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1886. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Remarquons seulement un singulier progrès : en voyant les inversions nombreuses, autrefois si chères à l’auteur, un journal qui a trop de sens pour ne pas en supposer aux autres, la Revue d’Édimbourg pensa que M. d’Arlincourt pouvait bien être le Cervantes du siècle, que ses romans n’étaient après tout que des critiques ingénieuses et voilées, et qu’en forçant la bizarrerie, il avait voulu faire honte au goût de ses contemporains : ainsi dans un autre genre, Machiavel, en professant le despotisme aux princes, n’avait fait, selon quelques-uns, que prêcher la liberté aux peuples.

1887. (1874) Premiers lundis. Tome I « Charles »

Une liaison inaperçue, mais invincible, associe dans notre esprit les perceptions de certains lieux, de certains bruits, de certains aspects du ciel, au sentiment qui nous remplit, transporte celui-ci dans celles-là, et, après l’avoir en quelque sorte dispersé au dehors de nous, nous le renvoie par tous nos sens.

1888. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Sur mon front de cinq ans, j’avais toujours des fleurs ; Le temps, comme une plume, emportait les douleurs     Et de mon corps et de mon âme ; Une rose en avril me jetait en transports ; De la vie en mes sens abondaient les trésors ;     Je voltigeais comme une flamme.

1889. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

Je sens pourtant la nécessité de corriger, et beaucoup : je viens de le tenter ; mais, épreuve faite, je me vois presque dans l’impossibilité d’y réussir.

1890. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

On n’en tirera une véritable utilité que si l’on se condamne au labeur pénible de convertir il chaque moment l’image en idée, le symbole en abstraction, de passer de la métaphore au mot propre, enfin si l’on refait en sens inverse le chemin déjà parcouru.

1891. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Objections d’un moraliste contre l’exposition de 1900. » pp. 162-167

Cette année-là est, dans un sens que n’a point prévu l’Écriture, « l’année des vaches grasses ».

1892. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghil, René (1862-1925) »

Stéphane Mallarmé particulièrement l’a discerné, qui écrivait à l’auteur : « … Peu d’œuvres jeunes sont le fait d’un esprit qui ait été, autant que le vôtre, de l’avant », et il lui prodigua les conseils, attirant son attention sur L’Harmonie contenue en ces vers de la Légende d’âme et de sang, « et ainsi, disait dernièrement Ghil, me jeta dans la voie, ma voie, selon un sens harmonique très développé en moi, qui me fait écrire en compositeur plus qu’en littérateur ».

1893. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rimbaud, Arthur (1854-1891) »

Ce n’est pas la faute de Rimbaud si des esprits lourds, fâcheusement logiques, s’en sont fait une méthode plutôt divertissante ; c’est encore moins sa faute si on a attribué à ce sonnet, dans son œuvre et en n’importe quel sens, une importance exorbitante.

1894. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Préface »

On a retrouvé le sens profond et naïf, divin et enfantin à la fois, des vieux mythes éclos de l’imagination primitive.

1895. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

Sans aucun sens & sans pointe , répond Racan.

1896. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

Ce n’est que dans les siècles modernes qu’on a vu se former ce mélange des sens et de l’âme, cette espèce d’amour, dont l’amitié est la partie morale.

1897. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

C’est une misère à mon sens.

1898. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Doyen » pp. 244-247

Si Doyen eût montré son ébauche à un homme de sens, voici ce que cet homme lui aurait dit : Écartez-moi ces soldats les uns des autres, et donnez-leur plus de caractère, plus de force, des têtes, [des] corps et des visages relatifs à l’action.

1899. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres » pp. 122-127

Il seroit superflu d’expliquer ici en quel sens je prend le mot de petit ouvrage, car un tableau de trois pieds peut être quelquefois un grand ouvrage.

1900. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Elle est même, en un sens, essentiellement conservatrice, puisqu’elle considère les faits sociaux comme des choses dont la nature, si souple et si malléable qu’elle soit, n’est pourtant pas modifiable à volonté.

1901. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XII. L’homme touffu »

Quand Daouda reprit ses sens et qu’il s’aperçut de la disparition de sa sœur, il devint à moitié fou de rage.

1902. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Eugène Chapus »

Il a été, avant tout, écrivain dans le sens humain de ce mot.

1903. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Tout son Tableau n’est qu’un dessin, tracé d’un crayon philosophique (dans le sens que le xviiie  siècle donnait à ce triste mot) ; mais voilà peut-être pourquoi il est bon.

1904. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Ne sachant trop que penser, lancé dans un sens par sa passion politique ou philosophique, relancé dans la voie contraire par ce que l’Histoire, dont on n’éteint pas complètement la lueur en soi, lui a pendant si longtemps enseigné, il ne sait à quoi se résoudre.

1905. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

La seule observation que nous voulions risquer, quand il est question d’un écrivain qui, en publiant le livre du Droit de César, a cherché avant tout l’occasion d’être utile dans le sens le plus pratique et le plus évangélique du mot, c’est le regret de voir sa brochure affecter les formes d’une polémique personnelle.

1906. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

Prenez tous les moralistes de son temps, tous les poètes comiques du xviiie  siècle, tous les écrivains qui ont parlé longuement ou brièvement de la bourgeoisie et qu’a invoqués Asselineau, tous déposeront plus ou moins dans le sens de Furetière et appuieront son mérite de romancier, qui est très grand.

1907. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Ce n’est pas un peuple contemplateur ni même méditatif, dans le vrai sens du mot : c’est un peuple imaginatif. […] L’âme emprunte aux sens leur énergie de révolte et leur fougue audacieuse, les sens empruntent le langage de l’âme pour exprimer leurs plaisirs. […] Comprend-on un père assez dépourvu de sens moral pour insulter à ce point à la pudeur de sa fille ! […] On a parlé beaucoup de l’humour de Sterne, et le caractère de ses écrits a même contribué à fixer parmi nous le sens qu’on doit attacher à ce mot. […] C’est comme un récit qui changerait de sens selon la manière dont vous tiendriez le livre.

1908. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Je sens plus que jamais le néant de tout, combien tout promet et rien ne tient, combien nos forces sont au-dessus de notre destination, et combien cette disproportion doit nous rendre malheureux. […] Voilà à peu près ma phrase, du moins quant au sens. […] Je ne veux donc point être moi, mais être ce que sont ceux qui pensent le plus comme moi, et qui travaillent dans le même sens. […] « … Je l’ai senti à dix-huit ans, à vingt, à vingt-deux, à vingt-quatre ans, je le sens à près de vingt-six ; je dois, pour le bonheur des autres et pour le mien, vivre seul ; je puis faire de bonnes et fortes actions, je ne puis pas avoir de bons petits procédés. […] mots qui ont un grand sens, mais qui certes ne sont pas prudents.

1909. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Que votre diction soit pure, et cherchez avec soin, par de très belles paroles, les pensées nobles, vives, solides et remplies d’un beau sens !  […] Il y avait toute une société éperdue qui appelait vainement les lois à son aide ; il y avait tous les délires des sens, de la tête et du cœur. […] Voilà pour le libertinage des sens. […] les droits de l’histoire, dans ce royaume de France, livré à toutes les corruptions de l’esprit et des sens. […] C’est qu’en effet quelque chose gémit et se plaint au fond de cette gaieté ; c’est qu’une lamentation immense a traversé, sans fin et sans cesse cette raillerie de l’esprit, cet orgueil des sens, cette seigneurie impitoyable et qui va à l’abîme.

1910. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

J’évitais de toutes mes forces d’être confondu avec la nation dont je parle la langue, pendant ses triomphes ; mais je sens vivement, dans ses revers, combien je lui suis attaché, combien je souffre de sa souffrance, combien je suis humilié de son humiliation… Mille intérêts communs, mille souvenirs d’enfance, mille rapports d’opinion, lient ceux qui parlent une même langue, qui possèdent une même littérature, qui défendent un même honneur national. […] Sismondi, tout en résistant, en vient à écrire sur le progrès des idées religieuses, et insensiblement il est entamé, il est gagné jusqu’à un certain point et selon sa mesure ; il regarde dans son cœur, et il écrit un matin dans son Journal : « 31 décembre 1835. — Je sens désormais les traces profondes de l’âge, je sais que je suis un vieillard (il avait 62 ans), je sais que je n’ai plus longtemps à vivre, et cette idée ne me trouble point. […] Sismondi appartient à la classe des historiens moraux ; il est trop porté à expliquer toutes choses, même celles d’un âge très-éloigné et d’une forme sociale toute différente, par les contrastes et les vicissitudes de liberté et de despotisme, de vertu et de corruption, qu’il entend au sens moderne.

1911. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Ce séjour de quelques années à Rome, fécond en mécomptes et en ennuis, lui fut bon en un sens et lui suggéra ses meilleurs vers : ils lui furent inspirés par un sentiment vrai, par le regret de la patrie. […] On pourrait en ce sens multiplier les citations. […] Il voulait, aux approches du jour de l’an de 1560, envoyer à ses amis d’ingénieuses étrennes, et, selon le goût du temps, selon le goût aussi des Anciens qui ont souvent joué sur les noms (nomen omen), il composa en distiques latins une suite d’Allusions 115, dans lesquelles, prenant successivement chaque nom propre des contemporains célèbres, il en tirait, bon gré mal gré, un sens plus ou moins analogue au talent et au caractère du personnage : par exemple, Michel de l’Hôpital semblait avoir reçu son nom tout exprès, puisqu’il était l’hospice des Muses, auxquelles sa maison était toujours ouverte.

1912. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

C’est beaucoup pourtant déjà qu’il ait dit que réduire l’ode au langage qu’on appelle communément naturel, lui imposer « un ordre méthodique », et « d’exactes liaisons de sens », ce serait, si le fond nécessite la forme qui l’exprime, « ôter l’âme à la poésie lyrique » : c’est beaucoup d’avoir compris en son temps qu’une ode n’est ni un discours ni une dissertation ni une narration d’histoire, et que ce genre a son ordre, sa clarté propres et d’un caractère tout spécial. […] Elles partent d’un sentiment très fin de la physionomie des mots et de leur valeur expressive, indépendamment du sens brut et littéral inscrit au dictionnaire. […] Boileau a donc absolument raison quand il dit — et ce qu’il dit n’a pas d’autre sens — que le Grec qui entendait comparer Ajax à un âne, n’était pas affecté de la même façon qu’un courtisan français qui lit en sa langue une traduction du même passage.

1913. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Sensibilité vive, mais passagère et sans vapeurs ; raison nourrie sans être profonde, n’enfonçant guère dans les choses, mais parfois, et de la première vue, en découvrant le fond ; gaieté, sans rien d’éventé ; une douce mélancolie qui se forme et se dissipe au moment où elle s’exprime ; pas de vieillesse, sans la prétention de ne pas vieillir ; beaucoup de mobilité, avec le lest d’un grand sens qui écarte de la conduite l’imagination et les caprices ; du goût pour les gens en disgrâce, mais sans rancune contre les puissants ; une pointe d’opposition, comme chez tous les frondeurs pardonnés qui n’osaient ni se plaindre ni regretter, et qui se ménageaient pour un retour de fortune ; le cœur de la meilleure mère qui fut jamais, quoi qu’on en ait dit, capable d’amitiés persévérantes, et qui craignit l’amour plutôt qu’elle ne l’ignora ; tels sont les principaux traits de ce caractère, où le solide se fait sentir sous l’aimable, et où l’aimable n’est jamais banal. […] De même que Bossuet trouvait dans sa croyance passionnée à la tradition de l’Église, la sagacité historique qui en aperçoit l’enchaînement sous la mobilité et sous les contradictions des grands corps qui la perpétuent, le sens du moraliste qui découvre au fond des cœurs les causes de la longue obéissance des peuples, l’intelligence qui comprend les grands orthodoxes, et je ne sais quelle amitié, à travers les siècles, qui fait de lui leur frère d’armes dans leurs luttes théologiques ; de même la prévention de Saint-Simon pour une monarchie absolue appuyée sur la noblesse, lui inspira une pénétration impitoyable pour découvrir les vices de la monarchie absolue remplaçant par des roturiers la noblesse disgraciée. […] Que de raison, de sens, d’insinuation, de politesse !

1914. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Ce Saint Gral, qui forme le centre du drame de Parsifal, en ce sens qu’il est l’objet de toutes les adorations et de toutes les convoitises et qu’il symbolise une puissance mystérieuse, est donc poétiquement identique à l’Or du Rhin, lequel dans le Ring joue le même rôle. […] Appendice : étude des sources ; arrangements des sujets Wagnériens en un sens plus large ou plus étroit ; explications et commentaires ; littérature se rapportant à l’œuvre Wagnérienne ; divers. […] Par l’Anneau du Nibelung av, Richard Wagner voulut, totalement, expliquer le monde : c’est le symbole de l’Or opposé à l’Amour, et il voulut, totalement représenter la vie de l’Ame ; il créa toutes ces âmes, spéciales chacunes, chacunes proprement vivantes, que symbolisent Wotan, Freia, Loge, — Fafner, — Alberich, Mime, — Siegmund, Sieglinde, Hunding, — Brunnhilde, Siegfried … Et parmi cette énormité d’efforts inégalement heureux, dès là, en quelques figures, je sens réellement créée la supérieure vie : ainsi, l’âme qu’est Wotan, — l’âme originairement stagiaire46, contente en le repos introublé de sa puissance, que rien n’agite ; et la vie de cette âme se fait plus vive, une contemplation des choses plus active, une pensée de quelque chose nouvelle, un mouvement, un besoin de plus, un souhait ; le désir, oh !

1915. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Étrange candeur en vérité, qui n’est que le vulgaire apaisement des sens chez une fille extatique ! […] où est le sens ? […] Je donne à ce mot tous les sens qu’il renferme.

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