S’il s’appuie sur la pensée de Montaigne, c’est pour l’approfondir, l’interroger, personnifier passions et idées, dans la fusion du sentiment et de la vue. […] Qui n’a eu la vue comblée par ces bouquets où la réunion dans un vase de deux ou trois roses fermes, concentrées, ne semble que mieux faire valoir l’isolement de chacune d’elles ? […] L’important, c’est de ne pas perdre de vue que le tour ici ne rehausse pas seulement la maxime ; qu’il la suscite, l’institue. […] Je sais peu d’écrivains qui aient une vue aussi nette des obligations multiples qui incombent au romancier, ni qui maintiennent plus sévèrement l’écart entre ce qu’ils ont déjà fait et ce qu’ils rêvent d’exécuter. […] Qu’il s’agisse du chapitre, peut-être le plus dense de tous : La Mentalité du Chrétien vue de l’intérieur, de la localisation des Mystères, de la nature de la Providence148 (oh !
Quesnai, souvent réimprimé, offre une infinité de vues patriotiques qui font autant d’honneur à son cœur, que la maniere dont il les exprime en fait à son esprit.
M. l’Abbé le Bœuf, très-avide, comme on sait, de ces sortes de morceaux, assure cependant l’avoir vue dans la basse-cour d’un Curé, près de Versailles, où elle sert d’abreuvoir.
L’Ami des Hommes de M. le Marquis de Mirabeau est plein de vues & d’idées.
L’Intérieur de l’église de Sainte Genevieve et la Vue du péristyle du Louvre sont deux morceaux dont le sujet est intéressant.
En évitant tout éloge chargé, qui ne conviendrait ni à vous ni à moi, vous pourriez seulement recommander ses vues et les peines qu’il a prises pour ne pas être trivial dans un sujet usé, etc., etc. […] Ils sont fort ébahis de ce nouveau système et ont peine à comprendre comment on peut proposer à Rome de nouvelles vues sur le pape : cependant il faut bien en venir là. » Il faut bien !
Il doit y prendre un appui et ne les jamais perdre de vue dans la disposition des faits : mais il les soumettra à son intelligence et fera dominer sur eux l’ordre logique, qui se tire de la nature essentielle des choses et de leur rapport au but suprême de l’œuvre. […] Pour parvenir à ce bel ordre, l’historien doit embrasser et posséder toute son histoire ; il doit la voir tout entière comme d’une seule vue ; il faut qu’il la tourne et qu’il la retourne de tous côtés jusqu’à ce qu’il ait trouvé son vrai point de vue.
On desire de connoître, d’après lui, Tacite, cet historien qui a si bien peint l’ame fausse, impérieuse, dissimulée & cruelle de Tibère, exécrable imposteur, modèle de Cromwel pour les grandes qualités & les grands vices ; cet historien, qui a si bien nuancé le caractère des Romains, qui veut prouver que tout, dans le sénat & chez Tibère, se faisoit par une combinaison de crimes ; cet historien dans qui l’on remarque un esprit d’ordre & de suite, des réflexions & des vues profondes & lumineuses, un talent merveilleux pour faire des tableaux. […] « La prose, dit-il, ne sçauroit représenter qu’imparfaitement les graces de la poësie ; c’est-à-dire qu’elle ne peut en réprésenter le rythme & la cadence : mais, à cela près, elle peut en représenter parfaitement toutes les graces, en retracer toutes les images & en rendre même toute l’harmonie, par une autre sorte d’harmonie qui lui est propre & qui vaut bien, dans son genre, celle dos vers. » Il soutient que le traducteur en vers & le traducteur en prose font sujets aux mêmes loix ; qu’ils sont aussi astreints à la fidélité l’un que l’autre ; qu’il est aussi ridicule de voir l’un se donner l’essor & perdre de vue son original, que de voir l’autre ramper servilement & ne faire de sa traduction qu’une glose ennuyeuse & littérale.
En effet la source de notre plaisir et de notre ennui est uniquement et entièrement en nous ; nous trouverons donc au dedans de nous-mêmes, en y portant une vue attentive, des règles générales et invariables de goût, qui seront comme la pierre de touche à l’épreuve de laquelle toutes les productions du talent pourront être soumises. […] C’est ainsi qu’un physicien réduit au seul sentiment de toucher, prétendrait que les objets éloignés ne peuvent agir sur nos organes, et le prouverait par des sophismes auxquels on ne pourrait répondre qu’en lui rendant l’ouïe et la vue.
Selon nous qui venons de le relire, c’est un écrivain sans vue et sans style, et nous défions Paris lui-même de citer de lui une page ou une phrase qui soit timbrée de cette marque indéniable et si facile à reconnaître qu’on appelle (quelle qu’en soit la force ou la faiblesse) le génie de l’écrivain. […] Nous l’avons dit déjà, Tallemant des Réaux n’est capable d’aucune conclusion de jugement inévitable et souveraine, d’aucune observation vigoureusement liée, d’aucune vue d’ensemble et supérieure, sur cette société qu’il picore, abeille d’une espèce étrange qui va aux puanteurs comme l’autre aux parfums, et qui ne sait pas même construire son rayon de venin comme l’autre son rayon de miel !
Or, sans vue première sur l’humanité, toute supériorité qui veut juger les hommes périt étouffée dans un horizon sans lumière. […] et quelquefois elle oblige aux fausses sympathies, en vue des plus mauvaises passions !
ce fut un bien magnifique empire que le sien, et elle fut une bien grande reine aux yeux de ces poètes, ses sujets ; mais aucun d’eux, aucun de ces adorateurs, aucun de ces tournesols, comme on disait alors, dont elle était le soleil, ne l’a vue et ne l’a jugée de son vivant comme Livet l’a vue et l’a jugée, maintenant qu’elle est morte, mais non oubliée, car l’heure pour elle est propice !
Quand on a lu son livre des Quinze ans du règne de Louis XIV, on a certainement quelques notions justes de plus, quelques faits de plus dans la tête, bien époussetés et bien éclaircis, mais on n’a pas une vue nouvelle, — une de ces traînées de lumière, ou même, simplement, un de ces points fixes et lumineux que les hommes qui fécondent les événements par la méditation allument dans l’esprit avec une phrase ou avec un mot. […] Pour n’en donner qu’un seul exemple, entre bien d’autres que nous pourrions citer, il reproche à Louis XIV la reconnaissance du droit des Stuarts au moment où l’acceptation du testament de Charles II étendait sur la France une résille de complications, et, la vue bouchée par la préoccupation politique, par cet intérêt du moment, il ne voit pas que Louis XIV donné, Guillaume III donné et l’Europe donnée, cette Europe fendue en deux jusqu’à son axe depuis Luther, il était impossible — et même inconcevable — que le gouvernement de Louis XIV ne reconnût pas, quoi qu’il pût arriver, du reste, de cette reconnaissance, l’hérédité monarchique des Stuarts, et ne soutînt pas le catholicisme, directement, et peut-être, quoi qu’en dise Macaulay, uniquement attaqué par l’Angleterre dans leur personne.
C’est parfaitement en vue du succès sur place et de l’effet à produire sur l’opinion, tout de suite, qu’Alexandre Weill a choisi pour titre de son ouvrage cette phrase, où s’étale si rondement l’abdomen de ce Je que Pascal ne pouvait pas souffrir. […] n’oublie aucune des négations et des impossibilités de la nature de la femme ; seulement, il oppose cette nature très positive, qu’elle sent en elle, à la grande Nature vague, qu’elle n’a jamais vue ni entendue, et qui lui dit, par la bouche de monsieur son père, qu’elle « a voulu (elle, la grande Nature !)
Nous y retrouvons le vide profond d’une opposition politique que nous avons vue à l’œuvre depuis, et qui, au temps de Carrel, se demandait si elle devait parler par la fenêtre ou sur la borne, et qui préférait la fenêtre encore ! […] Voilà ce qu’il ne faut jamais perdre de vue quand on veut bien juger Carrel.
Qu’avait-il donc qui pût s’imposer à la vue devenue incertaine de Royer-Collard déclinant ? […] Voilà pour la forme, c’est-à-dire pour ce qui fait la vie des livres et leur durée, quand les idées sur lesquelles ils reposent sont décrépites ou mortes ; mais pour le fond, c’est aussi les idées de tout le monde qui lui créent son originalité, à ce penseur, comme c’est la courte vue de tout ce monde qui se chausse de lunettes d’écaille qu’il promène sur les événements contemporains et la politique, qui devait les dominer… Seulement, penser et parler comme tout le monde pense et parle à une certaine hauteur de société, explique peut-être suffisamment aux esprits profonds que tout ce monde, qui se reconnaît en de Tocqueville, lui ait fait un honneur si exceptionnel !
Lord Byron, — pour qui ne croit pas ce qu’il dit, car il ne faut pas toujours le croire, — Lord Byron n’est qu’un artiste, qui n’aime que son art, et qui, quand il fait l’amour, pense à son art encore, le fait dans une vue d’art supérieur qui ne le quitte jamais, même sur le cœur de sa maîtresse. […] » — Chose très curieuse à noter et qu’on ne note point, et par laquelle je terminerai cette vue trop rapide sur Byron, c’est que ce Grec des premiers temps dans les temps modernes, était, qu’il l’ait voulu ou non, ignoré ou su, un chrétien !
Qu’elles appartinssent donc à lui ou à d’autres, les opinions qui donnent la vie à son Étude sur Pascal, et qui n’ont été jusqu’ici dépassées par aucune vue nouvelle, méritaient l’attention d’une Critique, qui a bien le droit de se demander si ce sont là les derniers mots qu’on puisse dire sur Pascal, et s’il y aura même jamais un dernier mot à dire sur cet homme qui fait l’effet d’un infini, à lui seul ! […] « Rien de certain, rien qui se démontre, la philosophie radicalement impuissante, la raison, sotte, Dieu donc et Dieu, c’est-à-dire Jésus-Christ », tel est le fond : mais la forme et plus que la forme, — car, au point de vue extérieur, cette forme, c’est Montaigne, Montaigne, c’est l’écorce du style de Pascal, — mais l’âme inouïe qui circule dans tout cela, qui passe à travers ce fond de si peu d’invention et cette forme de tant de mémoire, voilà le Pascal en propre, voilà l’originalité qu’on n’avait pas vue et qu’on ne reverra peut-être jamais !
Elle est sans éclat, sans poésie, sans manière de tourner les choses ou de les retourner, car on les a vues dans ce sens-là bien des fois, — malheureusement bien des fois ! […] Si la vue de l’auteur des Moines d’Occident s’élève ou si son style s’avise de briller, c’est qu’un autre que lui regarde par son œil et écrit par sa main !
II Elle devint tout ce que nous l’avons vue depuis. […] On peut vraiment presque tout citer des pièces intitulées : Il m’aimait, L’Une ou l’autre, le Rêve d’une jeune fille, Le Départ, le Découragement, le Désenchantement, L’Orage, le Conseil aux jeunes filles et La Nuit, la pièce la plus inspirée, où la femme malheureuse arrache son masque pour ne pas étouffer, sûre de n’être pas vue, et, quand vient l’aurore, le rejette sur sa figure avec une fougue si pathétique de main !
Alors seulement nous pourrons, en vue des fins que nous aurons déterminées, préconiser une certaine pratique sociale. […] — Justement parce qu’ils sont pressants, et parce qu’on ne peut les résoudre sans mêler des « jugements d’ordre pratique avec des jugements d’ordre théorique, des préférences morales avec des constatations, nous risquons, en nous y attaquant aussitôt de perdre de vue la distinction du réel et du désirable.
À la vue d’une beauté on devine celle qui lui est opposée, et qu’on ne voit pas encore : ce n’est pas ainsi que travaille la nature. […] L’âme dans ses mouvements a bien plus de rapidité que la vue ; elle embrasse un terrain plus vaste : elle a surtout le besoin de la surprise.
la retraite de Prague, pendant trente lieues de glace, jeta dans ton sein les semences de la mort, que mes tristes yeux ont vues depuis se développer. […] Accablé de souffrances, privé de la vue, perdant chaque jour une partie de toi-même, ce n’était que par un excès de vertu que tu n’étais point malheureux ; et cette vertu ne te coûtait point d’effort.
Fontanes, qu’il avait perdu de vue depuis 12 ans, jeté en Angleterre par le coup d’état de Fructidor (4 septembre 1797), fit miroiter devant ses yeux le brillant avenir réservé aux défenseurs du catholicisme, alors renaissant : il s’empressa de planter là la philosophie et de renier Jean Jacques, que cependant il admirait ; et avant que l’encre de l’Essai se fût desséchée, et avec la même plume qui annotait ses passages sceptiques, il écrivit le Génie du Christianisme ; et pour donner des gages au parti qui l’enrôlait, il imprima dans le Mercure (1er nivôse an IX) : « Ma folie à moi est de voir Jésus-Christ partout. » Malheureusement il avait eu l’imprudence d’envoyer son Essai à ses amis de Paris ; ils s’en souvinrent et élevèrent des doutes sur la sincérité de sa conversion. […] Alphonse, jeune Espagnol, remarquable par sa beauté, ses grâces et surtout « par une profonde et touchante mélancolie », empoisonne à première vue le cœur de la trop tendre Émilie […] Des convoitises ardentes, chauffées à blanc par la vue du succès et comprimées par les réalités de leurs positions, torturaient les plus médiocres des fils de la bourgeoisie, subitement émancipée ; pour endormir leurs appétits irrités que rien ne parvenait à rassasier, ils s’enivraient d’idéal, ainsi que d’un opium, ils s’embarquaient pour le pays des chimères, pour le monde du mensonge et de la poésie. […] Chateaubriand, par une de ces inspirations du génie, transporta ses lecteurs par-delà l’Atlantique, sur les bords du Meschacébé ; — Mississipi aurait semblé trop connu et aurait rappelé les Mississippiens de Law, — dans une nature réellement naturelle puisqu’on ne l’avait jamais vue et qu’on ne s’en faisait aucune idée. […] Dans cet ouvrage, que Taine a pillé honteusement, sans toujours comprendre la portée de ce qu’il dérobait, Mme de Staël émet des vues géniales sur l’action exercée par le milieu social pour déterminer la forme littéraire.
Bientôt on les perd de vue derrière les roches, et ils ne reviendront que le soir, quand les chèvres et les brebis traîneront sur les pierres leurs mamelles gonflées de lait. […] La vue n’y est libre que du côté du soleil levant ; cette vue est vaste comme sur un horizon de l’Océan ; elle glisse sur les collines et les villages qui séparent ces montagnes du lit de la Saône ; elle franchit le ruban d’argent étendu comme une toile qui sèche sur l’herbe, dans les prairies presque hollandaises de la Bresse pastorale. […] Moi seul je connaissais un peu plus que de vue M. de Valmont, mais non les deux sœurs ; il venait quelquefois à la ville passer une semaine ou deux de l’hiver ; pendant ces courts séjours il rendait visite, en costume alors très-décent et même recherché, à mon oncle. […] Montez avec moi, mon enfant, continua-t-il en me prenant par la main, et venez voir par vous-même combien il faut peu d’espace et peu de richesse à un homme sage pour être heureux. » XXVI En parlant ainsi il me fit monter l’escalier qui conduisait à la galerie d’où les deux sœurs venaient de s’enfuir à ma vue ; l’une d’elles, au bruit de nos pas, entrouvrit presque furtivement la porte qui s’était refermée sur elles ; elle la referma aussitôt avec la précipitation d’une femme d’Orient à l’aspect d’un homme qui entre par inadvertance dans le jardin du harem.
Or, on ne doit jamais perdre de vue que si le génie enfante, c’est le goût qui conserve. […] Les voisins tressaillaient et soupiraient à sa vue, et cependant le bénissaient. […] L’égoïsme est court dans ses vues ; il reste sans lumière, solitaire et sans gloire. […] Une pareille vue de la société mènerait à des conséquences funestes. […] Les Gaulois seuls ne se turent point à la vue d’Alexandre devant qui la terre se taisait
Leclerc apercevait, d’une vue plus nette, les différences profondes qui séparent notre race de la race anglo-saxonne. […] Quant à Suzanne, il est naturel que, l’ayant vue, j’aie voulu la peindre. […] C’est, pour ainsi dire, un changement à vue, qu’un dessinateur pourrait rendre sensible par un diptyque. […] La vue de la réalité leur ferait prendre en dégoût les « cahiers d’expressions » qui surchargent leur mémoire. […] On le voit marcher, d’une allure dégagée, vers quelque point d’où la vue sera étendue et belle.
(Vues sur la propriété et la législation 1818.) Le procédé est aussi ingénieux que la vue est juste. […] Il y va de notre puissance. » Et en effet ceux qui ont adopté cette règle ont formé l’aristocratie la plus puissante que le monde ait vue. […] Très intelligents et infiniment amoureux des idées, ce sont des intelligences à seconde vue, à qui manque quelquefois la première. […] En cela très différent de ceux de ses contemporains qui l’ont vue quand ils avaient l’âge d’homme.
Tout ce qui est spontané est obscur et confus ; la réflexion emporte avec elle une vue claire et distincte. […] À la vue du ciel étoilé, de la vaste mer, de montagnes gigantesques, l’admiration est mêlée de tristesse. […] Émeric David, une forme vue par l’œil. […] Enfin ce n’est pas le toucher seul qui juge de la régularité des formes, c’est le toucher éclairé par la vue. […] s’écrie-t-on, à la vue d’un beau tableau, d’une noble mélodie, d’une statue vivante et expressive.
Niais, dans de plus modestes quadri, vues de pâturages normands, prises au détour d’un sentier fleuri d’églantines, avec, au fond, des arbres qui bleuissent, il y a quelques papillotages de tour qui font ressembler cette Normandie à un multicolore paysage de songe aux environs d’Yeddo… Ce qui manque un peu à M.