Jamais une idée ingrate ou maussade, de ces idées qui peuvent faire soupçonner immédiatement d’insensibilité et d’égoïsme celui qui les exprime, ou rappeler que la réalité n’est pas du tout simple ou que l’homme, même du peuple, n’est pas toujours un très aimable animal. […] oui, cela est simple.
Sainte-Beuve Elle et lui, Lamartine et Madame Valmore ont de grands rapports d’instincts et de génie naturel : ce n’est point par simple rencontre, par pure et vague bienveillance, que l’illustre élégiaque a fait les premiers pas au-devant de la pauvre plaintive ; toute proportion gardée de force et de sexe, ils sont l’un et l’autre de la même famille de poètes. […] C’est un simple jardin anglais, romantique et romanesque.
Je l’emprunte à la pièce intitulée Un fils, une des plus simples et des plus unies. […] Leur histoire est extraordinaire et simple. […] L’exposition est claire, simple, animée. […] C’est la femme réduite à sa plus simple et plus grossière expression. […] L’âme d’une pareille masse, ce sont des instincts fort simples.
Or rien n’est simple, excepté le superficiel. Se condamner à n’admettre que le très simple, c’est se condamner à ne rien approfondir. […] Or cela est le rationalisme pur et simple. […] Voltaire est plus simple. […] La raison en est simple.
c’est une enfant toute simple, sans éducation, elle n’est pas du tout votre affaire. […] Elle est bien simple, cette lettre, sans prétention, sans affectation d’aucune sorte. […] J’ai beaucoup vécu avec les simples et les ignorants. […] » Et lui : « Ça ne fait rien, jure toujours. — Alors c’est une simple formalité ? […] Et enfin, c’est peut-être beaucoup plus simple que tout ce que je viens de dire.
Huysmans, qui eut un beau talent un peu lourd et simple avant de se jeter dans le bain trouble de Sainte-Lydwine, venait de Gautier, de Baudelaire, et aussi des Précieuses, et aussi de Zola. […] En somme, la marque de cette poésie serait d’être purement intuitive et personnelle, en opposition aux formes traditionnelles, qui sont simples car déjà vues, claires parce qu’explicatives. […] C’est bien simple pourtant, du Mallarmé ; je ne parlerai pas du Placet, si or ne comprend pas, on ne comprendrait pas M. […] Borluut et Godelieve peuvent être la vraie vertu ; comme ils parlent une simple langue d’extase, ils ne pourront passer inaperçus dans une Babel du chiffre. […] C’est peut-être faute de recul, et par difficulté d’établir sur des contemporains un de ces classements simples où excella l’ancienne critique.
Prenons un exemple fort simple. […] Quoi de plus simple que les pieds palmés des Oies et des Canards aient été formés pour la natation ? […] Parmi les vertébrés vivants, nous ne trouvons que fort peu de différence dans la structure de l’œil, bien que pourtant le poisson Amphioxus ait un œil extrêmement simple et sans cristallin. […] Dans l’embranchement des articulés, au contraire, nous pouvons partir d’un simple nerf optique revêtu seulement d’une couche de pigment qui forme quelquefois une sorte de pupille, mais qui est toujours dépourvue de lentilles ou de tout autre mécanisme optique. […] Les moyens dont la nature dispose sont immensément variés, et ses voies sont multiples et diverses, bien que ses lois soient simples et uniformes.
Dans les manières de la sentir, et surtout d’oser la rendre depuis le xvie siècle en France, on compterait différents temps et comme divers degrés d’initiation avant d’arriver à son expression toute nue et toute simple, à laquelle on n’est pas encore venu. […] Fénelon eût osé davantage, au moins dans les portions de naïveté et de grâce simple : La Fontaine cheminait, mais d’instinct seulement, dans le même sens. […] Quant au Fontenelle, c’est-à-dire à ce tour d’esprit volontiers moqueur d’un certain goût simple, il était aisément partout dans les salons, dès qu’il s’agissait de poésie, et on en découvrirait plus d’une dose jusque dans Voltaire. […] L’idéal, en cette période de Sophocle, peut sensiblement revêtir et comme modeler les groupes tragiques, mais c’est un idéal encore qui n’altère en rien le naturel simple et vif, et qui respecte la douleur humaine prête à se faire jour par des cris au besoin et par tout ce qu’il y a de plus vrai dans le langage. […] En soumettant ces idées à ceux qui en sont juges, en ne les jetant ici que comme de simples aperçus, et parce qu’il y a disette, en ce moment, de ce genre d’études au sein de la presse périodique et, comme on disait autrefois, de la littérature vulgaire, notre dessein est surtout de stimuler de jeunes et doctes esprits tels qu’il en est encore beaucoup, de les inviter à tenter une voie qui est demeurée antique et neuve, et à ne pas tant négliger les points par où une science ingénieuse se saurait greffer sur la littérature nationale : à ce prix seul est la circulation et la vie120.
Premièrement, je suppose que les poètes dits décadents ne sont point de simples mystificateurs. […] Simple Tourangeau, fils d’une race sensée, modérée et railleuse, avec le pli de vingt années d’habitudes classiques et un incurable besoin de clarté dans le discours, je suis trop mal préparé pour entendre leur évangile. […] Si vous ôtez l’explication, vous ne pourrez plus exprimer que des idées ou des sentiments très généraux et très simples : naissance ou déclin d’amour, joie, mélancolie, abandon, désespoir… Et ainsi (c’est où je voulais en venir) le symbolisme devient extrêmement commode pour les poètes qui n’ont pas beaucoup d’idées. […] C’est qu’il n’y a rien à comprendre — sinon que le diable est toujours méchant quoi qu’il fasse, et qu’il ne faut pas l’écouter, et qu’il ne faut pas l’aimer, encore que cela soit bien tentant… Si les récits sont vagues, que dirons-nous des simples notations d’impressions ? […] la nuance seule fiance Le rêve au rêve, et la flûte au cor… D’autre part, il est tout simple : Je suis venu, calme orphelin, Riche de mes seuls yeux tranquilles, Vers les hommes des grandes villes : Ils ne m’ont pas trouvé malin.
Ce pessimisme est absolu, assez simple en somme, original seulement par son intensité. […] Car le réalisme est tranquille, simple et court ; il n’ajoute pas à la laideur des choses ; il n’en souffre pas ; il ne saurait jamais en être excédé. […] Car, lorsque l’on croit à Dieu assez pour le maudire, c’est bien simple : autant l’adorer. […] Il y a chez lui trop de choses : des nerfs, de l’ironie, du pessimisme même et de la férocité, mais aussi de la gaîté, du comique, de la tendresse, le goût de pleurer… Pour les bonnes gens, voyez-vous, (et pour les autres aussi), Daudet possède un don qui domine tout : le « charme » ; et c’est à ce mot simple et mystérieux qu’il faut toujours en venir quand on parle de lui. […] Il a su entrer si aisément dans cette âme limpide et, d’autre part, il a si harmonieusement enveloppé le drame surnaturel du décor naturel qui lui convenait, que le miracle paraît presque tout simple et charme plus qu’il n’étonne.
Nous trouverions de plus, dans cette simple considération, une forte présomption pour croire que, par le langage, l’homme a le plus souvent voulu s’adresser à deux sens, celui de l’ouïe et celui de la vue. […] Nous employons cet appareil tout entier sans aucun effort ; c’est le jeu le plus simple et le plus naturel de cet admirable mécanisme. […] Je suis loin d’avoir ce qu’il faudrait de science pour me livrer à un tel travail ; mais la simple exposition du système auquel ces idées ramènent suffira, je crois : nous ne tarderons pas d’y arriver. […] Il faut d’abord supposer que les hommes ont subsisté, pendant un assez long espace de temps, privés du bienfait d’un langage organisé : ce furent de simples interjections, des cris, des onomatopées ; les signes des mains, l’expression de la figure, aidaient à l’intelligence de ces émissions de la voix. […] La voici : « Les langues du nord de l’Europe n’avaient à l’origine que deux temps simples, le présent et le passé, et elles manquaient de futur ; tandis que les langues de l’Asie occidentale, qui paraissent originaires de l’Afrique, manquaient de présent, n’ayant également que deux temps simples, le passé et le futur. » M. de Bonald, frappé de cette anomalie qu’il a crue particulière à la langue hébraïque, langue qu’il regarde comme fidèle expression de l’homme, M. de Bonald a dit fort bien : « Le temps, pour l’homme civilisé, toujours agité de regrets et de désirs, le temps n’est jamais qu’au passé et au futur. » Mais M.
Peut-être un simple voluptueux pourrait-il enfin se plaire à Tolède. […] Il se qualifiait volontiers de simple et d’ignorant. […] Hérelle, simple florilège de pièces antérieures à 1893. […] Hauviette lui parle de vie simple et d’acceptation, Madame Gervaise essaie aussi de la calmer. […] Ces deux ou trois cents dernières pages font figure de simple épilogue.
L’école romantique a fait du patriotisme une simple question de rhétorique. […] Il faut voir là une simple bravade jetée à l’école romantique. […] C’est simple et épouvantable. […] Rien de plus simple que ce livre. […] Il est impossible de charpenter un drame plus simple.
En matière de finances, de même que plus tard en artillerie et dans l’art des sièges, ne demandez pas à Rosny des inventions qui changent la science et la fassent avancer : il n’a pas de ces grandes vues générales, et souvent simples dans leur principe ; mais des inventions et des industries de détail, il en est plein ; il a toutes sortes d’expédients pour tirer parti des circonstances et pour rétablir les choses sur le meilleur pied et le plus solide. […] Écrivant à ce dernier, l’exhortant à ne pas chercher à susciter derechef un État dans l’État et une Ligue sous forme nouvelle, il disait (1597) : « Recevez, je vous prie, de bonne part les conseils que je vous donne, puisque j’en suis par vous requis et par une bonne conscience, loyale à sa patrie. » Il confondait alors tous les intérêts de la patrie dans l’autorité pure et simple, dans le droit divin et humain de Henri IV, et il ne paraît jamais s’être beaucoup soucié des tempéraments ou restrictions qu’y pouvaient apporter les corps, parlements, assemblées de notables. […] À une demande que lui fait un jour le duc de Florence, et qui semblait toute simple aux Gondi et à d’autres gens de qualité mêlés dans les affaires, il répond : « À ce que je vois, M. le duc de Florence me prend pour un banquier ou un mercadant ; or, veux-je bien qu’il sache qu’il n’y en eut jamais en ma race, et partant que je n’en ferai rien. » Sully régit la fortune de l’État comme on ferait une grande fortune territoriale, en supposant toujours le cas de guerre possible, en s’aguerrissant pendant la paix et en ayant des fonds en réserve pour l’accident. […] Adieu, mon ami que j’aime bien ; continuez à me bien servir, mais non pas à faire le fol et le simple soldat.
Ceux qui ont ce trait, ce neuf, ce piquant, peuvent encore ne pas être parfaitement aimables ; mais, si l’on unit à cela de l’imagination, de jolis détails, peut-être même des disparates heureux, des choses imprévues qui partent comme un éclair, de la finesse, de l’élégance, de la justesse, un joli genre d’instruction, de la raison qui ne soit pas fatigante, jamais rien de vulgaire, un maintien simple ou distingué, un choix heureux d’expressions, de la gaieté, de l’à-propos, de la grâce, de la négligence, une manière à soi en écrivant ou en parlant, dites alors qu’on a réellement, décidément de l’esprit, et que l’on est aimable. […] Il traite des bâtiments dans leurs rapports avec la campagne : autre doit être une résidence et un palais, autre un château, autre une maison de plaisance, une maison de campagne, une maison de chasse, une maison des champs, une maison des vignes, etc. ; mais quels que soient les bâtiments, « j’exclus, dit-il, tous ceux qui ont une façade bourgeoise, sans mouvement dans le toit ou la bâtisse, sans milieu, sans saillant sur les ailes, ou en plâtre avec un air vulgaire ; et je recommande encore le beau ou le simple, le magnifique ou le joli, et toujours le propre, le piquant et le distingué. » Pourquoi dit-on jardins anglais, plutôt que jardins chinois, plutôt que jardins naturels ? […] Si vous n’êtes pas riche vous aurez tout ce qu’il vous faut, avec une maison à un étage, simple, propre, un toit caché, un enduit de couleur, quelques bas-reliefs en plâtre, ou un encadrement rustique, un ruisseau large et rapide, s’échappant d’un vrai rocher, un pont tremblant comme celui d’Aline, quelques bancs, peut-être une table de pierre ; une cabane de berger, salon ambulant, monté sur quatre roues ; quelques pins, fiers sans orgueil, quelques peupliers d’Italie, élevés, sans faste, lestes et obligeants ; un saule pleureur, un arbre de Judée, un acacia, un platane, trois plates-bandes de fleurs jetées au hasard, des marguerites sur une partie de votre pelouse, un petit champ de coquelicots et de bluets… Je supprime ici le chapitre des allégories, inscriptions, hiéroglyphes, dont il ne veut pas qu’on abuse, mais que toutefois il accorde, tribut payé au goût du temps : Avec tout cela, dit-il, et un haha 36 environnant et ignoré, qui fait jouir des coteaux, des plaines, des bois, des prairies, des villages et des vieux châteaux des environs, je surpasserais et Kent et Le Nôtre, et, avec vingt mille francs pour tout l’ouvrage et deux cents francs d’entretien, je détournerais de dix lieues tous les voyageurs. […] [NdA] Haha, simple fossé de clôture, sans mur ni haie.
D’Aguesseau a très bien loué en Bourdaloue « la beauté des plans généraux, l’ordre et la distribution qui règnent dans chaque partie du discours, la clarté et, si l’on peut parler ainsi, la popularité de l’expression 66, simple sans bassesse et noble sans affectation ». […] Ici l’usage qu’il fait du texte est simple, et l’avertissement sort de lui-même. […] Dans une trame de style unie et simple, quelque chose désormais nous manque. […] Cet homme simple, modeste autant qu’éloquent, entre les mains duquel les plus grands personnages remettaient leur conscience et qu’on voulait pour confesseur habituel après qu’il vous avait converti, Bourdaloue eut l’influence la plus directe sur les dernières années du Grand Condé, et à sa mort, six semaines après Bossuet, il eut à prononcer son oraison funèbre.
La vie de ces deux êtres si finement doués fut bien simple et tout intérieure. […] Âme innocente, élevée, pure, non pas inexpérimentée, mais droite et simple, elle y cause avec elle-même, avec ses plus hautes et ses plus secrètes pensées, avec Dieu, priant, pleurant, se chantant parfois des vers, se disant « La solitude fait écrire parce qu’elle fait penser. […] Et je prends ma quenouille, ou un livre, ou une casserole, ou je caresse Wolf ou Trilby. » Voilà le vrai ; elle est ménagère, elle sait être pratique, et elle nous dira son vœu le plus humble, son rêve d’Horace, de Jean-Jacques ou de La Fontaine : « Mon ami (c’est toujours à son frère qu’elle parle), quand je ne pense pas le faire plaisir ou t’être utile, je ne dis rien ; je prends ma quenouille, et au lieu de la femme du xviie siècle, je suis la simple fille des champs, et cela me fait plaisir, me distrait, me détend l’âme. Il y a en moi un côté qui touche aux classes les plus simples et s’y plaît infiniment.
Il était de ceux qui, dans l’art, s’enrôlent simples soldats, sans avoir passé par aucune école militaire : Rose et Fabert ont ainsi commencé. […] La question, n’en déplaise aux Delécluze de tous les temps, se présentait alors de la manière la plus simple et la plus pratique. […] « Les batailles, qui sont les tableaux où il a déployé le plus d’élévation de talent, prouvent surtout que, sans viser à l’idéal, en se tenant à la simple réalité, on peut être noble et vrai tout à la fois. […] Dans une scène populaire, dans une simple caricature, M.
Votre pudeur, c’est vous. » Le malheur est que Marie n’est pas simple, elle n’est pas toujours la même ; elle a trop lu, trop subtilisé Elle a trop pensé : le trop d’esprit amène bien des sottises dans l’amour. […] Michel la rassure tout en la raillant : « Que vous me comprenez peu si vous ne voyez pas que j’aurai toujours pour la faiblesse le respect que je pourrais refuser à l’orgueil, si vous croyez descendre à mes yeux en devenant femme, simple et bonne : vous vous élevez au contraire ! […] Il faut au moins s’entrevoir… « Vous allez voyager, il est tout simple de vous dire que vous penserez quelquefois à moi ; pensez-y surtout quand le soir viendra et que la voiture montera lentement une côte ; imaginez que je suis auprès de vous et que nous ne sommes pas seuls, mais que j’ai pris votre main sous votre mantelet. […] Ceux qui s’intitulent philosophes et qui ne sont que des professeurs ou des raisonneurs de philosophie, ne se doutent pas du degré de philosophie véritable auquel atteignent naturellement et de prime saut quelques-unes de ces natures qu’on appelle artistes. — Mais Michel, après avoir fait voir et dire à l’oiseau babillard tant de choses merveilleuses et à étonner les simples, se rabattait l’instant d’après à donner à Marie d’aimables et riants conseils, bien capables de l’apprivoiser : « La vie, telle qu’elle est, est pleine de choses heureuses, Marie ; les plaisirs de la pensée sont infinis.
Les amis politiques (c’est tout simple) disent du bien d’elle, et ils jetteraient au besoin un voile sur les défauts ; mais les hommes d’un autre parti, les adversaires ou ceux qui ne la voyaient pas sans prévention, s’ils sont d’honnêtes gens, parlent aussi en sa faveur et à son avantage ; ils sont tous d’accord sur le charme et la grâce : nous n’avons qu’à les écouter. […] Je ne lui trouvai point l’élégance aisée d’une Parisienne qu’elle s’attribue dans ses Mémoires ; je ne veux point dire qu’elle eût de la gaucherie, parce que ce qui est simple et naturel ne saurait manquer de grâce. […] En même temps qu’il la voit disciple de Rousseau et modelant en partie ses Mémoires sur les Confessions, il cherche à l’en distinguer par un caractère fondamental : il ne découvre dans ses écrits, dit-il, « ni la tragique sollicitude de Rousseau pour les âmes simples et ignorantes, ni la douloureuse anxiété avec laquelle celui-ci remue et sonde les bas-fonds de la société, ni sa haine contre l’inégalité, même quand ce n’est pas sur le talent qu’elle pèse, ni les cris vengeurs que lui arrache la vue du paysan opprimé par un publicain barbare ou celle de l’homme du peuple étouffant dans les étreintes de la misère. […] Jamais elle n’avait connu ce premier attrait invincible, le plus simple, le plus éternel de tous, celui dans lequel les sens jouent leur rôle, même à leur insu, l’amour de Chloé pour Daphnis, ou même celui de Virginie pour Paul.
Un principe bien simple me dirige dans ces reprises d’études déjà faites tant de fois par des écrivains de talent, et qu’il peut sembler inutile de recommencer. […] Catinat, même plus tard devenu général, se montra toujours d’une rare intrépidité personnelle, d’une bravoure presque excessive dans un chef ; cet homme si prudent et concerté dans ses mouvements et sa stratégie en tant que commandant d’armée, se retrouvait sur le terrain, en un jour de bataille, le capitaine du régiment des gardes, et s’exposait comme un simple grenadier jusqu’à se faire plus d’une fois réprimander par Louis XIV. […] Quoi de plus naturel alors que La Feuillade ait flairé Catinat, encore simple officier des gardes, et qu’il se soit dit : « Ce n’est pas mon homme ? […] Ce gouvernement de Saint-Ghislain était un poste de grande confiance, une guérite de sentinelle avancée : il ne s’agissait pas d’être un simple commandant de place ; il fallait avoir l’œil au vis-à-vis et s’opposer aux courses de la garnison de Mons qui était considérable, la tenir constamment en respect et en échec.
Reboul de Nîmes, qui, simple boulanger, s’est élevé à des accents de poésie qu’a reconnus et salués la lyre de Lamartine. […] Le discours simple et naïf où se déroule son tendre ennui, finit en ces mots : « On dit qu’on aime mieux quand on est dans la peine ; et quand on est aveugle, donc ! […] tu m’embrasses trop fort, tu m’étouffes, Marguerite. » — Je traduis mot à mot, en ne supprimant que l’harmonie du rhythme : qu’on juge du charme de ces simples et vraies paroles dans des vers purs, concis, auxquels pas un mot de trop, pas un ornement inutile n’est accordé ! […] Dans une jolie pièce de vers, adressée à un riche agriculteur de Toulouse qui lui donnait ce conseil, il réfute agréablement les raisons flatteuses par un tableau de ses goûts et de ses simples espérances : « Dans ma ville, où chacun travaille, laissez-moi donc comme je suis ; chaque été, plus content qu’un roi, je glane ma petite provision d’hiver, et après je chante comme un pinson, à l’ombre d’un peuplier ou d’un frêne, trop heureux de devenir cheveux blancs dans le pays qui m’a vu naître.
Même dans cette seconde moitié de sa carrière où il eut affaire à un milieu de société décidément modifié, à certains goûts littéraires que nous connaissons très-bien, moins réguliers, moins simples ou moins traditionnels, et, comme on dit, plus exigeants, là encore il sut trouver je ne sais quel point agréable ou tolérable dans le mélange : il étendit ses ressources sans trop sortir de ses données habituelles ; il put paraître quelquefois sur la défensive, il réussit toujours à garder ses avantages, il ne fut jamais vaincu. […] L’analyse intérieure de son procédé, de sa tactique savante en cette seconde phase, serait curieuse à suivre de près : nous nous tenons aux simples aspects. […] Décrirai-je cette journée du 19 décembre, ces funérailles immenses du simple homme de lettres, ce cortége mené par le jeune fils orphelin, et où se pressaient les représentants de l’État, de la société, toute la littérature ? […] Hommage solennel et attendrissant, quand il est pur des intérêts de parti ou des prestiges de la puissance, quand il s’adresse au simple particulier, et qui atteste sincèrement alors que l’homme de talent qu’on pleure eut en effet avec la foule, avec la majorité des autres hommes, des qualités communes affectueuses, de bons et généreux sentiments, des sympathies patriotiques et humaines !
Dans les moments de marche ou d’installation incohérente et confuse, comme le sont les temps présents, il est simple qu’on aille au plus important, qu’on s’occupe du gros de la manœuvre, et que de toutes parts, même en littérature, ce soit l’habitude de frapper fort, de viser haut et de s’écrier par des trompettes ou des porte-voix. […] Une jeune fille qui sort pour la première fois du couvent où elle a passé toute son enfance ; un beau lord élégant et sentimental, comme il s’en trouvait vers 1780 à Paris, qui la rencontre dans un léger embarras et lui apparaît d’abord comme un sauveur ; un très-vieux mari, bon, sensible, paternel, jamais ridicule, qui n’épouse la jeune tille que pour l’affranchir d’une mère égoïste et lui assurer fortune et avenir ; tous les événements les plus simples de chaque jour entre ces trois êtres qui, par un concours naturel de circonstances, ne vont plus se séparer jusqu’à la mort du vieillard ; des scènes de parc, de jardin, des promenades sur l’eau, des causeries autour d’un fauteuil ; des retours au couvent et des visites aux anciennes compagnes ; un babil innocent, varié, railleur ou tendre, traversé d’éclairs passionnés ; la bienfaisance se mêlant, comme pour le bénir, aux progrès de l’amour ; puis, de peur de trop d’uniformes douceurs, le monde au fond, saisi de profil, les ridicules ou les noirceurs indiqués, plus d’un original ou d’un sot marqué d’un trait divertissant au passage ; la vie réelle, en un mot, embrassée dans un cercle de choix ; une passion croissante qui se dérobe, comme ces eaux de Neuilly, sous des rideaux de verdure, et se replie en délicieuses lenteurs ; des orages passagers, sans ravages, semblables à des pluies d’avril ; la plus difficile des situations honnêtes menée à fin jusque dans ses moindres alternatives, avec une aisance qui ne penche jamais vers l’abandon, avec une noblesse de ton qui ne force jamais la nature, avec une mesure indulgente pour tout ce qui n’est pas indélicat : tels sont les mérites principaux d’un livre où pas un mot ne rompt l’harmonie. […] Adèle de Sénange fut donc écrite sans aucun apprêt littéraire, dans un simple but de passe-temps intime. […] Ceux qui ont l’honneur de connaître Mme de Souza trouvent en elle toute cette convenance suprême qu’elle a si bien peinte, jamais de ces paroles inutiles et qui s’essaient au hasard, comme on le fait trop aujourd’hui ; un tour d’expression net et défini, un arrangement de pensée ingénieux et simple, du trait sans prétention, des mots que malgré soi l’on emporte, quelque chose enfin de ce qu’a eu de distinctif le dix-huitième siècle depuis Fontenelle jusqu’à l’abbé Morellet, mais avec un coin de sentiment particulier aux femmes.
C’est d’abord qu’il y a tant de romans aimés des simples (et je ne parle pas seulement des romans-feuilletons), où « le monde » nous est décrit avec des élégances qui rappellent celles des gravures de tailleurs ou de l’homme des « 100, 000 chemises » ! […] N’y a-t-il pas une saveur exquise de sagesse indulgente et très renseignée dans ces simples réflexions : Gilbert échappait à Florence, bien malgré lui. […] Rabusson : … Et leur causerie était joyeuse, intime et douce comme un simple bavardage d’amoureux. […] La morale des philosophes est une morale de cabinet qui ne les suit guère dehors ; tant qu’on raisonne doctoralement, inter libros ou inter pocula, c’est superbe, plein de simplicité, de grandeur et d’harmonie ; mais deux beaux yeux que l’amour fait arder ont bien vite raison de toutes les rigueurs théoriques de ces belles doctrines, lesquelles, en de certains, moments, sembleront toujours à quiconque ne les a pas inventées de simples jeux de savants.
L’historien opère sur des faits accomplis et des résultats simples (au moins d’une simplicité relative) : le politique est en présence d’une certaine quantité de résultats, dont plus d’un a chance de sortir à tout moment. […] On ne saurait ici, quand on a un sentiment de citoyen, s’en tenir au simple point de vue littéraire ; car, est-il donc possible de l’oublier ? […] Clarendon se trompa sur son époque ; il méconnut le sens des grands événements auxquels il avait assisté… Ainsi, vous paraissez croire que la Providence s’y prend avec plus de façons quand il s’agit de ces hommes éminents qu’on appelle Mazarin ou Walpole, que quand il s’agit des simples honnêtes gens privés ! […] Il n’aimait, nous dit-il, que les historiens tout simples et naïfs, qui racontent les faits sans choix et sans triage, à la bonne foi ; ou, parmi les autres plus savants et plus relevés, il n’aimait que les excellents, ceux qui savent choisir et dire ce qui est digne d’être su.
Capitaine, il ne m’appartient pas de le juger ; mais, si j’ai bien compris les observations que Napoléon a faites sur les campagnes de Frédéric, et les simples récits de Frédéric lui-même, il me semble que ce n’était pas un guerrier avant tout. […] En racontant l’histoire de ce souverain habile et brave, qui « à la fortune médiocre d’un électeur sut unir le cœur et les mérites d’un grand roi », en nous parlant de ce prince « l’honneur et la gloire de sa maison, le défenseur et le restaurateur de la patrie », plus grand que son cadre, et de qui date sa postérité, on sent que Frédéric a trouvé son idéal et son modèle : ce que le Grand Électeur a été comme simple prince et membre de l’Empire, lui il le sera comme roi. […] Ce ton est mâle, simple, et la narration s’y nourrit de réflexions rares, mais fortes, qui révèlent l’enchaînement des causes. […] Quand il aborde les affaires de son temps, celles qu’il a dirigées et auxquelles il a coopéré, Frédéric garde le même ton, ou plutôt il en prend un encore plus simple que dans son histoire du Brandebourg.
La réponse de saint François de Sales est admirable de sagesse et de prudence : « Vous requérez de moi, répond-il à cette dame, une chose également difficile et inutile » ; et il montre en quoi la solution est difficile, non pas tant en soi et pour les esprits simples qui la cherchent par le chemin de la charité, mais parce qu’en cet âge qui abonde « en cervelles chaudes, aiguës et contentieuses », il est malaisé de dire une chose qui n’offense pas ceux qui, « faisant les bons valets soit du pape, soit des princes, ne veulent jamais qu’on s’arrête hors des extrémités ». […] On est forcé, quand on cite du saint François de Sales, de retrancher bien des nuances et des finesses qui sont le plus délicat de la pensée : « Ce sont des choses si minces, si simples et délicates, disait-il lui-même en en supprimant plus d’une, que l’on ne les peut dire quand elles sont passées. » Il suffit ici que nous nous attachions au gros de l’arbre et à la principale branche. […] Ici, du moins, notre but est trop ouvert, trop simple, et nous marchons appuyé sur trop de bons et sûrs témoignages pour que notre effort à deviner et à comprendre ne doive point se faire pardonner. […] Sayous, toutes simples, et qu’il a cueillies en se promenant, sentent les champs, la ferme savoyarde, les bois et les bords du lac d’Annecy : ce sont les meilleures » ; et j’ajouterai les plus courtes.
Ainsi, « dans ce pays neuf et vierge, les maximes d’égalité et de liberté étaient la représentation des faits eux-mêmes, des rapports naturels, faciles et simples d’une société nouvelle et sans passé206. » Quoi d’étonnant dès lors si, moins unifiée que ses sœurs du continent, la société américaine ne devait pas être moins ouverte à l’égalitarisme ? […] Toute la philosophie politique de notre xviiie siècle pense qu’il convient de substituer « des règles simples et élémentaires, puisées dans la raison et la loi naturelle, aux coutumes compliquées et traditionnelles ». […] Il faut se garder de confondre les sociétés « uniques » avec les sociétés « unifiées », comme les sociétés simples avec les sociétés synthétiques. Nous admettons volontiers que Les sociétés « uniques » aient une tendance à absorber les individus qu’elles englobent, à faire d’eux leurs choses et à les empêcher de se poser comme des personnes ; en ce sens on a raison de dire que les groupements primitifs, simples et fermés, tendent non pas à détruire l’individualisme, mais à l’empêcher de naître.
Ces simples et vives décisions du goût ont pu être un moment obscurcies ; elles reprennent rang aujourd’hui, ce me semble, et elles subsistent en se combinant avec les travaux positifs et les progrès de la philologie qui, à elle seule, n’est pas tout. […] Mais nul ne fit plus alors pour ce renouvellement et, en quelque sorte, cette création moderne du sentiment antique que l’illustre auteur du Génie du Christianisme ; aucun de nos écrivains, depuis Fénelon, n’avait eu à ce degré l’intelligence vive du génie grec, et si Fénelon en avait goûté et rendu surtout les grâces simples et l’attique négligence, il était réservé à notre glorieux contemporain d’en exprimer plutôt les lignes grandioses et la sublimité primitive. […] Rappelons toutefois que si, pour certains aspects de Sophocle et d’Eschyle, nous avons été redevables au critique allemand, nous avions pris de nous-mêmes les devants pour ce qui regarde Homère : la méthode simple de le comprendre et de le traduire était déjà trouvée ; elle l’était, je le répète, par Fénelon et par M.