quel déploiement de toutes les richesses du style ! […] Pour la netteté de la pensée, pour la limpidité brillante du style, je ne connais personne qui puisse être mis au-dessus d’Edmond About. […] Cette douce et touchante histoire pourrait s’insérer manuscrite entre les feuillets d’une bible de famille, tant le style en est pur. […] Le style de cette pièce a le brillant et l’éclat noir de-l’ébène. […] Il ne s’était promis de l’être qu’à la dignité de l’art, à la sincérité du style, à la vérité historique et à la vérité humaine.
Quel dommage que le style soit imparfait ! […] Chez nos jeunes poètes, le naïf ne s’étend pas à tout le style. […] Mais on y voit aussi ce style que Jules Janin a reçu du ciel, l’ingrat ! […] Du Pascal dans mon style ! […] Pour le style de cet écrit, c’est cette technologie qu’affectionne M.
Il y a, en effet, bien souvent dans son style quelque chose de pénible et de martelé. […] Parodi sont respectables et admirables, son « exécution » est bien insuffisante ; et s’il possède incontestablement le don dramatique, il en usa parfois avec une maladresse déconcertante… Il me faut parler de ce qu’il y a de plus fâcheux dans la Reine Juana : du style.
La sienne, sans prétendre au sublime, offre un ton simple, noble, intéressant, affectueux, naturel ; un style pur, correct, élégant, qui pénetre l’ame, sans la contraindre ni l’agiter. […] Celle de Louis XIV est bien propre à faire connoître que l’Orateur avoit de la noblesse & de la fermeté dans le caractere ; que son imagination étoit riche & féconde, son style séduisant & inépuisable ; mais elle humilie en quelque façon son Héros, ce qui n’est pas ordinaire dans ces sortes d’ouvrages, & n’en fut jamais le but.
Chacun des trois volumes des précédentes éditions représentait la manière de l’auteur à trois moments, et pour ainsi dire à trois âges différents ; car, sa méthode consistant à amender son esprit plutôt qu’à retravailler ses livres, et, comme il l’a dit ailleurs, à corriger un ouvrage dans un autre ouvrage, on conçoit que chacun des écrits qu’il publie peut, et c’est là sans doute leur seul mérite, offrir une physionomie particulière à ceux qui ont du goût pour certaines études de langue et de style, et qui aiment à relever, dans les œuvres d’un écrivain, les dates de sa pensée. […] Ç’aurait sans doute été plutôt ici le lieu d’agiter quelques-unes des hautes questions de langue, de style, de versification, et particulièrement de rhythme, qu’un recueil de poésie lyrique française au dix-neuvième siècle peut et doit soulever.
Est-ce le style ? Mais le style n’est plus même possible à un certain degré de contradiction dans les idées.
Il les conduit jusqu’à la sépulture, marque le lieu, écrit l’épitaphe avec le style et l’orthographe du pays. […] Elle peut être un reste du style sentencieux des premiers sages. […] On s’y est trompé de nos jours ; on a fait des statistiques de commissaire-priseur pour ajouter au style le pittoresque. […] Les preuves d’ingratitude vont s’aggravant, et le style s’élève jusqu’à l’éloquence. […] Il a été barbare dans l’attitude, dans l’accent, dans le style, dans la composition, dans l’invention.
Comme un flambeau dans la nuit, dès qu’il entre dans une obscurité, elle devient lumineuse ; Platon est bien loin d’avoir cette netteté de jour dans le style. […] Il manque aux uns la dialectique, aux autres le style du philosophe de Tusculum. […] … Son portrait du sage ou du vertueux n’est pas moins admirable de définition et de style. […] Fénelon n’en approche pas, quoiqu’il en enrichisse son style ; c’est le poème entier de la création, une symphonie d’Haydn en prose latine, un hymne d’Orphée dans la bouche d’un orateur. […] Rousseau a son harmonie et sa sensibilité de style, mais il n’a pas son bon sens.
Le style à la mode est hérissé de pointes, chamarré d’images, bigarré de métaphores. […] Bref, le style gagne alors en vigueur, en simplicité, en rapidité, autant qu’il perd en noblesse, en élégance, en sentiment de la mesure. […] La littérature aura des qualités et des défauts aristocratiques : élégance et mièvrerie, noblesse de style et allure guindée, etc. […] A bas le style noble et la périphrase académique. […] C’est la rentrée dans le style de locutions savoureuses et pittoresques.
En un style baroque, outré, contourné, agité sans cesse de la plus féminine façon, par tous les mille petits sentiments que l’écrivain anglais ne peut s’empêcher de ressentir à propos de n’importe quoi, il raconte les histoires les plus compliquées, les plus follement invraisemblables à la fois et les plus mal construites, telles que le dernier feuilletoniste sait en échafauder de plus plausibles. […] II Le style de Dickens est véhément, copieux et mouvementé. […] Le ton du récit, le coloris du style, les tournures partiales ne laissent jamais de doute sur les dispositions dont le narrateur est animé à l’égard de ce qu’il raconte. […] Que ce soit encore le confortable, la chaleur resserrée de quelque gai petit logis de pauvre, l’originale maison, par exemple, que le pécheur Peggotty s’est faite dans une vieille barque ensablée à deux pas du long grondement de la mer grise, le style de l’écrivain encore se contourne et se complaît avec des airs de souriante satisfaction. […] On sait si Dickens se prive de consacrer de longs passages aux commentaires personnels introduits à propos ou hors de propos dans la trame de son récit, comment son style est trépidant et empanaché, comment, même dans la narration pure, dans le dialogue, la description, il trouve moyen de marquer sans cesse ce qu’il pense de ce qu’il raconte.
« Le caractère de Xavier de Maistre se lit dans son style, dès la première page de son livre. […] Nous ne connaissons dans aucune langue une si charmante débauche d’esprit, de déraison et de style. […] Il lui avait appris à badiner et à sourire ; la littérature anglaise lui doit quelque chose de cette qualité de style qu’on appelle en anglais humour ; cette qualité du style ou de la conversation, qui n’a pas de nom en français, pourrait s’appeler l’étonnement. […] Les grâces indéfinissables de ce style sont ensevelies dans ces pages, mais elles n’y sont pas évaporées. […] À l’exception de Mme de Staël et de M. de Chateaubriand qui, malgré leur génie, avaient bien conservé dans leur style quelques oripeaux, clinquant de la déclamation et de la rhétorique natale, tout était imitation servile de l’antique dans les poètes lauréats de la guerre, de la gloire, de la caserne, de l’académie et du palais.
D’abord sa mère, puis son père, puis ce frère Maurice, dans l’âme duquel elle se transvase, puis les amis de ce frère, dans lesquels elle voit encore et toujours lui, puis enfin, si l’on en croit des signes non équivoques de sa plume, cet admirateur de son frère, ce jeune homme original, d’un autre temps, ce chevaleresque paladin de style qui confond la plume avec l’épée, et qui aime le combat contre son siècle, parce que le siècle est nombreux comme une foule et que lui est seul comme l’antagonisme courageux, M. d’Aurevilly ! […] Tout y est de cette vie et tout y est de la vie future ; deux mondes entiers, le monde naturel et le monde surnaturel s’y déroulent par pages, notes, lettres, effusions secrètes, dans ce style qui n’est pas du talent, mais qui est la nature ! […] XXII Mais d’où vient ce style simple, pur et expressif comme l’émotion elle-même ? […] Quant au style, après ce que nous vous avons si abondamment cité, nous n’avons rien à vous dire. […] Ce n’est pas une forme de l’art, c’est une émanation de la vie qui monte à l’âme et qui l’enivre de charme et de sainteté, d’un charme et d’une sainteté tellement fondus ensemble qu’on ne peut pas discerner ce qui est amour divin de ce qui serait amour terrestre, ce qui serait délire de ce qui est édification, et qu’en fermant un moment le livre pour le rouvrir bientôt après à une autre note, on ne peut en détacher ni son cœur ni son imagination : oui, voilà ce style !
Ainsi Senancour s’est défini dans Obermann (1804), qui est déjà le roman parfait selon le type romantique : il n’y manque que le style, qui est celui des idéologues dont Senancour est le contemporain et le disciple. […] Mais hors de la nécessité du dialogue, elle n’est mondaine que par l’exquise distinction de son style naturel. […] D’abord le style manque : de ce côté-là, Balzac n’est pas du tout artiste ; dès qu’il se pique d’écrire, il est détestable et ridicule ; il étale une phraséologie pompeuse, ornée de métaphores boursouflées ou banales. […] Son impuissance éclate cruellement partout où la perfection du style est nécessaire à la valeur de l’idée. […] Le style de Mérimée, propre, précis, objectif, plus fin et moins abstrait que celui de Stendhal, concourt à l’illusion.
A l’Académie française, d’Alembert, géomètre et mathématicien, lit des Éloges de littérateurs ; Buffon y prononce son fameux discours sur le style. […] Dans les moments où l’esprit littéraire prédomine et prend plus que sa part, l’exactitude est victime de la rhétorique et des effets de style. […] A la science revient de plus en plus la constatation des faits particuliers et généraux, la recherche des effets et des causes, la critique des textes, des dates, des documents ; à la littérature le souci de l’arrangement, des proportions, du style. […] Scientifique, il l’a été encore et enfin par sa volonté de tout dire, par son intrépide emploi soit des vocabulaires techniques soit des nudités et des crudités de style, par la précision et l’ampleur de ses descriptions, par l’effacement de toute distinction entre la langue qui se parle et celle qui s’écrit, par le soin scrupuleux de laisser à chacun sa façon propre de s’exprimer. […] Le style est coloré, pittoresque ; il parle aux yeux ; il sait décrire la nature, exprimer avec vigueur les sensations.
Ce fut pourtant, si l’on parle un instant avec lui la langue vaguement complaisante de Louis XIV, ce fut, à tout prendre, un heureux et facile génie, d’un savoir étendu et lucide, d’une vaste mémoire, inépuisable en œuvres, également propre aux histoires sérieuses et aux amusantes, renommé pour les grâces du style et la vivacité des peintures, et dont les productions, à peine écloses, faisaient, disait-on alors, les délices des cœurs sensibles et des belles imaginations. […] De composition et d’art dans le cours de son premier ouvrage, non plus que dans les suivants, il n’y en a pas l’ombre ; le marquis raconte ce qui lui est arrivé, à lui, et ce que d’autres lui ont raconté d’eux-mêmes ; tout cela se mêle et se continue à l’aventure ; nulle proportion de plans ; une lumière volontiers égale ; un style délicieux, rapide, distribué au hasard, quoique avec un instinct de goût inaperçu ; enjambant les routes, les intervalles, les préambules, tout ce que nous décririons aujourd’hui ; voyageant par les paysages en carrosse bien roulant et les glaces levées ; sautant, si l’on est à bord d’un vaisseau, sur une infinité de cordages et d’instruments de mer, sans désirer ni savoir en nommer un seul, et, dans son ignorance extraordinaire, s’épanouissant mille fois sur quelques scènes de cœur, renouvelées à profusion, et dont les plus touchantes ne sont pas même encadrées. […] … Au reste, le caractère de Tiberge, ami du chevalier, est admirable… Je ne dis rien du style de cet ouvrage ; il n’y a ni jargon, ni affectation, ni réflexions sophistiques ; c’est la nature même qui écrit. […] Ce n’est point un style laconiquement constipé, mais un style coulant, plein et expressif. […] Que ce soit une compilation, un roman, une traduction de Richardson, de Hume ou de Cicéron qu’il entreprenne ; que ce soit une Histoire de Guillaume-le-Conquérant ou une Histoire des Voyages, c’est le même style agréable, mais fluidement monotone, qui court toujours et trop vite pour se teindre de la variété des sujets.
C’est l’ouvrier des mots, l’homme de style qui commande chez lui à l’homme de pensée et de sentiment. […] Emile Faguet, aient décrit et loué les procédés du style et de la versification de Victor Hugo : ne pouvant faire aussi bien qu’eux, je vous renvoie avec joie à leurs études7. […] Devant ces effrénées cavalcades de mots, tout pâlit, tout languit ; les plus prestigieux ouvriers en style, les plus illustres que vous pourriez nommer, s’évanouissent et ils le savent bien. […] C’est d’une prouesse de style et d’un pittoresque qui font passer en moi de petits frissons de plaisir. […] Ce qu’il y a de sûr, c’est que Hugo ne pouvait être l’incomparable ouvrier de style qu’il a été, sans être par là même un fort grand poète.
Ces jugements exprimés en dix endroits, et qui ressemblent à des contrevérités sur tous les points, sont aujourd’hui un peu compromettants pour celui qui les a portés : dans la poésie élevée, ou sérieuse avec âme, Voltaire n’a pas eu le vrai style, et il est à craindre qu’il n’ait pas même toujours eu le vrai goût. […] Rien n’est si beau, à mon avis, que cette peinture de la vieillesse ; j’aurais voulu que les expressions du quatrième vers eussent été plus simples, mais le mot être est du style à la mode. […] Son tort, à lui, est plutôt dans son style, dans sa manière de dire ; il est trop imbu des fadeurs sentimentales du siècle ; il a trop de Greuze en lui et sous sa plume, sans la couleur, mais avec le luxe de vertu et de sentimentalité qui s’épanche ; et surtout quand il mêle des vers à sa prose, cela se gâte aussitôt. […] William Cowper est loin d’être parfait sans doute, et il a, lui aussi, ses excès, ses défauts ; il a ses parties pénibles et austères à côté de ses peintures les plus neuves et les plus riantes ; il semble déchiffrer parfois, en contemplant la nature, ce que d’autres après lui y liront avec plus d’ampleur et de facilité : mais ce qu’il possède incontestablement, sans parler de son style réel et hardi dans sa simplicité, c’est le fond même de la poésie qui lui est propre ; il en occupe toutes les sources pures émanées d’Éden, et il pratique tous les sentiers qui peuvent y ramener. […] L’esprit qui réclame un divertissement nécessaire devrait se tourner vers les écrivains d’une plus solide qualité, dont les traits bien ménagés et le style classique donnent à la vérité un lustre et font sourire la sagesse.
Dans Ingres, c’est l’idéal et le style, c’est la beauté absolue et en quelque sorte abstraite ; — chez Delacroix, c’est la couleur non moins absolue, le mouvement et la passion, qu’il s’attache à démontrer en chaque toile par une reproduction des plus fidèles. […] Il aurait pu le critiquer, il ne le fait pas ; mais, en décrivant comme amoureusement ses tableaux, il énerve à dessein son expression, il la subtilise et l’effrange pour ainsi dire, il la rend plus diaphane ou plus miroitante que de raison ; il donne à son propre style quelques-uns de ces agréables défauts du peintre, s’inquiétant peu, pourvu qu’il les exprime, qu’on l’accuse ensuite de les partager : « M. […] Car vous noterez encore que ce qui paraît un tour de force n’en est pas un pour lui : on croirait que ce style savant et dont chaque mot a sa valeur de ton est des plus travaillés, il est improvisé et facile ; il coule de source. […] Et je n’ai pas parlé des ballets-pantomimes de Théophile Gautier, à commencer par Giselle : singulier début au théâtre pour un homme de style qu’un genre muet, une composition où l’on danse et où l’on ne dit mot. […] Cela lui imposait tout un langage et un style continu, une sorte de gamme et d’échelle harmonique où, la clé une fois donnée, rien ne fît fausse note et ne détonnât.
Jasmin a du feu, de l’entraînement sans doute ; il a besoin de la passion actuelle pour arriver au bien : mais il travaille, il travaille opiniâtrement, dit-on ; il lime ses vers, il rejette, il choisit, il a un art de style enfin. Nous sommes trop incompétent au sujet de cette langue, que nous n’avons saisie qu’à l’aide d’amis obligeants, pour avoir un avis sur ce que peut être le bon style en patois ; mais il paraît bien que Jasmin a ce bon style. […] Jasmin, par la façon dont il travaille ses vers, par son soin de la composition et ses scrupules de style, est véritablement de l’école de Boileau et d’Horace, beaucoup plus que tel de nos grands poëtes contemporains qui écrivent en français. […] Nous concevons que Goudouli, au commencement du XVIIe siècle, ait été plus nourri dans son style des purs idiotismes provençaux, et que la saveur de ses vers garde mieux le goût de la vraie langue.
Son style, à lui, est triste et ne rit jamais. […] Son style, aux beaux endroits, a des reflets de cuivre et comme d’acier, mais des reflets sous un ciel gris, jamais au soleil. On a dit du bon Joinville, le naïf chroniqueur, que son style sent encore son enfance, et que « les choses du monde sont nées pour lui seulement du jour où il les voit ». […] Guizot, c’est plutôt l’orateur qui a contribué à perfectionner l’écrivain, et quelqu’un a pu dire que c’est sur le marbre de la tribune qu’il a achevé de polir son style. […] Le style de M.
Dans l’habitude et la continuité de son style, Montaigne est l’écrivain le plus riche en comparaisons vives, hardies, le plus naturellement fertile en métaphores, lesquelles, chez lui, ne se séparent jamais de la pensée, mais la prennent par le milieu, par le dedans, la joignent et l’étreignent. […] Ce style bref, mâle, qui frappe à tout coup, qui enfonce et qui redouble le sens par le trait, ce style duquel on peut dire qu’il est une épigramme continuelle, ou une métaphore toujours renaissante, n’a été employé chez nous avec succès qu’une seule fois, et c’est sous la plume de Montaigne. […] Ce style à la Montaigne, si conséquent et si varié dans la suite et l’assortiment des images, exige qu’on crée à la fois une partie du tissu même, pour les porter. […] Ce style à la Montaigne serait, à bien des égards, en guerre ouverte avec celui de Voltaire.
Des lettres ainsi refaites et retouchées laissent toujours à désirer quelque chose, je le sais bien ; elles n’ont pas la même autorité biographique que des lettres toutes naïves, écrites au courant de la plume, oubliées au fond d’un tiroir et retrouvées au moment où l’on y pense le moins : mais Courier, homme de style et de forme, n’a guère dû faire de changements à ses épîtres que pour les perfectionner par le tour ; ses retouches et ses repentirs, comme disent les peintres, n’ont pas dû porter sur les opinions et les sentiments qu’il y exprime, et le travail qu’il y met, le léger poli qu’il y ajoute n’est qu’un cachet de plus. […] Son mérite est tout dans le style ; il se moque des faits, et n’en prend que ce qui lui plaît, n’ayant souci que de paraître habile écrivain. […] En traduisant dès lors le fragment inédit, en l’assortissant et en le joignant à la version d’Amyot qu’il publia après l’avoir corrigée en beaucoup de points (Florence, 1810), Courier entrait comme par occasion dans cet essai de style un peu vieilli, à la gauloise, qu’il s’appropriera désormais, qu’il appliquera à d’autres traductions et même à des sujets tout modernes, et qu’il fera plus tard servir à son personnage politique de paysan tourangeau. […] Et là encore se vérifie le précepte favori de Courier : « Peu de matière et beaucoup d’art. » À ces jolies bagatelles, travaillées comme une ode d’Horace, Courier donne un poli de style qui rappelle l’éclat du marbre de Paros. […] [NdA] Il n’oublie pas moins l’excellent style épistolaire de Mme Du Deffand, de celle que M.
S’il détruisait la théorie de Condillac, il gardait son style ; il lui emprunta sa clarté, pour lui prendre ses lecteurs. […] Chaque fait révèle celui qui a précédé, prophétise celui qui va suivre… Ce qui est arrivé, arrivera dans les mêmes circonstances : le passé peut être affirmé de l’avenir ; aussi longtemps que la nature sera vivifiée par les mêmes forces, elle sera régie par les mêmes lois qui reproduiront les mêmes connexions… Ainsi l’avenir entre dans la pensée de l’homme, et avec lui, toute prévoyance, toute prudence, toute philosophie. » Le lecteur a déjà distingué le ton dominant de ce style. […] Le style de M. […] Royer-Collard, que se réduisent quelques-unes des découvertes les plus vantées de la philosophie moderne. » Ailleurs, parlant des sceptiques, il raille amèrement et d’un geste la philosophie qui, par ses paradoxes, « soulage le vulgaire d’une partie du respect qu’elle exige de lui. » Au reste, ce style commandant ne fit point de lui un pédant gourmé. […] Telle est sa dernière force ; comptons-les toutes : le style simple et lucide qui met la science à la portée des ignorants ; la précision du langage qui imprime des convictions nettes ; la vigueur du raisonnement qui asseoit des convictions fortes ; les métaphores grandioses qui éclairent et dominent l’imagination ; la volonté impérieuse qui asservit les esprits indécis ; la verve féconde qui séduit les esprits grondeurs.
M. de Sacy, en tout ce qu’il a écrit, est surtout remarquable par les qualités saines, pensée saine, style sain et judicieux. […] Aussi en parle-t-il sans cesse avec effusion, plénitude, avec une chaleur et une bonhomie d’admiration qui a sa grâce : il a l’honnêteté écrite dans le style. […] Vécût-il cent années encore, il est dans l’impossibilité, dans l’impuissance de se teindre à aucun degré du style moderne, de s’initier aux procédés, aux motifs d’inspiration modernes, d’en connaître à fond, ou même de s’en informer. […] Je sens qu’elles me flétrissent l’âme et me rabaissent le cœur… » Et il développe sa thèse avec une grande vigueur de conviction, un profond accent de conscience, dans un style animé et tempéré qui est déjà celui d’un jeune et doux vieillard (pardon du mot !
Par cette dernière considération, Taine arrive à faire enfin une place dans sa critique au jugement du « style », de la « forme », de la « technique ». […] Sous son style de grand artiste, sous ce style nerveux, coloré, intense, Taine ne fait circuler que des abstractions. […] Nous touchons ici à un dernier caractère par où l’œuvre de Taine entre en étroite relation avec le mouvement de la pensée contemporaine : ce grand esprit, qui, par sa théorie des signes, n’estime avoir prise que sur un monde abstrait et irréel, équivalent intelligible des réalités insaisissables, ce grand esprit a voulu se faire un style sensible et coloré.
Pour parler dignement de l’outil qui sert si bien cette passion du Beau, je veux dire de son style, il ne faudrait jouir de ressources pareilles, de cette connaissance de la langue qui n’est jamais en défaut, de ce magnifique dictionnaire dont les feuillets, remués par un souffle divin, s’ouvrent toujours juste pour laisser jaillir le mot propre, le mot unique, enfin de ce sentiment de l’ordre qui met chaque trait et chaque touche à sa place naturelle et n’omet aucune nuance. Si l’on réfléchit qu’à cette merveilleuse faculté Gautier unit une immense intelligence innée de la correspondance et du symbolisme universel, ce répertoire de toute métaphore, on comprendra qu’il puisse sans cesse, sans fatigue comme sans faute, définir l’attitude mystérieuse que les objets de la création tiennent devant le regard de l’homme… Il y a, dans le style de Théophile Gautier, une justesse qui ravit, qui étonne, et qui fait songer à ces miracles produits dans le jeu par une profonde science mathématique… Nos voisins disent : Shakespeare et Goethe ! […] Le mètre, La rime et le style y sont sans défauts. […] Il y a très longtemps qu’elles n’existent plus… C’était un homme admirablement doué pour le style et à qui il n’a manqué que le fond… Les hommes qui aiment les idées ont, à son endroit, une espèce d’horreur.
Élève de Jean-Jacques pour l’impulsion première et le style, comme madame de Staël et M. de Chateaubriand, mais, comme eux, élève original et transformé, quoique demeuré plus fidèle, l’auteur des Rêveries, alors qu’il composait Oberman, ignorait que des collatéraux si brillants, et si marqués par la gloire, lui fussent déjà suscités ; il n’avait lu ni l’Influence des Passions sur le Bonheur, ni René ; il suivait sa ligne intérieure ; il s’absorbait dans ses pensées d’amertume, de désappointement aride, de destinée manquée et brisée, de petitesse et de stupeur en présence de la nature infinie. […] (Voir le Semeur du 10 juillet 1834.) — Un ami qui voyageait aux bords du Léman m’écrivait en un style figuré, mais plein de sentiment : « N’est-ce pas que c’est d’Oberman que l’on rêve le plus le long du lac tout bleu et les yeux tournés vers le Môle ?Cet homme eut l’oppression des montagnes sur le cœur ; il en eut la noble infirmité et le chaos dans les hasards de ses délirants systèmes ; il en eut les contours et la virginité dans le galbe sans soleil de son style blanc et terne. » Mais c’est en entrant dans le Valais seulement que l’on comprend bien certaines descriptions désolées d’Oberman et ces contrées d’un amer abandon : le pays et le livre s’expliquent l’un par l’autre, et je me suis dit tout d’abord à cette vue : Et l’ombre des hauts monts l’a durement frappé !
Il écrit d’un style heurté, fougueux, tout plein de contrastes, de disparates, de brusqueries, d’audaces, de négligences. « Je ne suis point un sujet académique, dit-il de lui-même ; je suis toujours emporté par la matière. » C’est en effet sa passion qui se dégage, sa sensation qui se réveille. […] Sa crainte, c’est toujours de dire moins qu’il ne sent : il surcharge, il emmêle d’immenses périodes confuses, touffues, d’où sortent des éclairs et des flammes : son style, enfin, rend le fourmillement de la vie, son mouvement immense et multiple, avec l’étrange agrandissement, l’éclairage violent d’une vision d’halluciné. […] Ce grand seigneur bouscule règles, goût, bienséances, pour mettre son tempérament tout à fait à l’aise dans son style ; entre Voltaire et Montesquieu, il écrit comme il ne sera permis d’écrire qu’au temps de Hugo et de Michelet.
Sa forme est d’un qui a beaucoup lu, presque trop lu, qui est las des styles et des écritures rares et qui ne se permet que le mode uni le plus simple, le plus difficile. […] Il semble qu’en son style les mots du Petit Larousse prennent une valeur pantominale d’évocation. […] France, malgré les chatteries de son style, est de cerveau plus solide.
Ce que je comprends, il me semble que moins le style, moins un certain tour de main, que je n’ai pas, je le ferais. […] Toutes les règles subtiles d’un style ont là leur origine : en même temps elles éloignent, elles créent la distance, elles défendent l’entrée ; en même temps elles ouvrent les oreilles de ceux qui nous sont parents par l’oreille. » A la vérité, ce travail de Protée des auteurs difficiles, ce noli me tangere, noli me intelligere, est assez vain, puisqu’ils seront compris, adoptés, du moins « touchés » par ceux précisément, en majorité, par qui ils redoutent d’être entendus et dont ils craignent le contact, c’est-à-dire par les sots ; et ce sont ceux qui comprennent peu qui courent tout droit aux choses les plus difficiles à comprendre. […] Pourtant [et c’est pourquoi] se trouve un style nubileux et douteux en si fréquent et ancien usage.