Il est plein d’ironie, mais ne l’exerce jamais plus vivement qu’aux dépens de sa propre désolation. […] Avec une extrême virtuosité, le poète entreprend et réussit de menus tours de force pleins d’agréments. […] Elles sont pleines d’agréments — elles amusent. […] La poésie de Mallarmé est pleine de mystère, celle de Heredia en est vide. […] Il est plein de bonhomie et de bonne humeur.
Il fait un beau ciel de printemps, plein d’un jeune soleil, et tout caquetant du gazouillement des oiseaux. […] Je suis très triste et plein des plus douloureux pressentiments. […] J’avais lu dans un journal que c’était le bruit particulier des boulets pleins. […] Cet ouvrier est à la fois stupide et plein de bon sens. […] Derrière suivent deux voitures pleines de fusils.
Ils prennent la boue à pleines mains et la lancent à leur adversaire sans croire se salir. […] Il a horreur de ses mains pleines de sang, de ses mains de bourreau. […] C’est un conte — dit par un idiot, plein de fracas et de furie, — et qui n’a pas de sens288. […] C’est un jardin de mauvaises herbes — qui montent en graine, toutes moisies et grossières ; — il en est plein, il n’y a rien d’autre… Qu’elle en soit venue là ! […] Ensuite le soldat, — plein de jurons bizarres, barbu comme un léopard, — jaloux de son honneur, brusque et violent en querelles ; — cherchant la fumée de la gloire — à la gueule du canon.
On les avait bercés de contes fantastiques d’un âge plein de fièvre, de passion et d’audace. […] Ils ont foi en eux-mêmes, et avec une telle force, on vit vieux, plein de santé, et à cinquante ans on a les cheveux noirs. […] Courbet des conclusions pleines d’un grand bon sens. […] J’ai la main pleine de vérités, je me dépêche de l’ouvrir. […] Le réalisme ne fait pas que côtoyer le ridicule, il y vogue à pleines voiles, et c’est ce qui les désespère.
ne laissons pas le peuple en proie aux vulgaires déclamations des démagogues, mais marchons à sa rencontre, en chantant, avec des gerbes plein les bras. […] Aujourd’hui, il se révèle un romancier original, plein d’avenir. […] Henry Bérenger ; il est à la fois très documenté et plein d’aperçus nouveaux. […] Comme elle est pleine de courtoisie, elle décevra sans doute les fidèles lecteurs de la Tribune Libre. C’est une manifestation pleine de dignité et que je ne regrette pas d’avoir provoquée.
C’est positif, son estomac s’est fondu, et son individu est comme allongé, étiré, et ce qui est parfaitement curieux surtout, c’est que le fin modelage de sa figure passée, perdu dans la pleine et grosse face de ces dernières années, s’est retrouvé, et que, vraiment, il recommence à ressembler à son portrait de Manet. […] Il est tout plein d’anecdotes, contées avec un amusant frétillement du facies, et entremêlées de jolies images, comme celle-ci, où à propos de l’émotion de Villemessant, dans une circonstance quelconque, il compare cette émotion, à l’envie de pleurer d’un monsieur, qui s’arrache un poil dans le nez. […] Là-dessus, Daudet se met à parler des gens de valeur, que des circonstances, la paresse, n’ont jamais laissé se produire, et qui meurent tout entiers, faute d’un Eckermann, et le nom d’un ami lui vient à la bouche, comme celui d’un de ces hommes, tout plein de choses délicates, et qui aura passé dans la vie, sans laisser de trace. […] le théâtre, c’est plein d’imprévu hostile ! […] Mais votre pièce nous a saisis, bouleversés, enthousiasmés, et des jeunes gens qui, comme moi, ne vous connaissaient guère, trois heures avant, et qui n’avaient pour votre art qu’une estime profonde, sont sortis pleins d’une admiration affectueuse pour vous.
Quand la paupière fut pleine, la larme coula le long de sa joue livide, et il dit presque en bégayant, bas et se parlant à lui-même, l’œil perdu dans les profondeurs : — Ô toi ! […] Les philosophes, pleins de crainte ou d’espérance, Songent et n’ont entre eux pas d’autre différence, En révélant l’Eden, et même en le prouvant, Que le voir en arrière ou le voir en avant. […] Les animaux ne sont autre chose que les figures de nos vertus et de nos vices, errantes devant nos yeux, les fantômes visibles de nos âmes. » Ce sont donc des « ombres » plutôt que de pleines réalités. […] tout est plein d’âmes. […] Ceci est plein de péril.
Le vrai à peine touché t’interdit à nous, ô imagination chérie ; notre esprit se retire de toi pour toujours ; les années viennent nous soustraire à ton premier pouvoir si plein de prodiges, et la consolation de nos chagrins périt. […] » — Ce jour-ci, qui finit, fut pour vous plein de charmes, Ma Dame, un heureux jour de divertissement, De triomphe ; et peut-être encore, en ce moment, Quelque songe léger vous rend à la pensée Ceux à qui vous plaisiez dans la foule empressée, Ceux aussi qui plaisaient… Oh ! […] O Lune gracieuse, un an déjà s’achève Qu’ici, je m’en souviens, dans ces lieux où je rêve, Sur ces mêmes coteaux je venais, plein d’ennui, Te contempler ; et toi, belle comme aujourd’hui, Tu baignais de tes flots la forêt tout entière. […] Et cœur ne fut jamais plus sage ni plus fort Qu’atteint d’amour : jamais mieux qu’alors il ne prise La vie a son vrai taux, et souvent il la brise ; Car, partout où l’Amour se fait maître et seigneur, Le courage s’implante ou renaît plein d’honneur, Et la sagesse alors, non celle qu’on renomme, Mais celle d’action, devient aisée à l’homme. […] Voici le portrait, un peu plus doux et presque tendre, qu’a tracé de lui Ranieri dans la notice de l’édition de Florence (1845) : « Il était d’une taille moyenne, courbée et frêle ; il avait le teint blanc tournant au pâle, la tête grosse, le front large et carré, les yeux d’un beau bleu et pleins de langueur, le nez fin, les traits extrêmements délicats, la prononciation modeste et un peu voilée, le sourire ineffable et comme céleste. » 142.
Le spectacle de la lutte divine qui s’engage alors est sublime ; il frappe l’âme d’une terreur religieuse et d’une pitié pleine d’admiration, d’une terreur et d’une pitié purifiées, comme le veut Aristote. […] Loin d’être morts, ils sont pleins de vie, mais d’une vie en quelque sorte idéale. […] Mais ce tableau n’est point immoral, car il représente comme nécessaire la destruction de l’immoralité ; et il est poétique, parce qu’il est plein de sérénité, parce que le peintre n’a eu garde de tremper son pinceau ou sa plume dans le fiel de la tristesse indignée. […] Mais ici je m’arrête plein de trouble, parce que je ne sais pas jusqu’à quel point la contradiction, qui est la loi du monde, doit être aussi la loi des écrits du philosophe qui la constate. […] La collision réside dans le caractère personnel d’Hamlet, dont la noble âme n’est pas organisée pour me action énergique et qui, plein de dégoût pour le monde et la vie, chancelant dans ses résolutions et ses préparatifs d’exécution, périt par ses propres lenteurs et par la complication extérieure des circonstances.
Le vent, endormi dans les bois et sur la mer, parcourt en s’éveillant peu à peu toutes les gammes de ses instruments ; il siffle entre les cordages des mâts et des vergues dépouillés de toiles, des barques de pêcheurs à l’ancre dans l’anse du rivage ; il pétille dans l’écume légère qui commence à franger la crête des flots ; il gronde avec les lourdes lames qui s’amoncellent sur la pleine mer ; il tonne avec les neuvièmes vagues qui couvrent par intervalle le cap ruisselant de leur écume ; il s’interrompt pendant les repos de la mer qui semble battre par le rythme de ses cadences la mesure du concert des éléments ; l’oreille entend plus près d’elle dans la vallée les gazouillements du ruisseau grossi par la fonte des neiges du Liban. […] On ignore l’invention des langues, et même si les langues furent inventées ou innées ; les notes, qui ne parlent qu’à l’oreille, sont moins divines sans doute que les langues qui parlent à l’intelligence ; néanmoins on ignore également comment elles furent inventées : les origines de la musique sont pleines de mystères. […] Le tambour même, au lieu d’être pour moi un coffre vide, est une urne pleine d’enthousiasme ; semblable à ces enfants qui le suivent dans les rues quand il précède nos bataillons en frappant le pas de la guerre, je le suivrais jusque sous la pointe des baïonnettes ou jusqu’à la gueule de feu des canons sans voir la mort et sans la sentir. […] Non-seulement les meilleures maisons de Vienne se sont montrées pleines de sollicitude pour la santé de notre enfant, mais elles l’ont vivement recommandé au médecin de la comtesse de Sinzendorf, Bernhard, qui a été plein d’attentions. […] Lorsqu’il s’est éveillé ce matin à neuf heures, il ne savait où il était, ni comment il était parvenu sur son lit ; il n’avait pas fait un mouvement de toute la nuit. » Ces lettres sont pleines de ces minuties de père, de mère, de nourrice, qui se mêlent comme dans la vie commune aux miracles de l’enfance du génie.
Et soyez certain que je serai désormais aussi plein de reconnaissance que je me suis montré jusqu’ici plein d’ombrages et de soupçons ! […] Rien ne put le retenir : il s’achemina au mois d’octobre 1587 vers Rome, sans autre bagage qu’un porte-manteau contenant son linge, et une malle pleine de ses livres et de ses manuscrits. […] Le Tasse accomplit pieusement le pèlerinage, et composa une ode à la Vierge, pleine d’invocation et de repentir. […] L’octave du Tasse n’est presque jamais pleine ; et son vers, trop vite fait, ne peut être comparé au vers de Virgile, cent fois retrempé au feu des Muses. […] « Pleins de colère, la honte sur le front, épuisés de lassitude, ils reviennent à leur poste : tels, après une chasse longue et pénible, des chiens qui ont perdu dans les bois la trace de la bête qu’ils poursuivaient, reviennent haletants, l’œil morne et la tête baissée : cependant la princesse fuit toujours ; craintive, éperdue, elle n’ose regarder en arrière si on la suit encore.
La nuit suivante, mon père m’apparut en songe ; il me disait avec des larmes pleines de tendresse : Au nom de Dieu, mon fils, entre dans la musique du pape ! […] La paix de Rome avec l’Espagne fit licencier Benvenuto ; il revint à Florence la bourse pleine, avec un bon cheval et un page. […] On me transporta donc sous le jardin, dans une chambre très obscure et très humide, pleine de vermine et de tarentules. […] Mécontent du sculpteur Sansovino, qui, plein de son mérite, se préférait à Michel-Ange, il repart pour Florence avec son ami Tribolo. […] Le cimetière y est plein de terre apportée de Jérusalem.
Il ne manqua pas son effet : le jeune Goethe arriva bientôt, plein de joie, disant que ces chapeaux de son héros étaient le nec plus ultra de sa collection. […] Après dîner, une demi-heure avec Goethe, que j’ai trouvé dans une disposition pleine de sérénité et de douceur. […] Étendu sur le dos, il reposait comme un homme endormi ; la fermeté et une paix profonde se lisaient sur les traits pleins d’élévation de son noble visage. […] Sa poitrine était extrêmement développée, large et arrondie ; les muscles des bras et des cuisses étaient pleins et doux ; les pieds magnifiques et de la forme la plus pure ; il n’y avait nulle part sur le corps trace d’embonpoint, de maigreur ou de détérioration. J’avais là devant moi un homme parfait dans sa pleine beauté, et mon enthousiasme à cette vue me fit un instant oublier que l’esprit immortel avait abandonné une pareille enveloppe.
La noble Reine passa devant eux et leur fit un salut plein de haine. […] Il endormit sur sa couche maint guerrier plein de soucis. […] Plein de fureur, il fit aux guerriers d’Etzel de profondes et mortelles blessures et en tua beaucoup. […] Il était assis là plein d’angoisses: à quoi lui servait d’être roi ? […] Elle fit apporter de l’or rouge à pleins boucliers.
Héphestos les suit, en boitant, le marteau à l’épaule, les poings pleins de clous et d’écrous, traînant après lui la longue brasse des chaînes qui garrotteront le colosse. […] Fils aîné de la création, consubstantiel à la terre, il est resté plein d’elle en s’en détachant. […] En dehors de la mer pleine de Tritons et de Néréides, les mille branches éparses de l’eau nourricière se couronnaient, comme d’autant de fleurs, d’une myriade de divinités. […] Il savait ce qu’il risquait en sauvant les hommes ; c’est de son plein gré qu’il s’est offert à l’immolation. — « Oui », dit-il au Chœur, — « je n’ignorais rien, j’ai voulu, sachant ce que je voulais ; je ne le nierai pas ! […] Sa statue volante plane sur leurs boutiques, et la bourse pleine qu’elle agite, les excite aux luttes du trafic, comme le berger, frappant l’airain, met les ruches en effervescence.
C’était un homme modeste, timide, ayant peur du son de sa propre voix, mais plein de bon sens et d’aperçus justes, un des hommes qui n’aiment pas à paraître en scène, mais qui ont, comme spectateurs, le sens le plus parfait des situations. […] Il écrivait à son fils, le régent de Naples, pour être communiquées au parlement, des dépêches pleines de l’éloge des chiens de chasse qu’il ramenait pour chasser le sanglier en Calabre. […] Je trouvai dans la famille de ma femme un accueil plein de noblesse et de grâce, qui n’a pas cessé jusqu’à ce jour de me faire deux patries et deux centres d’affection. […] J’achetai ses œuvres en douze volumes, et je voyageai par tous pays muni de ce viatique ; je fus longtemps avant de découvrir que le vide était plus sonore que le plein, et que la froide déclamation n’était pas de la poésie, encore moins du drame. […] Mécontent de la somnolence de l’Italie, le poète, en la quittant, lui adressait des adieux pleins d’amers reproches.
Quelles scènes illuminées m’apparaissaient toutes pleines des personnages créés par mon imagination ! […] La salle, dont le rideau était encore baissé, était pleine de spectateurs. Le parterre ondoyait, les galeries se mouvaient, les loges débordaient, comme des corbeilles trop pleines, de têtes et de fleurs. […] Racine, lui, prend l’homme dans ses mains sanctifiées par sa piété et lui fait tourner ses regards vers les profondeurs et les sérénités du firmament plein de la Divinité. […] Voilà ce qui nous distingue et ce qui distingue la France de ceux qui se sont appelés hier les romantiques, et qui s’appellent aujourd’hui les réalistes ; deux hérésies pleines de talents égarés, mais qui, en rentrant dans la vérité, feront faire de nouvelles conquêtes à la religion du goût et des lettres.
Poète d’esprit plutôt que de génie et de grand talent, mais tout plein de grâce et de gentillesse, qui n’a point la passion, mais qui n’est pas dénué de sensibilité, il a des manières à lui de conter et de dire, il a le tour ; c’est déjà l’homme aimable, l’honnête homme obligé de plaire et d’amuser, et qui s’en acquitte d’un air dégagé, tout à fait galamment. […] La littérature et la poésie française avait perdu la voie haute et directe du moyen âge ; elle avait donné à gauche dans un labyrinthe et un fouillis scolastique ; il fallait une grande machine un peu artificielle pour la remettre dans une large voie classique régulière, pour la reporter en masse dans une carrière pleine et ouverte, qui pût avoir une bonne issue. […] Omettre Régnier ou ne le nommer qu’en courant, ce serait négliger une tes formes les plus pleines et les plus essentielles denotre langue poétique. […] Selon Malherbe, il ne suffit pas de cueillir à pleines mains et de ramasser dans un pré de belles fleurs, il faut savoir encore les tresser. […] Voilà donc la récolte faite ; les greniers sont pleins, les vergers sont dépouillés ; glaneurs et moissonneurs sont assis à regarder, comme sur la fin d’une journée de labeur.
Dans ses deux grands romans, Diderot les jette à pleines mains, comme en un jour d’orgie. […] L’ordre est rigoureux chez lui, mais il est caché, et ses phrases discontinues défilent, chacune à part, comme autant de cassettes ou d’écrins, tantôt simples et nues d’aspect, tantôt magnifiquement décorées et ciselées, mais toujours pleines. […] Telle lettre d’un grand sérieux semble une comédie à leurs dépens, sans aucun rapport à nous, toute pleine des préjugés mahométans et d’infatuation orientale465 : réfléchissez : sur le même sujet, notre infatuation n’est pas moindre. […] Tout déborde chez lui, hors du cratère trop plein, sans choix, par la première fissure ou crevasse qui se rencontre, selon les hasards d’une lecture, d’une lettre, d’une conversation, d’une improvisation, non pas en petits jets multipliés comme chez Voltaire, mais en larges coulées qui roulent aveuglément sur le versant le plus escarpé du siècle. […] On n’a point vu depuis La Bruyère une phrase si pleine, si mâle, où la colère, l’admiration, l’indignation, la passion, réfléchies et concentrées, fassent saillie avec une précision plus rigoureuse et un relief plus fort.
Ce qu’il nous faut, c’est la vraie politesse, la vraie douceur, la vie prise à plein et dans sa vérité, la vertu se traduisant dans les manières par l’aménité et la grâce. […] Avec eux, il est naïf, vrai, plein de verve ; il touche le ciel. […] En l’âge de la force, quand l’esprit critique est encore dans sa vigueur, que la vie apparaît comme une proie appétissante et que le plein soleil de la jeunesse verse ses rayons d’or sur toute chose, les instincts religieux se contentent à peu de frais ; on vit avec joie sans doctrine positive ; le charme de l’exercice intellectuel adoucit toute chose, même le doute. […] L’ignorance profonde où l’on est en France, en dehors du clergé, de l’exégèse biblique et de la théologie, a seule pu donner naissance à cette école superficielle et pleine de contradictions. […] Dieu, esprit, corps, comme il les entend, sont des mots trop objectifs et trop pleins.
Dans cette voie pleine d’imprévu et, si l’on veut, de périls, Saint-Sulpice n’a été représenté que par un seul homme, mais cet homme fut certainement le sujet le plus remarquable que le clergé français ait produit de nos jours : je veux parler de M. […] Le Hir m’enchanta, il se montra pour moi plein d’attentions ; il était Breton comme moi ; nos caractères avaient beaucoup de ressemblance ; au bout de quelques semaines, je fus son élève presque unique. […] Certaines personnes rendent un peu Saint-Sulpice responsable de mon incrédulité et lui reprochent, d’une part, de m’avoir inspiré pleine confiance dans une scolastique impliquant un rationalisme exagéré ; de l’autre, de m’avoir présenté comme nécessaire à admettre le summum de l’orthodoxie ; si bien qu’en même temps ils grossissaient outre mesure le bol alimentaire et rétrécissaient singulièrement l’orifice de déglutition. […] M. *** fit à ma lettre une réponse pleine de cœur. […] Ma sœur, dont la haute raison était, depuis des années, comme la colonne lumineuse qui marchait devant moi, m’encourageait, du fond de la Pologne, par ses lettres pleines de droiture et de bon sens.
Ses descriptions de tempêtes, faites en mots nautiques plutôt que pittoresques, sont terrifiantes, par leur vérité minutieuse, pleines d’épouvantements réels, de faces livides de matelots, de bris de mâts, de colossales trombes d’eau balayant le tillac, des secousses brutales d’un assemblage de planches heurtées et défoncées par le choc entêté des vagues. […] Wilson, cette catastrophe grandiose où la maison Usher, par une nuit de tempête, se fissure et s’abîme dans l’étang stagnant à son pied, et démasque lentement le disque rouge de la pleine lune ; jamais on n’a dépensé en une série d’œuvres une richesse pareille d’inventions sans analogue. […] De même que chaque artiste aperçoit plus vivement et conserve plus obstinément dans la mémoire, certaines formes, certains êtres, certains ensembles, et, de ces spectacles, un caractère spécifique et abstrait, que Michel-Ange avait l’âme pleine de torsions de muscles, Rembrandt de dégradations de lumières, Beethoven de rythmes héroïques, Poe dut accumuler en lui tous les objets de l’épouvante humaine. Son âme fut pleine de cadavres, de pâles suppliciés, de folies subtiles et subites, de pleurs de frayeurs, de remords, d’abandons. […] Cette seconde supposition est plus probable ; car tout l’art de Poe porte la marque d’une clarté, d’une volonté, d’une pleine conscience qui en constitue le troisième élément primitif.
On sent dans tout cela l’honnête homme, non pas celui d’aujourd’hui (car c’est un mot dont on abuse bien), mais celui d’autrefois, plein de solidité, dans son cadre domestique tout uni, avec ses traits marqués, un peu heurtés, sa physionomie grave et heureuse, et d’une naturelle franchise. […] Un contemporain nous l’a représenté sans charge et tout à son avantage : « Il avait la taille belle, l’air hardi, le visage plein, l’œil vif, le nez aquilin, et les cheveux courts et frisés. […] Il y avait, malgré ses indignations, des jours où, comme il le dit en son langage plein des anciens, « il était heureux de tout côté » (ab omni parte beatus). […] Avec Spon, avec Falconnet et ses amis de Lyon, avec Gabriel Naudé son ami de jeunesse, il est plein de chaleur, de cordialité, d’un souvenir inaltérable et fidèle.
Il est religieux et dévot, quoique mondain et bon vivant ; il s’agenouille devant une croix qu’il rencontre, et récite des Pater et des Ave pour les morts ; il félicite les chevaliers qu’il célèbre, et tire sujet de louange pour eux que Dieu leur ait accordé pleine connaissance et entière repentance à l’heure de la mort. […] Vous ne me verrez jamais aujourd’hui retourner, mais toujours chevaucher avant. » En reproduisant ces paroles après cinq siècles, je n’oublie point pourtant que ce sont des paroles d’adversaire dans une journée qui fut de grand deuil pour la France d’alors ; mais la France est en fonds de gloire, et elle peut honorer un victorieux si doué de générosité, comme lui-même il honora un vaincu si plein de vaillance. […] Je ne le dis point, sachez-le bien, cher Sire, pour vous railler, car tous ceux de notre parti qui ont vu les uns et les autres se sont par pleine science à cela accordés, et tous vous en donnent le prix et chapelet d’honneur si vous le voulez porter. » À ce moment, un murmure d’approbation se fit entendre, et tous, François et Anglois, se disoient entre eux que le prince avoit très noblement parlé et à propos ; et ils célébroient son éloge, et disoient qu’en lui il y avoit et il y auroit encore un gentil seigneur dans l’avenir s’il pouvoit longuement durer et vivre, et en cette fortune persévérerc. […] La réflexion qui termine et que l’auteur ne fait pas en son nom, mais qu’il place dans la bouche des chevaliers présents, ce pronostic tout flatteur et favorable sur l’avenir du prince-roi, s’il lui est donné de vivre pour y atteindre, rappelle dans une perspective éloignée l’instabilité des choses humaines et les compensations du sort, qui ne permet pas aux plus heureux d’accomplir tout leur bonheur :-ce prince si brillant, et à qui tous souhaitent vie, ne régnera pas en effet, et mourra plein de gloire, mais avant le temps.
Son père, né à Flamicour, village près de Péronne, homme vif, mobile, probablement spirituel, d’une imagination entreprenante et peu régulière, assez de l’ancien régime par l’humeur et les défauts, aspira constamment, dans le cours d’une vie pleine d’aventures, à une condition plus relevée que celle dont il était sorti. […] Après dix-huit mois environ de pleine prospérité, Béranger avait connu le dénûment et la misère. […] la plus petite partie de plaisir me forçait à vivre de panade pendant huit jours, que je faisais moi-même, tout en entassant rime sur rime, et plein de l’espoir d’une gloire future. […] Plein d’excellents conseils en tous genres, que viennent réclamer des clients bien divers, consolateur aimable, grâce à cette gaieté, nous dit-il, qui n’offense pas la tristesse, trouvant de crédit ce qu’il en faut pour les bonnes actions non bruyantes, il est peut-être, avec M.
Son Dernier Chouan, en 1829, l’avait fait remarquer pour la première fois, mais sans le tirer encore de la foule ; sa Physiologie du Mariage lui avait acquis la réputation d’un homme d’esprit, observateur sans scrupules, un peu graveleusement expert sur une matière plus scabreuse que celle dont avait traité Brillat-Savarin ; mais c’est à partir de la Peau de Chagrin seulement que M. de Balzac est entré à pleine verve dans le public, et qu’il l’a, sinon conquis tout entier, du moins remué, sillonné en tout sens, étonné, émerveillé, choqué ou chatouillé en mille manières. […] Pour en revenir à ma comparaison de M. de Balzac avec un alchimiste, je dirai que, même après la transmutation trouvée, cet alchimiste, qui n’a pas eu pleine connaissance de son procédé heureux, rétrograde parfois et revient à ses anciens tâtonnements ; qu’il retombe dans les scories et les dépenses infructueuses ; qu’il fait en beaucoup d’opérations de l’or très-mêlé ou faux. […] Cette figure de Mme Claës, où les hésitations magnétiques et les projections fluides des regards sont prodiguées, de même que le sont dans le portrait de Balthazar les idées dévorantes distillées par un front chauve, m’a bien fait concevoir le genre de portraits de Vanloo et des autres peintres chez qui des détails charmants et pleins de finesse s’allient à une flamboyante et détestable manière, à une manière sans précision, sans fermeté, sans chasteté. « Les personnes contrefaites qui ont de l’esprit ou une belle âme, dit M. de Balzac à propos de son héroïne peu régulière, apportent à leur toilette un goût exquis. […] L’alchimiste remit d’opérer la transmutation devant sa femme au lundi de Pâques ; il fit emplette d’une branche de laurier et d’une tige d’immortelle, pour lui annoncer dignement cette nouvelle heureuse ; toute cette conclusion domestique est pleine de simplicité, d’attendrissement et de sagesse : la réalité ici fait envie au roman.
Bignon, je crois, dont la phrase d’ailleurs, pleine et nombreuse et vraiment académique, semblait de si bon style à feu Louis XVIII. […] Or, ce livre sur les poëtes latins de la décadence n’est en effet, dans son but principal, j’ose le dire, qu’un manifeste raisonné, assez érudit d’apparence, mais plein d’allusions, qui vont, je le crois bien, jusqu’à compromettre en plus d’un endroit la réalité historique et l’exactitude biographique, un manifeste contre la poésie moderne dite de 1828, et ses prétentions, et même ses principaux personnages. […] Mais j’eusse mieux aimé un livre plus historique, plus suivi, plus astreint à son sujet, moins conjectural en inductions sur le caractère des poëtes, moins plein de préoccupations très-modernes. […] Quoiqu’il doive sembler bien téméraire à présent, et d’après tout ce qu’on a entendu gronder, de passer, à bord du Stace, avec des vers français à pleines voiles sous le canon même de M.
Les uns véritablement prédestinés et divins, naissent avec leur lot, ne s’occupent guère à le grossir grain à grain en cette vie, mais le dispensent avec profusion et comme à pleines mains en leurs œuvres ; car leur trésor est inépuisable au dedans. […] Cette vie si pleine, où, sur un grand fonds d’étude, s’ajoutaient les tracas littéraires, les visites à la cour, l’Académie à partir de 1673, et peut-être aussi, comme on l’en a soupçonné, quelques tendres faiblesses au théâtre, cette confusion de dégoûts, de plaisirs et de gloire, retint Racine jusqu’à l’âge de trente-huit ans, c’est-à-dire jusqu’en 1677, époque où il s’en dégagea pour se marier chrétiennement et se convertir. […] Toute la terre est pleine de sa gloire ! […] Certains passages des lettres à son fils aîné, alors attaché à l’ambassade de Hollande, font rêver une poésie intérieure et pénétrante qu’il n’a épanchée nulle part, dont il a contenu en lui, durant des années, les délices incessamment prêtes à déborder, ou qu’il a seulement répandue dans la prière, aux pieds de Dieu, avec les larmes dont il était plein.
On peut rire d’abord de cette Troie féodale avec son donjon et ses tours crénelées, toute pleine de chevaliers et de dames courtoises, et de cette non moins féodale année des Grecs qu’accompagne comme à la croisade l’évêque Calchas. […] Il versait, disait-on, « le beau français à pleines mains », Au reste, c’était un adroit faiseur sans conviction, sans gravité, qui ne se faisait pas scrupule, au besoin, de fabriquer des contrefaçons de légendes arthuriennes, pourvues de noms de fantaisie vaguement celtiques et de la plus invraisemblable géographie. […] Mais ce monstrueux Perceval auquel quatre ou cinq auteurs ont travaillé, est tout plein, dans ses 30 000 vers, de disparates et de contradictions. […] Rabelais, certainement, l’a connue, au moins par les derniers remaniements en prose ; son Gargantua et son Pantagruel sont tout pleins de comiques réminiscences.
C’est bien lui, un esprit qui ne prend plus aucune jouissance par la guenille matérielle, et qui n’a, en ce moment, de plaisir, de récréation à son terrible labeur, que lorsqu’il a la conversation d’un de ces gens qu’il appelle les riches, les êtres pleins de faits, comme Guys, Aussandon, etc., ces originaux complexes qui sont un résumé et un assemblage d’un tas de choses, ces hommes au langage concret, dont la vie, selon la phrase du dessinateur, « se passe à être un objet d’étude et de jouissance pour l’intelligence de ceux qui boivent avec eux, et cela sans qu’il reste rien de cela dans une œuvre écrite ou peinte ». […] Il est très grand, très large d’épaules, avec de beaux gros yeux saillants aux paupières un peu soufflées, des joues pleines, des moustaches rudes et tombantes, un teint martelé et plaqué de rouge. […] » C’est tout un renversement de la géométrie qu’il nous indique… Les géomètres ne sont que des arpenteurs qui mesurent à un cheveu près la distance de la terre au soleil ; mais ce cheveu, qui n’est rien pour nous, est énorme comparé par nous à l’acarus du bourdon… La géométrie mal baptisée : mesure de la terre : ce n’est pas de mesure qu’il s’agit, « c’est de faire connaître, c’est de donner la forme de la durée et de l’intensité des choses. » Et redescendant brusquement à terre, il termine la conversation par un charmant portrait en quatre mots de son vieil ami Chandellier, ce comique mélancolique aux cheveux blancs et tout plein au fond de vignettes de romances. […] C’est plein de mères d’actrices, de vaudevillistes, de critiques, d’hommes sans nom qui ont un nom au théâtre, ou des droits sur le directeur, ou des créances sur l’auteur, ou une parenté avec le souffleur, le placeur, et d’actrices qui ne jouent pas, et d’acteurs de province en congé, et de filles littéraires et de leurs petits amants de poche.