontaine est toujours animé, toujours plein de mouvement et d’abondance, lorsqu’il s’agit d’inspirer l’amour de la retraite, de la douce incurie, de la médiocrité dans les désirs.

351. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Plusieurs ont compris qu’il s’agissait de savoir s’il y avait simultanéité dans la manifestation des facultés humaines, ou s’il y avait succession. […] Ici, il faut être juste, la patience échapperait s’il ne s’agissait pas de répondre à un homme qui fut si éclairé, et que la religion de l’amitié prend sous sa sauvegarde ; la patience échapperait, car c’est encore l’événement que j’ai retracé, mais mal saisi, mal raconté, mal caractérisé. […] Fabre d’Olivet avait dit ailleurs : « Il n’y a rien de conventionnel dans la parole. » Oui ; mais une loi existe, et il s’agit de savoir s’il est possible de la découvrir.

352. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Au lieu de s’astreindre aux conditions de temps et d’espace qui enserrent l’histoire comme la vie, il fait l’aigle, s’abat où il lui plaît, prend l’histoire où il veut la prendre, et procède même méthodiquement, comme Montesquieu, quand il s’agit de la Civilisation occidentale, la seule qu’il sache ou qu’on sache bien, dans l’état actuel des connaissances historiques auxquelles, par son livre, il n’ajoute, certes ! […] Avec son titre, qui n’est qu’une jonglerie, ce livre fait croire à une étude sur les civilisations en général, — ce qui serait une grande entreprise ; mais quand sous ce titre, pipé comme un dé, ce titre menteur, écrit impudemment en grosses lettres : études sur les civilisations, on passe au sous-titre, écrit en lettres frauduleusement petites, on s’aperçoit qu’il ne s’agit seulement que des civilisations de l’ancienne Amérique et pas plus ! […] Puisqu’il s’agissait de civilisations, le libre penseur se serait bien gardé de toucher à la seule qu’il y ait dans le monde, — la civilisation chrétienne, — car toutes les autres ne sont que des barbaries, policées peut-être à la peau, mais, pour peu qu’on gratte, atroces, abominables et immondes jusqu’au fond du sang de leurs veines !

353. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Avant de légiférer pour son propre compte et en son privé nom, il nous a donné, en abrégé, l’histoire du duel en France, et cette histoire démontre, à toute page, l’inanité des législations quand il s’agit de changer et de modifier des mœurs toujours victorieuses d’elles… L’esprit moderne, dont la manie est de croire aux constitutions, qui sont les créations de son orgueil et que le vent de cette girouette a bientôt emporté, l’esprit moderne, qui méprise si outrageusement et si sottement le passé, apprend ici, une fois de plus, que tout dans l’histoire ne se fait pas de main d’homme, et que les coutumes ne s’arrachent pas du fond des peuples comme une touffe de gazon du sol… Saint-Thomas, dont le bon sens (heureusement pour lui) ne me fait point l’effet d’être dévoré par l’esprit moderne, semble l’avoir compris. […] Quand il s’agissait de l’honneur, on n’économisait pas sa vie, on ne la gardait pas pour le service exclusif du pays, et même en face de l’ennemi les officiers et les soldats de la République se battaient très bien entre eux, comme les officiers et les soldats de la Monarchie. […] C’est enfin, comme le code du comte de Châteauvillars, dont il invoque parfois l’autorité, un essai de moralisation par une organisation supérieure de cette institution primitivement barbare du duel, qu’il s’agit, pour l’honneur de la civilisation, de civiliser.

354. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

prononçant, chacune à sa manière, l’une avec des lèvres d’airain comme ses trompettes, l’autre avec des lèvres harmonieuses comme les flûtes de ses artistes, ce mot de liberté qui donne le délire à l’esprit humain, elles devaient toutes deux, la Grèce et Rome, en leur qualité seule de Républiques, agir puissamment sur les esprits, lassés de féodalité, de monarchie, de gouvernement, et dressés à la révolte par une philosophie ignorante de l’Histoire. […] En effet, si, dans son livre sur les Césars, où il s’agit bien moins de ces hommes, qui totalisèrent dans leur personnalité monstrueuse les vices et les grandeurs de leur temps, que de la société même qu’ils dominaient, de cette plante sanglante et pourrie par le sang qui l’avait abreuvée et dont eux, les Césars, étaient la fleur immense, éclatante et vénéneuse, Champagny, pour nous en montrer les racines, creuse plusieurs civilisations ; si, dans son livre, l’érudit ne défaille jamais ; si l’antiquaire, aux yeux de lynx, voit ce qu’il y a de faits inobservés derrière un bas-relief ou un lambeau d’inscription ; s’il y a tour à tour en lui, pour les besoins de son histoire, du Champollion et du Cuvier ; et si, enfin, planant sur le tout, pénétrant tout, le moraliste achève de clarifier un sujet où l’énormité des choses les rend presque incompréhensibles, pouvons-nous dire que l’homme politique se montre, dans ce beau livre, au même degré que l’antiquaire, le moraliste et l’érudit ? […] Car César avait vu pour la Rome politique ce qu’on a vu seulement avec netteté depuis la fondation de la Rome chrétienne : c’est que, pour la ville prédestinée, il ne s’agissait plus d’être le point de départ de conquêtes nouvelles, mais un centre de gouvernement.

355. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

quand il s’agirait d’une composition plus vaste, ayant ses détails, ses faces multiples et son unité. […] Malheureusement, des faits opposés à ceux-là, des faits qu’il ne s’agit ici ni de justifier ni de défendre, s’étaient produits aussi dans cette histoire troublée, féconde en contradictions politiques, et à travers lesquelles chaque parti peut voir ce qu’il aime ou désire le plus. […] Il va jusqu’à dire hypocritement que les lois anglaises, sans exception, selon l’opinion des plus grands jurisconsultes : Holt, Tréby, Maynard et Somers, « restèrent après la Révolution ce qu’elles avaient été auparavant », comme s’il s’agissait de législation générale !

356. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

Singulier et maigre résultat, quand il s’agit de tarir la source des larmes ! […] Elle ne s’arrêtait point à un des effets du mal quand il s’agissait de remonter à toutes les causes, et en inspirant la résignation aux classes dénuées et opprimées, en appuyant à de sublimes espérances la moralité défaillant sous toutes les croix de ses épreuves, elle avait plus fait pour diminuer l’oppression et la misère, et, disons davantage, doubler la richesse sociale, par la modération ou les renoncements de la vertu, que l’Économie politique qui reprend à son tour le problème résolu par l’Église depuis tant de siècles, et qui prétend le résoudre aujourd’hui, avec toutes les convoitises excitées de la nature humaine, aussi aisément et plus complètement que l’Église avec toutes ses abnégations. […] Dès qu’il ne s’agissait plus de la rigueur d’une solution absolue, mais tout simplement d’un moyen à prendre pour arriver aux bénéfices de cette solution, c’est-à-dire, pour nous, en d’autres termes, à un accroissement relatif de la fortune publique, Jobez, qui sait les faits, ne pouvait se tromper.

357. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Les peines qu’il se donne, dans la première partie de son récit, sont incroyables quand il s’agit de créer une importance, une valeur, une poésie quelconque à ce beau buste vide. […] … Dans ce livre, il ne s’agit pas seulement du mûrissement complet d’un talent qui a toujours fait l’effet d’être mûr, tant il avait de saveur et de goût. Il s’agit d’une faculté plus rare, la faculté d’être entièrement pénétré par le sujet qu’on traite, que n’ont pas, certes !

358. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

C’est ce qu’on oublie trop quand il s’agit de l’Espagne. […] Philippe II, Charles-Quint, dont il s’agit aujourd’hui, sont de ces grandeurs embrouillées qui cachent une énigme et dont le sens (du moins dans ce qu’il eut de net et de complet), un jour, s’est perdu. […] Sans doute, la chronique est encore une forme intéressante de l’histoire, mais Charles-Quint, comme tous les personnages qui font question dans les Annales du monde, échappe à la chronique par la profondeur de son caractère ; et quelque dévoué que l’on soit à ramasser les épingles que l’histoire laisse parfois tomber, il y a mieux pourtant que ce travail de bésicles et de flambeau par terre, quand il s’agit d’un homme qu’il faut regarder en plein visage pour le pénétrer.

359. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Il y a, dans l’Histoire, de terribles personnalités troubles, que le devoir de l’Historien est de clarifier… — Or, — puisqu’il s’agit d’eux dans le cadre du livre de Gobineau, — Alexandre VI, César et Lucrèce Borgia, sont de ces personnalités troubles par elles-mêmes ou troublées, par les autres, et que l’auteur de La Renaissance a replacées dans l’accent juste de leur propre voix. […] Dans la partie des Scènes intitulée : César Borgia, c’est encore la domination voulue de César, et non les excès et les vices de César, que Gobineau fait agir et parler. […] Mais lui, lui qui n’était pas un tombé de la littérature, il ne devait pas être le roi fainéant d’un esprit qui voulait agir toujours.

360. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

En réalité, je n’affirmerais pas qu’il le fût avec la sécurité que j’ai, par exemple, quand j’affirme que Bonaparte est le premier, lui, dans l’ordre politique et militaire, et Byron dans l’ordre poétique ; mais il ne s’agit pas ici de réalité, il s’agit de l’opinion et de l’empire qu’un nom a sur elle. […] Seulement, en supposant que l’ensemble, pour être bien vu, n’y soit pas regardé de trop haut et par cela même y devienne vague, en supposant qu’on puisse être tout à la fois exact et poétique, la grandeur et la beauté de l’exactitude ne sont pas un si étonnant tour de force quand il s’agit de la Nature, qui a cela de particulièrement tout-puissant que ceux qui disent faux en en parlant sont encore poétiques, et qu’elle communique de sa grandeur jusqu’à ceux-là qui mentent sur elle !

361. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

La Critique qui n’a point, elle, la main sacerdotale du Père Lacordaire, tremble quand il s’agit de toucher à cette chose immense et divine, l’âme de N. […] La pureté de son intention, certes, personne n’en est plus sûr que moi ; mais quand il s’agit d’une de ces audaces d’observation qui ressemble presque à de l’irrévérence, la pureté d’intention sauve-t-elle tout, et suffit-elle pour entrer dans ce secret, gardé par l’Évangile, de l’espèce d’amitié qu’avait le Sauveur pour la Madeleine ? Or, c’est bien d’amitié qu’il s’agit et d’amitié humaine, car le livre s’ouvre justement par la plus singulière théorie sur l’amitié, l’amitié que l’auteur met, de son autorité privée de moraliste, au-dessus de tous les sentiments de l’homme.

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