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39. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Il ne commence point par creuser dans les facultés de l’homme pour mieux juger du but de l’humanité. […] Une profession de foi — de foi scientifique, de foi rationnelle, la seule foi possible aux facultés mûries du dix-neuvième siècle — doit reposer sur un enchaînement de réalités incontestables et n’avoir rien de vague, rien d’incertain, rien d’obscur. […] Il y a plus : avec la sécheresse des âmes de nos jours froids et ternis, nous disons qu’il est impossible à ceux-là qui n’ont point aboli en eux la faculté de l’enthousiasme de ne pas regretter de voir M.  […] Assurément on peut abuser de cette supériorité-là comme de toutes les autres ; car c’est une observation qui n’a pas été assez faite, que plus les facultés sont rares et grandes, plus l’usage en peut tourner vite à l’abus, apparemment par la raison qu’il est plus aisé de tomber, à mesure qu’on s’élève. […] Destinée singulière et moins rare qu’on ne pense que ce contresens suprême entre les idées et les facultés !

40. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Féval, fait pour mieux que cela, a consacré définitivement ses facultés et sa vie ? […] Dans l’espèce de roman dont il est victime, dans ce roman à tiroirs et à double fond, dans lequel il renferme des facultés assez vives pour faire sauter tout cela (le feront-elles un jour ?) […] Féval montre souvent de la passion vraie, de l’observation acérée, de l’invention de bon aloi ; mais toutes ces facultés ne sont pas sa faculté première , car nous avons tous, si nous sommes organisés avec puissance et harmonie, une faculté première, une maîtresse faculté. […] Scudéry ne serait plus monstrueux aujourd’hui, tant la faculté de production est devenue vulgaire !

41. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire et philosophique »

Sous le titre de Précis de l’histoire de la Philosophie, MM. de Salinis et de Scorbiac, directeurs du collège de Juilly, viennent de publier un manuel fort plein de science et de faits, non-seulement à l’usage de leur établissement, mais encore à celui du grand nombre des enseignements philosophiques dans les collèges, et même d’une utilité applicable à tous les lecteurs amis de cette haute faculté de l’esprit humain. […] Le docteur Léon Simon vient de donner une traduction fort soignée du grand ouvrage de Dugald Stewart, Philosophie des facultés actives et morales de l’homme. […] Mais ici, le philosophe, par une psychologie moins abstraite et moins exclusivement rationnelle, aborde l’homme du côté des penchants actifs, des passions et instincts qui sont les mobiles réels des facultés de l’intelligence ; il marche davantage sur les traces d’Adam Smith, et nous donne sa théorie des sentiments moraux. Il distingue et discute successivement : 1° les appétits ; 2° les désirs ; 3° les affections ; 4° l’amour de soi ; 5° la faculté morale. […] C’est ainsi que Dugald Stewart, après sa Philosophie de l’esprit humain, a publié sa Philosophie des facultés actives et morales.

42. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

La faculté ne décide pas légèrement. […] L’ambition des anciens chirurgiens avoit été de faire une cinquième faculté apostolique ou pareille aux quatre autres facultés de l’université. […] La faculté y avoit, disoit-elle, pourvu. […] Dugard, syndic de la faculté de théologie de Paris ». […] La faculté de médecine de Montpellier a une grande vénérat

43. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Maine de Biran a dès l’abord une faculté heureuse qui est le principe de toute découverte et de toute observation neuve : il s’étonne de ce qui paraît tout simple à la plupart des hommes, et de ce dont l’habitude leur dissimule la complication et la merveille. […] C’est la cause qui m’a rendu psychologue de si bonne heure. » Doué par la nature de la faculté d’aperception interne, il ne tient pas à lui qu’on ne croie que cette aptitude qu’il a est due à une maladie ou à une manie. […] L’exercice des facultés que j’ai le plus cultivées et auxquelles je tiens le plus est toujours en moi plus ou moins pénible, et je n’ai presque jamais le sentiment de force et d’aisance dans leur exercice. » Tout le journal que nous avons sous les yeux est la preuve de ce labeur et de cette difficulté continuelle. […] Au lieu d’appliquer ses facultés avec suite, il les laisse vaguer, tournoyer, et se dévorer sur place. […] Mais ce sont des éclairs qui ne laissent aucune trace dans la vie commune, ou dans l’exercice des facultés qui s’y rapportent ; je retombe après m’être élevé.

44. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Il n’a qu’une allure et qu’une faculté ; ni les choses ni les idées ne semblent le toucher, à moins qu’il n’y trouve une vue d’ensemble ; alors elles le touchent jusqu’au cœur. […] Par exemple, considérant la société à Rome, vous y distinguez la faculté très générale d’agir en corps, avec une vue d’intérêt personnel, faculté instituée en partie par des dispositions primitives102, mais principalement par cette circonstance que Rome, dès sa naissance, fut un asile, ennemi de ses voisins, composé de corps ennemis, où chacun était absorbé par la pensée de son intérêt, et obligé d’agir en corps. […] Un esprit sec et net, qui est probablement l’effet de la structure primitive du cerveau, une circonstance persévérante et puissante, qui fut la nécessité de songer à son intérêt et d’agir en corps, ont produit chez ce peuple et fortifié outre mesure la faculté égoïste et politique. De cette faculté, on déduit les différents groupes d’habitudes morales. […] La faculté égoïste et politique est dans le Romain une habitude héréditaire, plus agissante et plus puissante que les autres, qui fixe l’ordre, l’espèce et l’intensité de ses sentiments et de ses idées.

45. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Larroumet s’est révélé à la Faculté des Lettres et au public, en décembre 1882, par sa thèse de doctorat : « Marivaux, sa vie et ses œuvres, avec deux portraits et deux fac-similé, in-8, pp. […] Donc, tout en rendant hommage à la science et au talent du candidat, la Faculté ne put s’empêcher de protester contre l’énormité du volume « qui paraît, dit le rapport, quelque peu disproportionné avec l’importance et la nature du sujet ». […] Mais, Messieurs, cette surabondance de notes mise à part, le reproche de la Faculté tombait à faux. […] Après, il fallait vivre. « J’ai été pion, disait-il plus tard, pion ou quelque chose d’approchant, et je n’en suis ni fier ni honteux. » Il nous a raconté comment il fut maître d’études au collège d’Aix, et en même temps étudiant à la Faculté des Lettres. […] Il y avait à la Faculté des Lettres cinq étudiants — dont quatre répétiteurs payés par l’État — et cinq professeurs.

46. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Mais je ne connaissais pas l’étrange faculté d’être un autre que soi, sans imitation, et de monter, à force de sève et en vertu d’un tempérament particulier, jusqu’au niveau d’une grande originalité, et même au-dessus ! […] Il faut évidemment qu’il y ait ici l’exercice d’une faculté excessivement rare, et devant laquelle une Critique, un peu profonde, est obligée de s’arrêter. III Et, du reste, cette faculté n’est pas d’hier en M.  […] Pour moi, je me défierais toujours un peu d’une faculté qui ne se serait pas révélée déjà dans l’ensemble de l’esprit d’un homme et qui y pousserait tout à coup. […] Cette faculté que je tiens à signaler aujourd’hui, cette faculté qui vient de se produire en cette Fin d’un Monde et du Neveu de Rameau avec un si incroyable éclat et tant de puissance, M. 

47. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Deuxième cours des études d’une Université (suite de la faculté des arts.) Qui commencera avec le premier cours, et sera commun à tous les élèves qui le suivront jusqu’à leur sortie de la faculté des arts dont il est la suite. […] Ils ne finiront l’un et l’autre qu’au sortir de la faculté des arts, ou qu’à l’entrée des facultés de médecine, de jurisprudence et de théologie. […] Et nous voilà sortis du second cours de la faculté des arts.

48. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Ces inégalités capricieuses sont de la plus haute importance ; car elles prouvent que la faculté que deux espèces possèdent de pouvoir s’allier peut être complétement indépendante de leurs affinités systématiques ou de toute différence reconnaissable dans leur organisation totale. D’autre côté, ces mêmes inégalités prouvent que la faculté de croisement est en connexion intime avec des différences de constitution inappréciables pour nous et qui, sans doute, affectent exclusivement le système reproducteur. […] Quelques espèces ont une facilité remarquable à se croiser avec d’autres ; certaines espèces d’un même genre ont le don particulier de léguer leur ressemblance à leur postérité hybride ; mais l’une de ces facultés n’amène ou ne suit pas nécessairement l’autre. […] Douer les espèces de la faculté toute spéciale de produire des hybrides et ensuite arrêter la propagation subséquente par différents degrés de stérilité, qui ne sont en aucune façon corrélatifs à la facilité avec laquelle s’accomplit une première alliance entre leurs parents, tout cela me paraît un bien étrange arrangement. […] Bien que Gærtner ait établi que la faculté de croisement n’est pas en rapport constant avec celle de greffement, c’est-à-dire que les espèces capables d’être greffées les unes sur les autres ne sont pas toujours celles qui croisent le plus aisément et qui se montrent les plus fécondes, il reste néanmoins très probable que la faculté générale, mais inégalement constatée chez les diverses espèces, de pouvoir être greffées les unes sur les autres, est une conséquence générale de leur faculté de croisement, c’est-à-dire que les deux ordres de phénomènes ont quelque chose de commun et dérivent des mêmes causes, tout en suivant jusqu’à un certain point d’autres lois.

49. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Loin d’être « la réfutation absolue de nos manuels et de notre système », cet aveu nous absout donc au lieu de nous condamner. « Mais, dit-on, Taine n’aurait pas écrit comme eux, s’il n’avait vu les choses comme eux », Sans doute, il fallait de toute évidence qu’il eût d’abord en lui et en germe la faculté de voir les choses comme il devait les rendre, pour les rendre ensuite comme il les avait vues. […] Nous n’avons jamais prétendu qu’on peut se créer une faculté par un simple acte de volonté. Ce que nous prétendons, c’est que c’est la volonté qui développe, forme et exerce cette faculté. […] Voici en quels termes, dans ses notes personnelles, à propos de la double tendance poétique et philosophique, Taine confirme ce que nous disons :‌ « Je lutte, dit-il, entre les deux tendances, celle d’autrefois et celle d’aujourd’hui, Probablement j’ai voulu allier deux facultés inconciliables.

50. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Plusieurs ont compris qu’il s’agissait de savoir s’il y avait simultanéité dans la manifestation des facultés humaines, ou s’il y avait succession. […] De Brosses a analysé avec une admirable sagacité les fonctions de l’instrument vocal ; il a pris rang, pour cette prodigieuse analyse, parmi les esprits du premier ordre : mais enfin il n’a défini et expliqué que l’instrument, et non la faculté. […] Mais il est impossible de ne pas sentir une lacune dans cet enchaînement de faits qui ne sont point liés les uns aux autres, d’où ne peut résulter encore, la connaissance ni l’appréciation de cette haute faculté que nous nommons la parole. […] Restait donc à savoir, selon lui, comment le son émis par un organe, reçu par un autre organe, passe à l’état de signe abstrait et général, en vertu de la faculté fondamentale du moi, l’absolu, qui tient à notre nature d’être infini ; comment nous obtenons ainsi la série de l’ordre des signes vocaux ou oraux, laquelle se substitue successivement à l’ordre des signes visuels et tactiles. […] Mon expérience devrait enseigner à commencer par perfectionner sa faculté d’intuition pour l’appliquer ensuite à une langue particulière, puis, de là conclure pour toute langue, pour l’institution de la parole, identique à l’homme social et à l’homme individuel Maintenant je dois aborder une autre question qui me fut faite par le même philosophe.

51. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

De par leurs facultés mêmes, elles sont excommuniées de l’histoire autant que de la métaphysique. […] Le bas-bleu fait surtout du roman, comme on dit industriellement d’une chose qui devient de plus en plus industrielle, parce que le roman est la furie d’une société que l’ennui de la réalité tue, et qui n’a plus en elle de développé que deux facultés, — la faculté de l’imagination et la faculté des combinaisons scientifiques. […] L’imagination, ce singe de l’intelligence, a dit Schiller, — ce qui n’est pas mal pour un Allemand, — l’imagination, qui est la première des facultés de la femme et d’un misérable siècle, chez qui la Raison est épouvantablement affaiblie, doit entraîner la femme, quand elle veut être littéraire, vers le roman dans lequel, d’ailleurs, elle cherche toujours un peu une place pour ses souvenirs et un miroir pour sa personne… D’un autre côté, par cela seul que le Roman est la forme la plus populaire des formes littéraires de ce temps, il rapporte du succès à plus bas prix… et l’Histoire, la sévère, l’Histoire, la désintéressée, n’a pas ces avantages… Il faut se croire très homme pour l’aborder. […] L’égalité, ici, entre l’homme et la femme, n’est ni une égalité de facultés ni une égalité de fonctions.

52. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Son petit consulat fut comme une stalle de chanoine où ses facultés de diplomate purent dormir… Et Gobineau, l’esprit le plus chaud que j’aie connu, l’homme qui avait le plus de verve, de profusion intellectuelle, d’expression en dehors, — poète, même en vers, — artiste, même de main, — toute sa vie, en a été un. […] je suis convaincu qu’il en a été un très distingué et très excellent, mais ses facultés, à lui, étaient-elles naturellement diplomatiques ? […] Mais il a de plus l’érudition exacte, certaine, immense, et, par-dessus toutes les qualités qui concourent à l’ensemble et au détail d’un livre comme le sien, la divination historique, — ou mieux encore : la faculté du poète dramatique, la faculté d’entrer dans la peau, la cervelle et les entrailles d’une personnalité historique. Et ne l’eût-on que pour une seule personne, cette faculté, ce serait déjà glorieux ! […] Dans son livre de La Renaissance, le comte de Gobineau a fondu, pour faire un livre impersonnel, toutes les facultés divergentes de la plus complète individualité.

53. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Évidemment il les domina par la faculté la plus élevée d’entre les facultés humaines, quel que soit l’objet auquel on l’applique, — par cette faculté de l’ordre que Voltaire n’eut jamais qu’avec ses domestiques et ses libraires, et que Montesquieu aurait pu avoir, sans cet amour mesquin de l’épigramme qui l’a tant rapetissé ! […] Dès les premières pages de cette biographie, où le savant que nous allons retrouver dans les Travaux et idées de Buffon se sent et pèse si peu, je vois, avant toute vocation scientifique, cette faculté de l’ordre que j’ai signalée et qui est la maîtresse-faculté et la faculté maîtresse dans Buffon. […] Flourens n’attribue pas avec assez de rigueur, à notre sens, quoiqu’il l’indique, l’absence de vue perçante de Buffon, en fait de méthode, à une conformation de tête qui n’avait rien de métaphysique et à des facultés qui devaient entraîner celui qui les avait, comme l’imagination entraîne.

54. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

La Religion du Progrès par la science La faculté, de mécontentement. […] Vient-il d’ailleurs à perdre la faculté de ressentir le besoin, qu’il tombe dans l’ennui. […] À bien considérer les choses, il apparaît que le propre de l’homme est une faculté de mécontentement. […] Cette faculté de mécontentement est donc la cause et le pivot de tout progrès, et on voit dès lors la loi ironique, le Bovarysme essentiel, qui gouverne encore ici l’humanité. […] Mais il ne peut modifier cette faculté même de mécontentement qui constitue son être et tous les changements qu’il apporte à l’univers sont le terreau où grandit et se fortifie cette plante vivace qui porte aux extrémités de ses branches tous les fruits de la connaissance.

55. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Taine, sorti de l’école historique, prétend réduire toutes les facultés d’un artiste à une seule faculté maîtresse, toutes les facultés maîtresses de tous les artistes d’un même peuple à une grande faculté générale qui sera, par exemple, le génie oratoire pour Rome, enfin les divers génies des peuples issus d’une souche commune à l’unité de la race, et ainsi, d’abstraction en abstraction, il raréfie la critique littéraire. […] On sait que, d’après cette théorie, le véritable artiste doit être possédé du diable, et si exclusivement dominé par son imagination, que tout l’équilibre de ses facultés en soit rompu.

56. (1813) Réflexions sur le suicide

Il me semble que le bonheur consiste dans la possession d’une destinée en rapport avec nos facultés. […] Il ne s’ensuivrait pas que la race humaine dût se prêter à servir d’aliment aux facultés gigantesques d’Alexandre ; mais on peut dire que, d’après sa nature, lui, ne savait être heureux qu’ainsi. […] La douleur est un des éléments nécessaires de la faculté d’être heureux, et nous ne pouvons concevoir l’une sans l’autre. […] Les facultés nous dévorent comme le vautour de Prométhée, quand elles n’ont point d’action au dehors de nous, et le travail exerce et dirige ces facultés : enfin quand on a de l’imagination, et la plupart de ceux qui souffrent en ont beaucoup, on peut trouver des plaisirs toujours renouvelés dans l’étude des chefs-d’œuvre de l’esprit humain, soit qu’on en jouisse comme amateur, ou comme artiste. […] Les passions se calment-elles toujours en proportion des facultés ?

57. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

C’est une faculté de l’âme qui cherche à se développer, une faculté maîtresse, assez puissante pour se subordonner toutes les autres et déterminer ainsi l’orientation d’une existence humaine. […] Cette faculté ne peut être que l’imagination. […] Nous assisterons en quelque sorte au développement des facultés imaginatives. […] Ce n’est donc pas une faculté de luxe dont on pourrait se passer à la rigueur, mais une faculté essentielle, sans laquelle il n’y a pas d’artiste complet. […] Cette faculté d’invention dramatique n’est nullement à dédaigner.

58. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Quatrième faculté d’une Université Faculté de théologie99 Le prêtre, bon ou mauvais, est toujours un sujet équivoque, un être suspendu entre le ciel et la terre, semblable à cette figure100 que le physicien fait monter ou descendre à discrétion, selon que la bulle d’air qu’elle contient est plus ou moins dilatée. […] Cette faculté de théologie ne peut donc être totalement supprimée. […] Naigeon avait cité le passage concernant NOTRE FACULTÉ DE THÉOLOGIE ci-dessus, page 438. C’est avec ce passage et ce qui va suivre, jusqu’à « … le prêtre donne… », que l’éditeur Brière a essayé de reconstituer cette faculté.

59. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Tite-Live est un historien qui a un génie d’orateur, et de cette seule qualité ou faculté prédominante M.  […] Il suppose en principe que les facultés d’un homme, comme les organes d’une plante, dépendent les unes des autres ; qu’elles sont mesurées et produites par une loi unique ; qu’il y a en nous une faculté-maîtresse dont l’action uniforme se communique différemment à nos différents rouages, et imprime à notre machine un système nécessaire de mouvements prévus. — Une fois qu’on a saisi la faculté maîtresse, dit-il ailleurs en parlant de Shakespeare, on voit l’homme se développer comme une fleur. […] Michelet, sa vie de travail, son effort constant, ses fouilles érudites et ses ingénieuses mises en scène, cette faculté de couleur voulue et acquise où il a l’air de se jouer désormais en maître, mais quand je considère de quelle manière il a jugé et dépeint des événements et des personnages historiques à notre portée, et dont nous possédons tous autant que lui les éléments ; quand je le vois toujours ambitieux de pousser à l’effet, à l’étonnement, j’avoue que je serais bien étonné moi-même qu’il eût deviné et jugé les choses et les hommes de l’histoire romaine plus sûrement que Tite-Live. […] Il se croyait par moments, et à ses mauvais jours, dans un état de diminution et de décadence intérieure ; cette faculté de réflexion qu’il portait en lui, et qu’il s’appliquait constamment, lui nuisait à force de subtilité ou de clairvoyance : J’assiste comme témoin à la dégradation, à la perte successive des facultés par lesquelles je valais quelque chose à mes propres yeux. […] Il excelle, quel que soit le sujet, et qu’il s’agisse de Shakespeare, de Saint-Simon, de Fléchier, de Bunyan, de Thackeray, etc., à situer (je l’ai dit) le personnage dans son époque et dans son milieu, à établir les rapports exacts de l’un à l’autre, à l’y enserrer comme dans un réseau, à rapprocher, à faire saillir coup sur coup, dans des phrases fermes et courtes qui tombent dru comme grêle, les traits et les signes visibles du talent personnel, de la faculté principale dominante qu’il poursuit et qu’il veut démontrer.

60. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

La faculté générale d’avoir des sensations s’appelle la sensation : la faculté générale d’avoir des idées est appelée par l’auteur l’Idéation. […] La faculté affirmative appartient si peu au verbe exclusivement, que les pronoms et les articles expriment très souvent l’affirmation, comme le prouvent d’amples exemples, empruntés particulièrement aux langues agglutinatives. […] Elle est tout entière agréable, ou le but est manqué31. » La mémoire, de l’avis de tous ceux qui l’ont étudiée, est une faculté complexe32. […] James Mill l’explique uniquement par le moyen du mot et de l’association des idées ; voici comment : « Le moi homme est d’abord appliqué à un individu ; il est d’abord associé à l’idée de cet individu et acquiert la faculté d’en éveiller l’idée. Il est ensuite appliqué à un autre individu et acquiert la faculté d’en éveiller ridée ; et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il ait acquis la faculté d’éveiller un nombre infini de ces idées, indifféremment.

61. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Huysmans se figure le mécanisme de l’âme humaine, exagère certaines facultés, amoindrit l’action de certaines autres, que ses romans tranchent sur leurs congénères, se sont nécessairement revêtus d’un style original et aboutissent à une philosophie générale déduite jusqu’en ses extrêmes conséquences. […] Elle est le produit dernier et la preuve de cette faculté réceptive que nous avons constatée ; elle est la sensation même absorbée, élaborée dans l’intelligence, et projetée au dehors telle quelle. […] L’épanouissement de leurs facultés réceptives a étouffé toutes leurs autres énergies, les a réduites à la vie végétative d’une plante passive par essence, régie et affectée par tout ce qui l’entoure, dépendant des aubaines du ciel et du hasard de sa situation. […] Il se résume, semble-t-il, en une série de facultés perceptives de moins en moins étendues, provoquant des états émotionnels de plus en plus intenses. […] Une faculté visuelle plus restreinte encore, et dont les effets émotionnels de colère et de comique, semblent dépasser l’intensité, rend M. 

62. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

La faculté de capturer des insectes, de les absorber et de les digérer est une faculté qui a dû surgir chez eux sur le tard, dans des cas tout à fait exceptionnels, là où le sol, trop pauvre, ne leur fournissait pas une nourriture suffisante. […] La matière est ce qui est donné par les facultés de perception, prises à l’état brut. […] De ces deux facultés, la première semble d’abord bien préférable à l’autre. […] Mais connaissance et action ne sont ici que deux aspects d’une seule et même faculté. […] On a eu tort de confondre cette tendance avec la faculté de généraliser.

63. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

Nous avons dit textuellement ceci : « Le goût est la faculté de sentir les défauts ou les beautés d’un ouvrage. » Nous serions curieux de savoir par quelle définition on pourrait remplacer la nôtre. […] … Le goût peut varier, en effet, et l’on peut changer d’opinion sur les beautés ou les défauts d’un ouvrage ; mais, quels que soient ces beautés ou ces défauts, le goût consiste et consistera toujours dans la faculté de les sentir. […] » Nous ne prétendons pas que la lecture crée de toutes pièces la faculté que nous appelons le goût. Nous disons que la lecture forme, développe, perfectionne cette faculté, et il est bien évident qu’on ne peut développer et perfectionner que ce qui existe en germe.‌

64. (1874) Premiers lundis. Tome II « L. Aimé Martin. De l’éducation des mères de famille, ou de la civilisation du genre humain par les femmes. »

Il différencie radicalement les facultés de ce qu’il appelle l’intelligence d’avec les facultés de l’âme ; il fait de la première la science purement terrestre, le résultat élaboré des organes ; il fait de la seconde une émanation de Dieu et un pur esprit ; et c’est en s’attachant aux facultés de cette partie immatérielle qu’il pense arriver avec évidence aux vérités sublimes et naturelles qui doivent diriger toute une vie.

65. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre III. Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens. »

Dans le premier, il examine le cercle des sciences, classant chaque objet sous sa faculté ; facultés dont il reconnaît quatre : l’âme ou la sensation, la mémoire, l’imagination, l’entendement. […] Nous avons isolé les facultés de notre entendement, réservant la pensée pour telle matière, le raisonnement pour telle autre, etc.

66. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Il était de facultés, de nature, ce que j’appelle de main de Dieu, admirablement fait. […] Mais tous ces dons de naissance furent mis à mal par sa naissance sociale ; et, comme dans l’explication de la Princesse Palatine pour faire comprendre l’inutilité des puissantes et charmantes facultés de son fils, son père à lui, Chasles, fut la fée méchante qui frappa et faussa les siennes. […] Tel fut le mal — l’irréparable mal — pour Philarète Chasles, le mal au plus profond de facultés superbes et qui les empêcha de fonctionner avec l’éclat, la précision, la gravité, la profondeur, la toute-puissance d’ensemble qu’elles auraient eues s’il eût été élevé par un autre homme que par un père, qui en lit d’abord, le croira-t-on ? […] Puisque, de facultés, il était destiné à être un critique, son sens de critique s’en serait fortifié et purifié. […] Il y avait la largeur, l’épanouissement, la chaleur, le mouvement des idées, l’abondance, la plénitude et la richesse cultivée du langage, la faculté de grouper les choses les plus éloignées dans une époque de l’histoire littéraire ou politique et de les ramasser dans un centre lumineux qui les éclaire en les étreignant, toutes qualités qui se retrouvent dans Chasles à des degrés presque identiques.

67. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Tous ces dehors ne sont que des avenues qui se réunissent en un centre, et vous ne vous y engagez que pour arriver à ce centre ; là est l’homme véritable, j’entends le groupe de facultés et de sentiments que produit le reste. […] Pareillement, si vous voulez saisir l’ensemble des variétés historiques, considérez d’avance une âme humaine en général, avec ses deux ou trois facultés fondamentales, et dans cet abrégé vous apercevrez les principales formes qu’elle peut présenter. […] Telle est la première et la plus riche source de ces facultés maîtresses d’où dérivent les événements historiques ; et l’on voit d’abord que si elle est puissante, c’est qu’elle n’est pas une simple source, mais une sorte de lac et comme un profond réservoir où les autres sources, pendant une multitude de siècles, sont venues entasser leurs propres eaux. […] Si un besoin, une faculté est une quantité capable de degrés ainsi qu’une pression ou un poids, cette quantité n’est pas mesurable comme celle d’une pression ou d’un poids. […] Il y a donc au centre de chacun de ces trois groupes un élément commun, la conception du monde et de son principe, et s’ils diffèrent entre eux, c’est que chacun combine avec l’élément commun, un élément distinct : ici la puissance d’abstraire, là la faculté de personnifier et de croire, là enfin le talent de personnifier sans croire.

68. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Bain lui adresse plusieurs reproches : 1° Cette doctrine suppose que nous avons le droit de considérer l’esprit comme isolé du corps et d’affirmer que, comme tel, il a encore des facultés et propriétés. […] Ici encore on attribue à l’esprit une existence indépendante, une faculté de vivre à part, d’agir à volonté avec ou sans un corps. […] Une vie consacrée tout entière à la culture de l’intelligence doit être accompagnée d’un affaiblissement général des autres facultés, aussi bien que des fonctions purement physiques. Il y a des facultés qui s’excluent.

69. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Il a ce don charmant, cette faculté ailée, aérienne, l’alouette de l’esprit, qui tournoie, babille, rit et s’envole, dans toute époque, à la portée de toutes les âmes, mais qui, dans la nôtre, vieille et ennuyée, est le besoin le plus vivement senti de tous les esprits. […] Ces voyages, distribués en trois parties : — la Grande-Chartreuse, — le Mont-Blanc, — et Gênes, — ont donc l’intérêt d’une œuvre mûre dans laquelle les triples facultés de Topffer battent ce plein après lequel peut-être il n’y a plus qu’un commencement de reflux, dans le talent comme dans la mer. Nous avons dit : les triples facultés. Topffer a, en effet, dans le talent, trois facultés distinctes et réunies.

70. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Erckmann-Chatrian, qui se débat contre une prétention de son esprit ou contre une impression de son imagination fascinée, n’arrive point à dégager de ses facultés ce qui n’y est pas. […] Telles sont, au vrai, les facultés naturelles, premières, développées déjà, et qu’il doit développer davantage. […] En effet, il y a mieux ici qu’un progrès, il y a révélation d’une faculté nouvelle, ou du moins d’une faculté qui ne s’était jamais attestée dans les meilleures pages d’Erckmann-Chatrian.

71. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

Il paraît, au premier coup d’œil, que les troubles civils, en renversant les rangs antiques, doivent donner aux facultés naturelles l’usage et le développement de toutes leurs forces : il en est ainsi, sans doute, dans les commencements ; mais au bout de très peu de temps, les factieux conçoivent pour les lumières une haine au moins égale à celle qu’éprouvaient les anciens défenseurs des préjugés. Les esprits violents se servent des hommes éclairés quand ils veulent triompher du pouvoir établi ; mais lorsqu’il s’agit de se maintenir eux-mêmes, ils s’essaient à témoigner un mépris grossier pour la raison ; ils répandent sourdement que les facultés de l’esprit, que les idées philosophiques ne peuvent appartenir qu’aux âmes efféminées, et le code féodal reparaît sous des noms nouveaux. Tous les caractères despotiques, dans quelque sens qu’ils marchent, détestent la pensée ; et si le fanatisme aveugle est l’arme de l’autorité, ce qu’elle doit redouter le plus, c’est l’homme qui conserve la faculté de juger. […] Une faculté quelconque qui serait en disproportion avec toutes les autres, paraîtrait une bizarrerie de la nature, tandis que la réunion de plusieurs facultés tranquillise la pensée, et attire l’affection.

72. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Malechance de facultés énormes, destinée inouïe et providentiellement incompréhensible, — si tant d’infortune ne fut pas plutôt la faute des hommes ! […] Il n’était pas, d’ailleurs, de vocation absolue, un romancier, quoiqu’il ait fait aussi des romans, et, entre autres, ces Docteurs du jour, qui ont un cadre romanesque dessiné pour y mettre bien autre chose que des romans, et qui pourtant en contiennent un, si ce n’est deux… Brucker avait d’autres facultés que celles-là avec lesquelles on crée des fictions intéressantes ou charmantes, et ces facultés impérieuses et précises avaient trop soif de vérité pour s’arrêter beaucoup aux beautés du rêve, qui traversèrent cependant son imagination dans la chaleur de sa jeunesse, quand, par exemple, il écrivit en collaboration ce roman des Intimes, oublié, comme s’il l’avait fait seul, malgré les diamants d’esprit qu’y jeta Gozlan et qui ne firent point pâlir les rubis que lui, Brucker, plaça à côté… La gerbe de facultés différentes qu’avait Brucker et qui se nuisaient peut-être les unes aux autres par le fait de leur nombre, avaient, au centre du magnifique bouquet qu’elles formaient, deux fleurs superbes et excessivement rares : la métaphysique, — non pas froide chez lui comme chez les autres métaphysiciens, mais de feu, — et une puissance de formule algébrique qui donnait à ses idées et à son style — même littérairement — une rigueur et une plénitude incomparables. […] On l’entend, en effet, plus qu’on ne le voit, dans ce livre, qui exprime bien tout ce qu’était cet esprit de vif argent dans le remuement incessant de ses infatigables facultés.

73. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

point par le fond de son être, par la substance de sa pensée, par l’étoffe de ses facultés. […] Dargaud nous offre le spectacle d’une de ces anomalies vivantes, partagées entre ce qu’elles croient la vérité dans les choses et la sincérité de leurs facultés. Par ses convictions, en effet, par son éducation, par ses idées, c’est un philosophe qui a parfaitement conscience de lui-même, tandis que, par ses facultés, c’est un catholique qui s’ignore. […] En regard et en contraste, d’un autre côté, je pourrais citer, avant tout, pour prouver ce que j’ose appeler le catholicisme inné des facultés de Dargaud, cette sereine figure du curé et celle plus divine encore de la vieille tante Berthe, deux anges captifs dans des corps de vieillards, deux adorables têtes de saints comme le catholicisme seul en peut produire et le sentiment deviné du catholicisme en peut seul exprimer ! […] Or, supposez pour un moment qu’à ces facultés et ces qualités de talent qui tiennent à une âme où le sentiment surabonde et pourrait devenir si aisément de la foi, l’auteur de la Famille eût réuni le catholicisme d’idées, de préoccupation, d’admiration, le catholicisme doctrinal qui maîtrise si bien la vie et l’esprit de ceux qui y croient et qui l’aiment, ce livre éloquent serait devenu un chef-d’œuvre.

74. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Schlegel) était alors d’autant plus délicate que les facultés rationnelles étaient moins développées. […] La faculté d’interprétation, qui n’est qu’une sagacité extrême à saisir les rapports, était en eux plus développée ; ils voyaient mille choses à la fois. […] Il y a dans l’humanité une faculté ou un besoin, une capacité en un mot qui est comblée de nos jours par la morale, et qui l’a toujours été et le sera toujours par quelque chose d’analogue. […] L’analyse psychologique des facultés telle que la font les philosophes indiens est profondément différente de la nôtre. Les noms de leurs facultés sont intraduisibles pour nous ; tantôt leurs facultés renferment plusieurs des nôtres sous un nom commun, tantôt elles subdivisent les nôtres.

75. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Victimes, momentanément, de ce qu’il y a d’exquis dans leurs facultés blessées par un milieu vulgaire, ils n’y périssent pas. […] L’auteur y montre, entre mille autres faces d’un talent mouvementé et chatoyant, une faculté de paysagiste presque embrasée, tant elle est ardente ! […] Eugène Chapus peut se montrer puissant encore, avec la moitié seulement de ses facultés !

76. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Qu’il me permette un regret plus mâle… Ce sont ses facultés. […] — si elles ont résisté, en raison d’une supériorité invincible, à des travaux scaligériens qui devaient les tuer après les avoir hébétées, elles y sont cependant nécessairement réduites ; car ne pas avoir employé des facultés comme elles devaient être employées constitue toujours, en plus ou en moins, une manière de les abolir. […] Seul, peut-être, l’auteur de l’Histoire de la Comédie pourrait nous dire à quel degré ont fléchi ses facultés premières, dont je retrouve avec tant de joie la trace étincelante dans son livre, et quel parti il pourrait en tirer encore si jamais il était las de son métier de casseur de mots, plus dur, selon moi, que celui de casseur de pierres. […] J’ai toujours été, au contraire, beaucoup plus frappé de ce qu’il y a de fini, d’impatientant et de fini dans les facultés de l’homme, que de l’infini qu’on y suppose avec tant d’orgueil. […] D’ailleurs, excepté les plaisirs incroyables de la mystérieuse cohabitation qu’il goûte avec elle, je ne vois pas comment la philologie a payé à du Méril le dévouement de toute sa vie et le prix de ses facultés !

77. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

De tendance naturelle et de facultés, il semblait certainement destiné à être un esprit d’exception autant que le poète lui-même, c’est-à-dire le critique qui, lorsqu’on a senti le poète, le fait comprendre mieux en analysant sa puissance. […] L’utilitarisme anglais, la politique anglaise, l’action anglaise, s’emparèrent de lui et nuisirent à un épanouissement de facultés qui eût été splendide, s’il avait été libre et dégagé de toute influence extérieure. […] avec ces furieuses maladies anglaises dont je parlais au commencement de ce chapitre, et que n’aurait jamais eues le lumineux bon sens de Macaulay s’il était demeuré fidèle à ses naturelles facultés. […] Macaulay devint un modèle, et chacun essaya de faire du Macaulay, sans en rien dire, et avec ses facultés personnelles. […] Notre admiration pour les grandes et quelquefois charmantes qualités du critique de la Revue d’Édimbourg se changeait en colère, parce qu’il ne restait pas toujours dans le jour seyant à son talent, parce qu’il semblait faire défection à ses propres facultés en faisant défection à la littérature, et qu’il troublait, en introduisant la politique dans son œuvre, le jugement qu’on devait en porter.

78. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Leur doctrine porte l’empreinte de leurs facultés ; leur méthode manifeste leur genre d’esprit. […] Ne considérant que les facultés et les puissances, il a fini par prendre pour des êtres les facultés et les puissances. […] On répugne à croire que tant de fortes facultés aient peiné si obstinément et si laborieusement pour creuser et fermer le cachot où il s’est enfoui. […] C’est une force ou faculté, portion du tout, mise à part, élevée au-dessus de toutes les autres. […] J’ai remarqué plusieurs fois que je me souvenais : donc je puis me souvenir ; donc j’ai le pouvoir ou la faculté de me souvenir, ou la mémoire.

79. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Ce qui était aboli, c’était donc une certaine espèce de reconnaissance, que nous aurons à analyser, mais non pas la faculté générale de reconnaître. […] Le malade de Lissauer avait complètement perdu la faculté de se diriger dans sa maison 29. […] Mais la faculté de s’orienter est-elle autre chose que la faculté de coordonner les mouvements du corps aux impressions visuelles, et de prolonger machinalement les perceptions en réactions utiles ? […] Et cela est d’autant plus remarquable qu’il a souvent conservé intacte la faculté d’écrire sous la dictée ou spontanément. […] Et l’on comprend aussi, d’autre part, que la faculté de se remémorer des sons complexes, tels que les mots, puisse intéresser d’autres parties de la substance nerveuse que la faculté de les percevoir : c’est pourquoi l’audition réelle survit, dans la surdité psychique, à l’audition mentale.

80. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

A-t-il pour cela les facultés qui dominent les écoles, leurs mots d’ordre et leurs préjugés ? […] Sans être un poète de cette envergure et de cette hauteur, sans même avoir des facultés relativement supérieures, si Labutte avait eu seulement en lui cette poésie d’écho que les grands spectacles éveillent dans tout homme passablement organisé, il eût parlé autrement d’une époque dont Schiller disait : « Le Moyen Âge a sur nous l’avantage de la vertu poétique, — de l’enthousiasme du cœur, — de l’élan des idées, — de la force du caractère. […] On dirait que son émotion est de la même taille que sa sagacité, sa faculté de sentir tristement adéquate à sa faculté de comprendre.

81. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Il avait la faculté du paradoxe, ce kaléidoscope de l’esprit, qui, remué et secoué, a des combinaisons et des rencontres de couleurs inattendues. […] A cette faculté du paradoxe il joignait la faculté du conteur rapide, qui sait tourner vivement et ingénieusement son conte, même quand ce conte est dépourvu d’originalité. Voilà, en somme, les meilleures facultés de Diderot. […] Il y affirme davantage toutes les facultés qui constituent sa personnalité multiple. […] Voilà pourquoi il n’éleva pas à sa plus grande puissance la meilleure faculté qui fût en lui.

82. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Deux facultés de l’âme ont surtout attiré leur attention : la sensibilité et le mouvement. […] La sensibilité, le mouvement, n’épuisent pas les facultés de l’âme. […] Ces facultés, du reste, se répartissent très inégalement entre les êtres vivants. Les uns n’en ont qu’une : ainsi, les plantes n’ont que la faculté de nutrition, n’ont que l’âme nutritive ; d’autres êtres jouissent de toutes les facultés réunies : tel est l’homme. […] Enfin, l’intelligence implique toutes les facultés inférieures.

83. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Dans l’espèce de roman dont il est victime, dans ce roman à tiroirs et à double fond dans lequel il renferme des facultés assez vives pour faire sauter tout cela (le feront-elles un jour ?) […] Mais toutes ces facultés ne sont pas la faculté première ; car nous avons tous, si nous sommes organisés avec puissance et harmonie, une faculté première, une maîtresse faculté. […] D’ailleurs, — voici qui est singulier, si l’on veut, mais certain, — Scudéry ne serait plus monstrueux aujourd’hui, tant la faculté de production est devenue vulgaire ! […] Instantanéité merveilleuse de facultés ! […] Telle, selon moi, la supériorité pratique de cet écrit de Paul Féval, dans lequel il a montré une puissance qu’on aime et des facultés irrésistibles.

84. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Noble faculté qui, à ce degré de développement, appelle et subordonne à elle toutes les passions de l’être et ses autres puissances ! […] Je m’imagine pourtant que nulle part peut-être cette faculté de l’intelligence avide, cet appétit du savoir et de la découverte, et tout ce qu’il entraîne, n’a été plus en saillie, plus à nu et dans un exemple mieux démontrable que chez M.  […] Dès l’abord, dans la psychologie de ceux-ci, on distingue sensibilité, raison, activité libre, et on suit chacune séparément, toujours occupé, en quelque sorte, de préserver l’une de ces facultés du contact des autres, de peur qu’on ne les croie mêlées en nature et qu’on ne les confonde. […] Ainsi ce début qu’on trouve à un Plan d’une histoire de l’intelligence humaine : « L’homme, sous le point de vue intellectuel, a la faculté d’acquérir et celle de conserver. La faculté d’acquérir se subdivise en trois principales : il acquiert par ses sens, par le déploiement de l’activité motrice qui nous fait découvrir les causes, par la réflexion qu’on peut définir la faculté d’apercevoir des relations, qui s’applique également aux produits de la sensibilité et à ceux de l’activité.

85. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Les Dubarry, les d’Aiguillon, les d’Aumont, les Richelieu, les Bissy, employaient leur éloquence, mettaient en jeu tous leurs moyens pour persuader la Faculté, et en étaient venus à bout. […] d’Aumont avait tant à cœur de lui amener, et n’ouvrant la bouche, dans l’état d’affaissement où il était, que pour geindre et parler de lui à la Faculté. […] La Faculté était composée de six médecins, cinq chirurgiens, trois apothicaires ; il aurait voulu en voir augmenter le nombre. […] Je fus appelé comme les autres à ce conseil, que je trouvai composé de toute la Faculté, hors Bordeu, de M. de Bouillon, de M. d’Aumont, de M. de Villequier. […] Leur conversation était souvent interrompue par de tendres et profonds soupirs, par des sanglots, par des gémissements, et quelquefois aussi par des moments de sommeil ; car heureusement leur inquiétude et leur douleur ne leur ôtaient pas toute faculté de dormir.

86. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Je voudrais qu’il me fût possible d’étouffer la faculté qui en moi requiert l’examen ; c’est elle qui a fait mon malheur. […] Je vois autour de moi des hommes purs et simples auxquels le christianisme a suffi pour les rendre vertueux et heureux ; mais j’ai remarqué que nul d’entre eux n’a la faculté critique ; qu’ils en bénissent Dieu ! […] Le catholicisme suffit à toutes mes facultés, sauf à ma raison critique : je n’espère pas pour l’avenir de satisfaction plus complète ; il faut donc ou renoncer au catholicisme, ou amputer cette faculté. […] je le crois ; mais la forme sous laquelle elles le possèdent ne peut suffire à celui dont la raison est en juste proportion avec les autres facultés. Cette faculté élimine, discute, épure, et impossible de l’étouffer.

87. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Il est donc inutile, pour l’idée du parfait comme pour celle d’infini, d’admettre en nous une faculté particulière qui en serait l’origine. […] Dans tout cela, la perfection proprement dite n’a rien à voir, et il est inutile de nous attribuer une faculté spéciale pour la construction des figures mathématiques. […] La fonction constitutive du fait de conscience n’est pas pour cela une « faculté » mystérieuse, extérieure et supérieure à l’expérience. Ce qui est en dehors de l’expérience interne ou externe est cérébral, physiologiquement constitutionnel ; ce n’est plus, comme Kant l’a cru, une faculté psychique. […] Nous n’avons point une faculté des « idées » pures, ni même une faculté des « formes » à priori : nous avons une conscience à degrés divers, changeante en ses modifications de surface, constante en sa direction centrale.

88. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Cousin, si ce n’est dans la possession de cette raison, dans l’art de bien développer, dans la bonne composition, dans la faculté d’expliquer en style élevé et clair les vérités moyennes ? […] Sa littérature n’est point le modèle accompli : c’est une certaine littérature, parfaite en quelques genres, imparfaite ailleurs ; c’est le développement d’une faculté régnante, la raison oratoire, et par conséquent c’est le sommeil des autres. […] On a beau être éloquent, on n’a pas pour cela la faculté de faire revivre les êtres. […] Comparez, pour comprendre la différence de ces deux facultés, l’histoire de la Direction au dix-septième siècle par M.  […] Que les facultés de l’orateur ne sont point celles de l’historien ni du peintre.

89. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Il ne faut pas avoir beaucoup vécu et observé pour savoir que, s’il est de nobles êtres en qui le sentiment moral domine aisément et règle la conduite, il y a une classe assez nombreuse d’individus qui en sont presque entièrement dénués, et chez qui cette absence à peu près complète permet à toutes les facultés brillantes, rapides, entreprenantes, de se développer sans mesure et sans scrupule. […] Sauf un petit nombre d’exceptions mystérieuses et de véritables monstruosités morales, l’homme est libre, bien que plus ou moins enclin ici ou là ; il peut lutter, bien qu’il lutte trop peu ; il peut s’appuyer sur certains principes qu’il sait bons et utiles, nouer alliance avec ses facultés louables contre ses penchants plus dangereux15, bien que d’ordinaire ce soit pour ceux-ci qu’il se déclare. […] Ceux donc qui ont reçu en naissant la fermeté, la vénération, l’estime d’eux-mêmes, ces nobles et gouvernantes facultés que la nature, à ce que pensent les phrénologistes, aurait placées au sommet du front comme un diadème moral, ceux-là agissent avec suite, se maintiennent purs dans les vicissitudes, et opposent aux déchaînements les plus contraires une auguste permanence. Un certain nombre, qui ne possèdent ces hautes facultés qu’inégalement ou selon une mesure assez moyenne, sont favorisés dans leur honorable ténacité, par le peu de tentation que leur donnent à droite ou à gauche les facultés mobiles et divertissantes, presque nulles chez eux.

90. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

On aura beau faire, il faut absolument choisir entre deux systèmes : ou l’homme a reçu le pouvoir de créer les langues, ou cette faculté lui a été refusée. […] Ceux, au contraire, qui refusent à l’homme la faculté de se faire sa langue ne disent autre chose sinon que, par l’habitude de l’éducation, ou par une loi primitive qu’ils ne connaissent point, ils ne peuvent penser sans le secours de la parole. […] Admettons, quant à présent, et sans examen, ces deux systèmes à la fois ; et partageons les hommes en deux grandes classes, d’après ces deux manières d’envisager la production de la pensée : l’une sera composée de tous ceux qui ne peuvent penser qu’avec la parole ; l’autre sera composée de tous ceux qui ont la faculté de penser indépendamment de la parole. […] La royauté était libre dans l’exercice de ses prérogatives, comme l’homme est libre dans l’exercice de ses facultés. La liberté est nécessaire pour établir la moralité des actions ; et nul être n’est libre, s’il ne peut faire un mauvais usage de ses facultés.

91. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Or, nous ne connaissons dans l’histoire du monde que le Catholicisme qui ait jamais pu régler et contenir cet extravasement de la faculté religieuse, parce que le Catholicisme, cette force organisée de la vérité, a, par son Église, l’autorité éternellement présente et vigilante, qui sauve l’homme de son propre excès et le ramène tout frémissant à l’Unité, quand le malheureux s’en écarte, fût-ce même par une tangente sublime ! Partout ailleurs que sous le gouvernement de l’Église et en dehors de son orthodoxie, le Mysticisme, — et il en faut bien prévenir des âmes ardentes et pures qu’une telle coupe à vider tenterait, — le Mysticisme n’a donc été et ne continuera d’être qu’une immense erreur et une éblouissante ivresse de cette faculté de l’infini, la gloire de l’homme et son danger, et qui fait de lui, — diraient les naturalistes, — un animal religieux. […] Lui seul, dans cette balance si vite faussée de nos facultés, a fait équilibre au bassin qui penche sous le poids accablant de l’Amour, en jetant dans l’autre bassin la charge de l’Obéissance ! […] Telle est, en vertu de son incorruptible puissance, l’assainissement qu’il opère sur cette disposition à la mysticité, qui, pour certaines âmes, est encore bien moins une faculté qu’une maladie. […] Celui-là n’est point une déviation de la faculté religieuse, il en est l’exaltation, mais l’exaltation dirigée, l’enthousiasme ardent et profond, et cependant gouverné ; cette espèce d’enthousiasme qui a le regard clair au lieu de l’avoir ébloui et qui, multipliant pour la première fois son intensité par sa durée, ne défaille jamais parce qu’il se retrempe dans l’inextinguible flamme de l’Unité comme à la source vive de la lumière.

92. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

À une époque où la vie privée tend à devenir monstrueusement une vie publique et où la vanité de chacun fait crier le plus fort qu’il peut sa crécelle, Léon Gozlan, un des esprits les plus brillants du siècle, de la race en ligne droite et courte des Chamfort et des Rivarol, ne faisait nul tapage de ses facultés. […] Partout, en effet, quand au lieu d’être journaliste il eût été corsaire, — ce qui, du reste, ne fait pas une si grande différence déjà, — partout, même quand il serait resté marchand d’anchois dans son excellente ville de Marseille, il aurait eu ce génie du mot, qui nous est donné, à pur don, comme tous les autres génies ; cette faculté qui, tout à coup, met une idée sous sa forme la plus concentrée, espèce de cristallisation de l’esprit d’une rapidité foudroyante. […] Il n’a ni la triple faculté de Balzac, ni la double de Stendhal. […] Mais dans les autres livres de Gozlan faits par l’imagination et les autres facultés de l’auteur, à chaque ligne ne se rencontre pas moins l’esprit, sa faculté première, et quelle que soit la page, — qu’elle soit chauffée par la passion ou noyée dans les larmes de la tristesse !

93. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

Ce livre est, selon moi, le livre supérieur de l’ouvrage, et comme j’en suis pour le moment à faire des découvertes dans les facultés de Masson, j’ai été particulièrement frappé par la puissance avec laquelle il a analysé ce fait, cruel et mortel aux races, de la mésalliance, — de ce sac à hontes et à douleurs de la mésalliance qu’il nous pointille toutes et nous trie sous les yeux, sans nous faire grâce d’une seule de ces hontes et de ces douleurs ! […] Du moins, il a fait un tableau du mariage du marquis de Grignan et du supplice de la malheureuse qu’il a épousée, et qui, pour l’avoir sauvé de la ruine, passa sa vie dans l’abandon et dans le mépris ; et ce tableau, digne d’un romancier, semble en promettre un… Quoiqu’il en puisse être, ces facultés d’imagination et d’observation dont le livre que voici a révélé l’existence dans un auteur qui avait paru moins brillamment et moins richement doué, ces facultés, qui ont donné à ce livre nouveau un genre de piquant qu’on n’était pas accoutumé de trouver en un livre d’histoire, prendront-elles assez de développement et de place dans la tête du mâle auteur du Cardinal de Bernis, pour l’entraîner un jour hors d’une voie marquée par un livre si ferme et si exclusivement historique, ou continuera-t-il de les consacrer à l’histoire ?… C’est là une question que lui seul et l’avenir résoudront, mais ces facultés sont si visibles en cette séduisante production qu’il a appelée le Marquis de Grignan, et qui est bien autre chose que la biographie de ce pauvre homme, qu’il était impossible à la Critique de ne pas les voir et de ne pas les signaler… 56.

94. (1889) L’art au point de vue sociologique « Préface de l’auteur »

Loin d’être, comme le croit l’école de Spencer, un simple « jeu de nos facultés « représentative », l’art est la prise au sérieux de nos facultés sympathiques et actives, et il ne se sert de la « représentation », encore une fois, que pour assurer l’exercice plus facile et plus intense de ces facultés qui sont le fond même de la vie individuelle et sociale.

95. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Champfleury ; Desnoireterres »

Il est une tradition d’école qui fait accuser le Père Malebranche d’avoir, dans son grand ouvrage De la Recherche de la Vérité, médit de l’imagination avec beaucoup d’imagination, jugement singulier et faux comme tant d’autres, car le Père Malebranche, qui a l’espèce d’imagination qui, pour un philosophe, est une maladie, n’a pas celle qui, pour un écrivain, est une faculté. […] Ces réalistes contemporains, dont Courbet est l’épais champion en peinture, et qui n’ont pas encore trouvé de Courbet littéraire dans leurs rangs, ne prennent point en suspicion des facultés absentes ; au contraire. […] L’imagination écartée, il semblait pourtant que la faculté qui observe devait voir plus clair.

96. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Gandar, qui venait d’être nommé professeur titulaire d’éloquence française à la Faculté des lettres de Paris. […] De même qu’il avait eu le plaisir de lire quelques chants de l’Odyssée à Ithaque, c’était dans les champs de Troie qu’il voulait lire l’Iliade ; il avait dessein de présenter à la Faculté une thèse d’ensemble sur le monde d’Homère. […] Si nos esprits font ainsi quelque progrès, l’auditoire des lycées et des Facultés et nos maîtres de la Sorbonne en jugeront. […] il faut y avoir passé pour savoir ce qui en est, ce que demande et consomme un cours de Faculté fait en conscience, sans interruption ni relâche ; le métier est dévorant. […] Il ne fit guère que passer dans la Conférence, ayant été nommé suppléant à la Faculté des lettres dès la fin de cette année 1861.

97. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

La psychologie les rapporte à une faculté générale, l’imagination. […] Et cette faculté de résoudre des problèmes, on la laisse inexpliquée. […] Comment les psychologues n’ont-ils pas été frappés de ce qu’une telle faculté a de mystérieux ? On répondra que toutes nos facultés sont mystérieuses, en ce sens que nous ne connaissons le mécanisme intérieur d’aucune d’elles. […] C’est toujours la même faculté qui intervient, et elle obtient, pour l’ensemble de ses inventions, la même créance.

98. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

De même que la sensibilité me met en rapport avec le monde physique, ainsi une autre faculté me met en communication avec des vérités qui ne dépendent ni du monde ni de moi, et cette faculté c’est la raison. […] Tel est le premier acte de la faculté de connaître. […] La raison n’est qu’une faculté mensongère. […] La seule faculté de connaître, c’est la raison. […] Trois facultés entrent dans cette faculté complexe qui se nomme le goût : l’imagination, le sentiment, la raison.

99. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Sans elle, toutes les facultés, si solides ou si aiguisées qu’elles soient, sont comme si elles n’étaient pas, tandis que la faiblesse de quelques facultés secondaires, excitées par une imagination vigoureuse, est un malheur secondaire. […] Diaz est un exemple curieux d’une fortune facile obtenue par une faculté unique. […] Après avoir usé en vrai prodigue de cette faculté unique dont la nature l’avait prodigalement doué, M.  […] Meryon ; un délire mystérieux a brouillé ces facultés qui semblaient aussi solides que brillantes. […] La grande faculté, la principale, ne brille que comme les images des patriotes romains, par son absence.

100. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

Après avoir bien établi que la foi est une faculté qu’il ne dépend point de nous d’acquérir, examinons avec impartialité ce qu’elle peut pour le bonheur, et présentons d’abord ses principaux avantages. […] Dans la classe de la société qui est livrée aux travaux matériels, l’imagination est encore la faculté dont il faut le plus craindre les effets. […] À travers tant de dangers, il persista à ne prendre pour guide que les maximes d’une piété superstitieuse ; mais c’est à l’époque où la religion seule triomphe encore, c’est à l’instant où le malheur est sans espoir, que la puissance de la foi se développa toute entière dans la conduite de Louis ; la force inébranlable de cette conviction ne permit plus d’apercevoir dans son âme l’ombre d’une faiblesse ; l’héroïsme de la philosophie fut contraint à se prosterner devant sa simple résignation ; il reçut passivement tous les arrêts du malheur, et se montra cependant sensible pour ce qu’il aimait, comme si les facultés de sa vie avaient doublé à l’instant de sa mort, il compta, sans frémir, tous les pas qui le menèrent du trône à l’échafaud, et dans l’instant terrible où lui fut encore prononcé cette sublime expression : Fils de Saint Louis, montez au Ciel. […] Les esprits ardents n’ont que trop de penchant à croire que le jugement est inutile, et rien ne leur convient mieux que cette espèce de suicide de la raison abdiquant son pouvoir par son dernier acte, et se déclarant inhabile à penser, comme s’il existait en elle quelque chose de supérieur à elle, qui put décider qu’une autre faculté de l’homme le servira mieux.

101. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

L’auteur des Deux Masques, parmi tant d’autres facultés, n’a pas au même degré le génie sévère et perscrutant de la Critique, qui perce et déchire un sujet, et, du bec et des ongles, va au fond de ses défauts et de ses beautés. […] Cet Édelestand du Méril, imbécilement oublié par l’Institut, comme le sera probablement Saint-Victor, parce qu’il ne possédait pas la faculté si grande et si respectée en France d’être un pédant solennel, avait tout ensemble rétréci et dilaté le sujet abordé aujourd’hui par Saint-Victor. […] C’est mettre quelque chose dans nos âmes qui n’y était pas… Saint-Victor, qui nous apprend Eschyle aujourd’hui, dans son premier volume, devient, en vertu de la faculté caméléonesque du talent regardant le génie, une espèce d’Eschyle, éclosant et fleurissant dans les racines du vieux tragique immortellement épanoui, et tellement que si, par miracle, le vieux Eschyle revenait au monde et qu’il lût le commentaire de Paul de Saint-Victor, il dirait comme Galathée, sortie de son état de marbre et touchant la poitrine de l’idolâtre Pygmalion : « C’est encore moi !  […] Ses facultés ont en effet, dans ce livre, la nouveauté d’une perfection définitivement atteinte… L’énorme talent que ses innombrables feuilletons ont prouvé vient de réaliser enfin un de ces chefs-d’œuvre qui fixera sa renommée dans le silence de l’avenir, quand les turbulents bavardages du temps présent auront passé.

102. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Aux yeux de qui ne se laisse pas troubler ou imposer par la mise en scène et les tumultes du théâtre, l’Histoire est uniquement le résumé des facultés de quelques hommes, faiblement ou puissamment mises en jeu. […] Mais ce que je sais bien, c’est qu’il n’était pas de ces tempéraments qui en restent fatalement imprégnés ; ce que je sais bien, c’est que, depuis qu’il a atteint toute la supériorité de ses facultés, il a aimé à ramasser son regard pour y voir plus clair, il a senti qu’en histoire, comme ailleurs, se circonscrire, se concentrer, était la puissance. […] mais il me semble qu’il y a dans ce choix une profondeur inaccoutumée, une admirable intuition de la vraie source historique, une faculté de démêlement qui est plus que de la sagacité. […] On en dira ce qu’on voudra, mais il y avait là, dans cette idée de Dieu, la faculté du respect, de l’obéissance, du sacrifice, du renoncement, c’est-à-dire tous les éléments sociaux, tout ce qui fait les peuples et les refait quand ils se sont défaits dans l’anarchie.

103. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

I Existence de la volonté au point de vue psychologique Si on entend par volonté une faculté spéciale qui interviendrait au milieu des faits internes, comme un deus ex machina, pour en changer soudain la direction, l’intensité, la durée, etc., alors on a raison de rejeter cette faculté, qu’il est impossible et de constater et de comprendre. […] On raisonne trop souvent dans l’hypothèse de facultés distinctes qu’on met en rapport et en conflit l’une avec l’autre, au lieu de considérer l’évolution interne comme développement continu et total. Mais la conception populaire de la volonté comme d’une faculté en opposition avec l’intelligence vient elle-même de ce sentiment obscur d’un tout continu de réactions, qui forment à chaque instant une seule réaction d’ensemble en un sens déterminé. Ce n’est pas à une faculté que se rattache ma volition présente, mais à la totalité de mes réactions mentales et cérébrales, dont elle est le terme et l’expression sensible. […] Charlton Bastian, qu’a publiée la Revue philosophique d’avril 1892, l’auteur soutient d’abord, avec beaucoup de psychologues contemporains, que la volition n’est pas « la faculté primordiale » mais un développement ultérieur de l’attention.

104. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Toutes les facultés sont dans l’homme, mais toutes ont besoin d’y être fécondées : les unes le sont par les perceptions des sens, les autres le sont par la parole. […] Les bornes des sens de l’homme, pour voir l’univers ; de son intelligence, pour en connaître les lois ; de ses facultés, pour en juger l’ensemble : telles sont les limites de la parole, considérée comme expression de l’intelligence ou de la pensée. […] La poésie transporte dans un monde idéal, c’est-à-dire dans un monde où les limites de la liberté de l’homme, de ses facultés, de ses prérogatives, de son intelligence, sont moins restreintes par l’état de déchéance ; dans un ordre de choses où la pureté des formes et de l’expression a moins été altérée par les passions et les sentiments mauvais. […] On y verrait les facultés de l’imagination luttant de toute leur puissance contre la rigueur des idées morales ; on y verrait les instincts des sens et les sophismes de la raison fournir de fragiles appuis à des superstitions privées de force vitale. […] Cette idée qui consistait à faire de Dieu même le type de l’homme et de ses facultés fut d’abord appliquée seulement à l’intelligence, et ensuite étendue aux sentiments moraux ; c’est-à-dire que l’on vint à concevoir dans Dieu, modèle de toutes les perfections, la source merveilleuse du dévouement.

105. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

J’appelle maladie l’état du vivant, né homme, dont toutes les facultés humaines sont comprimées, l’être entier meurtri, et j’appelle santé, l’état du vivant dont les puissances s’épanouissent harmonieusement et librement. […] Or, l’homme parvient à la plénitude de son existence par l’épanouissement progressif, à travers la vie, de ses facultés naturelles. […] Voilà donc un être humain attaqué à la base, déjà privé d’une existence dont les facultés de sensation constituent l’essentiel aliment, et aux yeux duquel l’existence doit apparaître mauvaise et maudite. La plante à laquelle vous voudriez inculquer la faculté de plonger ses racines non pas dans la terre, son élément normal, mais dans le vide, se dessécherait et mourrait. […] Il ne peut avoir de valeur personnelle, puisqu’il n’a ni libre arbitre, ni faculté pensante, et cependant il se présente comme le dépositaire de la vérité, l’éducateur par excellence, le guide nécessaire.

106. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

En tout cas, la sensibilité maladive qu’il montre pour les visions et les imaginations d’horreur était impérieusement asservie et utilisée chez lui par des facultés de raisonnement supérieures. […] Nous avons pu déterminer ainsi quelles atteintes l’excès de cette faculté porte aux autres ; comme elle rend la connaissance plutôt partielle et incomplète que fausse, comment elle supprime par contre presque toutes les idées générales et toute notion d’analyse, comment elle exagère la faculté d’expression, comment elle porte aux éclats et à l’outrance, l’impression de certitude et d’infaillibilité qu’elle donne à celui qui l’éprouve. […] Chez Tolstoï, dont la foi religieuse bien que fort vive n’est pas à proprement parler mystique, puisque sa religion est un système rationnel et qu’il croit à un triomphe sur terre, ou peut cependant ramener clairement l’origine des pensées qui le lui ont fait adopter à une prédominance graduelle de la sensibilité sur les facultés de perception, qui pourtant étaient chez lui énormes, et sur les facultés d’idéation qui étaient plus faibles. […] Chez cet écrivain comme chez les précédents, la sensibilité, la commisération, la tristesse, la peur que lui inspirait le monde entra aussi en conflit avec les facultés intellectuelles qui le lui faisaient connaître. […] Il y eut donc conflit, mais aucune des facultés en présence ne faiblit.

107. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Je ne concevrai jamais, je l’avoue, par quel procédé de l’esprit l’on peut arriver à donner à la moitié de ses facultés le droit de proscrire l’autre : et si l’organisation morale pouvait se peindre aux yeux par des images sensibles, je croirais devoir représenter l’homme employant toutes ses forces sous la direction de ses regards et de son jugement, plutôt que se servant d’un de ses bras pour enchaîner l’autre. […] L’on a employé les formes de la démonstration pour expliquer la théorie des facultés intellectuelles ; c’est une conquête pour l’esprit philosophique. […] L’on poursuit dans les autres l’incertitude dont on a soi-même la première idée ; et la faculté de croire, bizarre dans sa véhémence, s’irrite de ses propres doutes, au lieu de s’en servir pour examiner de plus près la vérité. […] Sans doute la raison est la faculté qui juge toutes les autres ; mais ce n’est pas elle qui constitue l’identité de l’être moral. Quand on s’étudie soi-même, ou reconnaît que l’amour de la vertu précède en nous la faculté de la réflexion, que ce sentiment est intimement lié à notre nature physique, et que ses impressions sont souvent involontaires.

108. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

A mesure que la Révolution approche, l’intérêt passionné qu’on prend aux affaires publiques, aux principes, aux réformes, fait éclore de toutes parts, dans toutes les sociétés, des facultés oratoires qui se dépensent dans les conversations et dans les correspondances. […] Mais elle se lie trop intimement à notre histoire politique, et l’on ne pourrait exposer les facultés oratoires des Constituants, des Girondins, des Montagnards, sans raconter toute la Révolution. […] Les facultés oratoires s’éveillaient en lui ; ce qu’il apprenait, il avait besoin de le rendre ; il lui fallait dégorger toutes les idées qui encombraient son cerveau. […] Il a des appétits, des passions physiques ; il a des facultés oratoires, le don de brider et de passionner : mais nulle sensibilité de l’âme, au fond ; toujours de sang-froid, maître de lui, l’esprit net, agile, subtil, un esprit à la Montesquieu, comme l’a très bien vu M.  […] Mais là où cette puissante faculté oratoire apparaît le mieux, c’est dans les proclamations nombreuses qu’il adresse aux soldats et au peuple français, depuis la première campagne d’Italie jusqu’après Waterloo.

109. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

On y voit des capacités, des facultés, des propriétés, un pouvoir gouvernemental, des pouvoirs exécutifs, une sensibilité, une activité locomotrice, et jamais d’événements observés, ni observables. […] Est-il étonnant que l’écrivain ne reconnût pas le monde intérieur dans le tableau qu’il en faisait, lorsqu’il relisait cette phrase : « Nos facultés sont tout à fait sous l’impulsion des mobiles ou tendances de notre nature, qui réclament certains objets, aspirent à certaines fins, poussent nos facultés dans la direction qu’elles veulent, sans que nous intervenions, nous, pour empêcher cette direction ou la rectifier65. » Qu’entend-on par des facultés qui veulent ? qu’est-ce qu’une faculté poussée par une tendance ? Quel est ce nous qui intervient en nous-mêmes, et qui est distinct des tendances et des facultés ?

110. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. […] Je crois avoir dit dans [quelques-uns de ces papiers que Sa Majesté Impériale n’a pas dédaigné de renfermer dans un de ses tiroirs lorsque j’avais l’honneur d’entrer dans son cabinet, que les places de notre faculté de droit, abandonnées au concours, étaient le plus clignement occupées.

111. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre I. Définition des idées égalitaires »

Réclamer l’égalité des facultés juridiques, n’est pas proclamer l’égalité des facultés réelles. […] Dès à présent, on peut les reconnaître : elles sont pour nous des idées pratiques, postulant la valeur de l’humanité et celle de l’individualité, — comme telles tenant compte des différences des hommes en même temps que de leurs ressemblances, — leur reconnaissant par suite, non les mêmes facultés réelles, mais les mêmes droits, — et réclamant enfin qu’à leurs actions diverses des sanctions soient distribuées, non uniformes, mais proportionnelles.

112. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Je n’ai pas à discuter ni même à exposer la valeur philosophique de ce système original, où Taine, utilisant et dépassant certaines théories de Condillac et des philosophes anglais contemporains, Stuart Mill, Bain, Spencer, réduisait l’esprit à être « un flux et un faisceau de sensations et d’impulsions, qui, vus par une autre face, sont aussi un flux et un faisceau de vibrations nerveuses859», faisait de la faculté d’abstraction l’unique faculté qui distingue l’intelligence humaine de l’intelligence des animaux, et engendrait toutes les idées, l’idée même du moi, par une série d’opérations d’abstraction. […] La faculté d’abstraction était sa faculté maîtresse ; c’est peut-être en lui-même qu’il a trouvé qu’elle était toute l’intelligence. Appliquant à la science des facultés de métaphysicien et de logicien, il a enfermé l’univers, extérieur et intérieur, dans des formules abstraites.

113. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Je dois déclarer d’abord que je ne prétends point rechercher l’origine première des facultés mentales des êtres vivants, pas plus que l’origine de la vie elle-même. Nous n’avons à nous occuper ici que de la diversité des instincts et autres facultés psychiques des animaux dans la même classe. […] Mais si l’instinct est variable, pourquoi l’Abeille n’a-t-elle pas reçu la faculté d’user de quelque autre substance que la cire, quand celle-ci vient à lui manquer ? […] Elles nous mettent de plus à même d’évaluer la part respective que l’habitude et la sélection peuvent prendre dans les modifications des facultés mentales de ces animaux. […] Je sais que ce sont là autant de facultés qu’on prétend nous réserver exclusivement en apanage.

114. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Encore une fois, voilà ce qu’à propos de Virgile Sainte-Beuve nous a montré avec une rare faculté d’observation et des accents qui montent jusqu’à l’éloquence. […] Sainte-Beuve, l’abeille de la critique qui en eut souvent la grâce et le dard, et le vol ondoyant, Sainte-Beuve, obéissant à ses facultés mobiles d’insecte ailé, a laissé là un sujet qui eût été, s’il l’avait traité à fond, le meilleur de sa gloire. Venu après Villemain, et supérieur dans son Étude sur Virgile à ce qu’est Villemain dans son Étude sur Pindare, Sainte-Beuve retourna bientôt à la Critique, pour laquelle il n’était pas fait, car il faut à cette Critique les facultés qu’il n’a pas, la solidité, la profondeur, l’impartialité et la justice. […] … Dans cette ferveur d’oraison funèbre qui nous transporta et dura encore quelques jours, ne transforma-t-on pas cette flexibilité que j’accorde à Sainte-Beuve, mais aux conditions où elle lui a été donnée, en une faculté qui n’est pas nécessaire au critique, la faculté d’entrer dans une autre personnalité que la sienne ? […] Cette faculté prodigieuse qui n’est pas l’impersonnalité, mais la personnalité multiple, cette faculté de l’inventeur dramatique, quand a-t-on vu que l’ait eue Sainte-Beuve ?

115. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Les autres négociations qui suivirent, comme, par exemple, le mariage de Louis XIV et le traité des Pyrénées, quoique plus heureuses et plus brillantes, n’eurent pas, non plus, en ce qui concerne Lionne, le caractère d’action et de domination personnelle qui rapporte à un homme cette espèce de gloire qui est la vraie gloire, et qu’on ne partage avec personne… Lionne a toujours partagé avec quelqu’un… J’ai dit les facultés qu’il avait ; mais les résultats auxquels il arriva par elles ne furent jamais en équation avec ces facultés. […] Ils estimèrent plus ses facultés que les résultats qu’il obtint, en les employant. […] III Eh bien, ces facultés de Lionne, auxquelles Louis XIV et Mazarin se fièrent toujours, j’aurais voulu en voir le jeu.

116. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Taine, qui n’a pas écouté ses facultés et qui, se croyant ou ne se croyant pas philosophe, a débuté par cette jolie risette, son livre des Philosophes français, lequel impliquait le plus impertinent scepticisme sur le fond des choses et le doute le mieux justifié, d’ailleurs, sur le mérite et la consistance de ses maîtres qui n’avaient pas su lui bâtir dans l’âme une conviction sur quoi que ce soit ; M. Taine avait, à ce qu’il semblait, des facultés trop vives et trop indisciplinables pour qu’il put jamais emboîter le pas derrière personne. […] Doué des facultés les plus personnelles, il fond son originalité dans des idées qui ne sont à lui que parce qu’il les accepte. […] De ces deux Études, la meilleure pour moi est celle qui porte le nom de Carlyle, et non seulement pour la raison que j’ai déjà signalée, c’est-à-dire les doubles facultés qui semblent s’exclure d’ordinaire et qui se réunissent dans Carlyle, cet esprit puissant et bizarre, et aussi parce que les préférences philosophiques qui me gâtent M. 

117. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Trente-sept ans avaient coulé comme l’eau sur une pente1, et, dans ce monde prosaïsé, Ronsard régnait toujours sur ce qui restait de poètes vieillis et sur les facultés plus ou moins poétiques qui déjà alors jouaient au poète. […] Malgré des facultés assez puissantes pour rester, même en tombant sous le coup des influences extérieures, de la plus grandiose originalité, Ronsard, il faut bien l’avouer, ne se conserva pas incorruptible. […] Mais il n’y avait pas eu réellement de vie poétique organisée ; mais d’homme complet dans sa force et dans sa majesté de poète, il n’y en avait pas eu avant Ronsard, Ronsard est l’Adam de la poésie française, et, comme Adam, il est né homme, armé de toutes ses facultés ! […] de Charles IX, cette singulière et royale fleur de poésie, fécondée peut-être par l’intimité de Ronsard, et qui, plus tard, mourut écrasée dans du sang… Ronsard semble avoir été fait avec tous les genres de grandeurs : naissance, vie, relations, facultés, sentiments et œuvres.

118. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Que valent, cependant, des lois fabriquées ainsi par les facultés humaines ? […] Quel est donc le rapport des facultés vitales avec les propriétés physico-chimiques ? […] En réalité, on se donne la faculté de la spécification et de l’adaptation, et l’on montre comment, sous l’influence des circonstances, cette faculté passe à l’acte et réalise les espèces que nous avons sous les yeux. […] Ainsi s’est formée, par l’emploi de la méthode analytique, la doctrine dite des facultés. […] A la suite de Reid, Jouffroy croit apercevoir, sous les phénomènes, les facultés qui y président et, sous les facultés, la substance même qui possède ces facultés.

119. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

Certes, on doit chercher toujours à préciser sa vision, à la détailler nettement ; mais avant tout, faut-il posséder la primordiale faculté de voir. »‌ C’est bien notre avis. […] Comment on invente : « C’est par le travail, la sensibilité et l’imagination qu’on entretient et fortifie la faculté d’invention, dit-il (page 163) », comme si on acquérait de l’imagination, comme si invention et imagination n’étaient pas presque des synonymes. — Comment on obtient le relief : « Il faut exaspérer son style, le chauffer, l’enfiévrer », comme si cela ne dérivait pas directement de la qualité sensuelle de l’écrivain. — Comment refaire le mauvais style : c’est pourquoi l’auteur corrige Lamartine. […] Ceci posé, mon livre s’adressant aux débutants et aux élèves, c’est-à-dire à ceux qui commencent à exercer leur faculté d’invention, j’ai prévenu, en effets ces apprentis écrivains « qu’il y avait des images qu’on peut découvrir plus facilement que d’autres, par l’application de l’esprit et l’effort du travail », à condition toujours d’avoir « du talent et des dispositions imaginatives ».

120. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Il avait montré, au début de sa vie intellectuelle, des facultés qui devaient l’élever bien au-dessus du métier qu’il fait actuellement et auquel il ne pourrait plus, quand il le voudrait, s’arracher. […] Il en a fait un homme politique, un de ces cuisiniers de révolutions et de gouvernements impossibles, qui empoisonnent la France depuis près d’un siècle… Le journalisme, qui, si l’on n’y prend garde, donne de si mauvaises habitudes à la pensée, a donné à Pelletan tous les défauts qui sautent aux yeux dans son nouveau livre : l’inconsistance, la frivolité, les passions de parti et leurs faux jugements et leurs injustices, et surtout cette terrible et misérable faculté de se monter la tête, de suer à froid, comme disait Beaumarchais, en parlant des avocats, ces journalistes du bec comme les journalistes sont les avocats de la plume, et de se faire illusion à soi-même pour mieux faire illusion aux autres. […] La faculté de se faire illusion, pour mieux la faire aux autres, est aussi dans le livre, mais dans des proportions moins indécentes. […] Devenu superficiel par le fait de ce journalisme qui diminue les facultés des hommes, quand il ne les tue pas après les avoir dépravées, Pelletan, qui n’a plus rien de sérieux dans la pensée, ne s’en est pas moins donné la peine du diable qu’est obligé de se donner tout journaliste pour enlever son publie, tout en l’amusant.

121. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Il avait les facultés nécessaires à cette besogne ; il avait le degré qu’il faut de sagacité, d’érudition, d’enthousiasme et même de duperie, pour aller chercher des idées dans des livres profonds et obscurs comme des puits, où elles se tiennent peut-être pour se faire croire la Vérité, et pour les verser dans les esprits qui les ignorent, après les avoir fait passer par cette langue française, qui est la langue universelle de la clarté, comme par un crible lumineux ! […] Destiné à l’enseignement de la philosophie, vivant dès sa jeunesse dans l’accointance des philosophes et dans la préoccupation de leurs études et de leurs influences, il crut, parce qu’il entendait et sentait vivement leurs écrits, que lui aussi aurait le pouvoir d’éjaculer, comme eux, quelque système avec lequel la pensée humaine aurait à se colleter plus tard ; mais, pendant toute sa vie, il put apprendre à ses dépens que la faculté de jouer plus ou moins habilement avec des idées qui ne vous appartiennent pas n’est pas du tout la vraie fécondité philosophique, qui n’a, elle, que deux manières de produire : — par sa propre force, si l’on appartient à la grande race androgyne des génies originaux, — ou en s’accouplant à des systèmes qui ont assez de vie pour en donner à la pensée qui n’en a pas, si l’on n’appartient pas à cette robuste race des génies originaux et solitaires. […] Seulement, nous l’avons dit déjà, aucun de ces divers écrivains qui furent le même, n’a eu, relativement à ses facultés, un moment de talent aussi complet que l’auteur de l’Introduction à la Philosophie de l’histoire, quoiqu’il l’ait traitée galamment de blague dans un style délicieux ! […] Or, je ne crains pas de le dire, malgré sa position, sa renommée, l’enseignement qu’il a fait peser sur toutes les Écoles de France pendant tant d’années, malgré, enfin, l’organisation d’un système dans lequel il a montré des facultés d’envahissement et de conservation qui n’ont rien de philosophique ou de littéraire, Cousin, le chef de la philosophie française, n’est pas un philosophe dans le sens créateur et imposant du mot.

122. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Il l’a roulée dans ce haillon… Fanatique de démocratie, fanatique d’orgueil de lui-même, sous prétexte de respect et d’admiration pour la grandeur des facultés humaines que tous les philosophes prennent pour la grandeur de leur personne, Laurent Pichat n’a pas craint de mettre la poésie de son âme dans ce qui aurait dû la tuer, et il a osé dire à l’Imagination que le temps est venu de se taire devant la raison triomphante ! […] Ce n’est pas même un rêve : c’est la réalité de ces temps misérablement avilis ; c’est le rationalisme de la bête ratiocinante, et qui, toutes ses autres facultés éteintes, ne veut plus que ratiociner. […] Le livre de Laurent Pichat est une preuve de plus de cette vérité, qu’il faut être infatigable à mettre en lumière : que rien, dans les dernières erreurs qui se sont abattues et se sont accroupies sur le monde, n’est assez puissant pour venir à bout de la faculté poétique, — la seule peut-être de nos facultés qui soit immortelle, car elle fleurit encore, comme ici, revanche superbe de l’imagination des hommes !

123. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

M. de Laprade, professeur de Faculté à Lyon depuis plusieurs années, fut donc élu, sans que l’on songeât à faire une difficulté de cette non-résidence à laquelle l’oblige sa chaire. […] Le nouveau volume que vient de publier M. de Laprade, et où se trouve son discours de réception, est un recueil de prose ; il se compose d’une douzaine de morceaux de diverse provenance et dont plusieurs paraissent avoir été de premières leçons, des discours d’ouverture de Faculté. […] J’ai souvent pensé que le mieux pour le critique qui voudrait se réserver le plus de largeur de vues, ce serait de n’avoir aucune faculté d’artiste, de peur de porter ensuite dans ses divers jugements la secrète prédilection d’un père et d’un auteur intéressé. Gœthe est le seul poète qui ait eu une faculté poétique à l’appui de chacune de ses compréhensions et de ses intelligences de critique, et qui ait pu dire à propos de tout ce qu’il juge en chaque genre : « J’en ferai un parfait échantillon, si je le veux. » Quand on n’a qu’un seul talent circonscrit et spécial, le plus sûr, dès qu’on devient critique, — critique de profession et sur toutes sortes de sujets, — est d’oublier ce talent, de le mettre tout bonnement dans sa poche, et de se dire que la nature est plus grande et plus variée qu’elle ne l’a prouvé en nous créant. […] Un écrivain de beaucoup d’esprit, un jeune maître en ironie, a pris en main la défense de cette faculté déliée, de cette arme qui est la sienne, en rendant compte du livre de M. de Laprade3 ; il a très-bien montré qu’avoir au plus haut degré le sentiment du ridicule et de la sottise, ce n’était point nécessairement n’être sensible qu’au mal.

124. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

Préface Si je ne me trompe, on entend aujourd’hui par intelligence ce qu’on entendait autrefois par entendement ou intellect, à savoir la faculté de connaître ; du moins, j’ai pris le mot dans ce sens. […] Les mots faculté, capacité, pouvoir, qui ont joué un si grand rôle en psychologie, ne sont, comme on le verra, que des noms commodes au moyen desquels nous mettons ensemble, dans un compartiment distinct, tous les faits d’une espèce distincte ; ces noms désignent un caractère commun aux faits qu’on a logés sous la même étiquette ; ils ne désignent pas une essence mystérieuse et profonde, qui dure et se cache sous le flux des faits passagers. C’est pourquoi je n’ai traité que des connaissances, et, si je me suis occupé des facultés, c’est pour montrer qu’en soi, et à titre d’entités distinctes, elles ne sont pas. […] Il faut donc que le lecteur veuille bien examiner et vérifier lui-même les théories présentées ici sur les illusions naturelles de la conscience, sur les signes et la substitution, sur les images et leurs réducteurs, sur les sensations totales et élémentaires, sur les formes rudimentaires de la sensation, sur l’échelonnement des centres sensitifs, sur les lobes cérébraux considérés comme répétiteurs et multiplicateurs, sur le mécanisme cérébral de la persistance, de l’association et de la réviviscence des images, sur la sensation et le mouvement moléculaire des cellules considérés comme un seul événement à double aspect, sur les facultés, les forces et les substances considérées comme des illusions métaphysiques2, sur le mécanisme général de la connaissance, sur la perception extérieure envisagée comme une hallucination véridique, sur la mémoire envisagée comme une illusion véridique, sur la conscience envisagée comme le second moment d’une illusion réprimée, sur la manière dont se forme la notion du moi, sur la construction et l’emploi des cadres préalables, sur la nature et la valeur des axiomes, sur les caractères et la position de l’intermédiaire explicatif, sur la valeur et la portée de l’axiome de raison explicative. — En de pareils sujets, une théorie, surtout lorsqu’elle est fort éloignée des doctrines régnantes, ne devient claire que par des exemples ; je les ai donnés nombreux et détaillés ; que le lecteur prenne la peine de les peser un à un ; peut-être alors ce qu’au premier regard il trouvait obscur et paradoxal lui semblera clair ou même prouvé. […] Des observations minutieuses et suivies jour par jour, comme celle de la cataleptique magnétisée involontairement par le docteur Puel, seraient du plus vif intérêt5. — Deux points surtout sont importants : l’un est la prépondérance du roman intérieur, suggéré ou spontané, qui se déroule dans le patient sans répression possible et avec le même ascendant qu’auraient des perceptions vraies ; l’autre est l’abolition isolée ou l’exaltation isolée d’un sens ou d’une faculté (sensation de la douleur, du son, sens tactile et musculaire, appréciation de la durée, talent de discourir, d’écrire en vers, de dessiner, et parfois divinations de diverses sortes dont nous ne pouvons encore fixer la limite).

125. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Ses deux philosophies sont l’effet de deux facultés diverses : l’une, qui est l’imagination poétique, aidée par la jeunesse, l’emporte vers la philosophie pure et vers les idées allemandes ; l’autre, qui est l’éloquence, chaque jour plus puissante, soutenue par l’âge, finit par devenir maîtresse, et l’entraîne vers le spiritualisme oratoire, dans lequel il s’est assis et endormi. […] Notre psychologie va se réduire à deux théories : nous croyons à la liberté, parce que, si on la supprime, on supprime le mérite et le démérite, ce qui est immoral ; nous croyons à la raison, parce qu’on relève l’homme en lui attribuant une faculté distincte capable d’atteindre Dieu, et parce que, si on nie la raison, on compromet les preuves de l’existence de Dieu, ce qui est immoral ; nous allons donc défendre la raison et la liberté. […] Tout s’y tient, tout s’accorde pour définir le génie de l’auteur ; tout indique la domination définitive de la faculté maîtresse que nous avons reconnue dans les beautés et dans les défauts de son style, dans ses goûts et dans son impuissance d’historien et de peintre, et que nous reconnaissons dans le but, comme dans toutes les parties de sa philosophie, dans sa théorie de la certitude, de la raison, de la Divinité, de la justice et de l’art. Il n’était point inutile de voir deux doctrines contraires naître en lui tour à tour du développement de deux facultés diverses, une faculté plus faible, fortifiée d’abord par les circonstances, prendre l’empire, fléchir lorsque le temps emporte les causes qui la soutenaient, et s’effacer enfin devant la véritable souveraine, qui essaye d’anéantir tout ce que sa rivale a produit.

126. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Bâtiment. » p. 534

Chaque faculté doit avoir son corps de bâtiment séparé, à l’instar de celui de la faculté des arts qui servira de modèle pour les autres.

127. (1885) L’Art romantique

» Il est évident qu’à ses yeux l’imagination était le don le plus précieux, la faculté la plus importante, mais que cette faculté restait impuissante et stérile, si elle n’avait pas à son service une habileté rapide, qui pût suivre la grande faculté despotique dans ses caprices impatients. […] peu d’hommes sont doués de la faculté de voir ; il y en a moins encore qui possèdent la puissance d’exprimer. […] Les enfants témoignent par leurs jeux de leur grande faculté d’abstraction et de leur haute puissance imaginative. […] Chaque écrivain est plus ou moins marqué par sa faculté principale. […] Ainsi, nous constatons dès le commencement que, si Auguste Barbier a été grand poëte, c’est parce qu’il possédait les facultés ou une partie des facultés qui font le grand poëte, et non parce qu’il exprimait la pensée indignée des honnêtes gens.

128. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

. — Des facultés artistiques. — L’Art, une activité vitale. […] De ce que la faculté esthétique, c’est-à-dire créatrice d’images et de symboles, n’est point distribuée à tous à un degré équivalent, il ne suit pas que cette faculté soit absente. […] C’est grâce à cette faculté de généralisation que l’Art a une action morale. […] La faculté d’être ému diffère même d’individu à individu. […] La compréhension de tout art demande des facultés normales et une culture spéciale.

129. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Pendant toutes ces années, sa faculté critique ne se fait jour que par sa correspondance, qui est abondante. […] Quant à la religion d’abord, il faut bien avouer qu’il est difficile, pour ne pas dire impossible, d’être religieux avec ferveur et zèle en cultivant chez soi cette faculté critique et discursive, relâchée et accommodante. […] Si nous osions nous égayer tant soit peu à quelqu’un de ces badinages chez lui si fréquents, nous pourrions soutenir que la faculté critique de Bayle a été merveilleusement servie par son manque de désir amoureux et de passion galante130. […] La dialectique, qu’il pratiqua d’abord à demi par goût et à demi par métier (étant professeur de philosophie), finit par le passionner et par empiéter un peu sur sa faculté littéraire. […] Après qu’il eut renoncé à ses Nouvelles de la République des Lettres, la faculté critique de Bayle se rejeta sur son Dictionnaire, dont la confection et la révision l’occupèrent durant dix années, depuis 1694 jusqu’en 1704.

130. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Il me semble que l’on n’a pas encore considéré comment les facultés humaines se sont graduellement développées par les ouvrages illustres en tout genre, qui ont été composés depuis Homère jusqu’à nos jours. […] Enfin relevons-nous sous le poids de l’existence, ne donnons pas à nos injustes ennemis, et à nos amis ingrats, le triomphe d’avoir abattu nos facultés intellectuelles. […] Le véritable esprit n’est autre chose que la faculté de bien voir ; le sens commun est beaucoup plutôt de l’esprit que les idées fausses. […] Voyez les hommes cruels ; ils sont, pour la plupart, dépourvus de facultés distinguées. […] J’adopte de toutes mes facultés cette croyance philosophique : un de ses principaux avantages, c’est d’inspirer un grand sentiment d’élévation ; et je le demande à tous les esprits d’un certain ordre, y a-t-il au monde une plus pure jouissance que l’élévation de l’âme ?

131. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Or cette prédominance des associations synchroniques produit une tendance à concevoir les choses sous des formes concrètes, colorées, riches d’attributs et de détails : disposition d’esprit qu’on appelle l’imagination et qui est une des facultés du peintre et du poëte. […] En effet, celle-ci a pour objet les faits de conscience, leurs causes immédiates et leurs lois ; elle doit les embrasser tous, tandis que la logique ne s’occupe que de la seule faculté d’inférer et de son mécanisme. De plus, la psychologie doit étudier nos facultés dans la série entière de leur évolution, dans leurs variations ethnologiques ou autres, tandis que la logique ne considère la faculté de raisonner que sous sa forme adulte, impersonnelle, scientifique, et rejette les exceptions. […] « La doctrine du libre arbitre met en évidence précisément cette portion de la vérité que le mot nécessité fait perdre de vue, c’est-à-dire la faculté que possède l’homme de coopérer à la formation de son caractère. […] Mais ce pouvoir directeur, cette faculté de nous placer dans les circonstances favorables à notre perfectionnement, qu’est-elle au fond ?

132. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

À se confier à cette méthode, il est apparu que la tare dont les personnages de Flaubert sont marqués suppose chez l’être humain et à l’état normal l’existence d’une faculté essentielle. Cette faculté est le pouvoir départi à l’homme de se concevoir antre qu’il n’est. […] Il a tout apprêté dans sa vie en vue de cette éventualité qui ne se réalise pas, et ce faux espoir le dissuade de tenter tout effort pour tirer parti de facultés plus modestes, qu’il renie, dont il est doué, et qui l’eussent mis dans la vie à sa vraie place. […] Mais, tandis que la faculté de se concevoir autre, exagérée en quelques individus, faisait de ceux-ci des personnages de drame ou de comédie et nous montrait des êtres que l’on pouvait croire exceptionnels, elle apparaît maintenant comme le mécanisme même en vertu duquel l’Humanité se meut, comme le principe funeste et indestructible qui la fonde et constitue son essence. […] L’intelligence humaine, la faculté de comprendre elle-même, devient le thème de la représentation et nous apparaît atteinte du même mal dont nous avons vu quelques esprits frappés.

133. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Pour être un homme supérieur en affaires, — a dit Chateaubriand, — il ne s’agit pas d’acquérir des facultés, il ne s’agit que d’en perdre ; — et entendait parler des affaires politiques. […] » C’était enfin une œuvre de grand artiste où se révélaient des facultés, pour cette fois, nettement supérieures et incontestables. […] Il n’a pas les facultés devineresses et la profonde bonhomie de ce Walter Scott, par exemple, qui a pris par le roman pour arriver aussi à la biographie et à l’histoire ; mais, s’il a d’autres procédés de divination, il arrive aux mêmes résultats de vérité et de ressemblance, et, de plus, il possède une faculté que ne connut point la tête carrée et rassise du grand Écossais. […] Soldat de l’Église militante, il a trop de foi religieuse dans l’âme, et dans l’esprit trop de facultés positives, pour concevoir l’histoire à la manière des sceptiques et des philosophes. […] Malheureusement la plus haute dignité dans la vie, l’opulence des facultés, la sainteté, la miséricorde, ne sont pas assez pour le Pasteur universel qui doit conduire, châtier et séparer, et qui n’a pas pour rien à sa houlette le bâton qui frappe et le fer qui retranche.

134. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

C’est donc de l’examen des facultés orales de M. Hugo(car la psychologie ne distingue pas la parole prononcée de la parole écrite) que nous allons partir, quitte à revenir sur nos raisonnements, si l’explication qu’elles nous auront fournie ne rend pas compte également des facultés mentales du poète. […] Nous passons aux facultés mentales du poète. […] C’est là le procédé d’un homme peu habitué à penser pour son propre compte, prompt à s’emparer de thèmes tout faits pour donner libre cours à sa faculté de parolier. […] Que l’on suppose jointe à la faculté verbale qui l’a produite, les facultés analytiques et réalistes d’un Balzac, la grâce d’un Heine, ce serait Shakespeare ; que l’on joigne encore à cette intelligence reine, la pensée encyclopédique d’un Goethe, l’on aurait un poète transcendant, qui porterait en sa large cervelle toutes les choses et tous les mots.

135. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Le détail infinitésimal auquel se livre l’historien ne prouve donc rien de plus que son étonnante faculté de découvrir les faits ignorés et de les brasser. […] On le lit à présent comme une thèse et surtout comme une réponse hautaine et péremptoire aux prétentions de ce parti qui s’appelle la jeune Italie, et qui est bien jeune en effet, si elle croit faire à l’Italie une destinée impossible et à contre-sens de ses facultés. […] Malgré ce qu’on a dit souvent de la certitude des vocations, beaucoup d’esprits, très tranchés et très décidés pourtant, se prennent à revers de leurs facultés les plus distinctes. […] En effet, d’ordinaire, quand les erreurs d’un homme ne viennent pas de l’infirmité de ses facultés, ses facultés deviennent bientôt des infirmités comme ses erreurs, et telle cependant jusqu’ici n’a pas été l’histoire de M.  […] Ferrari, la faculté de faire manœuvrer géométriquement les peuples dans un damier, dont il avait d’avance tracé et étiqueté les cases, et sa Théorie des quatre mouvements nous offre le spectacle de cette manœuvre impérieuse et souveraine que, dans un autre but que M. 

136. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Il avait les facultés les plus hautes, les plus profondes et les plus variées. […] il avait aimé mieux jouer de cette cymbale — cymbalum tinniens — que de développer, dans une généreuse et fière solitude, les facultés mères des grandes œuvres. […] et, tout en maudissant le choix qu’il avait fait dans ses facultés et dans sa destinée, il en devait porter éternellement l’esclavage. […] Qu’importe qu’elle énerve ou étiole le talent, qu’elle dissipe le temps nécessaire aux œuvres fortes et au développement des facultés, qu’elle tue l’originalité ! […] Par la sveltesse et le vif de son esprit, par cette succession d’éclairs dont il était la source, par l’armature aiguisée de ses facultés qui ressemblaient à des javelots et à des flèches, Rivarol était un journaliste né.

137. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

C’est un jalon, planté magnifiquement et avec une franchise d’une noblesse plus haute que le talent, à nos yeux, dans un champ où, pour sa récompense et pour sa gloire, Heine trouvé le genre d’inspiration qui convient le mieux à son génie, — à son génie qu’il a pris jusqu’ici à contre-sens de sa nature, comme bien des poètes, du reste, ces enfants gâtés et terribles, si souvent inconscients de leurs facultés et capricieux comme la puissance ! […] Lui seul, en sa qualité de grand poète, pouvait renverser ses facultés sans les briser, — comme cette Hérodiade du portail de la cathédrale de Rouen, qui danse sur la tête et qui n’en paraît aux yeux d’Hérode qu’une plus grande danseuse ! […] puisque Henri Heine voulait désaltérer un esprit, divinement souffrant, qui n’aurait dû boire que ses larmes, dans les eaux troubles et courantes de ces philosophies qui passent si vite en Allemagne et tout à coup y tarissent, on peut se demander pourquoi il n’est pas allé à M. de Schelling, attiré par la sympathie des grandes facultés fraternelles ? […] » au radical, qui s’est roulé dans l’ivresse de son capiteux libéralisme à travers tous les escaliers de la démagogie : « Qu’as-tu fait de l’aristocrate d’esprit, de facultés, de naissance intellectuelle que tu étais ? […] L’Aigle du génie poétique l’enleva heureusement à la polémique pour laquelle, par ses facultés aiguës et vibrantes, il était fait, cet Apollon Sagittaire, qui aurait pu lancer ses flèches, toutes-puissantes et mortelles, à toutes les adorations bêtes de la libre pensée et de son époque, depuis Goethe, qu’il renia, jusqu’à Kant, qu’il traita de Robespierre, et Hegel dont il se moqua ; mais il aima mieux les retourner contre son cœur, ces flèches étincelantes, et jamais elles ne furent plus meurtrières !

138. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Cependant si l’analogie est possible, bien plus, si elle ne peut pas ne pas exister entre l’organisme naturel et l’organisme social, il est évident que la vie intérieure des deux organismes se double d’une vie extérieure, et que la nation participe à cette faculté de l’individu qui est de ne pouvoir vivre isolé.‌ […] Entre deux facultés vivantes, dont l’union intime engendre seule le juste équilibre, on a créé une fausse opposition. […] Au-dessus de l’individualisme étroit et de la solidarité mesquine, tous deux également stériles, s’esquisse déjà une théorie nouvelle qui reconnaît dans l’individu la combinaison rythmique de ces deux facultés. […] Comment ne pas reconnaître que l’expansion naturelle de l’individualisme, c’est-à-dire l’ensemble des facultés distinctives et personnelles d’un individu, crée la solidarité, c’est-à-dire l’ensemble des facultés qui relient cet individu au reste de l’univers ; que la solidarité n’est que le produit naturel de l’individualisme ; que l’aboutissement de l’individualisme, c’est la solidarité, qui est elle-même un ferment d’individualisme ; ou mieux encore, que l’individualisme n’est autre chose que de la solidarité virtuelle et la solidarité, autre chose que de l’individualisme virtuel ? […] Il faut être dépourvu de toute faculté de vision synthétique et se cloîtrer dans sa demeure, pour ne pas reconnaître que des millions de liens de toute nature rapprochent les groupes d’humanité en un tout, qui, pour un regard extra-terrestre, dominant une étendue plus vaste que celle de notre minuscule planète, apparaîtrait étroitement uni.

139. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Quel rapport y a-t-il par exemple entre l’adhésion des méninges et l’aberration des facultés intellectuelles ? […] Esquirol reconnaît quatre espèces de folies : la monomanie ou délire partiel avec prédominance de gaieté, la mélancolie ou délire partiel avec prédominance de tristesse, la manie ou délire général avec excitation, la démence ou délire général avec dépression de toutes les facultés. […] Delasiauve présente à son tour un autre système : il distingue deux grandes classes de folies : les folies affectives et les folies intellectuelles, et il pense qu’il peut y avoir autant d’aberrations particulières qu’il y a de facultés normales. […] Que l’origine de la folie soit ou non dans les organes, toujours est-il qu’elle finit par pénétrer jusqu’à l’âme, car on ne peut nier qu’elle n’atteigne l’entendement et la sensibilité ; or ce sont là certainement des facultés de l’âme.

140. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « II. Jean Reynaud »

Esprit physiologiquement religieux, tourné de tendance primitive et de tempérament vers les choses de la contemplation intellectuelle, métaphysicien et presque mystique, l’auteur de Terre et Ciel n’était point, par le fait de ses facultés, destiné aux doctrines de la philosophie moderne, mais pour des raisons qu’il connaît mieux que nous, et qu’il retrouverait s’il faisait l’examen de conscience de sa pensée, il n’a pu cependant y échapper. […] Au moins, pour expliquer de cette façon le problème surnaturel de l’homme et de sa destinée, pour revenir en plein dix-neuvième siècle, — après les travaux philosophiques de Hegel et de Schelling, — à ce risible système de la métempsychose, digne tout au plus d’inspirer une chanson au marquis de Boufflers ou à Béranger qui l’a faite, fallait-il se sentir une force d’induction et de déduction irrésistibles ; fallait-il que la grandeur des facultés philosophiques sauvât la misère du point de vue que l’on ne craignait pas de relever. […] Reynaud sont plus vives et plus fortes que ses facultés. […] Observateur nul, puisque son système n’est qu’une induction, et rien de plus, il choque profondément en nous la faculté qui a soif de réalités et de vérité, mais il n’intéresse pas l’imagination davantage.

141. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Comte ; Cabanis, Broussais et le docteur Gall, le docteur Gall surtout, dont directement il procède, et auquel il emprunte son système de petites boîtes numérotées sur le crâne, pour mettre là-dedans les facultés de l’âme qu’il y a vues probablement, ce grand observateur qui n’invente rien, et pas même sa philosophie ! Les facultés de l’âme et la morale, qui est la conséquence de ces facultés, sortent pour M.  […] Si elles ne sont pas ces petites boîtes elles-mêmes, qu’il nous les montre, ces facultés de l’âme indépendantes, ayant une existence à elles, quoique renfermées en ces petits engins.

142. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Par la nature de ses facultés, il était destiné à toujours aller devant soi dans le sens de ses premières pentes. […] Il n’a pas écrit une biographie intellectuelle du penseur, et replacé, après coup, les idées de l’homme, sous le jeu de ses facultés bien étudiées et par l’étude redevenues vivantes, pour voir comment ces idées s’étaient formées, développées et fixées, dans l’action et sous la pression de ces facultés. […] M. de Rémusat a-t-il jamais eu la faculté des esprits nets et droits qui vont de primesaut aux réalités importantes ?

143. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Elle n’a pas, comme le phénix et le grand poète, cette faculté de renaître perpétuellement de ses cendres· Elle ne renaît pas assez des siennes. […] Par la nature de son inspiration bien plus que par celle de ses facultés, l’auteur des Poésies philosophiques ne devait-il pas être forcément plus ou moins stérile ? Une négation n’est jamais féconde, mais la négation de l’Affirmation infinie, la négation de Dieu, source de toutes les fécondités, ne peut pas engendrer longtemps… Madame Ackermann, malgré la force prolifique de ses facultés de poète, n’a pas produit en proportion avec la force de ses facultés.

144. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

On sacrifie presque toujours alors des facultés réelles à des prétentions incertaines. […] Mérimée était resté ce qu’il était quand il débuta, et même plus tard, et qu’il eût continué de se développer dans le sens de ses facultés naturelles, nous aurions peut-être un grand romancier de plus… Au lieu de cela, nous n’avons eu qu’un homme de beaucoup d’esprit et de ressources, qui a fait toutes sortes de livres, parmi lesquels il y a des romans qu’il est temps aujourd’hui de juger. […] Il aime la clarté et la concision, la ligne la plus courte d’un point à un autre ; il a enfin ce que j’appellerais volontiers les facultés militaires de l’esprit, qui ne sont nullement les grandes facultés artistiques !

145. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Il en fait tour à tour le plus grand poète et le plus pathétique vulgarisateur de choses abstraites qui ait jamais existé Cette faculté d’assimilation, ou d’imprégnation, qui est à un degré si déplorable dans Cousin, — et qui le transforme tour à tour en éponge qui boit tout ou en cuvette dans laquelle on mêle tout, idées et systèmes, — cette faculté d’être un Grec, deux Écossais, trois Allemands à la fois, et de ne pouvoir parvenir à être un homme, exalte l’admiration effrayante de Wallon et lui inspire ces incroyables arabesques de louanges et ces perfides lacs d’amour de l’éloge qu’il trace autour de son nom… C’est là ce qui lui fait verser sur cette grande tête, dévouée aux… flatteries, assez de couronnes pour l’accabler. […] Pour qu’il tombe de plus haut et qu’il se brise mieux, il l’élève ; puis, quand il l’a mis au plus haut de ses facultés exagérées, il le précipite dans cette conclusion (page 129) : « Il est le modèle achevé, pour ainsi dire idéal, de ces riches et pauvres natures, communes à toutes les époques, mais qu’il était donné à notre xixe  siècle de mettre en pleine lumière… qui sont à la fois sincères et fausses, aptes et inaptes à tout, font le bien avec ardeur, le mal avec passion, aiment l’idée pour l’idée, l’art pour l’art, et, sublimes égoïstes, se prêtent toujours pour ne se donner jamais.

146. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

J’ai eu l’honneur d’être autrefois un élève de cette Faculté de médecine si attaquée en ce moment dans la personne de ses plus excellents maîtres. […] Quelle terrible invasion d’hérétiques, de schismatiques et de mécréants pour une Faculté de médecine ! […] cette doctrine (la doctrine ancienne et non actuelle de l’école de Montpellier) est exaltée, préconisée, par contraste avec les abjectes théories de la Faculté de Paris. […] Une grande Faculté s’est sentie atteinte. […] Si vous concédiez ici au clergé catholique l’enseignement supérieur et les facultés, laisseriez-vous (par compensation) se former de libres facultés laïques ?

147. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Seulement, cette faculté est-elle littéraire ? et en supposant qu’on puisse l’employer heureusement dans un but de littérature, l’emploi de cette faculté ne tombe-t-il pas dans la rouerie ? […] Il y a l’indigence relative des grandes facultés qui inventent. […] Dieu lui avait donné des facultés singulièrement belles, puissantes et rares ; il n’en tira point le parti qu’il en eût pu tirer. […] Voilà ce qui le rend plus coupable qu’un autre de cette Bohème sinistre et funèbre, dont, par la supériorité de ses facultés et de ses fautes, il est actuellement le Roi !

148. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Les passions sont l’élan de l’homme vers une autre destinée, elles font éprouver l’inquiétude des facultés, le vide de la vie ; elles présagent, peut-être, une existence future, mais, en attendant elles déchirent celle-ci. En peignant les jouissances de l’étude et de la philosophie, je n’ai pas prétendu prouver que la vie solitaire soit celle qu’on doit toujours préférer : elle n’est nécessaire qu’à ceux qui ne peuvent pas se répondre d’échapper à l’ascendant des passions au milieu du monde ; car on n’est pas malheureux en remplissant les emplois publics, si l’on n’y veut obtenir que le témoignage de sa conscience ; on n’est pas malheureux dans la carrière des lettres, si l’on ne pense qu’au plaisir d’exprimer ses pensées, et qu’à l’espoir de les rendre utiles ; on n’est pas malheureux dans les relations particulières, si l’on se contente de la jouissance intime du bien qu’on a pu faire, sans désirer la reconnaissance qu’il mérite ; et dans le sentiment même, si n’attendant pas des hommes la céleste faculté d’un attachement sans bornes, on aime à se dévouer sans avoir aucun but que le plaisir du dévouement même. […] En composant cet ouvrage, où je poursuis les passions comme destructives du bonheur, où j’ai cru présenter des ressources pour vivre sans le secours de leur impulsion, c’est moi-même aussi que j’ai voulu persuader ; j’ai écrit pour me retrouver, à travers tant de peines, pour dégager mes facultés de l’esclavage des sentiments, pour m’élever jusques à une sorte d’abstraction qui me permit d’observer la douleur en mon âme, d’examiner dans mes propres impressions les mouvements de la nature morale, et de généraliser ce que la pensée me donnait d’expérience. […] Une belle cause finale dans l’ordre moral, c’est la prodigieuse influence de la pitié sur les cœurs ; il semble que l’organisation physique elle-même soit destinée à en recevoir l’impression ; une voix qui se brise, un visage altéré, agissent sur l’âme directement comme les sensations ; la pensée ne se met point entre deux, c’est un choc, c’est une blessure, cela n’est point intellectuel, et ce qu’il y a de plus sublime encore dans cette disposition de l’homme, c’est qu’elle est consacrée particulièrement à la faiblesse ; et lorsque tout concourt aux avantages de la force, ce sentiment lui seul rétablit la balance, en faisant naître la générosité ; ce sentiment ne s’émeut que pour un objet sans défense, qu’à l’aspect de l’abandon, qu’au cri de la douleur ; lui seul défend les vaincus après la victoire, lui seul arrête les effets de ce vil penchant des hommes à livrer leur attachement, leurs facultés, leur raison même à la décision du succès ; mais cette sympathie pour le malheur est une affection si puissante, réunit tellement ce qu’il y a de plus fort dans les impressions physiques et morales, qu’y résister suppose un degré de dépravation dont on ne peut éprouver trop d’horreur. […] Les chefs de parti peuvent se croire assez sûrs d’eux-mêmes pour se guider toujours d’après la plus haute sagesse, mais il n’y a rien de si funeste pour eux que des sectaires privés de l’instinct de la pitié ; d’abord ils sont par cela même incapables d’enthousiasme pour les individus ; ces sentiments tiennent l’un et l’autre, quoique par des rapports différents, à la faculté de l’imagination.

149. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Si l’on excepte les anomalies telles que le délire et la folie, où la personnalité se voit modifiée par des causes nettement pathologiques, l’enfance est l’état naturel où la faculté de se concevoir autre se manifeste avec le plus d’évidence. […] Cette faute de critique et cette préférence mettent au service d’une faculté relativement médiocre tout le pouvoir d’effort attentif et conscient, dont la faculté maîtresse se voit privée. […] C’est donc, dans la faculté d’apprécier dans le goût, dans le jugement qu’il fait tenir le sentiment de sa valeur. […] Cette pauvreté des moyens de suggestion auxquels le snobisme a recours méritait qu’on la signalât, parce qu’elle implique l’étonnante sensibilité de cette faculté de prendre le change en quoi consiste le Bovarysme.

150. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Il professe, il ensevelit ses leçons, sa parole, toutes ses facultés, dans ces jeunes âmes en qui il aspire à revivre et à faire revivre les semences de la science et de la vertu. […] Ce fut un bonheur du moins que, dans une des dernières occasions publiques où il se produisit, un discours latin qu’il prononça avec applaudissement ait fait naître un désir unanime de ses collègues de la faculté des arts, et qu’on l’ait engagé à écrire son Traité des études, par lequel il se rouvrit cette carrière de l’enseignement qu’on lui fermait. […] Dans la grande assemblée de la faculté des arts du 11 mai 1739, où l’Université, amenée à se rétracter de sa longue opposition, accepta la bulle, Rollin, à la tête de quatre anciens, et comme doyen de la nation de France, s’avança au milieu de la salle et protesta, malgré le silence que lui imposa le jeune recteur, l’abbé de Rohan-Ventadour. […] Sans vouloir déprécier cette modestie et sans prétendre nier que, chez quelques natures délicates, un sentiment de réserve et de pudeur excessive ne fasse tort au mérite et aux facultés réelles dont ces natures sont pourvues, je dirai pourtant qu’une habitude de modestie et d’humilité, au degré où l’avait Rollin, suppose toujours aussi un sentiment d’une secrète faiblesse qui évite le développement où elle se trahirait. […] Sa vie entière se présente comme une de ces années orageuses et frappées de stérilité, où l’on dirait que le cours des saisons et l’ordre de la nature sont intervertis ; et, dans cette confusion, les facultés les plus heureuses se sont tournées contre elles-mêmes.

151. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Nous avons au Muséum un laboratoire spécial et une installation qui nous manquaient à la Faculté des sciences. […] Wurtz, doyen de la Faculté de médecine, fut envoyé en Allemagne pour y visiter les laboratoires. […] Toutefois la submersion ne détruit pas la faculté germinative ; il y a même, d’après M.  […] La levure de bière nous fournit un précieux exemple de cette double faculté. […] Ce sont toutes ces facultés que l’on a appelées du nom générique d’irritabilité fonctionnelle.

152. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Ce volume reproduit quelques leçons à peine retouchées d’un enseignement à la Faculté des lettres de Lyon. […] Cette faculté, chez le poète, est la faculté créatrice, c’est-à-dire ordonnatrice par excellence, celle qui comporte essentiellement la notion de l’harmonie, de la convenance, de la mesure. […] Des mots qui ne renferment point d’images ne réveillent en nous que nos facultés abstraites ; l’image, outre nos facultés, met en jeu nos sensations et nos sentiments ; elle transporte pour ainsi dire la nature elle-même devant nos yeux. […] L’âme a aussi pour communiquer avec l’invisible, avec l’idéal, plusieurs facultés, plusieurs sens. […] L’intelligence toute seule ne reçoit que des notions ; le corps reçoit des sensations ; le cœur éprouve une manière d’être qui participe de la faculté de connaître et de celle de sentir, qui les résume et les confond dans une faculté par excellence, dans l’aspiration, dans l’amour.

153. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bonté existe en nous comme le principe de la vie, sans être l’effet de notre propre volonté ; elle semble un don du ciel comme toutes les facultés, elle agit sans se connaître, et ce n’est que par la comparaison qu’elle apprend sa propre valeur. […] Le bonheur qui naît des passions est une distraction trop forte, le malheur qu’elles produisent cause un désespoir trop sombre pour qu’il reste à l’homme qu’elles agitent aucune faculté libre ; les peines des autres peuvent aisément émouvoir un cœur déjà ébranlé par sa situation personnelle, mais la passion n’a de suite que dans son idée ; les jouissances, que quelques actes de bienfaisance pourraient procurer, sont à peine senties par le cœur passionné qui les accomplit. […] La bienfaisance remplit le cœur comme l’étude occupe l’esprit ; le plaisir de sa propre perfectibilité s’y trouve également, l’indépendance des autres, le constant usage de ses facultés ; mais ce qu’il y a de sensible dans tout ce qui tient à l’âme, fait de l’exercice de la bonté une jouissance qui peut seule suppléer au vide que les passions laissent après elles ; elles ne peuvent se rabattre sur des objets d’un ordre inférieur, et l’abime que ces volcans ont creusé, ne saurait être comblé que par des sentiments actifs et doux qui transportent hors de vous-même l’objet de vos pensées, et vous apprennent à considérer votre vie sous le rapport de ce qu’elle vaut aux autres et non à soi ; c’est la ressource, la consolation la plus analogue aux caractères passionnés, qui conservent toujours quelques traces des mouvements qu’ils ont domptés.

154. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

… Dans de telles circonstances, qui sont les circonstances présentes, les grandes ou fortes œuvres tarissent et les petits livres abondent, les petits livres qui sont aux œuvres dignes de ce nom ce que le tableau de genre est aux grandes toiles ; les petits livres qui ne demandent que des facultés secondaires et qui dispensent de tout ce qui est difficile : la profondeur dans l’inspiration, la combinaison, l’ordre, la distribution de la lumière dans le fourmillement des détails, l’étoffe de l’ensemble enfin ; les petits livres dont ce brillant dandy, Mirabeau manqué dans l’intrigue, lord Bolingbroke, disait, avec sa fatuité épigrammatique, « qu’au moins ils avaient le mérite d’être bientôt lus ». […] Le rationalisme n’est qu’une tendance, une fausse tendance qu’on n’a point en vain, et qui, s’emparant d’un esprit constitué d’origine pour tout ce qui est large, droit et profond, devait nécessairement faire tort aux facultés que Louandre a surtout reçues pour écrire l’histoire. […] Il ne sait pas, ou il veut ignorer, qu’elle est, après tout, la faculté qui tient le plus de place dans l’esprit humain, et qui pèse le plus sur la volonté.

155. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

Les solides eux-mêmes, ils les réduisaient aux chairs, viscera [vesci voulait dire se nourrir, parce que les aliments que l’on assimile font de la chair] ; aux os et articulations, artus [observons que artus vient du mot ars, qui chez les anciens Latins signifiait la force du corps ; d’où artitus, robuste ; ensuite on donna ce nom d’ars à tout système de préceptes propres à former quelques facultés de l’âme] ; aux nerfs, qu’ils prirent pour les forces, lorsque, usant encore du langage muet, ils parlaient avec des signes matériels [ce n’est pas sans raison qu’ils prirent nerfs dans ce sens, puisque les nerfs tendent les muscles, dont la tension fait la force de l’homme] ; enfin à la moelle, c’est dans la moelle qu’ils placèrent non moins sagement l’essence de la vie [l’amant appelait sa maîtresse medulla, et medullitùs voulait dire de tout cœur ; lorsque l’on veut désigner l’excès de l’amour, on dit qu’il brûle la moelle des os, urit medullas]. […] Dans ces premiers temps où l’esprit humain n’avait point tiré de l’art d’écrire, de celui de raisonner et de compter, la subtilité qu’il a aujourd’hui, où la multitude de mots abstraits que nous voyons dans les langues modernes, ne lui avait pas encore donné ses habitudes d’abstraction continuelle, il occupait toutes ses forces dans l’exercice de ces trois belles facultés qu’il doit à son union avec le corps, et qui toutes trois sont relatives à la première opération de l’esprit, l’invention ; il fallait trouver avant de juger, la topique devait précéder la critique, ainsi que nous l’avons dit page 163. […] Admirons en tout ceci la Providence divine qui, nous ayant donné comme pour la garde de notre corps des sens, à la vérité bien inférieurs à ceux des brutes, voulut qu’à l’époque où l’homme était tombé dans un état de brutalité, il eût pour sa conservation les sens les plus actifs et les plus subtils, et qu’ensuite ces sens s’affaiblissent, lorsque viendrait l’âge de la réflexion, et que cette faculté prévoyante protégerait le corps à son tour.

156. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Ampère, dans une de ses ingénieuses et judicieuses leçons du Collége de France, remarquait qu’en France, chez les quatre principaux lyriques des trois derniers siècles, chez Ronsard, Malherbe, Jean-Baptiste Rousseau et Le Brun, il y avait une faculté de chant, ou du moins une faculté de sonner avec éclat de la trompette pindarique, indépendamment même d’une certaine nature de sensibilité, d’une certaine conviction habituelle et antérieure de l’âme. […] Il y a quelque chose d’évidemment extérieur dans cette faculté grandiose de l’ode. […] Hugo, dans une très-belle pièce, et même la plus belle du volume, compare l’âme du poëte à une cloche en son beffroi ; la cloche retentissante, et qui sonne pour chaque fête ou pour chaque deuil, a de la ressemblance encore avec cette faculté de l’ode ; tanquam æs tinniens ; je ne sais quoi de puissant et de magnifique, de creux et de sonore.

157. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Jamais, sous prétexte d’avoir mis son humilité, une fois pour toutes, aux pieds du Saint-Siège, un jeune talent d’orateur ne s’est passé plus en sûreté de conscience ses facultés altières, piquantes, ironiques, et n’a joué plus librement de l’arme du dédain. […] Et plus loin, comparant le peuple écrasé à l’antique géant étouffé sous l’Etna : « On a cru, s’écria-t-il, anéantir un peuple, on a créé un volcan. » M. de Montalembert a une faculté qui manque à beaucoup d’autres, d’ailleurs éloquents, et qui fait que sa phrase ne résonne pas comme une autre phrase : il a la faculté de l’indignation. […] Sa faculté ironique et poliment hautaine qui, à certains jours pourtant, excédait un peu le ton de la noble Chambre et pouvait sembler disproportionnée, trouve ici des objets très convenables, et il n’en laisse, à la rencontre, échapper aucun ; il joint aux autres qualités de l’orateur celle de la riposte et de l’à-propos.

158. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

La nature, le problème de cette âme se rétrécissant au point de s’exclure du domaine même, énorme et multiple, qu’elle était apte, parmi de rares, à régir ; le long enfantement de cette faculté de mécontentement, d’inquiétude, de souci, d’égarement, de passion, trouble et précipitée qui ne fit plus juger louable au comte Tolstoï que d’amender en vue de plus de bonheur bien bas, cette humanité décrite et montrée dans ses larges œuvres : cet essor et ce déclin seront considérés dans les pages qui suivent avec l’étonnement douloureux, mais aussi avec le vif désir de comprendre que mérite la transformation si complète d’un esprit si haut. […] La Guerre et la Paix, Anna Karénine, n’ont point à proprement dire de sujet, ni dramatique ou psychologique ; ils ne sont point, comme on dit, l’analyse d’un état d’âme, l’étude d’une passion, d’une faculté, d’un accident ; ils contiennent la vie même, toute la vie d’un groupe nombreux d’hommes étagés à tous les âges et conduits pas à pas, par une durée d’une vingtaine d’années, jusqu’au terme des grandes phases de leur carrière. […] Frustes de masse, lâchées à tout le développement d’une exorbitante faculté créatrice, ces pages sans affabulation ont le plus haut sujet qui soit, la condensation, la présentation, l’illustration d’un large ensemble de ces faits de vie sur lesquels en définitive se concentrent les espoirs, les amours, les craintes et les haines. […] La contrainte de connaître et l’impuissance d’aimer ce qui leur répugne, le désir graduel et l’incapacité de supprimer ces causes d’aversion ou d’en dériver l’esprit, cette alternative de se soumettre, de se renier ou de souffrir sans recours, conduit chez des esprits de cette sorte à une âpre lutte des deux ordres de facultés inversement froissées ; chez Tolstoï, le sentiment triompha de l’intelligence. […] Cette attitude finale, cette carrière, l’œuvre que nous venons d’étudier, l’ensemble et le conflit de facultés mentales que présupposent ces débuts et ce terme sont étrangement composites.

159. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Théry était alors proviseur, il excellait à tous les exercices scolaires ; il était accoutumé à être le premier en toute Faculté. […] Ce livre, en effet, s’offrit d’abord sous forme de thèse pour le doctorat : la soutenance de Rigault est restée célèbre dans les fastes de la Sorbonne, de la Faculté des Lettres. […] Ordinairement la Faculté épluche beaucoup le candidat et se fait un devoir de ne rien lui passer : avec Rigault tout était renversé, la Faculté semblait séduite et sous le charme ; elle prodiguait les signes de faveur et se bornait presque à donner la réplique. […] Ainsi pour la thèse de Rigault : la Faculté ne s’était jamais vue à pareille fête. — Cela se passait en décembre 1856.

160. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

C’est par cette figure qu’un grand homme d’État anglais a donné l’idée la plus frappante de ce que doit être le gouvernement chez une nation forte, une nation qui a de grandes facultés et de grandes passions : car il n’y a point de grandes facultés sans grandes passions ; et malheur aux nations qui ne sont point passionnées ! […] Comme la plus belle des facultés humaines est la volonté, il a pu montrer dans le gouvernement, et à un assez haut degré, une espèce de volonté qui, dans l’opposition, ne semblait que de l’esprit de harcèlement. […] Si j’osais traduire cette impression dans une langue toute littéraire et pour des littérateurs, je dirais : Zumalacárregui, c’est son André Chénier : Il est des temps, disait-il (28 juin 1835), où avec de médiocres facultés on peut devenir rapidement fameux ; nous sommes, au contraire, une de ces époques où tout conspire contre le développement des grands caractères, et où le travail des sociétés n’amène à la surface que des natures dégradées. […] L’un des défenseurs des Accusés d’avril, il eut à exercer dans le cours de ce procès toutes ses facultés énergiques et réfléchies pour mettre un peu de discipline dans cette cohue d’avocats improvisés, pour parer aux incartades des imprudents, pour se faire respecter de tous, pour leur enseigner les moindres échappatoires de légalité.

161. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

Ainsi métamorphosé, il a réfuté par une équivoque le scepticisme, doctrine immorale ; réduit la psychologie à l’étude de la raison et de la liberté, seules facultés qui aient rapport à la morale ; défini la raison et la liberté de manière à servir la morale ; prescrit à l’art l’expression de la beauté morale ; institué Dieu comme gardien de la morale, et fondé l’immortalité de l’âme comme sanction de la morale. […] Jouffroy parmi les monades de M. de Biran, l’a conduit à considérer les facultés comme des choses réelles, véritables objets de la psychologie ; à emprisonner la psychologie dans une question de mots scolastique et oiseuse ; à exprimer les faits par des notations vagues, inexactes en elles-mêmes et grosses d’erreurs. […] Le rêve et l’abstraction, telles furent les deux passions de notre renaissance : d’un côté l’exaltation sentimentale, « les aspirations de l’âme », le désir vague de bonheur, de beauté, de sublimité, qui imposait aux théories l’obligation d’être consolantes et poétiques, qui fabriquait les systèmes, qui inventait les espérances, qui subordonnait la vérité, qui asservissait la science, qui commandait des doctrines exactement comme on commande un habit ; de l’autre, l’amour des nuages philosophiques, la coutume de planer au haut du ciel, le goût des termes généraux, la perte du style précis, l’oubli de l’analyse, le discrédit de la simplicité, la haine pour l’exactitude ; d’un côté la passion de croire sans preuves ; de l’autre la faculté de croire sans preuves : ces deux penchants composent l’esprit du temps. […] Toutes ces raisons semblent annoncer qu’on énumérera longtemps encore les trois facultés, la première, la seconde et la troisième, et que, jusqu’à la fin du siècle, pour expliquer l’idée de l’infini, on dira qu’elle vient de la raison, faculté de l’infini.

162. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Parmi les nombreuses idées et les innovations de plus d’un genre tentées par le ministre de l’instruction publique, une des plus pratiques et la moins contestable assurément, c’est l’institution régulière de leçons faites dans les diverses Facultés et les principales villes de province, à commencer par la Faculté des lettres de Paris, pour l’enseignement secondaire des jeunes filles. […] Dans cette innovation louable et de bonne nature, il était juste que la Faculté de Paris donnât le signal.

163. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Nous avons vu, dans l’Introduction (§ 8), avec quelle vivacité il combat la doctrine des facultés : aussi ne classe-t-il les faits de conscience qu’en passant et en déclarant bien vite qu’il ne tient guère à sa classification. […] A proprement parler, elle ne l’explique point ; tout se réduit à dire que nous percevons le monde externe, parce que nous avons la faculté de le percevoir. […] « Si la psychologie, dit-il276, étudiait les affections et opérations au lieu des facultés, et réglait son langage en conséquence, il semble qu’on se débarrasserait d’un bon nombre de questions embarrassantes parmi lesquelles il faut mettre la controverse sur la liberté de la volonté, ce qui est littéralement la liberté d’une non-existence. » La question examinée de près se réduit, suivant l’auteur, à se demander, non pas si nous sommes libres d’agir dans certains cas comme il nous plaît, — car personne, je pense, ne conteste que nous le soyons ; — mais s’il y a des causes régulières qui nous mettent en état de « vouloir » agir comme nous agissons.

164. (1908) Après le naturalisme

Les facultés se localisent. […] La faculté d’écrire ne consiste pas seulement en le don inné de l’expression par le verbe. […] D’ailleurs, il sera pourvu à ce qu’ils exercent convenablement leurs facultés selon la toute logique intellectuelle. […] Le génie n’est qu’une vaste faculté de rassemblement ou de synthèse. […] Ce qui fait la sagesse, c’est l’harmonie des facultés et l’homme primitif ne suit que ses impulsions du moment.

165. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Ce qui lui permettait de mettre en lumière, de réaliser en un type non pas même une faculté maîtresse, mais une faculté unique. Or une faculté unique c’est une abstraction de moraliste ou de critique, cela n’existe chez aucun homme. […] La critique naturelle à un critique, c’est-à-dire à un abstracteur, à un homme qui cherche la faculté unique, la faculté maîtresse, la faculté abstraite, et qui reproche à Molière d’avoir procédé par facultés composées, par facultés adverses, par facultés concrètes, c’est-à-dire de n’avoir pas fait œuvre de critique. […] Aucune faculté n’était plus puissante en lui que la faculté d’abstraction. […] Et l’abstraction, qui était sa faculté maîtresse, devint son idée ennemie.

166. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Mais les esprits essentiellement critiques et moralistes n’ont le plus souvent besoin ni de grands mécomptes ni de désabusements directs pour arriver à leur plein exercice et à leur entier développement ; ils sont moralistes en un clin d’œil, par instinct, par faculté décidée, non par lassitude ni par retour. […] Cette faculté-là, cette vue se déclare dès la jeunesse en ceux qui en sont doués : Vauvenargues nous apparaît de bonne heure un sage. […] Le moraliste, à proprement parler, a une faculté et un goût d’observer les choses et les caractères, de les prendre n’importe par quel bout selon qu’ils se présentent, et de les pénétrer, de les approfondir. […] Elle déploya à ce soin, durant des années, une faculté remarquable d’action et d’entente des affaires, qu’elle contint du reste, en tout temps, à son intérieur. […] Il est certain du moins que, dans la plupart des cas, quand l’enfant est bien né, comme on dit, quand il ne recèle pas en lui de faculté trop excentrique ou de passion trop obstinée qui déjoue, le bon résultat doit s’obtenir d’après les soins qu’elle fait prendre.

167. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

On accuse la fortune d’être hostile aux grands génies littéraires, poétiques, artistiques : nous n’admettons pas qu’un grand don de l’esprit soit une hostilité ou une malédiction de la fortune ; nous conviendrons plutôt que les grandes imaginations, quand elles ne sont pas en équilibre parfait avec les autres facultés du bon sens et du raisonnement, portent leur malheur en elles-mêmes. […] Un philosophe anglais a remarqué avec une admirable justesse que « si la nature douait un être d’une faculté de sentir et de penser trop supérieure à la faculté de sentir et de penser du commun des hommes, cet être en apparence privilégié ne pourrait pas vivre dans le milieu humain, ou vivrait le plus infortuné de tous les êtres. […] Beaucoup imaginer, c’est beaucoup prétendre ; beaucoup penser, c’est beaucoup souffrir ; être grand, c’est être disproportionné dans un monde de médiocrités ou de petitesses ; être disproportionné, c’est être déplacé ; être déplacé, c’est créer autour de soi des inimitiés, c’est éprouver soi-même une inimitié involontaire et générale contre tous ceux qui ne vous cèdent pas la place aussi vaste que la demandent vos facultés supérieures. […] non, ils sont malheureux parce qu’ils ne le sont pas assez ; ils sont à plaindre, parce qu’une seule de leurs facultés est excessive, et que les autres facultés correspondantes sont inférieures. […] Il demande à entrer, et même avec un modique traitement, à votre service ; ses facultés poétiques ne sont nullement affectées ; il compose une ode admirable pour Votre Altesse.

168. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Il les appelle innées, parce que nous naissons avec la faculté de les concevoir. […] Descartes, qui place la raison si haut par rapport aux autres facultés de l’homme, l’avait trop rabaissée par rapport à Dieu. […] Descartes est une idée, dans ce sens qu’il recherche la vérité universelle, l’idée pure, avec la seule faculté universelle qui soit en nous, la seule qui ne dépende pas de l’individu, la raison. […] Un écrivain n’est grand qu’à proportion qu’il est inimitable, et il est d’autant plus inimitable que sa raison est plus maîtresse de ses autres facultés, et qu’en lui l’homme l’emporte sur l’individu. […] La méthode cartésienne ne cessera pas d’être l’une de nos facultés : instrument admirable, qui, faute de mains assez robustes pour le manier, pourrait bien être délaissé, mais qui ne sera jamais remplacé par un meilleur.

169. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

La vie des hommes de génie est la leçon la plus utile : on y voit ce que peuvent la persévérance et le travail pour le développement des facultés de l’intelligence. […] On a dit que le goût était la faculté de se plaire aux beautés de la nature et de l’art. […] La faculté de produire et de moduler des sons par les organes de la voix nous a été donnée avec l’intelligence, avec la vie : la parole est un don de Dieu. […] Quelle est la faculté de notre esprit que l’étude ne développe et n’agrandisse pas ? L’art du débit oral est-il autre chose que l’application des facultés de notre intelligence au perfectionnement de l’instrument du langage et du jeu de la pantomime ?

170. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Elles sont à la gauloise, sans cérémonie aucune, à des amis avec qui il pense tout haut et à qui il raconte ses affaires, celles de la Faculté, les nouvelles de la ville, les curiosités du monde savant, les livres qui s’impriment, les meurtres et assassinats qui se commettent, les exécutions, les faits de tout genre tels qu’ils le frappent et qu’ils lui arrivent : « Vous voyez que je n’y mets aucun soin de style et d’ornement, dit-il, et que je n’y emploie ni Phœbus ni Balzac. » Le premier mot qui lui vient, français ou latin, est celui qu’il écrit ; c’est souvent un gros mot, et quelquefois un bon mot ; mais cela vibre toujours et a de l’accent. […] Lui que dans sa jeunesse nous avons vu si curieux des vieilles thèses et antiquités de la Faculté, il eut soin d’en augmenter le trésor lorsqu’il y présida ; il mit de l’ordre dans les archives. Le second en date des plus anciens registres concernant l’histoire de la Faculté a été recouvré sous son gouvernement, et, dans une note de sa main qu’on lit en tête, il le constate avec satisfaction22. Vers le temps des licences, la coutume était de faire des jetons pour les donner aux docteurs qui y assistaient d’office ; on y mettait d’un côté les armes du doyen, et de l’autre, celles de la Faculté. […] Il n’aimait rien tant que la France, Paris, son chez soi, les thèses de la Faculté aux grands jours, et le collège de Cambrai, où il réussissait si bien.

171. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

En effet, il faut l’avouer tout de suite, le célèbre peintre, révolutionnaire à sa manière, a des mérites, des charmes même tellement incontestables et dont j’analyserai tout à l’heure la source, qu’il serait puéril de ne pas constater ici une lacune, une privation, un amoindrissement dans le jeu des facultés spirituelles. L’imagination qui soutenait ces grands maîtres, dévoyés dans leur gymnastique académique, l’imagination, cette reine des facultés, a disparu. […] Ingres une résignation ; je devine assez son caractère pour croire plutôt que c’est de sa part une immolation héroïque, un sacrifice sur l’autel des facultés qu’il considère sincèrement comme plus grandioses et plus importantes. […] Courbet, lui aussi, est un puissant ouvrier, une sauvage et patiente volonté ; et les résultats qu’il a obtenus, résultats qui ont déjà pour quelques esprits plus de charme que ceux du grand maître de la tradition raphaélesque, à cause sans doute de leur solidité positive et de leur amoureux cynisme, ont, comme ces derniers, ceci de singulier qu’ils manifestent un esprit de sectaire, un massacreur de facultés. […] Pour me résumer, je crois qu’abstraction faite de son érudition, de son goût intolérant et presque libertin de la beauté, la faculté qui a fait de M. 

172. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Seulement, à mesure que le corps vivant se complique et se perfectionne, le travail se divise ; aux fonctions diverses sont affectés des organes différents ; et la faculté de digérer se localise dans l’estomac et plus généralement dans un appareil digestif qui s’en acquitte mieux, n’ayant que cela à faire. […] La faculté de choisir, localisée d’abord dans le cerveau, s’étend progressivement à la moelle, qui d’ailleurs construit alors un moins grand nombre de mécanismes, et les monte sans doute aussi avec moins de précision. […] Bref, de haut en bas de la vie animale nous voyons s’exercer, quoique sous une forme de plus en plus vague à mesure que nous descendons davantage, la faculté de choisir, c’est-à-dire de répondre à une excitation déterminée par des mouvements plus ou moins imprévus. […] Même dans le monde végétal, où l’organisme est généralement fixé au sol, la faculté de se mouvoir est plutôt endormie qu’absente : elle se réveille quand elle peut se rendre utile. […] et par où la force spirituelle, si elle existe, se distinguerait-elle des autres, sinon par la faculté de tirer d’elle-même plus qu’elle ne contient ?

173. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Il avait relu la veille la Bible du temps, Condillac, et s’il suivait Condillac, il allait enseigner que nos facultés sont des sensations transformées, que l’étendue est peut-être une illusion, que nos idées générales sont de simples signes, qu’une science achevée n’est qu’une langue bien faite. […] À plus forte raison s’il s’agit d’un corps inanimé tel que le soleil, qui dure aussi certainement qu’il est étendu, mais dont la durée, ignorée de lui-même ainsi que son étendue, échappe à toutes nos facultés. […] Mais pour apprécier cette durée, pour la soumettre à la mesure, il faut la faire remontera à sa source ; c’est là seulement qu’elle rentre dans notre puissance, en retombant sous l’observation de nos facultés. […] À vrai dire, ce n’est pas un homme ; c’est un instrument doué de la faculté de voir, d’analyser et de raisonner. […] Vous attachez tel groupe de facultés à tel morceau de pulpe cérébrale !

174. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

On tire très souvent vanité des qualités qu’on n’a pas ; on voit des hommes se glorifier des facultés spirituelles ou sensibles qui leur manquent. […] Mais puisque la vanité est une passion, celui qui l’éprouve ne peut être tranquille ; séparé de toutes les jouissances impersonnelles, de toutes les affections sensibles, cet égoïsme détruit la possibilité d’aimer, il n’y a point de but plus stérile que soi-même ; l’homme n’accroît ses facultés qu’en les dévouant au dehors de lui, à une opinion, à un attachement, à une vertu quelconque. […] La vanité des hommes supérieurs les fait prétendre aux succès auxquels ils ont le moins de droit ; cette petitesse des grands génies se retrouve sans cesse dans l’histoire ; on voit des écrivains célèbres ne mettre de prix qu’à leurs faibles succès dans les affaires publiques ; des guerriers, des ministres courageux et fermes, être avant tous flattés de la louange accordée à leurs médiocres écrits ; des hommes, qui ont de grandes qualités, ambitionner de petits avantages : enfin, comme il faut que l’imagination allume toutes les passions, la vanité est bien plus active sur les succès dont on doute, sur les facultés dont on ne se croit pas sûr ; l’émulation excite nos qualités véritables ; la vanité se place en avant de tout ce qui nous manque ; la vanité souvent ne détruit pas la fierté ; et comme rien n’est si esclave que la vanité, et si indépendant, au contraire, que la véritable fierté, il n’est pas de supplice plus cruel, que la réunion de ces deux sentiments dans le même caractère. […] D’ailleurs, la femme qui, en atteignant à une véritable supériorité, pourrait se croire au-dessus de la haine, et s’élèverait par sa pensée au sort des hommes les plus célèbres ; cette femme n’aurait jamais le calme et la force de tête qui les caractérisent ; l’imagination serait toujours la première de ses facultés : son talent pourrait s’en accroître, mais son âme serait trop fortement agitée, ses sentiments seraient troublés par ses chimères, ses actions entraînées par ses illusions ; son esprit, pourrait mériter quelque gloire, en donnant à ses écrits la justesse de la raison ; mais les grands talents, unis à une imagination passionnée, éclairent sur les résultats généraux et trompent sur les relations personnelles.

175. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Il nous faut une faculté qui nous fasse voir le but de loin, et, cette faculté, c’est l’intuition. […] À plus forte raison, cette faculté est-elle nécessaire au joueur lui-même, c’est-à-dire à l’inventeur. […] Mais il suffit que la chose soit douteuse pour que je sois en droit de reconnaître et d’affirmer une divergence essentielle entre les deux sortes d’intuition ; elles n’ont pas le même objet et semblent mettre en jeu deux facultés différentes de notre âme ; on dirait de deux projecteurs braqués sur deux mondes étrangers l’un à l’autre.

176. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

De là des questions factices et des assertions étranges ; par exemple, que la volonté « est égale chez tous les hommes », ce qui est en désaccord complet avec les faits, mais en accord parfait avec cette abstraction qu’on a substituée à la réalité, ici, comme partout, l’important était de bien poser la question ; mais la méthode des facultés n’a pas peu contribué à séparer ce qu’il ne fallait pas désunir, et à produire ainsi une fausse interprétation des faits. […] IV On peut dire que la fonction propre de nos facultés actives, c’est de détourner la douleur, de conserver et de reproduire le plaisir185. […] Le Traité des Facultés de Garnier, fondé, comme son titre l’indique, sur une méthode qui subordonne les phénomènes aux causes, les faits aux facultés, embarrassé, d’ailleurs, de discussions métaphysiques, et dans son exposition marchant un peu à l’aventure, ne peut être, en rien, comparé à l’ouvrage de M. 

177. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

Le cerveau augmente de dimensions et se perfectionne quant à la structure à mesure que l’on passe des poissons aux oiseaux, des oiseaux aux mammifères, et que dans cette dernière classe on remonte la série des espèces dans l’ordre de leurs facultés intellectuelles. […] Les phrénologistes ont rendu célèbres les circonvolutions du cerveau, manifestées, selon eux, par les bosses du crâne, en localisant dans chacune d’elles des facultés différentes. […] Les éléphants et les singes ont par leur nature des facultés qui les élèvent au dessus de la plupart des mammifères. Admettons qu’ils tiennent cette supériorité des circonvolutions supplémentaires dont leur cerveau s’est enrichi ; mais les chevaux et les chiens, privés des circonvolutions dont il s’agit, montent par l’éducation au-dessus du singe et de l’éléphant : où faudra-t-il placer leurs facultés nouvelles16 ? 

178. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Pour nous autres catholiques, il est vrai, son génie est spécial et, théologiquement parlant, surnaturel ; mais pour ceux-mêmes qui ne sont pas catholiques, le génie, dans un autre sens, est surnaturel encore… Celui de la sœur Emmerich ne vient ni de son organisation physique, ni de ses facultés. Ses facultés (si elle en eut jamais) s’étaient abîmées et consumées dans la fournaise d’amour de la sainteté… La femme elle-même y avait péri, et de cette fournaise était sorti l’Ange que vous allez voir ! […] Lord Byron parle, dans ses Mémoires, de la faculté congrégatoire des poëtes comme de leur don le plus puissant et le plus mystérieux : eh bien ! cette faculté est suprêmement celle de la sœur Emmerich, laquelle n’est pas seulement une Voyante qui vous fait voir ce qu’elle voit, mais une Ravissante qui vous prend et qui vous transporte au centre positif d’un monde que vous n’aviez jamais entrevu jusque-là que dans les lointains de la pensée indistincte ou la brume des souvenirs confus !

179. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Mais si Oberman ne répondait que vaguement à la biographie de l’auteur, il répondait en plein à sa psychologie, à sa disposition mélancolique et souffrante, à l’effort fatigué de ses facultés sans but, à son étreinte de l’impossible, à son ennui. […] Il y eut Oberman, le type de ces sourds génies qui avortent, de ces sensibilités abondantes qui s’égarent dans le désert, de ces moissons grêlées qui ne se dorent pas, des facultés affamées à vide, et non discernées et non appliquées, de ce qui, en un mot, ne triomphe et ne surgit jamais ; le type de la majorité des tristes et souffrantes âmes en ce siècle, de tous les génies à faux et des existences retranchées.  […] Latouche, qui a donné sa mesure comme homme d’esprit, mais qui ne l’a pas donnée pour d’autres facultés bien supérieures qu’il a et qui lui pèsent, a lu Oberman avec anxiété, en fils de la même famille, et il en a visité l’auteur dans ce modeste jardin de la Cérisaye, sous ce beau lilas dont le sage est surtout fier.

180. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Il y a, enfin, la curiosité de savoir comment un critique dramatique, un peu plus solidement arc-bouté sur ses facultés et sur ses connaissances que les feuilletonistes d’à présent, troussait ses feuilletons en 1767 ! […] Il ressemblait à cet Allemand fabuleux qui héritait des talents et des facultés de tous ceux qu’il tuait en duel, et qui finit de cette manière par avoir toutes les qualités imaginables. […] Mézières est professeur à la Faculté des lettres de Paris, casematé là, à six mille francs, le prix de ces messieurs, fait comme celui des petits pâtés.

181. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Doué de facultés poétiques très-fortes, M.  […] Quant aux autres progrès que le livre d’Émaux et Camées nous atteste, ils sont moins faits pour étonner parce qu’ils sont dans le sens et dans la donnée des facultés connues du poète et de ses puissances. […] Gautier, que la faculté de l’expression, arrivée à ce degré fulgurant de supériorité, crée la poésie et la créerait encore, quel que fût le système d’idées dans lequel se plaçât le poète, — fût-ce même dans le plus abaissé de tous !

182. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Même l’égoïsme de son parti, qui sentait bien de quelle ressource un tel homme pouvait être dans un moment donné, lui épargna l’angoisse des commencements qui durent… Ce qu’on reconnaît le plus facilement, d’ailleurs, ce sont les facultés qui sont des armes ou qui peuvent le devenir. […] il est contre ses facultés. […] Or, encore, si vous ne mettez pas dans votre roman les facultés surabondantes nécessaires à une création, vous avez interverti l’ordre des œuvres, et, au lieu de ce monde inventé et organisé d’un roman dans lequel Walter Scott, par exemple, aurait fait tenir jusqu’à l’Histoire, vous n’avez qu’une histoire, qui n’a peut-être pas la réalité pure de l’Histoire, et c’est dans les formes énergiques, mais étroites, maigres et décharnées de cette histoire, que vous étranglez le roman !

183. (1861) La Fontaine et ses fables « Conclusion »

Sans doute un philosophe comme Hobbes ou Descartes, un érudit comme Henri Etienne, un savant comme Cuvier ou Newton résument à leur façon le large domaine qu’ils se sont choisi ; mais ils n’ont que des facultés restreintes ; d’ailleurs ils sont spéciaux, et ce champ où ils se retirent ne touche que par un coin la promenade publique où circulent tous les esprits. […] Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet.

184. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 521-526

Clerc de Montmercy, [Claude-Germain le] Avocat au Parlement, & Docteur en Droit, de la Faculté de Paris, né à Auxerre en 1716 ; Poëte qui a la gloire d’avoir fait les plus longues Epîtres qui aient jamais existé. […] Tous les Médecins célebres y sont loués d’un style de Faculté qui n’est pas celui des Muses.

185. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Grâce à cette faculté caméléonesque, que, de tous les penseurs dans l’art et dans l’humanité, Shakespeare eut au degré le plus incomparable, et que Walter Scott, son descendant en ligne directe, et Gœthe, son descendant en ligne collatérale, eurent tous les deux après lui, l’auteur du Prométhée put singer puissamment la vie de cette société morte, dont les beaux Vampires de la Renaissance avaient tari le cadavre de leurs lèvres brillantes et enivrées. Mais tout cet archaïsme coûte plus qu’il ne vaut même à ceux qui savent y porter des facultés supérieures, et, malgré le succès de ses expériences, on sent la déperdition des forces colossales que le magnétisme du Génie doit employer, comme l’autre magnétisme, pour faire vivre ce qui ne vit plus.

186. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

La faculté de connaître étant supposée coextensive à la totalité de l’expérience, il ne peut plus être question de l’engendrer. […] Mais la vérité où l’on aboutit ainsi devient toute relative à notre faculté d’agir. […] Elles s’y sont imprégnées par avance de notre géométrie, de sorte que notre faculté de penser ne fait que retrouver, dans la matière, les propriétés mathématiques qu’y a déposées par avance notre faculté de percevoir. […] On s’en convaincra en considérant les deux fonctions essentielles de l’intelligence, la faculté de déduire et celle d’induire. […] Il faudrait que, se retournant et se tordant sur elle-même, la faculté de voir ne fît plus qu’un avec l’acte de vouloir.

187. (1890) L’avenir de la science « I »

Il y a un grand foyer central où la poésie, la science et la morale sont identiques, où savoir, admirer, aimer sont une même chose, où tombent toutes les oppositions, où la nature humaine retrouve dans l’identité de l’objet la haute harmonie de toutes ses facultés et ce grand acte d’adoration, qui résume la tendance de tout son être vers l’éternel infini. […] Mais, si l’on entend par poésie cette faculté qu’a l’âme d’être touchée d’une certaine façon, de rendre un son d’une nature particulière et indéfinissable en face des beautés des choses, celui qui n’est pas poète n’est pas homme, et renoncer à ce titre, c’est abdiquer volontairement la dignité de sa nature. […] L’homme né avec une faculté éminente qui absorbe toutes les autres est bien plus heureux que celui qui trouve en lui des besoins toujours nouveaux, qu’il ne peut satisfaire.

188. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Mais Gérard, lui, le blond et délicat Gérard, dupe de cette érudition funeste, et qui n’avait que de jolies facultés ordinaires pour se défendre, n’y put résister. La coupe de porcelaine fine et transparente se fêle sous l’action des substances empoisonnées qu’on y verse… Gérard, fou un instant, et qui nous a donné, dans Le Rêve et la Vie, une photographie de son état de fou, enlevée par un procédé de mémoire rétrospective sur lequel on peut juger de ce qu’était en lui la faculté de la mémoire, retomba fou, après avoir guéri une première fois. […] Méfions-nous, d’ailleurs, des facultés qui tournent si vite à la maladie.

189. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Maison de la reine, chapelle 22 personnes, faculté 6. Maison de Monsieur, chapelle 22, faculté 21. Maison de Madame, chapelle 20, faculté 9. Maison du comte d’Artois, chapelle 20, faculté 28. […] Maison du duc d’Orléans, chapelle 6, faculté 19.

190. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Avec ses facultés étoffées et fortes, il n’a pas été créé pour être le chacal du fait, pour le suivre pas à pas et tête basse. […] Après l’esprit, la faculté suprême, qui couvre et domine tout dans les livres comme dans la vie, il y a le talent, qui orne ce que l’esprit trouve et même ce qu’il n’a pas trouvé ; car le talent, incroyable magie ! […] Ces facultés, nous les retrouvons, mais mûries et complètement développées, dans l’Histoire de la chute de Louis-Philippe, de la Révolution de 1848 et du rétablissement de l’Empire. […] … Par la nature comme par l’ensemble de ses facultés, Cassagnac est destiné à l’écrire. […] Eh bien, ce sont ces facultés inépuisables et présentes jusqu’à la mort, dont je parlerai !

191. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Son génie, car il en avait, et on ne saurait donner un autre nom à une telle largeur et à une telle puissance de facultés diverses, s’y plia si bien, qu’on ne sait aujourd’hui s’il eût été propre à un autre régime, et qu’on est tenté de croire qu’en se dispersant ainsi et en se versant de toutes parts et à tous venants, il a le mieux rempli sa destinée. […] Il n’était tout à fait à son aise que dans une société familière et intime, et alors il se déployait en plein abandon, avec des facultés riches, puissantes, colorées et affectueuses, qui enchaînaient à lui tous ceux qui l’écoutaient : il était impossible de le connaître et de le haïr. […] L’abbé Arnaud disait à Diderot : « Vous avez l’inverse du talent dramatique ; il doit se transformer dans tous les personnages, et vous les transformez tous en vous. » Mais si Diderot n’était rien moins qu’un poète dramatique, s’il n’était nullement suffisant à ce genre de création souveraine et de transformation tout à fait impersonnelle, il avait en revanche au plus haut degré cette faculté de demi-métamorphose, qui est le jeu et le triomphe de la critique, et qui consiste à se mettre à la place de l’auteur et au point de vue du sujet qu’on examine, à lire tout écrit selon l’esprit qui l’a dicté. […] Et, en général, toutes les facultés d’improvisation, d’imagination pittoresque et prompte, dont il était doué ; tous ses trésors d’idées profondes, ingénieuses et hardies ; l’amour de la nature, du paysage et de la famille ; même sa sensualité, son goût décidé de toucher et de décrire les formes, le sentiment de la couleur, le sentiment de la chair, de la vie et du sang, « qui fait le désespoir des coloristes », et que, lui, il rencontrait au courant de la plume, toutes ces qualités précieuses de Diderot trouvent leur emploi dans ces feuilles volantes qui sont encore son titre le plus sûr auprès de la postérité. […] Je leur ai consacré l’usage de tous mes sens et de toutes mes facultés ; et c’est peut-être la raison pour laquelle tout s’exagère, tout s’enrichit un peu dans mon imagination et dans mon discours ; ils m’en font quelquefois un reproche, les ingrats !

192. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Dans les écrits que nous avons de lui, mêlés, à grandes doses, de lumière et d’ombre, sa supériorité n’existe pas toujours au même degré ; mais quand elle existe, elle est absolue, et nul, parmi les moralistes chrétiens qui retournent le cœur et l’esprit de l’homme dans leurs mains curieuses, n’a montré plus d’acuité que cet homme tyrannisé par ses facultés et préoccupé tellement de voir, que, pour lui, l’absence de seconde vue est le caractère irrémissible de ce qu’il haïssait le plus au monde, — la Médiocrité ! […] La vie chrétienne décuple sa puissance et multiplie en lui les facultés. […] Malgré le talent dont il éclate, il restera probablement incompréhensible à ceux-là qui cherchent dans l’Histoire des faits à la taille de l’humanité, de ces faits parfaitement incapables de déconcerter le train-train ordinaire de leurs petites facultés. […] Il ne s’est pas augmenté de facultés. […] … L’Histoire, sur laquelle, dans cette Physionomie de Saints, il a jeté des regards rapides et dont le perçant a fait parfois regretter la rapidité, l’Histoire, dont l’étude accomplit les hommes, après s’être emparée de ses facultés les aurait-elle lâchées et ne les aurait-elles pas, un jour, confisquées toutes à son profit ?

193. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Cette grande faculté d’extension des productions d’eau douce, quelque inattendue qu’elle soit, peut cependant s’expliquer, dans la plupart des cas, par l’utile habitude qu’elles ont acquise d’émigrer fréquemment, bien qu’à petite distance, d’étang à étang ou de cours d’eau à cours d’eau. […] Des Hérons et d’autres oiseaux ont, siècle après siècle, dévoré quotidiennement des poissons ; ils prennent leur vol ensuite et vont s’abattre sur d’autres eaux ou sont emportés par le vent à travers la mer, et nous avons vu que les graines qu’ils avalent peuvent encore avoir conservé leur faculté de germination, lorsque de longues heures après ils les dégorgent en pelotes ou les rejettent parmi leurs excréments. […] Encore moins ai-je voulu dire qu’une forme qui possède en apparence la faculté de franchir toutes les barrières naturelles et de se répandre au loin, comme seraient par exemple certains oiseaux doués d’un vol puissant, doive nécessairement avoir une grande extension ; car il ne faut jamais oublier qu’une grande extension implique, non seulement la faculté de franchir les barrières naturelles, mais aussi le pouvoir de vaincre dans le combat de la vie des associés nouveaux dans des contrées éloignées. […] Or, chacune de ces lois est complétement incompréhensible d’après la théorie ordinaire de la création indépendante de chaque espèce ; mais elles sont aisément explicables au point de vue de la colonisation de chaque station par les habitants de la région la plus voisine et la plus favorable aux migrations des espèces, combinées avec la faculté de modification et d’adaptation de ces colons à leur nouvelle patrie. […] De sorte que, si la faculté actuelle de variabilité est en raison directe de la somme des variations subies pendant la série totale des temps géologiques, il est de toute évidence que les êtres supérieurs doivent être plus variables que les inférieurs, et d’autant plus qu’ils sont plus élevés.

194. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Il sera aussi facile de constater laquelle ou lesquelles parmi les facultés intellectuelles a ou ont le plus de part dans une œuvre littéraire. Ainsi il y a dans l’esprit humain deux facultés opposées et coexistantes : l’une est la faculté créatrice, celle qui invente, qui avec des éléments anciens construit quelque chose de nouveau : on l’appelle l’imagination. L’autre est la faculté modératrice, celle qui refrène les élans et les écarts de la première, qui essaie de lui imposer des règles et des limites : on la nomme la raison.

195. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XII. Demain »

Combien d’élèves des Facultés continueraient à étudier si les études ne rapportaient quelques avantages matériels ? […] Ceux de nos jeunes gens qui aspirent à ses avilissantes faveurs se hâtent de prendre leurs inscriptions à la Faculté de publicité et de tracer sur leur front le gros numéro.

196. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

Entre deux annotateurs de facultés égales, la chance la meilleure de frapper l’attention et de la captiver sera donc presque toujours en faveur de celui qui aura choisi un texte oublié. […] Furetière est un peu de la race des Saumaise et des Scaliger, mais il en est avec des facultés que n’eurent point ces Calibans de la grammaire, ces mastodontes de la science lexicographique, pour lesquels l’engloutissement du déluge est à peu près arrivé.

197. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

2º Le spectacle met-il en jeu les mêmes facultés spirituelles que la lecture ? […] II. — Comment le spectacle pourrait-il mettre en jeu les mêmes facultés spirituelles que la lecture ? […] L’un est un élan de tous nos sens vers la divinité à quoi plus ou moins concourent toutes nos facultés, par le moyen d’à peu près tous les arts. […] Le spectacle ne saurait mettre en jeu les mêmes facultés spirituelles que la lecture. […] Le spectacle peut mettre en jeu les mêmes facultés spirituelles que la lecture, avec moins de subtilité, toutefois, et moins de force.

198. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Quoique Renan ait dirigé la publication du Corpus inscriptionum semiticarum, et quoi que Leibniz soit l’éditeur des Scriptores rerum Brunsvicensium, ni Leibniz, ni Renan, ni leurs pairs, n’ont eu, fort heureusement, l’héroïsme de sacrifier à l’érudition pure des facultés supérieures. […] Dans ces dernières années le mouvement général de réforme de l’enseignement, parti du Ministère et des Facultés, a fini par se communiquer à l’instruction secondaire. […] Le personnel est beaucoup plus nombreux, plus lent à instruire ou à renouveler ; les élèves sont moins zélés et moins intelligents ; la routine des parents oppose aux méthodes nouvelles une force d’inertie inconnue dans les Facultés ; — et le baccalauréat, cet obstacle général à toutes les réformes, est particulièrement nuisible à l’enseignement historique, qu’il réduit à un cahier de demandes et de réponses. […] Il y avait des chaires d’histoire dans plusieurs établissements, de types divers : au Collège de France, dans les Facultés des Lettres, et dans des écoles spéciales », telles que l’École normale supérieure et l’École des chartes. […] Les Facultés des lettres faisaient partie d’un système établi par le législateur napoléonien.

199. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Tout en reconnaissant que ses facultés l’appelaient à la comédie, nous sommes forcé d’avouer qu’il n’a pas agi à l’étourdie en y renonçant. […] Sans cette faculté toute-puissante, elle se trouve trop souvent prise au dépourvu. […] S’il a en lui la faculté d’aimer, s’il a senti un seul jour le besoin d’inspirer une affection profonde, il faudra tôt ou tard que cette faculté trouve son emploi, que ce besoin soit satisfait. […] Il prend une à une toutes les facultés qui honorent la personne humaine pour les souiller, pour les couvrir de boue. […] Cependant il serait injuste, il serait absurde de croire que le développement de la faculté lyrique s’oppose absolument au développement de la faculté dramatique.

200. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Nul n’avait été organisé plus délicatement pour l’exercice de cette faculté, à la fois d’instinct et de raisonnement. Cette faculté si hautement aristocratique chez lui, il la perd. […] Et malgré tout, la faculté d’observation persiste en lui, et, de temps en temps, il me surprend par une notation, une remarque de romancier. * * * Un mystère, un mystère incompréhensible, insondable, que dans cet atrophiement du cerveau, la résistance, la survie de certaines facultés, de certaines puissances de l’entendement, un mystère que cette échappée de mots, de réflexions, de choses vives ou profondes, jaillissant à travers cette léthargie qu’on penserait universelle, un mystère qui vous retire à tout moment de votre désespérance et vous fait dire : « Mais cependant ? » * * * L’attention, cette prise de possession intelligentielle de ce qui se passe autour de vous, cette opération si simple, si facile, si alerte, si inconsciente dans la santé des facultés cérébrales, l’attention, il n’en est plus le maître.

201. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Mais comment les faits qui la composent se distribuent-ils entre ces deux facultés ? […] Or le choix de l’unité phénoménale est livré à l’arbitraire de mon esprit ; si je dis, avec la psychologie classique, qu’il n’y a pas d’imagination sans mémoire, c’est que j’ai introduit dans mon analyse l’idée toute métaphysique du phénomène-atome, élément indivisible des phénomènes divisibles ; mais je puis tout aussi bien convenir avec moi-même qu’un fait digne de ce nom dure au moins deux heures ; cette convention admise, la mémoire subsiste comme faculté, comme principe matériel de certains faits dont la forme est toujours originale et nouvelle ; mais il n’y a plus de faits de mémoire, il n’y a plus de souvenirs, à proprement parler ; se souvenir est nécessaire, car l’invention n’est pas une création ex nihilo ; mais un souvenir est impossible, car je ne puis me répéter deux heures durant sans glisser quelque élément nouveau dans la reproduction de mon passé ; la mémoire se déduit, elle ne s’observe plus. […] Pour la psychologie classique, la pseudo-sensation n’est guère qu’une faculté de reproduction et d’imitation ; l’empirisme anglais la représente concourant avec l’association pour former toutes nos idées sans le secours d’un entendement chimérique : la faculté des images fournit la matière de ces produits nouveaux, l’association des idées en explique la forme imprévue. […] Mais ces deux fonctions n’épuisent pas l’énergie de la faculté des images ; il faut lui reconnaître un autre rôle encore, inférieur peut-être à celui que lui attribue l’école anglaise, supérieur à coup sur à celui auquel elle était restreinte dans la psychologie classique : parallèlement à la série continue des idées se développe une série continue d’images d’une seule espèce et pures de tout mélange, la série des signes intérieurs ; étroitement liées aux idées qui les accompagnent, les images-signes sont pourtant distinctes et séparables de ces groupes hétérogènes qui sont l’idée même ou la partie empirique de l’idée ; le signe, même intérieur, ne peut donc être confondu avec l’idée. […] VI, § 9], et notre Observation sur le sommeil, dans les Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux, septembre 1879.

202. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Dans l’espace d’abord, car le corps de chacun de nous s’arrête aux contours précis qui le limitent, tandis que par notre faculté de percevoir, et plus particulièrement de voir, nous rayonnons bien au-delà de notre corps : nous allons jusqu’aux étoiles. […] Bien plus, la science localise en certaines circonvolutions précises du cerveau certaines fonctions déterminées de l’esprit, comme la faculté, dont vous parliez tout à l’heure, d’accomplir des mouvements volontaires. […] S’agit-il de la faculté de percevoir et de sentir ? […] S’agit-il de la faculté de vouloir ? […] Plus spécialement, ce qui est atteint, c’est la faculté de rendre le souvenir conscient en esquissant d’avance les mouvements par lesquels le souvenir, s’il était conscient, se prolongerait en acte.

203. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Faudrait-il pour cela combattre de tous ses efforts les qualités naturelles, et diriger toutes les institutions vers l’abaissement des facultés ! […] Une seule chance véritablement malheureuse pourrait résulter de l’éducation cultivée qu’on doit leur donner : ce serait si quelques-unes d’entre elles acquéraient des facultés assez distinguées pour éprouver le besoin de la gloire ; mais ce hasard même ne porterait aucun préjudice à la société, et ne serait funeste qu’au très petit nombre de femmes que la nature dévouerait au tourment d’une importune supériorité. […] La plupart des femmes auxquelles des facultés supérieures ont inspiré le désir de la renommée, ressemblent à Herminie revêtue des armes du combat : les guerriers voient le casque, la lance, le panache étincelant ; ils croient rencontrer la force, ils attaquent avec violence, et dès les premiers coups, ils atteignent au cœur.

204. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Avec une telle obsession, ou plutôt une telle possession de facultés doubles qu’on peut exhiber (ô amertume !) […] Jeunes comme lui, Taine et Renan, qui sont certainement des esprits de plus de talent que lui, de plus d’impulsion et de mouvement d’idées, n’ont pas, comme lui, cette ductilité de rhétorique, et, ce qui est l’avantage suprême au Journal des Débats, la faculté de faire également dans la politique et dans la littérature, qui fut si longtemps la faculté de MM. 

205. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

La philosophie, la négation, l’incrédulité, après s’être beaucoup remuées dans les limites des facultés humaines, auxquelles elles tiennent comme le rayon de la roue tient à son moyeu, sont revenues à leur point de départ en faisant un circuit immense, s’imaginant avoir progressé, comme l’animal qui paît l’herbe croit s’être avancé pour avoir péniblement tendu la corde du grossier piquet qui l’attache au sol. […] Ainsi, après avoir faussé la raison, faculté par faculté, et obscurci la conscience ; après avoir nié en théologie, en métaphysique, en morale, en toutes choses, la philosophie nie aujourd’hui en histoire.

206. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Lamartine est le Virgile de la civilisation chrétienne par la profondeur des sentiments, et c’est un Virgile d’une bien autre force poétique par les facultés. […] Faculté non de dupe, mais de poète, faculté enchanteresse et qu’il eut toujours, et non pas seulement dans ses vers, où la nature est plus belle que la réalité, mais dans la vie et même dans la vie politique, où sa nature de poète l’égara.

207. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Eugène Sue, qui fut de cette école qu’on pourrait appeler les Pondeurs du xixe  siècle et dont les livres, il faut bien le dire, ne sont pas uniquement l’impulsion désintéressée de leur génie, doit donc, pour être compté en littérature, se réclamer de facultés plus hautes que celles qu’il partage avec les plus minces esprits de ce temps. Malheureusement, de ces facultés, il n’y en a point dans M.  […] Ces facultés, en effet, ont le double caractère qui atteste la médiocrité foncière d’un esprit destiné à périr ; elles manquent de sincérité, et elles ont produit des choses trop vite populaires.

208. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

C’est un écrivain d’application et d’agencement, de creusement et de volonté, lequel a la religion de Buffon : que le génie n’est qu’une patience… En raison même de ses facultés et de ses théories qui font suite à ses facultés, je crois bien que M.  […] Or, c’est parce que je le tiens pour l’un et pour l’auteur qu’il me déplaît de lui voir perdre ses facultés dans des œuvres pour lesquelles évidemment il n’est pas fait.

209. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Edgar Poe » pp. 339-351

III Était-ce donc la peine d’avoir tant de facultés en puissance ? […] Dieu lui avait donné des facultés singulièrement belles, puissantes et rares ; il n’en tira point le parti qu’il en eût pu tirer. […] Voilà ce qui le rend plus coupable qu’un autre de cette Bohême sinistre et funèbre, dont, par la supériorité de ses facultés et de ses fautes, il est actuellement le roi !

210. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Cependant il faut convenir que la faculté y manque, aussi bien que l’étude et l’acquis. Si la faculté y était, je ne lui dénierais pas, comme je fais, le génie, qui est l’invention et l’inspiration. […] Cependant, sans cette faculté, il n’y a point d’homme d’État, il n’y a que des serviteurs mercenaires, intelligents si vous voulez ; mais, n’étant jamais que le centre de leur cercle, ils ne travaillent que pour ce qui est vu, pour ce qui leur fait honneur, pour ce qui leur attire récompense, et tout le reste est négligé et abandonné ; et bientôt le maître clairvoyant se dégoûte de tel serviteur. […] Jamais je n’ai mieux compris qu’en lisant les cahiers du marquis d’Argenson quelle a été la maladie du xviiie  siècle, de la première moitié surtout : Le cœur est une faculté, dit-il, dont nous nous privons chaque jour faute d’exercice, au lieu que l’esprit s’anime chaque jour. […] Faute d’affection et de la faculté cordiale, ce royaume-ci périra, je le prédis.

211. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Magnin a su montrer la persistance et faire comme l’histoire de la faculté dramatique aux époques même où il n’y a plus de théâtre ni de drame à proprement parler, M. Le Clerc à son tour a pu trouver preuve de la faculté du journal chez les Romains. Cette faculté humaine, curieuse, bavarde, médisante, ironique, n’a pas dû cesser dès avant Martial jusqu’à Pasquin. […] Il paraît peu disposé à le croire très-développé : « La vie politique des Grecs, dit-il en un endroit194, non moins active que celle de Rome, mais resserrée dans leurs petits États, n’appelait point un aussi rapide et énergique instrument de publicité que cet immense empire dont les armées conquérantes détruisirent en peu d’années Carthage, Corinthe et Numance. » On a vu que cet énergique instrument de publicité ne joua jamais que très-peu à Rome ; et, puisqu’il s’agit de la faculté plutôt encore que de l’usage, j’ai peine à croire qu’Athènes, par exemple, n’en ait pas fait preuve, même dans son cercle très-resserré. […] La faculté du journal sans l’imprimerie est une curiosité non servie par un organe.

212. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Celui qui s’adonne à la femme perd secrètement, sans s’en douter, la faculté de penser métaphysiquement et d’avoir conscience de son moi supérieur. […] Si l’excitation sexuelle, lorsqu’elle naît et s’élève en nous, éveille et fait briller nos facultés cérébrales, lorsqu’elle se prolonge, elle ne fait que les engourdir et les paralyser, et l’on ne peut citer de meilleure preuve de cet engourdissement que les « maux de tête » qui en résultent presque toujours. […] On peut mieux encore observer la vérité de ce fait, chez les individus dont le désir d’un autre être n’est pas satisfait, en un mot chez les amoureux éconduits, dont la morne tristesse et la sombre rêverie sont demeurés classiques en tout pays. « Languir d’amour » est la traduction, en langage proverbial et populaire, de cette vérité biologique : l’excitation sexuelle non satisfaite déprime les facultés cérébrales. […] 22 Pour nous, les facultés intellectuelles plongent leurs racines profondes dans la vie sexuelle, dans la vie végétative et animale ; et dès lors, les actes de la vie naturelle, loin d’affaiblir ou de ruiner celles-ci, contribuent sans cesse à les enrichir et à les féconder. […] C’est au contraire la faculté cérébralement créatrice de l’amour, qui me frappe, en examinant cette question.

213. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Si le ministre de l’instruction publique consultait ses désirs et ses craintes, il n’accorderait rien, pas même la faculté de laisser faire des bacheliers venus d’autre part que des colléges de l’Université. On craint en effet dans cette minorité si puissante que, pour peu qu’on accorde au clergé cette seule petite faculté de former jusqu’au bout dans ses écoles des élèves aptes à subir l’examen du baccalauréat, il ne fasse à l’instant une trop vive et trop redoutable concurrence aux colléges de l’Université.

214. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note III. Sur l’accélération du jeu des cellules corticales » pp. 400-404

Sur l’accélération du jeu des cellules corticales De Quincey, Confessions of an Opium-Eater, p. 83 : « Une proche parente me conta un jour que, dans son enfance, étant tombée dans une rivière et ayant manqué périr, elle revit en un moment sa vie entière déployée et rangée devant elle simultanément comme dans un miroir, et qu’elle se trouva la faculté également soudaine d’embrasser ensemble le tout et chaque partie. » De Quincey et divers buveurs d’opium ont constaté sur eux-mêmes cette faculté de vivre mentalement, pendant un rêve de quelques minutes, une vie de plusieurs années et de plusieurs centaines d’années.

215. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

C’est donc déjà dire beaucoup de la faculté observatrice d’un homme que de dire qu’elle est naturelle. […] Je n’aurai de repos, je ne retrouverai l’usage de mon esprit et de mes facultés que sur les bords du Doubs. […] Ils ont voulu l’adorer, non seulement avec leurs facultés rationnelles, mais avec leur imagination. […] » — Ainsi la propriété, non seulement est une tendance naturelle de l’homme, elle est une de ses facultés. […] On y sent vivre un homme avec ses différentes facultés et ses diverses tendances, toutes en jeu.

216. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

En un mot, figurez-vous un animal condamné à un sommeil perpétuel et privé de la faculté de rêver durant ce sommeil ». […] « Tous les organes, dit Mueller, à l’exception du cerveau, peuvent ou sortir lentement du cercle de l’économie animale ou périr en peu de temps, sans que les facultés de l’âme subissent aucun changement. […] Dans la première, l’animal (chien, lapin) éthérisé perd son intelligence, sa volonté, ses instincts, toutes ses facultés, moins ses sensations brutes. […] Il conserve ou recouvre toutes ses facultés. […] Cas analogue d’un enfant de quatre ans et demi dont une balle avait traversé les deux tempes, et qui vécut encore vingt-six jours, jouissant de tout l’ensemble de ses facultés intellectuelles, mémoire entière, jugement sain, caractère semblable à celui qu’il avait avant l’accident.

217. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

La célébrité qu’on peut acquérir par les écrits est rarement contemporaine, mais alors même qu’on obtient cet heureux avantage, comme il n’y a rien d’instantané dans ses effets, d’ardent dans son éclat, une telle carrière ne peut, comme la gloire active, donner le sentiment complet de sa force physique et morale, assurer l’exercice de toutes ses facultés, enivrer enfin par la certitude de la puissance de son être. […] La plupart de ces considérations ne peuvent s’appliquer aux succès militaires, la guerre ne laisse à l’homme, de sa nature, que ses facultés physiques ; pendant que cet état dure, il se soumet à la valeur, à l’audace, au talent qui fait vaincre, comme les corps les plus faibles suivent l’impulsion des plus forts. […] L’admiration est une sorte de fanatisme qui veut des miracles ; elle ne consent à accorder à un homme une place au-dessus de tous les autres, à renoncer à l’usage de ses propres lumières pour le croire et lui obéir, qu’en lui supposant quelque chose de surnaturel qui ne peut se comparer aux facultés humaines : il faudrait, pour se défendre d’une telle erreur, être modeste et juste, reconnaître à la fois les bornes du génie et sa supériorité sur nous ; mais dès qu’il devient nécessaire de raisonner sur les défaites, de les expliquer par des obstacles, de les excuser par des malheurs, c’en est fait de l’enthousiasme ; il a, comme l’imagination, besoin d’être frappé par les objets extérieurs ; et la pompe du génie, c’est le succès. […] Si la gloire est un moment stationnaire, elle recule dans l’esprit des hommes, et aux yeux mêmes de celui qui s’en voyait l’objet : sa possession émeut l’âme si fortement, exalte à un tel degré toutes les facultés, qu’un moment de calme, dans les objets extérieurs, ne sert qu’à diriger sur soi toute l’agitation de sa pensée : le repos est si loin, le vide est si près, que la cessation de l’action est toujours le plus grand malheur à craindre.

218. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

L’intelligence, dans l’homme, continue de se perfectionner lorsque son être physique commence à perdre de ses forces et de ses facultés : il en est de même du genre humain. […] Les hommes de choix, qui marchent en avant, ne sont point cependant créateurs, car l’homme n’a pas reçu la puissance de créer ; mais ils ont, au-dessus des autres, une haute faculté de lire dans le fond des choses : ils ne sont que précurseurs. […] Cette idée, qui consistait à faire de Dieu même le type de l’homme et de ses facultés, fut étendue, dans les doctrines platoniciennes, de l’intelligence aux sentiments. […] Je supposerai donc, sans m’arrêter même à justifier cette supposition, quelque vraisemblable qu’elle soit, je supposerai que, chez les anciens, les initiations ne fussent, à proprement parler, qu’une imitation de la vie actuelle : l’initié passait par une suite d’épreuves qui servaient à développer ce qui était déjà en lui ; on ne lui révélait point la vérité, mais on la faisait naître de l’ébranlement de ses propres facultés ; on ne la lui disait point ; on la lui faisait trouver, en écartant les obstacles qui s’opposaient à ce qu’elle se montrât.

219. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Cousin appelle raison la faculté ou pouvoir qu’a l’esprit de produire les axiomes et les idées des objets infinis. […] Je me connais moi-même par la conscience, et je juge qu’entre autres qualités, la faculté de sentir appartient à mon être ou à ma substance ; la théorie prétend que de ce jugement particulier je ne pourrai jamais tirer le jugement universel ou axiome : toute qualité suppose une substance.  […] « Comme tout phénomène a son sujet d’inhérence, comme nos facultés, nos pensées, nos volitions et nos sensations n’existent que dans un être qui est nous, de même la vérité suppose un être en qui elle réside, et les vérités absolues supposent un être absolu comme elles, où elles ont leur dernier fondement. […] Récapitulez, et vous trouverez que les seules facultés qui l’ont produit sont l’expérience et l’abstraction.

220. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Il y a des âmes qui apportent dans la vie comme un besoin de souffrances et une faculté singulière de sentir la peine : elles sont d’ordinaire servies à souhait. […] La seconde fille de Mme Desbordes-Valmore, poète également si l’on peut appeler de ce nom la sensibilité elle-même, avait plutôt en elle la faculté de souffrir de sa mère, cette faculté isolée, développée encore et aiguisée à un degré effrayant ; pauvre enfant inquiet, irritable, malade sans cause visible, elle se consumait, elle se mourait lentement, et par cela seul qu’elle se croyait moins regardée et favorisée, moins aimée ; devenue l’objet d’une sollicitude continuelle et sans partage (car elle était restée seule au nid maternel), rien ne pouvait la rassurer ni apprivoiser sa crainte, et la plus tendre chanson de sa mère ne faisait que bercer son tourment sans jamais réussir à l’apaiser ni à l’endormir : Inès Je ne dis rien de toi, toi la plus enfermée.

221. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Ils exercèrent sur le xixe  siècle les facultés d’observation qu’ils avaient développées sur le xviiie . […] Avant MM. de Goncourt, des historiens modernes : Michelet, Audin, Dargaud, saisis, tous les trois, en raison des plus rares facultés artistiques, de cet amour des arts plastiques devenu presque la seule passion d’une société qui gâte ses passions les meilleures par les affectations de sa vanité, et qui les déshonore bientôt en les transformant en manie, avaient deviné le parti qu’on peut tirer, pour l’histoire d’un temps, de l’art de ce temps, et ils l’avaient souvent évoqué dans leurs œuvres. […] Une fausseté naturelle, une dissimulation acquise, un regard à volonté, une physionomie maîtrisée, un mensonge sans effort de tout l’être, une observation profonde, un coup d’œil pénétrant, la domination des sens, une curiosité, un désir de science, qui ne leur laissaient voir dans l’amour que des faits à méditer et à recueillir, c’étaient à des facultés et à des qualités si redoutables que ces femmes avaient dû, dès leur jeunesse, des talents et une politique capables de faire la réputation d’un ministre.

222. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Charles d’Héricault a enfin abordé l’histoire politique, et ce livre atteste des facultés si sûres d’elles-mêmes, si gouvernées, si réfléchies, que le troublant et passionnant sujet d’histoire qu’il a choisi pour le traiter — La Révolution de Thermidor — ne l’a entraîné ni dominé une seule minute, et qu’il nous a donné l’exemple d’une fermeté d’esprit inconnue à tous les historiens, dans une mesure quelconque, de la Révolution française, — de cette Révolution dont la bouleversante influence ne s’arrête pas à ceux qui l’ont faite, mais va jusqu’à ceux qui l’écrivent… Car elle va jusque-là. Ceux-là tous qui ont touché à ce baril de poudre de la Révolution française en ont ressenti l’explosion, dans leurs facultés. […] IV Il n’était que cela, — et je m’en doutais bien un peu, mais je ne l’avais pas vu avec cette évidence que je dois à M. d’Héricault… On a beau se rappeler le mot d’Oxenstiern sur la médiocrité de ceux qui gouvernent les hommes pour s’expliquer la toute-puissance et la popularité de Robespierre et l’écrasement de tous ses rivaux de pouvoir, qui avaient des facultés d’esprit dix fois plus éclatantes que les siennes et des âmes vingt-cinq fois plus hautes, on a peine à croire que le monde ait été — ne fût-ce qu’une heure ! 

223. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Il fallait une société comme la nôtre pour que les hallucinations de deux hommes mourant de leurs excès, l’un du delirium tremens, l’autre du tabès dorsal, devinssent des lueurs de génie, et pour que l’ivrognerie et ses songes prissent rang parmi les facultés et les produits de l’esprit humain. […] Outre les sept Contes posthumes dont nous avons parlé, il contient la notice biographique par le conseiller Frédéric Rochlitz, qui fut publiée en 1822 par la Gazette de Leipzig, quelques traits sur la caractéristique d’Hoffmann, une correspondance de sa jeunesse, des extraits de son livre de notes, sa correspondance musicale, enfin des portraits et des dessins de ce singulier tohu-bohu vivant d’artiste, qui avait en lui trois aptitudes auxquelles il se suspendait tour à tour, ne sachant s’il devait être poète, musicien ou peintre, — embarras que, par parenthèse, n’éprouve point un homme de génie, dont la vocation est l’immaîtrisable élan de ses facultés ! […] Mais donnez aux enfants un ouvrage fade et faux comme Numa Pompilius, ils ne l’oublieront pas plus que Perrault ou tout autre livre piquant et vrai ; car la force des premières impressions de la mémoire ne prouve rien de plus que la fraîcheur de cette faculté.

224. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Famille, vocation, facultés, mouvement naturel à son âme, tout était d’accord et le poussait du même côté, — du côté de Dieu. […] Doué de facultés prodigieuses, ce furent ces facultés qui le conduisirent vers les Sciences sacrées, à la recherche de la Vérité éternelle, comme l’étoile mystérieuse conduisit les Mages à la Crèche.

225. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Réunies, ou plutôt versées l’une dans l’autre, l’une l’Humour, c’est la faculté la plus opposée à la forme qu’elle emploie, et l’autre, à son tour, le Sonnet, est la forme la plus résistante à la faculté qu’il embrasse. […] Soulary, des plus précieuses facultés poétiques et pour laquelle la Volonté et son effort ont remplacé, dans une époque de décadence littéraire, la naïveté grandiose de l’Inspiration ?

226. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Jules Sandeau est un romancier d’un talent, d’une fécondité et même d’une moralité relatives ; mais, en France, il est plus utile, au point de vue des facilités et des aises de la gloire (quand la gloire ne doit être que ce viager charmant qui s’éteint avec nous, mais sur lequel on a vécu), de posséder des facultés mitoyennes que des facultés d’extrémité et d’intensité qui dérangent le train des cerveaux et font battre trop vivement les cœurs. […] Sandeau n’a plus la faculté des paysages.

227. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Néanmoins, ou l’esprit ne serait qu’une inutile faculté, ou les hommes doivent toujours tendre vers de nouveaux progrès qui puissent devancer l’époque dans laquelle ils vivent. […] Un jour peut-être ces idées seront appliquées aux institutions avec plus de maturité ; mais en attendant, les facultés de l’esprit pourront du moins avoir une direction utile ; elles serviront encore à la gloire de la nation.

228. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Il ne l’était pas plus dans l’idée que dans l’expression ; il avait la faculté de se monter la tête, comme un acteur qu’il était. […] Jamais les facultés de Proudhon ne se sont mues et n’ont mieux joué dans un milieu qui convînt davantage à son talent et à sa nature. […] Il était né avec le bon sens, — le maître des affaires , a dit Bossuet, et j’ajoute : le maître de l’esprit qui l’a et dont il doit diriger les facultés, sous peine d’être emporté par elles ! […] Avant de tuer les rois, on tue le bon sens, qui est le roi des facultés humaines. […] Il était né chrétien par les facultés.

229. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Gœthe avait, en effet, la faculté la plus basse des écrivains de théâtre. Il avait ce qu’on peut appeler la faculté mélodramatique, et il s’en est servi quelquefois contre ses souvenirs de chefs-d’œuvre. […] mais qui domine ses facultés, son talent, son génie, ou même sa bêtise. […] Werther fut écrit en pleine jeunesse, quand les facultés sont le plus à feu dans des hommes vivants ; mais ce beau lymphatique de Gœthe n’a jamais vécu… Il était à Strasbourg. […] A part l’aventure du dénoûment, Werther, pour un accoucheur du génie, est tout Gœthe en germe, avec toutes ses facultés et tous ses défauts en puissance.

230. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

La sagesse est la faculté qui domine toutes les doctrines relatives aux sciences et aux arts dont se compose l’humanité. Platon définit la sagesse la faculté qui perfectionne l’homme .

231. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Enfin, en littérature, il a inventé le système si connu de la faculté maîtresse. […] Dire que la faculté maîtresse de Shakespeare est l’imagination, ce n’est pas être très loin de ne rien dire. […] Au lieu d’expliquer un homme par une seule faculté, c’est-à-dire par une abstraction, il va droit aux faits. […] Dans la théorie de la faculté maîtresse, l’intérieur de l’homme était encore ce qui dominait ; mais M.  […] Adolphe Garnier dans son Traité des facultés de l’âme, liv. 

232. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Chez l’être inférieur, où le tissu tout entier a la propriété de répondre aux changements marqués dans la quantité de lumière qui tombe sur lui, il y a comme une ébauche de la faculté visuelle et des correspondances qui en résultent. […] Dans l’évolution de la faculté visuelle, par exemple, il se produit une aptitude toujours croissante à distinguer les diverses intensités des couleurs, les teintes intermédiaires, les teintes de lumière et d’ombre. […] On est donc conduit à cette conclusion nécessaire, que l’intelligence n’a pas de degrés distincts, qu’elle n’est pas formée de facultés réellement indépendantes ; mais que les phénomènes les plus élevés sont les effets d’une complication qui, par degrés insensibles, est sortie des éléments les plus simples. […] — d’où proviennent les différences en degrés de cette faculté, possédée par diverses races d’organisme et divers individus de la même race ? […] « Une autre influence a favorisé l’établissement de cette autocratie parmi les facultés.

233. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

À ces facultés si grandes, ajoutez-en une autre, la plus forte de toutes : l’imagination constructive. […] Il lui prête des facultés qui dépassent par trop la mesure humaine. […] Il le décompose ; il saisit et définit ses facultés maîtresses, et élimine le reste. Et assurément, ces facultés n’agissent pas, dans la réalité, d’une façon continue : mais elles sont pourtant le véritable et suprême ressort d’une âme. […] Nous voyons les « facultés maîtresses » agir à la manière de roues reliées par des courroies ou mues par des engrenages.

234. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Écrivain exquis et consommé, il s’est mêlé aux instincts, aux ironies, à la malice et aux émotions de tous, et, s’emparant de cette faculté chantante qui avait longtemps détonné, il en a tiré un parti plein d’à-propos, de finesse et de grandeur. […] Mais en même temps, par un fonds d’ancienne humeur franche, ce bon peuple avait gardé ses facultés légères et pénétrantes, sa grâce amoureuse, son rire prompt et subtil, et ses retours épicuriens jusqu’au sein des publiques douleurs.  […] Il était seulement à craindre qu’un progrès si tardif, qui transportait et concentrait sur des sujets vastes, presque désintéressés, et dans une atmosphère plus calme, les facultés du poëte, n’allât pas assez loin en richesse abondante et en fertilité majestueuse.

235. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

En 1811, cet esprit original, appelé à professer au sein de la Faculté des Lettres, prit position sur une question très-particulière à l’école écossaise, et il en tira parti pour renouveler l’observation psychologique. […] Selon moi, au moment où nous entrons sur la scène de la vie, c’est surtout l’instinct et le sentiment des facultés que nous portons en nous qui détermine, à notre insu, la manière dont nous voyons et dont nous entamons les choses. […] C’est surtout, en un mot, l’emploi de nos facultés intérieures que, sans nous en rendre compte, nous cherchons au dehors dans les choses, et qui nous dirige jusque dans la vue que nous en tirons.

236. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Quant aux facultés de domination absolue, de certitude et de sécurité qui distinguent l’homme de génie, elle n’en a pas une seule… et on peut le prouver. […] Mme de Staël, à qui des critiques aveugles ont voulu imposer cette monstruosité et fait croire, par là, à toute les femmes bas-bleus qui se sont coupé un jupon dans la queue de sa robe, qu’elles pourraient à volonté être des hommes par le cerveau, aussi bien que nous, Mme de Staël, uniquement femme en ses facultés intellectuelles, le fut encore dans l’emploi qu’elle en fit et les sujets auxquels elle les appliqua. […] C’est cette Mme de Staël, la vraie et non plus l’inventée, dont je ne voudrais pas seulement que les œuvres intellectuelles, mais la vie intime, les noblesses, les vertus, les dévouements et les fautes, car elle commit des fautes, sans nul doute, puisqu’elle avait les passions qui font le génie, — c’est cette Mme de Staël qu’il faudrait montrer, non plus dans les prétentions d’une vanité qu’elle n’eut jamais, mais dans sa toute-puissante faiblesse de femme, aux femmes qui se trompent si grossièrement sur leurs facultés, et leur destinée !

237. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Le goût est la faculté supérieure d’Horace ; mais, ne l’oubliez pas ! […] et d’Alcée. » Seulement, si, dans l’imitation, il est plus habile que Ronsard, c’est que ses facultés ne remportent point et sont moindres. […] Du moins, l’Horace de Passy, dont la gloire est déjà baissée, sentait la patrie et pleura Sainte-Hélène… Et quant à l’autre Horace français dont Louis XIV fut l’Auguste, ce Boileau qui n’admettait pas Dieu pour être tranquille, cette âme droite, sérieuse, austère, qui tira toute sa poésie de la raison, cette maîtresse faculté de l’homme, l’Horace latin ne sert qu’à montrer combien il est grand, malgré l’imagination qui lui manque.

238. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Or, si le travail intérieur qui éclaire les œuvres par les facultés, et les facultés par les influences, n’est pas plus possible ou n’est pas plus complet que la biographie de celui qui a fait ces œuvres et qui avait ces facultés, la Critique est estropiée comme l’Histoire, et c’est ce qui est arrivé à Guizot.

239. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Comme tous les hommes d’un talent marqué, qui obéissent toujours plus ou moins à une vocation intellectuelle, il les tenait d’une organisation spéciale, mais il les devait aussi aux fonctions de ce merveilleux sacerdoce qui crée réellement des facultés dans l’esprit des hommes, à la confusion de la métaphysique étonnée. […] J’ai entendu nier la carrure de sa tête, la force doctorale qui est en lui, parce que cette force ne se montre pas assez nue, assez décharnée, assez seule pour qu’on la voie : aux yeux des esprits superficiels ou raccourcis, l’indigence d’une faculté étant le meilleur repoussoir d’une autre. […] L’expérience, — ce fruit tardif, le seul fruit qui mûrisse sans devenir doux, — l’expérience a ajouté son enseignement aux facultés sagaces et translucides que la contemplation et la chasteté religieuse développent et fécondent, et cette double éducation de la pensée a communiqué à la voix et à la parole du P. 

240. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

Presque à partir de cette époque, il avait montré ces facultés dangereusement faciles, souples, variées et résonnantes, qui s’attestèrent par des romans, des nouvelles, des pièces de théâtre, des voyages et des conversations pour lesquelles, hélas ! […] Déjà très-éloigné par la vérité des sentiments de son premier recueil de poésies qui n’avait que la vérité très-relative de la jeunesse et la ferveur de l’imitation, M. de Beauvoir, s’il ne veut pas manquer aux dons qu’il a reçus, aux facultés d’une nature primitivement exquise et dont il a certainement abusé comme tous ces Polycrates de la destinée qui lancent à la mer leur émeraude qu’un brochet ne leur rapporte pas toujours, M. de Beauvoir doit entrer résolument dans la voie que certaines pièces de son dernier recueil viennent d’ouvrir. […] Il faut bien que la Critique le dise aux poètes, puisqu’ils l’oublient aux tournants du siècle et dans l’ivresse égoïste de leurs facultés : hors du christianisme, il n’y a pas de poésie forte et profonde.

241. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Il est vrai qu’il n’avait point cette supériorité dont on eût pu faire, en ce temps-là, jaillir une théorie ; et c’est ainsi que sa gloire profita jusque des facultés qu’il n’avait pas. […] Bonne occasion pour développer des facultés énergiques, quand on en a, et il en avait ; il était breton. […] Il s’agit pour Le Sage d’intéresser cette curiosité vulgaire, et il est lui-même d’un esprit assez vulgaire pour l’intéresser… Cette vulgarité foncière de l’esprit, on ne s’imagine pas comme c’est un bonheur, pour le succès, que de l’avoir, mais quand elle est mêlée avec quelques souples facultés d’emploi.

242. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

— la manière d’un homme assez épique de facultés pour harmoniser une création derrière un personnage qu’il veut mettre en saillie, et faire tourner toute une civilisation autour de lui ! […] … Selon nous, ce qui range à part le génie de Balzac parmi les autres génies contemporains et européens, c’est l’esprit, cette faculté perdue que je nommerais volontiers anti-dix-neuvième siècle, tant elle est rare à cette époque, même dans les talents réputés les plus grands ! […] Aujourd’hui nous ne mettons qu’un nom où il faudrait tout un livre, car il ne faut pas moins que tout un livre pour juger les facultés de l’œuvre de l’immortel auteur de la Comédie humaine.

243. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Le premier pas de la science de l’humanité est de distinguer deux phases dans la pensée humaine : l’âge primitif, âge de spontanéité, où les facultés, dans leur fécondité créatrice, sans se regarder elles-mêmes, par leur tension intime, atteignaient un objet qu’elles n’avaient pas visé ; et l’âge de réflexion, où l’homme se regarde et se possède lui-même, âge de combinaison et de pénibles procédés, de connaissance antithétique et controversée. […] Pour comprendre ces apparitions extraordinaires, il faut être endurci aux miracles ; il faut s’élever au-dessus de notre âge de réflexion et de lente combinaison pour contempler les facultés humaines dans leur originalité créatrice, alors que, méprisant nos pénibles procédés, elles tiraient de leur plénitude le sublime et le divin. […] Comme les mythologies, elles renferment une large part d’exercice spontané et irréfléchi des facultés humaines. […] Il semble que les facultés créatrices des religions aient été chez les peuples en raison inverse des facultés philosophiques. […] Toutefois, comme les races diffèrent non par des facultés diverses, mais par l’extension diverse des mêmes facultés, comme ce qui fait le caractère dominant des unes se retrouve chez les autres à l’état rudimentaire, la Grèce présente des germes non équivoques des procédés qui ont créé en Orient des révélateurs, des hommes-dieux et des prophètes.

244. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Pourtant, je ne crains pas de le dire, chez aucun peut-être des écrivains de ce temps-ci, la faculté impersonnelle, dramatique, narrative, cette qualité que nous avons appris à goûter et à révérer dans Shakspeare, dans Walter Scott, comme dans ses représentants suprêmes, et de laquelle, à l’origine du mouvement romantique, on se promettait ici tant de miracles encore à naître, — nulle part, je le crois, chez nous, cette qualité-là ne s’est produite par des échantillons plus complets et plus purs, plus exempts de faux mélange, que chez l’écrivain réputé si sobre. Le propre de cette faculté, d’ordinaire, en ceux qui la possèdent à quelque degré, est de ne pas se limiter, comme la faculté lyrique, aux années de la jeunesse, et de récidiver bien avant, moyennant les acquisitions variées de l’expérience. […] Les nouveaux sujets qui l’occupent désormais promettent, non pas un mélange, mais bien un emploi uni et concerté de ses facultés les plus belles.

245. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Il a exprimé lui-même sa doctrine en ces termes : « Les dispositions d’esprit qui font qu’un homme se distingue des autres hommes par l’originalité de ses pensées et de ses conceptions, par son excentricité ou l’énergie de ses facultés affectives, par la transcendance de ses facultés intellectuelles, prennent leur source dans les mêmes conditions organiques que les divers troubles moraux, dont la folie et l’idiotie sont l’expression la plus complète. » Telle est la doctrine développée par M.  […] Ces facultés fournissent des matériaux à l’intelligence, mais ne sont point l’intelligence ; c’est l’intelligence animale et mécanique ce n’est pas l’intelligence de l’homme. […] Je crois donc que si l’on peut conclure quelque chose de l’argument par analogie, c’est que l’excitation cérébrale, qui constitue la folie ou qui y conduit, peut bien produire accidentellement un réveil de la mémoire et de l’imagination mécanique, qui simulera l’inspiration spontanée, mais que cet état en lui-même exclut absolument ce qui constitue le génie, la faculté d’invention.

246. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Celui-ci atteint les points culminants de sa faculté d’émotion en recevant ; celui-là, en donnant ; en sorte qu’un antagonisme entre ces deux prédispositions est non seulement naturel, mais encore désirable. […] Doué de cette faculté, il s’était assis dans le théâtre et avait étudié ses grands devanciers… . […] Nietzsche ne l’aime pas, sans doute, Nietzsche ne le voit pas comme type du grand poète, lequel est tout instinct et ne doit pas regarder en arrière et ne doit rien regarder du tout ; mais cependant il admet, et il va jusqu’à dire que son extraordinaire puissance de sens critique a, sinon produit, du moins fécondé sa faculté créatrice. […] Non, quand l’artiste travaille il doit s’abandonner à sa faculté créatrice, il ne doit pas regarder en arrière, ni nulle part, il doit « donner ».

247. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

La faculté de raisonner, chez Émile Augier, est égale à sa faculté d’inventer et d’écrire.

248. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

C’est que la parole intérieure, chez l’adulte, n’est jamais en repos quand l’esprit travaille ; elle est en nous comme une habitude toujours en acte ; nous avons une si riche provision de mots dans notre mémoire, et nous avons si souvent exercé volontairement cette faculté à nous les fournir par longues séries, que nous ne pouvons plus penser sans nous parler en nous-mêmes. […] Ces esprits, chez lesquels les facultés d’attention, de comparaison, de discrimination, sont sans énergie250, et qui se contentent, par paresse ou par suffisance, de la première expression venue, sont toujours de médiocres penseurs, d’une originalité contestable et confuse. […] Si les plus grands philosophes des temps modernes, comme Kant et Maine de Biran, sont de si maladroits écrivains, s’ils sont morts avant d’avoir trouvé l’expression limpide où chacun aurait pu lire sans équivoque leur vraie pensée, c’est que la grandeur même de l’œuvre entreprise imposait à leurs facultés d’expression une tâche qu’ils n’ont pas eu le loisir ou le courage ou la générosité d’entreprendre ; la plupart ont laissé à leurs disciples le soin de les vulgariser, moins par dédain de la postérité que par suite de cette loi de la nature humaine qui veut que l’on perde en souplesse ce que l’on gagne en profondeur et que la spécialité soit la rançon du génie. […] Les hommes dont on dit qu’ils ont de la présence d’esprit sont inaccessibles à la distraction, et surtout l’émotion, bien loin de paralyser leurs facultés, est pour eux un excitant à bien penser et à bien dire. […] Voir notre étude sur La naissance des habitudes, dans les Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux, septembre 1880.

249. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Au milieu des passions de sa jeunesse, des entraînements emportés et crédules comme ceux du commun des hommes, Molière avait déjà à un haut degré le don d’observer et de reproduire, la faculté de sonder et de saisir des ressorts qu’il faisait jouer ensuite au grand amusement de tous ; et plus tard, au milieu de son entière et triste connaissance du cœur humain et des mobiles divers, du haut de sa mélancolie de contemplateur philosophe, il avait conservé dans son propre cœur, on le verra, la jeunesse des impressions actives, la faculté des passions, de l’amour et de ses jalousies, le foyer véritablement sacré. […] Plaute et Rabelais, ces grands comiques, offrent aussi, malgré leur réputation, des traces d’une faculté sensible, délicate, qu’on surprend en eux avec bonheur, mais Molière surtout ; il y a tout un Térence dans Molière. […] Il est infiniment probable qu’il a songé dans Arnolphe, dans Alceste, à son âge, à sa situation, à sa jalousie, et que sous le travestissement d’Argan il donne cours à son antipathie personnelle contre la Faculté. […] Chez tous ces grands hommes évidemment, chez Molière plus évidemment encore, le génie dramatique n’est pas une extension, un épanouissement au dehors d’une faculté lyrique et personnelle qui, partant de ses propres sentiments intérieurs, travaillerait à les transporter et à les faire revivre le plus possible sous d’autres masques (Byron, dans ses tragédies), pas plus que ce n’est l’application pure et simple d’une faculté d’observation critique, analytique, qui relèverait avec soin dans des personnages de sa composition les traits épars qu’elle aurait rassemblés (Gresset dans le Méchant). […] La Fontaine, qui en avait de naïves effusions, y associait une remarquable faculté dramatique qu’il mit si bien en jeu dans ses fables.

250. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

quelle irrécusable preuve de malheur, que ce besoin d’éviter le cours naturel de la vie, d’enivrer les facultés qui servent à la juger ! […] Les passions qui dégradent l’homme, en resserrant son égoïsme dans ses sensations, ne produisent pas, sans doute, ces bouleversements de l’âme où l’homme éprouve toutes les douleurs que ses facultés lui permettent de ressentir ; mais il ne reste aux peines, causées par des penchants méprisables, aucun genre de consolation ; le dégoût qu’elles inspirent aux autres, passe jusqu’à celui qui les éprouve ; il n’y a rien de plus amer dans l’adversité que de ne pas pouvoir s’intéresser à soi : l’on est malheureux sans trouver même de l’attendrissement dans son âme ; il y a quelque chose de desséché dans tout votre être, un sentiment d’isolement si profond, qu’aucune idée ne peut se joindre à l’impression de la douleur ; il n’y a rien dans le passé, il n’y a rien dans l’avenir, il n’y a rien autour de soi, on souffre à sa place, mais sans pouvoir s’aider de sa pensée, sans oser méditer sur les différentes causes de son infortune, sans se relever par de grands souvenirs où la douleur puisse s’attacher.

251. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delavigne, Casimir (1793-1843) »

Victor Hugo Quoique la faculté du beau et de l’idéal fût développée à un rare degré chez M.  […] Alfred de Musset … Cette autre poésie et cet autre charme des Vêpres siciliennes et de l’École des vieillards, cette fermeté, cette pureté de style que Casimir Delavigne possédait si bien ; cette faculté précieuse qui a fait dire à Buffon : « Le génie, c’est la patience ! 

252. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Quel droit avons-nous donc d’affirmer que le Créateur travaille à l’aide des mêmes facultés intellectuelles que l’Homme ? […] Mais la sélection naturelle ne saurait nécessairement produire la perfection absolue ; et, autant que nous en pouvons juger avec nos facultés bornées, cette perfection absolue ne se trouve en effet nulle part. […] Robin, le savant professeur d’histologie à la Faculté de médecine de Paris, ont établi récemment que l’appareil observé chez les Raies est également producteur d’électricité, et que désormais ce genre entier doit être compris dans le nombre des poissons électriques. […] La faculté électrique de certains animaux n’est donc point un fait isolé, en dehors des coutumes de la vie. […] Par suite du travail successif de diversification et de localisation des organes, la plupart des muscles ont pu perdre leur faculté de produire des courants, tandis que cette faculté se concentrait en quelques autres avec une intensité d’autant plus grande ; mais on conçoit que cette localisation ne se soit pas nécessairement faite partout dans le même organe ou dans le même muscle.

253. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

De même, à mesure que le milieu social devient plus complexe et plus mobile, les traditions, les croyances toutes faites s’ébranlent, prennent quelque chose de plus indéterminé et de plus souple et les facultés de réflexion se développent ; mais ces mêmes facultés sont indispensables aux sociétés et aux individus pour s’adapter à un milieu plus mobile et plus complexe63. […] « Puisque, dit-il, le phénomène social, conçu en totalité, n’est, au fond, qu’un simple développement de l’humanité, sans aucune création de facultés quelconques, ainsi que je l’ai établi ci-dessus, toutes les dispositions effectives que l’observation sociologique pourra successivement dévoiler devront donc se retrouver au moins en germe dans ce type primordial que la biologie a construit par avance pour la sociologie65. » C’est que, suivant lui, le fait dominateur de la vie sociale est le progrès et que, d’autre part, le progrès dépend d’un facteur exclusivement psychique, à savoir la tendance qui pousse l’homme à développer de plus en plus sa nature. […] Mais on se méprendrait étrangement sur notre pensée, si, de ce qui précède, on tirait cette conclusion que la sociologie, suivant nous, doit ou même peut faire abstraction de l’homme et de ses facultés. […] En somme, quand on rapporte avec cette rapidité à des facultés esthétiques congénitales le caractère artistique de la civilisation athénienne, on procède à peu près comme faisait le moyen âge quand il expliquait le feu par le phlogistique et les effets de l’opium par sa vertu dormitive. […] C’est une sorte de faculté motrice que nous imaginons sous le mouvement, pour en rendre compte ; mais la cause efficiente d’un mouvement ne peut être qu’un autre mouvement, non une virtualité de ce genre.

254. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

On s’occupe alors de toutes les autres facultés qu’on refuse à Daudet, quand l’originalité est accordée, — qu’on lui refuse et qu’il a pourtant, et que je prouverai qu’il a en invoquant ce livre même, et qu’il faut, avant tout, caractériser. […] Y a-t-il et pouvait-on y mettre la marque des facultés que je viens réclamer pour le compte de Daudet ? […] La petite flamme bleue des génies capricieux et charmants qu’il a dans l’esprit, cet homme de délicate fantaisie la promène et la fait ramper sur des sujets abjects et répugnants, sous prétexte de mœurs contemporaines à reproduire, — car son roman de Jack porte le sous-titre de Mœurs contemporaines ; et la Critique, en voyant cette application à contresens de facultés destinées à des sphères d’observation plus hautes, la Critique, qui n’est pas impassible comme Daudet voudrait l’être, a toute la tristesse du regret. […] En résumé, son livre n’aura de succès que par l’attendrissement qu’il causera à ceux qui le liront ; car la maîtresse faculté de Daudet, c’est la faculté de l’attendrissement, et, je l’ai dit en commençant, elle perce encore (heureusement !) […] Sans cette faculté d’attendrissement, il resterait, je n’en doute pas, par son fond, mortellement antipathique aux esprits élevés et délicats, le vrai, le seul public pour un écrivain de la race de Daudet.

255. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Il faut bien se figurer ceci pour être dans le vrai de la réalité historique : de tout temps, les facultés diverses de l’esprit humain ont été représentées au complet, bien qu’en des proportions variables, et, de même que, dans les plus saintes âmes, il y a des moments d’éclipse, de doute, d’angoisse, enfin des combats, de même, dans les siècles réputés les plus orthodoxes, le gros bon sens ou la moquerie ont eu leur voix, leurs échos, pour protester contre ce qui semblait une folie sainte. […] Indépendamment de toute explication surnaturelle, il y a ici un grand fait psychologique à remarquer : la singulière et puissante faculté dramatique que nous possédons tous en dormant, même quand, durant la veille, nous en serions fort dénués. […] C’est cette faculté, chez nous en jeu dans le moindre rêve, qui, chez les saintes du moyen âge (Brigitte, Élisabeth, etc.), se dirigeant tout à fait sur la Passion de Jésus-Christ, et comme éclairée alors de faveurs singulières, amenait tant de tableaux exacts, vivants, qui la reproduisaient dans des détails infinis. […] En un mot, c’est à la fois, pour les chrétiens, un admirable exemple de la persistance d’une faculté sainte et d’un don qui semblait retiré au monde ; pour les philosophes, un objet d’étonnement sérieux et d’étude sur l’abîme sans cesse rouvert de l’esprit humain ; pour les érudits, la matière la plus riche et la plus complète d’un mystère, comme on les jouait au moyen âge ; pour les poëtes et artistes enfin, une suite de cartons retrouvés d’une Passion, selon quelque bon frère antérieur à Raphaël.

256. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Ce livre, dangereux pour l’originalité la mieux fermée aux influences, tente, par sa beauté, nos facultés imitatrices les plus involontaires, et l’auteur de l’Infaillibilité n’a peut-être échappé si bien à ces influences qu’en raison de sa surprenante profondeur. […] Je signalerai aussi le merveilleux passage où l’auteur de l’Infaillibilité applique à l’Église le mot étonnant d’Hippocrate : « Si l’homme était un, il ne mourrait pas », et enfin tous les corollaires de cet axiome qu’il a trouvé et qui eût réduit Pascal au silence : « Toute loi n’est qu’un miracle perpétuel. » Seuls, ces différents chapitres, lus à part de l’œuvre entière, donneraient une idée suffisante, à qui craindrait d’aborder un livre si grave et si gros, des sveltes facultés de l’homme qui a pu l’écrire. […] Sans ce mal de la vie ici-bas, qui est toute la vie, l’homme n’agirait pas : « La liberté, ce pouvoir d’être cause, — dit, avec sa profondeur perpétuelle, Saint-Bonnet, — cette faculté du mérite, exige que l’homme se refasse lui-même. […] … C’est un mystique malgré la force de sa raison, ou plutôt c’est un mystique dont la force de raison pourrait bien faire équation à la force de son sentiment de mystique, confluent superbe de deux facultés !

257. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

II On a longtemps divisé, dit l’auteur, les phénomènes de la pensée en deux classes : facultés intellectuelles, facultés actives. […] « Nous pouvons expliquer maintenant les phénomènes classés sous les titres de sens moral, facultés ou affections morales. » Quoique plusieurs des psychologues qui nous occupent aient une tendance marquée à esquisser en passant un traité sur les mœurs, nous serons très court sur ce point ; car si la psychologie touche à la morale, la psychologie n’est pas la morale.

258. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Il semble tout d’abord, pour le moi humain, comme pour l’Etre universel que cette utilité s’exprime dans la joie de connaître : tous les efforts de l’homme, pour augmenter la somme de ses sensations heureuses au détriment de ses déplaisirs, se heurtent, ainsi qu’on l’a montré, à cette faculté de mécontentement qui transforme l’assouvissement de ses convoitises en une sensation d’ennui ou en un malaise nouveau : à cette fin, que les individus semblent poursuivre et qu’ils ne réalisent jamais un surcroît de bien-être, il semblerait donc qu’il convienne do substituer cette autre qui se montre sans cesse et par chaque effort accomplie, l’embellissement et l’enrichissement du spectacle phénoménal offert à l’esprit. […] Que nos idées se modifient et se transforment touchant la nature et le siège de la substance vivante, que des perspectives diverses apparaissent, que des états divers du savoir humain se succèdent sur ce point extrême, ces métamorphoses du spectacle qu’il nous est ainsi donné de contempler ne sont point de nature à mettre en péril l’intégrité de notre faculté de connaissance elle-même. […] Il en est de même en ce qui touche à beaucoup d’autres parts du domaine scientifique, où l’on voit que les vérités se succèdent et se détruisent les unes les autres, sans qu’il en résulte autre chose qu’un épanouissement et une exubérance de ht faculté de connaître.

259. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Or ce qu’elles ont, ce sont des facultés quelquefois exquises et relativement puissantes mais des facultés de l’ordre femelle. […] Mais quand elles ont le plus de talent, les facultés mâles leur manquent aussi radicalement que l’organisme d’Hercule à la Vénus de Milo, et pour le critique, c’est aussi clair que l’histoire naturelle.

260. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

— entre le petit doigt et le pouce des peuples, et il dépense de vraies facultés scientifiques — de l’aveu des savants eux-mêmes — à faire la preuve approximative de sa thèse, engendrée d’Helvétius ; car Helvétius plaçait aussi la supériorité de l’homme sur les autres espèces dans la conformation de sa main. Rien dans tout cela, pour nous, cependant, n’élève le volume de d’Arpentigny au-dessus des mille autres livres dans lesquels des esprits tenaces, et menés par un seul point de vue, comme le bison par son anneau, souples d’ailleurs et puissants à trouver des rapports éloignés ou subtils, sont arrivés, avec des facultés très positives, à la chimère. […] À notre avis, le capitaine d’Arpentigny a fourvoyé, dans un livre paradoxal de donnée et scientifique de développement, des facultés qu’il pouvait appliquer d’une manière plus utile pour sa renommée à des sujets plus positifs et plus hauts ; mais, tout fourvoyé qu’il puisse être, il n’en est pas moins dans son livre un esprit piquant et même un penseur, — chez qui le détail vaut mieux que l’ensemble, il est vrai, — un penseur tout en étincelles !

261. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

À des yeux catholiques, Léon XIII, fût-il de facultés médiocres, n’aurait pas besoin pour être dans l’avenir un grand pape d’être prédit par une biographie qui serait une promesse d’histoire, mais il n’est pas moins vrai que sa biographie, telle que la voici, en est une pour ceux qui ne sont pas chrétiens. […] Mais pour qui sait combien ces connaissances, dont l’époque raffole, sont de peu dans le gouvernement des hommes, il y avait mieux à glorifier dans Léon XIII, et c’étaient les facultés qui ne sont créées par personne et qu’on tient de Dieu pour le service de Dieu. […] C’était un de ces hommes politiques dont les facultés prudentes et flexibles s’ajustaient exactement à ce genre de gouvernement qu’on appelle « constitutionnel ».

262. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

Il est député, professeur à la Faculté des Lettres et membre du Conseil de l’Université. […] Saint-Marc Girardin est aussi le résultat de son cours à la Faculté des Lettres depuis dix ans.

263. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

Sans doute cette faculté puissante et féconde, à laquelle nous devons tant de nobles jouissances, tant d’heures d’une émotion pure, tant de créations merveilleuses qui sont devenues une portion de nous-mêmes et de nos souvenirs, sans doute cette belle faculté commençait à faiblir sensiblement ; on n’osait plus en attendre des chefs-d’œuvre comparables aux anciens ; on craignait même de la voir se complaire dans une postérité de plus en plus débile, comme il arrive aux plus grands hommes en déclinant comme le bon Corneille ne sut pas assez l’éviter dans sa vieillesse.

264. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Il y a aussi les facultés des lettres, où l’on professe la géographie et la paléographie. […] À une soutenance de doctorat en philosophie, n’entendions-nous pas un professeur de Sorbonne tancer le candidat d’avoir présenté une thèse scientifique à la faculté des lettres ?

265. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

Mais il n’en est pas moins que mesurer les distances aide singulièrement à évaluer les hauteurs et, s’il n’est pas mauvais de connaître les prédécesseurs et les contemporains de Corneille pour bien entendre, pour entendre distinctement combien il est nouveau et combien il est grand, à toutes les époques il en est de même, et il faut pousser des reconnaissances dans le pays des médiocres pour revenir aux grands avec une faculté renouvelée d’admiration. Chateaubriand parle d’un auteur de son temps qui, chaque année, allait faire sa remonte d’idées en Allemagne ; un homme sage doit aller faire de temps en temps chez les mauvais auteurs la remonte de ses facultés d’admiration.

266. (1903) La pensée et le mouvant

De cette faculté il faudrait déterminer d’abord la signification vitale. […] Notre faculté d’agir, en se ressaisissant, s’intensifiera. […] L’insuffisance de nos facultés de perception — insuffisance constatée par nos facultés de conception et de raisonnement — est ce qui a donné naissance à la philosophie. […] La nature a oublié d’attacher leur faculté de percevoir à leur faculté d’agir. […] Ravaisson n’occupa jamais ce poste) d’un cours à la Faculté de Rennes.

267. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

L’homme n’a pas trop de toutes ses facultés pour cette œuvre de création. […] Pareillement cette faculté a déterminé sa conception de la politique. […] Peut-être, en s’enivrant lui-même de ses admirables facultés, M.  […] Il manquera sa destinée pour avoir eu des facultés supérieures à son milieu. Et se guérit-on jamais de ses facultés ?

268. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Cet équilibre dans les deux exercices alternatifs des grandes facultés de l’homme est la condition de son développement le plus complet sur la terre. […] Je sais bien que l’envie et la médiocrité, qui veulent tout rabaisser à leur niveau, contestent dans ce siècle la possibilité de cet équilibre entre les facultés de l’homme d’action et les facultés de l’homme de pensée. […] Qu’y a-t-il de plus admirable que de voir un seul homme, ou du moins quelques hommes, se faire une puissance particulière d’une faculté naturelle à tous ! […] L’esprit débute par la sensation, mais on ne reconnaît pas aux sens la faculté de juger. […] Cette faculté ne peut donc venir que de Dieu seul ; elle est essentiellement céleste et divine.

269. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Non ; il s’agit d’une critique plus profonde, et qui s’applique à l’instrument même de tout système, de toute métaphysique, à la faculté de connaître, à la raison, qui en détermine la constitution intérieure, l’étendue et aussi les limites : Tecum habita et nôris quàm sit tibi curta supellex. […] On a pu y ajouter différentes parties, une digression sur les facultés de l’âme, une autre sur les causes et les remèdes de nos erreurs ; mais ce n’est pas augmenter, c’est dénaturer les sciences que d’en méconnaître et confondre les bornes. […] La faculté en nous à laquelle se rapportent les principes marqués des caractères d’universalité et de nécessité, les principes purs à priori, est la raison (Vernunft), et la raison pure. L’étude approfondie de cette faculté est lacritique de la raison pure. […] Cette méthode est la vraie, c’est la méthode psychologique qui consiste à débuter par l’homme, par le sujet qui connaît, par l’étude de la faculté de connaître, de ses lois, de leur portée et de leurs limites.

270. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Il est lui-même, et ne dépend que de ses facultés. […] ), nos fautes nous placent souvent à rebours de nos facultés, comme ces condamnés du Moyen Âge dont on tournait le visage du côté de la queue de l’âne qui les conduisait au supplice. […] Michelet, le professeur élégant, coloré, svelte, magnétique, a dépravé des facultés plus charmantes que puissantes, il est vrai, mais réelles, et a sacrifié ce qu’on doit respecter jusqu’à la dernière heure, l’austère vérité de l’histoire, l’impartialité de l’enseignement ! […] Notre espoir, c’est la mobilité de sa nature, ce sont les entrailles même de son talent, c’est cette faculté d’entraînement qui vient de le perdre et qui pourrait le sauver. […] et qui commence ainsi : « Ne cherchez point le prêtre dans la science et dans les lettres, etc., etc. », il écrit avec aplomb que « le prêtre n’a plus que les petites facultés d’intrigue et de ménage, mais qu’il a perdu les grandes facultés viriles, surtout l’invention, et que depuis cent cinquante ans il s’est énervé et n’a plus rien produit ».

271. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Professeur à la Faculté de Droit Colin, Ambroise (1862-1929) I. — Voici plus de vingt ans que je me trouve en rapport avec des milliers d’étudiants, soit dans les examens (si nombreux à Paris !), soit dans les conférences et travaux pratiques que j’ai dirigés à la Faculté de Droit. J’ai pu constater ce fait — assez surprenant au premier abord — que les jeunes gens dépourvus d’études classiques se reconnaissaient en général à l’infériorité de leurs facultés de raisonnement. […] Est-ce qu’un idiome qui a exprimé des civilisations aussi différentes que celle de la République romaine et celle du moyen âge, qui a fourni au droit, a la théologie, à bien d’autres sciences encore, pendant des siècles, leur unique instrument d’élaboration et de diffusion, n’a pas donné les preuves les plus convaincantes de sa souplesse et de ses facultés d’adaptation à toutes les idées et à tous les faits ? […] En ce qui concerne les études médicales qui m’intéressent plus particulièrement, comme professeur à la Faculté, la nécessité de l’enseignement du latin s’impose.

272. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Ses facultés étaient revenues assez au complet dès le huitième mois, depuis une visite qu’il reçut de son frère le révérend John Cowper, homme d’église, savant et régulier, et qui était venu de Cambridge pour le voir, en juillet 1764. […] Cowper, en causant avec ce jeune homme, rencontra avec une joie inexprimable une âme nourrie des plus vives notions du christianisme, tel qu’il le concevait lui-même ; il fut introduit bientôt dans la famille, et dès lors une amitié s’engagea qui décida de toute la vie, et, l’on peut dire, de toutes les facultés et des talents du poète. […] Durant les six années suivantes (1774-1780), l’esprit de Cowper et ses facultés effrayées vont se recueillir et se relever peu à peu, jusqu’à ce qu’il arrive insensiblement à les posséder dans toute leur force et dans toute leur grâce, et à trouver pour la première fois (phénomène singulier !) […] La lecture et la faculté de composition ne lui revinrent que peu à peu ; les occupations manuelles eurent longtemps le dessus : « Rousseau aurait été content de moi, dit Cowper, en me voyant ainsi travailler, et il se serait écrié avec ravissement : J’ai trouvé mon Émile ! 

273. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

— Par contre, si, évoquant le vieux sens mythologique et liturgique, on veut désigner par ce vocable une faculté mystérieuse, une force semi-divine, un don accordé à quelques élus qu’on peut nommer et compter, je demanderai, de bonne foi, sur qui est descendue cette grâce et à quelle auréole on la reconnaît. […] Or, il est trop clair, nous ne pouvons reconnaître de génie qu’aux artistes de la première de ces catégories ; l’étymologie et la raison sont ici d’accord : le génie, c’est la faculté de créer. […] Cette sensibilité doit être complétée par une autre faculté, non plus réceptive mais expressive, que nous avons pu appeler l’intellectualité : seconde vertu qui rarement, hélas, accompagne la première : il y a mille dilettanti pour un artiste. […] Mais l’artiste, par son intellectualité, qui n’est autre chose que la faculté de rendre sans déchet ce qu’il a senti, formule avec aisance, naturellement ; son esprit souple laisse déborder l’émotion qui remplit son cœur ; il crée par la surabondance de sa sensation qui se répand et s’exprime ; la sensation exprimée est l’idée, et celle-ci est toute l’œuvre d’art.

274. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

— Par contre, si, évoquant le vieux sens mythologique et liturgique, on veut désigner par ce vocable une faculté mystérieuse, une force semi-divine, un don accordé à quelques élus qu’on peut nommer et compter, je demanderai, de bonne foi, sur qui est descendue cette grâce et à quelle auréole on la reconnaît. […] Or, il est trop clair, nous ne pouvons reconnaître de génie qu’aux artistes de la première de ces catégories ; l’étymologie et la raison sont ici d’accord : le génie, c’est la faculté de créer. […] Cette sensibilité doit être complétée par une autre faculté, non plus réceptive mais expressive, que nous avons pu appeler l’intellectualité : seconde vertu qui rarement, hélas, accompagne la première : il y a mille dilettanti pour un artiste. […] Mais l’artiste, par son intellectualité, qui n’est autre chose que la faculté de rendre sans déchet ce qu’il a senti, formule avec aisance, naturellement ; son esprit souple laisse déborder l’émotion qui remplit son cœur ; il crée par la surabondance de sa sensation qui se répand et s’exprime ; la sensation exprimée est l’idée, et celle-ci est toute l’œuvre d’art.

275. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Jadis, le goût était classique et ne comprenait ni les brusques fiertés, ni la vérité nue de la nature libre ; aujourd’hui, le goût est romantique et ne comprend ni la proportion, ni la simplicité, ni la décence : ô petitesses de cette faculté si vantée ! […] Il n’y a ni beautés, ni défauts dans l’ordre littéraire ; car, sans les défauts les beautés ne seraient pas ; défauts et beautés, c’est la même faculté qui produit tout389. […] 391 Il étudie Sophocle, Corneille, Racine, décrit toutes les facultés poétiques et n’en condamne aucune. […] Il a moins vu que deviné, ou plutôt, sans aucune faculté surnaturelle, la simple profondeur de son observation a pénétré jusqu’à ce qui devait arriver plus tard, à travers ce qui se passait alors. […] « Le critique ne demande point à l’imagination passionnée de se diminuer, de subir l’autorité de facultés contraires, de se faire raisonnable et circonspecte. » Taine, Essais de critique et d’histoire.

276. (1890) L’avenir de la science « XX »

Les facultés qu’il doit cultiver sont celles qui servent à la richesse, l’esprit industriel, l’intelligence pratique. Or ces facultés sont de très peu de valeur : elles ne rendent ni meilleur, ni plus élevé, ni plus clairvoyant dans les choses divines ; tout au contraire.

277. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Lyell, n’hésite pas cependant à écrire : « Nous ne devons pas considérer comme admis que chaque amélioration des facultés de l’âme dépende d’un perfectionnement de la structure du corps ; car pourquoi l’âme, c’est-à-dire l’ensemble des plus hautes facultés morales et intellectuelles, n’aurait-elle pas la première place nu lieu de la seconde, dans le plan d’un développement progressif1 ? 

278. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

C’est même cet incompressible fanatisme, dont il se vante comme de sa meilleure faculté, qui l’a empêché de prouver aux regards du monde ses autres facultés et sa supériorité d’écrivain.

279. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Elle nous montre, dans la faculté de comprendre, une annexe de la faculté d’agir, une adaptation de plus en plus précise, de plus en plus complexe et souple, de la conscience des êtres vivants aux conditions d’existence qui leur sont faites.

280. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Elles semblent indépendantes de tout épuisement dans les facultés des romanciers ou dans la sève du genre lui-même. […] Et comme il groupe les êtres, il appelle et il use aussi toutes leurs facultés maîtresses. […] En même temps que son esprit s’aiguisait d’ironie et se formait par une observation directe, l’émotion traditionaliste entrait en lui et agissait fortement sur toutes ses facultés. […] Boylesve est un vrai classique : il l’est dans le sens français, c’est-à-dire qu’il subordonne l’émotion à la raison, mais qu’il ne dédaigne aucun des éléments d’art propres à la première de ces facultés. […] L’indulgence d’ailleurs n’empêche point chez lui la pénétration, et, s’il est toujours prêt à défendre et à excuser les coupables dans la passion, sa lucidité laisse intactes toutes ses facultés de jugement.

281. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Édouard Goumy, dans une thèse complète et fort spirituelle, soutenue à la Faculté des lettres et devenue presque un volume, a tracé de l’homme et du philosophe un portrait qui ne paraît nullement flatté, et il a porté des jugements qui s’appuient sur l’analyse détaillée des œuvres. […] Il se produisit, à ce moment, un phénomène assez singulier : sur la fin et comme à l’arrière-saison d’un siècle si riche par l’ensemble et la réunion des plus belles facultés de l’esprit et de l’imagination, on vit paraître plusieurs hommes distingués, et quelques-uns même éminents par certaines parties de l’intelligence, mais notablement privés et dénués d’autres facultés qui se groupent d’ordinaire pour composer le faisceau de l’âme humaine : — Fontenelle en tête, le premier de tous, une intelligence du premier ordre, mais absolument dénué de sensibilité ; La Motte, l’abbé Terrasson, qui l’un et l’autre, avec l’esprit très perspicace sur bien des points, raisonnaient tout à côté comme s’ils étaient privés de la vue ou du goût, de l’un des sens qui avertissent.

282. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Il est une molécule vivante, incessamment excitée et modifiée par l’organisme social dont elle fait partie intégrante ; arrêter la molécule, la monade, au point où on la trouve, la détacher du tout, la soumettre au microscope ou au creuset expérimental, la retourner, la décomposer, la dissoudre, et conclure de là à la nature et à la destinée du tout, c’est absurde ; conclure seulement à la nature et à la destinée de la molécule, c’est encore se méprendre étrangement ; c’est supprimer d’abord, dût-on y revenir plus tard et trop tard, c’est supprimer le mode l’influence que l’individu reçoit du tout, à peu près comme Condillac faisait pour les détails organiques de sa statue, qu’il recomposait ensuite pièce à pièce sans jamais parvenir à l’animer ; c’est, comme lui, par cette suppression arbitraire, rompre l’équilibre dans les facultés du moi et se donner à observer une nature humaine qui n’est plus la véritable et complète nature ; c’est décerner d’emblée à la partie rationnelle de nous-mêmes une supériorité sur les facultés sentimentale et active, une souveraineté de contrôle qu’une vue plus générale de l’humanité dans ses phases successives ne justifierait pas ; c’est immobiliser la monade humaine, lui couper la source intarissable de vie et de perfectibilité ; c’est raisonner comme si elle n’avait jamais été modifiée, transformée et perfectionnée par l’action du tout, ou du moins comme si elle ne pouvait plus l’être ; c’est supposer gratuitement, et le lendemain du jour où l’humanité a acquis la conscience réfléchie de sa perfectibilité, que l’individu de 1830, le chrétien indifférent et sans foi, ne croyant qu’à sa raison personnelle, porte en lui, indépendamment de ce qui pourrait lui venir du dehors, indépendamment de toute conception sociale et de toute interprétation nouvelle de la nature, un avenir facile et paisible qui va découler, pour chacun, des opinions et des habitudes mi-partie chrétiennes, mi-partie philosophiques, mélangées à toutes doses. […] Elle constate quelques lois de notre esprit et de nos facultés ; mais on obéissait à ces lois sans elle.

283. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Dans ces diverses branches de la littérature, il faut distinguer ce qui appartient à l’imagination, de ce qui appartient à la pensée : il est donc nécessaire d’examiner jusqu’à quel point l’une et l’autre de ces facultés sont perfectibles ; nous saurons alors quelle est la principale cause de la supériorité des Grecs dans les beaux-arts, et nous verrons ensuite si leurs connaissances en philosophie ont été au-delà de leur siècle, de leur gouvernement et de leur civilisation. […] L’homme, en acquérant la faculté de prévoir, perd beaucoup de celle de s’étonner, et l’enthousiasme, comme l’effroi, se compose souvent de la surprise. […] Ce que les Grecs entendaient par l’amitié, existait entre les hommes ; mais ils ne savaient pas, mais leurs mœurs leur interdisaient d’imaginer qu’on pût rencontrer dans les femmes un être égal par l’esprit, et soumis par l’amour, une compagne de la vie, heureuse de consacrer ses facultés, ses jours, ses sentiments, à compléter une autre existence.

284. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

Là même où domine l’idée, où la vérité plus que la beauté a été l’objet de l’écrivain, l’impression et l’interprétation personnelle sont à leur place : tout le monde ne voit pas tout ; les œuvres fortes ne se livrent qu’aux forts esprits ; et l’on se propose précisément, par l’exercice dont nous parlons, de former chez les jeunes gens une habitude d’aller au-delà du sens grossier que nul ne manque d’apercevoir, et un art de rassembler — dirai-je de mobiliser   rapidement toutes leurs facultés, pour arracher au texte le plus possible de son secret. […] Et l’habitude prise au lycée ou à la Faculté se gardera toute la vie. […] Du temps où je préparais ma licence, les Professeurs des Facultés ou de l’École Normale n’expliquaient pas les textes français : ils faisaient des leçons générales sur les ouvrages inscrits au programme et sur la biographie des auteurs.

285. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Considérées sous leur aspect intellectuel, les sensations musculaires « sont très importantes au point de vue de la connaissance ; d si à un poids de quatre livres que nous tenons dans la main, on en ajoute un autre, l’état de conscience change : ce changement d’état, c’est la discrimination (faculté de discerner), et c’est le fondement de notre intelligence. […] Le système nerveux n’est pas seulement l’instrument propre de la faculté de sentir, il a aussi des sensations organiques résultant de l’état même de son tissu ; les névralgies, l’épuisement nerveux, le tic douloureux sont des exemples de douleurs venant du tissu lui-même. […] L’auteur traite les deux premiers points en simple physiologiste ; et j’ai regretté, pour ma part, que le langage ne soit étudié nulle part dans cet ouvrage, comme faculté psychologique.

286. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Aujourd’hui, il a concentré des facultés plus grandes que son sujet dans un travail d’application et de miniature qui demandait beaucoup de finesse, et il nous a donné cette collection de médaillons, délicieusement réussis, qu’il appelle Les Nièces de Mazarin 16. […] C’est que la grandeur ne vient ni des facultés, ni de leur emploi, ni de leur réussite, mais d’une imposante manière d’être, soit dans la vertu, soit dans le talent, soit même dans le vice ; et Mazarin manqua toujours de ce naturel et mystérieux ascendant. […] « Marie Mancini — nous dit-il avec une mélancolie reconnaissante — avait d’heureuses facultés : elle était généreuse, courageuse, spirituelle et fière.

287. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Quand Stendhal est nettement supérieur, il ne l’est que par la seule vigueur de son expression ou de sa pensée… Si on creusait cette analyse, on verrait, en interrogeant une par une ses facultés, qu’il a la sagacité qui est la force du regard, comme il a la clarté brève de l’expression qui est la force du langage. […] Si un homme de la hauteur de Goethe, en se faisant païen comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que peut produire un système d’idées comme le matérialisme de Stendhal sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes ! […] Plus que personne, Stendhal avait besoin qu’une grande et généreuse doctrine ajoutât à ses facultés et les étoffât.

288. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Quand Stendhal est nettement supérieur, il ne l’est que par la seule vigueur de son expression ou de sa pensée… Si on creusait cette analyse, ou verrait, en interrogeant une par une ses facultés, qu’il a la sagacité, qui est la force du regard, comme il a la clarté brève de l’expression, qui est la force du langage. […] Si un homme de la hauteur de Gœthe, en se faisant païen, comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que doit produire un système d’idées, comme le matérialisme de Stendhal, sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes ! […] Plus que personne, Stendhal avait besoin qu’une grande et généreuse doctrine ajoutât à ses facultés et les étoffât.

289. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Toutes les facultés de Mme de Staël reçurent du violent orage qu’elle venait de traverser une impulsion frémissante, et prirent dans tous les sens un rapide essor. […] Malgré son goût pour les types incomparables qui font saillie dans ses romans, elle croyait à l’égalité de la famille humaine ; Mme Necker de Saussure nous apprend que, même à l’égard des facultés intellectuelles, elle estimait que c’était assez peu de chose au fond, une assez petite disproportion originelle, qui constituait la supériorité des talents éminents sur la moyenne des hommes. […] Mais elle s’aperçut alors que, pour tant souffrir, on ne mourait pas ; que les facultés de la pensée, que les puissances de l’âme grandissaient dans la douleur ; qu’elle ne serait jamais aimée comme elle aimait, et qu’il fallait pourtant se proposer quelque vaste emploi de la vie. Elle songea donc sérieusement à faire un plein usage de ses facultés, de ses talents, à ne pas s’abattre ; et, puisqu’il était temps et que le soleil s’inclinait à peine, son génie se résolut à marcher fièrement dans les années du milieu : « Relevons-nous enfin, s’écriait-elle en sa préface du livre tant cité, relevons-nous sous le poids de l’existence ; ne donnons pas à nos injustes ennemis et à nos amis ingrats le triomphe d’avoir abattu nos facultés intellectuelles. […] Heureux trouble, qui nous tente de renaître aux émotions aimantes et à la faculté de dévouement de la jeunesse !

290. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

La volonté ne développe et n’assouplit que des facultés naturelles : naturellement nous parlons tout haut, et naturellement aussi nous parlons en silence quand parler tout haut est inutile ou dangereux. […] Bonald n’a pas vu l’importance de la question : le principe du développement du langage peut être tel qu’il suffise à expliquer l’origine même du langage ; comment affirmer que l’homme n’a pu inventer le langage quand on n’a pas défini le pouvoir de ses facultés sur le langage une fois formé 59. […] Cf. le Mémoire sur l’habitude (1802) [Le titre précis de l’ouvrage de Maine de Biran est Influence de l’habitude sur la faculté de penser (1802).], p. 39 (Œuvres philosophiques, éd. […] Le cerveau et la pensée (1867), p. 136-137. — Depuis lors, la question a été examinée dans plusieurs observations, et quelquefois résolue : signalons comme un chef-d’œuvre de description médicale et de pénétration psychologique l’observation due au docteur Mesnet : le malade avait conservé la faculté de lire et d’écrire avec facilité et correction ; la parole intérieure était donc intacte (Annales médico-psychologiques, mai 1877). […] Antoine Gratacap, Théorie de la mémoire, thèse pour le doctorat présentée à la Faculté des Lettres de Paris, Montpellier, Impr.

291. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

mon ami, je suis lié avec presque tous les littérateurs les plus distingués… Ma vanité est satisfaite… et avec cela le fond, la presque totalité de ma vie, c’est, je ne dirais pas le malheur, mais un chancre aride ; un plomb liquide me coule dans les veines ; si l’on voyait mon âme, je ferais pitié, j’ai peur de devenir fou… Depuis deux mois, toutes mes facultés de douleur se sont réunies sur un point. […] Mais, quand il s’agit de réaliser à son tour les belles qualités qu’on a admirées, il est possible que l’exercice des facultés purement représentatives ait affaibli, amolli l’exercice des facultés actives, et qu’on s’en tienne enfin à l’amour platonique des vertus morales ou sociales. En tout cas, cet effet amollissant de l’art a été souvent constaté sur les peuples, qui, à trop exercer leurs facultés de contemplation et d’imagination, perdent parfois leurs facultés d’action. […] Les écrivains modernes ne sont pas seulement amenés a l’étude des vices ou des passions fortes, mais aussi à l’étude des monstruosités, et cela pour diverses raisons : la première est l’intérêt scientifique ; on éprouve une plus grande curiosité à l’égard de tout ce qui est dans l’espèce une anomalie, un « phénomène » ; en outre la science moderne, — physiologie ou psychologie, — attache une importance croissante à l’étude des états morbides, parce que ces états permettent de saisir sur le fait la dégradation de nos diverses facultés, de constater celles qui ont la plus grande force de résistance, d’établir ainsi des lois de la vie physique ou psychique valant même pour les êtres bien portants. […] Mais cette qualités qui seront sa signature, sa griffe sur tous les individus en fait prédominance des qualités bonnes ou mauvaises dans les naissent à précisément des détraqués, puisque les sains d’esprit se reconnaissent à l’équilibre de toutes leurs facultés.

292. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Est-ce donc la seule faculté dont le développement contienne en abrégé les conditions essentielles du progrès humain ? […] Il y a plus, « dans l’espèce humaine elle-même, certaines races sont en voie d’extinction, et cela non pas par une destruction violente, mais par l’affaiblissement graduel des facultés génératrices, et une résistance de moins en moins grande aux causes morbifiques. […] Un homme a reçu de ses parens une imagination vive et prompte ; elle peut faire de lui un grand artiste ou un ignorant superstitieux : tout dépendra, au moins dans la plus large mesure, de la culture que recevra cette faculté naturelle. […] Or la morale seule enseigne à chacun l’emploi qu’il doit faire des puissances et des facultés dont il dispose. […] L’âme est, en effet, la cause finale du corps vivant, et l’âme ou principe de la vie se manifeste par une hiérarchie de facultés, nutritive, sensitive, motrice, pensante, dont chacune, impliquant les degrés inférieurs, exprime la complexité et la perfection croissantes de l’organisation.

293. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Cette faculté singulière de penser par clichés est quelquefois développée à un degré prodigieux et sans doute pathologique . […] Ce cerveau anonyme est pourtant doué de deux ou trois qualités ou affections particulières : d’une mémoire spéciale, très étendue ; d’une faculté abstractive qui semble en corrélation avec une cécité cérébrale presque absolue. […] Il est difficile de voir ; c’est une faculté animale et c’est un don humain. […] Il est donc tout naturel que ce soit cette faculté que les écolâtres aient le plus volontiers labourée avec la charrue de leur méthode.

294. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Aucune faculté de l’esprit ne s’enfonce et ne creuse plus que l’imagination ; c’est la grande plongeuse. […] Un des caractères du génie, c’est le rapprochement singulier des facultés les plus lointaines. […] Une force démesurée, un charme exquis, la férocité épique, la pitié, la faculté créatrice, la gaieté, cette haute gaieté inintelligible aux entendements étroits, le sarcasme, le puissant coup de fouet aux méchants, la grandeur sidérale, la ténuité microscopique, une poésie illimitée qui a un zénith et un nadir, l’ensemble vaste, le détail profond, rien ne manque à cet esprit. […] Ce phénomène de la réflexion double élève à la plus haute puissance chez les génies ce que les rhétoriques appellent l’antithèse, c’est-à-dire la faculté souveraine de voir les deux côtés des choses.

295. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Sans doute introduire une force vitale comme un deus ex machina qui dispenserait de l’étude des phénomènes, c’est retomber dans la scolastique, c’est ressusciter la vertu dormitive et toutes les facultés occultes : c’est ce que Leibnitz appelait la philosophie paresseuse, qui prend les mots pour les choses ; mais en un autre sens l’expression de force vitale est d’une grande utilité. […] Les hommes aiment tellement le pouvoir arbitraire, qu’ils sont toujours tentés de le supposer partout : ils l’imaginent dans la force vitale lorsqu’ils lui attribuent la faculté de troubler et d’embrouiller les phénomènes par son activité désordonnée ; ils le supposent dans l’homme lorsqu’ils imaginent un libre arbitre absolument indifférent entre le oui et le non, et décidant entre les deux sans savoir pourquoi. […] Il ne suffit pas même d’admettre une cause quelconque, un pouvoir d’agir, une faculté occulte ; il faut encore que cette cause, cette faculté soient déterminées à l’action par quelque raison particulière, par quelque condition antécédente et précise.

296. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

De toutes les facultés intellectuelles, celle dont on a le plus souvent tenté de donner une explication mécanique, parce qu’elle est en effet la plus automatique qui soit dans l’esprit humain, c’est la mémoire. […] « Il est bien vrai, dit-il, que les changements organiques du cerveau font quelquefois disparaître la mémoire des faits qui se rapportent à certaines périodes ou à certaines classes de mots, tels que les substantifs, les adjectifs ; mais cette perte ne pourrait être expliquée au point de vue matériel qu’en admettant que les impressions se fixent d’une manière successive dans des portions stratifiées du cerveau, ce à quoi il n’est pas permis de s’arrêter un seul instant… La faculté de conserver ou de reproduire les images ou les idées des objets qui ont frappé les sens ne permet pas d’admettre que les séries d’idées soient fixées dans telles ou telles parties du cerveau, par exemple, dans les corpuscules ganglionnaires de la substance grise, car les idées accumulées dans l’âme s’unissent entre elles de manières très-variées, telles que les relations de succession, de simultanéité, d’analogie, de dissemblance, et ces relations varient à chaque instant. » Müller ajoute : « D’ailleurs, si l’on voulait attribuer la perception et la pensée aux corpuscules ganglionnaires et considérer le travail de l’esprit, — quand il s’élève des notions particulières aux notions générales, ou redescend de celles-ci à celle-là, — comme l’effet d’une exaltation de la partie périphérique des corpuscules ganglionnaires relativement à celle de leurs parties centrales ou de leur noyau relativement à leur périphérie, si l’on prétendait que la réunion des conceptions en une pensée ou en un jugement qui exige à la fois l’idée de l’objet, celle des attributs et celle de la copule, dépend du conflit de ces corpuscules et d’une action des prolongements qui les unissent ensemble ; si l’on prétendait que l’association des idées dépend de l’action soit simultanée, soit successive, de ces corpuscules, — on ne ferait que se perdre au milieu d’hypothèses vagues et dépourvues de tout fondement72. » De tout ce qui précède, je ne crois pas qu’il soit bien téméraire de conclure que nous ne savons rien, absolument rien, des opérations du cerveau, rien des phénomènes dont il est le théâtre lorsque la pensée se produit dans l’esprit.

297. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Sans passion, comme Walter Scott, et comme lui de cette moralité naturelle qui parfume les écrits de tous les deux, il n’était point, assurément, par les facultés, l’égal de l’incomparable Écossais ; mais ils avaient tous deux la faculté de peindre avec des tableaux, des sujets et des procédés différents, et tous deux ils traduisirent la réalité avec une vigueur inouïe et un sentiment qui est à cette réalité qu’ils ont peinte, ce qu’aux objets est le soleil.

298. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Pour exprimer toute notre pensée, ces vers de Farcy nous semblent une haute preuve de talent, comme étant le produit d’une puissante et riche faculté très-fatiguée, et en quelque sorte épuisée avant la production : on y trouve peu d’éclat et de fraîcheur ; son harmonie ne s’exhale pas, son style ne rayonne pas ; mais le sentiment qui l’inspire est profond, continu, élevé ; la faculté philosophique s’y manifeste avec largeur et mouvement. […] « On s’établit dans la vie ; on est las de ce qu’il y a de roide et de contemplatif dans les premières années de la jeunesse ; on est un peu plus avant dans le secret des Dieux ; on sent qu’on a à vivre pour soi, pour son bien-être, son plaisir, pour le développement de toutes ses facultés, et non-seulement pour réaliser un type abstrait et simple ; on vit de tout son corps et de toute son âme, avec des hommes, et non seul avec des idées. […] Non, tu n’avais pas tué l’amour dans ton cœur ; tu en étais plutôt resté au premier, au timide et novice amour ; mais sans la fraîcheur naïve, sans l’ignorance adorable, sans les torrents, sans le mystère ; avec la disproportion de tes autres facultés qui avaient mûri ou vieilli ; de ta raison qui te disait que rien ne dure ; de ta sagacité judicieuse qui te représentait les inconvénients, les difficultés et les suites ; de tes sens fatigués qui n’environnaient plus, comme à dix-neuf ans, l’être unique de la vapeur d’une émanation lumineuse et odorante ; ce n’était pas l’amour, c’était l’harmonie de tes facultés et de leur développement que tu avais brisée dans ton être !

299. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Le temps est déjà loin où les psychologues admettaient une « faculté expressive » et une « faculté interprétative ». […] Les animaux les plus rudimentaires, voisins de la vie purement végétative, dépourvus de système nerveux et musculaire, n’avaient probablement pas la faculté de se mouvoir d’un point à l’autre dans leur lieu d’habitation ; mais il devait cependant exister, jusque chez ces espèces primitives, certaines tendances à une surexcitation ou à un affaissement de l’activité générale, selon l’approche ou le départ des objets avantageux ou nuisibles. […] Ce n’est pas sans raison qu’un père de famille disait à son fils partant pour un voyage lointain : « Tout ce que je te demande, c’est de me rapporter le même visage64. » VI L’interprétation des signes Il nous reste à dire quelques mots de l’interprétation des signes, où l’ancienne psychologie voyait une « faculté » mystérieuse. […] Dès lors, il n’est pas besoin de faculté spéciale pour comprendre que le chien dont les lèvres rétractées montrent les dents s’apprête à vous mordre. Nous n’usons pas davantage d’une faculté spéciale pour interpréter l’expression de la figure chez une jeune femme qui détourne la tête, ferme à demi les yeux comme pour ne pas voir, et serre les lèvres : tous ces mouvements indiquent suffisamment le dédain.

300. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Nous voudrions développer une thèse semblable à propos de l’histoire, et faire voir comment, par une méthode analogue à celle des sciences naturelles, certaines écoles historiques ne laissent guère plus de place au libre jeu des facultés et des volontés humaines que telles écoles de physiologie et de philosophie positive. […] Partout on les retrouve en pleine possession d’eux-mêmes, en pleine conscience de leur liberté, en parfaite confiance dans la puissance de leurs facultés et dans l’efficacité de leurs œuvres. […] « Comme l’homme, dans l’ordre des choses naturelles, ne s’enfante pas lui-même, il est tout aussi loin de se donner l’être quand il s’agit de ses facultés intellectuelles. […] Pour aimer l’action, pour s’y mettre tout entier, l’homme a besoin de croire à un résultat de cette action ; il entend faire une œuvre efficace dans la mesure de ses facultés et de ses forces ; il lui répugne d’imiter ces moines du désert qui, travaillant pour obéir à la règle, arrosaient tout le jour un bâton planté dans le sable. […] A chacun sa tâche : aux grands hommes, aux Périclès, aux Washington de cette démocratie, l’honneur d’être les ministres de la volonté générale ou les organes de la pensée commune ; à tout le reste, le mérite de contribuer, chacun pour sa part proportionnelle à ses facultés, à l’œuvre de progrès ou de salut de la patrie.

301. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Entre ces émotions particulières de l’individu et ces conditions essentielles de l’humanité, qui, réunies, forment l’objet du lyrisme romantique, restent l’intelligence avec la réflexion et les facultés discursives, et les vérités universelles d’ordre rationnel : deux choses que le romantisme laisse de côté. […] Nous avons vu, en deux maîtres de la langue, en Rousseau et en Chateaubriand, ces deux grandes tendances se déterminer, et de l’un à l’autre, les facultés discursives, le raisonnement, les idées s’atténuer, l’émotion grandir et la puissance poétique. […] Le classique s’inquiète de sa destinée à l’église, ou bien en lisant ou faisant un sermon ; le romantique mêle cette inquiétude dans tous ses actes (d’où il perd vite la faculté d’agir), et ne peut exprimer aucune pensée qui ne la contienne (d’où la pente rapide vers le lyrisme).

302. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Si les facultés de l’intelligence eussent été seules en Mme Colet, elle aurait passé comme une foule de femmes qui agacent l’attention deux jours ; puis, qui s’en vont : Où va la feuille de rose Et la feuille de papier ! […] Mais ses passions s’ajoutèrent à ses facultés et surtout cette « force en gueule », qui la met à part parmi les bas-bleus ; et pour cette raison, aux sots elle parut tonitruante, et on se souvient encore de son bruit. […] remplace, par des faits, les facultés qu’on n’a pas.

303. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Tout expliquer par la vertu des races, c’est tout expliquer par des facultés « innées » qu’on ne fait que supposer38. […] Une transmission problématique de facultés d’ailleurs indéterminées et dont la genèse reste inconnue, voilà tout ce que l’anthropologie peut nous offrir pour l’explication du succès de l’égalitarisme ; n’est-il pas naturel que nous en cherchions autre part des raisons moins obscures et moins incertaines ? […] Les sciences physiques et naturelles ont prouvé mille fois qu’elles savaient suppléer à la première par la seconde ; plus que toutes les autres, les sciences sociales devront user de cette faculté.

304. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Dès qu’on nous parle d’une histoire de la psychologie française écrite par un philosophe professionnel, nous avons instinctivement l’image d’une série de chapitres non seulement sur Maine De Biran (qui a, celui-là, vraiment avancé l’étude de l’homme), mais sur Jouffroy, qui invoque souvent, et de façon touchante la révélation de la psychologie, et que la psychologie traite comme l’esprit saint fait des prélats dans la chanson de Béranger ; sur Garnier dont le Traité des facultés de l’âme réalisa assez longtemps dans les bibliothèques universitaires une summa psychologica ; ou, plus près de nous, sur Alfred Fouillée, dont la savonneuse Psychologie des idées-forces et ses complémentaires ne contiennent pas plus de sens utile. […] S’étreindre, c’est se jeter à deux dans la mort-mais avec la faculté d’en revenir et de s’en souvenir… ceux qui accomplissent le rite sans croire, l’acte sans aimer, ne songent qu’à l’agrément de cette névrose et non à la conséquence métaphysique et tragique de l’étreinte. « Mais l’acte d’amour vrai » cette seconde de la projection vitale n’étant qu’un éclair entre deux infinis, qu’est-ce donc que l’idée de possession ? […] Camille Mauclair (qui servent encore à nous montrer la pénétration de sa Magie de l’amour et d’une magie de l’art ) : " la caste des artistes est au monde la plus isolée avec celle des amants, et presque pour les mêmes raisons : désaveu universel, faculté de se priver du consentement universel, vaste aspiration vers la solitude, possession de secrets transfigurateurs.

305. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

L’homme regarde l’homme, et ce qui l’entoure, avec sa faculté créatrice, autant et plus qu’avec ses yeux. […] Rangés autour de lui, dans une attitude déférente, des professeurs de Faculté, ses collègues, semblaient l’écouter avec stupeur. […] Effondrement de l’esprit de Faculté et de l’Enseignement supérieur. […] A telle faculté, ou partie de faculté, correspondait une zone corticale de l’encéphale. […] « Il est inadmissible que telle partie du cerveau soit le siège de telle faculté, comme le langage, ou d’une partie de telle faculté.

306. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Enfin, comme l’imagination d’un ou de plusieurs auditeurs est la circonstance déterminante de cette modification de la parole intérieure, il est naturel que, par intervalles, elle devienne une imitation de la parole d’autrui ; aussi est-ce spécialement dans cette variété que se rencontrent des sons spécifiques étrangers aux habitudes ou aux facultés de la parole extérieure individuelle. — Dans le dialogue imaginaire, la parole intérieure est donc doublement impersonnelle : quand je crois parler, je parle, autant que je puis, le langage de tous ; puis, souvent, je suppose une réponse : alors, j’imite et la voix et les habitudes de langage de l’interlocuteur que ma fantaisie s’est donné. […] Qu’elle soit ou non considérée comme un phénomène surnaturel, l’inspiration consiste dans une exaltation de la parole intérieure en même temps que des facultés esthétiques de l’esprit. […] Socrate et Jeanne d’Arc ont donc pu avoir confiance en leurs voix et conserver intactes la finesse et la probité natives de leurs facultés intellectuelles ; et il n’est point étrange que dans l’illusion d’une inspiration divine ces facultés aient trouvé un puissant mobile d’activité confiante et sereine. […] L’activité de la marche, l’habitude d’une route dont il connaissait les moindres incidents, donnaient toute liberté à ses facultés imaginatives. […] Si donc c’est l’imagination qui exalte la parole intérieure ou suscite à sa place la parole extérieure, il n’y a d’étrange dans ces phénomènes que l’éveil de l’imagination à une heure et dans des circonstances où, chez la plupart des hommes, cette faculté se repose ; si c’est la passion qui produit les mêmes effets, on constate simplement sa puissance, on ne peut la justifier225.

307. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Plus ils étaient nés avec des facultés sensibles, plus l’irritation qu’ils éprouvent est horrible ; il vaut mieux, en fait de crimes, avoir à faire à ces êtres corrompus, pour qui la moralité n’a jamais été rien, qu’à ceux qui ont eu besoin de se dépraver, de vaincre quelques qualités naturelles ; ils sont plus offensés du mépris, ils sont plus inquiets d’eux-mêmes, ils s’élancent plus loin pour mieux se séparer des combinaisons ordinaires, qui leur rappelleraient les anciennes traces de ce qu’ils ont senti et pensé. […] Cet acte irréparable, cet acte qui seul donne à l’homme un pouvoir sur l’éternité, et lui fait exercer une faculté qui n’est sans bornes que dans l’empire du malheur ; cet acte, quand on a pu, dans la réflexion, le concevoir et l’ordonner, jette l’homme dans un monde nouveau, le sang est traversé ; de ce jour, il sent que le repentir est impossible, comme le mal est ineffaçable ; il ne se croit plus de la même espèce que tout ce qui traite du passé avec l’avenir.

308. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Aussi, rien d’étonnant à ce que le législateur, le fondateur d’empire, ait saisi et fortement captivé son regard quand il l’a porté sur l’Empereur, sur cette encyclopédie de facultés faites homme, à qui il faudrait peut-être autant d’historiens et d’histoires qu’il possédait de facultés !

309. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

C’est un Dumas… Non pas celui que d’aucuns appellent en riant le Grand Dumas, et qui auraient eu peut-être raison de le dire sans rire s’il n’avait pas pris toutes ses facultés, les unes après les autres, et s’il ne les avait pas toutes jetées par les fenêtres comme les riches y jettent quelquefois leur argent. C’est un Dumas, qui n’est pas plus le Petit que l’autre n’est le Grand ; qui, lui, ne jette rien par les fenêtres, et qui ramasserait même ce que son père y jette, si les facultés se ramassaient comme des écus.

310. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Huysmans mette Ruysbroek sur la couverture de son roman, il faut que le naturalisme moderne craque furieusement en lui, et qu’il commence d’en avoir assez de cette littérature en vogue et dans laquelle il a morfondu des facultés qui seraient plus hautes qu’elle. […] Un héros de roman qui se porte bien et qui jouit de toutes ses facultés dans leur parfait équilibre est une chose infiniment rare et presque un phénomène.

311. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

L’auteur déclare d’ailleurs que, « sur le fondement physiologique de cette faculté de contrôle, on ne peut admettre que des vues théoriques ». […] Je suis donc tout disposé à soutenir, avec Buccola,  « que l’idée fixe est l’attention à son plus haut degré, le terme extrême de sa faculté d’inhibition ». […] Jusqu’ici, il y a eu activité, mouvement, effort ; toutes nos facultés sont encore en jeu : maintenant, il faut « non plus penser beaucoup, mais aimer beaucoup ». […] On a comparé ces facultés isolées aux instincts des animaux. […] Elle n’est pas une faculté, un pouvoir spécial, mais un état intellectuel  prédominant, par suite de causes complexes qui déterminent une adaptation courte ou longue.

312. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

A l’analyse on reconnaît que ce don en suppose plusieurs autres, et qu’il entraîne avec lui tout un cortège de facultés. […] C’est qu’aussi bien cette étude mettait en jeu sa double faculté de moraliste et d’auteur dramatique. […] Est-ce qu’une faculté si passionnément et si continûment développée par tous ceux dont nous sommes issus ne doit pas nous avoir été transmise avec nos facultés, léguées, elles aussi, au jour de notre naissance ? […] Cette âme, qui possède comme faculté maîtresse l’imagination du sentiment, fait effort pour exalter en elle au plus haut point cette faculté. […] Il en va ainsi de toutes nos facultés physiques et morales.

313. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

III Nul écrivain ne fut mieux doué que Thackeray pour ce genre de satire ; c’est que nulle faculté n’est plus propre à ce genre de satire que la réflexion. […] Pour talent il a la sympathie, car elle est la seule faculté qui copie exactement la nature ; occupé à ressentir les émotions de ses personnages, il ne songe qu’à en marquer la vigueur, l’espèce et les contre-coups. […] Quand dans le roman pur il parle en son nom propre, c’est pour faire comprendre un sentiment ou marquer la cause d’une faculté ; dans le roman satirique, c’est pour nous donner un conseil moral. […] Celui qui l’ignore ignore la vie ; celui qui n’en a pas joui n’a pas senti la plus haute faculté de l’âme. […] Nous le pouvons en ce moment ; nous venons d’étudier un esprit, Thackeray lui-même ; nous avons considéré ses facultés, leurs liaisons, leurs suites, leur degré ; nous avons sous les yeux un exemplaire de la nature humaine.

314. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Leurs yeux, bien que privés de la faculté visuelle, étaient cependant brillants et de grande dimension ; et lorsque ces animaux eurent été exposés pendant un mois environ à une lumière graduellement croissante, ils devinrent capables de percevoir vaguement les objets qu’on leur présentait, et commencèrent à clignoter. […] Ainsi, des Pins et des Rhododendrons, venus de graines recueillies par le Dr Hooker sur des sujets croissant sur l’Hymalaya à différentes hauteurs, se trouvèrent posséder à divers degrés la faculté de résister au froid. […] Mais nous n’avons pas le même droit pour supposer que leur choix a été déterminé par la faculté que possèdent ces animaux de supporter de lointaines transportations. Cette faculté extraordinaire, commune parmi nos animaux domestiques, de vivre sous les plus différents climats, et, en outre, ce qui est d’une beaucoup plus grande importance, d’y être parfaitement féconds, nous autorise à croire, comme très probable, qu’un grand nombre d’autres animaux, qui vivent à l’état sauvage, pourraient aisément s’accoutumer à endurer des climats très divers. […] De pareils faits me disposent à considérer la faculté d’adaptation à un climat quelconque comme pouvant dériver aisément d’une très grande flexibilité naturelle de constitution commune au plus grand nombre des animaux.

315. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

En effet, qu’un jeune homme, doué de facultés ardentes, enivré de Shakespeare et ayant entrepris de le traduire, ait la main plus ou moins heureuse dans l’interprétation de chefs-d’œuvre devenus, à force d’être des chefs-d’œuvre, des lieux communs sublimes pour l’universelle intelligence, comme Hamlet, Othello, Macbeth, Richard III, ce n’est pas merveille. […] En effet, pour Carlyle, sur Shakespeare, il n’y a plus dans l’homme de facultés distinctes ni de faits d’ordre différent. […] Vous l’avez vu, Carlyle a supprimé les facultés et la morale humaines au profit d’un grand homme qu’il a trop adoré ; car on n’adore bien le génie qu’en le comprenant, et c’est le seul amour, l’amour du génie, qui ne doive pas porter de bandeau. […] Et ce génie, ce n’est pas plus une seule faculté qui l’a fait qu’il ne fait à lui seul une moralité ! […] J’aime mieux le Shakespeare rayonnant, avant d’être réduit à une seule force vitale des diverses facultés qui font l’esprit de l’homme comme les astres font le firmament.

316. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Cette réduction de tout un développement intellectuel, en l’ascendant de quelques formes verbales, la contradiclion entre les facultés d’un esprit expliqué, par la contradiction entre les diverses parties d’un système de style, c’est, dans l’investigation du mécanisme intellectuel de Flaubert, passer de la psychologie à la théorie du langage. […] Mais une autre faculté existait dans son esprit, et provoquait d’autres désirs. […] Car il est l’excès et le contraire même de la faculté du langage. […] Et ce besoin le poursuivit toute sa vie, l’arrachant sans cesse au roman moderne qui ne représentait de ses facultés que quelques-unes, se satisfaisant, s’irritant de nouveau, et croissant sans cesse, de son noviciat artistique à sa mort. […] Se bornant de plus en plus à élaborer réitérément la sorte de période qui l’enthousiasmait, frappant perpétuellement comme un balancier la même médaille, et la jetant d’un mouvement continu à côté de celle précédemment issue du coin, Flaubert perdit le sentiment et la faculté de la liaison, associa en livres presque diffus de lâches chapitres, et ne sut maintenir la cohésion et le mouvement de sa pensée au-delà de brefs paragraphes.

317. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Ainsi, les premiers des poètes sont évidemment les lyriques, c’est-à-dire ceux qui chantent, parce que leur poésie est plus spiritualiste que celle des autres poètes, et parce qu’elle s’adresse exclusivement à la plus haute des facultés humaines : l’enthousiasme. Après eux, et d’après le même principe de plus ou moins pure spiritualité dans l’œuvre, viennent les poètes épiques, c’est-à-dire les poètes qui racontent, parce que leurs poèmes s’adressent principalement à une faculté secondaire de l’esprit humain : l’intérêt pour les aventures de la vie héroïque ou nationale. […] Parce qu’il s’adresse spécialement aux deux facultés inférieures de l’esprit humain : la curiosité et la passion. […] Le rire est une des mauvaises facultés de notre espèce ; c’est l’expression du dénigrement, de la moquerie, de la vanité cachée, et d’une maligne satisfaction de nous-mêmes en surprenant nos semblables en flagrant délit de ridicule. […] Le rire est la dernière des facultés de l’homme.

318. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Lorsque le travail intestin du temps, du culte, des rois, des ministres, des événements eut fondu toutes ces diversités dans une unité de plus en plus parfaite et qui n’est pas achevée encore, il en sortit la France, c’est-à-dire la race multiple et une tout à la fois, le caractère, non plus français, non plus gaulois, non plus germain, non plus breton, non plus italien, non plus occitanien, non plus armoricain, non plus burgunde, mais le caractère européen par excellence, la nationalité cosmopolite, l’équilibre de toutes les facultés ; autrement dit, le bon sens moderne. XII Sans doute cette fusion de toutes ces races, de tous ces caractères et de toutes ces facultés opposées qui s’est opérée dans le bassin français entre les Alpes, les Pyrénées, les deux mers, en effaçant ces divers génies, a dû en même temps effacer quelque chose des facultés dominantes de chacune de ces races. […] Ce ne sont pas nos poètes et nos écrivains qui auront le plus de facultés excellentes, mais ce sont eux qui auront le moins d’imperfections et de vices dans la pensée ; ce ne sont pas eux qui auront la grande imagination, mais ce sont eux qui auront le grand discernement. […] XXV De toutes les facultés de l’esprit, la plus indéfinissable, selon nous, c’est le style ; et, si nous avions à notre tour à le définir, nous ne le définirions que par son analogie avec quelque chose qui n’a jamais pu être défini, la physionomie humaine. […] dans un temple plein d’avance de la majesté des pensées qu’on va traiter devant lui ; s’abandonner à l’inspiration, tantôt polémique, tantôt lyrique, souvent même extatique, de ses plus sublimes pensées ; parler sans contrôle et sans contradiction des choses les plus augustes, les plus intellectuelles, les plus saintes, devant des foules recueillies qui ne voient plus l’homme dans l’orateur, mais la parole incarnée ; entraîner à son gré ces auditeurs du ciel à la terre, de la terre au ciel ; être soi-même, dans cette tribune élevée au-dessus de ces milliers de têtes inclinées, l’intermédiaire transfiguré entre le fini et l’infini ; formuler des dogmes, sonder des mystères, promulguer des lois aux consciences, tourner et retourner tout le cœur humain dans ses mains, pour lui imprimer les terreurs, les espérances, les angoisses, les ravissements d’un monde surnaturel ; descendre de là tout rayonnant des foudres ou des miséricordes divines avec lesquelles on vient d’exciter les frissons ou de faire couler les larmes de tout ce peuple : n’y a-t-il pas là de quoi transporter un orateur sacré au-dessus de ses facultés naturelles, et de lui donner ce mens divinior, cette divinité de la poésie et de l’éloquence, dernier échelon du génie humain ?

319. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

1835 Autrefois dans les temps antiques, ou même en tout temps, à un certain état de société commençante, la poésie, loin d’être une espèce de rêverie singulière et de noble maladie, comme on le voit dans les sociétés avancées, a été une faculté humaine, générale, populaire, aussi peu individuelle que possible, une œuvre sentie par tous, chantée par tous, inventée par quelques-uns sans doute, mais inspirée d’abord et bien vite possédée et remaniée par la masse de la tribu, de la nation. […] Dans la première forme de société, chez les Klephtes, chez les montagnards des Asturies, par exemple, chacun plus ou moins était poëte, chacun exhalait au ciel sa romance ou sa chanson, et n’en vivait que mieux et plus allègrement de toutes les saines et énergiques facultés de l’âme et du corps : ici, à cette autre phase extrême de la société, il se crée une situation inverse : la faculté poétique qui, aux époques intermédiaires, s’était successivement amortie et calmée dans beaucoup d’organisations occupées ailleurs, et s’était tenue à part et distincte en quelques hautes organisations couronnées, cette faculté revient avec une sorte de recrudescence, et se remue, se loge dans un nombre croissant de jeunes âmes. Elle y revient, non plus comme faculté heureuse et naturelle, mais comme une maladie pénétrante, subtile, une affliction plutôt qu’un don, une rosée amère à des tempes douloureuses.

320. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

. — Cela se voit très aisément pour d’autres mots ultérieurs, par exemple pour le mot kaka ; elle le répète encore souvent hors de propos, sans intention, en façon de ramage, dix fois de suite, au grand déplaisir de sa mère, comme un geste vocal intéressant, pour exercer une faculté nouvelle ; mais souvent aussi elle le dit avec intention, quand elle a besoin ; de plus, il est clair qu’elle en a changé ou élargi le sens, comme pour le mot bébé ; hier, dans le jardin, voyant deux petites places humides, deux traînées d’arrosoir sur le sable, elle a répété son mot, avec un sens, visible et voulu ; elle désigne par ce mot ce qui mouille. […] Ceci n’est qu’une faculté du gosier ; il y en a une autre bien plus frappante qui est le don humain par excellence, et qui se manifeste en vingt façons : je veux parler de l’aptitude à saisir les analogies ; là est la source des idées générales et du langage. […] Le langage rationnel et spécialement humain est tout autre ; considérés dans leur sens primitif, les mots qui le composent évoquent non des représentations sensibles, mais des concepts généraux ; à ce titre, on l’appelle rationnel, parce que la raison est la faculté de « former et de manier ces concepts généraux ». […] « Ces concepts sont formés par ce qu’on appelle la faculté d’abstraire, mot très bon, qui désigne l’action de décomposer des intuitions sensibles en leurs parties constituantes, de dépouiller chaque partie de son caractère momentané et concret », pour l’isoler et en former un caractère général. […] Ici, la faculté d’abstraire nous vient en aide.

321. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Le but de toute association politique est le maintien des droits naturels et imprescriptibles de l’homme et le développement de toutes ses facultés. […] La liberté est le pouvoir qui appartient à chaque homme d’exercer à son gré toutes ses facultés ; elle a la justice pour règle, les droits d’autrui pour bornes, la nature pour principe, et la loi pour sauvegarde. […] Seulement la Convention, dans cet esprit, exagérait jusqu’à l’absurde sa charité sociale, car elle établissait dans ces axiomes l’impôt progressif au lieu de l’impôt proportionnel aux facultés de l’imposé. […] IX « Ce partage égal des lumières, des facultés et des dons de la nature est évidemment la tendance légitime du cœur humain. […] La difficulté jusqu’ici a été de concilier avec l’égalité des biens les inégalités de vertus, de facultés et de travail, qui différencient les hommes entre eux.

322. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Le génie, c’est d’avoir à la fois la faculté critique et les dons du simple. […] Le roi entendit de tous côtés la voix de ces hommes instruits par une longue expérience des rites du sacrifice, de ceux qui possèdent les principes de la morale et la science des facultés de l’âme, de ceux qui sont habiles à concilier les textes qui ne s’accordent pas ensemble, ou qui connaissent tous les devoirs particuliers de la religion ; mortels dont l’esprit tendait à soustraire leur âme à la nécessité de la renaissance dans ce monde. […] Que si vos facultés, résonnant simultanément, n’ont jamais rendu ce grand son unique, que nous appelons Dieu, je n’ai plus rien à dire ; vous manquez de l’élément essentiel et caractéristique de notre nature. […] L’infini est dans toutes nos facultés et constitue, à vrai dire, le trait distinctif de l’humanité, la catégorie unique de la raison pure qui distingue l’homme de l’animal. […] Ce qui est de l’humanité, ce qui par conséquent sera éternel comme elle, c’est le besoin religieux, la faculté religieuse à laquelle ont correspondu jusqu’ici de grands ensembles de doctrine et de cérémonies, mais qui sera suffisamment satisfaite par le culte pur des bonnes et belles choses.

323. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

J’ai la faculté d’assister régulièrement au cours de syriaque de M.  […] que Dieu les préserve de jamais réveiller en eux une misérable faculté, cette critique fatale qui réclame si impérieusement satisfaction, et qui, après qu’elle est satisfaite, laisse dans l’âme si peu de douces jouissances ! […] Le christianisme suffit à toutes mes facultés, excepté une seule, la plus exigeante de toutes, parce qu’elle est de droit juge de toutes les autres. Ne serait-ce pas une contradiction de commander la conviction à la faculté qui crée la conviction ? […] Dieu me condamnera-t-il pour avoir admis simultanément ce que réclament simultanément mes différentes facultés, quoique le ne puisse concilier leurs exigences contraires ?

324. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Notre siècle, à nous, en débutant par la volonté gigantesque de l’homme dans lequel il s’identifia, semble avoir dépensé tout d’un coup sa faculté de vouloir, l’avoir usée dans ce premier excès de force matérielle, et depuis lors il ne l’a plus retrouvée. […] Cette excroissance démesurée de la faculté compréhensive constitue une véritable maladie de la volonté, et va jusqu’à la dépraver ou à l’abolir. […] Qu’ils sont rares ceux qui, dans l’ordre de la pensée, se fixent à temps et adhèrent sans réserve à la vérité reconnue par eux perpétuelle, universelle et sainte ; qui, non contents de la reconnaître, s’y emploient tout entiers, y versent leurs facultés, leurs dons naturels : riches leur or, pauvres leur denier, passionnés leurs passions ; orgueilleux s’y prosternent, voluptueux s’y sèvrent, nonchalants s’y aiguillonnent, artistes s’y disciplinent et s’y oublient ; qui deviennent ici-bas une volonté humble et forte, croyante et active, aussi libre qu’il est possible dans nos entraves, une volonté animant de son unité souveraine la doctrine, les affections et les mœurs ; véritables hommes selon l’esprit ; sublimes et encourageants modèles ! […] Il ne dit pas le moins du monde, comme le suppose l’auteur d’ailleurs si impartial et si sagace d’une Histoire de la philosophie française contemporaine : « Voilà des personnes dignes de foi, croyez-les ; cependant n’oubliez pas que ni vous ni ces personnes n’avez la faculté de savoir certainement quoi que ce soit. » Mais il dit : « En vous isolant comme Descartes l’a voulu faire, en vous dépouillant, par une supposition chimérique, de toutes vos connaissances acquises pour les reconstruire ensuite plus certainement à l’aide d’un reploiement solitaire sur vous-même, vous vous abusez ; vous vous privez de légitimes et naturels secours ; vous rompez avec la société dont vous êtes membre, avec la tradition dont vous êtes nourri ; vous voulez éluder l’acte de foi qui se retrouve invinciblement à l’origine de la plus simple pensée, vous demandez à votre raison sa propre raison qu’elle ne sait pas ; vous lui demandez de se démontrer elle-même à elle-même, tandis qu’il ne s’agirait que d’y croire préalablement, de la laisser jouer en liberté, de l’appliquer avec toutes ses ressources et son expansion native aux vérités qui la sollicitent, et dans lesquelles, bon gré, mal gré, elle s’inquiète, pour s’y appuyer, du témoignage des autres, de telle sorte qu’il n’y a de véritable repos pour elle et de certitude suprême que lorsque sa propre opinion s’est unie au sentiment universel. » Or, ce sentiment universel, en dehors duquel il n’y a de tout à fait logique que le pyrrhonisme, et de sensé que l’empirisme, existe-t-il, et que dit-il ?

325. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

À cette affreuse image tous les mouvements de l’âme se renouvellent, on frissonne, on s’enflamme, on veut combattre, on souhaite de mourir, mais la pensée ne peut se saisir encore d’aucun de ces souvenirs ; les sensations qu’ils font naître absorbent toute autre faculté. […] Dans l’étude de certains États, qui par leurs circonstances, encore plus que par leur petitesse, sont dans l’impossibilité de jouer un grand rôle au-dehors, et n’offrent point au-dedans de place qui puisse contenter l’ambition et le génie, il faudrait observer comment l’homme tend à l’exercice de ses facultés, comment il veut agrandir l’espace en proportion de ses forces. […] Sans s’arrêter longtemps sur les motifs de la préférence que la sagesse conseillerait, peut-être, de donner aux États comme aux destinées obscures, il est aisé de prouver que par la nature même des hommes, ils tendent à sortir de cette situation, qu’ils se réunissent pour multiplier les chocs, qu’ils conquièrent pour étendre leur puissance ; enfin, que voulant exciter leurs facultés, reculer en tout genre les bornes de l’esprit humain, ils appellent autour d’eux d’un commun accord les circonstances qui secondent ce désir, et cette impulsion. […] ce n’est pas assez d’avoir juré, que dans les limites de son existence, de quelque injustice, de quelque tort qu’on fut l’objet, on ne causerait jamais volontairement une peine, on ne renoncerait jamais volontairement à la possibilité d’en soulager une ; il faut essayer encore si quelque ombre de talent, si quelque faculté de méditation ne pourrait pas faire trouver la langue, dont la mélancolie ébranle doucement le cœur, ne pourrait pas aider à découvrir, à quelle hauteur philosophique les armes qui blessent n’atteindraient plus.

326. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

— Non, me direz-vous : je parle de la pensée appliquée aux grands problèmes de la destinée, aux facultés de notre nature, je parle de la pensée appliquée à elle-même. — Ici, je vous arrête encore, et je ne puis admettre que ce genre d’application et d’étude ait jamais été la mesure de la force morale des sociétés ni de la vigueur de la civilisation : car cette philosophie-là touche de bien près à la sophistique. […] Mignet, comme auteur de notices et d’éloges, a à se garder de cette faculté d’omettre ce qui le gêne dans les sujets qu’il traite. […] Mignet de dire toutes ces choses, et peut-être même ne les a-t-il jamais sues qu’à peu près : car, homme de mérite et d’un talent supérieur, il a la faculté, ce me semble, de ne voir qu’imparfaitement tout ce qui ne se passe pas en plein sous son regard ; ce qui aide fort à la sérénité.

327. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Et qu’on me permette ici une réflexion générale qui s’applique à cette époque et à beaucoup d’autres : il y a, dans les divers états de la société et aux divers degrés de la civilisation, des facultés nécessaires et des talents qui, répandus par la nature sur certains hommes, diffèrent beaucoup moins qu’on ne suppose de ces mêmes talents, développés à des époques en apparence plus favorisées. […] La parole est une faculté qui, à toutes les époques, et dans un degré éminent, est donnée naturellement à quelques-uns : c’est entre la parole parlée et cette même parole écrite que la plus grande différence a lieu et qu’il se fait un naufrage de bien des pensées. […] Daru, que cette quatrième croisade n’eut guère pour résultat définitif que d’agrandir la suprématie maritime de Venise : « Le reste de l’Europe y perdit beaucoup de vaillants hommes et de monuments précieux, et n’y gagna que l’introduction de la culture du millet, dont le marquis de Montferrat envoya des graines en Italie. » S’il était vrai que la prise de Constantinople par les croisés et le sac de cette ville eussent fait périr, comme il est trop probable, des monuments de l’ancienne littérature grecque qui avaient échappé précédemment, il faudrait, nous les lettrés et les disciples des doctes, le déplorer avec regret, avec amertume : mais vouloir que toute une époque soit heureuse de la manière dont nous l’entendons, et que les chevaliers du siècle de Villehardouin conçoivent l’emploi de leurs facultés et de leur temps comme les hommes de cabinet de nos jours, c’est demander beaucoup trop.

328. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Il apportait dans ce gouvernement intellectuel la connaissance des matières, l’ouverture des vues, une indifférence qui lui permettait mieux qu’à d’autres de maintenir l’équilibre entre les diverses études et facultés ; et si la balance dans ses mains avait penché quelque peu du côté de l’histoire, ce n’eût été que justice ; car l’histoire, ce goût et cette aptitude générale de notre temps, hérite en effet de toutes les autres branches de la culture humaine. […] Il a gardé pourtant de sa secte originelle (je parle du temps où il était au pouvoir et avant la mode des fusions) quelque chose de très marqué : c’est la faculté ou la disposition que j’appellerai exclusive. […] Je m’aperçois que j’omets de noter une singularité littéraire mémorable : l’homme éminent que nous critiquons et qui s’offre si délibérément coup sur coup au jugement du public, n’avait pas tout à fait les vingt-cinq ans exigés par le règlement, lorsqu’en 1812 il fut nommé par M. de Fontanes à une chaire de la Faculté des Lettres ; il lui fallut une dispense d’âge.

329. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

L’instinct des animaux est un ; les facultés de l’homme sont différentes, variées, inégales. L’instinct des animaux ne peut troubler l’harmonie générale ; les facultés de l’homme peuvent la troubler. […] Les animaux sont comme des machines intelligentes, qui ont tout ce qu’il leur faut de facultés pour obéir à des ordres, et qui n’en ont pas assez pour les enfreindre.

330. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Il n’en fut pas ainsi de Diderot, qui, n’ayant pas cette tournure d’esprit critique, et ne pouvant prendre sur lui de s’isoler comme Buffon et Rousseau, demeura presque toute sa vie dais une position fausse, dans une distraction permanente, et dispersa ses immenses facultés sous toutes les formes et par tous les pores. […] » Jamais puissances du cœur, jamais facultés aimantes ont-elles eu de plus saisissant langage, de plus irrésistibles accents de tendresse ?

331. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

La parole contenue dans la première langue a dû être révélée divinement à l’homme le jour où l’âme a pensé, c’est-à-dire le jour où elle a été créée avec la faculté d’avoir des sensations, de produire et de combiner des idées, d’avoir conscience de son existence et des choses existantes en elle et hors d’elle. […] La plus sublime des facultés de l’homme, c’est l’admiration ; nous voulons donner une haute idée de l’homme par ses œuvres, afin de vous soutenir, en morale comme en littérature, à la hauteur de l’idée que vous aurez conçue de vous-même.

332. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Nous soutenons que pour bien voir il faut mettre de bonnes lunettes ; on nous reproche d’enseigner que les lunettes créent la faculté de voir. […] Nous soutenons que pour bien voir il faut mettre de bonnes lunettes ; on nous reproche d’enseigner que les lunettes créent la faculté de voir.

333. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

En mesure avec le temps et avec lui-même, il avait, calme comme un homme qui a la sécurité d’avoir été, ses facultés données, tout ce qu’il peut être dans son art, attendu le moment favorable où il devait le mieux se produire. […] Imagination spirituelle, et cela dans une époque où le talent, le lyrisme dans le talent, existait à haute dose, mais où l’esprit n’était pas la faculté la plus commune et la plus formidable, Jules Lefèvre frappait aussi par une sensibilité qui n’était ni la molle des uns ni la maladive des autres, et qu’il avait trempée, pour lui donner du ton, dans les sources amères et sombres de la poésie anglaise.

334. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Et si Delille n’avait pas existé non plus, il aurait imité Fontanes ou quelque autre poète, — n’importe lequel, — et il l’eût imité non en se grimant péniblement, comme les faibles imitateurs, mais facilement, avec une appropriation pleine de force, en homme qui, s’il n’a pas les facultés créatrices du poète, a du moins des facultés poétiques d’une certaine puissance.

335. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Paul Deltuf a la légèreté, cette faculté qui donne des ailes à tout, cette faculté-femme que les lourdauds appellent « la Frivolité », en croyant que c’est une malice, et qui lui fait dire si joliment et si naturellement dans sa Confession d’Antoinette : « Je ne demandais plus rien à la vie que ce dernier hommage rendu à la beauté dont j’avais été si fière, que cette dernière caresse à mon péché mignon, la vanité, mais je les voulais, il me les fallait, après quoi je ne songerais plus qu’à tricoter pour mes petits-enfants !  […] Deltuf ne l’empâte pas, cette faculté, dans les grandes prétentions de notre époque, car ce qu’il laisserait là et prendrait pour elle, à coup sûr, ne la vaudrait pas.

336. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Cependant, toutes ses facultés si éclatantes, si variées, si fortuites en apparence, obéissent à une faculté suprême, la volonté : or, c’est précisément dans cette volonté impérieuse et obstinée que réside l’élément merveilleux ; car la volonté, en multipliant à l’infini les forces humaines, élève celui qui la possède aux proportions héroïques. […] Je ne veux pas faire injure à la pénétration de Volnys, je ne lui refuse pas la faculté de composer ses rôles ; mais je crois qu’il s’est trompé, et son erreur n’a rien qui doive nous surprendre. […] Les têtes comme celle de Napoléon sont le point d’intersection de toutes les facultés humaines. […] qu’est-ce que le point d’intersection de toutes les facultés humaines ? d’aventure les facultés seraient-elles des lignes ?

337. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Boyer de Prebrandier, [Pierre] Docteur en Médecine, de la Faculté de Montpellier, né à Montplaisant en Périgord, Traducteur infatigable de plusieurs Ouvrages Anglois sur la Médecine & sur l’Histoire, parmi lesquels on trouve une Histoire des Etats Barbaresques qui exercent la Piraterie, qu’on peut lire avec fruit sur nos Côtes.

338. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Une religion est une doctrine qu’établissent deux facultés, l’inspiration et la foi. […] Car quel cas la raison fait-elle des deux facultés et des deux procédés qui fondent les religions ? […] Tout à l’heure vous égaliez à la foi une faculté que la foi traite de subalterne ; maintenant vous égalez à la raison une faculté que la raison regarde comme pernicieuse. […] Toute la puissance et tous les droits d’une doctrine lui viennent de la faculté qui la fonde. […] Il avait conçu comme le bien suprême le développement de ses facultés et l’accroissement de sa puissance.

339. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article »

Sans son fameux Livre de la Puissance ecclésiastique & Politique, on pourroit ignorer qu'il a été Syndic de la Faculté de Théologie, Grand-Maître du Collége du Cardinal le Moine, & qu'il a fait quelques autres Ouvrages, aujourd'hui entiérement inconnus.

340. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Souvestre, Émile (1806-1854) »

Charton Il ne voyait dans les lettres qu’un moyen de satisfaire sa passion la plus ardente, celle de se rendre utile selon ses facultés en exprimant les sentiments généreux dont son cœur était plein, en défendant les vérités de l’ordre moral proscrites, reniées, oubliées, au milieu des entraînements matériels du siècle.

341. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

XXV De même qu’un arbre pousse inévitablement du côté d’où lui vient la lumière et développe ses branches dans ce sens, de même l’homme, qui a l’illusion de se croire libre, pousse et se porte du côté où il sent que sa faculté secrète peut trouver jour à se développer. […] En un mot, l’homme est instinctivement conduit par sa faculté à se faire telle ou telle opinion, à porter tel ou tel jugement, et à désirer, à espérer, à agir en conséquence.

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