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704. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 142-143

Il a surtout une tournure de pensées, vive, naturelle, & délicate ; sa versification est douce, harmonieuse, & facile ; sa poésie, pleine d’images & d’agrémens ; sa morale est utile, sans être austere ; un peu trop voluptueuse, sans être cependant libertine ; philosophique, sans être hardie ni indécente.

705. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 322-324

Comme il avoit l'esprit vif, il se laissoit emporter par l'impétuosité de son imagination, qui ne lui donnoit pas le temps de réfléchir sur les Pieces qu'il mettoit au jour.

706. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Le piquant, c’est qu’il ne démasque son intention que dans les derniers vers de la pièce : rien jusque-là n’avertit que ces peintures vives et riantes ne soient qu’un transport de l’imagination et un caprice de l’esprit chez celui qui s’y livre. […] Horace, même quand il célèbre la campagne, est plus brillant, plus travaillé ; il y porte cette curiosité heureuse, cette ciselure de diction qui ne l’abandonne jamais dans ses odes et qui rappelle l’art ; son expression est vive et concise, son image serrée et polie jusqu’à l’éclat : elle luit comme un marbre de Paros, comme un portique d’Albano au soleil. […] Il a couronné toutes les images d’Horace par la plus vaste image funèbre, et c’est ainsi encore que, dans cet art des imitations combinées et fondues au sein d’une inspiration vive, il s’est montré un digne élève de Malherbe.

707. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Elle avait beaucoup de grâce à parler comme à tout ce qu’elle faisait : ses discours étaient vifs, simples, naturels, intelligents, insinuants, persuasifs. […] — Vive Saint-Cyr ! […] C’est de la diction de Racine en prose, du Massillon plus court et plus sobre, toute une école pure, nette, parfaite, dont était le duc du Maine ; une jolie source, plus vive du côté des femmes, bien que peu fertile.

708. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

On s’est laissé reprendre à tant de qualités de vive justesse, de raison railleuse et de grâce. […] Ce grand monde et ces salons qui se disputaient Voltaire l’accomplirent à certains égards et firent de lui le poète du tour le plus vif, le plus aisé, l’homme de lettres du goût le plus naturellement élégant. […] Cette Mérope, qui parut l’un de ses chefs-d’œuvre, lui valut de vives jouissances.

709. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Les plus vifs disaient que c’était un trésor ; que ce serait rendre un bon office à l’Église que de les publier, et qu’il n’y avait que lui, Le Dieu, qui fût en mesure de faire un tel ouvrage. […] Bossuet donne raison à Mécène et à la fable si connue : « Pourvu qu’en somme je vive… » Ce dimanche 7 d’octobre 1703, M. de Meaux a paru fort gai, à son réveil, d’avoir bien dormi toute la nuit, et de joie il lui est échappé cette parole : « Je vois bien que Dieu veut me conserver. » Il a ensuite entendu la messe dans sa chapelle et s’est encore recouché jusqu’à son dîner. […] Il ouvrit alors son paquet et parcourut ses lettres : « Elles sont, dit-il, un peu malaisées à lire ; il faudra les étudier à loisir. » — « J’espère, monseigneur, de votre bonté, lui dis-je, que vous l’honorerez d’une réponse, afin qu’elle voie que j’ai exécuté ses ordres et que je lui porte de vos nouvelles de vive voix et par écrit. » — « Je n’y manquerai pas, ajouta-t-il ; et encore il faut bien lui recommander la fermeté. » — « Elle en sait l’importance et la nécessité, lui dis-je, monseigneur, car elle ne peut se déplacer sans lettre de cachet, et elle ne veut pas si souvent faire parler d’elle… » Comme on était déjà venu avertir pour dîner, il se leva et m’invita à venir prendre place à sa table.

710. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

On ne se figure guère le vif et cassant Mirabeau encadré dans ce coin voluptueux de Versailles, si près du boudoir et de l’alcôve royale. […] J’ai toujours été obsédé de mes pensées et de mes passions ; ce n’est pas là une dissipation, comme vous croyez, mais une distraction continuelle et une occupation très vive, quoique presque toujours inquiète et inutile. […] En un mot, la façon de penser générale m’a toujours paru l’écueil de la vertu : dès que l’on a eu assez de désagréments pour se plaindre, l’on doit en avoir assez pour éclater de la façon la plus vive, voilà mon sentiment ; l’on dit que j’ai tort ; cela peut être, mais je l’aurai longtemps… Adieu, mon cher Vauvenargues.

711. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

En tête de son Histoire des rois de France (1678), il déclare avoir hésité quelque temps et délibéré s’il mettrait une préface, « dans la crainte que j’ai eue, dit-il, d’avoir été cause en partie de ce qu’on les a blâmées par écrit et de vive voix, sans en excepter aucune ». […] Mais le discernement des noms, des sujets et des manières, avec un peu de mémoire locale, fait tout cela sans beaucoup de peine. » Un jour, l’avocat Jean Rou, dont on a récemment publié les Mémoires 31, lui procura une des plus vives jouissances qui puissent chatouiller l’amour-propre d’un collectionneur. […] Causant donc un jour avec Marolles et dans son cabinet, il le mit sur son sujet favori, et, lui parlant de sa collection que l’heureux possesseur prétendait aussi complète que possible, il éleva un doute, et, ayant excité l’étonnement du bonhomme, il en vint par degrés à lui conter l’histoire : « Je suis bien sûr, concluait-il, que vous n’avez pas cette estampe des Scieux de long 32. » — « Je suis bien vieux, lui répondit Marolles après un court moment de réflexion, et je ne puis guère bouger de mon fauteuil ; mais soyez assez bon pour monter sur ce petit gradin et pour prendre là-haut sur cette tablette (la première ou la seconde) ce grand in-folio que voilà. » Jean Rou fit ce qu’il lui disait, et Marolles n’eut pas plutôt le volume entre les mains qu’il lui montra, à la troisième ou quatrième ouverture de feuillet, la petite estampe si mystérieuse et si désirée dont lui, le petit-fils de Toutin, avait toujours ouï parler sans la voir· — Si vous concevez chez un homme de quatre-vingts ans une plus vive et plus délicieuse satisfaction que celle que Marolles dut éprouver à ce moment, dites-le-moi.

712. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Il y a, il y avait du temps de Pellisson deux sortes d’élégance et d’urbanité, soit en causant, soit en écrivant : l’une plus vive, plus naturelle, plus aisée et plus familière, plus colorée aussi, puisée dans le commerce du grand monde et de la Cour, par ceux qui y avaient été nourris et rompus dès l’enfance ; c’était celle des Saint-Évremond, des Bussy, des Clérembault, des La Rochefoucauld, des Retz ; — l’autre plus étudiée, plus formée dans le cabinet et par la lecture, ou par l’assiduité dans certains cercles illustres et par le commerce des personnages littéraires les plus qualifiés ; cette dernière urbanité est celle des Conrart, des Vaugelas, c’est celle surtout de Pellisson qui y excelle, et qui en est le parfait modèle en son temps. […] Je me figure en imagination Richelieu vivant, toujours présent : il aurait demandé à l’Académie son avis sur Phèdre par exemple, sur Athalie, au lendemain même des premières représentations de ces pièces fameuses, et dans le vif des discussions qu’elles excitèrent ; il l’aurait demandé et voulu avoir sur tout ce qui aurait fait bruit dans les lettres, et qui aurait soulevé en divers sens les jugements du public. […] On oublie que, par ces concours qu’elle ouvre à l’émulation des jeunes auteurs, l’Académie semble dire : « Jeune homme, avancez, et là, sur ce parquet uni, au son d’une flûte très simple, mais au son d’une flûte, exécutez devant nous un pas harmonieux ; débitez-nous un discours élégant, agréable, justement mesuré, où tout soit en cadence et qui fasse un tout ; où la pensée et l’expression s’accordent, s’enchaînent ; dont les membres aient du liant, de la souplesse, du nombre ; un discours animé d’un seul et même souffle, ayant fraîcheur et légèreté ; qui laisse voir le svelte et le gracieux de votre âge ; dans lequel, s’il se montre quelque embarras, ce soit celui de la pudeur ; quelque chose de vif, de court, de proportionné, de décent, qui fasse naître cette impression heureuse que procure aux vrais amis des lettres la grâce nouvelle de l’esprit et le brillant prélude du talent. » — Ainsi j’entends cet idéal de début académique, dont il ne se rencontre plus guère d’exemple.

713. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Elle eut, durant ces années, des diversions et distractions très vives, des mélancolies même et des chagrins. […] Donnez-moi de votre amitié cette preuve si forte et si distinguée : je vous le demande avec les plus vives instances. […] On lit tout haut ces autres mots d’une lettre de Jean-Jacques à Hume : Vous êtes un traître… Ces deux mots, traître et scélérat, dans un temps où ils n’étaient pas prodigués comme ils l’ont été depuis (c’est Garat qui parle), retentissent dans ce souper, et la nuit même dans une partie de la capitale, comme deux coups de tocsin. » Hume, quoiqu’ayant eu pour but d’informer le monde de Paris, ne s’était pas douté du retentissement soudain qu’aurait une lettre, vive, il est vrai, et non confidentielle, mais qui, d’après les probabilités ordinaires, devait mettre quelque temps à s’ébruiter ; il n’avait pas compté sur l’atmosphère inflammable de ce Paris oisif et passionné.

714. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Naturellement, dans une Correspondance avec sa mère, Marie-Antoinette s’épanche et revient perpétuellement sur cet objet qui fait, à toutes deux, leur constante et vive sollicitude. […] Le comte d’Artois, lui, le futur Charles X, n’est qu’étourdi, pétulant, imprudent, tête vive et légère : « Il est vrai que le comte d’Artois est turbulent et n’a pas toujours la contenance qu’il faudrait ; mais ma chère maman peut être assurée que je sais l’arrêter dès qu’il commence ses polissonneries, et, loin de me prêter à des familiarités, je lui ai fait plus d’une fois des leçons mortifiantes en présence de ses frères et de ses sœurs. (16 novembre 1774.) » Quant au comte de Provence, il y a d’autres précautions à prendre avec lui ; ce n’est pas de ses familiarités en public et de ses gestes légers qu’on a à se méfier, c’est plutôt de ses coups fourrés ainsi que de ceux de sa digne épouse, qui est bien appareillée avec lui : « Ils sont l’un et l’autre fort réservés et fort tranquilles, au moins en apparence. […] (15 mars 1775.) » Marie-Antoinette se justifie de son mieux, et par un mot qui coupe court à tout : C’est la mode, c’est l’usage : « J’enverrai à ma chère maman, par le prochain courrier, le dessin de mes différentes coiffures ; elle pourra les trouver ridicules, mais ici les yeux y sont tellement accoutumés qu’on n’y pense plus, tout le monde étant coiffé de même. » Marie-Thérèse est plus dans le vif, lorsqu’elle se plaint de ces courses continuelles au bois de Boulogne et ailleurs avec le comte d’Artois, sans que le roi s’y trouve : « Vous devez savoir mieux que moi que ce prince n’est nullement estimé et que vous partagez ainsi ses torts.

715. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

On sait combien il était petit de taille, faible, vif, nerveux et grêle. […] Les lettres qu’on a de cette époque indiquent une veine de dévotion très vive et assez mystique chez le jeune clerc. […] D’un autre côté, un désir constant, qui semble résister à tous les obstacles et triompher des répugnances naturelles les plus vives, n’offre-t-il pas un caractère de vocation digne au moins d’être examiné ?

716. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

La vive satisfaction que dut éprouver M. de Talleyrand pour le bien joué et le plein succès de sa tactique en 1814 ne fut que de courte durée. […] Un négociateur animé d’un plus vif sentiment national eût, certes, fait en sorte d’obtenir mieux de la bienveillance d’Alexandre, très porté pour la France à cette époque, et il eût au moins disputé le terrain pied à pied ; mais un tel négociateur ne pouvait se trouver alors dans la ligne et dans le rôle de M. de Talleyrand. […] Entre Beugnot et Chateaubriand, ces deux témoins de son désappointement, l’un si spirituel, l’autre si amer et si ennemi, Talleyrand observé, démasqué, percé au vif à ce moment, passe devant la postérité un mauvais quart d’heure, et, ce qui lui eût été le plus pénible, il y paraît même un peu ridicule.

717. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

On peut juger de l’étonnement et de l’irritation chez une nature vive et susceptible. […] Elle m’a témoigné trop de bontés pour que ces regrets ne soient pas aussi vifs que sincères. […] L’entrée à Smolensk signala ainsi la troisième grande manœuvre manquée de la campagne : « ce fut la dernière de notre côté. » À partir de là, Napoléon n’eut plus qu’à pousser tout droit en avant et à marcher sur Moscou, en perçant de vive force au cœur de sa fatale conquête.

718. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Ses paysages, à elle, ont de l’étendue ; un certain goût anglais s’y fait sentir ; c’est quelquefois comme dans Westall, quand il nous peint sous l’orage l’idéale figure de son berger ; ce sont ainsi des formes assez disproportionnées, des bergères, des femmes à longue taille comme dans les tableaux de la Malmaison, des tombeaux au fond, des statues mythologiques dans la verdure, des bois peuplés d’urnes et de tourterelles roucoulantes, et d’essaims de grosses abeilles et d’âmes de tout petits enfants sur les rameaux ; un ton vaporeux, pas de couleur précise, pas de dessin ; un nuage sentimental, souvent confus et insaisissable, mais par endroits sillonné de vives flammes et avec l’éclair de la passion. […] Le paysage, quand il y a un paysage, est beaucoup plus vif et distinct que celui que nous avons vu dans les Idylles ; tous les objets s’y dessinent et quelquefois y reluisent trop. […] Ce devra être, même plus tard, dans ce monde éternellement renaissant de la passion, une lecture à jamais vive et pleine de larmes.

719. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Le durus Amor, l’Amour, fléau du monde, exécrable folie 68, n’avait jamais été étreint plus au vif, et, pour ainsi dire, plus au sang. […] A travers tout le premier drame qui se passe au Tyrol, un air vif des montagnes circule ; on entend l’hallali des chasseurs qui fait bondir ; on croit boire à pleine main la saveur glacée des neiges dont la franche âcreté répare un sang affadi. […] Quand on a soi-même des portions de l’artiste, qu’on l’a été un moment, ou du moins qu’on a désiré de le devenir à quelque degré, la vigilance sur les créations naissantes est extrême ; le clin d’œil est rapide et peu trompeur ; on reconnaît avec un instinct vif, presque jaloux, ces lumières qui pointent à l’horizon et vont à mesure éteindre les anciennes.

720. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

On a dit d’un philosophe moderne qui ne pouvait s’accommoder de la petite morale à laquelle il manquait, et qui cherchait à en inventer une toute nouvelle, tout emphatique, à l’usage du genre humain, « que chez lui le creux du système était précisément adéquat au creux du gousset. » Mais ce genre de considérations va trop au vif et passerait le ressort de la juridiction critique. […] Au théâtre, ce qui décidera un spirituel dramaturge à lâcher cinq actes assez flasques au lieu de trois bien vifs, c’est qu’il y a plus forte prime pour les cinq. […] Or, ce monde-là est avant tout un curieux aimable, il ne craint rien tant que l’ennui ; il a son goût vif, mobile, ses délicatesses.

721. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Non, il n’est pas indispensable, pour provoquer en nous cette vive et profonde intelligence des choses naturelles, de s’en aller bien loin, au-delà des mers, parcourant les contrées aimées du soleil et la patrie des citronniers, se balançant tout le soir dans une gondole, à Venise ou à Baïa, aux pieds d’une Elvire ou d’une Guiccioli. Non, bien moins suffit : voyez Horace, comme il s’accommode, pour rêver, d’un petit champ, d’une petite source d’eau vive, et d’un peu de bois au-dessus, et paulùm sylvae super his foret ; voyez La Fontaine, comme il aime s’asseoir et s’oublier de longues heures sous un chêne ; comme il entend à merveille les bois, les eaux, les prés, les garennes et les lapins broutant le thym et la rosée, les fermes avec leurs fumées, leurs colombiers et leurs basses-cours. […] Un autre jour, il y eut devant Louis XIV une vive discussion à propos de l’expression rebrousser chemin, que le roi désapprouvait comme basse, et que condamnaient à l’envi tous les courtisans, et Racine le premier.

722. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Il suffisait dans chaque ville de deux ou trois jeunes imaginations un peu vives pour donner l’éveil et sonner le tocsin littéraire. […] En automne, les grives viendraient s’y reposer, attirées par les baies au rouge vif du sorbier des oiseleurs. […] Même à ses meilleurs moments, il s’est trop retranché des sources vives. — On ne saurait aussi, à propos de cette page, ne pas se souvenir de l’admirable tableau qui termine l’idylle de Théocrite, les Thalysies.

723. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Il faudrait être Tacite ou Shakespeare pour rendre au vif ce qu’inspire une pareille vue à bien des cœurs, ce que du moins je ressens pour mon compte, et que bien d’autres sentent comme moi confusément. […] On pourrait sans doute désirer, en quelques endroits du récit, un coup de pinceau plus vif, un trait de burin plus profond ; mais je ne sais si une autre manière produirait une impression aussi nette, aussi lucide et aussi parfaitement juste que celle que laisse ce récit égal, uni, et ce style, interprète fidèle et patient de l’équité. […] Le duc de Saint-Simon, pour prendre un exemple moderne, à force de saisir au vif ses originaux, et de les faire saillir aux yeux, en a pu malmener et outrager quelques-uns.

724. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Son goût littéraire était plus vif que sûr ; elle aimait, elle adorait Racine, comme le maître du cœur, mais elle n’aimait pas pour cela le trop fini, elle aurait préféré le rude et l’ébauché. […] Quand il partit de Paris, la passion de Mlle de Lespinasse et celle qu’il lui rendait n’avaient jamais été plus vives. […] Reconnaissons toutefois qu’un homme qui put être à ce point aimé de Mlle de Lespinasse, et qui, ensuite, eut le premier l’honneur d’occuper Mme de Staël, devait avoir de ces qualités vives, animées, qui tiennent à la personne, qui donnent le change sur les œuvres tant que leur père est là présent.

725. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Jetée en prison, livrée par les Bourguignons aux Anglais, par ceux-ci à la justice ecclésiastique et à l’Inquisition, son procès s’entame à Rouen en janvier 1431, et se termine par l’atroce scène du bûcher, où elle fut brûlée vive, comme relapse, convaincue de schisme, hérésie, idolâtrie, invocation des démons, le 30 mai de la même année. […] Les juges qui la condamnèrent furent atroces, et l’évêque de Beauvais qui mena toute l’affaire joignit à l’atrocité un artifice consommé ; mais ce qui frappe surtout aujourd’hui, quand on lit la suite de ce procès, c’est la bêtise et la matérialité de ces théologiens praticiens qui n’entendent rien à cette vive inspiration de Jeanne, qui, dans toutes leurs questions, tendent toujours à rabaisser son sens élevé et naïf, et qui ne peuvent parvenir à le rendre grossier. […] L’auteur, comme toujours, pousse à l’effet, il force les couleurs, il fait grimacer les personnages qui interviennent, il badine hors de propos ; il se fait gai, vif, fringant et pimpant contre nature ; il dramatise, il symbolise.

726. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Un trait vif, léger et malin, serait pardonnable ; mais quatre lettres dans lesquelles il étend son grain de libertinage, c’est trop. […]  » — Voilà l’idée qu’il avait du rire : il souriait seulement aux choses fines ; mais il ne connaissait aucun sentiment vif. […] Quoique âgé, il a dans l’œil quelque chose de vif et de fin.

727. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Théodore Leclercq est mort le 15 février dernier, et cette mort a aussitôt réveillé, chez ceux qui ne connaissaient ce spirituel auteur que par ses œuvres, le vif souvenir de tout un piquant chapitre littéraire, de tout un chapitre de mœurs sous la Restauration. […] Les traits où il se jouait, sans rester moins délicats, devinrent plus vifs, plus acérés ; ils se trempèrent d’une légère amertume qui les rendit plus sensibles. […] Théodore Leclercq n’a eu le sentiment vif et la science de la vie privée, de la vie de société, en un mot du salon et de tout ce qu’on y surprend en un clin d’œil de commérage piquant, de babil aiguisé, de luttes, de tracasseries, d’hostilités courtoises et élégantes.

728. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Elle a les cheveux du plus beau châtain qu’on ait jamais vu, le visage rond, le teint vif, la bouche agréable, les lèvres fort incarnates, une petite fosse au menton, qui lui sied fort bien, les yeux noirs brillants, pleins de feu, souriants, et la physionomie fine, enjouée et fort spirituelle… Pour de l’esprit, Clarice en a sans doute beaucoup, et elle en a même d’une certaine manière dont il y a peu de personnes qui soient capables, car elle l’a enjoué, divertissant, et commode pour toutes sortes de gens, principalement pour des gens du monde. […] Elle avait le sentiment vif du ridicule, et elle saisissait les gens d’un trait et d’une seule image. […] L’appétit est quelque chose dont je jouis encore… Cette idée d’appétit revient souvent entre eux et se mêle assez naïvement aux plus vives tendresses même de l’amitié : Que j’envie ceux qui passent en Angleterre, écrit Ninon, et que j’aurais de plaisir à dîner encore une fois avec vous !

729. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Après cela, je ne trouve pas chez lui une nouveauté ni une création d’expression aussi vive qu’il se pourrait aujourd’hui imaginer ; Chateaubriand à cet égard, et même Bernardin de Saint-Pierre, l’ont fait pâlir. […] Le Président était presque aveugle, et il était si vif que, la plupart du temps, il oubliait ce qu’il voulait dicter, en sorte qu’il était obligé de se resserrer dans le moindre espace possible. » C’est ainsi qu’il expliquait ce qu’il paraît y avoir parfois d’écourté dans le langage de Montesquieu. […] Elle était coupée comme son style, vive, inattendue, semée de brusqueries et d’à-propos : il ne manquait jamais la balle quand elle lui venait.

730. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

À propos de l’édition complète des Œuvres de Voltaire, qui fut entreprise en 1781, une vive polémique s’engagea. […] « J’ai entendu en 1788, dit quelque part Mallet, Marat lire et commenter le Contrat social, dans les promenades publiques, aux applaudissements d’un auditoire enthousiaste65. » Un Journal intime de Mallet, dont on nous donne des extraits et qui contient ses observations sur Paris, de 1785 à 1789, nous transporte au milieu des mœurs du temps et dans les scènes les plus vives de la guerre de la Cour contre les parlements. […] Il n’est pas de pages plus vives et plus fortes que celles dans lesquelles Mallet étalait le bilan de l’Assemblée constituante, et l’état désemparé où elle laissait la France ; il n’en est pas de plus mémorables que le tableau qu’il traçait des torts et des fautes des partis en avril 1792, au moment où lui-même quittait le jeu qui n’était plus tenable, abandonnait la rédaction du Mercure après huit ans de travaux assidus, dont trois de combats acharnés, et se préparait à sortir de France.

731. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Il en résulta les Lettres sur l’Angleterre (1802), dans lesquelles l’auteur, qui combat l’anglomanie et toutes ses conséquences, avait mêlé des réflexions très vives et très acérées sur la philosophie du xviiie  siècle : il la considérait et la dénonçait comme antipathique à tout établissement social et comme hostile à tout principe stable de gouvernement. […] Fiévée fut pris en 1814, et surtout en 1815, d’une fièvre de royalisme plus vive que celle même qu’il avait sentie sous le Directoire. […] Il essayait, il trouvait sur la situation quantité de mot fins, épigrammatiques, de ces définitions commodes et vives qui circulaient et qu’on répétait ensuite, qu’il répétait lui-même.

732. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Necker composa dans les années qui suivirent (1781-1788), portent la marque de cette sensibilité tendre et vive qu’il ne prend pas le soin de dissimuler. […] Necker par deux Lettres très vives, très hardies, où il s’arme de la méthode de Pascal, mais à mauvaise fin, et pour en venir à des conclusions ouvertement spinozistes et épicuriennes. […] L’auteur, encore tout ému de sa chute et de l’ingratitude de l’Assemblée, ne prévoyant pas que, dans les malheurs qui s’apprêtent à fondre sur toutes les têtes, cette retraite prématurée deviendra pour lui un salut et un bienfait, l’auteur se laisse aller à toutes ses pensées ; il nous livre son âme au vif, toute saignante et gémissante ; il la montre dans sa sensibilité, dans ses étonnements, dans ses douleurs de tout genre, dans ses passions naturelles, honnêtes, droites, humaines et un peu débonnaires.

733. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

L’œuvre littéraire, notamment, est un ensemble de phrases écrites ou parlées, destinées par des images de tout ordre, soit très vives et précises, soit plus vagues et idéales, à produire chez ses lecteurs ou ses auditeurs une sorte spéciale d’émotion, l’émotion esthétique qui a ceci de particulier qu’elle ne se traduit pas par des actes, qu’elle est fin en soi. […] Si l’émotion esthétique est une excitation générale, si une émotion est l’ébranlement diffus qui accompagne la formation d’une idée, si elle est une idée inadéquate, la forme vive d’un état d’âme naissant, — l’influence émotionnelle considérable des moyens d’expression suggestifs sera facilement intelligible. […] On constatera de nouveau, après avoir analysé de la sorte un certain nombre d’œuvres d’art, qu’aucune ne présente une émotion que l’on puisse qualifier positivement de peine ou de plaisir : il n’est pas de livre qui donne, sauf par un retour sur soi, un sentiment de souffrance véritable, de désespoir, de chagrin, d’infortune positifs ; ni de peinture qui procure de la satisfaction, un encouragement, de l’espoir intéressé et vif, sauf dans la mesure ou un pur exercice corporel ou intellectuel, donne du plaisir.

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