/ 1509
335. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

L’expérience avait donné d’éclatants démentis à toutes les théories de l’âge précédent. […] Il y a une remarque générale à présenter sur la théorie sociale de M. de Bonald. […] Ainsi, la critique des théories sur la perception présuppose la connaissance et l’analyse préalable du fait de la perception, et il en sera de même de toute critique, de toute théorie philosophique, puisque toute théorie philosophique se rapporte à un fait de la nature morale et intellectuelle. […] Mais de combien de manières une théorie philosophique de la perception peut-elle être fausse ? […] Aucune des théories de la philosophie moderne ne résista à cette redoutable enquête.

336. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Thiers dans cet Avertissement, est trop conforme à son individualité intellectuelle pour être en lui une théorie de circonstance. […] Thiers ne le dit pas, mais il fait tellement prédominer ce culte de l’intelligence dans sa théorie, comme l’intelligence prédomine en lui et dans son livre, que cette qualité absorbe évidemment dans son intention toutes les autres. — Raisonnons cependant. […] Qu’aurait dit Tacite, le plus réellement intelligent des historiens, parce qu’il est le plus ému, le plus passionné et le plus vertueux des hommes, s’il avait lu cette théorie froide de M.  […] Thiers, nous le savons bien, mais c’est là où conduirait sa théorie historique de l’intelligence supérieure à tout dans le récit des événements humains. […] Ici, comme cela se rencontre souvent en littérature, l’exécution est bien supérieure à la théorie.

337. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Pour vérifier cette théorie, Spencer cite, entre autres exemples, la place de l’adjectif en anglais, qui précède toujours le substantif. […] Spencer applique aussi sa théorie aux figures de style, et d’abord à la « synecdoche ». […] Comparez un œil de verre et un œil vivant : derrière le premier, il n’y a rien ; le second est pour la pensée une ouverture sur l’abîme sans fond d’une âme humaine… Toute vraie beauté est, soit par elle-même, soit par ce que nous mettons de nous en elle, une infinitude sentie ou pressentie255. » Cette théorie de l’infinité évoquée par les formes mêmes du beau nous semble un correctif nécessaire de la théorie mécanique de Spencer, car, au lieu de voir surtout dans le style une économie à réaliser, elle y voit une prodigalité à introduire. […] Cette théorie est évidemment trop étroite. […] Où sont nos lyres d’or, d’hyacinthe fleuries, Et l’hymne aux Dieux heureux, et les vierges en chœur, Eleusis et Délos, les jeunes théories, Et les poèmes saints qui jaillissent du cœur ?

338. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Il tenait à cette théorie contre Newton plus qu’à son Faust… comme M.  […] Du reste, c’est le sort de cette théorie d’avoir vengé les gens d’esprit, insultés par l’outrageante fortune de Gœthe. […] Mais à partir de sa théorie contre Newton, il fut ridicule ; malheureusement, ce fut dans un cercle où les connaisseurs en ridicule n’étaient pas nombreux et manquaient de gaîté. […] Il y aurait une réponse terrible à cette question, si ses admirateurs la posaient, et c’est la théorie contre Newton. Où l’avait-il prise, cette théorie ?

339. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

La théorie de Wundt sur ce point n’est pas sans analogie avec celle de Renouvier, qui place la liberté dans le pouvoir de maintenir une représentation sous le regard de la conscience ou, au contraire, de la laisser passer sans y faire attention. […] Il y a assurément dans ces théories, qui rappellent le progrès de Condillac à Laromiguière, une part de vérité ; mais il faut s’entendre sur la vraie nature de la force déployée dans l’attention et l’aperception.

340. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Jamais plus infortunée théorie ne tendit, par-dessous un livre, une main plus faible aux sociétés secrètes et aux révolutions. […] Malgré la force d’un esprit qu’il finira par énerver, et sur laquelle nous avons assez insisté, l’auteur de l’Individu et l’État a prouvé une fois de plus, et pour son compte, à quel degré la manie des théories vagues et l’idéologie philosophique portait malheur à la netteté de la pensée.

341. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Les paroles de chaque personnage sont toujours arrangées de façon à montrer que la théorie de son cœur était bien connue de l’auteur. […] Cette nouvelle métaphysique ne tarda pas à faire sentir son influence sur toutes les théories. […] Toute la théorie devait reposer sur ce premier fait, et alors on pouvait cheminer facilement dans la route de l’abstraction. […] La théorie a cessé d’être mathématique. […] De leurs recherches, résulta une théorie du langage, claire et méthodique, qui remplaça bientôt les anciennes nomenclatures.

342. (1886) Le naturalisme

Ses romans sont pleins de théories, de réflexions et de déclamations : vertu, sensibilité, amitié et tendresse y sont comme chez elles. […] Certaines contrées du Nord voulurent le prendre pour législateur ; la Convention mit en pratique ses théories ; et le torrent de la Révolution courut dans le lit de ses idées. […] Ses théories esthétiques, nouvelles et audacieuses alors, contenaient déjà le réalisme. […] Qu’importe les théories philosophiques aussi extravagantes que fragiles de George Sand ? […] Zola grandit devant les attaques qui durent beaucoup le flatter, d’après sa théorie que les œuvres discutées sont les seules à valoir et à vivre.

343. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Donc à bas les théories et vive l’anarchie ! […] Ne lui reprochez pourtant pas d’être par là infidèle à sa théorie. […] Brunetière a des principes, des théories, qui lui imposent ses jugements. […] Brunetière a construit sa théorie du beau. […] Est-ce à dire que ce soit une raison suffisante de condamner son style et ses théories ?

344. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

D’après ma théorie, l’existence permanente d’organismes inférieurs n’offre aucune de ces difficultés ; car la sélection naturelle n’implique aucune loi nécessaire et universelle de développement et de progrès. […] — Je dois examiner ici diverses objections qu’on a faites à mes théories, d’autant plus que les questions précédentes en recevront encore quelque lumière. […] L’éminent professeur de paléontologie Bronn a joint à la traduction allemande de cet ouvrage quelques objections à mes théories et des remarques qui les appuient. […] Je crois à la théorie de descendance modifiée, bien que tel ou tel changement particulier de l’organisation ne puisse encore être expliqué dans l’état actuel de nos connaissances, parce que cette théorie rattache les uns aux autres un grand nombre des phénomènes généraux de la nature, et qu’elle les explique en général, comme nous le verrons dans les derniers chapitres de ce livre. […] Pouchet ; nous voulons seulement dire qu’elles n’ont aucun lien nécessaire avec les théories de M. 

345. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Virgile n’ignorait d’ailleurs aucune des grandes théories de son temps, qui sont encore sensiblement celles du nôtre. […] Nul n’a plus durement appliqué, ni à des objets plus divers, des théories plus étroitement déterministes. […] L’Histoire de la littérature anglaise est un livre splendide ; mais le meilleur en subsisterait, la théorie ôtée ou réduite à d’assez modestes truismes. […] Comme Taine a théorie du milieu, du moment et de la faculté maîtresse, M. Brunetière a trouvé la théorie de l’« évolution des genres ».

346. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Il provient des mythes populaires et du vieux roman ; puis naît la tragédie classique française, traduction à contre-sens de théories grecques. […] Cette lettre, préface à l’édition française des quatre poèmes d’opéra (Paris, 1861), peut être considérée comme l’œuvre excellente de la théorie wagnérienne. […] Dans son Traité du verbe, qui paraîtra en 1886 avec une préface de Mallarmé, René Ghil développe sa théorie des correspondances entre les sons et les couleurs. […] Il reprend les grands points de la théorie wagnérienne : l’œuvre d’art, le théâtre, le public. […] Il cite un autre texte important Une communication à mes amis, paru en 1852 à Leipzig qui, avec la Lettre sur la musique, résume bien la théorie wagnérienne.

347. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Cette tendance des phénomènes psychiques à s’échelonner successivement n’est cependant vraie qu’en théorie et n’aboutit jamais à sa réalisation complète. […] Herbert Spencer a des théories qui lui sont propres. […] Il ne réclame en sa faveur qu’une seule concession : c’est que de toutes les théories, elle est la plus simple, la plus naturelle, et surtout celle qui s’appuie sur le plus grand nombre de faits positifs. […] Bain y incline, il est, lui, nettement réaliste ; et la théorie de la connaissance n’est qu’un long combat contre l’idéalisme. […] Mais le grand philosophe que nous quittons ici, est si riche en théories et en découvertes que nous ne craignons que d’avoir été trop court.

348. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Mais, en même temps que Richard Wagner, poète-musicien, qu’il faut laisser seul, il y a Richard Wagner, dogmatiste, dont les théories universellement applicables peuvent être acceptées par tous. […] Bayreuth C’est en composant ses grandes œuvres, Tristan, la Tétralogie. puis Parsipal, que Richard Wagner établit la théorie de l’œuvre d’art. […] Aussi nous avons cherché, en vain, cette année, entre les kilomètres de toile peinte, quelques travaux sérieux, nous pouvant être des exemples à l’explication de la théorie Wagnérienne. […] Ce n’est pas qu’elles soient parfaites, déjà ; du moins, elles font voir aux peintres, la voie qui, seule, leur convient, la voie Wagnérienne de la franchise, de la fidélité aux théories, de l’effort continu à sentir la vie, et à l’exprimer. […] Catulle Mendès ; les Notes sur la théorie et l’œuvre Wagnériennes (Revue Wagnérienne du 14 mars) en sont le Prologue.

349. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Les Anglais appellent cette théorie l’hypothèse intensiviste. 2° L’espace est une forme engendrée par les ressources propres de l’esprit, pour recevoir et envelopper des sensations qui, telles qu’elles sont données à l’origine, n’ont rien de spatial, mais qui, une fois mises dans ce moule de l’espace, y prennent unité et ordre. […] C’est la théorie extensiviste. […] Quand on reproche à cette théorie associationniste de postuler l’espace qu’elle voudrait expliquer, par exemple la direction des mouvements, qui implique l’espace, Stuart Mill répond que ses adversaires « auraient été plus près de la vérité si, au lieu de dire que direction signifie espace, ils eussent dit qu’espace signifie direction. […] Les théories intellectualistes, qu’elles soient du rationalisme ou de l’associationnisme, sont, au fond, des théories atomistes. […] La théorie proposée par Sergi pour expliquer la perception par ces ondes nerveuses centrifuges, revenant des centres vers les organes sensoriels, si elle n’est pas encore démontrée, nous semble du moins très plausible ; en tout cas, le contraire n’est pas non plus démontré.

350. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Crébillon a ce désordre intéressant auquel certaines théories complaisantes reconnaissent le signe et comme la fatalité du génie. […] Le Cid, Polyeucte, Cinna, presque tout Racine, sont en dehors de la théorie de Crébillon. […] En imaginant la théorie de la terreur, Crébillon n’avait trouvé qu’un paradoxe : ceux qui l’en louaient de son temps comme d’une nouveauté durable, n’avaient trouvé qu’un moyen de plus de chagriner Voltaire. Son meilleur ouvrage est un éclatant démenti à sa théorie. […] L’esprit de cette poétique n’est pas l’application étroite d’une théorie.

351. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Mais lorsque, deux ans après, parut le tome second de l’Indifférence, et que l’auteur développa sa théorie de la certitude, puis les applications successives de cette théorie au paganisme, au mosaïsme et à l’Église, l’attention publique, détournée ailleurs, ne revint aucunement ; sur ce terrain il n’y eut plus guère que le clergé, les théologiens gallicans et les personnes faites aux controverses philosophiques, qui le suivirent. […] Quant aux philosophes qui s’inquiétaient des théories nouvelles, M. de La Mennais ne réussit qu’avec peine à conduire leur orgueil cartésien au delà de son second volume ; ils se prêtèrent difficilement à rien entendre davantage : cette infaillible certitude, appuyée au témoignage universel, leur semblait une énormité trop inouïe. […] Cette fameuse théorie de la certitude contre laquelle on s’est tant récrié, et que nous n’avons pas la prétention d’approfondir ici, n’a rien de choquant que pour l’orgueil, si on la considère sincèrement et qu’on la sépare de quelques hardiesses tranchantes qui n’y sont pas essentielles.

352. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Remontant, comme fait Platon, aux principes premiers et évidents, il ramène l’éloquence de la chaire à l’éloquence en général, et de là il passe aux beaux-arts, pour chercher son principe dans une théorie contestable et dangereuse : il pense que l’œuvre d’art doit avoir un but moral. […] Il reprend à Fontenelle sa théorie des climats. […] Sur l’éloquence en général, il complète, dégage, éclaircit en perfection la théorie des dialogues : il ramène l’éloquence au raisonnement ; mais il distingue le véritable ordre, naturel et efficace, des divisions scolastiques et sèches ; il enveloppe le raisonnement de passion : il montre la puissance de la sincérité et de la simplicité. […] Amour-propre, esprit de domination, intolérance, idées réactionnaires en politique, ultramontaines en religion, théories larges et incohérentes, pratique souvent étroite et dure, raison flottante, logique douteuse, fureur d’avoir le dessus plutôt que d’avoir raison : tout cela est dans Fénelon ; et cela n’empêche pas de l’aimer ; tout cela n’empêche pas même de lui trouver un certain air libre et libéral, qui le rapproche de nous.

353. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

La théorie du drame romantique : abolition des unités ; mélange des genres. […] L’autre, dans la Préface et dans le Drame de Cromwell, dressa la théorie complète et le spécimen monumental du théâtre romantique. […] Théorie du drame romantique. […] En somme, nous apercevons dans la théorie du drame romantique un double caractère : 1° les barrières des genres dramatiques sont retirées ; tragédie, comédie, drame, tout se mêle ; 2° les barrières qui séparent le genre dramatique des autres genres, sont abattues aussi ; et l’épique, le lyrique, l’histoire, le symbole envahissent le théâtre.

354. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Sa théorie du goût85 menait là un public tombé de cette hauteur d’attention ou les sévères méthodes littéraires du dix-septième siècle avaient élevé les contemporains. […] Les erreurs de l’Esprit des lois sont : ou des faits invraisemblables que Montesquieu tient pour vrais et explique comme tels, ou des faits certains dont il ne donne pas l’explication vraie, ou des maximes générales qu’on pourrait appeler des erreurs en grand, par exemple la théorie de l’influence du climat. […] Plus d’une réflexion courte mais profonde, qui semble comme échappée à une conviction habituelle, une éloquente réfutation du paradoxe de Bayle qui prétend qu’un État formé de véritables chrétiens ne pourrait subsister, le dogme des peines éternelles presque justifié par la théorie des crimes inexpiables, tout cela est d’un homme qui a eu tout au moins une vue supérieure du christianisme. […] Il manque aussi à l’Esprit des lois une théorie de l’autorité.

355. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il y a un moment où, dans son désir de s’élever au beau et au sévère grandiose, il semble près de sortir de sa théorie et d’en adopter une autre, celle d’un idéal qu’on puise en soi-même et que l’artiste, pareil à Phidias, fait descendre comme d’un Olympe pour agrandir ou ennoblir la réalité. Cette théorie, qui est celle d’Ingres, et qui habituellement n’est pas celle de Léopold Robert, semble pourtant le frapper et le pénétrer en passant, lorsqu’il dit : Je trouve une grande différence à faire les figures d’hommes et celles de femmes. […] En ces moments, il s’en faut de bien peu que Léopold Robert ne sorte de sa théorie, qui consiste à copier obstinément la nature, et qu’il ne s’élève à l’idée pure et dominante qu’une imagination grandiose peut trouver dans sa conception même ou dans celle des génies créateurs, dans Homère, par exemple, ou dans les Prophètes.

356. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Feuillet s’est surpassé ; il s’est vraiment piqué d’honneur dans la peinture de ce personnage hostile, de cet avocat du diable, de cet adversaire à mort de toutes ses propres théories : on peut dire que, par la bouche de Carnioli, il semble s’être insurgé contre lui-même. […] Je me garderai bien, pour commencer, de donner ni même d’avoir par-devers moi une théorie du roman. Le grand avantage du roman est précisément d’avoir échappé jusqu’ici à toute théorie, à toute règle.

357. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Frédéric le Grand, par ses actions glorieuses, par une série d’exemples et d’opérations d’un ensemble et d’un ordre supérieurs à ce qui avait précédé, vint renouveler la matière des raisonnements et ouvrit le champ de la théorie : il suscita de nouveaux historiens et des critiques dignes de lui. […] L’auteur n’y perd jamais de vue cette maxime : « La théorie est le pied droit, et l’expérience est le pied gauche. » Les guerres de la Révolution lui fournissaient aussi des termes naturels de comparaison et des exemples ; il les empruntait le plus volontiers à la campagne d’Italie de 1796-1797 et à celle de 1800. […] Notez que si Jomini, à son début, profitait des illustres exemples du général Bonaparte pour éclairer ses récits et donner à ses jugements sur Frédéric tout leur relief, à sa théorie toute sa portée et son ouverture, il a lui-même en tant qu’écrivain militaire dû aider et servir à Napoléon, quand le captif de Sainte-Hélène s’est plu, à son tour, à retracer en quelques pages fermes l’histoire critique des campagnes de Frédéric.

358. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Mme de Staël a fourni aux romantiques des idées, des théories, une critique : de Chateaubriand ils ont reçu un idéal, des jouissances et des besoins ; elle a défini, il a réalisé. […] Nos Français l’avaient été d’idées, de désir, en théorie : en fait, ils n’ont pas été capables de sortir d’eux-mêmes ; leur cosmopolitisme n’est qu’une prétention de réduire toute l’humanité à leur forme. […] Elle modifie d’une curieuse façon la théorie de Montesquieu ; on ne l’a pas assez remarqué. « La division du corps législatif, l’indépendance du pouvoir exécutif, et avant tout la condition de propriété : telles sont les idées simples qui composent tous les plans de constitution possible. » Le premier article et le troisième sont surtout importants.

359. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Sarcey, l’exposition de ses théories étaient chose aisée. […] des théories si peu liées entre elles ! […] De plus, ces opinions particulières, je ne dirai pas qu’elles sont quelquefois contradictoires, mais enfin on ne voit pas toujours comment elles s’ajustent entre elles ni comment elles pourraient se rattacher à quelque théorie générale de l’art.

360. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

S’il fut de cette école, une plus large fatalité de refléter tout ce qui l’environne, d’accaparer inconsciemment toutes les tendances a fait de lui (c’est sa personnalité, si l’on veut) un candide et très sérieux incohérent : symboliste par Mallarmé, impressionniste par sa fréquentation des peintres pointillistes, scientifique, philosophique, et même teinté du socialisme puéril qui court les rues, lorsque s’avérèrent scientifiquement mes Théories de philosophie et d’art, et aussi parce qu’un de ses amis s’occupe de sciences transcendantes — en même temps qu’il est pénétré inéluctablement de son hérédité sémite compliquant encore l’hétérogénéité, Il arrive enfin, après de prolixes et diffus articles, à cette déclaration éminemment neuve que le Rythme est en tout, à cette erreur scientifique que tout est cyclique, — et pour œuvre, il donna ce livre, les Palais nomades, qui trahit ses velléités de lui donner un lien méthodique, et où ce moderniste à outrance fait à chaque page surgir des souvenirs de Palestines et des Tribus, de Babylones et d’Afriques, parmi des gestes de Mages : et, pour le développement des Rythmes, en pressant les images en chaos et les mots et les phrases sans nul effet à satiété répétés, simplement il allongeait ou raccourcissait extraordinairement l’alexandrin, dont il a sainte horreur pour n’en comprendre pas la mathématique savante. […] C’est en m’appliquant au résultat des expériences de Helmoltz sur les Harmoniques, qu’il me fut permis d’en déduire ma Théorie de l’Instrumentalisation parlée. […] Ces Théories qui couvaient dès en mon premier livre de vers, d’essai, de même que le plan de mon Œuvre se dessinait en l’avant-propos de ce livre écrit à vingt-deux ans.

361. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

On ne peut donc jamais dire que la perception d’une chose externe soit immédiate, et Ampère, dans ses lettres à Biran, est tellement de cet avis, qu’il ne craint point d’appeler ridicule la théorie si vantée de Reid et des Écossais, celle de la perception immédiate et directe des objets extérieurs. […] Peut-être Ampère est-il bien sévère pour la théorie de Reid, qui peut s’entendre dans un bon sens. […] On peut dire que les phénomènes par lesquels se manifeste la chose externe sont des signes qui nous suggèrent immédiatement l’affirmation de son existence La perception immédiate des Écossais devrait donc s’entendre dans le sens d’une suggestion immédiate, et il n’y aurait pas alors une très-grande différence entre la théorie de Reid et celle d’Ampère lui-même.

362. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Dans le chapitre où sera développée la théorie de la parole, nous trouverons peut-être une explication, du moins plausible, de ce phénomène. […] Dans de si sublimes théories, Dieu même, source et modèle de toutes les perfections, devint aussi la source merveilleuse, le modèle incompréhensible du dévouement. […] Je cite plus volontiers les poètes que les politiques, parce que je regarde les poètes comme les véritables annalistes du genre humain, et que les politiques ou les philosophes sont trop souvent des hommes séduits par des théories sans fondement et sans fécondité.

363. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

En vain les grands esprits de l’époque, Montesquieu, Buffon, Rousseau, tentèrent de s’élever à de hautes théories morales ou scientifiques ; ou bien ils s’égaraient dans de pleines chimères, dans des utopies de rêveurs sublimes, ou bien, infidèles à leur dessein, ils retombaient malgré eux, à tout moment, sous l’empire du fait, et le discutaient, le battaient en brèche, au lieu de rien construire. […] Ce serait pour nous une trop longue, quoique bien agréable tâche, de rechercher dans ces volumes et d’extraire tout ce qu’ils renferment d’idées et de sentiments par rapport à l’amour, à l’amitié, à la haute morale et à la profonde connaissance du cœur ; au spiritualisme panthéistique, véritable doctrine de notre philosophe ; à l’art, soit comme théorie, soit comme critique, soit enfin comme production et style.

364. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Ces idées sont d’un autre temps, surtout parce qu’elles revêtent la forme de théories surannées. […] Rien ne prouve mieux qu’il y a en lui un artiste : la réalité le saisit, en dépit de ses préventions, de ses aversions, de ses théories ; et il lui est aussi impossible de ne pas la rendre que de ne pas la voir.

/ 1509