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292. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 367-370

Le Journal passa dans ses mains en 1666, & il le poussa jusqu’en 1674.

293. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Il faut brusquer les choses, et, par un acte de volonté, pousser l’intelligence hors de chez elle. […] Détendons-nous maintenant, interrompons l’effort qui pousse dans le présent la plus grande partie possible du passé. […] Mais supposons, un instant, que la matière consiste en ce même mouvement poussé plus loin, et que le physique soit simplement du psychique inverti. […] Il le retrouve dans les choses, mais il l’eût obtenu sans elles s’il eût eu l’imagination assez puissante pour pousser jusqu’au bout l’inversion de son mouvement naturel. […] L’ensemble du monde organisé devient comme l’humus sur lequel devait pousser ou l’homme lui-même ou un être qui, moralement, lui ressemblât.

294. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Voltaire le complimente au moment où il apprend qu’il va être promu au cardinalat : « Je dois prendre plus de part qu’un autre à cette nouvelle agréable, puisque vous avez daigné honorer mon métier avant d’être de celui du cardinal de Richelieu. » Il pousse la flatterie en ce moment jusqu’à lui dire : « Je ne sais pas si je me trompe, mais je suis convaincu qu’à la longue votre ministère sera heureux et grand ; car vous avez deux choses qui avaient auparavant passé de mode, génie et constance. » La correspondance ensuite ne reprend que trois ans après, pendant la disgrâce de Bernis (octobre 1761) : « Monseigneur, béni soit Dieu de ce qu’il vous fait aimer toujours les lettres ! […] Quand les circonstances m’ont poussé comme malgré moi sur le grand théâtre, les lettres ont fait dire à tout le monde : « Au moins celui-là sait lire et écrire. […] Notons-y seulement au passage cette main invisible qui n’est pas dans Horace et à laquelle Bernis se confie, et sachons que, lorsque viendront les heures d’adversité sérieuse et de ruine, le cardinal-archevêque, de ce séjour à Rome où il apprend les dépouillements successifs et rigoureux dont il est menacé ainsi que tout le clergé de France, écrira à M. de Montmorin : Vous avez pu remarquer, monsieur, que, dans cent occasions, il n’y a jamais eu d’évêque ministre du roi à Rome plus modéré que moi, plus ami de la paix, ni plus conciliant ; mais, si on me pousse à bout par des sommations injustes et peu délicates, je me souviendrai que, dans un âge avancé, on ne doit s’occuper qu’à rendre au Juge suprême un compte satisfaisant de l’accomplissement de ses devoirs.

295. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Ce qui nous frappe dans tous les endroits où Montaigne parle de La Boétie, ce n’est pas seulement l’affection, c’est le respect et l’admiration, sentiments que Montaigne, en général, ne prodiguait pas, mais qu’il pousse jusqu’à l’apparence de l’illusion lorsqu’il parle de son ami. […] Seulement, dans cet écrit si étroit et si simple d’idées, il y a de fortes pages, des mouvements vigoureux et suivis, d’éloquentes poussées d’indignation, un très beau talent de style : on y sent quelque chose du poète dans un grand nombre de comparaisons heureuses. […] Sans trop pousser l’application et sans voir d’allusion trop particulière, il m’est évident que La Boétie jugeait que Montaigne à cet âge y était un peu trop enclin, et il le conviait de toutes ses forces à la chasteté domestique et aux mœurs graves qui sont le fondement de la sagesse.

296. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

On poussait en même temps l’auteur à toutes voiles à l’Académie française, où il ne fut reçu pourtant que deux ans après (janvier 1747). […] Petitot, la citation parallèle ; ce n’est, comme on le pense bien, qu’un très faible échantillon ; c’est aux curieux à pousser plus loin et dans le même sens une comparaison plus ample, qui ne fera que confirmer le premier aperçu : Charles, dit Duclos, était doux, facile, généreux, sincère, bon père, bon maître, digne d’être aimé et capable d’amitié. […] Qui que nous soyons et dans quelque genre que la vocation ou la destinée nous ait poussés, tâchons d’être de ceux-là ; tâchons, un jour ou l’autre, d’arriver à la perfection de ce qu’il nous est donné de faire, à la réunion de toutes nos forces, à la plus haute puissance de nous-mêmes : et, comme cette heure et cet accident de grâce et de lumière n’est pas en notre pouvoir, tenons-nous prêts et montrons-nous-en dignes en y visant constamment.

297. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Ainsi en jugeait le duc de Rohan quand il écrivait : « Philippe II poussa ses affaires si avant, que le royaume de France n’est échappé de ses mains que par miracle. » De loin, quand les événements ont tourné d’une certaine façon, on ne se représente pas aisément à combien peu il a tenu qu’ils ne tournassent dans un sens tout autre ; on voit des nécessités et des dénoûments tout simples là où il y a eu des bonheurs et de merveilleux secours. […] Les succès de Henri IV dans cette première campagne, en prouvant aux princes lorrains leur impuissance quand ils étaient seuls, les poussèrent bon gré mal gré entre les bras de l’Espagne. […] Du Fay en vient à toucher et définir la qualité qui est peut-être la plus singulière chez Henri IV, la plus royale qualité et la plus éloignée de tyrannie, mais qu’il pousse jusqu’à l’excès et au défaut : C’est qu’il est le plus doux, le plus pardonnant et le plus oublieux d’injure qui fut oncques… Je l’appelle douceur, mais je te jure que si je pouvais et osais, je lui donnerais un autre nom, car elle passe par-dessus la raison.

298. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Cet art byzantin fut inoculé par les Nestoriens fugitifs aux Arabes ; il poussa de ce côté une de ses branches, bientôt florissante ; et il s’insinua, il s’infiltra aussi, tout à l’opposé, dans notre Occident, dans notre Gaule, vers l’époque de Charlemagne, et entra pour beaucoup dans la formation de notre premier style roman. […] Étant donnés le climat, les mœurs de la France, les matériaux, le fond d’art préexistant, c’est-à-dire quelques traditions venues des Romains et des Byzantins, l’architecture romane est née et devait naître la première : et déjà impliquée en celle-ci, s’y laissant d’abord entrevoir par places, la seconde, plus élancée et à ogive, l’architecture gothique se produit à un certain moment avec hardiesse et se déduit comme d’elle-même, grâce à des gens qui raisonnent juste, et qui, par émulation et par zèle, sont poussés à toujours mieux faire. […] Viollet-Le-Duc a poussé ce genre de curiosité plus loin que personne avant lui ; par sa science précise de détail, il est véritablement contemporain de chaque moment du Moyen-Âge ; il est l’hôte familier de chaque classe et de chaque maison.

299. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Ils avaient traversé les camps de l’armée anglaise et s’étaient rendus sur la place de Zarsa, où ils attendaient les billets de logement devant la maison de l’alcade, où logeait le général en chef, lorsqu’une jeune femme parut au balcon et, à leur vue, poussa un cri : « Quelle ne fut pas ma surprise, nous dit le narrateur, en reconnaissant une jeune Espagnole, nommée Isidaure, qui avait suivi en Portugal la division du général Franceschi ! […] Ils poussèrent enfin vers Séville, en traversant la Sierra Morena à une demi-lieue de Séville, un conflit eut lieu entre le commandant de l’escorte et les guérillas qui sentaient que leur proie allait décidément leur échapper. […] À notre vue, toute celle populace s’agite comme une mer en furie, pousse des hurlements, se porte sur la tour et menace de forcer la garde.

300. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

Après la conquête de la Prusse, Napoléon avait deux partis à prendre : ou bien s’allier en Prusse avec le parti français, s’y appuyer, bien traiter cette puissance, la relever, la désintéresser pour l’avenir ; ou bien la pousser à bout, l’abaisser sans pitié, poursuivre la guerre contre les Russes et contre les débris de l’armée prussienne en relevant la Pologne. […] Le besoin de se procurer des vivres, et aussi l’humeur ardente, le désir de gloire, le poussaient sans cesse, du côté de Kœnigsberg, à des mouvements et à des entreprises que l’Empereur n’avait pas ordonnés. […] Ney, qui la veille ignorait, comme Napoléon lui-même, qu’il allait y avoir bataille le 8 février, avait envoyé le 7 au soir au quartier général l’aide de camp Fezensac, pour rendre compte à l’Empereur de sa marche et de l’attaque qu’il poussait vivement contre le général prussien Lestocq : « C’est la plus importante mission que j’aie remplie, nous dit M. de Fezensac, et la plus singulière par ses circonstances ; elle mérite donc d’être racontée avec quelques détails.

301. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

La littérature et la poésie d’alors étaient peu personnelles ; les auteurs n’entretenaient guère le public de leurs propres sentiments ni de leurs propres affaires ; les biographes s’étaient imaginé, je ne sais pourquoi, que l’histoire d’un écrivain était tout entière dans ses écrits, et leur critique superficielle ne poussait pas jusqu’à l’homme au fond du poëte. […] Quitter l’Espagne dès l’instant qu’il y avait mis pied, ne pas pousser plus loin cette glorieuse victoire du Cid, et renoncer de gaieté de cœur à tant de héros magnanimes qui lui tendaient les bras, mais tourner à côté et s’attaquer à une Rome castillane, sur la foi de Lucain et de Sénèque, ces Espagnols, bourgeois sous Néron, c’était pour Corneille ne pas profiter de tous ses avantages et mal interpréter la voix de son génie au moment où elle venait de parler si clairement. […] Même après que leur front chauve a livré ses feuilles au vent d’automne, leur nature vivace jette encore par endroits des rameaux perdus et de vertes poussées.

302. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Voilà des gens qui poussent l’hostilité jusqu’à compter dans ce poème de quatre mille vers combien de fois le même mot y est répété ; voilà Fréron qui de son encre rouge note vingt fois le mot tranquille, et qui en fait un bordereau que la Harpe dit avoir vu. […] Il la fallait bien ferme, dans ces premiers jours de la révolution française, pour applaudir aux grandes réformes de 1789, et, ces réformes accomplies, s’arrêter, prévoir où les girondins poussaient la révolution, et, quoiqu’il eût un frère parmi eux, les désavouer et les combattre. […] Là encore les modèles antiques le guidèrent où le poussait son instinct, dans ce genre si difficile, surtout en France, où l’amour est si près de se confondre avec la galanterie.

303. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

Le Roy Voilà bien des raisons d’être sceptiques ; devons-nous pousser ce scepticisme jusqu’au bout ou nous arrêter en chemin. […] Toute loi peut se décomposer en un principe et une loi, mais il est bien clair par là que, si loin que l’on pousse cette décomposition, il restera toujours des lois. […] Et alors, si nous ne poussons pas si loin la bizarrerie, si nous n’introduisons que des êtres fictifs ayant des sens analogues aux nôtres et sensibles aux mêmes impressions, et d’autre part admettant les principes de notre logique, nous pourrons conclure alors que leur langage, quelque différent du nôtre qu’il puisse être, serait toujours susceptible d’être traduit.

304. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

La poésie légère s’épanouit dans ce tiède milieu ; le madrigal y foisonne ; le sonnet y brille de tout son éclat ; l’épigramme y pousse ses feuilles épineuses ; la pastorale galante y apporte l’illusion de la campagne. […] Le désir de plaire au monde a poussé maintes fois écrivains et orateurs à sacrifier les qualités fortes et solides aux qualités douces et brillantes. […] Un salon n’agit point de même sur les intelligences, s’il est présidé par une grande dame ou par une bourgeoise, par une femme de vie régulière pu par une célébrité du demi-monde ; ceux qui fréquentaient chez Ninon de l’Enclos étaient certainement poussés en un autre sens que les hôtes habituels de la protestante Mme Necker.

305. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Halley, professeur de belles-lettres et d’éloquence ; il trouva un maître élevé et profond en philosophie dans le père Mambrun, qui le poussa d’abord à l’étude des mathématiques, d’où il eut peine ensuite à le rappeler à la philosophie même. […] Le voisinage du savant Bochart, qui était ministre protestant à Caen, poussa le jeune Huet à s’enfoncer à sa suite dans la littérature grecque et hébraïque. […] Voltaire a justement remarqué que ce traité posthume de Huet sur la Faiblesse de l’esprit humain semble contredire et démentir sa Démonstration évangélique ; mais Huet n’était point de ces esprits qui vont en tout à l’extrême, et qui poussent les choses à leurs dernières limites.

306. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Il avait été le premier boute-en-train de la Révolution ; il ne cessa de l’être et de pousser à la roue, et de précéder en criant le char lancé sur la pente rapide, jusqu’au jour où il s’avisa tout à coup de se retourner et de dire : Enrayez ! […] André Chénier avait publié, en août 1790, un Avis aux Français sur leurs véritables ennemis, dans lequel il essayait, avec la modération et la fermeté qui distinguent sa noble plume, de tracer la ligne de séparation entre le vrai patriotisme et la fausse exaltation qui poussait aux abîmes. Il avait dit : « L’Assemblée nationale a fait des fautes parce qu’elle est composée d’hommes… ; mais elle est la dernière ancre qui nous soutienne et nous empêche d’aller nous briser. » Il avait flétri, sans nommer personne, mais en traits énergiques et brûlants, ces faux amis du peuple qui, sous des titres fastueux et avec des démonstrations convulsives, captaient sa confiance pour le pousser ensuite à tout briser ; « gens pour qui toute loi est onéreuse, tout frein insupportable, tout gouvernement odieux ; gens pour qui l’honnêteté est de tous les jougs le plus pénible.

307. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

L’abbé de Choisy poussait les choses beaucoup plus loin, et je me garderai bien de le suivre dans les incroyables épisodes de sa jeunesse. […] Il poussa cette indigne vie aussi longtemps qu’il lui fut possible, et il n’avait guère moins de trente-trois ans quand il la quitta. […] Mazarin une fois mort, ces quatre hommes qui s’étaient contenus sous lui, et qui avaient masqué leurs prétentions ou leurs faiblesses pour mieux pousser leur fortune, crurent n’avoir plus les mêmes mesures à garder, et chacun se déclara : « L’ambitieux (Fouquet) se distilla en projets et eut l’insolence de dire : Où ne monterai-je point ?

308. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Puis, tout à coup, sa perspicacité d’homme d’État revenait à la traverse pour l’avertir qu’il poussait lui-même à l’abîme ; et redescendu du théâtre et du rôle : « Mais à quoi donc pensent ces gens-là ? […] » Une fois même, poussé à un état d’exaspération plus violent que de coutume, il s’écria : « Tout est perdu ; le roi et la reine y périront, et vous le verrez : la populace battra leurs cadavres. » — Il remarqua, ajoute M. de La Marck, l’horreur que me causait cette expression. « Oui, oui, répéta-t-il, on battra leurs cadavres ; vous ne comprenez pas assez les dangers de leur position ; il faudrait cependant les leur faire connaître. » Après les journées des 5 et 6 octobre qui amenèrent le roi et la reine captifs à Paris, journées auxquelles, malgré d’odieuses calomnies, il ne prit aucune part que pour les déplorer et s’en indigner, Mirabeau, sentant que la monarchie ainsi avilie aurait eu besoin de se relever aussitôt par quelque grand acte, dressa un mémoire qu’on peut lire à la date du 15 octobre 1789. […] Comme Mirabeau ne rétrograde en rien, tout en voulant pousser le couple royal !

309. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Pigalle fut choisi pour faire la statue du patriarche ; mais quand elle sut que le statuaire voulait le faire absolument nu, Mme Necker poussa les hauts cris. […] Il est curieux de voir jusqu’où elle a poussé et jusqu’où l’on a poussé autour d’elle ce principe d’erreur ; car je n’excepte point M. 

310. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Ces dissipations, celles qu’il trouvait à Passy où il était allé loger chez son ami et Mécène M. de La Popelinière, cette vie de soupers et de plaisirs, arrêtèrent les premiers succès de Marmontel et nuisirent à son essor tragique, en supposant qu’il eût été de force à se pousser dans cette voie. […] Parlant des dîners d’Helvétius et de d’Holbach, Marmontel pousse bien loin l’indulgence du souvenir quand il avance « qu’il est des objets révérés et inviolables qui jamais n’y étaient soumis au débat des opinions. […] Jeune, nous le voyons tel qu’il se peint lui-même, très répandu, très peu stoïque, actif à réussir, à se pousser dans le monde, à se procurer honnêtement des appuis : s’il a un pied chez Mme de Pompadour, il n’est pas mal avec la petite cour du Dauphin.

311. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Pierre Janet, je me pince fortement le bras ou la jambe, elle pousse des cris et s’indigne qu’on la pince au bras ou au mollet. […] Mme B… poussa des cris terribles et j’eus de la peine à la maintenir. […] La sensation du cri d’angoisse, c’est ce cri nous traversant tout entier, nous faisant, vibrer d’une façon symétrique aux vibrations nerveuses de l’être qui l’a poussé ; de même, la vision d’un mouvement commence en nous-mêmes ce mouvement.

312. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Je ne veux pas discourir sur cette opinion qui ne me paraît pas dénuée de bon sens ; je me borne à constater d’une part : que le plus grand nom et le plus original que l’art du roman ait produit avec chance de durée, depuis Flaubert, est Maupassant, qui reçut de son maître la règle et ne s’en cacha point ; et, d’autre part, que jamais plus qu’aujourd’hui on ne poussa plus loin l’aversion d’une discipline, ni la croyance à l’inspiration individuelle. […] On sait à quel fanatisme les Parnassiens le poussèrent, se condamnant ainsi à la perfection stérile ou la mort. […] Pradel, etc… Ils ne dédaignaient pas les grands mots : « Nous ne sommes pas une coterie, nous n’organiserons pas des congrès, nous ne nous estomaquerons pas d’éloges réciproques, nous ne nous offrirons pas de mutuelles frairies, nous n’avons pas de grand homme de neige à pousser au soleil de la renommée, nous ne tenterons pas de restaurer sur des tréteaux de baladins les tables saintes de Cana, dans la secrète espérance d’y voir surgir entre la poire et le fromage quelque nouveau messie qui nous ferait participer, sur le vain Thabor de la gloire humaine, au resplendissement de son éventuelle divinité.

313. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Tarde 59, pousse le cercle social, quel qu’il soit, à s’accroître sans cesse. […] L’action des formes sociales est souvent aidée, ainsi, par d’autres forces qui poussent dans le même sens. […] En ce sens le grand nombre même des éléments sociaux nous pousse naturellement à leur réserver, avant qu’ils n’aient fait la preuve de leurs différences, un traitement uniforme.

314. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

P… s’empare du chapeau, le jette dans la rivière sans être aperçu, et se met à pousser des cris qui, en un clin d’œil, attirent un groupe de curieux vers les parapets. […] Arrive, en effet, un second domino, auquel celui qui n’avait jamais été au bal pousse le coude d’une certaine façon. […] Janin à propos de son oiseau, le critique pousse l’ironie jusqu’à proposer au fâcheux de lui en faire cadeau. […] Mais, tout à coup, le monsieur qui s’occupe de littérature tire son mouchoir de poche et pousse un cri d’étonnement— Qu’est-ce donc ? […] — Cependant un matin, à l’heure où tous les chats de Londres se réveillent au cri de milk milk, poussé par les marchands de lait, le mécanicien crut, comme Angelo, entendre du bruit dans son mur.

315. (1896) Études et portraits littéraires

Taine pousse à bout ses métaphores, à travers les alinéas et les pages. […] Les mémoires authentiques, qui forment une littérature, finissent de pousser dans le sens du vrai. […] un tableau de réalité composé, poussé ? […] Elle l’incite, elle le pousse à devenir le plus et le mieux possible lui-même. […] Émile achève une mortaise, Sophie pousse sur une planche un rabot qui ne mord pas ; doux passe-temps.

316. (1911) Études pp. 9-261

Le bâton de l’Empereur a poussé deux branches latérales, et c’est le signe que présente au peuple l’Explorateur de l’Enfer. […] Une impatience les pousse et les force à se produire tous ensemble avant de s’être rendus compatibles. […] Aussi faudra-t-il nous garder de pousser jusqu’au bout l’interprétation abstraite de chacun de ses livres. […] En même temps il ramène doucement la pensée vers l’épisode où il eut son imperceptible origine ; il pousse vers lui un peu de sa signification, il lui ajoute de la profondeur. […] Le livre prend une direction ; il est poussé par une instance de plus en plus grande, par une sorte de dépassement intérieur de ses parties.

317. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Et encore ne nous arrêtâmes-nous là que parce que notre érudition ne poussait pas plus loin. […] Il faut que tout le monde y pousse franchement jusqu’au grotesque. […] Si elle n’existait pas, et au degré inouï auquel Molière a cru la devoir pousser, il n’y aurait plus de pièce. […] La scène est très comique, mais de ce comique profond et triste, qui pousse à la réflexion plus encore qu’au rire. […] Jamais il n’a poussé si loin que dans Le Malade imaginaire ce que l’on appelle aujourd’hui la rosserie.

318. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Réponse à une lettre de M. Grimm » pp. 205-206

Il y avait telle statue qu’il poussait à l’odorat jusqu’à cent mille sesterces.

319. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Rathery »

Seulement, comme rien n’est moins tangible qu’une influence, comme rien ne peut faire plus aisément mirage à la pensée, il faut apporter dans l’étude qu’on s’en propose les qualités des esprits positifs poussées jusqu’à l’outrance.

320. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Marsillac, au moment où il s’attacha à Mme de Longueville, voulait, avant tout, se pousser à la cour et se venger de l’oubli où on l’avait laissé : il la jugea propre à son dessein. […] La vengeance et le dépit l’y poussaient plus qu’une ambition sérieuse : de beaux restes de roman venaient à la traverse ; la vie privée et sa douce paresse, par où il devait finir, l’appelaient déjà. […] Vauvenargues, qui commença l’un des premiers la réhabilitation, le remarque très-bien : « L’homme, dit-il, est maintenant en disgrâce chez tous ceux qui pensent, et c’est à qui le chargera de plus de vices ; mais peut-être est-il sur le point de se relever et de se faire restituer toutes ses vertus… et bien au delà144. » Jean-Jacques s’est chargé de cet au delà ; il l’a poussé si loin, qu’on le pourrait croire épuisé. […] L’expérience est utile, elle est féconde ; oui, mais comme un fumier qui aide à pousser des blés et des fleurs.

321. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) I « Tant que les révolutions ne sont pas achevées, l’instinct du peuple pousse à la république ; car il sent que toute autre main que la sienne est trop faible pour imprimer l’impulsion qu’il faut aux choses. […] La soudaineté de la chute, l’incertitude prolongée, les vicissitudes de crainte et d’espérance, la bataille qui se livrait aux portes et dont ils étaient le prix sans même voir les combattants, les coups de canon, la fusillade retentissant dans leur cœur, s’éloignant, se rapprochant, s’éloignant de nouveau comme l’espérance qui joue avec le moment, la pensée des dangers de leurs amis abandonnés au château, le sombre avenir que chaque minute creusait devant eux sans en apercevoir le fond, l’impossibilité d’agir et de se remuer au moment où toutes les pensées poussent l’homme à l’agitation, la gêne de s’entretenir même entre eux, l’attitude impassible que le soin de leur dignité leur commandait, la crainte, la joie, le désespoir, l’attendrissement, et, pour dernier supplice, le regard de leurs ennemis fixé constamment sur leurs visages pour y surprendre un crime dans une émotion ou s’y repaître de leur angoisse, tout fit de ces heures éternelles la véritable agonie de la royauté. […] « Danton fut surtout poussé au meurtre par une cause plus personnelle et moins théorique : son caractère. […] Un peuple qu’on aurait besoin d’enivrer de sang pour le pousser à défendre sa patrie serait un peuple de scélérats et non un peuple de héros.

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