C’est là, suivant M. de Musset, le don Juan véritable, tout poétique, Que personne n’a fait, que Mozart a rêvé, Qu’Hoffmann a vu passer, au son de la musique, Sous un éclair divin de sa nuit fantastique, Admirable portrait qu’il n’a point achevé, Et que de notre temps Shakspeare aurait trouvé. […] Au point de vue poétique, rien de plus charmant, de mieux trouvé et de mieux enlevé. […] Faites l’incrédule, retournez-les en tous sens, mettez-y le scalpel, cherchez chicane à votre plaisir, il peut s’y rencontrer quelques taches, des tons qui crient ; mais, si vous avez le sentiment poétique vrai et si vous êtes sincère, vous reconnaîtrez que le souffle est fort et puissant ; le dieu, dites si vous voulez le démon, a passé par là. […] » Cet amour fut le grand événement de la vie de M. de Musset, je ne parle que de sa vie poétique.
Un caractère généreux, poétique et chevaleresque, voilà ce qui le distinguait à nos yeux : le philosophe nous échappait d’autant plus qu’il n’existait pas même de classe de philosophie au collège de Lons-le-Saulnier. […] une belle illusion de sa poétique imagination.
Teodor de Wyzewa J’ai lu le Geste ingénu avec le souci d’y percevoir l’instrumentation poétique. […] René Ghil, qui, dans l’édition du Traité du verbe publiée en 1888, avait exposé complètement et définitivement la philosophie de son œuvre, laquelle philosophie partait du transformisme et donnait comme substratum à l’idée poétique l’idée scientifique.
Van Bever Rimbaud laisse un bagage poétique fort restreint, et qui date de sa prime jeunesse. Néanmoins, la grande originalité de ses poèmes, jointe à la maîtrise de son procédé, font de lui un des précurseurs de la poétique nouvelle.
Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures ; figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux ; et ceux-là les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme, et vous avez la poésie de M. […] Elles sont moins des poésies qu’une œuvre poétique de la plus forte unité. […] Mais qu’il ait desséché sa veine poétique (ce que nous ne pensons pas) parce qu’il a exprimé et tordu le cœur de l’homme lorsqu’il n’est plus qu’une épongé pourrie, ou qu’il l’ait, au contraire, survidée d’une première écume, il est tenu de se taire maintenant, — car il a des mots suprêmes sur le mal de la vie, — ou de parler un autre langage.
Le bonapartisme poétique pouvait donc devenir, pour la France, comme une consolation de ses derniers revers, puisée dans le souvenir de ses triomphes passés. […] Dans la lumière de ce grand talent poétique on aperçoit quelques ombres. […] Ce morceau poétique n’est cependant point à la hauteur des Méditations ; on voit trop que le poète ne sent pas ce qu’il exprime. […] M. de Lamartine entre ainsi, sans s’en douter, dans la conspiration du bonapartisme poétique. […] C’est l’âge philosophique du génie poétique de
Il n’y a donc pas une barrière infranchissable entre la prose et la poésie ; et même à certaines époques de notre littérature, c’est dans la prose de quelques grands écrivains que le rythme poétique se réfugie : J. […] Le désharmonisé, au contraire, cherchera, par l’art, à rétablir en lui l’harmonie : d’où son œuvre artistique, poétique ou musicale. […] Cette vivification a manqué à beaucoup d’œuvres poétiques, d’un art sincère et puissant, pour qu’elles se propagent. […] Par son métier poétique, Marie Dauguet appartient à l’école symboliste, et ses maîtres sont Baudelaire et Verlaine. […] Ce que Marie Dauguet n’avait qu’insinué dans ses premiers volumes, elle le clame ici avec une sorte de poétique impudeur.
André Bellessort s’exprime avec une sympathie poétique dont ils semblent transfigurés. […] N’est-ce pas, en quelques mots, la condensation d’une matière poétique, celle du livre de l’Aurore, par Maurice Bouchor ? […] Mais est-il rien de poétique, en vérité, comme le pathétique étrange, intime, indéfinissable, de ses drames en prose ? […] L’Art poétique. — XIV. […] Il n’en est pas ainsi de l’Art poétique, écrit au mois d’avril.
Chez tous les trois, ce développement plein de grandeur auquel, dans l’espace de vingt-cinq années, on dut les Études et les Harmonies de la Nature, Delphine et Corinne, le Génie du Christianisme et les Martyrs, s’accomplissait au moyen d’une prose riche, épanouie, cadencée, souvent métaphysique chez madame de Staël, purement poétique dans les deux autres, et d’autant plus désespérante, en somme, qu’elle n’avait pour pendant et vis-à-vis que les jolis miracles de la versification delillienne. […] Une personne grave et peu habituée aux comparaisons poétiques, qui avait en ce temps l’occasion de le voir avec ses sœurs sous l’aile de la mère, ne pouvait s’empêcher de comparer cette jeune famille aimable et d’un essor si naturel à une couvée de colombes. […] Il fut ensuite à Paris, s’y laissa aller, bien qu’avec décence, à l’entraînement des amitiés et de la jeunesse, distrait de ses principes, obscurci dans ses croyances, jamais impie ni raisonneur systématique ; versifiant beaucoup dès lors, jusque dans ses lettres familières, songeant à la gloire poétique, à celle du théâtre en particulier ; d’ailleurs assez mécontent du sort et trouvant mal de quoi satisfaire à ses goûts innés de noble aisance et de grandeur. […] La mort d’Elvire, une maladie mortelle de l’amant, son retour à Dieu, le sacrifice qu’il fait, durant sa maladie, de poésies anciennes et moins graves, quoique assurément avouables devant les hommes, tels sont les événements qui précèdent l’apparition des Méditations poétiques, laquelle eut lieu dans les premiers mois de 1820. […] À une distance plus rapprochée des premières Méditations, il pouvait sembler du moins que l’image d’Elvire dominait sa vie, qu’elle en était l’accident essentiel, la romanesque et poétique inspiration, et qu’à mesure qu’il s’éloignerait d’elle tout en lui pâlirait.
Ampère : la tendance purement poétique et l’historique. […] Tant de richesse riante n’est pas nécessaire pour que l’esprit poétique dont je parle, et qui s’est refoulé, se refasse son emploi. […] Cette intelligence secrète et sentie que n’ont pas eue tant d’estimables historiens, pourtant réputés à bon droit critiques, ce don, cet art particulier dont la sobre magie se dissimule à chaque pas, qui ne convertit pas tout en or, mais qui rend à tout ce qu’il touche la qualité propre et la vraie valeur, tient de très-près à l’esprit poétique, modéré et corrigé comme je l’entends. […] On arriverait naturellement à cette conséquence assez singulière, que, sous une telle forme sobre et dissimulée, l’esprit poétique, intime, précis, et en tant qu’il touche aux racines mêmes, existe plus peut-être que dans d’autres manières bien autrement brillantes et spécieuses, où le critique écrivain se rapproche et s’inspire davantage de l’orateur et du peintre. […] Ampère, en se livrant même éperdument à ces excursions lointaines et parfois presque sauvages, dut à l’espèce d’idéal poétique que caressa toujours son imagination, de ne jamais renoncer aux monuments des grands siècles, d’en garder le goût, et d’en maintenir le culte en lui avec une religion très-tolérante sans doute, pourtant très-sincère.
« Ce qui n’est pas historique ne nous apparaît pas immédiatement comme possible : les faits historiques, au contraire, sont évidemment possibles : ils ne seraient pas arrivés, en effet, s’ils n’étaient possibles. » Au point de vue poétique, l’histoire et la légende sont équivalentes : mais il est notable que Corneille les distingue. Sa conception de la vérité dramatique est rationaliste, bien plutôt que poétique. […] Il a pris ses sujets presque exclusivement dans l’histoire, et chez les historiens : Rodogune, c’est l’Asie hellénisée des successeurs d’Alexandre ; Suréna, c’est l’empire parthe ; Pertharite, ce sont les Lombards : le Cid, don Sanche malgré leurs origines poétiques, sont encore des sujets d’histoire. […] Loin de parler de galimatias, pour quelques endroits où la construction a vieilli, ce qu’il faut louer, c’est la netteté, la facilité du style poétique de Corneille. […] Il ne crée pas, avec les mots, les images, les harmonies de son vers, une sorte d’atmosphère poétique où vivront ses héros ; au contraire, il dessine la courbe de leur effort sur un fond neutre, qui laisse la pensée libre, et ne dérobe aucune partie de l’attention.
Il a voulu concilier et marier le sentiment poétique qu’il possède avec celui des souvenirs légendaires qu’il a recueillis. […] Demesmay, et où il a mis sa forme élégante aux souvenirs poétiques de sa patrie, on reconnaît un disciple souvent heureux de l’école de 1828, un lecteur enthousiaste des Odes et Ballades.
Son père, une fois le premier deuil fait, s’accommodait très-bien de cette ambition poétique de son fils. […] Son père, premier confident de toutes ses élucubrations poétiques, ne le décourageait pas, et il lui arrivait quelquefois de dire à l’un de ses bons amis lyonnais, M. […] Ce fut Fauriel qui coupa court à cette première ébullition poétique sans objet bien précis, et qui le mit dans sa vraie voie, la critique sérieuse et la littérature comparée. […] Je reviens au succès de notre jeune voyageur à la cour poétique de Weimar, succès rapide et complet, tout à fait justifié dans sa personne. […] Il n’y avait pas assez de place dans le ciel poétique pour tous deux, — deux soleils à la fois !
En un mot, ces grands individus me paraissent tenir au génie même de la poétique humanité, et en être la tradition vivante perpétuée, la personnification irrécusable. […] Il a bien accordé à Molière d’avoir le génie du burlesque, mais en un sens prosaïque, comme il eût fait à Scarron, et en préférant de beaucoup le génie fantastique et poétique du comédien Le Grand. […] Jourdain, Argant, c’est le côté de Sganarelle continué, mais plus poétique, plus dégagé de la farce du Barbouillé, plus enlevé souvent par-delà le réel. […] Je lis dans Cizeron-Rival le trait suivant, qui éclaire et précise le passage de l’Art poétique : « Deux mois avant la mort de Molière, M. […] Boileau dut écrire, ce me semble, le passage de l’Art poétique sous l’impression qui lui resta du précédent entretien.
L’œuvre poétique de M. […] Mais surtout, il aura consacré, en l’art poétique, des objets ordinairement méprisés. […] On commençait à se libérer de la poétique, étroite et dogmatique, du Parnasse contemporain. […] Adolphe Retté préparait un grand effort de synthèse poétique. […] L’une de ses gloires aura donc été de chanter sans poétique, d’accorder ses chansons selon ses sentiments, de les rythmer au gré de ses frissons.
C’étoit un poëte qu’elle expliquoit, car elle n’aimoit pas la prose, et elle n’a pas lu Cicéron ; mais comme elle se plaisoit fort à la poésie, elle lisoit particulièrement Virgile et Horace ; et comme elle avoit l’esprit poétique et qu’elle savoit tout ce qui convenoit à cet art, elle pénétroit sans peine le sens de ces auteurs. » Un peu plus loin, il revient sur les mérites de M. […] Il y a des jours plus sérieux et non moins délicieux, où, à Saint-Maur, dans cette maison que M. le Prince avait prêtée à Gourville, et dont Mme de La Fayette jouissait volontiers, on entendait en compagnie choisie la Poétique de Despréaux qu’on trouvait un chef-d’œuvre. Puis une autre fois, en dépit de Despréaux et de sa Poétique, on allait à Lulli, et, à de certains endroits de l’opéra de Cadmus, on pleurait : « Je ne suis pas seule à ne les pouvoir soutenir, disait Mme de Sévigné ; l’âme de Mme de La Fayette en est tout alarmée. » Comme cette âme alarmée est bien la délicatesse même ! […] Mais Versailles et la Poétique de Despréaux, et l’opéra de Lulli, et les gaietés sur la Marans sont toujours vite interrompus par cette misérable santé qui, avec sa fièvre tierce, ne permet pas qu’on l’oublie, et devient peu à peu l’occupation principale. […] On a vu qu’elle écoutait chez Gourville, c’est-à-dire chez elle, la Poétique de Boileau122.
155 Cette imagination lucide et féconde est comme une sève intarissable qui produit partout la vie poétique. […] Nous voyons la fable dans ses deux états, prosaïque, puis poétique ; nous n’avons qu’à retrancher l’un de l’autre, pour savoir exactement en quoi consiste la poésie. […] Il erre çà et là, léger, ailé, sacré, comme dit Platon, dans les prairies poétiques, et, à ce qu’il semble, à l’aventure, mais avec un choix et des préférences qu’il n’aperçoit pas. […] Le poëte est meilleur moraliste que le raisonneur : car à chaque instant il applique les règles du syllogisme poétique et corrige les fausses preuves de ses devanciers. […] Les grandes oeuvres poétiques sont comme les grandes oeuvres naturelles : elles renferment un raisonnement intérieur dont elles n’ont pas conscience, et sont un syllogisme en action.
Gosselin, libraire et imprimeur déjà célèbre, se pressait d’imprimer et de donner au public mes premiers essais de poésie, intitulés : Méditations poétiques et religieuses. […] J’avais eu l’occasion, l’année précédente, de rencontrer à Chambéry une jeune personne anglaise, d’un extérieur gracieux, d’une imagination poétique, d’une naissance distinguée, alliée aux plus illustres familles de son pays. […] Moi aussi je fus, pendant mes premières années poétiques, infatué sur parole du mérite de ce grand homme d’intention. […] Lord Byron avait commencé sa réputation immortelle par la publication d’un poème en quatre chants, ou plutôt d’une grande excentricité poétique, aussi originale et aussi vagabonde que son imagination, intitulée le Pèlerinage de Childe Harold. […] Cette imprécation renferme ce que renferme toute imprécation, c’est-à-dire tout ce que l’imagination d’un poète, quand il rencontre un pareil sujet, peut lui fournir de plus fort, de plus général, de plus exagéré, de plus vague, contre la chose ou le pays sur lesquels s’exerce la fureur poétique de son héros.
La marche lente d’une procession pieuse, la blancheur des vêtements, la vapeur de l’encens, le son mesuré des voix, la douceur poétique des paroles et par-dessus tout l’enthousiasme des âmes, la vénération du récent martyr, l’aspiration aux mêmes souffrances, faisaient la grandeur de la liturgie nouvelle. […] Mais, dans cette perte de l’art et de sa gracieuse élégance, on sent parfois encore palpiter l’âme poétique : « Toi qui reçus la salutation de l’Ange et enfantas le Créateur198, ô Vierge ! […] Quand le culte même était si poétique, quand la prière publique était un hymne et l’auditoire une assemblée de néophytes enthousiastes, aisément devait renaître et se détacher de la foule une poésie plus haute et vraiment inspirée. […] Mais comment ne pas voir avec surprise le magnifique idiome de Pindare et de Sophocle se pliant à ces nouveautés étranges pour lui, et les parant encore de sa grâce poétique ? […] Il aura rempli son saint ministère d’évêque, comme il le concevait, comme il l’exprimait dans un de ses discours, non moins poétique, non moins élevé que ses hymnes.
Il y aurait sur un point, et pour montrer l’insuffisance de son procédé poétique dans cette seconde manière, une comparaison facile à établir. […] Il n’a pas, à la vérité, les traits aigus de Lucain et de Stace, mais il a quelque chose que j’estime plus, qui est une certaine égalité nette et majestueuse qui fait le vrai corps des ouvrages poétiques, ces autres petits ornements étant plus du sophiste et du déclamateur que d’un esprit véritablement inspiré par les muses. […] Ce n’est pas, à cette heure, que je ne lui trouve bien des défauts hors de ce feu et de cet air poétique qu’il possédait naturellement, car on peut dire qu’il était sans art et qu’il n’en connaissait point d’autre que celui qu’il s’était formé lui-même dans la lecture des poètes grecs et latins, comme on le peut voir dans le traité qu’il en a fait à la tête de sa Franciade. […] Le même défaut de jugement paraît dans son grand ouvrage, non seulement dans ce menu de termes et matières inconnues à ce siècle, mais encore dans le dessein, lequel, par ce que l’on en voit, se fait connaître assez avoir été conçu sans dessein, je veux dire sans un plan certain et une économie vraiment poétique, et marchant simplement sur les pas d’Homère et de Virgile, dont il faisait ses guides, sans s’enquérir où ils le menaient.
— 1836 Depuis six ans environ, il s’est fait un assez bon nombre de tentatives poétiques pour sortir du genre qu’on pourrait appeler élégiaque, lyrique, individuel, du genre de l’art pour l’art, de ces deux cercles voisins l’un de l’autre et où se dessinent hautement Gœthe et Byron. […] On hésite à faire l’aumône d’une louange restreinte, mais sentie, et d’un regret compatissant (lorsqu’elles échouent), à ces vastes ambitions poétiques qui demandent du premier coup un monde tout entier nouveau, qui voudraient doter de leur poésie, comme d’une religion, l’univers, et à qui le rameau de Dante semblerait parfois trop léger. […] La quantité de préludes que nous entendons, la riche matière poétique qu’on broie à l’envi sur ce sujet, au lieu de préparer l’œuvre finale, ne la rendent-ils pas plus difficile ? […] Je vois en lui un neveu errant et quelque peu sauvage de Corneille et de Schiller, de ce dernier surtout, un élève lyrique de Gœrres, qui, pour nous Français, a sans doute trop vécu sur le Rhin, sous les balcons de Heidelberg, et qui n’a pas assez cuvé parmi nous cette première ébriété poétique, laquelle vaut mieux pourtant qu’une clarification trop glacée.
Cherchant à me rendre compte de son talent lyrique et poétique, et des limites naturelles de cette vocation, j’écrivais dans le Globe (20 mars 1827), lorsque parurent les Sept Messéniennes nouvelles, le jugement que voici : — Quand un beau talent a remporté, du premier coup, un succès d’enthousiasme, et qu’une prédilection presque unanime s’est plu à le parer, jeune encore, et des louanges qu’il méritait déjà et de celles qu’on rêvait pour lui dans l’avenir, il arrive difficilement qu’une gloire où l’espérance a tant de part soutienne toutes ses promesses, et que l’augure si brillant de son début ne finisse point par tourner contre elle. […] La génération à laquelle il appartient avait besoin, elle a besoin encore d’un interprète qui exprime en traits de feu cette âme poétique qu’elle sent s’agiter confusément en elle, d’un prophète qui lui dévoile cet avenir de science et de liberté auquel elle aspire. […] L’ensemble de son talent et de ses ouvrages n’a cessé de le mériter : en ce temps d’inégalités, de revirements et de cascades sans nombre, la conscience poétique suivie, la continuité du bien et de l’effort vers le mieux marquent un trait de force et d’originalité aussi. […] Les talents poétiques et littéraires d’aujourd’hui (sans parler des autres, politiques et philosophes) sont soumis à de redoutables épreuves qui furent épargnées aux beaux génies du siècle de Louis XIV, et il est bien juste de tenir compte, en nous jugeant, de ces difficultés singulières qu’on a à subir.
Et à toutes les époques de trouble et de renouvellement, quiconque, témoin des orages politiques, en saisira par quelque côté le sens profond, la loi sublime, et répondra à chaque accident aveugle par un écho intelligent et sonore ; ou quiconque, en ces jours de révolution et d’ébranlement, se recueillera en lui-même et s’y fera un monde à part, un monde poétique de sentiments et d’idées, d’ailleurs anarchique ou harmonieux, funeste ou serein, de consolation ou de désespoir, ciel, chaos ou enfer ; ceux-là encore seront lyriques, et prendront place entre le petit nombre dont se souvient l’humanité et dont elle adore les noms. […] Avec un auteur aussi peu naïf que Jean-Baptiste, chez qui tout vient de labeur et rien d’inspiration, il n’est pas inutile de rechercher, avant l’examen des œuvres, quelles furent les idées d’après lesquelles il se dirigea, et de constater sa critique et sa poétique. […] Les jugements et les lectures de Rousseau répondaient à une aussi forte poétique ; c’est de finesse surtout qu’il manque. […] Je me suis trompé en disant que Rousseau ne s’inquiétait jamais de l’idée ; il a fait une ode sur les Divinités poétiques, dans laquelle est exposé en style barbare un système d’allégorisation qui ne va à rien moins qu’à mettre Bellone pour la guerre, Tisiphone pour la peur.
Fontanes, connu par des débuts poétiques purs et touchants, s’en retire bientôt, s’endort dans la paresse, et s’éclipse dans les dignités : c’est là une fin non poétique, assez discordante, et que l’imagination n’admet pas. […] Cette pièce que chacun sait par cœur, et qui est l’expression délicieuse d’une mélancolie toujours sentie, suffit à sauver le nom poétique de Millevoye, comme la pièce de Fontenay suffit à Chaulieu, comme celle du Cimetière suffit à Gray. […] C’était le temps de la mode d’Ossian et d’un Charlemagne enjolivé, le temps de la fausse Gaule poétique bien avant Thierry, des Scandinaves bien avant les cours d’Ampère, de la ballade avant Victor Hugo ; c’était le style de 1813 ou de la reine Hortense, le beau Dunois de M.
J’y mettrais Molière, le génie poétique le plus complet et le plus plein que nous ayons eu en français : Molière est si grand, disait Goethe (ce roi de la critique), qu’il nous étonne de nouveau chaque fois que nous le lisons. […] Marie-Joseph Chénier a tracé la poétique de ces écrivains modérés et accomplis dans ces vers ou il se montre leur heureux disciple : C’est le bon sens, la raison qui fait tout, Vertu, génie, esprit, talent et goût. […] Elle a du vrai, si l’on n’use qu’avec à-propos, si l’on n’abuse pas de ce mot raison ; mais il est évident qu’on en abuse, et que si la raison, par exemple, peut se confondre avec le génie poétique et ne faire qu’un avec lui dans une Épître morale, elle ne saurait être la même chose que ce génie si varié et si diversement créateur dans l’expression des passions du drame ou de l’épopée. […] Rien ne blase et n’éteint plus le goût que les voyages sans fin ; l’esprit poétique n’est pas le Juif errant.
Cette maxime, que nous ne prétendons pas étendre à tous les genres, mais qui, bien approfondie, suffit seule pour conserver la couronne poétique à Fénélon, se trouve développée dans les Ouvrages de cet Ecrivain, par des raisons aussi lumineuses que solides. […] Dans ses Réflexions sur la Grammaire, la Rhétorique, la Poétique & l’Histoire, on admire le Littérateur éclairé, l’Erudit sans étalage, l’homme de goût sans affectation. […] Réflexions sur la Poétique, &c. adressée à M.
Les vieilles défroques poétiques que je retrouve dans les anges et le ciel de Swedenborg, et qui me les gâtent, lui paraissent, à lui, de la vraie poésie, et je lui en fais mon compliment. […] Mais que ce juge vienne bientôt ou tarde, nous aurons fait ce pas, nous, que quelle que soit la réalité du mysticisme de Swedenborg, ce mysticisme n’est pas, après tout, si magnifique et si grandi Nous qui pensons que l’Église seule s’entend aux questions du surnaturel et doit seule en connaître, nous ne trouvons pas moins dans le surnaturel de Swedenborg quelque chose qui est de notre ressort, — c’est sa valeur poétique, sa valeur d’effet sur les imaginations littéraires. […] Matter l’a frappé d’un coup plus net et plus terrible que le chef-d’œuvre de Balzac ; car, si ce livre l’a épargné comme conscience morale, comme force poétique, il l’a décapité.
Vous savez avec quels accents il y parle du mendiant Homère et de Virgile, qui garda les chevreaux ; seulement, la pauvreté d’Homère et l’humble condition de Virgile sont des misères poétiques et pittoresques. […] Seulement, par un privilège de ces adorables natures poétiques quelquefois délicieusement fondues, de temps à autre le muscle de la Force peut saillir tout à coup dans le doux contour de la Grâce, et créer alors cet hermaphrodisme divin dont les Grecs, moins prudes que nous et plus connaisseurs, faisaient deux beautés réunies, et non pas une monstruosité ! […] J’ai toujours protesté contre la popularité actuelle de cette forme poétique, aimée des asthmatiques de cet imbécille temps de décadence, où les larges poitrines et les longueurs de souffle deviennent plus rares de plus en plus.
Mme de Staël, ce grand poète en prose, — comme on peut l’être en prose, — qui avait fait chanter Corinne, n’existait plus… Tout à coup, comme pour nous consoler de cette perte et pour la réparer, se mit à jaillir dans la vie (le mot n’est pas trop fort pour dire l’impétuosité de cette jeunesse) une jeune fille qui, elle, chantait de vraies poésies, car elle parlait cette langue des vers que rien, dans l’ordre poétique, ne peut remplacer. […] Elle-même s’enivra aux émotions qu’elle fit naître, mais tout le monde fut de si bonne foi que quand un jour, se croyant une Jeanne d’Arc poétique, elle se proclama Muse de la patrie, personne ne rit dans ce malin pays de France où le sentiment du ridicule est peut-être toute la gaieté. […] Au lieu de cet être poétique dont la prétention n’avait pas fait sourire et qui avait l’émotion de la jeunesse, quoiqu’elle la prit un peu trop pour la palpitation du génie, Mme de Girardin devint une femme littéraire, surabondamment littéraire, noircissant infatigablement du papier, comme le font tous les hommes et toutes les femmes de ce temps de production facile.
Il fallait avoir l’instinct profond des choses poétiques, vibrer en accord parfait avec elles et surtout n’être pas enterré sous ce gazon qui fleurissait l’estimable crâne de Walckenaer comme une tombe, et M. […] Il n’y a rien à reprendre dans les investigations étendues, délicates et subtiles qu’il creuse en ce phénomène poétique qui se nomme La Fontaine, ni dans sa conception de la poésie en général et de la poésie de La Fontaine en particulier. […] mais toutes ses compositions poétiques !