Le Poëte provincial, bien loin de se fâcher de ce trait, ne fit qu’en plaisanter dans les Lettres qu’il écrivoit à Paris ; & lorsqu’il vint y faire un voyage, il alla voir Boileau, soutint devant ce Satirique son caractere enjoué, & ils se séparerent bons amis.
Le Tasse, recommandé à son oncle par Léonora, avait déjà joui une fois de l’accueil de ce cardinal, dans son premier voyage à Rome. […] Il fit un voyage à Mantoue, où il avait des parents et des amis de son père. […] Le récit qu’il fait de son voyage à travers le Piémont est digne de l’auteur de la pastorale héroïque de l’Aminta, et rappelle les voyages pédestres de J. […] Je me tus et je suivis en silence ; il se retournait fréquemment et m’examinait de la tête aux pieds, comme pour deviner qui j’étais ; sentant qu’il était convenable de satisfaire jusqu’à un certain point sa curiosité, je lui dis : C’est la première fois que je vois ce pays, car quoique, dans un voyage en France, j’aie traversé autrefois le Piémont, c’était par une autre route ; mais je ne saurais regretter d’avoir pris celle-ci, car le pays est très beau et il est habité par des gens d’une parfaite courtoisie.
Mme d’Albany installa Fabre auprès d’elle, elle en fit le compagnon de sa vie, elle le fit accepter par le monde de l’Empire et de la Restauration ; elle le présenta familièrement à l’aristocratie européenne ; elle l’emmena dans tous ses voyages, à Paris en 1810, à Naples en 1812 ; elle vécut enfin sans scrupule et sans embarras comme la femme du peintre, mais elle ne songea pas un seul jour à l’épouser. […] Je me reproche toujours de ne l’avoir pas forcé à faire un voyage : il se serait distrait par force. […] Mme de Staël n’avait point attendu le voyage long et incertain de M. de Sabran, elle avait donné ordre à son libraire de vous expédier cet ouvrage au moment où il paraîtrait. […] Mme de Staël a auprès d’elle tous ses enfants, mais l’aîné est sur le point de partir pour l’Amérique ; il va reconnaître les terres qu’ils y possèdent et prendre des arrangements pour le voyage de sa mère elle-même, car celle-ci veut dans une année chercher la paix et la liberté au-delà de l’Atlantique. […] Schlegel ; M. de Bonstetten y reviendra bientôt aussi ; il est à présent à Berne, où il n’avait, je crois, pas fait de voyage depuis la Révolution.
La difficulté du voyage ne fait que piquer la vanité ; la nouveauté de l’installation, éveiller la curiosité ; cette réunion de l’élite des cosmopolites, stimuler le désir de plaire. […] Etant en commerce d’amitié constant avec le comité allemand dont elle s’honore de servir les intérêts, la bonne Revue wagnérienne franco-germanique (on s’abonne à Paris et aussi à Bayreuth, Opernstrasse, n°178) vous donnera toutes les Indications nécessaires concernant non seulement les représentations, mais sur le voyage, la nourriture, le logement, etc., et vous servira d’intermédiaire en conscience. — Célérité et discrétion. […] Le plus grand nombre est allemand, mais il y a quantité de spectateurs venus de toutes les parties du monde, des Russes d’abord, et aussi beaucoup d’Américains, force Anglais et quelques Français, plus que notre renommée d’ennemis des voyages ne le ferait supposer. — Mais c’est encore là une vieille observation que tous répètent sans la vérifier, et, défait, les Français sont devenus, depuis la guerre, un des peuples les plus cosmopolites qui soient. — Les costumes les plus variés se rencontrent dans cette vaste salle de restaurant où les délices de la bière et du tabac alternent avec ceux de la musique. […] L’ironie qui préside à toute manifestation de la vie humaine a voulu que le lieu de dévotion des vrais fanatiques de Wagner devint ainsi une sorte d’étape dans un voyage hygiénique à quelque ville de bains allemande. […] André Suarès, dans son Wagner (Paris, revue d’art dramatique, 1899) met aussi en cause cet aspect mondain du voyage à Bayreuth dans une description très critique et acerbe.
Il ne faut cependant pas croire que ses mœurs aient été aussi corrompues, que Chapelle voudroit le faire entendre, dans son Voyage du Languedoc.
Les plus jolis du Voyage de Languedoc sont de Bachaumont ; témoins ceux-ci, qu’on peut regarder comme un chef-d’œuvre de délicatesse & de sentiment.
Son Voyage d’Italie est écrit avec autant d’ordre & de méthode, que de jugement & d’érudition.
On y voit qu’il fit, au printemps de l’année suivante probablement (car les dates précises n’y sont point marquées), un voyage près de Coblentz pour s’y distraire, et qu’il y devint légèrement amoureux d’une des filles de Mme de La Hoche : « Rien n’est plus agréable, dit-il à ce sujet, que de sentir une nouvelle passion s’élever en nous lorsque la flamme dont on brûlait auparavant n’est pas tout à fait éteinte : ainsi à l’heure où le soleil se couche, nous voyons avec plaisir l’astre des nuits se lever du côté opposé de l’horizon : on jouit alors du double éclat des deux flambeaux célestes. » Cela nous apprend du moins que l’amour qu’il pouvait avoir gardé pour Charlotte n’avait rien de furieux ni d’égaré. […] Sans être très lié avec Kestner, c’était précisément à celui-ci qu’il avait emprunté des pistolets sous le prétexte d’un voyage. […] Celui qui change de position perd toujours moralement et matériellement les frais de voyage et d’établissement, et reste en arrière. […] L’ordre, la précision et la promptitude sont des qualités dont je tâche tous les jours d’acquérir un peu. » Au milieu de cela, des voyages en Suisse, en Italie, l’étude dans toutes les directions, la comparaison étendue dans toutes les branches des beaux-arts et des littératures ; bientôt les sciences naturelles qui vont s’y joindre ; une vie noble, assise, bien distribuée et ordonnée, occupée et non affairée, à la fois pratique et à demi contemplative (« Je demeure hors de la ville, dans une très belle vallée où le printemps crée dans ce moment son chef-d’œuvre ») ; tout ce qui, enfin, devait faire de cette riche organisation de Goethe le modèle et le type vivant de la critique intelligente et universelle.
. — Déplacements successifs et voyages apparents de l’image pour se situer plus ou moins loin dans le passé ou l’avenir. — Elle se situe par intercalation et emboîtement. […] Mais ce sera une correction ultérieure et supplémentaire, une rectification sur une rectification, un second et dernier stade dans la série des réductions par lesquelles l’image passe pour arriver à paraître telle qu’elle est effectivement. — Au premier stade, à l’instant où nous sommes, elle m’apparaît encore comme sensation, non pas comme sensation actuelle, ainsi qu’il arrive dans l’hallucination proprement dite et dans le rêve, mais comme sensation passée et située à une distance plus ou moins grande du moment où je suis, comme la sensation d’un certain bleu lustré et d’un certain blanc mat, intercalée entre mes sensations actuelles et d’autres sensations plus lointaines. — Et de fait, quand une série un peu longue de souvenirs bien liés s’éveille en nous, quand nous repassons en esprit telle journée notable d’un voyage intéressant, nous nous croyons en face de faits éloignés, mais réels. […] » — Remarquez le voyage que vient de faire la figure intérieure, ses divers glissements en avant, en arrière, sur la ligne du passé ; chacune des phrases prononcées mentalement a été un coup de bascule. […] Plus ce glissement se répète au contact successif des prévisions que la figure rencontre dans son voyage, plus elle nous semble s’enfuir en avant et loin.
Il voyage, et, dans ses lettres, commence à poindre le futur auteur du Rhin. […] Avec une familiarité, un abandon pleins de charme, l’auteur nous raconte le voyage qu’il a fait en Hollande où l’appelait une série de discours et de conférences qui lui étaient demandées. […] Il me regarde sans l’affectation d’indifférence dédaigneuse ou hostile dont s’enveloppent en voyage la plupart des Anglais et beaucoup de Français. […] » — Le voyage est l’art de troquer, dans les hôtels, ses bottines neuves contre des vieilles ! […] C’est d’ailleurs ainsi que la grande Catherine connut la Crimée, après le voyage que Potemkinee lui fit faire pour conserver sa faveur.
Jésus entreprit peu après un voyage en Pérée et sur les bords du Jourdain, c’est-à-dire dans les pays mêmes qu’il avait visités quelques années auparavant, lorsqu’il suivait l’école de Jean 1006, et où il avait lui-même administré le baptême. […] Ce voyage est connu des synoptiques.
Barbey d’Aurevilly, les études des de Goncourt et de Théodore de Banville, les descriptions de tableaux du Voyage en Italie de Taine, certains récits d’auditions par Baudelaire seraient ce que nous réclamons, s’ils étaient basés, cependant, sur l’enquête analytique préalable sans laquelle ces pages de haute littérature demeurent la constatation insuffisante d’une émotion morale inexpliquée. […] Que l’on conduise ainsi Poe de la table où tout enfant son père adoptif l’exhibait récitant des vers, à cette taverne de Baltimore où il goûta l’ivresse qui le couchait le lendemain dans le ruisseau ; que l’on connaisse de Flaubert la famille de grands médecins dont il était issu, le pays calme et bas dans lequel il passa sa jeunesse, la fougue de son arrivée à Paris, ses voyages, son mal, le rétrécissement progressif de son esprit, le milieu de réalistes dans lequel s’étriquait ce romantique tardif : que de même on décrive la physionomie satanique et scurrile (sic) de Hoffmann, le pli de sa lèvre, l’agilité simiesque de tout son petit corps, ses grimaces et ses mines extatiques, son horreur pour tout le formalisme de la société, ses longues séances de nuit dans les restaurants, à boire du vin, et ce mal qui le mît comme Henri Heine tout recroquevillé dans un cercueil d’enfant ; que l’on compare les débuts militaires de Stendhal et de Tolstoï à leur fin, à l’existence de vieux beau de l’un, à l’abaissement volontaire de l’autre, aux travaux manuels et à la pauvreté grossière ; que l’on complète chacune de ces physionomies, qu’on en forme des séries rationnelles, on aura dressé en pied pour une période, pour un coin du monde littéraire, pour ce domaine tout entier, les figures intégrales du groupe d’hommes qui sont les types parfaits de l’humanité pensante et sentante.
Pendant le temps, le trop long temps qu’il a mis à nous écrire, dans un style qui sent à la fois son Pierre Gringoire et son Trissotin, cette chronique bravache, galante et coquebine du Capitaine Fracasse, il pouvait nous donner un recueil de vers comme La Comédie de la Mort, ou un voyage comme les voyages d’Espagne ou d’Italie.
Une remarque à faire en passant, c’est que tous ces drôles qui sont, comme le Julio, issus du Vicaire Savoyard, ont le goût pour la botanique de Rousseau, leur père ; seulement, Julio y joint le goût de la géologie, et, comme madame Sand, qui fait présentement des voyages dans le cristal, il fait des voyages dans la pierre et passe sa vie, au lieu de dire son bréviaire comme tout curé y est tenu, à casser de petits cailloux pour leur regarder dans le ventre.
Quand on a fait le Voyage aérien, le Message et l’Improvisateur de Sorrente, on est digne de les chanter.
Brienne, [Henri-Louis de Lomenie, Comte de] fils du précédent, mort en 1698, cultiva les Lettres avec des talens propres à le distinguer, si les fréquens voyages, ses aventures & la tournure de son esprit un peu romanesque, n’eussent trop favorisé les écarts de son imagination.
Sa Relation du Voyage de Siam est encore moins à l’abri du même reproche.
Il a fait le voyage de Rome.
Le Voyage d’un nommé Chrétien (The Pilgrim’s Progress), de Bunyan, le Voyage spirituel, de l’espagnol Palafox, le Palais de l’Amour divin, d’un inconnu, ne sont pas œuvres totalement méprisables, mais les choses y sont vraiment trop expliquées et les personnages y portent des noms vraiment trop évidents. […] Maeterlinck, disciple de Ruysbroeck, de Novalis, d’Emerson et d’Hello, ne demandant à ces supérieurs esprits (dont les deux moindres eurent des intuitions de génie) que le signe de la main qui encourage aux voyages obscurs ! […] Retté, revenu d’un voyage à l’Archipel en fleurs, s’était enrichi d’une nouvelle cueillaison de rêves. […] Tailhade se rendit tout à coup célèbre et redouté par les cruelles et excessives satires qu’il appela, souvenir et témoin d’un voyage que nous faisons tous sans fruit, Au pays du Mufle. […] Moréas campera sous le vieux chêne Hugo et, s’il persévère, nous le verrons atteindre le but de son voyage, qui est, sans doute, de se rejoindre lui-même.
Guillaume d’Auvergne, et lui dit de lui mettre sur l’épaule la croix du voyage d’outre-mer, ce qui signifiait l’engagement. […] Il était bien plus jeune que saint Louis, de dix ans environ, et dans tout ce voyage il fut traité par lui comme un jeune homme bien né et d’espérance, aux mœurs duquel le saint roi s’intéressait. […] Le roi mande ses barons à Paris, et leur fait faire serment qu’ils porteront foi et loyauté à ses enfants si aucune chose fâcheuse lui advient dans le voyage : « Il me le demanda, dit Joinville ; mais je ne voulus point faire de serment, car je n’étais pas son homme. » L’amitié si tendre qui bientôt attachera Joinville à saint Louis laissera toujours subsister cependant ce coin d’indépendance féodale et personnelle, ou plutôt cet esprit de légalité qui consistait à dépendre avant tout et à relever du seigneur immédiat.
Des divers ouvrages qu’il a publiés et qui sont à emporter en voyage, on peut surtout conseiller ses Promenades dans Rome ; c’est exactement la conversation d’un cicerone, homme d’esprit et de vrai goût, qui vous indique en toute occasion le beau, assez pour que vous le sentiez ensuite de vous-même si vous en êtes digne ; qui mêle à ce qu’il voit ses souvenirs, ses anecdotes, fait au besoin une digression, mais courte, instruit et n’ennuie jamais. […] Dans un voyage que fit en Italie le savant M. […] Ce n’est pas seulement en Italie que Beyle a été un guide, il a donné en 1838 deux volumes d’un voyage en France sous le titre de Mémoires d’un touriste : un commis marchand comme il y en a peu est censé avoir pris, ces notes dont la suite forme un journal assez varié et amusant.
Lucius est un beau jeune homme et de bonne famille ; il a des affaires qui le conduisent en Thessalie : voyage redouté et désiré ! […] Bannis des craintes puériles, aborde franchement cette affaire et serre-la de près… » Mais, par un reste de bon sens et de raison, il se dit d’éviter soigneusement toute intrigue d’amour avec sa vieille hôtesse ; c’est avec la jeune servante Fotis qu’il compte bien s’acquitter de ce premier vœu de toute jeunesse en voyage, et c’est par elle aussi qu’il espère s’initier bientôt dans les secrets de la maîtresse. […] Apollonius de Tyane, sa Vie, ses Voyages, ses Prodiges, par Philostrate, et ses Lettres, ouvrages traduits du grec, avec introduction, notes et éclaircissements, par M.
Maurice, celui des deux qui passait pour le vagabond et « le grand errant », ne fit pas de plus long voyage que du Cayla à Paris, puis de Paris en Bretagne, puis de là à Paris encore. […] C’était son premier voyage, à elle, son premier séjour à Paris ; elle en fit un second en 1841, en venant de passer quelques semaines chez des amis, près de Nevers. […] Son voyage de Paris fut un grand événement dans sa vie : elle dut, selon son expression, y être fréquemment tentée ; son intelligence si ouverte put y donner plus d’un secret assaut à sa foi ou du moins à son cœur.
La Correspondance, dont nous devons communication à la confiance de sa famille, va nous montrer Horace Vernet le plus consciencieux des artistes, étudiant sans cesse et voulant voir de près tout ce qu’il avait à rendre, ne s’épargnant pour cela aucun voyage, aucune fatigue ; esclave de son art ; sachant supporter, après le tumulte de la vogue et les caresses de la popularité, les injures de la critique et, ce qui est plus difficile, les premiers signes de la froideur publique et de l’isolement ; donnant aux siens, plus jeunes que lui, des conseils d’un bon sens droit et mâle. […] Chambry, amateur d’autographes, un passage intéressant, en ce qu’il marque bien le moment de transition en lui de la première à la seconde jeunesse, cette première crise de réflexion et d’expérience ; Horace, qui faisait un premier voyage en Italie, écrit à un de ses oncles, frère de Carle, et à qui il portait beaucoup d’affection : « (Rome, 3 mars 1820.) J’espère tirer un grand fruit de mon voyage, non-seulement sous le rapport de l’art, mais aussi pour la connaissance que j’ai acquise de moi-même.
Elle médite avec l’ami mystérieux un petit voyage. […] Il n’y aura pas de bonheur pour vous dans ce petit voyage que nous pouvons faire ensemble ; mais il y aura, j’en suis certain, du plaisir, le plaisir de me savoir heureux. […] Il est question d’un voyage à deux, de l’accompagner en chemin à quelque campagne où elle doit passer quelques heures, et de la reprendre au retour.
Bien des précautions furent prises encore, comme la première fois, pour dérober son voyage, de peur de donner l’éveil et de démasquer avant l’heure la présence d’un officier aussi considérable à la frontière. Louvois lui écrivait à Tournai, ou il commandait alors, le 22 juillet 1681 : « Monsieur, le service du roi désirant que vous fassiez incessamment un voyage pareil à celui du commencement de l’année passée79, je vous en donne avis, afin que, prétextant quelque affaire de famille, vous mandiez à vos amis en Flandre que M. votre père vous a obtenu votre congé pour deux mois, et qu’en effet vous partiez pour vous rendre entre ci et douze ou quinze jours, sous mystère, à Fontainebleau, où je vous entretiendrai et vous remettrai les ordres du roi de ce que vous aurez à faire. Je vous dirai cependant que j’espère que vous réussirez mieux au voyage que vous ferez ensuite, que vous n’avez fait au précédent. » Pour mieux déguiser son arrivée à Pignerol, Catinat en approchant, avertit M. de Saint-Mars, qui en était gouverneur, de le faire arrêter la nuit par la compagnie franche de la place et conduire incontinent à la citadelle.
Dans un voyage de santé qu’elle fit aux eaux de Forges pendant l’été de 1742, elle écrivit plusieurs lettres au président Hénault et en reçut bon nombre de lui. […] À chaque voyage, il la trouve comme rajeunie, et il est bien pour quelque chose dans le miracle. […] Dans un des voyages qu’il fit à Paris (août 1775), Walpole, au débotté, voit arriver à son hôtel Mme Du Deffand ; elle assiste à sa toilette, ce qui n’a nul inconvénient, remarque-t-elle, puisqu’elle ne voit rien.
Cet oncle passait un été à Ferney, et le petit Florian, âgé de dix ans, l’y alla voir, il a très bien raconté ce premier voyage (juillet 1765). […] La Motte a prétendu démontrer, par toutes sortes de bonnes raisons, que la fable des Deux Pigeons pèche contre l’unité, « qu’on ne sait trop ce qui domine dans cette image, ou des dangers du voyage, ou de l’inquiétude de l’amitié, ou du plaisir du retour après une longue absence. » Ces deux pigeons, d’ailleurs, qui ne sont d’abord que deux frères et deux amis, se trouvent être à la fin deux amants. […] Il avait terminé l’un des livres de ses Fables par ces vers, qui pourraient être plus forts d’expression, mais qui sont pleins de sentiment et de philosophie, et qu’il a intitulés Le Voyage : Partir avant le jour, à tâtons, sans voir goutte, Sans songer seulement à demander sa route, Aller de chute en chute, et, se traînant ainsi, Faire un tiers du chemin jusqu’à près de midi ; Voir sur sa tête alors s’amasser les nuages, Dans un sable mouvant précipiter ses pas, Courir, en essuyant orages sur orages, Vers un but incertain, où l’on n’arrive pas ; Détrompé, vers le soir, chercher une retraite, Arriver haletant, se coucher, s’endormir, On appelle cela naître, vivre et mourir : La volonté de Dieu soit faite !
Rulhière, de retour de ses voyages dans le Nord, vivait donc à Paris sur le meilleur pied, très goûté pour des opuscules qu’on regardait comme une faveur de pouvoir entendre, pour de jolis vers tels que L’À-propos, Le Don du contre-temps, qu’il récitait avec des applaudissements sûrs, pour des épigrammes très mordantes qu’il laissait courir et qu’il n’avouait pas, mais dont il avait tout l’honneur. […] Dans une autre lettre, écrite au moment où Bernardin partait pour l’île de France, Rulhière, pour lui relever le courage, lui dit : Si vous ne faites pas, mon cher ami, la fortune que j’attends de vos talents et de votre âme, au moins ferez-vous un bon Journal (un journal de voyage), et c’est quelque chose. […] Le Journal du voyage à l’île de France est peu de chose, mais Paul et Virginie était au bout.
D’une santé délicate, d’un cœur aimant, ayant perdu une épouse qui lui était chère, et au retour d’un voyage de consolation et d’étude qu’il avait fait en France, en Angleterre et en Hollande, il attira l’attention de Frédéric, alors prince royal, qui se l’attacha. […] Du moment que Frédéric monte sur le trône, ces riens prennent de l’importance et du caractère : ainsi, dès les premiers jours du règne, à la fin d’un billet insignifiant : « Adieu, lui écrit Frédéric ; je vais écrire au roi de France, composer un solo, faire des vers à Voltaire, changer les règlements de l’armée, et faire encore cent autres choses de cette espèce. » Dans un court voyage au pays de Liège, Frédéric voit pour la première fois Voltaire qui vient le saluer au château de Meurs sur la Meuse ; le roi, avant d’arriver en Belgique, avait fait une pointe sur Strasbourg où le maréchal de Broglie l’avait reçu, l’avait reconnu à travers son incognito, et lui avait fait les honneurs de la place. […] Milord Maréchal était durant ce temps gouverneur de Neuchâtel au nom du roi de Prusse, et il s’employa de plus au service du roi dans un voyage de négociation en Espagne.