/ 2563
45. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

L’enfant est dévoré par la douleur. […] La mère a saisi une des mains de son enfant, ainsi la composition présente en cet endroit, au centre, sur le massif, à quelque hauteur au-dessus de la terrasse qui forme la partie antérieure et la plus basse du tableau, un groupe de six figures ; la mère éplorée soutenue par deux de ses femmes, son enfant qu’elle tient par la main, son époux entre les bras duquel l’enfant est tourmenté, et une troisième suivante agenouillée aux pieds de sa maîtresse et de son maître. […] L’intérêt de l’ange est bien, parce que c’est un ange ; mais en toute autre circonstance n’oubliez pas que l’enfant dort au milieu de la tempête. […] Un palais qui s’embrase est moins pour un enfant de quatre ans que la chûte d’un château de cartes. […] Cet enfant est bien dans son maillot, il se tourmente bien, il crie bien, seulement il grimace un peu.

46. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

apprenez aux enfants de la géométrie et vous verrez avec le temps l’effet de cette science. […] Cet essai d’analyse piquerait singulièrement la curiosité des enfants. […] 3° Les enfants ne sont guère capables d’une autre occupation. […] Mais accordons qu’au sortir des écoles, les enfants possèdent les langues anciennes qu’on leur a montrées : que deviennent ces enfants ? […] Ce fut le précepteur de Montaigne qui n’était pas un enfant.

47. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Madame Necker dissimula mal sa jalousie contre une enfant qui l’éclipsait dans son salon et jusque dans le cœur de son père. […] Rousseau, son compatriote, avait passé dans cette enfant. […] L’outil était trop lourd pour une main d’enfant, trop lourd même pour une main de femme. […] Elle avait été l’enfant de l’espérance, elle devint le prodige de la jeunesse. […] Trois enfants, deux fils et une fille naquirent de ce mariage.

48. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Les enfants sont plus beaux que les hommes. Jamais un homme, si beau qu’il puisse être, n’est beau comme un enfant est beau. […] Byron, dans son génie, est un enfant de cette beauté-là. […] Childe Harold, c’est-à-dire, l’enfant Harold ! comme plus tard, il fut l’enfant Juan, un autre enfant encore !

49. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

« “Et mes enfants ? et mon petit enfant, le laisserai-je immoler dans son bas âge, lui dont le plus léger duvet ne couvre pas encore les joues ? […] Pourquoi désire-t-on des enfants ? […] Mais, voyez mon frère, c’est un tout petit enfant ! […] Souffre donc que cet enfant, dont à ta vue le petit cœur palpite d’un mouvement involontaire, t’embrasse, te touche de ses douces lèvres ; car il n’est pas dans la nature de sensation plus délicieuse que le toucher d’un enfant.

50. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Les enfants précoces. — V. […] Les substitutions d’enfants. — Un génie substitue un enfant de sa race à un enfant de race humaine. […] Les enfants élevés par des guinné. […] : bruit des grelots attachés en bracelets aux chevilles des enfants = Dindelinn ?

51. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

L’enfant apporte des dispositions innées que l’école ne peut modifier que dans une mesure fort limitée. […] Au lycée, l’enfant voit une justice scrupuleuse présider à la distribution des notes et des places dans les épreuves scolaires. […] L’appel à la raison a peu d’action sur l’enfant ; voire même sur l’adolescent. […] Ou peut dresser l’enfant à bien tenir sa fourchette, à ne pas se mettre les doigts dans le nez, à bien se tenir à table, etc. […] Elles ne frappent pas l’enfant beaucoup plus fortement que ne font les mêmes vertus chez les autres personnes de son entourage.

52. (1761) Salon de 1761 « Récapitulation » pp. 165-170

Entre les jambes du tabellion, le plus jeune des enfants de la maison. […] Derrière ce groupe, un jeune enfant qui s’élève sur la pointe des pieds pour voir ce qui se passe. […] L’enfant qui est entre les jambes du tabellion est excellent pour la vérité de son action et de sa couleur. […] La tête du père qui paye la dot est celle du père qui lit l’Ecriture sainte à ses enfants, et je crois aussi celle du paralytique, ou du moins ce sont trois frères avec un grand air de famille. […] Si c’est un enfant de la maison, pourquoi cet air ignoble, pourquoi ce négligé ?

53. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Rousseau, dans les quelques notes qu’on a de lui sur le digne abbé, nous donne là-dessus d’agréables témoignages : L’abbé de Saint-Pierre disait qu’en France tout le monde était enfant[…] » — « Dix ans. » — Fontenelle n’était à ses yeux que l’enfant le plus sage, un enfant un peu plus avancé que les autres. Cette similitude du Français et de l’enfant, qui ne se bornait pas à un simple aperçu comme en ont les gens d’esprit, mais qui était l’idée favorite de l’abbé, revient continuellement dans ces notes de Rousseau : « Il était mal reçu des ministres et, sans vouloir s’apercevoir de leur mauvais accueil, il allait toujours à ses fins ; c’est alors surtout qu’il avait besoin de se souvenir qu’il parlait à des enfants très fiers de jouer avec de grandes poupées. » — « En s’adressant aux princes, il ne devait pas ignorer qu’il parlait à des enfants beaucoup plus enfants que les autres, et il ne laissait pas de leur parler raison, comme à des sages. » Rousseau, à qui tant de gens feront la leçon pour sa politique trop logique et ses théories toutes rationnelles, sent très bien le défaut de l’abbé de Saint-Pierre et insiste sur la plus frappante de ses inconséquences : « Les hommes, disait l’abbé, sont comme des enfants ; il faut leur répéter cent fois la même chose pour qu’ils la retiennent. » — « Mais, remarquait Rousseau, un enfant à qui on dit la même chose deux fois, bâille la seconde et n’écoute plus si on ne l’y force. Or comment force-t-on les grands enfants d’écouter, si ce n’est par le plaisir de la lecture ? L’abbé de Saint-Pierre, en négligeant de plaire aux lecteurs, allait donc contre ses principes… Son défaut était moins de nous regarder comme des enfants que de nous parler comme à des hommes. » Que ne connaissait-il mieux les poètes !

54. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

vous êtes un bon enfant, quoique dans les Rouges. […] Je leur dis : « — Eh bien, mes enfants ! […] — Allons, c’est égal ; mon enfant, tâche de dormir. […] Tiens, voilà du chocolat pour toi, mon enfant. […] … Vous sentez bien, mon enfant, que c’était un devoir.

55. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

Formation des noms généraux chez les petits enfants. — La faculté du langage a pour fondement les tendances consécutives qui survivent à l’expérience d’individus semblables et qui correspondent à ce qu’il y a de commun entre ces individus. — Exemples de ces tendances chez les enfants. — Sens particuliers qu’ils donnent aux noms que nous leur enseignons. — Originalité et variété de leur invention. — Leurs tendances à nommer finissent par coïncider avec les nôtres. — Acquisition du langage. — Différence de l’intelligence humaine et de l’intelligence animale. […] Un autre instrument fort désagréable aux enfants (pardon du détail et du mot, il s’agit d’un clysopompe) avait laissé en lui, comme de juste, une impression très forte. […] À cet égard, le langage des enfants est aussi instructif pour le psychologue que les états embryonnaires du corps organisé pour le naturaliste. […] À mesure que l’expérience des enfants se rapproche davantage de la nôtre, leurs tendances à nommer coïncident plus exactement avec les nôtres ; elles s’organisent par degrés, comme un embryon. […] » Blanc est un mot trop large ; il faut que désormais il le réduise à une seule couleur. — Le même enfant entend sa mère qui lui dit : « Tu balances trop ta tête ; ta tête va frapper la table. » Il répond d’un air curieux et surpris : « Ta tête va frapper la table ? 

56. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

« Mais c’est mon enfant ! s’écrie le fils du Chinois. — Votre enfant ? […] Or, un jour, ces trois enfants vengeront leur père, anéantiront la famille Taïra, et l’aîné des trois enfants sera Yoritomo, le premier shôgoun de Kamakoura. […] Un balayeur tendant un gâteau à un singe que regarde un enfant. […] Deux enfants qui luttent.

57. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Le duc lui-même en est bien convenu ; aussi, pendant qu’il retient le mari pour l’exemple dans la prison de Lucques, il nourrit généreusement la femme et les enfants dans sa cahute. […] La fille, punie comme complice d’une évasion des galères, est ici dans un cachot isolé, avec son petit enfant ; elle pleure et prie pour celui qu’elle a perdu en voulant le sauver. […] Mais c’était un enfant, et je me hâtai de profiter de son ignorance. […] aurait-on bien le cœur de supplicier un pauvre enfant innocent dont tout le crime a été de défendre nous et sa cousine ?  […] — Arrêtez-vous, femme, arrêtez-vous quelques jours comme je me suis arrêté moi-même après avoir entendu, de peur de dévoiler prématurément un mystère qui contient peut-être le salut de vos deux enfants.

58. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

Supposé qu’un pere soit assez dénué de toute protection, pour être hors d’état de procurer l’éducation convenable à son enfant, qui témoigne une inclination plus noble que celle de ses pareils, un autre en prend soin. Cet enfant la cherche de lui-même avec tant d’ardeur, qu’enfin le hazard la lui fournit. Quand je dis le hazard, j’entens chaque occasion prise en particulier, car ces occasions se présentent si fréquemment, qu’il faut que le hazard qui en fait profiter l’enfant dont je parle, arrive un peu plus-tôt ou un peu plus tard. […] D’ailleurs, le génie qui détermine un enfant aux lettres, ou bien à la peinture, lui donne une grande aversion pour les emplois mécaniques, ausquels on applique ses égaux. […] Mais je veux bien que cet enfant reste dans sa bourgade : il y cultivera son génie naturel, jusques à ce que ses tableaux surprennent quelque passant.

59. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Tu n’es pas déjà trop solide sur tes jambes, mon pauvre enfant, au moins que tu n’aies pas cette douleur de plus. […] Nous ne sommes plus un enfant, que diable !  […] pauvre enfant !  […] pauvre enfant !  […] Voulez-vous, après tant d’adulation, verser une goutte de vérité populaire dans la mémoire de vos enfants ?

60. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Laisser mourir de faim ses enfants eût été sans doute plus romain, mais eût-ce été moins barbare ? […] Ses enfants eurent la plus aimable des mères. […] Elle n’a pas d’enfants et sa santé nous inquiète pour son existence. […] C’est là que je passe ma vie seul, sans femme, sans enfants et sans esclaves. […] Jamais le fusil meurtrier n’y a effrayé ces paisibles enfants de la nature.

61. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

La maudite beauté de l’enfant ne sortait plus de l’œil du sbire. […] Regardez ce bel enfant de trois mois qui dort, tout rose, sur sa coupe blanche et toujours pleine ; c’est pourtant un fruit d’une veille de mort. […] L’oiseau fait ses ailes, la chevrette fait ses dents, l’enfant fait son cœur. » Et je les entendais rire tout bas. […] — Folle enfant ! […] et pour un enfant que nous avons perdu, veux-tu nous faire perdre encore le seul enfant que Dieu nous laisse ?

62. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Le forgeron et sa femme, et l’un des enfants, vous regardent bien en face, mais le vieux père et un autre enfant qu’il a près de lui regardent ailleurs et ont l’air distraits ou occupés par je ne sais qui ou je ne sais quoi qui est de côté. Il y a même un des enfants encore, celui qui tire le soufflet, qui a le regard sans but et un peu étonné. […] Saint Joseph, qui regarde l’enfant, est véritablement un homme de campagne, déjà sur l’âge ; la Vierge est une jeune femme de campagne aussi, belle, brune, un peu forte ; l’enfant, qui fait sécher les langes devant la cheminée, semble un enfant de la maison, sauf les ailes qui sont comme ajoutées ; le berceau qu’on voit sur le devant est un bers tout rustique et grossier. […] Le père, assis à table, ayant soupe, joue du flageolet pour amuser ses enfants. […] Ce sont des enfants déjà grands, dont l’une est mère et emmaillote l’enfant, qu’elle tient sur ses genoux avant de le coucher, avec grande attention et gravité.

63. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

dit l’enfant, nous sommes donc devenus riches ?  […] Elle rentre en effet bientôt, avec un morceau de pain sous le bras, et tous les enfants, joyeux, à table, oublient la détresse. […] » Et elle se met en marche vers l’église, appuyée sur l’enfant ; pas de soleil encore, il bruine ; l’odeur du laurier qui jonche le chemin lui arrive parfois et la fait frissonner. […] dit l’enfant ; n’entends-tu pas chanter l’orfraie sur le clocher ? […] Petit instrument de sureau avec lequel se canonnent les enfants.

64. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Sur les exercices, des. Cadets russes. » pp. 549-546

Deux cents enfants se partageaient en deux armées. […] « L’intention des chefs est qu’alors la gaieté des enfants soit sans entraves, et je n’ai pas de peine à croire que dans ces moments la discipline soit oubliée, qu’il se fasse mille espiègleries, qu’il y ait quelque dégât, que les gouverneurs soient inquiétés et tourmentés, qu’à la première issue qui se présente les élèves ne s’échappent de leurs yeux et ne se livrent à toutes leurs fantaisies. […] Je me souviens qu’à l’âge de ces enfants, mes camarades et moi, nous pensâmes démolir un des bastions de ma ville, et passer les vacances de la semaine sainte en prison. Cependant on avouait que, de mémoire de parents, on n’avait pas vu une plus heureuse couvée d’enfants. […] Sans cesse mêlés, conduits, éduqués par des instituteurs de différentes nations, ils apprendront, sans s’en apercevoir, à distinguer les hommes, non par leur croyance, mais par leurs vertus ; et comme dans les courtes instructions que le pope grec et le pasteur luthérien leur donnent, il n’est question ni de diable ni d’enfer, vos enfants n’auront pas le torticolis des nôtres. » FIN DU TOME TROISIÈME.

65. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

. — Accroissement du nombre des enfants naturels du roi. — Maison, rue de Vaugirard, où madame Scarron s’établit. — Le roi va la voir secrètement. — Faux bruits de sa grossesse. — Parole du roi qui indique un goût très vif pour madame de Scarron. En 1672, le nombre des enfants de madame de Montespan s’étant accru du comte de Vexin et de madame de Nantes, il se fit un second arrangement tout différent du premier pour leur habitation. […] D’abord, elle est certainement du temps où les enfants et la gouvernante habitaient la maison isolée de la rue de Vaugirard, dans laquelle personne n’entrait que M. de Louvois, ou du moins n’entrait habituellement. […] Mais il reste cette particularité que le roi avait décidément jeté des regards amoureux sur madame Scarron avant qu’elle et les enfants vinssent à Versailles et s’y établissent. […] Ajoutez cet autre fait rapporté par madame de Caylus dans ses Souvenirs, page 89 : « L’aînée des enfants de madame de Montespan mourut à l’âge de trois ans. » (C’est l’enfant que Saint-Simon nomme Madame la duchesse, t. 

66. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Est-ce sur l’enfant innocent ? […] Est-ce sur l’enfant royal ? Je demande à réfléchir ; pour moi, le frère de Cartouche, enfant innocent, pendu par les aisselles jusqu’à ce que mort s’ensuive, en place de Grève, pour le seul crime d’avoir été le frère de Cartouche, n’est pas moins douloureux que le petit-fils deLouis XV, enfant innocent martyrisé dans la tour du Temple, pour le seul crime d’avoir été le petit-fils de Louis XV… Cartouche, Louis XV, pour lequel des deux réclamez-vous ?” […] Quand il s’écriait : Laissez venir à moi les petits enfants, il ne distinguait pas entre les petits enfants, il ne se fût pas gêné pour rapprocher le dauphin de Barrabas du dauphin d’Hérode ; l’innocence n’a que faire d’être altière, elle est aussi auguste déguenillée que fleurdelisée. […] Pleurez-vous sur tous les innocents, sur tous les martyrs, sur tous les enfants, sur ceux d’en bas comme sur ceux d’en haut ?

67. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

J’ai posé mes lèvres sur les siennes, Et puis je suis parti, pleurant comme un enfant. […] pas même un enfant, un être périssable ! […] Cela rappelle ces espiègleries d’enfants qui promènent sur les lèvres fermées d’autres enfants comme eux, la barbe d’une plume pour les faire rire ; la lèvre rit, mais l’âme ne rit pas ; puérilité indigne d’un talent qui se respecte même dans ses jeux ! […] C’est une enfant qui dort sous ces épais rideaux, Une enfant de quinze ans, — presque une jeune femme ; Rien n’est encor formé dans cet être charmant. […] Ô paresseux enfant, regarde, je suis belle.

68. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

L’enfant l’y suivit et y demeura jusqu’à l’âge de trois ans. […] En 1805, l’enfant revint à Paris avec sa mère, qui se logea dans la rue de Clichy. […] C’est à ce séjour au collége des nobles qu’il faut rapporter les combats d’enfants pour le grand Empereur, dont le poëte fait quelque part mention. […] François de Neufchâteau, qui avait été aussi dans son temps un enfant précoce, adressa à Victor Hugo des vers de félicitation et de confraternité. […] M. de Chateaubriand, au moment où parut l’Ode sur la Mort du duc de Berry, l’ayant qualifié d’Enfant sublime , Victor Hugo, conduit par M.

69. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Elle s’est fait une famille de ces enfants sauvages et abandonnés. […] « L’enfant de feu », comme l’appelle madame Gros, était dans l’école un véritable fléau, par l’abus qu’il faisait de sa force sur ses camarades. […] Les deux intrépides enfants se font attacher par la ceinture et descendent résolument dans le foyer de l’incendie. […] Qui croirait qu’il y a un monde des enfants trouvés ? […] « Tous nos enfants, dit l’inspecteur, ont pleuré avec elle sur cette tombe, où il est entendu qu’elle viendra dormir à son tour.

70. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Lisez cela à un enfant, soyez sûr qu’il voudra être le renard. […] Si l’enfant, l’enfant très jeune qui n’a pas encore été dépravé par la société, si l’enfant, très jeune, veut être le loup, ou veut être le renard, je crois qu’il y a, en vérité, une contradiction de cette observation que vous faites maintenant avec votre théorie générale !  […] L’enfant va dire : « Eh bien ! […] L’enfant aura-t-il la force de comprendre qu’il faut prendre ces choses à rebours et qu’il y a de l’ironie dans cette singulière moralité ?  […] L’enfant dit très catégoriquement : « Ce n’est pas ça !

71. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Avant de partir, il lui recommande un enfant qui, bientôt peut-être, n’aura plus de père. […] Jane se prépare à visiter l’enfant qui lui est légué ; il veut savoir où elle va et ce qu’elle va faire. […] Quand on parle physiologie, on envoie coucher les enfants. […] c’est la mère de son enfant qu’il désigne comme une réprouvée. […] L’enfant s’est évanoui, Camille est accouru aux cris de la jeune femme.

72. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

L’enfant sait qu’il faut arriver en classe à l’heure exacte. […] Si l’enfant est fort en retard, il dit : « Maman m’a retenu ; elle avait besoin de moi. » Il crée un conflit de devoirs : ici apparaît une question générale. […] Il y a dans un roman contemporain une scène frappante : un enfant, apprenti dans une usine, est accusé d’un vol.  […] Le pauvre enfant n’aurait qu’un mot à dire : il a reçu cent francs de sa mère. […] De ce qu’elles sont encore enfoncées dans les images, de ce que l’enfant les prend en bloc, dans leur forme concrète, sans les extraire de leurs circonstances locales et particulières.

73. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVII » pp. 298-304

Elle avait été appelée à l’éducation des enfants naturels par les mêmes motifs qui avaient fait confier à madame de Montausier celle des enfants légitimes. […] Elle était un des premiers sujets de l’école de Julie d’Angennes ; il y avait de la différence sans doute entre la place de gouvernante des enfants de France et celle des enfants naturels : il y avait aussi de la distance entre Julie d’Angennes, duchesse de Montausier, et Françoise d’Aubigné, veuve Scarron ; mais les traditions de la cour, depuis François Ier, l’élévation et l’insolence des maîtresses avouées, l’élévation, l’insolence et la turbulence des bâtards avaient habitué à regarder les légitimations de ceux-ci comme à peu près équivalentes à la légitimité. Le roi avait légitimé les enfants qu’il avait de madame de La Vallière ; madame Scarron était donc fondée à prévoir le même sort pour ceux de madame de Montespan ; et elle s’était mis dans l’esprit que les fils de Louis XIV, confiés à ses soins, ne devaient pas être les tourments de la France comme l’avaient été les bâtards de Henri IV, et qu’elle devait rendre ses élèves dignes de leur haute destinée, par leur moralité et leur esprit. […] L’enfant de madame d’Heudicourt, qui fut depuis madame de Montgon.

74. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Elle laisse un tout petit enfant qui tétait. […] Cet enfant est tout à fait drôle. […] Peut-être même en cela suis-je enfant comme autrefois : je voudrais ressembler aux anges. […] Puis nous l’avons fait jaser sur son pays d’à présent, sur ses enfants et sa femme. […] Les petits enfants s’en amusent et les appellent fleurs de mars.

75. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

On ne peint pas en couleurs plus fortes les faiblesses coupables d’un père et les ingratitudes de ses enfants. […] Les défenses tyranniques aiguisent encore plus une passion chez les enfants que chez les hommes ; les enfants ont sur eux l’avantage de ne penser qu’à la chose défendue, qui leur offre des attraits irrésistibles. […] À ce jeu, combien d’enfants seraient devenus gourmands, quêteurs, lâches ! […] La moindre de ces lâchetés, que se permettent si facilement les enfants, me faisait bondir le cœur. […] Mais, enfant, pouvais-je avoir cette grandeur d’âme qui fait mépriser le mépris d’autrui ? 

76. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

) Les autres enfants n’avaient aucune marque. […] Il pouvait donc élever au moins ses deux derniers enfants. […] Mais elle a un enfant ; cela lui rend du courage. […] Rousseau décrira donc l’éducation d’un seul enfant par un seul maître. […] Enseignez aux enfants les croyances des pères.

77. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

« Comment ces enfants étaient-ils là ? […] La terre en été est aussi vite sèche que la joue d’un enfant. […] demanda l’enfant. […] « — Je n’ai plus faim, dit l’enfant. […] « L’enfant hésita.

78. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Essai, sur, les études en Russie » pp. 419-428

On envoie d’abord les enfants à l’école à lire. […] Quand un enfant sait parfaitement lire, on l’envoie à l’école à écrire et à compter. […] En Allemagne, il y a, matin et soir, des heures fixes pour l’instruction publique, où tous les enfants assistent gratuitement ; mais, après ces heures publiques, le maître d’école en tient encore une privée pour les enfants des citoyens plus aisés, qui lui payent pour ces soins particuliers une modique rétribution. […] Ces écoles sont pour les enfants de la noblesse et des citoyens aisés du tiers état ; le peuple n’y envoie pas ses enfants, parce que, dès qu’ils savent lire et écrire, il en tire déjà parti, chacun dans sa profession et dans son ménage. […] Ces connaissances ont un attrait naturel pour les enfants dont la curiosité est la première qualité.

79. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Jocelyn est donc l’enfant pieux de toutes les familles heureuses, le frère de toutes les jeunes filles. […] C’est le nom de l’enfant ; Laurence, nom douteux, enfant charmant, virgilien, qui tient d’Euryale et de Camille, qui a quinze ans : pene puella puer !Jocelyn nous dit qu’en le regardant son œil hésite entre l’enfant et l’ange.  […] Le tendre William Cowper était le sixième fils d’un Révérend, car les Révérends, d’ordinaire, avaient six ou dix enfants. […] J’ai comparé autrefois Lamartine enfant à l’Edwin de Beattie : mais qu’avons-nous besoin d’analogies et de conjectures ?

80. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — De l’état de savant. » pp. 519-520

Un père s’est enrichi par le commerce ; il a un grand nombre d’enfants ; parmi ces enfants il en est un qui ne veut rien faire, ses bras faibles et délicats lui ont donné de l’aversion pour la navette, la scie ou le marteau ; il se lève tard ; il reste assis la tête penchée sur la poitrine, il réfléchit, il médite ; il se fait poëte, orateur, prêtre ou philosophe. […] Il y a deux sortes d’écoles publiques : les petites écoles ouvertes à tous les enfants du peuple au moment où ils peuvent parler et marcher ; là ils doivent trouver des maîtres, des livres et du pain, des maîtres qui leur montrent à lire, à écrire et les premiers principes de la religion et de l’arithmétique ; des livres dont ils ne seraient peut-être pas en état de se pourvoir ; du pain111 qui autorise le législateur à forcer les parents les plus pauvres d’y envoyer leurs enfants. Au sortir de ces petites écoles, ces jeunes enfants ou se renfermeront dans la maison paternelle pour y apprendre quelque métier, ou se présenteront aux collèges de l’Université dont j’ai tracé le plan et dont je vais esquisser la police.

81. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Cet instinct de la destruction était peut-être encore plus féroce, plus inhumain, plus enragé chez un enfant beau, chez un enfant intelligent, chez le petit de Béhaine, mort d’une méningite. […] J’étais encore un enfant, mais un enfant à la pensée déjà préoccupée du mystère des sexes et de l’inconnu de l’amour. […] » Et comme on lui dit qu’il faut songer à son enfant, vivre pour lui : « Ah ! […] Ce ne sont plus les gentilles petites filles du peuple d’autrefois : elles ont l’air d’enfants de la Salpêtrière. […] Pauvre enfant !

82. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

La jeune enfant est née et a vécu sous cette perpétuelle invocation. […] L’enfant passa ses jeunes années à jouer sous le calvaire et sur les tombes. […] On lit tout haut la lettre : la mère s’évanouit, le père regarde ses enfants et sort dans une horrible anxiété. […] Hippolyte va bien à son devoir et se fait aimer partout. — C’est un brave enfant, et une intelligence très-distinguée. […] Les autres sœurs et leurs enfants, qui étaient établis à Rouen.

83. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

est-il un enfant du règne ou de l’Empire ? […] L’enfant était tremblante et toute pâle d’émotion. […] ô mon enfant ! […] Il avait fondé, sur cet enfant de son âme, toutes ses espérances, et l’enfant n’était plus. […] « Malheureuse enfant !

84. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Saül s’attache à cet enfant, comme le malade à celui qui le soulage ; il le garde quelques jours au camp ; puis l’enfant retourne à son troupeau, vers Bethléem. […] Cette scène des premiers exploits de l’enfant poète surgit devant moi comme une pastorale de Théocrite. Je la vois encore aujourd’hui, et j’y vois l’enfant près du térébinthe, avec sa harpe d’écorce et avec sa fronde de berger. […] « De quelle famille est sorti cet enfant ?  […] est-ce que je ne vaux pas mieux par ma tendresse pour vous que dix enfants ?

85. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Il faudrait parler maintenant des relations entre parents et enfants, entre frères et sœurs, etc. […] Non, c’est un brave homme qui veut se faire aimer plus que se faire craindre et qui mérite l’affection de ses enfants par celle qu’il leur témoigne. […] En même temps que le respect des enfants a diminué, la tendresse des parents pour eux semble avoir augmenté. […] Rousseau, qui fut si dur pour ses propres enfants, qui les abandonna à la charité publique, a fait entrer l’enfant dans notre littérature. […] L’enfant, peu à peu, est devenu le petit roi de notre société.

86. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

— Notez qu’il n’est pas ordinaire ni convenable qu’une mère donne à téter à son enfant dans une église : tout ce septième vers est donc parasite. Et notez aussi qu’on ne donne pas « l’absoute » aux enterrements des petits enfants  La mère embrasse du regard son enfant tout entier : il est donc bien grand, ce petit ? […] les voilà trois sur l’escarpolette » : le père, la mère et l’enfant. 4e tableau : « Ils sont deux sur l’escarpolette » : l’enfant est mort. 5e tableau : « Il n’en reste qu’un sur l’escarpolette » : le père est mort à son tour. […] Voulez-vous savoir ce que devient, torturé par ce poète de trop d’esprit, une idée toute simple comme celle-ci : « Si j’avais appris à compter quand j’étais enfant, je serais plus riche que je ne suis ?  […] Dans ce genre de poésie, l’Amour, le terrible Amour d’Hésiode, le bel adolescent d’Anacréon, s’appelle « Bébé » (les Jeux divins ; Enfant terrible).

87. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Sternay est riche, et il laisse sa maîtresse travailler à la journée pour gagner, avec sa vie, celle de son enfant. […] Jacques n’a subi aucune des épreuves que rencontrent ordinairement, dans le monde, les enfants de l’ombre et de l’inconnu. […] Le bonheur, dont il est un enfant gâté, veut que la jeune fille qui lui a donné son cœur soit armée d’une volonté inflexible et résolue à l’épouser de par le Code, lorsque l’heure de sa majorité sonnera. […] D’ailleurs, de son coté, il a fait un choix : il a rêvé d’épouser mademoiselle Hélène de Brignac, une enfant de dix-huit ans qui rajeunirait ses vieux jours. […] Qui ne partagerait pourtant l’indignation de ce gentilhomme, traité par son fils en enfant mutin à qui on coupe les vivres pour le rendre sage ?

88. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Plusieurs familles s’associent, c’est le village ; ils ont sucé le même lait, ce sont les enfants et les enfants des enfants ; le plus âgé est le roi. […] L’esclave est absolument privé de volonté, la femme en a une, mais en sous-ordre ; l’enfant n’en a qu’une incomplète. […] Ceux qui les porteront des uns aux autres sauront, à n’en pas douter, quels enfants ils donnent et à qui ils les donnent. […] « Mais je m’arrête ici en ce qui concerne la communauté des femmes et des enfants. […] leurs femmes et leurs enfants seront-ils ou ne seront-ils pas en commun ?

89. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Les enfants de Banquo rois ! […] répond l’enfant ; ils ne sont pas destinés aux tout petits enfants. […] Et tous mes enfants ? […] Il n’a point d’enfants ! — Tous mes jolis enfants, avez-vous dit ?

90. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Cependant cette composition n’est pas d’un enfant ; il y a de la couleur, de la verve, même de la fougue. […] tête d’un enfant vue de profil. — Tête d’un enfant vue de face. du même. […] esquisse d’une femme assise, qui tient son petit enfant sur ses genoux. du même. […] Sa position est naturelle ; elle regarde son gros joufflu d’enfant avec une complaisance vraiment maternelle. L’enfant dort sr les genoux de sa mère, et dort bien.

91. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

— L’enfant est fatigué, dit tout le monde ; il faut lui faire place à l’ombre de la toile sur le plancher du chariot. […] dame, je n’en sais rien, dit l’enfant. […] Les chouettes seulement s’y battaient les ailes en jetant de temps à autre des vagissements d’enfants qu’on réveille. […] oui, je puis la gagner, mais c’est la vie de mon enfant que je veux sauver de la guerre, et vous allez voir si vous pourrez le refuser à sa mère et à moi. […] — Celle-là, poursuivit-il en passant devant la loge silencieuse d’une pauvre jeune femme en costume de montagnarde, qui allaitait un petit enfant tout près des barreaux, celle-là est bien de la mauvaise race des Maremmes de Sienne, dont les familles récoltent plus sur les grandes routes que dans les sillons ; cependant l’enfant ne peut faire que ce que son père lui a appris.

92. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

Depuis qu’en ces lieux le temps m’oublia seule, La terre m’apparaît vieille comme une aïeule Qui pleure ses enfants sous ses robes de deuil. […] Quelques-uns de mes vers ont emporté ce nom sur leurs ailes, comme les colombes qui portent sur leur collier, au-delà des bois, le nom ou le chiffre des enfants qui les ont apprivoisées. […] Ce village était le mien, le foyer de mon père après les orages de la première révolution, le berceau de nous tous, les enfants de ce nid maintenant désert. […] l’hiver », me répondit-il, « il y a le feu dans le foyer, le bruit des sabots des enfants dans la maison, les châtaignes qu’on écorce, les pois qu’on écosse, le maïs qu’on égrène, le chanvre qu’on file : tous ces travaux n’ont pas besoin des yeux. Je travaille tout l’hiver au coin du feu en jasant avec les enfants ou avec les chèvres et les poules qui vivent avec nous, et je me repose tout l’été.

93. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Il trouve auprès d’elle l’enfant qui n’est pas de lui, un pauvre petit être chétif et malade et qui gémit doucement dans son berceau : « … Son coeur se déchira dans un sanglot de pitié. […] Ils ont deux enfants. […] Enfin, la vie à la campagne et le soin des enfants achèvent d’apaiser et d’assagir la petite femme ; elle devient plus sérieuse et plus intelligente, elle comprend plus de choses et conçoit mieux son devoir. […] Fermes de cœur, André et Toinette, ramenant leurs yeux sur les   enfants, échangèrent un tendre et mystérieux regard. Là-bas ils auraient des enfants encore, leur jeunesse en répondait ; ils n’auraient point à se dire : « Nourrirons-nous celui qui viendra ? 

94. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Cet enfant dit qu’il est monté pour m’aider, et tout son travail ensuite est de me faire rire. […] dit l’humble enfant du vannier, ne vous jouez pas ainsi de moi, Mademoiselle ! […] » « Il a deviné que le cœur de l’enfant n’est plus à elle. […] « Les cinq doigts de la main, dit-il, mon enfant, ne sont pas tous égaux. […] Voyez Reboul, dans son Enfant mort au berceau !

95. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Les maîtres y étaient froids comme des geôliers, les enfants aigris et méchants comme des captifs. […] J’y avais pris l’horreur de ces bercails d’enfants. […] La discipline volontaire et toute paternelle de la maison, un autre régime firent de moi un autre enfant. […] J’en retrouve les traces dans ce passage des Confidences qui peint vaguement ces premières sensations de l’infini dans un cœur d’enfant. […] L’enfant est le germe d’un homme.

96. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Mais ceux qu’il aime surtout, ce sont ses enfants. […] Remarquez-le, dans toute notre littérature classique, il n’y a pas d’enfants. […] Mais un portrait d’enfant ! […] Le charme de l’enfant est caractérisé par ceci, qu’il est insaisissable et fugitif. […] Alfred de Musset est d’abord un enfant nerveux.

97. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Les Génies de la poésie, de l’histoire, de la physique et de l’astronomie, sujets de dessus de portes, dont on se propose de faire une tapisserie ; c’est un charivari d’enfants. […] Je laisse là tous ses petits tableaux, ses deux pastorales où il y a la fausseté de Boucher, sans son imagination, sa facilité et son esprit, la Femme qui amuse son enfant avec un moulin à vent, sa Sainte Famille que je n’ai point aperçue ni moi ni personne, la Femme qui dessine à l’encre de la Chine, et j’en viens à sa grande composition. […] Des petites femmes, des jeunes garçons, des sœurs du pot, des enfants, pas un homme de poids. […] c’est un des plus grands éventails que j’aie vus de ma vie ; j’en excepte deux figures qui sont à gauche sur le devant ; c’est une femme qui tient son enfant. Elle me paraît si bien peinte, si bien dessinée, de si bon goût ; l’enfant est si bien aussi, que si Mr le professeur voulait être sincère, il nous dirait où il a fait cet emprunt.

98. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Ma Porcia est enceinte de sept mois ; que ce soit d’une fille ou d’un fils, l’enfant me sera également et souverainement cher ; puisse seulement Dieu, qui me le donne, le faire naître avec la crainte du Seigneur ! […] Le vice-roi de Naples fut parrain de l’enfant ; à son retour de l’armée, le père emmena sa femme et ses enfants à Salerne où il acheva le poème d’Amadis. […] Pendant ce doux loisir du père, le jeune Torquato continuait ses études à Bergame, dans la maison d’une grande dame de la famille des Tassi, qui traitait l’enfant comme son fils. […] » Le père s’affligea d’abord, puis s’enorgueillit bientôt après de cette œuvre imparfaite et prématurée, mais merveilleuse, dit-il, dans ses lettres, d’un enfant de dix-sept ans ! […] La Fontaine est un charmant enfant, que j’aime de tout mon cœur ; mais laissez-moi en extase devant messer Ludovico, qui d’ailleurs a fait des épîtres comparables à celles d’Horace.

99. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

« Maman, lui disait-elle plus tard, était contente de cette union, de cette affection fraternelle, et te voyait avec charme sur mes genoux, enfant sur enfant, cœur sur cœur, comme à présent. » Ces sentiments ne firent que grandir et se fortifier avec l’âge. […] Je la quittai sans regret, j’aime autant les enfants que les pauvres vieux. Un de ces enfants est fort gentil, vif, éveillé, questionneur ; il voulait tout voir, tout savoir. […] Ils sont doux les baisers d’enfant / il me semble qu’un lis s’est posé sur ma joue. » Elle aime à instruire les enfants et à leur faire le catéchisme.

100. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

— Dors, cher Enfant, je sens ta main légère A mon cou nu mollement s’attacher, Je sens ton front en mon sein se cacher ; Dors, cher Enfant ; je suis aussi ta mère ! […] A mon cou nu pose ta main légère ; Dors, cher Enfant ; je suis aussi ta mère ! […] A mon cou nu pose ta main légère ; Dors, cher Enfant ; je suis aussi ta mère ! […] M’est-il permis le baiser de l’enfant, Ce vague oubli qu’en le berçant prolonge Ma solitude, et, la nuit, dans un songe L’enfant Jésus reparu plus souvent ? […] Dors, cher Enfant ; je sens ta main légère A mon cou nu de plus près s’attacher, Ton frais baiser en mon sein se cacher ; Dors, cher Enfant ; je suis encor ta mère !

101. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Les enfants nés de ces unions tiennent en général du guinné plus que de la race humaine. […] Par contre, les guinné se débarrassent fréquemment de leurs enfants mal venus en les substituant à des enfants d’hommes. Les Peuhl appellent ces enfants des batitâdo. […] L’enfant qui en est affligé passe pour la réincarnation d’une larve, qui a fait à plusieurs reprises aux parents de l’enfant ainsi nommé la plaisanterie de s’incarner dans des mort-nés. […] Voir Die Wichlelmoenner et l’Enfant supposé (Barsaz-Breiz).

102. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Mais ces enfants, perdus ou trouvés, d’un tel père n’en sont pas pour cela (qu’on nous passe le mot !) […] Voici ce texte ricaneur ; c’est le rire de Voltaire, avec des dents noires : « Je n’ai rien dit du roi Adam, ni de l’empereur Noé, père des trois grands monarques qui se partagèrent l’univers, comme firent les enfants de Saturne, qu’on a cru reconnaître en eux. […] Il ne fut question ni d’enfants, ni de pères, ni de majeurs, ni de mineurs, ni de hiérarchie, ni de famille, mais de boules ; et l’honneur, la vérité, la conscience, ce fut le scrutin. […] Heureusement, saint Vincent de Paul, chassé, en 1793, par l’école de Jean-Jacques, revint, quatre ans après, avec les enfants, catéchisés et communiants, légitimés devant Dieu par la foi, l’humilité et la pratique des vertus chrétiennes. […] On recommence à croire au testament d’Adam, qui est le vrai Contrat social du pouvoir, à la famille qui est le vrai Contrat social du père, des enfants, de la mère, et à l’ordre, qui est le vrai Contrat social des anciens de la famille, appelés en premier par la vocation, les études, le diplôme, et en second par le pouvoir, qui les fait officiers, évêques, magistrats !

103. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Cette femme dont ils résument probablement la vie les avait divisés en plusieurs parties, sous ces noms expressifs amour, Famille, Foi, Enfants et Jeunes Filles, et Poésies diverses. […] On comprend que la division de ce livre soit la division de son âme, étendue d’abord de l’amour à la famille, pour de là monter à la foi et redescendre aux enfants et enfin s’éparpiller dans l’indifférence des pièces diverses. […] À mon fils avant le collège, où je trouve ce beau trait défiant, désespéré et jaloux : Candeur de mon enfant, on va bien vous détruire ! […] Pour vous éclairer, c’est Dieu qui vous appelle, Son nom dit le monde à l’enfant qui l’épèle, Et c’est, sans mourir, une visite aux cieux. […] J’appris tous ces chants en allant à l’école, Les enfants joyeux aiment tant les chansons !

104. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Toujours plus tard, enfin, par une gradation toujours plus marquée, nous l’avons vu, de souillé, souillant lui-même l’Histoire, oser sur Louis XIV enfant ! […] Mais les enfants de Michelet, c’est les miens, c’est les vôtres, c’est les enfants de tout le monde, qu’il n’a pas faits, cet humanitaire tout à tous ! […] Développez-lui, enfin, son sens de constructeur, son sens de castor, car l’enfant est un castor, avant d’être un homme (heureusement !) […] Quelle bonne occasion : la mère et les enfants ! […] Et le pauvre enfant pédantesque qui conte ces belles choses, et qui n’était pas, en 1847, encore dans la seconde enfance de la vieillesse, c’est Michelet !

105. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Au bout de chacun de ses baisers se trouvait la pensée de l’enfant ; car tout amour qui n’avait pas l’enfant pour but lui semblait inutile et vilain. […] celui d’un petit enfant qui vient de recevoir les eaux du baptême. […] L’enfant grandit, est mis au collège et meurt. […] Il avait vu l’enfant. […] « Un enfant mort ?

106. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Le prêtre, ce musicien de nos soupirs, chante à la naissance, au mariage, au sacrifice, à la mort de tous les enfants d’Adam. […] Le vieux Joseph, les charretiers, les laboureurs, les batteurs en grange, ses compagnons de domesticité à table et aux champs, l’avaient vu grandir sans s’en apercevoir ; accoutumés à ne le compter que pour un enfant, on le traitait en Benjamin de cette tribu rurale. […] On en plaisantait à la table rustique ; on ne pouvait comprendre que la plus belle jeune fille de tout le pays, qui avait le choix entre les prétendants de tous les villages, eût choisi pour son fiancé un pauvre adolescent qu’on se figurait encore enfant à cause de la candeur de son esprit et de la docilité de son caractère. […] J’en fus tellement frappé, et elles se gravèrent tellement dans la mémoire des gens du château, par suite de l’émotion de la scène qui les suspendit, que je me les rappelle en ce moment aussi nettement qu’au moment où elles résonnaient du creux de la vallée dans mes oreilles d’enfant. […] Les gardes nationales, les fédérés, les sociétés populaires, les enfants, les femmes, toute cette partie des populations qui vit des émotions de la rue et qui court à tous les spectacles publics, volaient à la rencontre des Marseillais.

107. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Ses vagues, quand elles lèchent sans bruit la grève de sable humide, rappellent la respiration douce du sommeil d’un enfant sur le sein de sa mère. — Émotion ! […] « Quand nous étions enfants, nous nous amusions quelquefois, mes petites sœurs et moi, à un jeu que nous appelions la musique des anges. […] Son père, Pons de Salignac, comte de Fénelon, retiré du service, avait eu plusieurs enfants d’un premier mariage avec Isabelle d’Esparbis. […] On destinait l’enfant à l’Église. […] Tel était l’enfant qu’on donnait à transformer à Fénelon.

108. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

En Crète, les Curètes immolaient des enfants à Cronos, qui avait englouti les siens. […] Achille égorge douze enfants troyens sur le bûcher de Patrocle déjà baigné du sang des bœufs et des chèvres. — « Sois content de moi, ô Patrocle ! […] Le feu consume, avec toi douze enfants des magnanimes Troyens. » Mort à son tour, Achille surgit de sa tombe, et somme l’armée qu’il a fait vaincre de lui livrer sa part du butin. […] Lycaon fut changé en loup pour avoir, comme Tantale, servi un enfant égorgé à Zeus. […] Horace l’a rappelée dans la terrible Épode où il nous montre la magicienne Canidie enterrant vivant l’enfant voué à ses maléfices. — « Avant d’expirer, dit-il, l’enfant cria « des imprécations Thyestéennes ». — Misit Thyesteas preces.

109. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Ce n’était pas seulement son enfant, c’était son image. […] Pourquoi êtes-vous entrés chez lui, mes enfants ? […] … Vous avez une famille charmante ; aimez-vous vos enfants ? […] Ses enfants accourent et s’attachent à sa robe. […] Monsieur, emmenez ses enfants !

110. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

» il m’a avoué qu’il y avait chez lui le désir de la continuation et de la survie par l’enfant. […] … vous n’élèverez pas vos enfants !  […] Au dîner un joli mot d’enfant gâté. […] * * * — Un drolatique mot d’enfant. […] » Voici la génération présente des enfants.

111. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

À travers le journaliste, fatalement vieilli comme ils vieillissent tous, dont la personnalité reculait, en s’effaçant, dans un passé qui s’éloignait et qu’on rapproche, on aperçoit l’homme, si on peut dire l’homme de cet enfant trépignant et passionné, qu’il aurait valu mieux faire oublier que rappeler, pour son honneur et pour sa gloire. […] Depuis le fameux jour, qui fut son destin, où il planta sur l’oreille de sa petite tête, vaniteuse et éventée cette cocarde verte de l’insurrection dont il fut l’enfant trouvé et gâté, jusqu’à l’autre jour, trop tôt venu, où il se fit couper la dernière mèche de cheveux pour sa Lucile sur cette tête qui allait tomber, il eut toujours les yeux en larmes… Sheridan appelait Pitt, pour le faire sortir de ses gonds, l’enfant colère… Mais la colère de cet autre enfant-ci avait des pleurs ! […] Il adorait sa petite femme, il pourléchait son enfant, et il vota la mort de Louis XVI ; et, tout homme d’esprit qu’il fût dans un temps où il n’y avait plus d’hommes d’esprit en France, il ne se contenta pas de voter cette mort, mais il écrivit ces mots d’imbécile : « Louis XVI avait les instincts du tigre ». […] Quand, enfant affolé de l’insurrection, il se nomma lui-même procureur général de la hideuse lanterne, puis tout à coup se cabra de peur devant l’incendie qu’il avait allumé avec son falot, comme le petit polisson du coin d’un bois qui l’incendie avec une allumette et qui se sauve ; quand, toujours gamin, mais gamin tremblant pour le coup, — car le génie de Camille Desmoulins est voué autant à la peur qu’aux larmes, — il se laisse corriger ses épreuves du Vieux Cordelier, comme un devoir, par le terrible Robespierre ; quand tout à coup il fait volte-face contre son ancien ami Brissot, qu’il avait tant vanté, et, girouette lasse de tourner dans du sang, ne veut pas en avoir tant au pied, c’est éternellement et partout sa sensibilité que MΜ.  […] » Comme tous les hommes qui n’en ont pas, il parlait incessamment de son caractère, et demandait une caverne pour s’y retirer avec sa femme et son enfant… Je ne sais pas si je me trompe, mais la cave sinistre de Marat a plus de grandeur que cette caverne sentimentale et poltronne de ce mari de Greuze dans l’embarras.

112. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Pour toutes ces raisons, qui sont des lois dans la logique inflexible de nos organisations, Gustave Droz aime son enfant énergiquement, je n’en doute pas ! […] Si pur, si essuyé qu’il soit, l’amour de l’enfant est chez lui matériel, physique, animal, et les milieux élégants, poétiques, colorants qu’il traverse, n’y font rien. […] Ce qu’il voit dans l’enfant, ce n’est pas son âme, c’est surtout sa beauté ; et quand ce n’est pas sa beauté, c’est sa chair. […] Cette conception trop élevée de l’amour paternel, par ce temps de morbides et mignardes tendresses où l’enfant n’est plus qu’un Bébé, la poupée des parents et la marionnette de leurs vanités conjugales, aurait bien moins de chances de réussir que la conception de l’amour de l’enfant telle que Gustave Droz l’a exprimée, et telle qu’elle est, à cette heure, dans des cœurs qui n’ont plus rien de mâle et dans des esprits affadis. […] Il est noble de sang, et on le voit bien quand on le regarde, quoiqu’il ne soit qu’un enfant trouvé.

113. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Elle est facile à reconnaître, un enfant en bas âge y conduirait, car les maisons des Phéaciens ne ressemblent nullement à l’habitation d’Alcinoüs le héros. […] J’aimerais autant mépriser la main du pauvre enfant qui conduit l’aveugle, ou briser le bâton qui soutient le boiteux ! […] Elle a péri, comme tout ce qui m’aime, par la pierre d’un enfant méchant, d’un de ces enfants de Paris qui ne sentent la vie qu’en donnant la mort à tout ce qui vit inoffensif, de douceur, de charmant, d’aimant auprès d’eux ! […] L’homme veut des opprimés ; l’enfant veut des victimes. C’est un enfant qui s’amusa à tordre le cou à la tourterelle amie de Dumas.

114. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Ce n’est point un enfant, ni même un adolescent. […] — C’est que ça devait arriver, mon enfant. […] Elle est sûre, paraît-il, que cet enfant est de Thyeste. […] Et tu avais promis de veiller sur l’enfant. — Oui, je l’avais promis. […] Seulement, voilà, il n’avait pas prévu l’enfant.

115. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Une fois qu’il traversait la rue avec plusieurs autres enfants, sa mère, et une personne qui était avec elle à la fenêtre, remarquèrent qu’il marchait avec beaucoup de majesté, et lui dirent que cette manière de se tenir droit le distinguait des autres enfants de son âge. […] Goethe me reçut sur son cœur : « Pauvre enfant ! […] — Non, rien ne m’intéresse que vous, et je suis beaucoup trop impatiente pour feuilleter un journal. — Vous êtes une aimable enfant. » Longue pause. […] À la seconde rencontre qui eut lieu à Wartbourg, à quelques mois d’intervalle, comme la voix manquait à Bettina pour s’exprimer, Goethe lui posa la main sur la bouche et lui dit : « Parle des yeux, je comprends tout. » Et quand il s’aperçut que les yeux de la charmante enfant, de l’enfant brune et téméraire, étaient remplis de larmes, il les lui ferma, en ajoutant avec grande raison : « Du calme ! […] » C’est avec elle qu’il en aurait pu causer avec épanchement ; car, « chère enfant, lui disait-il, il y a bien longtemps que nous professons la même opinion sur toute chose ».

116. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Elle a couru vers les remparts comme une femme hors de sens, et derrière elle la nourrice portait le petit enfant !  […] Une seule femme l’accompagne, portant entre ses bras leur enfant encore en bas âge. L’enfant s’appelait pour les Troyens Astyanax, et pour son père Scamandrius. […] car tu n’es plus, toi qui sauvais les chastes épouses des Troyens et leurs tendres enfants ! […] … Tu me suivras, ô mon enfant !

117. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Cette urne est en argent comptant au fond du coffre-fort de ton père. " et où est l’enfant qui l’ignore ? […] ô luxe funeste, enfant de la richesse ! […] Le riche craint de multiplier ses enfants. […] Pourquoi des enfants aimeraient-ils, respecteraient-ils pendant leur vie, pleureraient-ils quand ils sont morts, des pères, des parents, des frères, des proches, des amis qui ont tout fait pour leur bien-être propre, rien pour le leur ? […] Que celui qui vous nourrit puisse vivre ; que celui qui donne du lait à vos enfants ait du pain ; que celui qui vous vêtit ne soit pas nu.

118. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Expliquez à un ouvrier, à un paysan les droits de l’homme, et tout de suite il deviendra un bon politique ; faites réciter aux enfants le catéchisme du citoyen et, au sortir de l’école, ils sauront leurs devoirs et leurs droits aussi bien que les quatre règles  Là-dessus l’espérance ouvre ses ailes toutes grandes ; tous les obstacles semblent levés. […] Je n’ai pas le droit d’élever mes enfants chez moi et de la façon qui me semble bonne. « Comme on ne laisse pas la raison445 de chaque homme unique arbitre de ses devoirs, on doit d’autant moins abandonner aux lumières et aux préjugés des pères l’éducation des enfants, qu’elle importe à l’État encore plus qu’aux pères. » — « Si l’autorité publique, en prenant la place des pères et en se chargeant de cette importante fonction, acquiert leurs droits en remplissant leurs devoirs, ils ont d’autant moins de sujet de s’en plaindre qu’à cet égard ils ne font proprement que changer de nom et qu’ils auront en commun, sous le nom de citoyens, la même autorité sur leurs enfants qu’ils exerçaient séparément sous le nom de pères. […] C’était le cas dans l’armée permanente qu’on appelle Sparte ; là les enfants, vrais enfants de troupe, obéissaient tous également à tous les hommes faits […] S’il ne tient pas les enfants, il n’aura pas les adultes. […] Du moment où, entrant dans un corps, je ne réserve rien de moi-même, je renonce par cela seul à mes biens, à mes enfants, à mon Église, à mes opinions.

119. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

L’enfant rêve souvent tout haut, prononce des bouts de phrase ; aujourd’hui un simple petit mot : « Pourquoi ? » Pauvre interrogation d’enfant destinée à rester à jamais sans réponse ! […] Tous sont enfants de Dieu ! […] On pourrait dire de Musset que c’est un enfant, un enfant grand ayant du génie. N’a-t-il pas de l’enfant l’humeur changeante, capricieuse même, la vivacité et la grâce, la légèreté joyeuse ?

120. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Amédée Van Loo  » pp. 139-140

J’aime ce satyre à moitié ivre, qui semble avec ses lèvres humer et savourer encore le vin ; j’aime ses tréteaux rustiques ; ses enfants ; sa femme qui sourit et se plaît à l’achever. […] Est-ce que l’idée de ce tonneau percé par l’autre satyre ; ces jets de vin qui tombent dans la bouche de ses petits enfants étendus à terre sur la paille ; ces enfants gras et potelés ; cette femme qui se tient les côtés de rire de la manière dont son mari allaite ses enfants pendant son absence, ne vous plaît pas [?]

121. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

L’enfant avait deux frères et une sœur, Catherine de Saint-Pierre. […] L’enfant, toujours préoccupé de la contemplation des hirondelles, lui répondit: Bon Dieu ! […] J’avais été le parrain de l’enfant de Marguerite, qui s’appelait Paul. […] Les enfants se révoltent contre ces reproches. […] Ainsi croissaient ces deux enfants de la nature.

122. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Elle aime à voir se mêler sa vie et celle de ses enfants. […] Tout en amusant nos enfants, elles préparent un public aux futurs vaudevillistes. […] — crie-t-elle — vous voulez tuer mon enfant !  […] A laissé deux enfants. […] Sur les chagrins d’enfant elle penche des grands-pères délicieux.

123. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Son chapitre sur l’éducation, sur les devoirs des parents envers les enfants, vient bien après ceux de Rabelais et de Montaigne sur le même sujet et en est comme une rédaction complète et nouvelle. Il s’occupe de l’enfant dès avant la naissance, et donne là-dessus, comme ferait un médecin, des prescriptions qui sont de pure hygiène. L’enfant aussitôt né, il songe à la nourrice : « Selon la raison, dit-il, et tous les sages, ce doit être la mère » ; et il cite à ce sujet ce que dit le philosophe Favorinus chez Aulu-Gelle et ce que répétera Rousseau43. […] Si, sans les faire parler, on leur parle tout seul, c’est chose presque perdue : l’enfant n’en fait en rien son profit, pour ce qu’il pense n’en être pas d’écot ; il n’y prête que l’oreille, encore bien froidement ; il ne s’en pique pas comme quand il est de la partie. […] Ne t’inquiète de rien que de la vérité ; que ce ne soit pas un système dont le poids et les chaînes accablent l’esprit, mais des enfants de l’amour nés dans des heures pastorales, pour toi, pour nous, pour tes amis, pour le monde. » Et encore : « Après cela, précisément dans l’intérêt de ma santé, je relis le sage Montaigne, comme on prend un calmant ; il est si serein, si spirituel, si conlent !

124. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Il y a sans doute quelque différence entre la conservation d’un grand ministre et d’un petit mercier, d’un célibataire et d’un père de famille, d’un bon général d’armée et d’un mauvais poëte ; mais ni le souverain qui nous regarde comme ses enfants, ni le sentiment de l’humanité qui nous rapproche de nos semblables ne s’arrêtent à ce calcul. […] Le ministre dédaigne le vieillard qui n’est plus bon à rien et ne prise l’enfant que par le fruit qu’il en attend ; il n’y a qu’une vie précieuse pour lui, celle de l’homme fait, parce qu’elle seule est utile ; sa tête est comme une ruche où, à l’exemple des abeilles, il extermine toutes celles qui cessent de donner du miel. […] Ensuite, ils expliqueront la nature et le traitement des maladies particulières aux femmes et aux enfants. […] Dans le cours des beaux-arts, j’écrivais autant pour les élèves que pour les maîtres ; j’avais à ordonner l’éducation première des enfants. Ici, ces enfants sont élevés ; il ne s’agit plus de connaissances primitives, mais d’études de convenance.

125. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Le jeune enfant occupe le centre de la toile ; il est debout, il a le regard et la main droite tournés vers le ciel. […] L’enfant Jésus est blafard, a la tête plate. […] la mère qui fait jouer son enfant. du même. […] La mère n’en a nullement l’expression ; l’enfant ne mérite pas mieux, tant il est maigre et sec. Est-ce que l’artiste n’a pu se procurer un Bel enfant nu ?

126. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Ce talent a toujours ce degré de tempéré et de tempérance qui l’empêche d’être un danger pour personne, et surtout pour celui qui l’a, car le talent est dangereux, et l’on en devrait dégoûter les enfants, si l’éducation était mieux faite. […] Qui doute que cette enfant, qui a toujours froid, parce que sa mère ne l’aime pas, ne se prenne bientôt de passion pour un homme ayant toutes les qualités, excepté de n’être pas gentilhomme, comme le gendre de M.  […] Elle a un enfant, une petite fille, qui s’appelle Renée, comme sa grand’mère. Par le conseil de l’abbé Pyrmil, elle lâche l’enfant, sans la prévenir, à la Grande Solitaire, toujours assise sur son trône de chêne, dans la salle des ancêtres, comme une reine trahie et abandonnée. […] L’enfant, durement chassée par l’implacable, va disparaître… Elle est presque à la porte, quand le cœur fond à Renée de Penarvan, qui se jette à l’enfant comme une lionne : et le charme de l’orgueil est rompu !

127. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Ollivier » pp. 299-300

Un meurtrier tient suspendu par un pied l’enfant d’une mère, et cette femme tend son tablier pour le recevoir précisément comme un chou qu’on lui mettrait dans son giron. Ici, une mère renversée à terre, sur le sein de laquelle un soldat écrase du pied son enfant, le regarde faire sans s’émouvoir, sans jetter un cri. […] Tout cela ne vaut pas ce soldat de Le Brun, je crois, qui, d’une main, arrache un enfant à sa mère, en poignarde un autre de l’autre main, et en tient des dents un troisième suspendu par sa chemise. […] Le petit enfant placé devant ses parens est à ravir ; Wouwermans ne l’aurait pas peint plus fin de couleur, ni plus spirituel de touche, il est bien posé ; la lumière dégrade à merveille sur lui ; cette figure est un effort de l’art.

128. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Mes enfants aussi ? […] Il n’a point d’enfants ! […] Mes enfants aussi ? […] Il avait avec lui deux femmes et deux enfants. […] Il s’y était logé avec sa femme et ses deux enfants.

129. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Les enfants. —  Ils manquent dans la littérature française. —  Le petit Joas et David Copperfield. —  Les gens du peuple. […] Ils oppriment des enfants, ils frappent des femmes, ils affament des pauvres, ils insultent des malheureux. […] C’est le principe d’après lequel j’élève mes propres enfants, et c’est là le principe d’après lequel je veux que les enfants soient élevés. […] Aujourd’hui, on ne voit chez nous de ces portraits que dans les livres d’étrennes, lesquels sont écrits pour offrir des modèles aux enfants sages. […] Les gens du peuple sont comme des enfants, dépendants, peu cultivés, voisins de la nature et sujets à l’oppression.

130. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Et puis le cœur s’amollit avec l’âge, vous aimerez un père, une mère, une amante, une femme, des enfants. […] Les poésies de Laprade seront recueillies dans les familles honnêtes des champs, sur ces tablettes de la chambre à coucher auxquelles on laisse atteindre sans crainte les mains des enfants de la maison, et qui portent les livres de piété qu’on feuillette le dimanche en allant au temple. […] prenez de l’aïeul notre âme héréditaire, Enfants, gardez-la bien sans que rien ne l’altère ; Au sang qu’il me donna je n’ai rien ajouté, Mais je vous ai transmis sa ferme loyauté. […] Moi qui connais l’aïeul, l’épouse et les enfants , je puis attester que l’idéal apparent de ces doux vers n’est que la plus exacte réalité. […] Heureuse la France d’avoir encore de tels enfants !

131. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

Et le château, et le jardin, et le petit bois, me paraissaient grands, comme les choses qu’on a vues avec ses yeux d’enfant. […] Le pauvre enfant ! […] Avant-hier jeudi, il me lisait encore les Mémoires d’outre-tombe, car c’était le seul intérêt et la seule distraction du pauvre enfant. […] Ma mère, sur votre lit de mort, vous m’avez mis la main de votre enfant chéri et préféré dans la mienne, en me recommandant cet enfant avec un regard qu’on n’oublie pas, êtes-vous contente de moi ? […] il est mort, après les deux ou trois doux soupirs de la respiration d’un petit enfant qui s’endort.

132. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

mon bon Félix, quand nous n’en pouvons plus du fardeau de nos peines, n’oublions pas que sa bonté ne nous a pas tout à fait abandonnés et qu’enfin nous sommes ses enfants. […] Tu sentiras aussi par degrés toutes les fougues de ton cœur d’homme s’apaiser devant cet immense amour qui purifie tous les autres, et tu seras comme un enfant qu’une fleur contente et rend riche. […] C’est un brave enfant, et une intelligence très distinguée. […] L’amour de mes enfants comme je l’éprouve, ardent et dévoué, me fera peut-être pardonner l’autre. […] Les autres sœurs et leurs enfants, qui étaient établis à Rouen.

133. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

A cet égard, le babillage de l’enfant nous fait souvent illusion ; il semble que chez lui la parole précède la pensée et qu’il a dans l’esprit moins d’idées que de mots. […] En attendant que ce progrès soit accompli, l’enfant paraît précoce, il paraît dire ou penser des choses au-dessus de son âge, quand il dit ce qu’il ne peut comprendre et quand on voit clairement qu’il comprend en lui-même certaines choses et ne sait comment les dire ; en réalité, rien n’est plus enfantin ; il n’y a là de précoce que la hardiesse à parler quand même ; chez les enfants timides, les mêmes faits doivent se produire, mais ils font moins de bruit et n’attirent pas l’attention. A mesure que se fait la coordination du langage et de la pensée, l’enfant cherche toujours ses mots quand il porte un jugement nouveau, mais il les trouve de plus en plus facilement ; d’autre part, quand il parle pour parler, les mots éveillent des pensées de plus en plus riches, nettes et cohérentes ; et, à la longue, l’accord de la parole et de la pensée devient si étroit que l’enfant devenu un adolescent ne peut plus guère trouver une pensée sans la bien exprimer, ni se rappeler des mots sans y attacher un sens plein et sérieux. […] Le travail que nous avons fait dans notre enfance se révèle à nous, nous redevenons enfants, toutes les fois que nous inventons une idée nouvelle ou que nous cherchons à mieux dire, ou à dire pour un nouveau public sous une autre forme, ce que nous pensons depuis longtemps. […] « Les enfants conçoivent beaucoup de choses qu’ils ne savent pas nommer, et ils retiennent beaucoup de mots dont ils n’apprennent le sens que par l’usage. » Bossuet, Logique, I, 3.

134. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

C’est dans cette retraite dernière qu’il écrivit son plus agréable et son plus durable ouvrage, ses Mémoires : « C’est pour mes enfants que j’écris l’histoire de ma vie, dit-il en les commençant ; leur mère l’a voulu. » Il s’y trouve bien des choses qu’on est étonné, à la lecture, qu’il ait écrites pour ses enfants et à la sollicitation de sa femme ; mais cela forme un trait de mœurs de plus, et le ton général de bonhomie et de naturel qui règne dans l’ensemble du récit fait tout passer. […] Le petit jardin produisait presque assez de légumes pour les besoins de la maison ; l’enclos nous donnait des fruits, et nos coings, nos pommes, nos poires, confits au miel de nos abeilles, étaient, durant l’hiver, pour les enfants et pour les bonnes vieilles, les déjeuners les plus exquis. […] Marmontel, dans les livres suivants, continue d’exposer les faits avec lucidité et de peindre les personnages politiques avec intelligence et mouvement ; mais ce n’est plus le père qui parle à ses enfants, c’est l’historiographe de France qui remplit sa charge et ses derniers devoirs envers Louis XVI. […] Menacé de ruine à son tour et voyant sa fortune crouler avec l’ancien ordre de choses, il songea à s’abriter dans quelque asile champêtre pour continuer d’y vaquer à l’éducation de ses enfants. […] Il rentra dans la vie privée, écrivant jusqu’à la fin pour ses enfants des livres de grammaire, de logique, de morale, qui témoignent de la lucidité de son esprit comme de la sérénité et de la bénignité de son âme.

135. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

On ne trompe guère impunément ni les hommes ni les enfants ; et peut-être vaudrait-il mieux exagérer à ceux-ci la difficulté de leur tâche que la leur dérober. […] … Moins il y a d’opulence autour du berceau de l’enfant qui naît, mieux les parents conçoivent la nécessité de l’éducation, plus sérieusement et plus tôt l’enfant est appliqué. […] Les parents d’un enfant né dans la pauvreté obtiennent d’une réprimande peu ménagée ce que les caresses d’un père opulent, les larmes d’une mère ne pourraient obtenir d’un enfant corrompu par l’assurance d’une grande fortune. […] Lui-même ne tarde pas à pressentir d’instinct qu’il n’a rien de mieux à faire pour son bonheur que d’exceller dans la carrière qu’il suit, et qu’il a tout à espérer de ses progrès, rien de la protection ; leçon qui ne lui est que trop fréquemment et trop fortement inculquée par la vile et funeste prédilection des maîtres pour les enfants des riches et par leur utile sévérité pour les enfants des pauvres. […] Les enfants ne sont pas tous en état de marcher au même âge.

136. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Tous les bruits qui s’élèvent dans le lointain de la campagne arrivent à l’oreille à la faveur de ce silence : ce sont des chants de laboureurs, des voix d’enfants, des piaulements et des refrains d’animaux, et de temps à autre un chien qui aboie je ne sais où, et des coqs qui se répondent comme des sentinelles. […] À quelques pas de nous, il y avait un groupe d’enfants abrités contre un rocher, et paissant un troupeau répandu sur l’escarpement de la côte. […] Tous ces menus détails de la vie intime, dont l’enchaînement constitue la journée, sont pour moi autant de nuances d’un charme continu qui va se développant d’un bout de journée à l’autre : — le salut du matin qui renouvelle en quelque sorte le plaisir de la première arrivée, car la formule avec laquelle on s’aborde est à peu près la même, et d’ailleurs la séparation de la nuit imite assez bien les séparations plus longues, comme elles étant pleine de dangers et d’incertitude ; — le déjeuner, repas dans lequel on fête immédiatement le bonheur de s’être retrouvés ; — la promenade qui suit, sorte de salut et d’adoration que nous allons rendre à la nature, car à mon avis, après avoir adoré Dieu directement dans la prière du matin, il est bon d’aller plier un genou devant cette puissance mystérieuse qu’il a livrée aux adorations secrètes de quelques hommes ; — notre rentrée et notre clôture dans une chambre toute lambrissée à l’antique, donnant sur la mer, inaccessible au bruit du ménage ; en un mot, vrai sanctuaire de travail ; — le dîner qui s’annonce non par le son de la cloche qui sent trop le collège ou la grande maison, mais par une voix douce qui nous appelle d’en bas ; la gaieté, les vives plaisanteries, les conversations brisées en mille pièces qui flottent sans cesse sur la table durant ce repas : le feu pétillant de branches sèches autour duquel nous pressons nos chaises après ce signe de croix qui porte au ciel nos actions de grâces ; les douces choses qui se disent à la chaleur, du feu qui bruit tandis que nous causons ; — et, s’il fait soleil, la promenade au bord de la mer qui voit venir à elle une mère portant son enfant dans ses bras, le père de cet enfant et un étranger, ces deux-ci un bâton à la main ; les petites lèvres de la petite fille qui parle en même temps que les flots, quelquefois les larmes qu’elle verse, et les cris de la douleur enfantine sur le rivage de la mer ; nos pensées à nous, en voyant la mère et l’enfant qui se sourient ou l’enfant qui pleure et la mère qui lâche de l’apaiser avec la douceur de ses caresses et de sa voix, et l’océan qui va toujours roulant son train de vagues et de bruits ; les branches mortes que nous coupons dans le taillis pour nous allumer au retour un feu vif et prompt ; ce petit travail de bûcheron qui nous rapproche de la nature par un contact immédiat et me rappelle l’ardeur de M.  […] Cependant ces joies de la famille, trop senties par un cœur à qui il n’était point donné de les goûter pour son propre compte, l’attendrissaient trop ; il en était venu, il nous le dit, à pleurer pour un rien, « comme il arrive aux petits enfants et aux vieillards ». […] La rumeur générale s’éteint, et l’on n’entend guère venir de clameurs que des bourgs et des hameaux, où il y a, jusque bien avant dans la nuit, des enfants qui crient et des chiens qui aboient.

137. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

C’est lui qui vient conter aux deux enfants que, pas plus tard qu’aujourd’hui, environ midi, il a vu l’Amour dans son jardin, un jeune garçonnet s’amusant à cueillir des fruits et qui ne se laissait pas attraper, sautant, voltigeant de branche en branche comme un oiseau. […] Ce joli livre est tout un hymne à l’Amour enfant. […] Ce style enfant du vieux traducteur sauve et corrige, sans en avoir l’air, toutes ces nudités, ces indécences innocentes et ignorantes d’elles-mêmes. […] Tout cela est de la plus grande beauté… » J’abrège encore ; le noble vieillard resté Grec, et redevenu enfant, se complaisait évidemment, une dernière fois, à se reposer par l’imagination sur des cadres heureux et des fronts ingénus, doués de la seule pureté naturelle. […] Il a interposé entre ses deux enfants cette création charmante et douloureuse, la pudeur.

138. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Une dame faisait un jour reproche à Sterne des nudités qui se trouvent dans son Tristram Shandy ; au même moment, un enfant de trois ans jouait à terre et se montrait en toute innocence : « Voyez ! dit Sterne, mon livre, c’est cet enfant de trois ans qui se roule sur le tapis. » Mais, avec Rabelais, l’enfant a grandi ; c’est un homme, c’est un moine, c’est un géant, c’est Gargantua, Pantagruel ou pour le moins Panurge, et il continue de ne rien cacher. […] On met Gargantua en présence du jeune Eudémon, enfant de douze ans, qui s’adresse à lui avec bonne grâce, avec politesse, avec une noble pudeur qui ne nuit pas à l’aisance. […] Semblables aux enfants, les peuples rirent et se rassurèrent. […] Un philosophe du xviiie  siècle, plus sensé que Jean-Jacques (Galiani), recommande deux points avant tout dans l’éducation : apprendre aux enfants à supporter l’injustice ; leur apprendre à supporter l’ennui.

139. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Que l’économie politique, les articles scientifiques, la chronique mondaine, les pages d’histoire où de mémoires ne conviennent pas à leurs enfants, ces abonnés l’admettent ou plutôt le concèdent. […] » Et, en somme, le roman pour toutes les mains ne séjournera que dans les petites mains de quinze à dix-huit ans, qui ont cessé d’habiller des poupées et qui ne bercent pas encore des enfants. […] Et, par là, son devoir est tout autre que celui des parents, qui est de préserver l’enfant de la vue du mal. […] Qu’on n’aille pas la restreindre, sous prétexte que des enfants de quinze ans liront peut-être ses œuvres ! […] Comment ne pas voir, au contraire, l’exubérance du cadre chez Chateaubriand et chez les romantiques, ses enfants ?

140. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

C’était la coutume que les accusés eussent recours aux prières et aux larmes ; ils faisaient paraître leurs enfants, leurs proches et leurs amis, pour obtenir par la compassion ce qu’ils n’auraient pas toujours obtenu par la justice. […] Regardez mon âge ; je ne tiens presque plus à la vie, et déjà je touchais à ma tombe. » Socrate continue ; il parle tranquillement à ses juges ; il peint le plaisir qu’il aura de converser, dans un autre univers, avec les grands hommes de tous les temps, avec ceux qui ont été, comme lui, les victimes d’un jugement injuste, et il fait des vœux pour que ses enfants meurent un jour comme leur père, s’ils ont le bonheur d’importuner aussi les Anitus par leur vertu. […] tu entendrais souvent des discours qui te feraient rougir… Est-ce pour tes enfants que tu voudrais vivre ? Tes enfants ! […] Socrate, laisse-toi persuader, et ne préfère ni tes enfants, ni ta vie, ni rien même à la justice. » Criton cède ; il admire Socrate qui finit par lui dire : « Marchons par où Dieu nous conduit. » Le troisième discours, beaucoup plus connu que les deux autres, est ce Phédon si fameux qui contient le récit des derniers entretiens de la mort de Socrate ; c’est un des ouvrages les plus célèbres de l’antiquité ; c’est celui que Cicéron, comme il nous l’apprend lui-même, n’avait jamais pu lire sans verser des larmes.

141. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

le tendre poëte nous remet sur la mort de sa mère, sur ce legs de sensibilité douloureuse qui lui vient d’elle, et qui, d’abord obscur, puis trop tôt révélé, n’a cessé de posséder son cœur : Comme le rossignol, qui meurt de mélodie, Souffle sur son enfant sa tendre maladie, Morte d’aimer, ma mère, à son regard d’adieu Me raconta son âme et me souffla son Dieu Triste de me quitter, cette mère charmante, Me léguant à regret la flamme qui tourmente, Jeune, à son jeune enfant tendit longtemps sa main, Comme pour le sauver par le même chemin. Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais. […] Sapho devait avoir de ces cris-là ; ou plutôt on sent que cette enfant de Douai, cette fille de la Flandre, y a puisé en naissant des étincelles de la flamme espagnole, en même temps qu’elle ne cesse de croire à la madone comme la Religieuse portugaise. […] Veux-tu recommencer la vie, Femme, dont le front va pâlir ; Veux-tu l’enfance, encor suivie D’anges enfants pour l’embellir ?

142. (1893) Alfred de Musset

mon enfant, mon enfant ! […] Notre amitié est consacrée, mon enfant. […] Ô enfants ! toujours enfants !  […] C’étaient presque tous des enfants.

143. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VI. La Mère. — Andromaque. »

Le culte de la Vierge et l’amour de Jésus-Christ pour les enfants prouvent assez que l’esprit du christianisme a une tendre sympathie avec le génie des mères. […] Il n’y a que le Dieu de l’Évangile qui ait osé nommer sans rougir les petits enfants 20 (parvuli), et qui les ait offerts en exemple aux hommes : « Et accipiens puerum, statuit eum in medio eorum : quem cùm complexus esset, ait illis : « Quisquis unum ex hujusmodi pueris receperit in nomine meo, me recipit. »   Et ayant pris un petit enfant, il l’assit au milieu d’eux, et l’ayant embrassé, il leur dit : Quiconque reçoit en mon nom un petit enfant me reçoit21.

144. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VII. Des Saints. »

Pour nous, qui à la vérité ne sommes pas poète, il nous semble que ces enfants de la vision feraient d’assez beaux groupes sur les nuées : nous les peindrions avec une tête flamboyante ; une barbe argentée descendrait sur leur poitrine immortelle, et l’esprit divin éclaterait dans leurs regards. […] Abraham, Isaac, Jacob, Rebecca, et vous tous, enfants de l’Orient, rois, patriarches, aïeux de Jésus-Christ, chantez l’antique alliance de Dieu et des hommes ! […] Elle tient son enfant dans les bras, et calme les flots par un sourire : charmante religion, qui oppose à ce que la nature a de plus terrible, ce que le ciel a de plus doux ! aux tempêtes de l’Océan, un petit enfant et une tendre mère !

145. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Il a donc voulu que cette bonne Paméla restât seule avec l’enfant. […] dit-il, pour un enfant qu’on lui vole, la Nation n’en mourra pas !  […] Votre neveu a secrètement, à Paris, une maîtresse et un enfant. […] Et puis, j’aurai peut-être des enfants… D’ailleurs mon mariage facilitera celui de Dorothée. […] Pendant que la compagnie se promène sur le lac, Lia est restée à garder les enfants.

146. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

La petite bimbeloterie fabriquée de deux morceaux de bambou représentait des jeux d’enfants gravés en noir sur le jaune fauve du bois, des jeux d’enfants n’ayant rien de bien remarquable, mais le bibelot avait pour moi l’intérêt d’un objet usuel, ancien, et j’étais confirmé dans cette supposition par une longue inscription gravée sous le petit seau, et par un raccommodage, — un de ces raccommodages naïfs et francs, ainsi qu’on a l’habitude de les faire, là-bas, aux objets d’une certaine valeur. […] Le seul parti qu’il eût à prendre, était de lui donner une lettre de divorce, et de l’envoyer avec ses plus jeunes enfants chez son père, lequel comprendrait, il en était certain, la véritable raison qui le poussait à agir ainsi et donnerait à la pauvre femme consolation et conseil. À ce moment, il entendit la voix de ses enfants, et sa femme qui leur disait très bas : — « Ne faites pas de bruit, mes petits ; votre papa n’est pas bien, vous le dérangeriez. […] Je vous accorderai la permission de vous charger de nos deux plus jeunes enfants. […] Ils égorgent les samouraïs de Kotsuké, dans l’effarement grotesque de grosses femmes, se sauvant chargées d’enfants.

147. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Ma bouche a bu le vin de toutes les ivresses, Les femmes ont pour moi déserté leur enfant ! […] J’ai couru pour trouver mon rivage À tous les vents du ciel. — À mon dernier voyage Je suis encore Œdipe appelant dans la nuit Antigone, l’enfant dont la main le conduit ! […] Et quel nom aura-t-il, Seigneur, Votre enfant, l’enfant de Marie ? […] Il naîtra sur un lit de chaume, Et celle qui l’aura porté, Ce roi du céleste royaume, Gardera sa virginité ; Car à travers sa chaste mère Passera l’enfant radieux, Trait raphaëlesque ! […] Et celui que servent les anges, Qui tient le monde sur son doigt, Était là, tout transi de froid, Comme un pauvre enfant dans ses langes.

148. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

mon enfant ! […] mon pauvre enfant ! […] — Combien d’enfants ? […] Oui. — Combien d’enfants ? […] Cet enfant délire.

149. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Or, Ernest est amoureux de sa cousine, laquelle aime sans doute son cousin, mais l’aime un peu comme une mère et le traite volontiers comme un enfant. […] Ernest s’était glissé dans cette chambre comme un enfant : il en sort déjà homme. […] Le Régent la convoita, et, malgré l’officieuse entremise de Mme de Ferriol, il échoua contre la vertu de Mlle Aïssé ; car c’était d’une enfant que M. de Ferriol avait abusé, et il n’avait en rien flétri la délicatesse et la virginité de ce tendre cœur. […] Elle eut de lui une tille dont elle put accoucher secrètement, grâce à lady Bolingbroke, et cette dame plaça ensuite l’enfant à un couvent de Sens comme sa nièce. […] Il croit qu’à force de libéralités il rachètera la vie de son unique amie, et il donne à toute la maison, jusqu’à la vache, à qui il a acheté du foin : « Il donne à l’un de quoi faire apprendre un métier à son enfant ; à l’autre, pour avoir des palatines et des rubans ; à tout ce qui se rencontre et se présente devant lui : cela vise quasi à la folie. » Sublime folie en effet, folie surtout, puisqu’elle dura, et que l’existence entière du chevalier fut consacrée au souvenir de la défunte et à l’établissement de l’enfant qu’il avait eu d’elle !

150. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Enfant de l’Hérault, je tiens à l’honneur et à la gloire de mon pays ! […] C’est ainsi que Jasmin répondait à la fois comme un enfant de la nature, et comme eût fait un élève de Théocrite et d’Horace. […] Seulement les enfants, qui de rien n’ont pitié, qui rient de tout ce qui est, triste, lui criaient : « Marthe, un soldat !  […] que tu es enfant ! […] Pauvre enfant orphelin, ou, qui pis est, enfant trouvé, il s’est imaginé que sa mère enfin s’était fait connaître.

151. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Ceux de ses enfants que j’ai connus par elle avaient une empreinte de son énergie : Romains, Corses, Toscans, natures granitiques. […] Charmante créature qui mourait enfant ! […] Il en est de même de tous les costumes d’hommes, de femmes, d’enfants, de pêcheurs, de bergers, de laboureurs, de mendiants, dans les tableaux de Léopold Robert. […] Devant lui, deux petits enfants, dont il est l’aïeul vont faire leur première campagne sur les flots. […] Son regard est attaché sur le mari et sur les enfants.

152. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Mes enfants périssent l’un après l’autre. […] Enfants des pays lointains, vous avez fui !  […] Ne parle plus de Comhal, enfant de Clutha ! […] Enfants des bois, évitez sa rencontre ! […] mes enfants, n’auriez-vous point pitié d’Armin ?

153. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

« À mon réveil, au premier crépuscule du jour naissant, j’entendis mes petits enfants, qui étaient enfermés avec moi, pleurer en dormant et me demander du pain. […] « Et moi j’entendis fermer et sceller pour jamais, à l’étage inférieur de la tour, la seule porte par laquelle on y pénétrait, d’où je regardai au visage mes pauvres petits enfants sans révéler d’un mot mon angoisse. […] Ils sont dans ce regard effaré et énigmatique que le père attache sur ses pauvres enfants à ce bruit qui renferme cinq condamnations à une mort lente. […] Ni le père ni les enfants ne la rappellent, de peur de s’entre-déchirer par ce souvenir. […] C’est la veuve et ce sont les deux derniers enfants d’un pauvre carrier de marbre de ces montagnes, écrasé trois ans avant par la chute d’un des blocs qu’il détachait de la carrière.

154. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 3, que l’impulsion du génie détermine à être peintre ou poëte, ceux qui l’ont apporté en naissant » pp. 25-34

Tout devient palettes et pinceaux entre les mains d’un enfant doüé du génie de la peinture. […] Lanfranc étoit un enfant trouvé, à qui son génie enseigna la peinture, à peu près comme le génie de M.  […] Il y a même quelque chose de plus : ceux qui prennent soin de l’éducation d’un enfant de seize ans, tâchent toûjours, et l’on sçait bien pourquoi, de le détourner de la poësie, dès qu’il témoigne un peu trop de goût pour les vers. […] Il traçoit sur la terre des figures avec sa houlette, quand il se rencontra une personne qui fit attention sur les amusemens de cet enfant, et qui se chargea de lui procurer une éducation plus convenable à ses talens que celle qu’il recevoit du païsan qui le nourrissoit. […] Mais il se trouva que le génie seul de cet enfant n’avoit pas laissé de le mener jusques à l’intelligence de plusieurs propositions d’Euclide.

155. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Renan, dans la suite, a poussé sa manière, et, quant à la substance même c’est l’ouvrage d’un enfant. […] « Une vie retirée, libre, indépendante des volontés ou des caprices d’un autre, une vie d’études et de travail », voilà le but et le désir de cet enfant merveilleusement intelligent et totalement dépourvu. […] Cet enfant de vingt-trois ans et cette jeune femme sont admirables en ce que jamais, au cours du débat qu’ils ont institué sur la voie à suivre pour créer à l’un d’eux une belle vie de culture, ils n’acceptent le point de vue des avantages mondains.‌ […] C’est un enfant intelligent qui s’enivre d’amour pour la grande culture humaine. […] Renan, dans les premières années de sa majorité, a traversé une crise psychique ; il eut une de ces fortes congestions du cerveau qu’on remarque chez les enfants un peu notables, mis en présence des immenses ressources de la vie.‌

156. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Qui songe aux enfants ? […] Ils savent le prix coûteux des enfants. […] Sitôt né, l’enfant est une cause de trouble et de soucis. […] Pauvres enfants, condamnés à l’isolement et au martyre ! […] À peine remis de ces transes, l’enfant est exposé au supplice de l’internat.

157. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Vénus part à la recherche de son fils, et elle le trouve dans un des vergers de l’Olympe, jouant aux osselets avec Ganymède, deux enfants de mêmes goûts et de même âge. […] Chalciope de son côté, saisie de crainte pour ses enfants qui sont devenus suspects au roi son père, fait en ceci cause commune avec les étrangers, et a déjà songé à implorer sa sœur. […] a-t-elle entendu quelque menace d’Éétès contre Chalciope et ses enfants ?  […] puisses-tu n’en venir jamais à cette affreuse douleur pour tes enfants !  […] ajoute ingénument Médée : je l’ai juré et je suis prête à tenter pour tes enfants tout ce que je puis. » C’est alors que Chalciope répond : « Ne pourrais-tu pas (fais cela pour mes enfants) imaginer quelque ruse, un expédient quelconque, dans la grande épreuve, en faveur de cet étranger qui lui-même en a tant besoin ?

158. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Horace, qui y trempait ses pieds enfant, devait la chanter un jour comme une des plus riantes images de sa mémoire. […] Ce père avait consumé la plus grande partie de sa fortune dans l’éducation, dans les voyages, dans l’avancement militaire de son enfant. […] Malgré l’exemple de son père, il ne songea pas à se donner une épouse honnête et des enfants. […] Huit esclaves, hommes, femmes ou enfants, suffisaient sous ses lois à la culture et à l’exploitation rurale de sa petite ferme. […] Relisez-la à un autre point de vue ; vous verrez la distance entre le poète des enfants et le poète des sages.

159. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Je gage que nous le trouverons dans la corbeille de raisins sur le lit où tu l’auras laissé tomber en embrassant les enfants. […] » — « Oh oui, dîmes-nous toutes à la fois, fions-nous à sa mémoire, elle est infaillible et présente comme celle d’un enfant. […] Mais cela ressemble tout simplement à la maison de Renève où notre père instruit les quinze enfants de Mirebeau. […] Les enfants se turent sur la terrasse du couvent et nous entrâmes dans les cours occidentales du château. […] La France ne voudra pas que ses enfants périssent pour elle !

160. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Partons donc des jeux de l’enfant. […] Du pantin que l’enfant manœuvre avec une ficelle à Géronte et à Argante manipulés par Scapin, l’intervalle est facile à franchir. […] Ouvrons maintenant un livre d’images pour enfants : nous allons voir ce dispositif s’acheminer déjà vers la forme d’une scène comique. […] Tout cela ressemble bien plus qu’on ne croirait d’abord à un jeu d’enfant. […] Nous nous sommes amusés jusqu’ici à retrouver dans les jeux de l’homme certaines combinaisons mécaniques qui divertissent l’enfant.

161. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

Un soir d’hiver arrivèrent à pied, dans le village, un homme et un enfant épuisés de fatigue ; ils vinrent frapper à la porte de M.  […] Lafon-Labatut y reconnut le nom d’un ancien ami, et il partit là-dessus de Messine pour Paris, emmenant sa femme et son jeune enfant. La pauvre femme était morte de la peste en route, à Gibraltar ; le père et l’enfant, après mille traverses, exténués de misère et de besoin, arrivaient donc seuls ; ils furent reçus avec cordialité. […] L’enfant, recueilli par un curé de village, marqua de bonne heure des dispositions d’artiste ; il avait rencontré par hasard une traduction de l’Iliade, il se mit à en figurer avec de l’argile et à en charbonner sur les murailles les dieux, les déesses et les héros.

162. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

répondîmes-nous tout en larmes ; si nous cessions de prier nous aurions cessé de trembler ou d’espérer pour la vie de nos enfants, nous aurions bien plutôt cessé de vivre ! […] Le piccinino dormait déjà d’un sommeil d’enfant, dans le petit lit qu’on lui avait fait dans sa niche, à côté des gros chiens, sous les premières marches de l’escalier. […] C’est ainsi que nous entrâmes, tout tremblants de peur et de désir à la fois, dans la grande cour vide de la prison, où roucoulaient les colombes, qui semblaient pleurer comme nous et se parler d’amour comme nos deux enfants. Le bargello et sa femme avaient eu l’égard de ne pas entrer avec nous et de refermer la porte derrière nous pour ne pas assister indiscrètement au désespoir d’un oncle et d’une mère qui venaient compter les dernières heures de leur enfant et de leur neveu. […] À ce moment, je me collai seule contre la grille, et je bus des yeux le visage de ma chère enfant.

163. (1761) Salon de 1761 « Sculpture —  Challe  » pp. 161-162

Seulement il est mal que l’enfant soit aussi long que le canon. C’est une fort belle chose que le Berger Phorbas qui détache de l’arbre Œdipe enfant qui y était suspendu par les pieds. L’enfant, ou je me trompe fort, est sublime.

164. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

Or l’enfant peut, comme toute autre personne, exciter en nous ces sentiments. De plus un homme considère son enfant comme une cause, beaucoup plus certaine pour lui qu’aucune autre, de plaisirs et de douleurs. Il est pour lui un objet d’un grand intérêt, en d’autres termes, une suite d’idées intéressantes, c’est-à-dire d’idées de plaisirs ou de douleurs, s’associe avec l’enfant. […] Comme ils s’occupent peu de l’éducation de l’enfant, ils ne peuvent associer à son idée que peu d’idées de plaisirs ou de peines. […] « Les enfants attendent longtemps avant de montrer aucune sensibilité à la beauté des sons.

165. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Mon Dieu, qu’est-ce que va devenir mon enfant ? […] Vous ne savez donc pas ce que Verneuil a dit à l’autopsie : « Mes enfants, quelle grâce d’état que nous ne soyons pas intervenus !  […] Il avait assisté à la séparation d’une mère et de son enfant, et chez cette mère, la douleur s’était témoignée par un affaissement sur elle-même, coupée par un hi hi, sans qu’elle serrât dans ses bras, sans qu’elle embrassât son enfant. […] Ce qu’il y a de curieux, c’est que cette imagination avait le côté hallucinatoire de ces petits romans, que les enfants inventent, et jouent tout seuls, dans des coins noirs de chambre. […] — Un enfant qu’on ne voit jamais lire, est destiné par avance à une carrière seulement de mouvement et d’action.

166. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

L’instinct de la justice apprend à l’enfant à chérir sa mère et son père, il devient devoir ; c’est déjà l’âme qui se révèle, ce n’est plus de l’instinct seulement. L’instinct de l’amour créateur emporte l’homme et la femme l’un vers l’autre ; mais, une fois l’enfant conçu, ce même instinct, devenu paternité, porte les deux êtres générateurs à perpétuer leur union dans l’intérêt de l’enfant, ce troisième être qui les confond et les réunit par une union permanente et sainte, sanctionnée par les autres hommes et par Dieu. […] Devoir de l’époux et de l’épouse, qui, au lieu de s’accoupler comme des brutes, se lient par un lien moral ensemble pour spiritualiser leur union, souvent pénible, au bénéfice de l’enfant, né d’un instinct, mais vivant d’un devoir. Devoir du père et de la mère de protéger, d’élever, de moraliser l’enfant par un dévouement qui s’immole à sa postérité. […] Devoir de l’obéissance dans les enfants, même quand ils sont devenus, par le nombre et par la force, plus forts que le père et la mère ; devoir d’autant plus moral, d’autant plus spiritualiste, d’autant plus vertueux, qu’il est volontaire, et que la force matérielle dans les enfants se soumet plus saintement à la force spiritualiste dans le père.

167. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Nous avons bégayé ses fables tout enfants. […] Les enfants y reconnaissent les mœurs du chien qu’ils caressent, du chat dont ils abusent, de la souris dont ils ont peur ; toute la basse-cour, où ils se plaisent mieux qu’à l’école. […] Ils sont trop superbes pour goûter ce qu’enfants on leur a donné à lire. […] Il souffre nos humeurs, il joue avec la même grâce pour le vieillard que pour l’enfant. […] Recueilli par d’aimables protectrices, Mme de la Sablière d’abord, puis Mme d’Hervart, qui, pour prix du gîte offert à cet enfant de la nature, mari sans femme, père sans enfants, ne lui demandaient même pas, comme Fouquet pour sa pension, la redevance annuelle de quelques madrigaux ; lire était la seule chose qu’il eût à faire.

168. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Pour les excuser, on dit quelque chose qui les accuse, on dit : Ce n’est pas sa faute, c’est un grand enfant ! D’un homme dire qu’il est un enfant, ce n’est pas dire autre chose que ceci qu’il n’a aucune moralité, et qu’il ne s’est pas encore aperçu de ce que c’est. […] Il n’a pas eu l’amour des enfants non plus, je ne parle pas seulement de celui qu’il avait, je parle des enfants en général. Il est un peu désobligeant de voir que La Fontaine insiste sur son absence d’amour pour les enfants. […] Vous savez son fameux mot : Mais un fripon d’enfant (cet âge est sans pitié…) Etc.

169. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Une curiosité d’enfant nous fait monter dans un fiacre, nous cahotant dans des rues obscures qui n’en finissent pas. […] Ils ressemblent à leur père, comme l’enfant de la peur d’une petite fille ressemblerait à Croquemitaine. […] C’était la chambre d’un ami, d’un élève en médecine, d’un interne d’hôpital d’enfants, lequel s’était voué à des recherches remontant des enfants aux familles, un homme du plus grand avenir, mort à Montpellier à vingt-cinq ans. […] Il y a là, à côté de nous, à une table, un famille bourgeoise avec trois enfants et une petite bonne. […] avec les enfants, il faut toujours descendre à eux, bêtifier, parler nègre.

170. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Mais il est, lui, profondément désolé, parce que cela va le déranger dans ses habitudes et parce qu’il n’aura plus sa femme à lui tout seul… L’enfant vient au monde. […] Il souffre d’avoir à déclarer l’enfant à la mairie ; il trouve aux employés des airs d’inquisiteurs( !). […] L’enfant tombe malade. […] Mais l’enfant guérit. […] Aux inquiétudes qu’il a senties le père reconnaît qu’il aime son enfant.

171. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Enfants et mères. — 1889. […] Le Roman d’un enfant — 1890. […] les pauvres enfants, les pauvres enfants !  […] nous avons trop d’enfants trouvés. […] » disaient les mères aux enfants pas sages.

172. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Et, à tout moment, les carreaux tintent, et trois enfants joufflus, comme des derrières d’anges, collent leurs visages aux vitres, et, à tout moment, la porte s’ouvre et les trois enfants roulent dans les jambes de l’homme qui prépare la planche, et ressortent. […] Et vos enfants ? […] Doche montre ses doux yeux d’enfant et sa mine chiffonnée, un peu écrasée par la grande passe bleue de son chapeau. […] mes enfants ! mes enfants ! 

173. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Jusque-là, elle avait été une enfant très vive et très bruyante ; mais à cette époque (avril 1819), la nature passionnée et tout extérieure de l’enfant dut se rasseoir sous le coup de cette mort d’une mère, qui la faisait mère à son tour. […] Par une intuition de cœur devant laquelle il faut se taire, elle devina que le petit Maurice était d’une nature plus analogue à la sienne que sa sœur et son autre frère, et on la vit, tout enfant qu’elle fût, ne sachant rien d’elle-même et rien de cet autre enfant, alors l’égal des plus chétifs par les cris et les larmes, se reconnaître pourtant en lui, et l’aimer comme si elle était sa jumelle. […] La lady Augusta de Byron n’a peut-être pas entendu, dans le bruit des baisers de ses enfants, le dernier soupir de son frère. […] Un jour, ce visage qui plus tard dut connaître les larmes, Maurice enfant faillit le briser d’un coup de fusil imprudent. […] Le coup parti, la fumée évanouie, le front pâle et doux reparut, toujours le même, aux yeux de l’enfant désespéré.

174. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

L’hymne de la nuit, celle du matin et du soir, celle de l’Enfant au réveil, la Cantate pour les enfants d’une maison de charité, la Lampe du temple et quelques autres pièces encore, ont toute la sérénité et la mansuétude d’une âme fidèle, virginale, d’un cœur doux et résigné, qui croit, qui espère et qui adore. […] pour la vérité n’affectons pas de craindre ; Le souffle d’un enfant là-haut peut-il éteindre L’astre dont l’Éternel a mesuré les pas ? […] Sans nous épouvanter de nos heures funèbres, Sans nous enfler d’orgueil et sans crier ténèbres Aux enfants de la nuit. […] Au bord de quelque golfe d’Italie, à l’entrée de quelque villa dont la blancheur contraste avec les bosquets de citronniers qui l’entourent, on entend le son d’une harpe, et une voix, voix si douce que l’amour s’y devine : Le portique au soleil est ouvert : une enfant Au front pur, aux yeux bleus, y guide en triomphant Un lévrier folâtre aussi blanc que la neige, Dont le regard aimant la flatte et la protège ; De la plage voisine ils prennent le sentier Qui serpente à travers le myrte et l’églantier ; Une barque non loin, vide et légère encore, Ouvre déjà sa voile aux brises de l’aurore, Et berçant sur leurs bancs les oisifs matelots, Semble attendre son maître, et bondit sur les flots..

175. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

» II pense que l’enfant l’a devancé chez M.  […] … M. l’abbé Fulcran, toujours aussi clairvoyant, morigène son neveu en ces termes : —    Vous avez obéi, mon enfant, à un sentiment peu digne d’un chrétien. […] La Guezitte a un enfant de son premier mariage, Athénaïs, une petite fille de huit ans, que Buteau, naturellement, déteste et martyrise. […] je mettrai la table pendant ce temps-là. » Et il entre dans la chambre, où est l’armoire au linge… «     Il aperçut, sous la cheminée, une paire de petits sabots, les sabots d’Athénaïs, que l’enfant avait déposés là, en cachette, confiante dans la visite du petit Jésus. […] gueula Buteau ; je t’en vas f… moi, des étrennes, enfant de g… !

176. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Ce tableau représente, en un verger sacré, Un vieux pâtre taillant une flûte, entouré D’un beau groupe d’enfants aux têtes attentives, Qui se pressent, muets, dans des poses naïves. Et, parmi ces enfants, que l’Art déjà soumet, Un surtout, sérieux et bouclé, me charmait. Je m’étais éloigné de cette aimable toile, Et je voyais toujours l’enfant aux yeux d’étoile ; Et je me surprenais, en marchant, à songer : « Je veux dire à mes fils les leçons du berger, « Leur tailler des pipeaux, et leur faire comprendre « À quel point l’Art est doux, consolateur et tendre !  […] Or, je ne sais par quel sortilège exécrable, Dans cet homme flétri, dégradé, lamentable, Je revoyais l’enfant du tableau contemplé, Les traits purs de l’enfant sérieux et bouclé.

177. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Cette épitaphe de vaillants hommes, ni la rouille ni le temps destructeur n’en éteindra l’éclat : cette tombe a réuni la renommée des enfants de la Grèce ; Léonidas l’atteste, le roi de Sparte, qui a transmis au monde un grand exemple de vertu, une gloire impérissable. » Ailleurs, sur ce même sujet, et faisant parler les Spartiates eux-mêmes, il disait100 : « Nous, les trois cents, pour Sparte, notre patrie, engagés contre les nombreux enfants d’Inachus, à l’entrée de la Grèce, sans tourner la tête, là où nous avions une fois empreint la trace de nos pas, nous avons laissé notre vie. […] Je le croirai, par exemple, pour quelques vers qui ne me semblent que le début d’un hymne à la gloire d’Athènes : « Salut, braves105, vous qui avez remporté le grand honneur de la guerre, enfants d’Athènes, habiles cavaliers qui jadis, pour votre patrie aux belles fêtes, avez consumé votre jeunesse, en suivant un parti contraire à celui du plus grand nombre des Grecs !  […] Le flot qui passe au-dessus de ton épaisse chevelure ne te cause pas de souci, ni les bruits du vent, pendant que tu reposes dans ta robe de pourpre, cher enfant ! […] Je te le dis, dors, petit enfant ; dorme aussi la mer, dorme la calamité sans mesure !

178. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

. — Prenons d’abord parmi les sentiments affectifs l’amour des parents pour leurs enfants et réciproquement celui des frères et sœurs entre eux. […] Cet amour des enfants est susceptible de s’atténuer sous l’influence de certaines considérations. […] Le lionceau (Le lionceau et l’enfant) tue sa mère pour venger celle de son camarade que la lionne a dévorée. […] De marâtre à enfants d’un premier lit il ne saurait y avoir d’affection. […] Après la mort de celle-ci, c’est sur les enfants de la co-épouse qu’elle se venge (v. les contes de marâtre cités plus haut).

179. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Dieu a traité ainsi paternellement l’homme en enfant à qui on accorde un délassement après le travail. […] Il me prenait pour un rigoriste qui n’aurait pas daigné s’humaniser avec un enfant du siècle ; il se trompait bien. […] Nous disons innocente, car un enfant n’est jamais coupable, et sous les premiers cheveux blancs Henri Heine est mort enfant ! […] Il n’y avait en lui de solide que ce qu’on entend par l’honnête homme : tout le reste était d’un enfant ; ses fautes même dont on a trop parlé n’étaient que des enfantillages. […] Dante l’aurait placé dans les limbes, comme les enfants dont ses faiblesses mêmes avaient l’innocence.

180. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Il fait peur, il fait pitié : il pleure comme un enfant, il rugit comme un lion. […] On croit trop, en lisant cet estimable écrivain à la Louis XVI, que le duc de Bourgogne n’était sujet qu’à des accès de colère comme en ont tant d’autres enfants : il a fallu, pour nous en faire distinguer l’accent tout féroce et en déterminer le caractère néronien, que parût au jour le moraliste de génie et le peintre incomparable. […] Il est manifeste que c’est le même enfant, car on reconnaît d’abord le même air de tête ; mais il n’a autour de lui que des masques grotesques et hideux, des reptiles venimeux, comme des vipères et des serpents, des insectes, des hiboux, enfin des harpies sales, qui répandent de l’ordure de tous côtés, et qui déchirent tout avec leurs ongles crochus. Il y a une troupe de Satyres impudents et moqueurs, qui font les postures les plus bizarres, qui rient, et qui montrent du doigt la queue d’un poisson monstrueux, par où finit le corps de ce bel enfant. […] mais je te prédis qu’un jour on verra un enfant qui les traduira en sa langue et qui partagera avec toi la gloire d’avoir chanté les abeilles. » L’éloge, et ici la flatterie même (car on ne peut l’appeler autrement), arrive à l’improviste dans une parole de colère.

181. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Dans son Roméo et Juliette, par exemple, comme si la matière de Shakespeare ne lui suffisait pas, il trouvait moyen de faire entrer le célèbre épisode de Dante, où l’on voit Ugolin enfermé dans sa tour et réduit (selon l’interprétation qui prévalait alors) à dévorer ses enfants. […] Montaigu répond : « Il n’avait point d’enfants ! […] Quand mes cheveux étaient prêts à blanchir, la mienne, avec un sentiment de douce compassion, voyant mes distractions nombreuses, l’indépendance de mes goûts, mon incapacité absolue pour les affaires et la fortune, me disait (c’était son mot) : « Mon enfant ! mon pauvre enfant ! […] Et vous, mon ami, vous regardez le berceau de votre petit enfant, et sa mère et sa grand-mère, et vos deux aînés Paul et Virginie : votre cœur s’attendrit et jouit.

182. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Mais c’est par amour pour les hommes que j’ai fait des romans, comme c’est par amour pour mes enfants que j’ai fait des comédies ! […] Mais on donne le fouet aux enfants pour leur apprendre qu’ils ont mal fait. […] Cet autre encore (ses Comédies) pour ses enfants, et ainsi de tous ses ouvrages ! […] Mme Sand y met la main sur son cœur, comme Louis-Philippe, et comme Léopold à son balcon, y prit un jour ses enfants dans ses bras. […] Confidences, déclarations de simplicité, main sur le cœur, enfants dans les bras, tout cela c’est la vérité de la dernière heure.

183. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

— Ont-ils des enfants ? […] L’enfant qui était couché dans le berceau respirait péniblement. […] L’enfant se réveilla et se mit à crier. […] Que tout périsse à la fois… femme, enfants ! […] Je marchais en silence, lorsque la voix perçante d’un enfant s’éleva dans le lointain

184. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

C’était un enfant par l’esprit et par la faiblesse plus encore que par l’âge. […] La reine, consternée de l’impuissance de ses charmes, de sa parole et de son rang, sur ce cœur cuirassé de fanatisme, pleura comme un enfant devant le sectaire. […] Darnley, dévoré à la fois de honte et de jalousie, supportait tout comme un enfant qui rêve la vengeance, mais qui n’a pas la force de l’accomplir. […] Marie, lui montrant son ventre : « Tirez, dit-elle, si vous ne respectez pas l’enfant que je porte. » La table fut renversée dans le tumulte. […] Ses émotions furent si profondes, que l’enfant qu’elle portait, qui fut depuis Jacques Ier ne put jamais voir une épée nue sans un tressaillement d’effroi.

185. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

« Ton enfant est bien beau pour un fils d’aristocrate », disait un jour un représentant du peuple à sa mère. […] Ce régime, dit-il, me réussissait à merveille, et j’étais alors un des plus beaux enfants qui aient jamais foulé de leurs pieds nus les pierres de nos montagnes, où la race humaine est cependant si saine et si belle. […] Le monde l’a traité d’abord comme l’avait traité sa famille : il avait été l’enfant gâté de sa mère, il le devint de la France et de la jeunesse. […] « On comprend, dit M. de Lamartine, rien qu’à voir ce portrait, toute la passion qu’une telle femme dut inspirer à mon père, et toute la piété que plus tard elle devait inspirer à ses enfants. » Oui, l’on comprend la passion, mais non la piété. […] Racontant l’emprisonnement de son père pendant la Terreur, M. de Lamartine nous fait assister à des scènes tant soit peu romanesques, et qu’il me permettra de ne croire qu’avec réserve ; car il était trop enfant pour les remarquer alors, et aucun des deux acteurs n’a dû certainement les lui apprendre avec le détail qu’il nous donne aujourd’hui.

186. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

L’enfant fut tué net, la mère survécut. […] cette fois, il ne faut pas que l’enfant meure !  […] Elle a un enfant. […] Paris est artiste, Paris est enfant. […] Sa mère enterre l’enfant mort-né dans un coin du jardin.

187. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Elle était à demi assise sur un tronc d’arbre que les enfants des chaumières voisines avaient roulé là pour les étrangers ; son bras, admirable de forme et de blancheur, était accoudé sur le parapet. […] Cette gloire posthume et désintéressée, goûtée dans la personne de son enfant, est peut-être la plus touchante de toutes les faiblesses. […] Je me souviens de l’avoir vue un matin d’une nuit sans sommeil, pendant laquelle elle avait veillé à côté du berceau d’un enfant malade de la comtesse O’Donnel, sa sœur. […] Car l’enfant de ta sœur dormait dans son berceau, Et ton pied suspendu le berçait en silence             Sous son mobile arceau. […] Elle pleurait les enfants qu’elle n’avait pas eus.

188. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Au reste, l’esprit de tout l’Évangile de saint Jean est renfermé dans cette maxime qu’il allait répétant dans sa vieillesse : cet apôtre, rempli de jours et de bonnes œuvres, ne pouvant plus faire de longs discours au nouveau peuple qu’il avait enfanté à Jésus-Christ, se contentait de lui dire : Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres. […] « Ils étaient tous deux justes devant Dieu… Ils n’avaient point d’enfants, parce que Élisabeth était stérile, et qu’ils étaient tous deux avancés en âge. » Zacharie offre un sacrifice ; un ange lui apparaît debout à côté de l’autel des parfums . Il lui prédit qu’il aura un fils, et que ce fils s’appellera Jean, qu’il sera le précurseur du Messie, et qu’il réunira le cœur des pères et des enfants . […] le Seigneur est avec vous. » Marie s’en va dans les montagnes de Judée  ; elle rencontre Élisabeth, et l’enfant que celle-ci portait dans son sein tressaille à la voix de la vierge qui devait mettre au jour le Sauveur du monde. […] « Car, lorsque vous m’avez saluée, votre voix n’a pas plus tôt frappé mon oreille, que mon enfant a tressailli de joie dans mon sein. » Marie entonne alors le magnifique cantique : « Ô mon âme, glorifie le Seigneur ! 

189. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Le Racine fils du romantisme, plus heureux que l’autre, qui n’osa pas toucher aux tragédies, est arrivé au bruit par le drame, comme son père… Cela parut naturel et presque juste… En fait de théâtre, Alexandre Dumas fils est tellement né là-dedans, il est tellement l’enfant de cette balle, et le théâtre de ces derniers temps doit tant à son père, que ce théâtre semblait comme tenu de le faire réussir… Il n’y a pas manqué. […] D’un autre côté, la Critique pourrait admettre encore que si Alexandre Dumas fils n’avait pas cette puissance de détails qu’ont les grands inventeurs dans l’ordre du roman comme Balzac, il était bien capable — lui qui passe pour l’esprit le plus dramatique de notre temps quand il s’agit de mettre en œuvre une idée quelconque, lui qui fait de l’arrangement d’un drame une espèce de création, lui, enfin, l’orthopédiste dramatique qui redresse les enfants mal venus, mal bâtis, bossus ou bancroches, et qui dernièrement a failli faire de ce talent-là une industrie, — de tailler quelque chose de grand, de profond et de nouveau, dans l’idée commune de son roman que lui ont soufflée ses habitudes de théâtre, et de se rattraper de son impuissance radicale de romancier sur son habileté de grand poète dramatique, puisqu’on dit qu’il l’est ? […] Est-ce un caractère que cette mère de Pierre Clémenceau, qui sait la femme de son enfant infidèle avec des circonstances d’infidélité et d’infamie exceptionnelles, qui n’intervient pas entre le mari outragé et la femme outrageante, et qui meurt sans dire une seule fois à son fils qu’elle adore : « Tu es trahi ! […] La question de la bâtardise, la possession d’état de l’enfant naturel, la position que doit faire la législation à la fille-mère, toutes ces questions sont touchées dans L’Affaire Clémenceau avec une curiosité enfantino-frémissante ; et, quoiqu’elles n’y soient pas résolues, quoiqu’elles n’y soient agitées que comme l’enfant agite la boîte où il a mis des scarabées et qu’il colle contre son oreille pour les entendre qui remuent, on sent que la partie de son livre que Dumas fils estime davantage, c’est le remuement de ces questions… Du reste, ce côté inattendu et révélé dans le nouveau roman d’Alexandre Dumas fils ne l’a pas empêché cependant de rester parfaitement le fils de son père, même à propos de cette question du bâtard qui s’étend sous les pieds de tout dans son livre, et qui en est comme le sous-sol.

190. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Chateaubriand l’a déjà surnommé enfant sublime. […] Un rayon oblique de soleil pénétrait dans la ruche ; une mère, grave, triste, affairée, y faisait réciter des devoirs à des enfants de différents âges : c’étaient ses fils. […] Ce n’est pas à l’enfant sublime de Chateaubriand de donner le signal du rire aux hommes qui rient du malheur et de l’infirmité du vieillard. […] Vous ne voulez pas que le père et la mère malades, chargés de trop d’enfants en bas âge, et retenus par la maladie dans leur grenier, voient périr sans soins, sans lait, sans pain, sans feu, sans asile, les fruits de leur union abandonnés au hasard. […] Les deux enfants grandissent en s’aimant, sans savoir ce que c’est que l’amour.

191. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Tous les objets leur apparaissent sous un jour faux ; on dirait des enfants qui, à chaque tournant du chemin, voient dans un arbre, dans un buisson, un spectre épouvantable. […] Au-dessous de seize ans, les enfants iront à l’hôpital. « Un mendiant qui s’est exposé à être arrêté par la maréchaussée, dit la circulaire, ne doit être relâché qu’avec la plus grande certitude qu’il ne mendiera plus ; on ne s’y déterminera donc que dans le cas où des personnes dignes de foi et solvables répondraient du mendiant, s’engageraient à lui donner de l’occupation ou à le nourrir, et indiqueraient les moyens qu’elles ont pour l’empêcher de mendier. » Tout cela fourni, il faut encore, par surcroît, l’autorisation spéciale de l’intendant. […] J’ai vu dans le dépôt de Rennes plusieurs maris arrêtés sur la seule dénonciation de leurs femmes, et autant de femmes sur celle de leurs maris ; plusieurs enfants du premier lit à la sollicitation de leur belle-mère ; beaucoup de servantes grosses des œuvres du maître qu’elles servaient, enfermées sur sa dénonciation, et des filles dans le même cas, sur la dénonciation de leur séducteur ; des enfants sur la dénonciation de leur père, et des pères sur la dénonciation de leurs enfants : tous sans la moindre preuve de vagabondage et de mendicité… Il n’existe pas un seul jugement prévôtal qui ait rendu la liberté aux détenus, malgré le nombre infini de ceux qui ont été arrêtés injustement. » — Supposons qu’un intendant humain, comme celui-ci, les élargisse : les voilà sur le pavé, mendiants par la faute de la loi qui poursuit la mendicité et qui ajoute aux misérables qu’elle poursuit les misérables qu’elle fait, aigris de plus, gâtés de corps et d’âme. « Il arrive presque toujours, dit encore l’intendant, que les détenus, arrêtés à vingt-cinq ou trente lieues du dépôt, n’y sont renfermés que trois ou quatre mois après leur arrestation, et quelquefois plus longtemps. […] Cent victimes expirent par an sous les roues des voitures. » — « Un pauvre enfant, dit Arthur Young, a été écrasé sous nos yeux et plusieurs fois j’ai été couvert de la tête aux pieds par l’eau du ruisseau. […] La populace, délivrée du frein auquel elle est accoutumée, s’abandonnerait à des violences d’autant plus cruelles qu’elle ne saurait elle-même où s’arrêter… Tant que le pain de Gonesse ne manquera pas, la commotion ne sera pas générale ; il faut que la halle779 y soit intéressée, sinon les femmes demeureront calmes… Mais si le pain de Gonesse venait à manquer pendant deux marchés de suite, le soulèvement serait universel, et il est impossible de calculer à quoi se porterait cette grande multitude aux abois, qui voudrait se délivrer de la famine, elle et ses enfants. » — En 1789, le pain manque à Gonesse et dans toute la France.

192. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Allez en France, allez en Flandre, en Allemagne ou en Suède, priez la vieille qui tricote ou la jeune fille qui bêche de vous chanter « l’histoire de l’amoureux qui se noya en nageant vers sa belle, l’histoire où il y a une tour et dans la tour un flambeau  » : si elle daigne ou si elle ose, la vieille ou la jeune vous chantera, version flamande214 : « Ils étaient deux enfants de roi, ils s’aimaient si tendrement. […] « Ô fille, ma fille chérie, seule tu n’iras point là, mais éveille ta jeune sœur, qu’elle aille se promener avec toi. — Ô mère, ma jeune sœur est encore une si jeune enfant, elle cueille toutes les fleurs qu’elle trouve sur le chemin. […] Alors, les gens se plaignent et disent : voilà ce qu’ont fait les enfants du roi ! […] « Ô mère, mon jeune frère est encore un si jeune enfant ! […] Celui de ma mie, le mien, Celui de l’enfant qu’elle porte, Ô beau rossignolet, Celui de ma mie, le mien, Celui de l’enfant qu’elle porte.

193. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Enfants, jouissez tous de vos douces folies… ! […] Et ses enfants aussi, Elie et Rachel, l’ont perdue. […] Ce sont deux jolis et tendres enfants, en proie, — qui dira pourquoi ? […] Il avise les enfants qui sont là, et dit : Laissez venir à moi jusqu’aux petits enfants. […] Mais, depuis l’effroyable jour, la pauvre enfant est folle, et ne parle plus.

194. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Nulle églogue ne respire davantage la félicité de la campagne, l’abandon et la joie facile ; il s’y mêle la plus naïve rougeur d’enfant et les premiers troubles de la pudeur. […] Cela ressemble trop à une parodie moqueuse, de voir le pâtre colossal le prendre sur ce ton et faire l’enfant, comme l’Amour piqué qui s’en viendrait bouder sa mère. […] Il y a là un enfant terrible qui entend tout et qui pourra bien tout redire. […] Il semble que le contemporain d’Hiéron et de Ptolémée, l’hôte d’Alexandrie et l’enfant de Syracuse, malgré tous ces noms qui brillent à distance, a souvent lui-même habité dans l’ingrate bourgade. […] II), l’endroit où le bon Philétas montre aux beaux enfants tout l’artifice du syrinx.

195. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Je ne sais comment font les femmes dont c’est la vie habituelle ; elles n’ont donc ni famille à entretenir, ni enfants à élever ?  […] Des époux qui ne vivent pas ensemble ne vivent guère avec leurs enfants, et les causes qui ont défait le mariage défont aussi la famille  Il y a d’abord la tradition aristocratique qui, entre les parents et les enfants, met une barrière pour mettre une distance. […] Pour les hommes et les femmes ce sera plus tard la grande affaire ; c’est pourquoi c’est déjà la grande affaire pour les enfants. […] C’est celui des enfants qui, tout le long du jour, auteurs, acteurs, spectateurs, improvisent et représentent de petites scènes. C’est celui des peuples que leur régime politique exclut des soucis virils et qui jouent avec la vie à la façon des enfants.

196. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Je vais vous répondre, non pas en théologien, mais en enfant, car l’enfant en sait autant que le théologien sur ce que personne ne peut savoir. […] On entendait du dehors le grincement de l’outil qui façonnait l’acier dans les mains du père de famille ou des enfants du châlet. […] Rousseau, les Études de la Nature de Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, et quelques alphabets en grosses lettres pour enseigner à lire et à écrire aux enfants quand ils seraient d’âge. […] Décidément la nature sincère et grave de l’enfant du Jura se refuse à cet effort impossible. […] Une enfant de huit à dix ans, sa fille, rêve aux sons de la guitare, la tête penchée sur les genoux de sa mère.

197. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Imaginez un enfant qui vient de souffler une grosse bulle. […] Mon enfant, lui dit la comtesse, il y a longtems que je te dois, je le scais. […] Je verrois un des enfants qui feroit le guet à la porte. […] C’est un enfant de bois ; il ignore le sentiment de la nature. […] Et cet enfant qui attache le rideau ?

198. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Cet enfant était roi de l’ancien régime, vous l’auriez fait roi du nouveau siècle. […] Dieu, mes enfants, vous donne un beau trépas ! […] Pauvres enfants ! […] Par un hasard que j’étais loin de prévoir la veille, c’est moi qui reçus l’enfant sur mes bras ; mais l’enfant était mort ! […] Garde dans ta mémoire et transmets à celle de tes enfants ce beau mouvement de ton cœur national.

199. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Nous avons envoyé en carrosse l’enfant et la nourrice jusqu’au Bourget, pour leur épargner le pavé dans un coche. […] Elle vous supplie de bien examiner la nourrice à son arrivée, et, si son lait n’est pas suffisant, de lui retirer sur-le-champ notre enfant et de le donner à cette autre dont vous aviez parlé. L’enfant est de grande vie et tette beaucoup. […] Enfin, Monsieur, souvenez-vous que c’est en votre seule considération et à celle de ma sœur que nous envoyons cet enfant à la campagne. […] J’ai payé six francs au coche pour la nourrice et pour l’enfant.

200. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Mais ce n’est qu’une enfant. […] Les enfants naissent religieux, M.  […] Les enfants en voient partout. […] Les enfants la recommencent. […] L’enfant lui communique des gestes et des attitudes, l’enfant la fait agir et il parle pour elle.

201. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Sa Jobbie, par exemple, est une jolie et svelte Écossaise, qu’on dirait la sœur d’Ariel : on la croit légère, elle ne l’est pas ; on la croit une enfant, mais elle a vu passer le noble et beau seigneur, elle se l’est choisi tout bas, et lorsqu’il se marie à la fière Lucy, au sortir de cette noce à laquelle elle a assisté parée et comme riante, elle arrache les fleurs de sa tête, et cache sous ses mains sa pâleur de statue ; mais nul ne saura jamais son secret : Oui, qu’on te croie heureuse, ô ma Jobbie ! […] Il ne faut pas laisser lire notre douleur Par les indifférents dont le regard épie Tout ce qui sert de proie à leur sarcasme impie : Si jeune, ô mon enfant, tu l’as compris déjà ! […] va te montrer éblouissante et folle : Femme, garde ton voile ; enfant, ton auréole. […] Combien prendraient ta peine, enfant, contre les leurs !

202. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Il y avait quatre enfants en bas âge ; elle était l’aînée, et elle se dit que c’était à elle de faire l’office de chef de famille, de s’occuper de ses frère et sœurs, de es élever : elle le fit si bien et avec tant de suite, que bientôt elle n’était connue dans le quartier que sous le nom de la petite mère. « Chacun était émerveillé de voir cette enfant en élever d’autres, et s’improviser mère à l’âge ou l’on est à peine une jeune fille. » La baronne Pasquier, épouse de notre illustre et respecté confrère, laquelle demeurait alors rue d’Anjou, eut l’idée de recourir à la jeune fille pour les bonnes œuvres qu’elle pratiquait. […] Un jour Mme Navier, qui s’était fort fatiguée à soigner un enfant malade appartenant à une famille pauvre, vit entrer chez elle l’archevêque, M.  […] Scheffer étonné appela dans son atelier l'enfant qui marquait ces heureuses dispositions, lui dit de revenir tous les jours et en fit un peintre de mérite, qui tient aussi de la bonté de sa mère. […] Les lois ou décrets, qui s’étaient succédé depuis le point de départ du 19 juillet 1793 jusqu’à la dernière loi du 8 avril 1854, avaient porté de dix ans à vingt, puis à trente, le droit des enfants des auteurs, à dater de la mort de l’auteur ou de sa veuve, s’il laissait une veuve.

203. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

On permettait au prince impérial, de les voir sans y toucher, et l’enfant avait un désir fou de les tenir entre ses mains. […] » Silence de l’enfant. […] Persistance de l’enfant dans son mutisme. […] Guichard, avec les enfants duquel il jouait. […] Pauvre naïf artiste, pauvre grand enfant, qui, un jour, perdant la tête, se pendit à propos d’une dette de 300 francs.

204. (1864) Le roman contemporain

Enfant, elle ne distinguait pas toujours la rêverie du rêve ; elle voyait double, comme elle l’a dit avec une énergique concision. […] La figure de cet enfant ne parle-t-elle pas ? […] De quel droit fait-il entrer cette enfant dans sa folle gageure ? […] Il en est de même de l’ignorance des enfants ; la société leur doit la lumière. […] Victor Hugo était enfant en 1815, mais enfin il vivait à cette époque, comment ose-t-il donc travestir à ce point l’histoire ?

205. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Sans existence positive avant ce grand homme, fortement organisé sous ses successeurs, ébranlé par les croisades, frappé à mort par Louis XIV, le régime féodal vient d’être remplacé par le gouvernement constitutionnel, par le système représentatif, enfant lui-même de nos plus anciennes traditions, de nos traditions que l’on pourrait appeler primitives. […] La mère a enfanté avec douleur, ses enfants doivent vivre de leur vie propre. […] Quand on avait cessé d’être citoyen d’Ilos, il fallait se résoudre à donner aux enfants de Sparte le spectacle dégradant de l’homme ivre. […] L’ancienne jurisprudence donnait droit de vie et de mort aux pères sur leurs enfants ; et, comme tout marche en même temps, l’ancien droit public donnait la même latitude de pouvoir aux métropoles sur les colonies. […] Maintenant il ne faut pas s’y tromper, l’émancipation des colonies doit suivre la règle de l’émancipation des enfants.

206. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Ôtez le Gulliver, prostitué aux enfants comme les fables de La Fontaine, — mais avec cette différence que La Fontaine est le seul esprit qui résiste, sans se faner, à cette prostitution, — qui connaît Swift, parmi nous, autrement que de renommée ? […] Cette instruction, divisée par chapitres et où nul n’est oublié du personnel de la valetaille : le butler (sommelier), la cuisinière, le laquais, le cocher, le groom, l’intendant, le portier, la femme de chambre, la fille de service, la fille de laiterie, la bonne d’enfants, la nourrice, la femme de charge et la gouvernante ; ce mandement d’un doyen que Mascarille, après boire, refuserait de signer, ne peut être évidemment qu’une mystification immense et même une mystification à commencer par l’auteur lui-même, — car rien ne doit équivaloir, non seulement pour un esprit élevé, mais pour un esprit quelconque, au dégoût d’écrire, dans quelque but de raillerie que ce soit, ces conseils de friponnerie et de bassesse où tout le sens est dans la grosseur de l’ironie et dans une impudence égale entre l’idée et le langage… Et ce n’est pas tout. […] Léon de Wailly, sous la rubrique où vous reconnaissez ce que, plus haut, nous appelions le cant de la plaisanterie : « Modeste proposition — nous dit Swift — pour empêcher les enfants des pauvres d’Irlande d’être à charge à leurs parents ou à leur pays et pour les rendre utiles au public. […] La femme est au-dessous du singe, dit-il à cette pauvre enfant qui venait lui demander, en tremblant et en rougissant, des conseils. […] La toilette, pour ce bœuf qui écrit, dans ses Résolutions pour l’époque où il deviendrait vieux, cette ligne affreuse : Ne point aimer les enfants , la toilette était ce qu’est le rouge pour le taureau.

207. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Nos enfants le sauront. […] Louise lui a tout pris, son mari et son enfant. […] D’Arcy précise : ils sont bien sûrs de ne pas faire d’enfant. […] Il en parle avec la simplicité d’un enfant de Dieu. […] Nous n’assistons plus au meurtre de l’enfant.

208. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Feu fieu : enfant mort.) […] je vous réponds qu’ils envoyaient régulièrement les enfants ! […] Aimez-vous les mots d’enfants ? […] Les enfants d’aujourd’hui sont d’une telle force qu’ils font souvent des mots d’enfants qui ressemblent à des mots d’auteurs. […] maman, t’en as d’la chance que j’sois pas un enfant terrible !

209. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Jean Richepinbn Tannhaeuser Vénus ouvre les bras à son cher chevalier ; Mais, sachant de l’amour l’amertume profonde, L’enfant blond ne veut plus aimer la femme blonde, Et déjà les doux liens paraissent se délier.   « Tes bras blancs, qui jadis m’étaient un frais collier, Ote-les, dit l’enfant. […] Gabriel Moureybq L’or du Rhin Les fluides enfants du fleuve qui ruisselle, Chairs à peine, déjà femmes, ondes encor, Wellgunde avec Woglinde et Flosshilde, vers l’Or Lèvent leurs yeux d’eau verte où le rire étincelle. […]   Mais, près de l’Or ouvrant son radieux halo, Wellgunde rit, Woglinde fuit, Flosshilde chante, Innocence mêlée à la candeur de l’eau,   Et tout l’obscur destin — l’âme au gouffre penchante Les héros morts, les deux déchus, la fin, la nuit — Pour les folles enfants est un jouet qui luit ! […] Ouvrez l’admirable partition des béatitudes, et voyez quelle délicieuse simplicité, quelle douceur angélique dans le chœur célèbre : De l’enfant la sainte innocence… Qui n’a été frappé des alternances voulues dans le style harmonique et mélodique de Rebecca ?

210. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Dans La Confession d’un enfant du siècle, et ailleurs en maint endroit, M. de Musset avait fait de ces aveux que la poésie en notre siècle autorise et dont elle se pare. […] Quel sort peut-on prédire à cet enfant du ciel ? […] la fleur de l’Éden, pourquoi l’as-tu fanée, Insouciante enfant, belle Ève aux blonds cheveux ? […] Les autres, un peu plus tôt, un peu plus tard, tous très jeunes, quelques-uns encore enfants, sont donc entrés en lice pêle-mêle, à l’aventure. […] Tout ce qui m’a fait vieux est bien loin maintenant ; Et rien qu’en regardant cette vallée amie,               Je redeviens enfant.

211. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Greuze  » pp. 157-158

Le Paralytique qui est secouru par ses enfants et que le peintre a appelé le Fruit de la bonne éducation est un tableau de mœurs où l’on voit que ce genre fournira des compositions capables de faire honneur aux talents et aux sentiments de l’artiste. […] Une mère sur le visage de laquelle la douleur et la misère se montrent ; des filles aussi affligées et aussi misérables, couchées à terre autour d’elle ; des enfants affamés qui se disputent un morceau de pain sur ses genoux ; un autre qui mange à la dérobée dans un coin ; le père de cette famille qui s’adresse à la commisération des passants. […] Il y a des têtes qui sont autant de petits tableaux très vrais, entre lesquels on distingue l’enfant qui boude, et la petite fille qui se repose sur sa chaise.

212. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Nous y avons vu aujourd’hui la Vierge noire et le petit enfant Jésus noir comme sa mère. […] Ce n’est pas un vieillard comme dans le groupe, mais un homme dans la force et la beauté de l’âge, quarante à quarante-cinq ans : il pleure comme jamais je n’ai vu pleurer du marbre et comme on sent que doit pleurer le père des enfants qu’il ne peut délivrer. — Hippolyte avait observé qu’ils avaient l’air bien jeunes pour les enfants de ce vieillard. […] Il n’y a pas de nuit où je ne retrouve mes petits enfants dans mes bras, sur mes genoux. […] C’est cette sœur aînée qui avait appris à lire à la jeune Marceline tout enfant, et l’on trouve en maint passage des poésies un souvenir esquissé de sa douce figure. […] Dans ce dernier groupe, il n’y a de restauré que le bras droit du père et deux bras des enfants.

213. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Une Nourrice crétoise avec son enfant. […] Deux Enfants accompagnés de la Vertu. […] Un Vieillard qui montre à un enfant à jouer de la lyre. […] L’Hémérésios, ou l’enfant. […] L’Enfant soufflant le feu.

214. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Comme mes enfants broderaient pour elle des sacs à ouvrage ! […] Les dames pleuraient, les mères embrassaient leurs enfants. […] Vous étiez ici pour avoir des enfants, et vous n’en avez pas. […] —  Lui peut-être ; mais sa femme et ses enfants, fi donc ! […] Les enfants n’en doivent rien savoir.

215. (1887) George Sand

La vie d’imagination, disait-elle, avait été toute sa vie d’enfant. […] La première journée où l’enfant doute est la dernière de son bonheur naïf. […] Miss Love a pour frère un enfant, un terrible enfant, qui, voyant que sa sœur va se marier, tombe dans une sorte de désespoir. […] Mais que deviendront les enfants, sous la loi de ces mariages éphémères ? […] Et si les enfants s’obstinent à vivre ?

216. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

pour sauver trois enfants. […] » L’enfant est de force à supporter ce sobriquet. […] Ils amenaient avec eux deux jeunes enfants dont M.  […] Du mariage sont nés deux enfants. […] Tu seras baronne, chère enfant.

217. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

On sent que c’était murmurer à demi-voix, en plein jour, en beau soleil de trois heures après midi ; chaste et pur comme un rayon d’été ou comme le regard ravissant et respecté de cette charmante femme de votre meilleur ami, épars sur ce groupe de ses beaux enfants à peine éclos. […] L’enfant de la maison aime sa mère plus qu’un fils, mais il ne l’aime pas comme un amant. […] De mon antique aïeul je savais le ménage, Le manoir, son aspect et tout le voisinage : La rivière coulait à cent pas près du seuil ; Douze enfants (tous sont morts !) […] » Quand l’amitié revient ainsi à un cœur qui n’a jamais cessé d’aimer, il y a un festin de l’enfant prodigue dans l’esprit d’un homme d’Israël. […] Les enfants ont pu vous comprendre, et les sages ont eu la certitude d’être compris par leur commentateur.

218. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

L’évêque la donne aux enfants du collège. […] De là l’incuriosité de cet enfant lui-même. […] Ils me survivront dans mes enfants, si j’en ai. […] Cette enfant elle-même, sauvée par Jean Valjean, ce n’est plus une enfant, c’est toute l’Enfance. […] C’est un enfant dégradé, mais qui s’en lamente.

219. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Boucher » pp. 196-197

Le Sommeil de l’enfant Jesus, et une Bergerie. […] Son enfant Jesus est mollètement peint. […] À peine savent-ils manier le pinceau et tenir la palette, qu’ils se tourmentent à enchaîner des guirlandes d’enfants, à peindre des culs joufflus et vermeils, et à se jeter dans toutes sortes d’extravagances qui ne sont rachetées ni par la chaleur, ni par l’originalité, ni par la gentillesse, ni par la magie de leur modèle.

220. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Elle l’avait connu tout enfant à Bordeaux, et l’avait fait sauter sur ses genoux. […] Seulement, ici, l’enfant était mort ; et puis, c’était si loin ! […] Est-il le père de l’enfant, Eugène, mort en 1816 ? […] Son enfant meurt. […] … Il a toute la grâce d’un enfant.

221. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

J’écris à ma chère enfant ; qu’il attende. » Une jeune Irlandaise vient me solliciter pour une grâce que je ne lui ferai pas obtenir ; un fabricant de Tours vient me remercier d’un bien que je ne lui ai pas procuré. […] Elle a des maximes, des principes qui contrastent avec sa date, avec sa jeunesse, avec son air enfant : Défions-nous surtout de ceux qui s’élèvent avec tant d’acharnement contre ce qu’ils nomment les préjugés reçus dans la société. […] Avouez, ma chère enfant, qu’il n’y a que notre très cher et bon abbé qui se soit garanti de leur venin : c’est qu’il n’a sa supériorité que pour lui, son bel esprit que pour nous, et son bon esprit pour tout le monde. […] Vous faites donc aussi du courage, ma chère enfant ? […] Voyez les enfants ; voyez avec quelle franchise ils aiment.

222. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Soulié, raisonnant méthodiquement, s’est dit que, d’après les actes trouvés par Beffara, Molière n’avait laissé qu’une fille, née en 1665, et par conséquent mineure en 1673, au moment de la mort de son père ; qu’en raison de la fortune assez considérable de Molière, un inventaire avait dû être dressé pour garantir les droits de son enfant. […] Il était l’aîné des enfants de Jean Poquelin et de Marie Cressé. […] Enfin la chambre des époux Poquelin est tendue d’une tapisserie de Rouen sur laquelle sont accrochés cinq tableaux et un miroir de glace de Venise. » Ce sont là les objets qui frappaient habituellement la vue de Molière enfant ; il ne naquit nullement dans un intérieur pauvre ou mesquin, et tout sentait autour de lui le marchand à son aise et le bourgeois cossu. […] Dès l’âge de vingt et un ans (ce qui ne veut pas dire qu’il fût majeur, on ne l’était alors qu’à vingt-cinq), on le voit émancipé, lié avec des enfants de famille dont il va faire ses camarades de jeunesse, et bientôt chef de la troupe dite de l’Illustre Théâtre qui s’amuse à jouer la comédie dans les jeux de paume aux faubourgs de Paris. […] On y mettrait une école de dessin ou une salle d’asile, et les enfants du quartier viendraient y étudier ou y apprendre à lire sous l’invocation de ce nom illustre et trois fois populaire.

223. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il n’est pas même un enfant trouvé, il est un enfant abandonné. […] Mais de même que je me rappelais tout à l’heure Virgile en le lisant, je ne puis m’empêcher encore de me reporter à cette autre parole d’Andromaque dans Euripide, laquelle, au plus fort de ses douleurs et de ses alarmes maternelles, s’écrie : « … Oui, cela est vrai pour tous les hommes : leurs enfants, c’est leur âme même, et celui qui, pour n’en avoir pas l’expérience, dit le contraire, celui-là souffre moins, mais il est heureux sans bonheur. » Ce qu’Andromaque dit là et qui s’applique aux célibataires ou aux époux sans enfants, on peut le dire réciproquement des enfants orphelins ou abandonnés et qui n’ont ni père ni mère. […] Rien ne lui paraît plus dans la nature qu’un enfant naturel ; s’il n’a pas de famille, il est mis dans un régiment ; à défaut de mère, il a son colonel, et s’il n’a pas de nom, qu’il s’en lasse un sur le champ de bataille. […] Ceux qui l’ont connu à cet âge de première jeunesse et à cette heure de transition nous le dépeignent le plus charmant jeune homme, d’une figure agréable, très-distingué de tournure, très-élevé de sentiments, tout à fait de race ; tel d’ailleurs de caractère et d’humeur qu’on le voit encore aujourd’hui dans l’intimité, avec des intermittences de gaieté et de sérieux, habituellement doux comme un enfant, naïf même, et, quand il le faut, d’une audace, d’une vaillance et d’une intrépidité rares ; ayant naturellement le goût du bien, mais subissant l’influence des divers milieux.

224. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Enfant, elle suivit ses parents à la Martinique. […] Mme Scarron pourtant fit le discernement de ce qui s’y mêlait d’équivoque et dégagea le point précis avec justesse : « Si ces enfants sont au roi, répondit-elle aux avances, je le veux bien ; je ne me chargerais pas sans scrupule de ceux de Mme de Montespan ; ainsi il faut que le roi me l’ordonne ; voilà mon dernier mot. » Le roi ordonna, et Mme Scarron devint gouvernante des enfants mystérieux. […] Elle prit une grande maison solitaire du côté de Vaugirard, s’y établit à l’insu de tout son monde, y soignant les précieux enfants, présidant à leur première éducation, à leur nourriture, faisant la gouvernante, la ménagère, la garde-malade, tout enfin, et reparaissant le matin en visite, comme si de rien n’était, à la porte de ses amis du beau monde, car il fallait d’abord que personne ne se doutât de son éclipse. […] Le roi, qui venait voir ses enfants, connut donc Mme Scarron ; mais le premier effet qu’elle produisit sur lui ne fut point favorable : « Je déplaisais fort au roi dans les commencements. […] C’est son œuvre à elle, son travail propre et chéri, presque maternel : « Rien ne m’est plus cher que mes enfants de Saint-Cyr ; j’en aime tout, jusqu’à leur poussière. » C’est toujours une si belle chose qu’une fondation destinée à élever dans des principes réguliers et purs la jeunesse pauvre, qu’on hésite à y apporter de la critique, même la plus respectueuse.

225. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Allez voir le laocoon tel que les sculpteurs l’ont exécuté, un père assis qui souffre, un enfant debout déchiré qui expire ; un autre enfant debout qui oublie son péril et qui regarde son père ; trois figures non groupées, trois figures isolées, liées par les seules convolutions d’un serpent. Venez ensuite chez moi voir la première pensée de ces artistes, c’est le laocoon, tel qu’il est, mais un des enfans est renversé sur sa cuisse le cou embarrassé dans les plis du serpent ; mais l’autre enfant se rejette en arrière et cherche à se délivrer. […] Plus on est enfant, plus on aime les incidens entassés les uns sur les autres ; le strapassé, le groupe, la masse, le tumulte, en peinture, en sculpture, au théâtre. ô Guyart ! […] Est-ce que vous n’avez pas autour de vous une femme, un enfant, un ami qui puisse vous dire, ne peignez plus ? […] Cet homme n’a vu ni le massacre des innocents par Le Brun, ni le même massacre par Rubens, ni la descente de croix d’Annibal Carrache, ni st Paul prêchant à Athènes par Le Sueur, ni je ne sais quel apôtre ou disciple se déchirant les vêtements sur la poitrine à l’aspect d’un sacrifice païen, ni la Magdeleine essuyant les pieds du sauveur de ses beaux cheveux ; ni la même sainte si voluptueusement étendue à terre dans sa caverne, par Le Corrège, ni une foule de saintes familles plus touchantes, plus belles, plus simples, plus nobles, plus intéressantes les unes que les autres, ni ma vierge du Barroche, tenant sur ses genoux l’enfant Jésus debout et tout nu.

226. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

C’est l’honneur et la gloire de l’homme de combattre pour son pays, ses enfants, sa jeune épouse, contre l’ennemi. […] Sa tombe et ses enfants restent glorieux parmi les hommes, et les enfants de ses enfants et sa postérité. […] Mais, loin de sa ville et des campagnes fécondes qui l’entourent, mendier errant, avec une mère chérie, un vieux père, des enfants, une jeune épouse, c’est plus déplorable des misères. […] mourons pour nos enfants, sans ménager en rien nos vies.

227. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Tout le monde connaît la IVe églogue de Virgile adressée à Pollion : Sicelides Musæ… Le poète y célèbre la naissance d’un divin enfant qui doit ramener l’âge d’or. […] S’attachant particulièrement à la IVe églogue, et après en avoir déterminé le sens, selon lui, tout mystique, tout relatif aux traditions de l’oracle, après avoir assez bien démontré, ce me semble, que le poëte n’a fait qu’y prendre un thème, un prétexte à la description de l’âge d’or vers l’époque de la paix de Brindes, et que le mystérieux enfant promis n’était pas tel ou tel enfant des hommes, mais un de ces dieux épiphanes ou manifestés (præsentes divos) très-connus de l’antiquité entière, M.  […] Lucine, toute chaste que l’appelait le poëte ( casta, fave, Lucina ), n’est pas plus heureuse qu’Astrée ; elle disparaît pour devenir simplement la lune qui nous éclaire  ; et si, dans le texte primitif, on la suppliait de présider, comme déesse, à la naissance de l’enfant, le traducteur lui ordonnera d’ adorer le nourrisson qui vient de naître . […] Il n’est pas jusqu’à Sannazar enfin, qui, aux heures de la Renaissance, dans un poëme dévot d’un style païen, ne fasse chanter l’églogue prophétique aux bergers adorateurs de Jésus enfant.

228. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Plus sur le fond, un quidam, le nez envelopé dans un manteau et recevant un nouveau-né emmaillotté, un peu plus sur le fond et vers la gauche, en coëffure noire, en mantelet, en mitaines, une sage-femme qui présente l’enfant au quidam et prête à sortir. Au centre, sur le devant, une jeune fille assise sur une chaise, toute rajustée, dans la douleur, retenant d’une main son enfant, qu’on lui enlève, et serrant de l’autre la main du père. […] J’ai dit que la scène placée dans un grenier où la misère aurait relégué un pauvre père, une pauvre mère nouvellement accouchée et réduite à abandonner son enfant, serait infiniment plus favorable au technique. […] Et la tête de cet enfant est-elle soutenue comme elle devrait l’être ? […] L’enfant est lumineux et douillettement fait.

229. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Redevenus naturels de pitié, de respect et d’irrésistible enthousiasme pour cette victime royale qui seule, peut-être, empêchera Dieu de pardonner à la Révolution, ces mignards enfants d’un siècle faux, qui n’avaient jusque-là compris que les jouissances arrangées et savantes de la vie, ont, du premier coup et sous l’empire des impressions que Marie-Antoinette causera toujours à toute âme passablement faite, peint la douleur et peint la mort comme jamais ils n’avaient peint les joies de l’existence et ses ivresses. […] quand, plus tard, elle cherchait tous les maîtres capables de donner à l’enfant grandie ce qu’on appelait alors les grâces françaises, elle avait alors une magnifique prévoyance. Comprenant que l’ancienne inimitié de la France et de l’Autriche n’avait plus de raison pour exister, elle pensait, en regardant cette belle enfant, par l’éducation faite française, à opposer l’épouse, qui sauve tout, à ces maîtresses qui avaient tout perdu dans cette maison de Bourbon, l’humiliation vivante des Reines, et ainsi à relever, par les mœurs et par la famille, cette monarchie qui périssait par la famille et par les mœurs ! […] Nul ne se douta que cette enfant, qui venait d’Allemagne avec ses dix-huit printemps en fleurs, que cette délicieuse Étourdie, qui poussait l’étiquette devant elle et désespérait si spirituellement les maîtresses des Cérémonies, cachait un plan très habile et très arrêté sous ces légèretés apparentes, et réalisait, non plus un Traité du Prince, mais un Traité de la Reine, qui était le machiavélisme de la pureté quand même. […] car si cette monarchie des adultères de Louis XIV et de Louis XV pouvait encore être sauvée, c’était par cette enfant qui faisait entrer le naturel à Versailles, et qui avait compris que pour être la maîtresse triomphante, comme elle était la femme légitime et la Reine, il fallait d’abord chasser l’étiquette et humaniser le plaisir !

230. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Redevenus naturels de pitié, de respect et d’irrésistible enthousiasme pour cette victime royale qui seule, peut-être, empêchera Dieu de pardonner à la Révolution, ces mignards enfants d’un siècle faux, qui n’avaient jusque-là compris que les jouissances arrangées et savantes de la vie, ont, du premier coup et sous l’empire des impressions que Marie-Antoinette causera toujours à toute âme passablement faite, peint la douleur et peint la mort, comme jamais ils n’avaient peint les joies de l’existence et ses ivresses. […] quand, plus tard, elle cherchait tous les maîtres capables de donner à l’enfant grandie ce qu’on appelait alors les grâces françaises, elle avait alors une magnifique prévoyance. Comprenant que l’ancienne inimitié de la France et de l’Autriche n’avait plus de raison pour exister, elle pensait, en regardant cette belle enfant, par l’éducation faite française, à opposer l’épouse, qui sauve tout, à ces maîtresses qui avaient tout perdu dans cette maison de Bourbon, l’humiliation vivante des Reines, et ainsi à relever, par les mœurs et par la famille, cette monarchie qui périssait par la famille et par les mœurs ! […] Nul ne se douta que cette enfant, qui venait d’Allemagne, avec ses dix-huit printemps en fleurs, que cette délicieuse Étourdie, qui poussait l’étiquette devant elle et désespérait si spirituellement les Maîtresses des Cérémonies, cachait un plan très habile et très arrêté, sous ces légèretés apparentes, et réalisait, non plus un Traité du Prince, mais un Traité de la Reine, qui était le machiavélisme de la pureté quand même. […] car si cette monarchie des adultères de Louis XIV et de Louis XV pouvait encore être sauvée, c’était par cette enfant qui faisait entrer le naturel à Versailles, et qui avait compris que, pour être la maîtresse triomphante, comme elle était la femme légitime et la reine, il fallait d’abord chasser l’étiquette et humaniser le plaisir !

231. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

« Je ne cherche point à vous consoler, dit-il : vos enfants ne sont-ils pas morts avec courage ? […] « Non, votre maison n’est pas solitaire : vos enfants ne sont plus, mais leur gloire y habite avec vous, elle répandra son éclat sur vos derniers jours. » Ensuite adressant la parole aux frères et aux enfants des morts : « Une grande carrière vous est ouverte, dit-il : vous avez l’exemple de vos pères et de vos frères, mais ne vous flattez pas d’atteindre à leur renommée ; car tant que l’homme est vivant, il a des rivaux, et la haine qui le poursuit cherche sans cesse à lui arracher sa gloire : mais on rend justice à celui qui n’est plus. […] » Et ailleurs il représente aux Athéniens que s’ils accordent à Démosthène une couronne d’or, au moment où le héraut proclamera sur le théâtre cet honneur qui lui est rendu, les pères, les femmes et les enfants de tous ceux qui sont morts par sa faute à Chéronée, pousseront des cris d’indignation, et verseront des larmes, de ce que tant de braves guerriers sont morts sans vengeance, et que Démosthène, qui est leur assassin, reçoit cependant un honneur public en présence de toute la Grèce assemblée. […] L’orateur, après avoir loué les morts, s’adresse aux vivants, comme c’était l’usage, et surtout aux enfants de ceux qu’il vient de célébrer.

232. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Le contact des doigts de votre enfant vous sera si doux ! […] — Oui, mon enfant, il est mort. […] C’était l’enfant qui respirait. […] L’enfant grandit, la jeune fille devient femme, puis mère. […] un enfant !

233. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVI. Le dévouement de yamadou havé »

Je suis prêt ; mais j’ai trois enfants : deux garçons et une fille ; le premier est Ségo Dohi, le second : Mamadou Dohi et la troisième : Sané Dohi. Chers Peuhl, je vous les confie, eux et leurs enfants ! […] La paix était assurée pour de longues années et les Peuhl s’acquittèrent de leur dette envers les enfants du héros.

234. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Mais voici le contraste : c’est vers ce temps qu’il dépose les enfants de Thérèse Levasseur, malgré elle, aux Enfants-Trouvés. […] L’humanité s’est instruite par le besoin, par l’expérience : faisons sentir le besoin, apprêtons de l’expérience à l’enfant. […] L’expérience a été le grand maître de l’humanité ; et si l’enfant doit parcourir seul toutes les étapes de l’humanité, il faut l’abandonner aux leçons de l’expérience. […] Il n’importe que l’enfant sache l’expérience combinée par le maître : si elle est simple, sérieuse, claire, concluante, l’enfant se laissera saisir par la vérité des choses mises sous ses yeux, et en tirera de bon cœur la conclusion pratique. […] Les enfants étaient élevés hors de la présence des parents, sans affection, sans soin, sans surveillance.

235. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Qu’il ne baisse les yeux devant personne, dit Quintilien ; qu’il s’accoutume tout enfant à ne pas craindre les hommes. […] Rollin voit les enfants, il est au milieu d’eux ; il va au-devant d’eux. […] C’est l’instant où l’homme se montre dans le maître, et où les enfants se sentent aimés de celui qui les instruit. […] Enfant, elles l’avaient nourri dans l’antre de Dircé33. […] Mais il n’effraye pas les enfants de leur propre profondeur ; il n’introduit pas la crainte dans le devoir de se connaître ; il est pressant et n’est pas impérieux ; il ne demande aux enfants que des efforts proportionnés, et sa main encourageante les y aide.

236. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Enfant, un jour on le gronda, et, sorti de la chambre, il entendit ses parents rire de la tête pleurarde qu’il avait faite à la semonce. […] Je suis bon pour mes enfants. […] Et des enfants loqueteux qui courent, avec de petits rires féroces, pour voir. […] C’était le temps de la disette, et on coupait aux pauvres enfants des lichettes de pain insuffisantes. […] Dubois… Il farfouillait là-dedans… Il a retiré l’enfant… Alors… Ah !

237. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

L’enfant est mort d’une méningite, de cette inhumaine maladie, qui s’attaque aux mieux portants. […] Cet enfant n’était pas plus intelligent, pas plus spirituel qu’un autre, mais cet enfant avait une faculté que je n’ai jamais rencontrée, poussée à ce développement chez aucun autre : la faculté de la sensation. […] Et à l’église, ma pensée va au souvenir du petit enfant qu’il était, quand son père l’a envoyé, la première fois, chez moi. […] La maison est égayée par un enfant intelligent et beau, sur la figure duquel, se trouve, joliment mêlée, la ressemblance du père et de la mère. […] Puis cela fait, ils ont fait joindre religieusement leurs mains à leurs trois petits enfants, qui ont entonné un hymne de guerre contre nous.

238. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Toute sa vie, il obséda Hugo : tout enfant, il était son idéal. […] Les travailleurs blancs seraient pris aux Enfants trouvés. Le gouvernement élevant ces enfants à ses frais, peut en disposer à son gré : « il se chargerait de fournir aux colons, des enfants dans l’âge de 9 à 10 ans pour les filles, et de 10 à 11 ans pour les garçons. […] L’administration ferait alors compter à ces enfants à titre de dot, savoir aux hommes 600 francs, et aux femmes 500 francs ». […] La brigande Vendéenne était une Voltairienne décidée : À Madrid, elle plaça ses enfants au collège des nobles, mais « s’opposa énergiquement, malgré la résistance des prêtres directeurs, à ce qu’ils servissent la messe comme les autres élèves et défendit même qu’on fît confesser et communier ses enfants ».

239. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

C’était alors l’usage des grandes dames de battre leurs enfants et leurs serviteurs. […] —  Nous courons après la grandeur, comme les enfants après les bulles soufflées dans l’air. —  Le plaisir, qu’est-ce ? […] Ton premier sera d’égorger quelque enfant à la mamelle. […] —  Je le suis, seigneur. —  Et vous avez des enfants ? […] J’aurais pu être la mère de jolis petits enfants qui auraient babillé sur mes genoux.

240. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Son père périt en mer, alors que lui-même était encore enfant, et ce ne fut qu’à force d’économie et de privations que sa mère put subvenir à l’éducation de ses trois enfants. […] Elle s’attacha passionnément à ses enfants. […] La femme n’a nul doute que l’enfant ne devienne un ange. […] « Il faut dans cet enfant fonder l’homme, créer la vie du cœur. […] Michelet ne veut pas qu’on parle trop tôt à l’enfant de Dieu.

241. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Me voyant pleurer : « Vous êtes un enfant ! […] C’était le tocsin de la guerre civile sonné par un enfant. […] Elle le traitait en enfant. […] L’un lui donna le respect du peuple, l’autre l’obéissance de la cour ; mais sa philosophie fut d’un enfant. […] Il est doux, mais puéril comme un enfant qui conte ses fables à sa mère ; on l’aime, mais on ne le croit pas.

242. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

« Aie une servante qui n’ait ni mari ni enfant. » Aie toi-même un enfant, un fils unique pour héritier. […] Et ces bons serviteurs, dociles animaux Que la main d’un enfant, sans rigueur, sans sévices, Incline, en se jouant, aux plus rudes services, Je les aime et le dis sans phrase, — et le premier, Nommant tout par son nom, je chante le fumier, Le fer comme les bras qui font la moisson drue, Et le labour profond et la grande charrue ! […] Depuis que ces animaux ont été vus à Bethléem dans la crèche du divin Enfant, il semble qu’ils se soient rapprochés et élevés d’un degré dans l’ordre de la domesticité et de la société humaine : La vache ! […] Fillette de quatre ans peut la traire à sa guise ; Son regard bienveillant sourit à qui l’épuise : Et de la sorte, enfants ! […] gémit, se désespère : Que lui font les enfants qu’elle n’a point perdus ?

243. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Son métier, dont il a été longtemps préoccupé après sa cessation de travail, ne l’occupe plus, ses livres sont pour lui comme s’il ne les avait pas écrits… » Vers le 30 mai : « Comme un petit enfant, il s’occupe seulement de ce qu’il mange, de ce qu’il met. Il est sensible à un entremets, il est heureux d’un vêtement neuf. » 18 juin : Attaque épileptiforme : « Avant-hier, jeudi, il me lisait encore les Mémoires d’outre-tombe, car c’était le seul intérêt et la seule distraction du pauvre enfant. […] Il est mort après deux ou trois doux soupirs de la respiration d’un petit enfant qui s’endort… » On ne pouvait mieux réaliser les plus avancés desiderata de l’Impassibilité scientifique. […] L’enfant allait plus mal, et déjà la sœur avait fait tous les préparatifs de l’opération. […] Flaubert avait trouvé, dans sa famille même et mêlées à ses souvenirs d’enfant, de sérieuses leçons anatomiques : son père, ancien prosecteur à l’hospice de Rouen, habitait un logement enclavé dans l’Hôtel-Dieu et s’était installé un véritable laboratoire où, quotidiennement, il professait en famille.

244. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Aussi voit-on que l’enfant témoigne d’une extraordinaire sensibilité à l’égard de toutes les impulsions venues du dehors, en même temps que d’une avidité surprenante à l’égard de toutes les connaissances acquises par le savoir humain et enfermées dans •les notions qui les rendent transmissibles. […] L’enfant joue avec la causalité même : il modifie sans hésiter le déterminisme des phénomènes. […] C’est là un exemple parfait de Bovarysme puéril, car à se concevoir autrement qu’il n’est, l’enfant s’attribue les qualités et les aptitudes du modèle qui l’a fasciné : il se réalise tel qu’il se veut jusqu’au moment où la réalité commune contredit son pouvoir de réalisation individuelle. […] Si l’enfant ne croit à une plaisanterie, elle conclut à l’ignorance de celui qui a tenu le propos, plutôt que d’être ébranlée dans une conviction qui se confond pour elle avec la réalité même. […] Ils savent que l’éducation est un moyen tout-puissant de contraindre les enfants à se concevoir, dans leurs rapports avec le monde extérieur, avec les hommes et avec les idées, selon l’idéal qui leur aura été apprêté et distribué dans la notion.

245. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Il ne fallait pas d’enfant ici. […] Ce n’est pas « l’enfant malade », c’est l’enfant enragée. […] Adieu, petite enfant malade ! […] L’Enfant malade en est une. […] ma pauvre enfant !

246. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Et cette noble tête se détachant ainsi derrière le lecteur dans la bordure du tableau de Corinne, tableau un peu trop rapproché de nous, je me disais : « Enfant, de tels fonds ont surmonté longtemps et dominé nos rêves. […] Aux fêtes saintes, aux stations, il est à la cathédrale avec les autres enfants de son âge. […] Enfant (et je me sers à dessein d’expressions ravies), tout devient passion en attendant la passion même ; tout s’épuise, tout se dévore, avant d’être cueilli et touché. […] Mais non ; vous avez joué, enfant, avec le poëte, vous l’avez poussé aux combats de pierre avec les autres enfants de la plage, vous l’avez enhardi sur les pentes glissantes des rochers ; il vous suivait comme une bannière, et votre charme héroïque l’enchaînait déjà. […] Le chevalier résiste, il se défend, il obtient capitulation ; il reste intact, et son honneur, même d’enfant, peut marcher la tête haute, pur d’affront. 

247. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Laurent courut chercher l’enfant et l’adopta. Cet enfant célèbre fut pape sous le nom de Clément VII, et contribua à sauver l’Église. […] On y reconnaît le cœur de l’enfant qui suivait Côme, son père, dans les pâturages de Coreggio. […] Voici en quels termes il retrace les portraits de ces enfants : « Pierre s’applique beaucoup. […] Le peuple, irrité, vint au pied des remparts pour l’outrager de paroles et pour menacer de mort ses enfants. « Frappez-les !

248. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface de 1833 »

On sent en le lisant que l’enfant de dix-huit ans qui écrivait Han d’Islande dans un accès de fièvre en 1821 n’avait encore aucune expérience des choses, aucune expérience des hommes, aucune expérience des idées, et qu’il cherchait à deviner tout cela. […] Quand la première saison est passée, quand le front se penche, quand on sent le besoin de faire autre chose que des histoires curieuses pour effrayer les vieilles femmes et les petits enfants, quand on a usé au frottement de la vie les aspérités de sa jeunesse, on reconnaît que toute invention, toute création, toute divination de l’art doit avoir pour base l’étude, l’observation, le recueillement, la science, la mesure, la comparaison, la méditation sérieuse, le dessin attentif et continuel de chaque chose d’après nature, la critique consciencieuse de soi-même ; et l’inspiration qui se dégage selon ces nouvelles conditions, loin d’y rien perdre, y gagne un plus large souffle et de plus fortes ailes. […] Pour revenir au roman dont on publie ici une nouvelle édition, tel qu’il est, avec son action saccadée et haletante, avec ses personnages tout d’une pièce, avec ses gaucheries sauvages, avec son allure hautaine et maladroite, avec ses candides accès de rêverie, avec ses couleurs de toute sorte juxtaposées sans précaution pour l’œil, avec son style cru, choquant et âpre, sans nuances et sans habiletés, avec les mille excès de tout genre qu’il commet presque à son insu chemin faisant, ce livre représente assez bien l’époque de la vie à laquelle il a été écrit, et l’état particulier de l’âme, de l’imagination et du cœur dans l’adolescence, quand on est amoureux de son premier amour, quand on convertit en obstacles grandioses et poétiques les empêchements bourgeois de la vie, quand on a la tête pleine de fantaisies héroïques qui vous grandissent à vos propres yeux, quand on est déjà un homme par deux ou trois côtés et encore un enfant par vingt autres, quand on a lu Ducray-Duminil à onze ans, Auguste Lafontaine à treize, Shakespeare à seize, échelle étrange et rapide qui vous a fait passer brusquement, dans vos affections littéraires, du niais au sentimental, et du sentimental au sublime.

249. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVII. La flûte d’ybilis »

La flûte d’ybilis (Bambara) Un enfant qui était sorcier, mais que sa mère portait encore sur le dos, dit un jour à celle-ci : « Mère, porte-moi chez mon oncle ; j’ai envie de le voir ». […] La mère et l’enfant se cachèrent dans la toiture et aussitôt Ybilis parut, porteur d’un cadavre qu’il venait de déterrer. […] Le père était cet enfant d’autrefois qui avait dérobé à Ybilis sa flûte.

250. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Je ne connais rien qui rende mieux la Suisse, telle que ses enfants la visitent et l’aiment : M. […] L’année suivante, son aïeul meurt, et l’enfant, qui suit le convoi sans trop savoir, se retrouve tout ému aux mêmes lieux. […] Un mot de lui, jeté en un moment de colère, a cruellement appris à Charles qu’il est un enfant trouvé. Le pauvre enfant ne s’en était pas douté jusque-là, tant M. […] Enfant trouvé, peut-il donc prétendre à la main de Louise ?

251. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Enfant capricieux et gâté ! […] Mais l’enfant qui pleure en sortant de sa mère ? […] Régulièrement Nelly annonçait la naissance d’un enfant nouveau. […] Il se laissa emmener en bon enfant et ne fit aucune résistance. […] Ma femme et mes enfants arrivent trop tard.

252. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

La convenance l’abrégea ; j’avais vu l’enfant, c’était assez. […] C’était Victor Hugo et Charles Nodier, suivis de leurs charmantes jeunes femmes et de beaux enfants. […] Il se contentait de jouer avec son génie et avec sa sensibilité, comme un enfant avec l’écrin de sa mère. […] regardez nos femmes, nos filles, nos enfants qui sont là avec nous ! […] … Nous sommes pauvres, mais nous sommes de bons citoyens, de bons enfants !

253. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Après une prose très simple (le grec du Nouveau Testament), il met son enfant aux auteurs plus relevés, aux poètes surtout, et à Homère presque aussitôt : Or, il est à propos, dit-il, de vous avertir d’une chose à laquelle personne ne songe ; peut-être même qu’elle vous paraîtra peu vraisemblable, quoiqu’au reste elle soit très véritable et que mon expérience, la pratique des anciens, l’utilité et la raison le prouvent : cette vérité surprenante, c’est que la lecture d’Homère est plus convenable à l’âge des enfants que la lecture des grands auteurs prosaïques108. […] Dans ce cours d’études de Tanneguy Le Fèvre, il se mêle de la gaieté, une sorte de plaisir qui réjouit le maître et anime l’enfant : « Car ôtez le plaisir des études, je suis fort persuadé qu’un enfant ne saurait les aimer. » C’est ainsi qu’à la lecture d’Homère, de Térence, même d’Aristophane (en y mettant du choix), il jouit de voir la jeune intelligence prendre et se divertir comme à une chose naturelle, et tirer d’elle-même plus d’une conclusion avant qu’on ait besoin de la lui montrer : « On m’a dit souvent, et je l’ai lu aussi, qu’il y a beaucoup de plaisir à voir croître un jeune arbre ; mais je crois qu’il y a plus de plaisir encore à voir croître un bel esprit. » C’est pendant qu’on élevait de la sorte l’un ou l’autre de ses frères que Mme Dacier enfant, et à laquelle on ne songeait pas, écoutait, profitait en silence ; et un jour que son frère interrogé ne répondait pas à une question, elle, sans lever la tête de son ouvrage, lui souffla ce qu’il devait répondre. […] Mme Dacier nous a peint son père, bel homme, quoique d’une taille peu dégagée, blond, avec des yeux d’un bleu remarquable ; extrêmement bon, mais un peu brusque ; vif, plein de feu dans le moment, sans rancune, et bien qu’ayant rompu presque tout commerce avec le monde, toujours ouvert et tendre à l’amitié : Quoiqu’il fût, dit-elle, dans un des plus beaux pays du royaume, où l’on peut se promener le plus agréablement, il ne se promenait presque jamais ; son étude, ses enfants et un jardin, où il avait toutes sortes de belles fleurs qu’il prenait plaisir à cultiver lui-même, étaient son divertissement ordinaire. […] Quant aux autres érudits qui travaillaient aux éditions à l’usage du Dauphin, plusieurs n’arrivèrent avec leur contingent que depuis le mariage de Monseigneur : « Et l’on voit bien, dit Bayle, qui ne perd aucune occasion de s’égayer, que la plupart de ces commentaires seront moins pour le père que pour les enfants. » Un travail plus marquant que se donna à elle-même Mlle Le Fèvre fut une édition grecque et latine des Hymnes, épigrammes et fragments de Callimaque (1675), qu’elle mit sur pied en moins de trois mois. […] [NdA] Dion Chrysostome a dit d’Homère une parole excellente et qui se vérifierait encore aujourd’hui pour ceux que tenterait un commerce familier avec les anciens : « Homère est à la fois l’auteur du milieu et de la fin, et du commencement, d’une lecture également convenable à l’enfant, à l’homme fait et au vieillard ; il donne de son fonds à chacun autant que chacun en peut prendre. » 109.

254. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

La pauvre enfant qui ne sait rien, qui ne voit que rarement cette mère capricieuse et inégale, pour laquelle, du plus loin qu’elle s’en souvienne, elle s’est pourtant autrefois prononcée dans le cabinet du magistrat, lorsqu’il lui fut demandé de choisir entre elle et son père, la pauvre Aurélie arrive à l’âge de dix-sept ans, sans s’être rendu compte des difficultés de sa destinée. […] Mais après cela, je le demande, si le résultat est favorable à la charmante et pure jeune fille, y a-t-il dans nos mœurs modernes bourgeoises (il faut le dire à leur honneur) un obstacle raisonnablement invincible à ce que Jules Daruel, le jeune avocat distingué, épouse cette belle enfant si bien élevée, Aurélie, et qu’elle devienne la plus honorée comme la plus aimable des épouses et des mères ? […] Marbeau appelle Aurélie dans son cabinet ; elle s’y rend accompagnée de la maîtresse de pension : la pauvre enfant reconnaît avec un peu d'effort de mémoire ce même cabinet où son père et sa mère se sont vus pour la dernière fois. […] Il est évidemment de ceux qui, autrefois, auraient voulu que les peines infamantes rejaillissent des pères et des mères au front des enfants et de toute une postérité. […] Pauvre Aurélie, qui devrait s’appeler l’enfant maudit !

255. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

, Je recommande encore la pièce A mes Enfants, le Présage, et tant de romances rêveuses ou délirantes, qui reviennent, aux heures de mélancolie, comme des chansons de saule. […] Le vocabulaire habituel de son chant ne lui a plus suffi, et elle a trouvé plaisir et fraîcheur aux vieux mots rajeunis ou aux nouveaux hasardés : Une ceinture noire endeuille un jeune enfant. Les petits enfants, qu’elle aime à peindre, ont été plus précoces et ont parlé un langage plus impossible que jamais. […] J’ai été son dernier et son seul enfant blond. […] De ses quatre enfants qui tremblaient de ce voyage, elle n’emmena que moi. — Je l’avais bien voulu, mais je n’eus plus de gaieté après ce sacrifice.

256. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Ce dernier conseil revenait chaque fois plus pressant, plus impérieux, et la pauvre enfant ne pouvait plus tenir en place où elle était. […] Et sur ce que l’enfant répondait qu’elle n’était qu’une pauvre fille qui ne savait chevaucher ni faire la guerre, la voix lui répliquait qu’elle ne s’en souciât et qu’elle allât néanmoins. […] Quicherat, est celle d’un enfant sérieux et religieux, doué au plus haut degré de cette intelligence à part qui ne se rencontre que chez les hommes supérieurs des sociétés primitives. […] Ce qui est touchant et vraiment sublime, c’est que l’inspiration première de cette humble enfant, la source de son illusion si peu mensongère, ce fut l’immense pitié qu’elle ressentait pour cette terre de France et pour ce Dauphin persécuté qui en était l’image. […] Enfant, elle ne connaissait dans son endroit qu’un seul Bourguignon, et elle n’aurait pas été fâchée, disait-elle, qu’il eût la tête coupée, si toutefois Dieu l’avait eu pour agréable .

257. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Ô Athéniens d’Allemagne, vous n’êtes que des enfants ! […] C’est un enfant de douze ans qui n’a pas grandi. […] Nous savons ce que l’enfant et le sauvage nous donnent, quoique M.  […] L’enfant humanitaire avait (toujours dans l’époque métaphore)> des forces que n’a plus l’homme individuel, de notre temps. […] homme ou enfant, esprit humain, race, et quelle race ou autre chose ?

258. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Triptolème croît en force et en beauté, comme l’enfant d’un Immortel. […] Si tu m’amènes cet enfant, ô moucheron ! […] Démaillotté de la pourpre, il reparaît ce qu’il est, un enfant lâche et gâté. […] Au sein de cette famille si troublée, le héros n’est plus qu’un père doux et tendre ; le philosophe se fait enfant avec ses enfants. […] si j’avais un enfant !

259. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

comme tous mes enfants courraient à la guerre, s’ils savaient le malheur de leur père, qu’une multitude de serpents déchire ! J’ai donné à mes enfants une mère qui a mis du courage dans leur sein… Mes derniers instants approchent. […] En voici un qui s’entrelace autour de mon cœur ; j’espère que l’épée de mes enfants sera teinte du sang de mon ennemi. Mes enfants !

260. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aicard, Jean (1848-1921) »

. — La Chanson de l’enfant (1875). — Visite en Hollande (1879). — Miette et Noré, poésies (1880). — Othello ou le More de Venise, drame en cinq actes et en vers (1881). — Lamartine, poème (1883). — Smilis, pièce en quatre actes et en vers (1884) […] Par contre, il faut signaler particulièrement de petites pièces, dans le goût des poètes grecs, qui sont ravissantes, la Rose jalouse, entre autres : Comme elle m’embrassait, une rose au corsage, La rose me piqua, jalouse du visage ; Je baisai donc la fleur qui, rose avec pâleur, Me parut un sourire appuyé sur ma bouche Ce que voyant (l’amour pour un rien s’effarouche), L’enfant m’égratigna, jalouse de la fleur. […] Dans la Chanson de l’enfant, la Légende du chevrier, fraîche idylle éclose sous les cieux clairs d’Orient, il vous donne à la fois l’impression d’une page de la Bible et de Théocrite.

261. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — VII. La fausse fiancée »

L’année suivante, la griote donna un enfant au fama et on confia le petit à Dêdé pour le soigner. […] Le massa fit convoquer toutes les filles du village, chacune portant l’enfant confié à ses soins. […] Épouvantée, Dêdé déposa à terre l’enfant qu’elle avait sur son dos puis, le reprenant et le faisant sauter dans ses bras, elle chanta : Tais-toi, petit de griote, etc.

262. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

L’enfant en sort ainsi deux fois né, après le temps qui aurait été celui de la grossesse naturelle. […] De bonne heure, il se jette sur les grappes sauvages, ainsi qu’Achille enfant sur les armes. […] L’enfant furtif, chéri de son père, qui lui permet de manier sa foudre, excite la jalousie des dieux. […] L’enfant voluptueux préférait la molle Aphrodite à la sérieuse Perséphone, Cythère en roses au noir Achéron. […] Bacchus dévore les dieux, comme le Moloch punique dévorait les enfants, et ce sont aussi ses prêtres qui les lui présentent.

263. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

En 1740612, Massillon, évêque de Clermont-Ferrand, écrit à Fleury : « Le peuple de nos campagnes vit dans une misère affreuse, sans lits, sans meubles ; la plupart même, la moitié de l’année, manquent du pain d’orge et d’avoine qui fait leur unique nourriture et qu’ils sont obligés d’arracher de leur bouche et de celle de leurs enfants pour payer les impositions. […] Ils ont pour tout bien un coin de terre, une vache et un pauvre petit cheval ; leurs sept enfants consomment tout le lait de la vache. […] Vous n’en serez pas étonné dans un tel pays… On a soin de les marier d’aussi bonne heure que les grands seigneurs », sans doute par crainte de la milice. « Mais le pays n’en est pas plus peuplé, car presque tous les enfants meurent. Les femmes n’ayant presque pas de lait, les enfants d’un an mangent de ce pain dont je vous ai parlé ; aussi une fille de quatre ans a le ventre gros comme une femme enceinte… Les seigles ont été gelés cette année, le jour de Pâques ; il y a peu de froment ; des douze métairies qu’a ma mère, il y en a peut-être dans quatre. […] Il n’a de jouissance que sa paresse et sa lenteur, d’espérance que dans une bonne année de châtaignes, et d’occupation volontaire que d’engendrer » ; faute de pouvoir louer des valets de ferme, il fait des enfants  Les autres, manœuvres, ont quelques petits fonds, et surtout « vivent sur le spontané et de quelques chèvres qui dévorent tout ».

264. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Michel-Ange enfant y eut le berceau de son génie. […] Laurent s’attacha à cet enfant, lui ouvrit sa maison, le reçut à sa table avec ses propres enfants. […] Julien n’avait point eu d’enfants de Philiberte de Savoie, qu’il avait épousée. […] Ses enfants furent des fils de la république ; il partagea entre eux son âme et ses richesses. […] Julien, enfin, le dernier de tous, qui est encore un enfant, s’attache tous les cœurs de la cité par sa modestie, sa beauté, et par une nature merveilleuse et suave qui se décèle dans sa probité, son honnêteté et son esprit.

265. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

De retour à Paris avec son père, plus de jeux, un redoublement de lecture, ou, par intervalles, une sorte de rêverie nonchalante qui faisait demeurer l’enfant assise ; les bras croisés, avec ce grand œil fixe (de Minerve), sans presque aucun mouvement de paupière. […] Enfant, sous son air calme, elle était passionnée, peu flexible, violente même ; elle perdit un jour, à onze-ans, son prix de sagesse, pour un soufflet donné. […] Les bonnes qualités, chez la femme-poëte surtout, sont comme des mères tendres et prévoyantes qui retiennent à temps l’enfant prodigue près de s’échapper, et cet enfant prodigue s’en irait sans cela par le monde, accroissant son renom et gagnant la gloire. […] C’est qu’au lieu des jeunes prières, Ou du Te Deum triomphant, Il fait vibrer les froides pierres De ma mère et de mon enfant ! […] L’un s’est creusé, lui seul, son mal imaginaire ;… L’autre n’a plus d’enfant !

266. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Il recueille les misérables, les nourrit, les occupe, les marie ; mendiants, vagabonds, paysans fugitifs affluent autour du sanctuaire : Par degrés leur campement devient un village, puis une bourgade : l’homme laboure dès qu’il peut compter sur la récolte et devient père de famille sitôt qu’il se croit en état de nourrir ses enfants. […] Tous les goûts, tous les sentiments sont subordonnés au service ; il y a tel point de la frontière européenne où l’enfant de quatorze ans est tenu de marcher, où la veuve jusqu’à soixante ans est forcée de se remarier. […] Ils seront ses serfs ; ses mainmortables ; quelque part qu’ils aillent, il aura le droit de les ressaisir et ils seront, de père en fils, ses domestiques-nés, applicables au métier qu’il lui plaira, taillables et corvéables à sa merci, ne pouvant rien transmettre à leur enfant que si celui-ci, « vivant à leur pot », peut après leur mort continuer leur service. « Ne pas être tué, dit Stendhal, et avoir l’hiver un bon habit de peau, tel était pour beaucoup de gens le suprême bonheur au dixième siècle » ; ajoutons-y pour une femme celui de ne pas être violée par toute une bande. […] Lorsqu’il est veuf et sans enfants, on députe auprès de lui pour qu’il se remarie et que sa mort ne livre pas le pays à la guerre des prétendants ou aux convoitises des voisins. — Ainsi renaît, après mille ans, le plus puissant et le plus vivace des sentiments qui soutiennent la société humaine. […] Par exemple Chilpéric, sur les conseils de Frédégonde, après la mort de tous leurs enfants.

267. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Si l’on m’eût dit à dix-huit ans : mon enfant, de l’image du vice, ou de l’image de la vertu, quelle est la plus belle ? […] J’ai vu au fond du faubourg Saint Marceau où j’ai demeuré longtemps des enfants charmants de visage. […] Elle a porté son enfant dans ses bras. […] L’ovale du visage, arrondi dans la femme, dans l’enfant : caractère de jeunesse, principe de la grâce. […] La femme arrêtée et assise allaitera son enfant.

268. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

Les choses s’arrangeront, du reste, assez bien d’elles-mêmes, puisque le cours d’histoire littéraire invitera l’enfant à lire tel ou tel auteur dont le nom l’aura frappé dans le cours. Je parle de la majorité des enfants qui, même en France, est assez docile. […] Ce fut pis, parce que les enfants, incapables d’avoir assez lu Montaigne et Molière et de les avoir assez lus en critiques pour avoir des idées personnelles, des idées bien à eux sur le tour d’esprit particulier de Molière et de Montaigne, ne mettaient dans leurs devoirs que des lambeaux, quelquefois un peu démarqués, de Sainte-Beuve, de Brunetière, de Lintilhac. […] Énergiquement, doctoralement, quelques-uns disent : « Ne jamais demander à l’enfant que sa pensée personnelle, que l’impression qu’il a reçue et dont il a dû, seulement, se rendre compte, dont il a dû, seulement, prendre possession, en lisant les Femmes savantes, Britannicus ou l’Art de conférer. […] Ce qui sera de l’enfant, ce sera une composition bien ordonnée, une disposition claire et peut-être déjà adroite des idées, et un style déjà plus ou moins formé, et ce sera toujours sur ces choses qu’il faudra juger un devoir d’enfant.

269. (1904) Le collier des jours. Souvenirs de ma vie

C’est cela sans doute qui écarta, pour un instant, les brumes de mon esprit d’enfant. […] Quel vilain enfant ! […] Il vivait là, avec sa femme, sa fille mariée et les enfants de cette fille. […] Tout enfant, sa mère habitant Passy, il avait voisiné avec la famille Gautier. […] La gracieuse enfant s’imaginait faire de la peinture.

270. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Toutefois, son professeur était humilié de la petitesse de sa taille, de son air enfant, et pour s’en débarrasser, un jour, il lui donnait comme pensum, à copier six fois, mot à mot, le De viris illustribus. […] Moi. — Si, j’y mettrais un enfant, moi, mais pas le moutard spirituel, pas l’enfant sentimentalement ventriloque du théâtre, j’y mettrais un bébé comme Mémé, un enfant de deux à trois ans, qui y jetterait le gazouillis d’un petit être de grâce, dans le sérieux des paroles. […] » Daudet comprenait, que c’était de son jeune enfant, mort il y avait deux ans, qu’il parlait. Alors le père lui racontait, que l’entendant, une nuit, tout doucement pleurer dans son lit, il lui demandait ce qu’il avait, et que l’enfant lui répondait : « Ça m’ennuie de mourir !  […] On crie : Au dodo les enfants !

271. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

L’enfant est devenu une jeune fille ; elle n’a pas moins de dix-sept ou dix-huit ans, alors que M. de Ferriol (je le suppose rentré en France) a soixante ans bien sonnés, car il ne rentre qu’en mai 171167. […] Ses parents eurent neuf enfants et peu de biens ; trois filles entrèrent au couvent, trois cadets suivirent l’état ecclésiastique. […] Tout ce qu’on racontait de cet enfant était merveille, tellement qu’il n’y avait pas moyen de se repentir de sa naissance. […] sa douleur fut ce qu’on peut imaginer ; il se consacra tout entier à cette tendre mémoire et à la jeune enfant qui désormais la faisait revivre à ses yeux. […] Non, messieurs, cela est impossible, et voici mes raisons : Mme de Ferriol servait de mère à Mlle Aïssé ; elle avait mêlé son éducation à celle de ses enfants.

272. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Sans le dévouement d’une nièce chérie j’y serais seul ; ma mère, ma femme, mes deux enfants, m’attendent au bout du jardin dans le cimetière de la paroisse. […] * * * Enfant, je suis Milton ! […] Dans tes embrassements je répandis mon âme,        De Sion enfant bien-aimé. […] je me le rappelle) Qu’après vêpres, enfants, au chœur de la chapelle,                  On nous faisait venir. […] Puissent-ils, comme ces chants antiques qui soutenaient le guerrier dans le combat, vous retracer l’image adorée du foyer, des enfants et de l’épouse !

273. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

Mais un tel piédestal ne le grandit pas, car le xviiie  siècle, qui n’a point de morale, ne peut avoir de moraliste, et Chamfort, l’enfant naturel d’un siècle sans mœurs, ne fut jamais, ne nous y trompons pas ! […] Ils ont pris au pied de la lettre brute cette cordiale plaisanterie de l’Espagne, qui fait de tout illégitime un gentilhomme ; et par cela même ils ont prouvé qu’ils n’entendaient rien à cette grande parole qui n’a de sens qu’avec la foi chrétienne et que peuvent dire seuls les bâtards pieux et fidèles qui se réclament de la légitimité divine : « Je suis enfant de Dieu et de noble maison. » Ils se sont enfin haussés jusqu’aux plus insolentes apologies, et de ces apologies jusqu’aux blasphèmes, et de tels blasphèmes que nous ne voulons ni ne pouvons les répéter. […] Dieu, qui connaît les mystères des cœurs mieux que personne, a flétri nos tristes mœurs dans leurs tristes fruits, pour nous les interdire, au nom même de nos entrailles, en nous rendant responsables des calamités que nous amassons sur la tête de nos enfants. […] Le bâtard, en effet, doit se dire, malgré lui, que son père, qui n’en mérita pas le nom, et sa mère, qui déshonora ce titre sublime, ont eu, neuf mois durant, des tentations horribles, en maudissant à part eux, en leur pauvre enfant, le révélateur de leur faute. […] Mais les enfants, dociles par faiblesse, ne résistaient pas aux mains lumineuses qui les prirent et les essuyèrent.

274. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

En effet, Laurent est un poète, comme Sténio, qui, disait-on, était déjà un portrait ; débauché comme Sténio, amoureux comme Sténio, bien plus de l’émotion de l’amour que de la femme aimée, recherchant cette émotion moins pour l’éprouver que pour la peindre, contradictoire comme un enfant et comme tant de génies, lorsque la religion, qui fait seule l’harmonie et l’ordre dans ces têtes sublimes et troublées, n’y verse pas la paix féconde et la lumière ! […] — qui ressemble monstrueusement à l’inceste, puisque celle qui l’éprouve ne l’éprouve que pour devenir la maîtresse de celui qu’elle ose appeler son enfant ! […] Ce Palmer, sans qui, du reste, le roman ne finirait point, apporte, pour le terminer, un enfant enlevé à Thérèse et qu’elle avait eu d’un indigne mari avant que l’indigne amant lui eût succédé. C’est ainsi que l’enfant vrai peut arracher du cœur de Thérèse, de ce cœur enragé ou plutôt dépravé par des besoins de maternité insatiables, l’amour faux de ce faux enfant d’amant, qu’elle s’obstine, jusqu’au dernier moment du livre, à traiter avec la lâcheté sublime que les mères ont parfois pour leurs fils !

275. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

En effet, Laurent est un poète, comme Sténio qui, disait-on, était déjà un portrait, débauché comme Sténio, amoureux comme Sténio, bien plus de l’émotion de l’amour que de la femme aimée, recherchant cette émotion moins pour l’éprouver que pour la peindre, contradictoire comme un enfant et comme tant de génies, lorsque la religion, qui fait seule l’harmonie et l’ordre dans ces têtes sublimes et troublées, n’y verse pas la paix féconde et la lumière ! […] C’est toujours enfin cet amour maternel, — sans sacrement, bien entendu, — qui ressemble monstrueusement à l’inceste, puisque celle qui l’éprouve ne l’éprouve que pour devenir la maîtresse de celui qu’elle ose appeler son enfant ! […] Ce Palmer, sans qui, du reste, le roman ne finirait point, apporte, pour le terminer, un enfant enlevé à Thérèse et qu’elle avait eu d’un indigne mari avant que l’indigne amant lui eût succédé. C’est ainsi que l’enfant vrai peut arracher du cœur de Thérèse, de ce cœur enragé ou plutôt dépravé par des besoins de maternité insatiables, l’amour faux de ce faux enfant d’amant, qu’elle s’obstine, jusqu’au dernier moment du livre, à traiter avec la lâcheté sublime que les mères ont parfois pour leurs fils !

276. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

À la naissance de son fils, le père de Schiller éleva l’enfant dans ses bras et l’offrit à Dieu comme le patriarche. […] Les mères sont la prédestination des fils ; elle nourrissait son enfant des lectures de la Bible et des chants de Klopstock, dans son épopée du Christ ; l’enfant suçait de ses lèvres la piété et la foi. […] L’âme est le miroir de la création ; la nature commence par s’y refléter, puis elle s’y anime, et le poète est créé dans l’enfant. […] Tout ce que le sort changeant jette parmi les enfants de la terre montera vers cette couronne de métal et la fera vibrer au loin. […] c’est une épouse chérie, c’est une mère fidèle que le démon des ténèbres arrache aux bras de son époux, aux tendres enfants qu’elle mit au monde avec bonheur, qu’elle nourrit sur son sein avec amour.

277. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Tantôt c’est dans le jardin des Tuileries (en décembre 1605) qu’il reçoit l’archevêque de Vienne, Pierre de Villars, qui vient lui apporter les doléances du Clergé, et il lui répond avec nerf et à propos sur un sujet dont il est plein : tantôt c’est au moment où il est à jouer avec ses enfants dans la grande salle du château de Saint-Germain (3 novembre 1599) qu’il voit entrer les députés du parlement de Bordeaux, et il va à eux en leur disant : « Ne trouvez point étrange de me voir ici folâtrer avec ces petits enfants ; je sais faire les enfants et défaire les hommes. Je viens de faire le fol avec mes enfants, je m’en vais maintenant faire le sage avec vous et vous donner audience. » Et comme il s’agit de l’Édit de Nantes sur lequel on essaye de le chapitrer, il les remet en peu de mots au pas et à la raison. […] Mais je vous prie, se mit à dire là-dessus Henri IV parlant de Catherine et l’excusant, qu’eût pu faire une pauvre femme ayant, par la mort de son mari, cinq petits enfants sur les bras, et deux familles en France qui pensaient d’envahir la couronne, la nôtre et celle de Guise ? Fallait-il pas qu’elle jouât d’étranges personnages pour tromper les uns et les autres, et cependant garder comme elle a fait ses enfants, qui ont successivement régné par la sage conduite d’une femme si avisée ? […] Ma bonne mère, à qui je dois tout, et qui avait une affection si grande de veiller à mes bons déportements, et ne vouloir pas, ce disait-elle, voir en son fils un illustre ignorant, me mit ce livre entre les mains, encore que je ne fusse à peine plus un enfant de mamelle.

278. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Son père, tenant à lui donner une éducation libérale, le mit bien jeune au collège des Jésuites ; mais l’enfant ne voulait pas apprendre. Un jour, le père le prit par la main, et le conduisit au chef de son atelier auquel il dit : « Je t’amène mon fils ; tu lui feras carder la laine comme un simple ouvrier, et, s’il ne travaille pas comme il faut, voici un fouet avec lequel tu le châtieras. » On dit que depuis ce moment l’enfant ne se plaignit plus du travail du collège. […] On raconte que dans les premiers mois où il siégeait à la Convention, Jean-Bon, au milieu de tous les soins et soucis que lui donnait la chose publique, trouvait encore le temps de diriger de loin l’instruction du fils de sa sœur, le jeune Belluc30, et que chaque courrier apportait à l’enfant ses devoirs corrigés. […] J’ai sous les yeux une lettre de Jean-Bon, datée de Castres, du 17 mai 1787, dans laquelle, s’adressant à sa sœur et à son beau-frère, il leur parle de ce jeune enfant, et en toute cordialité : « Tu sais combien j’ai été enchanté de ton petit bonhomme ; je me nourris de l’espoir de lui être un jour utile, et de contribuer peut-être à en faire un honnête homme. […] Vous avez vu jusqu’à quel point ma femme s’était emparée de l’esprit et des volontés de cet enfant ; personne ne le caressait plus qu’elle, et personne ne s’en faisait mieux obéir qu’elle.

279. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Mme de Genlis. (Collection Didier.) » pp. 19-37

À celle-ci, une enfant de dix ans, elle voudra un jour apprendre la harpe ; mais la harpe est trop lourde, et, au bout de six mois, la maîtresse s’aperçoit que l’enfant devient bossue ; ce que voyant, elle lui redresse la taille moyennant un corps baleiné et une plaque de plomb qu’on fait venir de Paris. […] Cette enfant, qui a commencé par lire Clélie, et qui s’en souviendra toujours, joue la comédie dès ses premières années, et tout désormais dans son imagination, même l’enseignement, prendra volontiers cette forme de comédie et de théâtre. […] Quelque opinion qu’on puisse garder d’elle en définitive, on conviendra qu’à cet âge elle dut être une enfant séduisante : les défauts ne se marquent comme tels que plus tard, la jeunesse couvre tout, et, puisque avec Mme de Genlis nous sommes à moitié dans la mythologie, je dirai : la jeunesse prête à nos défauts des ailes qui les empêchent de se faire trop sentir et de peser. […] Elle publia dans le sens constitutionnel des Conseils sur l’éducation du Dauphin, et ne craignit pas de livrer à l’impression, sous le titre de Leçons d’une gouvernante (1791), une partie des Journaux confidentiels qui se rapportaient à l’éducation des enfants d’Orléans, en assaisonnant le tout de réflexions patriotiques à l’ordre du jour. […] La manière dont elle conçut et dirigea, dès le premier jour, l’éducation des enfants d’Orléans, est extrêmement remarquable, et dénote chez l’institutrice un sens de la réalité plus pratique que ses livres seuls ne sembleraient l’indiquer.

280. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Démétrius, l’autre fils d’Ivan, beaucoup plus jeune que Fédor, et tout enfant à la mort de son père, annonçait, dit-on, des dispositions ardentes et cruelles : mais il vécut peu. […] La mère de Démétrius, la tsarine douairière, fut reléguée dans un couvent où elle prit le voile ; les oncles de l’enfant furent exilés ; les habitants d’Ouglitch furent, les uns punis de mort, les autres jetés en prison ou relégués en Sibérie. […] Le résultat de ce châtiment éclatant fut d’accroître la haine publique qui s’attachait déjà à Boris, et de persuader qu’il n’était pas étranger à la mort de l’enfant à laquelle il avait tant d’intérêt et dont il allait recueillir le fruit. […] Athalie étouffa l’enfant même au berceau. […] Le même jour il expira entre les bras de sa femme et de ses enfants.

281. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

J’ai vu des mères, affligées de squirres, prendre leur squirre pour un enfant et devenir tendres pour cette horrible chose qu’elles avaient dans le ventre. […] il va devant lui comme un enfant, attiré par l’objet à décrire, pris par cet objet d’un intérêt futile, — l’intérêt d’une sensation. […] C’est un enlumineur qui peint des verres coloriés pour les lanternes magiques qu’on montre aux enfants. […] Les enfants, en revenant de l’école, font quelquefois d’abominables bonshommes sur les murs. […] D’abord, il écrit pour des enfants : c’est là son but hautement avoué ; et ensuite, il a des qualités charmantes de simplicité et de nature humaine dans un surnaturel de convention impossible.

282. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Nous rapportons ces causes à l’éducation sauvage, et pour ainsi dire bestiale, des enfants. […] Le plus sublime effort de la poésie est d’animer, de passionner les choses insensibles. — Il est ordinaire aux enfants de prendre dans leurs jeux les choses inanimées, et de leur parler comme à des personnes vivantes. — Les hommes du monde enfant durent être naturellement des poètes sublimes. […] Il est naturel aux enfants de transporter l’idée et le nom des premières personnes, des premières choses qu’ils ont vues, à toutes les personnes, à toutes les choses qui ont avec elles quelque ressemblance, quelque rapport. […] Les enfants ont à un très haut degré la faculté d’imiter ; tout ce qu’ils peuvent déjà connaître, ils s’amusent à l’imiter. — Aux temps du monde enfant, il n’y eut que des peuples poètes ; la poésie n’est qu’imitation. […] Maintenant encore au milieu de tant de facilités pour apprendre le langage articulé, les enfants, dont les organes sont si flexibles, commencent toujours ainsi.

283. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

je fuyais l’école comme fait le mauvais enfant. […] Omaya supplie, proteste, montre son enfant, le petit Ivashita. […] Mais voici venir Véranet, un garçon qu’elle a connu tout enfant. […] Mais embrasse-moi bien, chère enfant ! […] chez les enfants du siècle.

284. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Thèse dans Le Fils naturel (comme quoi l’on est le père des enfants qu’on élève et non pas des enfants qu’on fait, et que l’enfant n’a pas de devoir envers le père qui ne l’a pas élevé). […] Tous goûtions des joies d’enfants. […] » répond l’enfant. […] Tout le monde est là, sauf les enfants. […] Il faut que les enfants s’unissent.

285. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

L’enfant ne bougea pas. […] « Enfants, en avant !  […] on eût dit le cri d’un enfant. […] Sur ce cadavre était un enfant de trois ans environ. […] Refus de M. de Vauldenay, qui ne peut donner d’état civil à son enfant.

286. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

74 Mais la révolution, qui appelait à son aide ses enfants, l’enleva à l’art. […] Une immense population couvrait l’Alhambra et la vaste promenade de l’Alameda, qui la sépare de Grenade ; hommes, femmes, enfants nous demandaient avec acharnement. […] L’homme se ressouvint des jeux de l’enfant. […] Il donna pour pendant à ce bas-relief un jeune homme accroupi, caressant un enfant qui jouait sur le dos d’un chien : son imagination se reportait ainsi vers sa jeune épouse et vers les joies domestiques dont il était sevré. […] On racontait qu’il faisait rôtir les petits enfants espagnols échappés aux baïonnettes françaises.

287. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Qui ne se souvient de sa véronique, cette enfant idéale, née dans une échoppe de brocanteur auvergnat, comme une Vierge de Raphaël égarée parmi des croûtes de bric-à-brac. […] Sa sœur Julie, l’enfant gâté de la maison, qui se marie, le jour même, avec M. le comte d’Ollivon, essaye en vain d’entrouvrir à l’espoir cette âme repliée sur elle-même. […] Ma sœur est une enfant, — et je ne le suis plus. […] Restent Julie, une bonne enfant, rien de plus, et M. le comte d’Ollivon, le type le plus fin et le mieux réussi, selon moi, de la comédie. […] Frédérique parle à son tour, mais elle ne pleure plus, la brave enfant, elle ne connaît plus ce misérable, elle ne l’aime plus ; l’a-t-elle jamais aimé ?

288. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Si l’écriture peut être comparée à l’enfant dans le sein de sa mère, l’imprimerie remplit l’office d’accoucheur. […] Il en résultait des glorioles d’enfant, et n’en est-ce pas la meilleure preuve que cet exemplaire raturé de Louis Lambert, rehaussé d’une riche reliure romantique et offerte par lui en cadeau à M.  […] Gloriole d’enfant, orgueil considérable, inquiétudes plus considérables encore sur la durée de son œuvre et l’enveloppe d’un style qui ne lui semblait pas assez résistante pour traverser victorieusement les modes de la langue française, me paraissent former le véritable fonds de Balzac écrivain. […] À cet enfant chétif Balzac prodigua ses caresses de plume.

289. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Observations sur les enfants. — Analogie de l’invention enfantine et de l’invention scientifique. — En quoi l’intelligence humaine se distingue de l’intelligence animale […] — Comment, chez l’enfant, les noms transmis deviennent des noms significatifs. — Indications fournies par ses barbarismes. — Observations du Dr Lieber. — L’enfant reçoit les mots, mais crée leur sens. […] Grâce à cette aptitude, l’enfant de quinze mois apprend, en deux ou trois ans, les principaux mots de la langue usuelle et familière. — Notez la différence profonde qui sépare cette acquisition de l’acquisition parallèle que pourrait faire un perroquet. L’enfant invente et découvre incessamment et de lui-même ; il n’y a pas d’époque dans sa vie où son intelligence soit si créatrice. […] C’est ainsi que l’enfant fait avec les mots transmis des mots significatifs.

290. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Je montai donc dans ma voiture avec mes enfants et cet officier, qu’on avait choisi comme le plus littéraire des gendarmes. […] Des enfants jouaient aux petits palets sur ce tertre de gazon, seul monument pour de telles cendres. […] Cependant elle n’osa pas résider ouvertement dans le seul pays ennemi de la France où sa résidence eût été un crime, puni peut-être dans la fortune de ses enfants. […] Aimable et vertueux enfant, que la bénédiction de Dieu t’accompagne sur la terre et dans le ciel. […] « Mon unique enfant, car il ne me reste que toi, d’autres à qui j’avais donné la vie dorment là-bas sous le gazon du cimetière ; mon unique enfant, tu vas t’en aller en suivant la route par laquelle je suis venu.

291. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Huit enfants ! […] Cet enfant sera le légitime cousin des enfants Jacquemer. […] Au premier volume, un petit enfant. […] Mais l’enfant lui commandait : — Marche ! […] Celui-ci, aux enfants du jour qui va naître, donne l’enfant d’hier, l’enfant qui n’est plus jeune, le vieil enfant de la tribulation.

292. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Un joli enfant vient la visiter. […] Pour bien se conduire avec les enfants, il faut prendre leurs yeux et leur cœur, voir et sentir à leur portée et les juger là-dessus. […] Pauvres petits enfants, comme je souffre quand je les vois malheureux, tracassés, contrariés ! […] « Si j’avais un enfant à élever, comme je le ferais doucement, gaiement, avec tous les soins qu’on donne à une délicate petite fleur ! […] Cela prouve que les enfants ont le sentiment du beau, et que par les œuvres de Dieu il est facile de leur inspirer la foi et l’amour.

293. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Combien de siècles de civilisation courtoise et religieuse il a fallu pour mûrir un si noble enfant. […] Après tout, j’ai bâti, j’ai planté, j’ai écrit, j’ai fait trois enfants. […] Mais à l’énergie large et calme de ses jeunes aînés, cet enfant substitue une violence sacrée. […] Je ne froisserai personne en rappelant auprès d’un enfant mort pour la France ses titres antérieurs, fussent-ils des souvenirs de discorde. […]   Dans cet enfant excellent, c’est la race même que vous entendez.

294. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Ô le profane, ô le libertin) s’écria-t-on de toutes parts ; mais on le savait par cœur aussi, on retenait, on récitait de ce Mardoche des dizains entiers sans se bien rendre compte du pourquoi, si ce n’est que c’était plein de facilité, de fantaisie, parfois d’un bon sens inattendu jusque dans l’insolence, que c’étaient des vers amis de la mémoire, et les rêveurs eux-mêmes, et les plus tendres, allaient d’un air de gloire se répétant tout bas le couplet : « Heureux un amoureux, etc. » Quant au don Juan de Namouna, à cette forme nouvelle du roué qui pouvait sembler l’enfant chéri de l’auteur, l’idéal, hélas ! […] La conscience qu’a Lorenzo d’avoir trop vu et trop pratiqué la vie, d’être allé trop au fond pour en jamais revenir, d’avoir introduit en lui l’hôte implacable qui sous forme d’ennui le ressaisira toujours et lui fera faire éternellement par habitude, par nécessité et sans plaisir, ce qu’il a fait d’abord par affectation et par feinte, cette affreuse situation morale est exprimée en paroles saignantes : « Pauvre enfant, tu me navres le cœur », lui dit Philippe ; et il ne sait que répéter, à toutes les explications et révélations profondes et contradictoires du jeune homme : « Tout cela m’étonne, et il y a dans tout ce que tu m’as dit des choses qui me font peine, et d’autres qui me font plaisir. » Je ne fais qu’effleurer le sujet. Mais, à relire ainsi et à reprendre, maintenant qu’il n’est plus, bon nombre des pièces et des personnages d’Alfred de Musset, on arriverait à découvrir en cet enfant de génie le contraire de Gœthe, de ce Gœthe qui se détachait à temps de ses créations, même les plus intimes à l’origine, qui ne pratiquait que jusqu’à un certain point l’œuvre de ses personnages, qui coupait à temps le lien, les abandonnait au monde, en étant déjà lui-même partout ailleurs, et pour qui « poésie était délivrance ». […] On connaît trop bien cette histoire, devenue une fable, pour que ce soit une inconvenance de la rappeler en passant ; ce n’est point aux poètes de nos jours, aux enfants du siècle qu’il faut appliquer une discrétion dont ils ont si peu fait usage. […] [NdA] Quelqu’un, à moi de bien connu, qui fut un moment compagnon de Musset dans cette vie d’imagination et d’effréné désir, a osé encore écrire une pensée que je surprends et que je dérobe, une pensée qui exprime à souhait, et plus qu’à souhait, cette forme de déréglement et de fureur passionnée si chère à la génération dite des enfants du siècle : « Je me fais quelquefois un rêve d’Élysée ; chacun de nous va rejoindre son groupe chéri auquel il se rattache et retrouver ceux à qui il ressemble : mon groupe, à moi, je l’ai dit ailleurs, mon groupe secret est celui des adultères (moechi), de ceux qui sont tristes comme Abbadona, mystérieux et rêveurs jusqu’au sein du plaisir et pâles à jamais sous une volupté attendrie. — Musset, au contraire, a eu de bonne heure pour idéal l’orgie, la bacchanale éclatante et sacrée ; son groupe est celui de la duchesse de Berry (fille du Régent), et de cette petite Aristion de l’Anthologie qui dansait si bien et qui vidait trois coupes de suite, le front tout chargé de couronnes : “κώμοι και μανίαι, μέγα χαίρετε…” (Anthol. palat.

295. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Naturalisme d’abord, scepticisme ensuite, toutes les influences qui sortent, pour l’enfant, des premières impressions littéraires, des premières ivresses de son imagination ravie, M.  […] Il demande que les premières émotions, que les premières admirations de l’enfant soient chrétiennes. Il tient à ce que l’enfant soit littérairement et même philosophiquement chrétien dans sa mesure enfantine, avant de pénétrer dans la littérature et la civilisation païenne. […] Certes, s’il fut jamais des hommes dignes de porter dans leurs saintes mains le cœur et le cerveau de l’enfant, ces délicats et purs calices que la vérité doit remplir et qui restent fêlés ou ternis pour toujours, dès qu’un peu de poison de l’erreur y coule, ne sont-ce pas les Jésuites, les pères de la foi, les pères aussi de la pensée, ces premiers éducateurs du monde ? […] Nous ne dirons pas qu’ils en soient sortis comme l’enfant sort complet, organisé, achevé, du sein de la mère.

296. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

La Paternité, qui crée la Famille, insultée maintenant et presque avilie dans une société où les mœurs et les comédies qui les réfléchissent montrent le père toujours inférieur aux enfants et éternellement bafoué par eux ; entamée, de plus, par une philosophie qui a créé l’individualisme moderne et par une révolution qui, du premier coup, enleva à la Famille le droit d’aînesse, cette Paternité a eu bientôt contre elle une effroyable et universelle conspiration, et on le conçoit, car plus une société devient irréligieuse, plus elle peut se passer de père et de Dieu ! […] Pater Familias qui n’avait pas eu besoin de licteur pour se faire obéir d’un enfant révolté, mais qui, au geste de son père, avait eu cet héroïsme, plus difficile que l’autre, d’obéir ! […] Il mit, pour la première fois, devant les enfants, un père supérieur à ses enfants de toutes les manières, et par la raison, et par le caractère, et par la majesté de l’une et de l’autre, et par les grâces de l’esprit, et par la bonté, cette grâce des grâces, et on put comprendre, en le voyant, que la Famille, même atteinte par de fausses doctrines, pouvait se refaire, de par l’ascendant et l’influence de son chef, et rentrer noblement dans la vérité du respect et de l’obéissance. […] Et, en effet, tant que la Paternité, qui est dans la famille ce que Dieu même est dans l’univers, restera debout dans un seul code ou dans un seul cœur ; — tant que cette Paternité discutée, diminuée, méprisée, imbécillisée comme elle l’est par de lâches tendresses, n’aura pas cependant entièrement perdu la notion de son imprescriptible droit et n’aura pas été remplacée par l’État, ce tyran eunuque qui n’a pas d’enfants !

297. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Potain, le bon Potain, racontait à Léon Daudet, que ces jours-ci, ayant des enfants chez lui, le soir, pour les amuser, il s’était fait des moustaches avec du charbon. […] Une douceur des yeux, une blondeur des cheveux, une bonté de la figure, une bonté intelligente, spirituelle, qui met parfois sur son visage d’ange, de la jolie gaminerie d’enfant. […] s’écrie-t-il, à un moment, un mot admirable du fils Meissonier, enfant. […] Avec la séduction, qu’une femme supérieure met dans de l’éducation élevée, on ne sait pas combien grande peut être sa puissance sur une intelligence d’enfant. […] L’enfant tendre, à l’intelligence paresseuse, que j’ai peint sous le nom de Pierre-Charles, était mort d’une méningite, avant le départ de sa mère pour l’Italie, et sur ce pauvre et intéressant enfant, présentant un sujet neuf, sous la plume d’un romancier, j’ai fait peser le brisement de cœur et les souffrances morales de son frère cadet, pendant la folie religieuse de sa mère.

298. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Ainsi dans la pièce au jeune Charles Hugo, pour lui conseiller de rester enfant bien longtemps et de ne pas s’émanciper aux chants trop précoces, l’auteur, livrant son propre secret, nous dit : Oh ! […] Enfant, c’est la douleur qui chante dans les vers ! […] Faut-il dire à cet enfant qui joue quelque chose de cet avenir qu’on sait pour lui et qu’il ignore ? Gray, dans son ode du Collège d’Éton, se le demandait ; mademoiselle Bertin se le demandait également : Chère enfant, tu n’as plus ton aile ! […] Dès le début ces aboiements des molosses dévorants nous reportent aussi à l’arrivée d’Ulysse chez Eumée ; plus loin, le palmier de Latone, auquel il compare les gracieux enfants, nous ramène vers Ulysse naufragé, s’adressant en paroles de miel à Nausicaa.

299. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

C’est une seule figure debout ; vue de faces ; un enfant qui tient un arc tendu et armé de sa flèche toujours dirigée vers celui qui le regarde ; il n’y a aucun point où il soit en sûreté. […] La corde s’est projetée sur le bois de l’arc ; la corde et le bois sur l’enfant, et toute la longueur de la flèche s’est réduite à un petit morceau de fer luisant qu’on reconnaît à peine. […] Il y a encore de Mr Carle Vanloo deux tableaux représentant des jeux d’enfants, que je néglige, parce que je ne finirais point, s’il fallait vous parler de tout.

300. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

On assemblait la famille ; les enfants venaient recevoir des leçons de vertu en entendant louer leur père ; le peuple s’y rendait en foule : le magistrat y présidait. […] L’un venait en habits de deuil, et disait : « Il a fait périr ma femme et mes enfants ; j’apporte ici les dernières plaintes qu’ils prononcèrent en mourant : ô juges, vengez-nous. » Un autre : « Il m’a ravi ma liberté et j’étais innocent ; voilà mes chaînes, elles déposent contre lui, et je viens les secouer sur sa tombe. » Des malheureux, en lambeaux, disaient : « Nous avons été arrachés de nos maisons pour bâtir ces pyramides et ces palais : sur chacune de ces pierres que vous voyez, a coulé quelqu’une de nos larmes » ; et souvent des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, étendant leurs bras à la fois, s’écriaient tous ensemble : « Il a causé la mort de nos pères, de nos frères, de nos époux, qui ont tous péri dans une guerre injuste ; ô juges !

301. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

La femme, avec un grand abattement et une grande angoisse de cœur, s’en revint, et étant toute seule prépara l’enfant pour la sépulture. […] Cependant cette femme était accouchée d’un enfant dans la tour de Cambridge, dont je fus le parrain et mistress Cheak la marraine. […] Si des enfants sont trouvés coupables d’une de ces fautes, les parents ou tuteurs payeront douze pence pour chaque faute. […] En véritable enfant, uniquement touché de la sensation présente, il fut ravi, sauta dehors et courut au jeu. […] « Lorsque Jésus-Christ est né, il a pleuré et crié comme un autre enfant.

302. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Il nous offre d’abord la vue d’une jolie petite ville de Franche-Comté avec son maire royaliste, homme important, riche, médiocrement sot, qui a une jolie femme simple et deux beaux enfants ; il s’agit pour lui d’avoir un précepteur à domicile, afin de faire pièce à un rival de l’endroit dont les enfants n’en ont pas. Le petit précepteur qu’on choisit, Julien, fils d’un menuisier, enfant de dix-neuf ans, qui sait le latin et qui étudie pour être prêtre, se présente un matin à la grille du jardin de M. de Rênal (c’est le nom du maire), avec une chemise bien blanche, et portant sous le bras une veste fort propre de ratine violette. Il est reçu par Mme de Rênal, un peu étonnée d’abord que ce soit là le précepteur que son mari ait choisi pour ses enfants. Il arrive que ce petit Julien, être sensible, passionné, nerveux, ambitieux, ayant tous les vices d’esprit d’un Jean-Jacques enfant, nourrissant l’envie du pauvre contre le riche et du protégé contre le puissant, s’insinue, se fait aimer de la mère, ne s’attache en rien aux enfants, et ne vise bientôt qu’à une seule chose, faire acte de force et de vengeance par vanité et par orgueil en tourmentant cette pauvre femme qu’il séduit et qu’il n’aime pas, et en déshonorant ce mari qu’il a en haine comme son supérieur. […] Je sais bien que Beyle a posé en principe qu’un Italien pur ne ressemble en rien à un Français et n’a pas de vanité, qu’il ne feint pas l’amour quand il ne le ressent pas, qu’il ne cherche ni à plaire, ni à étonner, ni à paraître, et qu’il se contente d’être lui-même en liberté ; mais ce que Fabrice est et paraît dans presque tout le roman, malgré son visage et sa jolie tournure, est fort laid, fort plat, fort vulgaire ; il ne se conduit nulle part comme un homme, mais comme un animal livré à ses appétits, ou un enfant libertin qui suit ses caprices.

303. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Les candidats, en Angleterre, font bruyamment leurs visites, accompagnés d’amis et ayant à leurs trousses une bande d’enfants et de peuple : la maison était donc envahie. […] Elle ira en chaise de poste, avec enfants, sœur, neveu ou nièce, six en tout ; son mari suivra à cheval par derrière. […] Mais écoutons la ballade elle-même : Les chiens aboient, les enfants beuglent, les croisées s’ouvrent, les passants crient bravo ! […] une maigre chère, mais telle que ne la dédaigne point un appétit d’enfant, et qu’un palais non gâté et raffiné ne trouve point sans saveur. […] De là, avec quel plaisir nous avons discerné à peine la charrue au loin se mouvant lentement, et à côté du laborieux attelage, qui ne déviait point de sa ligne, le paysan robuste raccourci jusqu’à ne paraître qu’un enfant !

304. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Deux choses lui restaient dans sa cage inféconde, Le portrait d’un enfant et la carte du monde,          Tout son génie et tout son cœur. […] Quand l’enfant de cet homme Eut reçu pour hochet la couronne de Rome ; Lorsqu’on l’eut revêtu d’un nom qui retentit ; Lorsqu’on eut bien montré son front royal qui tremble Au peuple émerveillé qu’on puisse tout ensemble           Être si grand et si petit ; Quand son père eut pour lui gagné bien des batailles, Lorsqu’il eut épaissi de vivantes murailles Autour du nouveau-né riant sur son chevet ; Quand ce grand ouvrier, qui savait comme on fonde, Eut, à coups de cognée, à peu près fait le monde           Selon le songe qu’il rêvait ; Quand tout fut préparé par les mains paternelles Pour doter l’humble enfant des splendeurs éternelles ; Lorsqu’on eut de sa vie assuré les relais ; Quand, pour loger un jour ce maître héréditaire, On eût enraciné bien avant dans la terre           Les pieds de marbre des palais ; Lorsqu’on eut pour sa soif posé devant la France Un vase tout rempli du vin de l’espérance ; Avant qu’il eût goûté de ce poison doré, Avant que de sa lèvre il eût touché la coupe, Un cosaque survint qui prit l’enfant en croupe,           Et l’emporta tout effaré. […] Étudiez l’incomparable style de Bossuet ; prenez le Sermon sur la mort, et tous ces conseils s’éclairciront ; vous y verrez la métaphore brusque ou préparée, suivie ou abandonnée, plongée au milieu des termes propres ou de métaphores dissemblables, lâchée dès qu’elle ne serait plus qu’une curiosité ou un obstacle, avec une souplesse et une fortune merveilleuses, sans autre règle apparente que l’universelle et l’infaillible règle de donner à la pensée l’expression adéquate, transparente, qui n’y ajoute rien et n’en retranche rien : Multipliez vos jours, comme les cerfs que la fable ou l’histoire de la nature fait vivre durant tant de siècles ; durez autant que ces grands chênes sous lesquels nos ancêtres se sont reposés et qui donneront encore de l’ombre à notre postérité ; entassez, dans cet espace qui paraît immense, honneurs, richesse, plaisir : que vous profitera cet amas, puisque le dernier souffle de la mort, tout faible, tout languissant, abattra tout à coup cette vaine pompe, avec la même facilité qu’un château de cartes, vain amusement des enfants ? […] Cette recrue continuelle du genre humain, je veux dire les enfants qui naissent, à mesure qu’ils croissent et qu’ils s’avancent, semblent nous pousser de l’épaule et nous dire : Retirez-vous, c’est maintenant notre tour. […] Le romantisme, en brisant la hiérarchie des mots qui faisait les uns éternellement nobles et les autres à tout jamais bas, a mis fin à ces périphrases ingénieuses et froides, qui faisaient dévier la poésie de sa véritable voie et l’amusaient à des jeux d’enfants : Je nommai le cochon par son nom : pourquoi pas ?

305. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

vois-tu, quand on veut poser, il ne faut pas avoir d’enfants. » — Son enfant mort, il n’a rien de plus pressé que de faire le portrait du pauvre petit hydrocéphale, ce qui est bien, et de le présenter au Salon, ce qui est mieux. […] Vous trouverez aussi deux ou trois scènes qui ne sont peut-être que mélancoliques : celle où Dubuche, l’homme qui a fait un riche mariage, passe sa journée, dans le morne château où il est méprisé des valets, à envelopper de couvertures et à suspendre à un petit trapèze ses deux petits enfants rachitiques, et le dîner où le brave Sandoz a le sentiment amer de la dispersion et de la mort des amitiés de jeunesse… Mais plutôt vous trouverez, presque à chaque page, une tristesse affreuse, une violence de vision hyperbolique qui accable et fait mal. […] « Hubert et Hubertine n’avaient pas d’enfants, et ils ne pouvaient pas s’en consoler, et c’est pour cela qu’ils avaient adopté la petite Angélique. […] Hubert et Hubertine, vous vous le rappelez, se lamentent de n’avoir pas d’enfant, et, toutes les vingt ou trente pages, l’auteur nous fait entendre délicatement que ça n’est vraiment pas leur faute… « C’était le mois où ils avaient perdu leur enfant ; et chaque année, à cette date, ramenait chez eux les mêmes désirs… lui tremblant à ses pieds… elle se donnant toute… Et ce redoublement d’amour sortait du silence de leur chambre, se dégageait de leur personne » (page 143). […] Lorsque Hubert veut adopter Angélique qui est une enfant trouvée, il va consulter le juge de paix. « M. 

306. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Les lettres de Dreyfus, lamentations monotones d’un enfant qui souffre sans comprendre et d’un bourgeois qui, lui aussi, se sent diminué par « le déshonneur légal », te paraissent « admirables ». […] La Vérité en marche, pauvre livre de bourgeois vaniteux et d’enfant ébloui aux moindres lueurs, finit par les ineffables articles sur François Zola. […] Et il rabâche indéfiniment, enfant qu’on voudrait gifler : « Tel qu’un refrain, je ne puis que répéter ce que j’ai déjà dit. […] Et vous comptez y arriver, ange optimiste, en enseignant à cinquante enfants — peu de levain pour beaucoup de pâte alourdie de beaucoup de fange !  […] Bergeret, et vous demanderiez pour vous le supplice d’une Danaïde qui fait passer des fleuves par son tonneau sans fond plutôt que la destinée aimable de l’enfant dont la moindre fontaine remplit l’urne légère.

307. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Il s’en prend à la surabondance des bourgeois oisifs dans les villes, à la grande propriété dans les campagnes, à la plaie du concubinage, du célibat, aux tourments des enfants dans les collèges ; le vrai et le faux, pêle-mêle, et surtout le vague, se font sentir dans ces pages trop empreintes et comme noyées d’une sensibilité monotone. […] Retiré à Essonne, il y perdit bientôt sa première femme, qui lui laissa deux enfants nommés comme de juste Paul et Virginie, et qui lui légua aussi de fâcheux démêlés avec sa famille. […] À propos d’un changement de lune et d’un redoublement de pluie au mois de mai, il lui écrit : « Cette abondance d’eau accélère la pousse des végétaux ; elle est nécessaire à leurs progrès et à leurs besoins : le mois de mai est un enfant qui veut toujours téter. — Je t’embrasse, mes amours, mes délices, mon mois de mai. » Ce mois de mai, qui est un enfant qui veut toujours téter, n’est-il pas la plus gracieuse et la plus parlante image, surtout adressée à une jeune femme, à une jeune mère ? […] Au mot Appartenir, on avait mis pour exemple : « Il appartient au père de châtier ses enfants. » Là-dessus Bernardin proteste, il se révolte, et trouve étonnant qu’entre tant de relations chères qui lient un père aux enfants, on soit allé choisir la plus odieuse, celle par laquelle il les châtie : Là-dessus, Morellet, le dur ; Suard, le pâle ; Parny, l’érotique ; Naigeon, l’athée ; et autres, tous citant l’Écriture et criant à la fois, m’ont assailli de passages et se sont réunis contre moi, suivant leur coutume. […] Même lorsqu’il est le mieux traité et le plus choyé dans ses voyages à Paris, lorsque chacun le caresse et veut le retenir, Bernardin ne soupire pas moins après sa solitude champêtre ; il sent que la vie s’écoule, que ses dernières pages à achever le réclament, et il écrit alors naïvement à sa jeune femme : Je suis comme le scarabée du blé, vivant heureux au sein de sa famille à l’ombre des moissons ; mais, si un rayon du soleil levant vient faire briller l’émeraude et l’or de ses élytres, alors les enfants qui l’aperçoivent s’en emparent et l’enferment dans une petite cage, l’étouffent de gâteaux et de fleurs, croyant le rendre plus heureux par leurs caresses qu’il ne l’était au sein de la nature.

308. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

L’artiste mourra ; et mes enfants ou moi nous retirerons de ce morceau vingt fois le prix de son premier achat. […] Le serrurier, qui avoit femme et enfants, qui n’avoit ni vêtement ni pain à leur donner, et qu’on ne put jamais résoudre, à quelque prix que ce fût à faire une mauvaise gâche, fut un enthousiaste très-rare. […] Mais comment voulez-vous que le talent résiste et que l’art se conserve, si vous joignez à cette épidémie vermineuse la multitude de sujets perdus pour les lettres et pour les arts, par la juste répugnance des parents à abandonner leurs enfants à un état qui les menace d’indigence ? L’art demande une certaine éducation ; et il n’y a que les citoyens qui sont pauvres, qui n’ont presque aucune ressource, qui manquent de toute perspective, qui permettent à leurs enfants de prendre le crayon. […] Il faut entendre les cris d’une famille honnête, lorsqu’un enfant entraîné par son goût se met à dessiner ou à faire des vers.

309. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

dit-il à chaque instant ; les oiseaux et les enfants ! […] Il est mon enfant, il reste et vous n’y pouvez rien !  […] Les chants sur les mères sont nombreux, mères mortes d’enfants vivants ou mères vivantes d’enfants morts. […] Être enfant, c’est ne saisir la vie que par des vues partielles. […] L’enfant se joue, brise et méprise ; son bonheur est de défaire, et la science enfant est de même, elle n’étudie pas sans tuer.

310. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Quand l’enfant ne l’a jamais connu ? […] Et, quand on songe aux enfants, c’est épouvantable. […] Des enfants se disputent un sac de noix. […] » répondent les enfants. […] Ces grands enfants sont d’admirables idéalistes.

311. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

C’est un enfant. Mais quel enfant ! […] Mes enfants, je vous préviens que ce n’est pas moi. […] L’enfant voit de bonne heure que la politesse le rend agréable aux autres ; et il se plie à ses singeries.

312. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Sa femme très-distinguée, et ses enfants, étaient dignes de lui. […] Cette mort prématurée m’inspira les vers suivants: AUX ENFANTS DE MADAME L. […] Quand vous voudrez, enfants, retrouver dans votre âme Ces souvenirs scellés sous le marbre étouffant. […] De l’éternel séjour, le regard de son âme Est un astre toujours sur ses enfants levé. […] « Et que sont devenus ses enfants ?

313. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

En un instant, par besoin d’action, il frappe, caresse, change cent fois de ton, de visage, avec de brusques mouvements, d’impétueuses saillies, quelquefois enfant, toujours homme du monde, de goût et de conversation. […] C’est un triste spectacle pour ceux qui se promènent dans cette grande ville, ou voyagent dans la campagne, que de voir les rues, les routes et les portes des cabanes couvertes de mendiantes, suivies de trois, quatre ou six enfants, tous en guenilles, et importunant chaque voyageur pour avoir l’aumône… Tous les partis conviennent, je pense, que ce nombre prodigieux d’enfants est aujourd’hui dans le déplorable état de ce royaume un très-grand fardeau de plus ; c’est pourquoi celui qui pourrait découvrir un moyen honorable, aisé, peu coûteux de transformer ces enfants en membres utiles de la communauté, rendrait un si grand service au public, qu’il mériterait une statue comme sauveur de la nation. […] J’ai compté qu’en moyenne un enfant pesant douze livres à sa naissance peut en un an, s’il est passablement nourri, atteindre vingt-huit livres. J’ai calculé que les frais de nourriture pour un enfant de mendiant (et dans cette liste je mets tous les cottagers, journaliers, et les quatre cinquièmes des fermiers) sont d’environ 2 shillings par an, guenilles comprises, et je crois que nul gentleman ne se plaindra de donner 10 shillings pour le corps d’un bon enfant gras qui lui fournira au moins quatre plats d’excellente viande nutritive. […] Petit livre à l’usage des enfants, ainsi que Whittington et son chat, nommé plus loin.

314. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

L’enfant c’est l’humanité qui commence, les enfants ce sont les premiers hommes. […] L’enfant ne sait pas ce que c’est. […] Il n’y a de gai, en ce siècle, que les maisons bourgeoises où il y a beaucoup d’enfants. […] C’est autour de vous le frôlement adorable de petits animaux et de petits anges, et nous nous laissons aller à redevenir enfants avec ces enfants. […] Ils commencent à répéter, à réciter un peu comme des enfants.

315. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Elle publia vers ce temps les Enfants, contes, premier ouvrage auquel elle attacha son nom, guidée par un sentiment de responsabilité morale. […] Faut-il en effet vous le dire, Enfants ? […] Dès la première des Lettres de Famille, que le ton est autre, lorsque Mme d’Attilly ouvre son cœur qui se fond, dit-elle, de tendresse à regarder ses enfants ! […] Il est certain du moins que, dans la plupart des cas, quand l’enfant est bien né, comme on dit, quand il ne recèle pas en lui de faculté trop excentrique ou de passion trop obstinée qui déjoue, le bon résultat doit s’obtenir d’après les soins qu’elle fait prendre. […] Au tome second, les lettres xlix, l et suivantes traitent à fond, dans une admirable mesure, toute la question si délicate, si embarrassante, de l’éducation religieuse à donner aux enfants.

316. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Ne pas manger de chair humaine, ne pas tuer les vieillards inutiles ou incommodes, ne pas exposer, vendre ou tuer les enfants dont on n’a que faire, être le seul mari d’une seule femme, avoir horreur de l’inceste et des mœurs contre nature, être le propriétaire unique et reconnu d’un champ distinct, écouter les voix supérieures de la pudeur, de l’humanité, de l’honneur, de la conscience, toutes ces pratiques, jadis inconnues et lentement établies, composent la civilisation des âmes. […] Il lui faut un culte, une légende, des cérémonies, afin de parler au peuple, aux femmes, aux enfants, aux simples, à tout homme engagé dans la vie pratique, à l’esprit humain lui-même dont les idées, involontairement, se traduisent en images. […] Que des vaincus ou des fous aient, il y a mille ans, engagé le consentement de toutes les générations suivantes : si l’on contracte pour un mineur, on ne contracte pas pour un adulte, et, quand l’enfant est parvenu à l’âge de raison, il n’appartient plus qu’à lui-même. […] Les enfants perdus du parti philosophique. — Naigeon, Sylvain Maréchal, Mably, Morelly. — Discrédit complet de la tradition et des institutions qui en dérivent. […] Cf. ses admirables contes, Entretiens d’un père avec ses enfants et le Neveu de Rameau.

317. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Voilà pourquoi cette langue, quand elle est bien parlée, foudroie l’homme comme la foudre, et l’anéantit de conviction intérieure et d’évidence irréfléchie, ou l’enchante comme un philtre et le berce immobile et charmé comme un enfant dans son berceau aux refrains sympathiques de la voix d’une mère ! […]   À deux pas de cette femme, sous un morceau de toile noire soutenue par deux roseaux fichés en terre pour servir de parasol, ses deux petits enfants jouaient avec trois esclaves noirs d’Abyssinie, accroupies comme leur maîtresse, sur le sable que recouvrait un tapis. […] L’une avait un genou en terre et tenait sur l’autre genoux un des enfants qui tendait ses bras du côté où pleurait sa mère ; l’autre avait ses deux jambes repliées sous elle et ses deux mains jointes comme la Madelaine de Canova sur son tablier de toile bleue ; la troisième était debout un peu penchée sur ses deux compagnes, et, se balançant à droite et à gauche, berçait contre son sein à peine dessiné le plus petit des enfants qu’elle essayait en vain d’endormir. Quand les sanglots de la jeune veuve arrivaient jusqu’aux enfans, ceux-ci se prenaient à pleurer, et les trois esclaves noires, après avoir répondu par un sanglot à celui de leur maîtresse, se mettaient à chanter des airs assoupissants et des paroles enfantines de leur pays pour apaiser les deux enfants. […]   Cette scène jetée par hasard sous mes yeux, et recueillie dans un de mes mille souvenirs de voyages, me présenta les destinées et les phases presque complètes de toute poésie : les trois esclaves noires berçant les enfants avec les chansons naïves et sans pensée de leur pays, la poésie pastorale et instinctive de l’enfance des nations ; la jeune veuve turque, pleurant son mari en chantant ses sanglots à la terre, la poésie élégiaque et passionnée, la poésie du cœur.

318. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Cabet ou un article du Siècle… Il m’est assez indifférent que Hugo fasse bien les vers ; au jour de l’an, quand j’étais enfant, je m’inquiétais beaucoup des bonbons, peu du sac. […] Victor Hugo a été condamné à n’être en effet qu’un enfant de génie, comme l’appelait M. de Chateaubriand. Les œuvres de l’homme font honte aux œuvres de l’enfant. […] Il est le poète des hommes, des femmes, des enfants, des vaillants, des bons, des proscrits, des déshérités et de tous ceux qui aiment. […] Si j’ai plus souvent relu les Contemplations, c’est que, pendant les heures longues d’une veillée de mars au chevet d’une enfant adorée, les fenêtres ouvrant sur une nuit étoilée, j’ai reçu des Contemplations le soulagement à la plus déchirante parmi les douleurs humaines.

319. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Une petite servante, une enfant extrêmement sage, sauva la situation. […] Ce prêtre était ensuite leur gloire, leur enfant, leur honneur. […] La charmante enfant que le vieillard admettait toujours avec un sourire fut dépêchée près de son lit. […] Mais c’était l’homme le moins fait pour éveiller et stimuler des enfants faisant leurs études littéraires. […] Celui qui était chargé de ce soin fut frappé de l’accent d’amour profond qui était dans ces pages d’enfant.

320. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

L’amour fut aussi le premier chant de cet enfant, dans l’âme duquel la passion idéale était éclose avant l’âge des passions terrestres. […] Mais je n’étais qu’un enfant essayant de souffler des étoiles au lieu de souffler ses bulles de savon. […] C’est que le récit est simple, court, candide comme la confession de deux enfants. […] Alors il allait par les rues de Florence, jetant des pierres aux femmes et aux enfants qui calomniaient son parti politique. […] Sa femme, son enfant, ses frères étaient là.

321. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Cette vie d’enfant désenchanté et brutalisé, cette éducation sentimentale d’une âme timide dans un milieu hostile est mieux observées. […] Le héros n’écrit-il pas : « Cette pudeur soudaine à prononcer un nom est une nuance sentimentale que les enfants saisissent très bien, etc… » (p. 189). […] La femme à l’Enfant de M. Régismanset envisage l’enfant au point de vue de l’émoi instinctivement sexuel. […] Albert-Émile Sorel paraissait continuer les théories naturalistes dans Pour l’Enfant, mais depuis semble vouloir revenir au roman psychologique.

322. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Partout dans cet agréable, instructif et somptueux volume, respire l’enfant passionné de sa contrée, l’écrivain désintéressé et bon, qui se croira trop comblé s’il fait agréer à quelques amis compatriotes, non pas son monument, mais son offrande. […] si parfois une femme, Pensive, en les lisant, à la fuite du jour, Sent son œil qui se mouille et son cœur qui s’enflamme   A tes récits d’amour ; Si, parmi les amis qu’a chéris ton enfance, Un seul peut-être, un seul qui t’aurait oublié, Y trouve avec bonheur quelque ressouvenance   D’une ancienne amitié ; Ou, si d’enfants chéris une troupe rieuse Qu’amusent tes récits, que charment tes accents, En t’écoutant, devient meilleure et plus joyeuse,   Et t’aime pour tes chants : Ce rêve est assez beau pour enivrer ton âme ! […] Vivre au cœur d’un ami, d’un enfant, d’une femme…   Voilà ton immortalité.

323. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

quel exemple pour ses enfants ! […] Albert de Broglie, et qui l’a bercé sur ses genoux comme son enfant le plus cher, comme la meilleure de ses gloires futures ? […] Remarquez en effet l’étrange sort de cet enfant ! […] Il oublia, en apparence, ses hochets et ses goûts d’enfant. […] Cette âme d’enfant devine tout ce qu’on souffre autour d’elle et pressent ce qu’elle-même va souffrir.

324. (1887) Essais sur l’école romantique

Donnez-lui des lisières : il marchera comme l’enfant, d’un pas lent et hésitant, sans l’aire de chute ; mais jusqu’où l’enfant va-t-il ? […] Faible enfant ! […] Voilà deux volumes, enfants de cette liberté. […] J’aime mieux, pour ce qui me regarde, que ce soit l’homme mûr qui corrige l’enfant que l’enfant qui corrige l’homme mûr. […] Les œuvres de l’homme font honte aux œuvres de l’enfant.

325. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

L’enfant que tu as eu avec Eilert Lövborg ! Maintenant je brûle, je brûle l’enfant !  […] mon enfant, serais-tu amoureux, toi aussi ?  […] Et vos enfants ? […] Et quel est rôle de l’enfant dans tout cela ?

326. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

« Va, mon enfant, tu donnes la vie à ton père. […] En voilà assez pour tourner la tête d’un enfant vers les rêveries. […] On pilla leurs maisons ; le mari et plusieurs enfants d’Amanda Smith furent tués sous ses yeux. […] C’est un point de leurs croyances que dans le monde à venir chaque homme régnera sur ses enfants qui feront son royaume, « que plus il aura d’enfants plus il aura de gloire, et que s’il n’a ni femmes ni enfants sur la terre, il n’aura pas de gloire dans le ciel ». […] Cervelles d’enfants.

327. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Le poëte théologien circule dans son monde divin avec une liberté et une sérénité d’enfant qui joue. […] disait à SoIon un prêtre égyptien, vous êtes des enfants !  […] A cela se réduisait l’éducation « pour les enfants des meilleures familles ». […] Par la même raison les enfants sont des enfants de troupe45, tous élevés en commun, et dès sept ans, distribués en compagnies. […] — C’est Jean, il a déjà navigué. — Il nous faudra un petit garçon pour nous aider. — J’ai mon filleul Basile. — Un enfant » de huit ans !

328. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Caïn est vraiment l’enfant de la douleur, celui qui salue la vie d’un long gémissement. […] Tandis que le jaguar rêve de sang, l’homme, parfois, rêve d’idéal ; tous les deux sont les enfants de la même Nature. […] Quand un petit enfant présentait à la ronde Son front à nos baisers, oh ! […] Aux yeux mêmes de la science, il y a de la vérité, et non pas seulement de l’illusion, dans l’amour de la mère pour son enfant ou de l’enfant pour sa mère : toutes les découvertes sur les spermatozoaires n’y feront rien. […] L’idéal enfin qu’imaginait Ce furieux, soudain redevenu benêt C’était de ployer tout, cités, hameaux campagne, Hommes, femmes, enfants, sous le niveau du bagne.

329. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

L’enfant eut pour nourrice la femme d’un de ces carriers du village paternel. […] À la fin, le père céda, moins par conviction que par lassitude ; l’enfant fut placé comme élève chez le célèbre peintre Dominico Ghirlandaïo, dont l’école était alors la première de Florence. […] À la fin de sa peinture à la coupole de Santa Maria Novella, œuvre pendant laquelle Michel-Ange avait étonné et secondé son maître, « Cet enfant en ferait déjà plus que moi !  […] L’art toscan était né de la pensée et de la main de cet enfant. […] Il n’avait dans sa maison ni femme, ni enfant, ni parent.

330. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

La langue, il la pétrit à sa guise, non point comme les grands écrivains, parce qu’il la sait, mais, comme les enfants, parce qu’il l’ignore. […] Et ce sonnet est joli, et j’en aime les deux tercets : Mais dans ton cher cœur d’or, me dis-tu, mon enfant, La fauve passion va sonnant l’oliphant. […]     Et j’ai revu l’enfant unique     Et tout mon sang chrétien chanta la chanson pure. […] Allons, tu vois, je reste, Et je dorloterai les rêves de ta sieste, Et tu chantonneras comme un enfant bercé. […] Paul Verlaine a des sens de malade, mais une âme d’enfant ; il a un charme naïf dans la langueur maladive ; c’est un décadent qui est surtout un primitif.

331. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

L’homme raffiné trouve niaises les choses auxquelles le peuple et l’homme de génie prennent le plus d’intérêt, les animaux et les enfants. […] Le génie est enfant ; le génie est peuple, le génie est simple. […] Voilà un superbe système de vie, tout idéal, tout divin, et vraiment digne de la liberté des enfants de Dieu. […] L’homme mûr ne peut plus croire ce que croit l’enfant ; l’homme ne peut plus croire ce que croit la femme ; et ce qu’il y a de terrible, c’est que la femme et l’enfant joignent leurs mains pour vous dire : « Au nom du ciel, croyez comme nous, ou vous êtes damné. » Ah ! […] À chaque pas que je faisais vers l’autel, le doute me suivait ; c’était la science, et, enfant que j’étais, je l’appelais le démon.

332. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Vous n’avez pas un regard pour le sourire de tendresse d’une jeune femme allaitant son enfant, assise sur un banc de la rue, sourire mille fois plus mystérieux que le sourire de toutes les Jocondes. […] Le monde s’élève et s’avance sans vous ou plutôt en dépit de votre effort que submerge la moindre vague de vie, de votre effort qui s’écroule, comme le château de sable élevé par l’enfant, au moindre assaut de la mer montante. […] Pourquoi mépriser l’ouvrier dans la rue, la mère de famille dans la chambre d’enfants, le laboureur à la ferme, la touffe d’herbe au bord de la route, le vieux cheval amaigri tirant sa charrette, l’apprenti accomplissant son humble et fruste labeur ? […] Prenons un exemple déjà produit : Supposez une chambre avec un enfant qui joue, une nourrice qui le surveille, tandis que la mère est occupée à quelque ouvrage. […] Quand nous voyons un enfant approcher naïvement la main d’un charbon rouge, nous saisissons le bras de l’enfant pour arrêter son geste, sans l’ombre d’une hésitation, d’un élan de libre sympathie, en obéissant à la plus nette, à la plus positive impulsion.

333. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Mais les fils de famille se trouvaient, à la mort de leurs pères, affranchis de ce despotisme domestique, et l’exerçaient à leur tour sur leurs enfants. […] En conséquence de l’éducation sauvage des géants dont nous avons parlé, l’éducation des enfants doit conserver chez les peuples héroïques cette sévérité, cette barbarie originaire ; les Grecs et les Romains pouvaient tuer leurs enfants nouveau nés ; les Lacédémoniens battaient de verges leurs enfants dans le temple de Diane, et souvent jusqu’à la mort. […] Chez eux, les femmes sont considérées par leurs maris comme nécessaires pour leur donner des enfants, mais du reste traitées comme esclaves. […] Mais les Gaulois et les Celtes conservèrent toujours le même pouvoir sur leurs enfants et leurs esclaves. […] Tout ceci prouve combien les modernes se sont mépris sur le sens du mot célèbre : les barbares n’ont point sur leurs enfants le même pouvoir que les citoyens romains.

334. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Mais le jour même où l’on va représenter à Naples, sur le théâtre de San-Carlo, le premier opéra de ce Roswein, un chef-d’œuvre, le chevalier s’aperçoit que le pauvre enfant est amoureux, — mais amoureux comme un enfant qu’il est, d’une belle, blonde et douce créature, la fille de maître Sertorius, la violoncelliste et le professeur de contre-point, et qu’il veut tout bonnement l’épouser. […] Rien pour elle ne se passe comme pour un autre enfant. […] Déjà, je dois le dire, cela commence à impatienter ; l’amour-propre du lecteur est humilié vraiment de cette dépense de petits miracles inutiles autour de cet enfant prodige, et, parmi les lectrices, bien plus indulgentes, il n’y aura que celles qui croiront ressembler à Sibylle et qui s’adoreront un peu en elle, qui l’aimeront. […] Réservez, puisque vous le voulez absolument, la charité pour Sibylle, mais accordez à l’autre du moins d’être bonne enfant, laissez-lui l’humanité. […] Qu’avez-vous prétendu au juste dans ce portrait de pure et angélique enfant auquel vous vous êtes visiblement affectionné ?

335. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

qui guidera maintenant tes enfants dispersés ? […] Un poète le premier, Alfred de Musset, s’avisa qu’on avait trop chanté sur cette corde, et le cruel enfant, dès les premiers couplets de Mardoche, ne manqua pas de nous montrée son héros prenant, comme de juste, le rebours de l’opinion, et aimant mieux la Porte et le sultan Mahmoud Que la chrétienne Smyrne, et ce bon peuple hellène, Dont les flots ont rougi la mer Hellespontienne, Et taché de leur sang tes marbres, ô Paros ! […] Musset nous présageait, à vingt ans de là, cet autre enfant charmant et cruel qui devait aller sur place observer et étudier la Grèce, qui l’a si bien peinte, mais si malignement et tout en gaieté, dans ses mœurs, dans sa politique, dans ses finances, dans sa police, dans sa pauvre royauté. Cruel enfant, en effet (il n’avait guère que vingt ans alors !) […] A un certain endroit de l’lliade, parlant de la blessure d’Agamemnon au bras ou à la main, et des douleurs aiguës qu’elle lui causait, Homère compare ces douleurs à celles qu’éprouverait une femme en travail d’enfant ; sur quoi Plutarque se récrie d’admiration : « Les femmes disent que ce n’est point Homère qui a écrit ces vers, mais la femme Homère, après avoir accouché ou pendant qu’elle accouchait encore » ; tant la douleur lancinante de l’enfantement y est bien rendue !

336. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

18° Droit de bordelage (le seigneur est héritier, sauf lorsque les enfants du mort vivaient avec le mort au moment du décès). […] La nourrice n’a d’autres fonctions que de donner à téter à l’enfant quand on le lui apporte ; elle ne peut pas lui toucher. […] Il y a des heures pour remuer l’enfant, trois ou quatre fois dans la journée. Si l’enfant dort, on le réveille pour le remuer. […] Si une épingle le pique, la nourrice ne doit pas l’ôter ; il faut chercher et attendre une autre femme ; l’enfant crie dans tous ces cas, il se tourmente et s’échauffe, en sorte que c’est une vraie misère que toutes ces cérémonies. » (Mme de Genlis, Souvenirs de Félicie, 74.

337. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Sur deux mille enfants, à peine y en a-t-il deux qu’on puisse élever d’après leurs principes. […] Place entre l’un et l’autre une bonne grosse paysanne qui allaite un enfant, et je reconnaîtrai la Population. […] Et pourquoi ne verrais-je pas autour de ce vase une danse d’enfants, les joies du temps de la vendange, une bacchanale ? […] Quel groupe plus simple, plus beau que celui du Laocoon et de ses enfants ? Quel groupe plus maussade, si on le regarde par la gauche, de l’endroit où la tête du père se voit à peine, et où l’un des enfants est projeté sur l’autre ?

338. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

… Elle est fille d’une mère qui a été fort persécutée des tyrans, qui l’ont voulu étouffer dans le sang de ses martyrs, et encore des hérétiques, qui ont fait mille efforts à ce qu’elle ne mît point ce béni enfant au monde ; mais enfin elle s’est couronnée de lys aussi bien que de roses, portant en son sein des vierges et des martyrs… Cette excellente épouse n’a jamais été maltraitée de son mari, qui au contraire est mort pour elle… Et elle continue sur ce ton, multipliant, épuisant les images, les allusions emblématiques, s’y jouant plus que de raison, oubliant un peu le goût, mais faisant ses preuves en fait de grâce : je prends le mot dans le double sens, dans le sien et dans le nôtre. […] Il fallut toute la grâce et les gentillesses de la mère Agnès pour l’apaiser, pour la faire revenir de sa bouderie ; il fallut surtout ce post-scriptum rassurant, — car Mme de Sablé, en enfant gâté, ne se contentait pas de la promesse qu’on ne ferait plus de bougie, elle disait : Vous en ferez, vous en avez besoin, je veux que vous en fassiez, je ne veux pas vous gêner, mais je m’en irai ; il fallait donc lui prouver qu’on en pouvait faire sans que l’odeur lui en arrivât : « Depuis ma lettre écrite, lui disait la mère Agnès dans les dernières lignes, nos sœurs ont été faire la ronde pour chercher un lieu, s’il en faut un absolument pour vous satisfaire ; elles en ont trouvé un dans les derniers jardins, tout à l’autre bout, proche l’apothicairerie. » — Le choix de ce lieu-là hors de toute portée tranquillisa peut-être Mme de Sablé jusqu’à nouvel ordre et nouveau caprice, jusqu’à nouvelle lune. […] Il avait un grand parasol pour se préserver du soleil, et les polissons du quartier qui voyaient cet homme grave, nu-tête, marchant à pas comptés sous son parasol, le poursuivaient de leurs cris et peut-être de mieux : il avait envie de les traiter parfois comme fit le prophète Élisée des enfants qui le huaient, et il consulta son confesseur pour savoir s’il ne lui serait point permis de leur faire donner du bâton par un domestique qui le suivrait à quelque distance. […] Il faut savoir qu’autrefois du temps de ses guerres, au sac d’une ville, il avait trouvé un enfant abandonné sur un fumier, une petite fille ; il l’avait emportée dans son manteau et en avait pris soin depuis, la faisant élever dans un couvent. […] Il avait été, pensait-il, ramassé lui-même un jour par le bon pasteur comme il avait ramassé cet enfant.

339. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Si les enfants tombaient quelque jour dans les idées ridiculement irréligieuses que j’ai eues quelquefois moi-même, fais-leur lire cette lettre et dis-leur que l’oncle Gaston qui, plein de vie, de force et de raison, est mort entre les mains d’un prêtre, était cependant un homme intrépide… » Comparez en beauté morale, et même en beauté dramatique, la mort de Raousset à celle de Lara, et vous verrez si la vérité historique n’est pas plus grande que l’invention du grand poète ! […] Enfant qui ne crois pas, écoute ! Quand ton heure Plaintive aura sonné comme une voix qui pleure, Lorsque tu sentiras plier ton front hardi, Lorsque tu douteras si le ciel t’a maudit, Enfant, rappelle-toi la sorcière espagnole ! […] Des jours que tu rêvais, Des soleils appelés par ton âme ravie, Peut-être les rayons luiront-ils sur ta vie ; Peut-être vers le soir, lorsque la trahison, La faim, la soif, le feu, le fer et le poison Se seront émoussés sur ton corps et ton âme, Alors si ton grand cœur n’a pas perdu sa flamme, Si, mille fois trompé, tu conserves ta foi, Si tu luttes encore… enfant, tu seras roi ! […] Il a pris Gaston de Raousset dès son enfance, — le petit loup, comme les paysans appelaient cet enfant à la tête fauve, dont la fierté sauvage s’adoucit, mais ne plia jamais.

340. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Ô comédiens et comédiennes, jouets brisés par des enfants ! […] Ainsi vous avez vu disparaître madame Saint-Amand, un enfant perdu, ou, si vous aimez mieux, un enfant trouvé de Molière. […] Molière, notre père, avait soin de nourrir ses enfants. […] — Mais, dit le père, tu battras tes enfants à ton tour. — Eh ! […] Il se laisse bander les yeux, et conduire à ce rendez-vous, comme un enfant.

341. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Les formes usitées dans le langage des inférieurs envers les supérieurs étaient autrefois les seules qui fussent permises aux enfants en parlant à leurs père et mère. Cette habitude de respect a été remplacée, dans la famille, par la familiarité plus tendre, qui a autorisé le tutoiement réciproque entre les enfants et leurs parents. […] On réputait précieux ce vers de Corneille concernant le crime de Laïus, et la peine que les dieux en ont porter à ses enfants : Et s’il faut après tout qu’un grand crime s’efface Par le sang que Laïus a transmis à sa race… Sans doute il aurait fallu dire : par le châtiment des enfants de Laïus !

342. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Les quarante oies viennent de couronner une mauvaise pièce d’un petit Sabatin Langeac, pièce plus jeune encore que l’auteur, pièce dont on fait honneur à Marmontel, qui pourrait dire comme le paysan de Mme De Sévigné accusé par une fille de lui avoir fait un enfant : je ne l’ai pas fait ; mais il est vrai que je n’y ai pas nui ; pièce que Marmontel a lue à l’assemblée publique, sans que la séduction de sa déclamation en ait pu dérober la pauvreté ; pièce qui a ôté le prix à un certain M. de Rhulières, qui avait envoyé au concours une excellente satire sur l’inutilité des disputes, excellente pour le ton et pour les choses, et qu’on a cru devoir exclure pour cause de personnalités. […] Sur le devant, une autre danseuse qui tient son enfant par la main ; l’enfant danse aussi, mais il a les yeux attachés sur l’horrible tête, et son action est mêlée de terreur et de joie. […] Son père le prit par la main, le conduisit au sallon, et lui dit : tiens, vois, et juge-toi toi-même… l’enfant avait la tête baissée et restait immobile.

343. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Il a de la grâce souvent, comme dans son Enfant au bord de la mer ou son Intérieur ; il a de la vérité, comme dans L’Abandon, quoiqu’elle soit délayée, hélas ! […] Louis Bouilhet n’est présentement aux yeux de la Critique, qui ne croit pas à la solidité des succès que les bourgeois bâtissent, rien de plus que la cinquième roue au char du romantisme qui dételle… Je sais bien qu’il ne nous croira pas, ni pour le romantisme ni pour lui… Il ne croira jamais, parce que nous le lui disons, qu’il n’est qu’un Victor Hugo de dixième venue, un enfant robuste qui n’a pas craint de toucher au cor de ce Roland qui a sonné dans Les Contemplations, son Roncevaux littéraire, et s’est mis à en sonner comme s’il était Roland lui-même, devant crever au bout, non de désespoir, mais de l’entreprise, quoiqu’il ait eu foi, comme un enfant, en sa trompette ! […] Clogenson, trop longue pour que nous puissions la citer, mais où l’imagination a de ces grâces d’enfant qui joue.

344. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Par sa nature, il doit répugner à cette forme essentiellement parnassienne du sonnet, à cette œuvre d’asthmatique qui, entre deux toux, place nettement son petit mot… Et puisque nous avons tous une famille littéraire quand nous sommes bien nés littérairement, et qu’alors nous ne nous mettons pas aux Enfants Trouvés des Écoles, l’auteur de La Vie inquiète s’apparente de loin à Henri Heine, et, de plus près, à lord Byron. […] Sceptique comme lord Byron, — et c’est peut-être sa plus profonde ressemblance avec le grand poète qui accable toute comparaison, — sceptique comme Alfred de Musset et comme tous les enfants d’un siècle qui, du moins, avait sauvé du naufrage de son ancien spiritualisme l’honneur d’être sceptique encore, mais qui a fini par étouffer jusqu’au dernier éclair tremblant du scepticisme dans son âme, morte maintenant, morte toute entière sous l’athéisme contemporain, le douloureux inquiet de La Vie inquiète, qui, fût-il heureux, a de ces pressentiments et de ces incertitudes : Peut-être vous cachez sous votre pur sourire Des pleurs que j’essuirai des lèvres quelque jour… mêle à tous les sentiments qu’il exprime ce scepticisme qui ne va à Dieu, dont on doute, que pour retomber à la créature dont on va douter ; car le scepticisme est la plus cruelle des anxiétés de la vie, c’est la plus formidable inquiétude, pour une âme ardente, qui puisse dévorer l’esprit et le cœur ! […] L’Enfant sublime n’était qu’un enfant· Celui qui, dans l’ordre de la Poésie, représente le mieux la jeunesse interrompue d’Achille, Byron lui-même, Byron dont je viens de tant parler, n’a pas été poète du soir au matin.

345. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Gilbert Augustin-Thierry »

Gilbert Augustin-Thierry « Cet homme devait subir toutes les suggestions, y étant prédisposé par l’atavisme… « Atavisme … responsabilité solidaire et indéfinie de toute une race devant Dieu  suivant qu’il est écrit au Décalogue : Je suis le Dieu fort et je sais châtier l’iniquité du père jusque sur les   enfants… » … Ô Justice immanente ! […] La justice immanente et implacable qui gouverne secrètement l’histoire des familles et de leurs générations successives, le conflit de la personnalité humaine et des fatalités de l’atavisme ; « les responsabilités solidaires » transmises par les pères aux enfants, le problème de la suggestion … tels sont quelques-uns des sujets qui s’offrent aujourd’hui aux méditations et aux divinations de l’« artiste penseur ». […] L’accomplissement d’une parole divine (Je châtierai l’iniquité du père sur les enfants) par la loi darwinienne de l’atavisme, voilà la Tresse blonde.

346. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

Ils vécurent ainsi quelques années ensemble et Sakaye eut de la yébem trois enfants droits « comme un chemin »144 tous les trois et jolis comme des verroteries. […] Une nuit, pendant que ses enfants et son mari dormaient, elle se transforma en souris et, par un petit trou, se glissa dans le magasin de son beau-père. Elle y reprit ses ailes et se les fixa aux épaules ; puis elle revint chercher ses enfants, les cacha sous ses ailes et prenant son essor, elle regagna sa chère montagne.

347. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Beaucoup en célébrant la naissance de l’Enfant Dieu songeaient à leur dernier-né. […] Et puis, aujourd’hui, sur les pentes du Calvaire de France, Israël est mêlé aux enfants du Christ. […] Si l’on prolongeait cette fraternité, il n’y aurait plus besoin de lutter les uns contre les autres… »‌ L’horreur du présent rejetait tous ces hommes vers l’avenir, le leur ou celui de leurs enfants.

/ 2563