Et quel plaisir encore à leur courage124 tendre, Voyant Dieu devant eux en ses bras les attendre, Et pour leur faire honneur les Anges se lever ! […] Mais voici la belle strophe, à moitié voilée 128, pleine de sens, de prudence et de tristesse, une strophe à n’être appréciée que des esprits et des entendements en leur maturité : Un malheur inconnu glisse129 parmi les hommes, Qui les rend ennemis du repos où nous sommes : La plupart de leurs vœux tendent au changement, Et comme s’ils vivaient des misères publiques, Pour les renouveler ils font tant de pratiques Que qui n’a point de peur n’a point de jugement. […] Nous avons à terminer avec le poëte. — Tout à fait maître et à l’aise dans l’Ode, Malherbe a moins réussi dans le genre tendre, galant, léger, amoureux. […] Dans le sérieux, dans le tendre, en toute occasion, Malherbe a de ces beaux débuts : A ce coup nos frayeurs n’auront plus de raison, etc.
Le surplus des parois est tendu d’un papier verni représentant les principales scènes de Télémaque, et dont les classiques personnages sont coloriés. […] « À quel talent nourri de larmes devrons-nous un jour la plus émouvante élégie, la peinture des tourments subis en silence par les âmes dont les racines tendres encore ne rencontrent que de durs cailloux dans le sol domestique, dont les premières floraisons sont déchirées par des mains haineuses, dont les fleurs sont atteintes par la gelée au moment où elles s’ouvrent ? […] Imaginez ce que mon âme tendre dut ressentir à la première distribution de prix où j’obtins les deux plus estimés, le prix de thème et celui de version ! […] La taille ronde est un signe de force, mais les femmes ainsi construites sont impérieuses, volontaires, plus voluptueuses que tendres.
C’est enfin la préoccupation de ne point laisser décroître, par notre faute, la somme de vertus indispensable à la vie de l’humanité, et de sauver de ce trésor fragile et nécessaire tout ce qui peut encore en être sauvé ; c’est le désir de rechercher s’il ne subsiste pas, chez ces êtres accablés, humiliés et ulcérés par leur triste destinée, quelques germes de noblesse et de dignité morale, de préserver ces germes et de les faire fructifier ; bref, d’« élever » les malheureux par la manière dont on leur tend la main. […] Lorsqu’elle s’est livrée à Pierre Lestang pour savoir comment était fait un homme à qui sa maîtresse a naguère logé une balle dans la tête, peut-être se méprisait-elle elle-même ; peut-être aimait-elle toujours Roger, comme elle l’assure ; et les lettres si enflammées et si tendres qu’elle lui écrivait étaient peut-être sincères. […] Par là, il tendrait à se rapprocher, quant au fond, d’Émile Augier. […] — Mais j’irai plus loin : pendant que j’y suis, je songe à ces pasteurs « esprits forts », qui ne croient que bien juste en Dieu ; et, comme tout à l’heure je conciliais mal le sacerdoce avec le ménage, voilà maintenant que j’ai peine à concevoir le sacerdoce lui-même dans une religion rationaliste (si ces mots peuvent aller ensemble) ou qui tend au rationalisme.
Un esprit vraiment libéral est plus tendre pour la liberté humaine ; il touche avec plus de délicatesse à tout ce qui regarde l’âme ; s’il est chargé du gouvernement, au lieu de confisquer les volontés, il les invite et les incline doucement à la modération, et s’autorise contre leurs excès de la tendresse même qu’il a pour elles. […] Ce qui se voit du chrétien dans ce traité, c’est un désir plus vif et plus tendre de persuader ceux qui le liront, et un choix de preuves qui s’adressent au cœur. […] Écrivant le Télémaque dans le temps qu’il était le plus comblé par le roi : « Il eût été, écrit-il au Père le Tellier, non seulement l’homme le plus ingrat, mais encore le plus insensé, d’y vouloir faire des portraits satiriques et insolents. — Il est vrai, ajoute-t-il, que j’ai mis dans ces aventures toutes les vérités nécessaires pour le gouvernement, et tous les défauts qu’on peut avoir dans la puissance souveraine ; mais je n’en ai marqué aucun avec une affectation qui tende à aucun portrait ni caractère. » Nul n’a le droit de ne pas croire Fénelon sur parole. […] S’il a plus de délicatesse d’esprit et de sentiment que les héros d’Homère, on ne lui en sait pas plus mauvais gré qu’à l’Iphigénie de Racine d’être plus ingénieuse et plus tendre que les jeunes Grecques du temps d’Agamemnon.
Et tout en contemplant, d’un regard de maniaque, les ongles de ses mains tendues devant lui, il parle, il parle continûment, et sa voix un peu chantante et s’arrêtant et repartant aussitôt qu’elle s’arrête, vous entre, comme une vrille, dans les oreilles ses cannibalesques paroles. […] On remet sa pensée à coups de fouet sur la piste ; on recherche l’insomnie pour avoir les bonnes fortunes des fièvres de la nuit ; on tend à les rompre sur une concentration unique toutes les cordes de son cerveau. […] C’était un morceau de notre vie, un meuble de notre appartement, une épave de notre jeunesse, je ne sais quoi de tendre et de grognon et de veilleur à la façon d’un chien de garde, que nous avions l’habitude d’avoir à côté de nous, autour de nous, et qui semblait ne devoir finir qu’avec nous. […] Elle est petite, mal venue, avec une figure laide et tendre, une pauvre figure à la grâce de Dieu.
Toute vie complète, à chaque moment de l’action, tend à devenir ainsi symbolique, c’est-à-dire expressive d’une idée ou d’une tendance qui lui imprime son caractère essentiel et distinctif. […] Et cet amour, quand il s’exaspère, Charlotte commence à le partager. « Comme je me retirais hier, elle me tendit la main et me dit : Adieu, cher Werther. » Dès lors Werther n’a plus de paix : l’image de Charlotte le suit partout, l’obsède : « Comme son image me poursuit ! […] Enfin, Flaubert tend déjà à préférer les analyses « de cas pathologiques », préconisées par les psychologues, et auxquelles se sont complu les de Goncourt. […] L’idéal n’est autre chose que la nature même considérée dans ses tendances supérieures ; l’idéal est le terme auquel l’évolution elle-même tend.
Nos poètes et romanciers contemporains oublient trop cette loi : leur style est perpétuellement tendu, leurs rimes perpétuellement riches, leurs images perpétuellement éclatantes et même violentes. […] Elle donne au vers je ne sais quoi de tendu, de ronflant et de monotone. […] Voici maintenant le texte authentique : « Qui se considérera de la sorte, — s’effraiera de soi-même ; — et, se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée, — entre ces deux abîmes de l’infini et du néant, — il tremblera à la vue de ces merveilles. » La phrase ainsi ordonnée tend à prendre encore la forme d’une strophe ; le troisième vers seul serait trop long, mais il ne fait que mieux nous montrer par contraste la brièveté des deux derniers, qui contiennent précisément des idées et des images d’une ampleur immense : abîme, infini, néant, — trembler, merveilles. […] Ce qui est vrai, c’est que la prose tend, comme nous venons de le montrer, à s’organiser d’une manière à la fois plus savante et plus libre, mais en conservant ce qui a toujours fait le fond commun de la poésie et de la prose, à savoir l’image et le rythme, l’une s’adressant aux yeux, l’autre aux oreilles, tous deux cherchant à atteindre le cœur.
Bourget, il faut se rappeler qu’il est arrivé à un moment où ces questions et ces problèmes tendaient à disparaître de la littérature d’imagination, du roman surtout. […] La parole du Christ, qui ordonne de tendre la joue gauche à celui qui nous a frappé sur la joue droite, doit être prise dans toute sa rigueur. […] C’est celle-là dont il importe surtout de répandre le goût et d’entretenir le culte, d’autant plus qu’elle tend à disparaître de nos civilisations amollies. […] Toute notre culture tend à le chasser de nos âmes. […] C’est ainsi qu’on voit d’abord se former deux groupes, qui se confondent quelquefois, mais qui pourtant deviennent distincts : les négatifs et les positifs, si l’on veut bien accepter ces expressions, c’est-à-dire ceux qui tendent à détruire et ceux qui tendent à reconstruire.
Jupiter, dédaignant le bouton près d’éclore, Laisse à ses demi-dieux la jeune et tendre Flore, Et s’enivre aux pieds de Cérès.
Je pensai juste. » Là je m’arrêtai, et je demandai à mon religieux s’il savait combien il y avait d’ici à chez moi. « Soixante lieues, mon père, et s’il y en avait cent, croyez-vous que j’aurais trouvé mon père moins indulgent et moins tendre ?
Mais ce qu’il y a de tendre et de philosophique dans les poètes latins, eux seuls en ont la gloire.
Ceux qui se sont fait de Julie de Rambouillet une idée romanesque, veulent nous persuader qu’après que le duc de Montausier eut demandé sa main, elle le fit languir treize ans, le soumit à toutes les épreuves imposées aux amours fabuleux des romans du temps, exigea qu’il parcourût, dans toute son étendue, le royaume de Tendre, dont mademoiselle de Scudéry n’eut l’idée et ne publia la carte que dix ans plus tard.
Les autres Ouvrages de M. l’Abbé Marsy ne tendent tout au plus qu’à faire sentir les méprises d’un Ecrivain, dès qu’il s’écarte de son vrai genre.
La lecture de ce grand maître, dans l’art d’émouvoir les passions, frappa tellement son imagination tendre & vive, qu’il se promit bien dès-lors de les imiter un jour.
Mais aussi l’épisode d’Euryale est plus pathétique et plus tendre.
Saint Jean a quelque chose de plus doux et de plus tendre.
Elle tend toujours à monter comme à l’aide de ces ailes que lui attachait Platon et que revendique le vieux Corneille1.
L’enfant est une masse informe et fluide qui cherche à se développer ; le vieillard est une autre masse informe et sèche qui rentre en elle-même, et tend à se réduire à rien.
J’étois serein, triste, rêveur, tendre, violent, passionné, enthousiaste.
C’est un très-beau tableau, du moins pour ceux qui savent le regarder. à droite, grande et large masse de rochers, ces rochers sont dans la demi-teinte et couronnés d’herbes, de plantes et d’arbustes sauvages ; ce ne sont pas d’énormes pierres pelées, sèches, raides, hideuses, une mousse tendre, une verdure obscure, jaunâtre et chaude les revêt.
Sans le bas-bleuisme, le fléau du temps qui vient de plus en plus sur nous, nulle femme, pas même les bergères, étendues sur l’herbe tendre, … Ne conterait ses amours À qui les voudrait entendre !
Dans un temps où l’on n’avait pas vu que Mayenne, — le dernier des Guise, de toutes les manières, — mais le grand Guise lui-même, le magnifique Balafré, le charmeur de la France, recevoir vingt-cinq mille écus par mois du roi d’Espagne, non pour les besoins de son parti, — ce qui eût été légitime, — mais pour les besoins de sa maison, de son luxe et de sa personne ; quand les plus grands seigneurs de France tendaient leurs mains gantées d’acier, et les évêques leurs mitres de soie, à l’argent du roi d’Espagne qui y tombait ; quand partout, dans l’abominable politique du temps, il n’y a que gens qui se marchandent, espions tout prêts qui se proposent, assassins qui s’achètent, la Ligue ne fut pas plus innocente que les autres des vices qui dévoraient son siècle, et elle y ajouta le sien, qui était d’être une Démocratie… Philippe II fut ruiné, du reste, avant d’avoir acheté la France, et les victoires d’Henri IV firent le reste.
Et c’est ici que le père Condillac est dépassé de beaucoup par son tendre fils.
Jamais plus infortunée théorie ne tendit, par-dessous un livre, une main plus faible aux sociétés secrètes et aux révolutions.
La vraie gloire de Béranger, dans la postérité, sera quelques romances, d’un sentiment éternel, auxquelles personne ne pense que les âmes tendres qu’elles font rêver et qui, pour cette raison, n’en parlent pas.
Il y a dans cette œuvre quelque chose de tendre et de poignant à la fois ; dans l’air froid de cette chambre, sur ces murs froids, autour de cette froide et funèbre baignoire, une âme voltige.
Dans les églogues, déjà l’assassin est un dieu ; dans les Géorgiques, les astres se rangent humblement pour lui faire place, et lui demandent quelle est celle qu’il voudra bien occuper parmi eux ; et l’Énéide, comme on sait, n’est, d’un bout à l’autre, qu’un monument que la servitude éleva, par la main du génie, à la famille des Césars ; Virgile avait l’âme plus tendre qu’élevée, et plus douce que forte.
Des principes qui tendaient à élever la faiblesse, à rabaisser l’orgueil, à égaler les rangs par les vertus, devaient donner à l’éloquence un mélange de force et de douceur ; enfin, l’étude et la méditation des livres sacrés, répandirent souvent sur ces discours une teinte orientale, inconnue jusqu’alors aux orateurs de l’empire ; d’un autre côté, le mépris d’une vaine gloire, l’absence des passions, l’impression que l’orateur faisait souvent par la seule idée du Dieu dont il était le ministre ; enfin, la persuasion qu’entre les mains de la divinité tous les instruments sont égaux, durent ou retarder, ou affaiblir les progrès de ce genre d’éloquence.
Cet appât de félicité et de délire que nous tend de toutes parts l’œuvre de Jean-Jacques, ils y ont mordu, mais sans convoitise vulgaire, je dirais presque : avec une intention élevée. […] La préoccupation religieuse et moralisante dans laquelle cette secte tend à absorber l’esprit, s’y combinait avec une culture distinguée, mais froide. […] Oui, c’est le même sirocco qui flétrit ces tendres plantes. […] — Auprès d’un cœur tendre et que l’histoire des mauvais anges a touché, une infortune qui sent la malédiction ne rend-elle pas irrésistible un beau front ? […] Mais en outre, l’emphase prestigieuse dont ces maîtres avaient prodigué l’exemple, tendait à susciter et à porter au comble chez leurs disciples la disposition emphatique.
Il passe du plus brutal réalisme psychologique (ses personnages expriment leurs plus affreux sentiments avec la même ingénuité que les personnages du Théâtre-Libre) au lyrisme le plus somptueux et au pathétique le plus tendre. […] Et nous assisterions ensuite au guet-apens tendu à Mélingue par Atrée. […] Le charmant Périllo, qui aime Carmosine d’un amour tendre et héroïque, se trouve ici fort à propos. […] Nous aimons la mélancolie tendre dont elle est envahie peu à peu, en retrouvant ce foyer, qui lui fut dur pourtant, et ces vieux êtres et ces vieilles choses. […] Ce grand comédien n’est plus dans la fleur de la prime jeunesse ; il est puissamment comique, mais il sait traduire aussi les sentiments tendres ou douloureux ; il s’en est toujours piqué et il s’y complaît de plus en plus… Quel âge peut-il bien avoir ?