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999. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

La constitution du Monde ne l’inquiétait pas moins que la nature des dieux ; avec les armilles placés dans le portique d’Alexandrie, il avait observé les équinoxes et accompagné jusqu’à Cyrène les bématistes d’Evergète qui mesurent le ciel en calculant le nombre de leurs pas ; si bien que maintenant grandissait dans sa pensée une religion particulière, sans formule distincte, et à cause de cela même toute pleine de vertiges et d’ardeurs. […] L’affaissement du corps ayant accroché le sarrau à un clou placé derrière lui, il avait l’air d’être pendu à la muraille par un bout de sa blouse. […] Dans la description des jeux qui terminent l’Iliade, voici par quelles simples sensations très frappantes, Homère montre les coureurs : Ils se placèrent de front, et Akhilleus leur montra le but, et ils se précipitèrent. […] Je veux parler du portrait que Sarrasin a placé à la tête d’un ouvrage historique qu’il n’a point achevé et qui a pour titre : La conjuration de Valstein. […] « Lorsque Massillon, dit l’abbé Maury, prêcha son sermon sur l’assomption de la sainte Vierge, aux religieuses de Chaillot, devant la reine d’Angleterre, il crut devoir placer, de courtoisie, dans ce discours le portrait du prince d’Orange, comme un moyen adroit et convenable de plaire à l’épouse du roi détrôné par lui, Jacques II, en présence de laquelle il parlait.

1000. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Nisard, du point de vue où il s’est placé, a dû accorder au xviie  siècle. […] Mais il ne sait en somme « où placer Gresset ». […] Et, n’y ayant aucun moyen de déterminer si c’est perte ou gain, en quel endroit « le placer » ? […] Les juges les plus autorisés se rencontraient là-dessus avec ces critiques obscurs perdus dans la foule, qui n’en sont souvent que mieux placés pour exprimer avec à-propos certains courants de l’opinion. […] » La justice locale ne comptait pour rien : elle était gagnée ou intimidée, souvent même directement placée entre les mains du seigneur, de sorte que le même homme commandait les meurtres et les jugeait.

1001. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Ainsi ont-elles fait : elles ont placé sur cette terre le paradis promis à l’homme, et ont fait du bonheur, du bien-être, de la possession de toutes les jouissances matérielles le but unique assigné à ses efforts. […] À la tête de cette croisade philosophique, s’est placé, on le sait assez, l’auteur de Valentine et de Jacques. […] Du point de vue nouveau où nous voulons nous placer, nous allons voir le théâtre reprendre son importance, et souvent occuper le premier rang. […] Il l’a faite surtout au point de vue de cette oisiveté corruptrice, de ces habitudes insolemment vicieuses que donne à quelques fils de famille la position opulente où ils ont été placés en naissant. […] Autrefois il plaçait ses personnages dans un monde supérieur et meilleur ; il faisait d’eux des modèles de vertu, de délicatesse et de pur amour.

1002. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Quelques-uns de ces écrivains continuateurs ont signé des livres qui mériteraient d’être mis au premier rang dans une appréciation moins générale que celle où nous nous plaçons aujourd’hui. […] La critique impartiale ne peut plus hésiter à placer Stendhal au rang des premiers maîtres de l’observation passionnelle et de la déduction psychologique. […] Jean Aicard a placé ses romans, ses pièces et surtout ces Poèmes de Provence, qui sont en quelque sorte les premiers dessins de sa grande toile méridionale. […] Il faut donc placer avant toutes les autres la nécessité de connaître sa littérature classique. […] Flaubert est un prosateur de premier ordre que l’on peut placer après Chateaubriand et qu’il est absolument nécessaire de connaître à fond.

1003. (1923) Au service de la déesse

D’autres philosophies, au contraire, ont placé dans l’infini la réalité authentique. […] Le franc le croit encore afin de placer à la même année le cadeau et le remerciement. […] J’y plaçai l’idole de mon cœur, après avoir pris soin de l’envelopper de tous mes habits, pour empêcher le sable de la toucher. […] Or, l’aventure du chevalier des Grieux, on doit, — nous le verrons, — la placer aux années 1719 ou 1720. […] Ils n’ont pas l’air de savoir que les mots sont, mieux que des étiquettes placées pour la commodité sur un objet ou une idée ?

1004. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Peut-être était-ce dans l’intention de vous placer fièrement à côté de lui et pour pouvoir dire : Voyez quel homme je suis, moi !  […] Goethe revient en un autre endroit sur cette promesse mystérieuse qu’il n’a pas exécutée, d’inventer je ne sais quoi, je ne sais quel nouveau roman ou poème, qui, par un coup de son art, placerait les deux époux au-dessus de toutes les allusions et de tous les soupçons : « J’en ai la puissance, dit-il avec l’orgueil de celui qui est dans le secret des dieux et qui tient le sceptre de l’apothéose, mais ce n’est pas encore le temps. » — S’il ne réussit point tout à fait à entraîner avec lui Kestner dans cette marche en triomphe vers l’idéal, celui-ci, du moins, n’était pas indigne de sentir ce qu’il y avait d’élevé dans de telles paroles, et il répondait à ceux qui le questionnaient sur cet étrange et assez dangereux ami : « Vous ne vous imaginez pas comment il est.

1005. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

L’Académie a relevé le plus possible la fondation Lambert en décidant simplement que ce prix serait affecté, chaque année, « à tout homme de lettres, ou veuve d’homme de lettres, auxquels il serait juste de donner une marque d’intérêt public. » Le nom si recommandable de Mme Géruzez, veuve de l’instruit et ingénieux critique, indique assez comment l’Académie aime à placer cette récompense. […] On verrait, en additionnant tous ces chiffres, en faisant le compte total de ces dons généreux, de quelle somme considérable l’Académie dispose chaque année dans l’intérêt des Lettres sérieuses, et combien elle est mieux placée, à tous égards, et mieux munie pour cet emploi élevé que le ministre même de l’Instruction publique.

1006. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Les personnages de Nicolaï défilaient toujours dans sa chambre, et les petites taches grises ne cessent pas de s’appliquer sur le papier placé sous les yeux du micrographe. — En effet, la sensation contradictoire ne se produit plus. […] Un peu après, grâce à un nouveau détail, le souvenir des branches de buis, elle a glissé de nouveau, cette fois non plus en arrière, mais en avant, et, rapportée au calendrier, elle s’est située en un point précis, une semaine en arrière de Pâques, cinq semaines en avant des jours gras, par le double effet de deux répulsions contraires qui, l’une en avant, l’autre en arrière, se sont annulées l’une par l’autre à un moment donné. — Maintenant, plaçons cette même image dans une situation inverse, c’est-à-dire de telle façon que son bout antérieur, et non plus son bout postérieur, soit adjacent au bout postérieur des sensations présentes.

1007. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Son génie, cet acte et sa brochure de Bonaparte et des Bourbons le placèrent naturellement, en 1814, à la tête de ceux que le nouveau gouvernement adopta pour illustrer son retour par la popularité du premier nom religieux et poétique de l’Europe, et à la tête de ceux qui saluèrent les Bourbons. […] Je ne parle pas ici par ressentiment d’auteur, car je suis le seul poète du temps et le seul homme politique de son époque qui soit, comme poète, placé par lui dans la compagnie immortelle d’Homère, de Virgile, de Racine, et, comme homme de tribune et de hautes affaires, au rang des hommes de bon sens.

1008. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Tirer la conclusion définitive de la querelle des anciens et des modernes, montrer qu’à l’art moderne il faut une inspiration moderne (Chateaubriand disait chrétienne), ne pas mépriser l’antiquité, mais, en dehors d’elle, reconnaître les beautés des littératures italienne, anglaise, allemande, écarter les anciennes règles qui ne sont plus que mécanisme et chicane, et juger des œuvres par la vérité de l’expression et l’intensité de l’impression, mettre le christianisme à sa place comme une riche source de poésie et de pittoresque, et détruire le préjugé classique que Boileau a consacré avec le christianisme, rétablir le moyen âge. l’art gothique, l’histoire de France, classer la Bible parmi les chefs-d’œuvre littéraires de l’humanité, rejeter la mythologie comme rapetissant la nature, et découvrir une nature plus grande, plus pathétique, plus belle, dans cette immensité débarrassée des petites personnes divines qui y allaient, venaient, et tracassaient, faire de la représentation de cette nature un des principaux objets de l’art, et l’autre de l’expression des plus intimes émotions de l’âme, ramener partout le travail littéraire à la création artistique, et lui assigner toujours pour fin la manifestation ou l’invention du beau, ouvrir en passant toutes les sources du lyrisme comme du naturalisme, et mettre d’un coup la littérature dans la voie dont elle n’atteindra pas le bout en un siècle : voilà, pêle-mêle et sommairement, quelques-unes des divinations supérieures qui placent ce livre à côté de l’étude de Mme de Staël sur l’Allemagne. […] Ouvrons cet admirable sixième livre : « Plusieurs fois, pendant les longues nuits de l’automne, je me suis trouvé seul, placé en sentinelle, comme un simple soldat, aux avant-postes de l’armée.

1009. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Pour la première et la seule fois, Richard Wagner nous apparaît vacillant, se contredisant ; placé entre la nécessité de subvenir à la vie quotidienne et la pratique d’un métier qu’il abhorre, entre la possibilité de la renommée et le rêve d’une gloire inimaginable, il hésite. […] Avec Mozart, avec Beethoven, avec tous les maîtres de ce siècle, la basse conserve ses fonctions utilitaires ; placée à la base de l’édifice harmonique, elle le soutient.

1010. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Celle-ci me fait l’effet d’une horloge savante à mettre sous verre et à placer dans un conservatoire comme curiosité. […] Les moins bien placées pour combiner en ce genre, celles qui en sont réduites à l’avidité, à l’ambition de voler quelques sous, de tromper son voisin pour le plus petit intérêt, celles-là sont ce que l’on appelle les bonnes gens de la campagne, les classes probes ou vertueuses !

1011. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Nous nous placerons le plus bas possible pour remonter. […] Nous n’avions qu’à le caractériser, et nous l’avons fait dans un but placé plus haut qu’un livre isolé.

1012. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

Il se plaça à la tête des membres de l’Université qui portèrent une censure courageuse sur le choix prostitué du gouvernement. […] Depuis quelque temps, le Dr Pusey semble s’être placé à côté des événements ; il est abîmé dans une étude persévérante et sévère.

1013. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Les « naturistes » placent Zola plus haut que ne l’osèrent jamais ses disciples les plus directs : et les plus enthousiastes, écoutez l’un d’eux, M.  […] Prendre un coin de vie et en cataloguer chaque détail, y placer une personne vivante et décrire chaque spectacle, chaque odeur et chaque son autour d’elle, quoique cette personne puisse être absolument inconsciente de ces spectacles, de ces odeurs et de ces sons, — ceci réduit à la plus simple forme, est la recette pour faire un « roman expérimental ».

1014. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Élargissez le champ d’observation, placez-y une scène de la vie primitive, et vous aurez les plus belles pages de Un été dans le Sahara ou de Une année dans le Sahel, la rencontre de la tribu en voyage, ou la danse des nègres près de Mustapha d’Alger, cette espèce de symphonie en rouge qui annonce, vingt ans à l’avance, l’écrivain définitif des Maîtres d’autrefois. […] N’aurait-on pas aperçu, au second plan, une figure sympathique, vaillante, inaccessible même un seul moment au découragement, ce type du précepteur, Augustin, que l’auteur a placé dans son roman pour montrer qu’il croyait à la vie, au contraire, et à la volonté, et à la conquête du bonheur par le travail opiniâtre et la droiture de l’esprit ?

1015. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

« Ce n’est pas le destin, dit le poëte145, qui t’a fait maître des dieux, mais ton bras, la force et la puissance placées debout près de ton trône. […] « Il est lui-même placé souverainement au faîte des cieux ; et il accomplit toutes choses sur la terre, ayant en soi le commencement, le milieu et la fin. » Bien des observations d’histoire et de goût peuvent naître de la différence de ces deux fragments.

1016. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Suivez-le vous-même à la fête ; conduisez avec lui la carriole dans la traîne si verte, si ombragée, si embaumée ; voyez-le déposer orgueilleusement sa fiancée au milieu d’un cercle d’admirateurs et d’envieux, et se perdre bientôt dans la foule, jusqu’à ce que, la rumeur publique lui annonçant ces dames de Raimbault, il monte, pour les mieux apercevoir, sur une croix de pierre, au grand scandale des curieux moins bien placés que lui. 

1017. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

« J’aperçois, dit-il, des hommes vertueux et paisibles que leurs mœurs pures, leurs habitudes tranquilles, leur aisance et leurs lumières placent naturellement à la tête des populations qui les environnent.

1018. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Ce serait manquer à la bonne méthode historique que d’écouter trop ici nos répugnances, et, pour nous soustraire aux objections qu’on pourrait être tenté d’élever contre le caractère de Jésus, de supprimer des faits qui, aux yeux de ses contemporains, furent placés sur le premier plan 761.

1019. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

La perfection étant placée en dehors des conditions ordinaires de la société, la vie évangélique complète ne pouvant être menée que hors du monde, le principe de l’ascétisme et de l’état monacal était posé.

1020. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXII. Machinations des ennemis de Jésus. »

C’est dans la bouche de Caïphe que l’évangéliste tient à placer le mot décisif qui amena la sentence de mort de Jésus 1031.

1021. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Je crois cet éloge bien mérité : et il est difficile de le croire une plate louange, quand on considère l’homme qui la donne, le fonds de l’ouvrage où il l’a placé, le sentiment qui l’anime en l’écrivant, celui qu’il suppose à la personne pour qui il l’écrit ; et enfin cet éloge vient si naturellement à la place où il se trouve, qu’on ne peut y méconnaître une sorte d’à-propos qui ne serait pas venu à l’auteur pour une femme vulgaire.

1022. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

L’on aura atteint au bout de ces travaux le résultat le plus haut auquel tend tout l’embranchement des sciences organiques : la connaissance d’un homme analyse et reconstitué, de ses fibres intérieures, des délicates agrégations de cellules cérébrales traversées par le jeu infiniment mouvant et complexe des ondes récurrentes, de ce centre de la trame intime de vibrations qui, phénomène physiologique pour l’observateur idéal placé au dehors et percevant son envers, est, pour ces cellules mêmes, immatérielles ou s’ignorant matière, de la pensée, des émotions, des douleurs, des joies, des souvenirs d’êtres et de choses, — jusqu’à l’aboutissement même des nerfs infiniment déliés, infiniment ramifiés, qui par des voies encore inconnues, à travers l’encéphale, le cervelet, la moelle allongée et la moelle épinière, recevant les répercussions actives de tout ce travail intérieur, conduiront aux muscles, à l’épiderme, à cette surface de l’homme colorée et conformée, — jusqu’aux êtres qui forment les antécédents de ce corps, — jusqu’à ceux qui le touchèrent ou dont les actes, par des manifestations proches ou lointaines, l’affectèrent, le réjouirent ou le contristèrent, — jusqu’aux cieux qui se reflétèrent dans ses yeux, — jusqu’au sol qu’il foula de sa marche, — jusqu’aux cités ou aux campagnes dont la terre souilla ses pieds et résorba sa chairec.

1023. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

Mais le livre de Mme de Staël et de la Princesse Louise nous apprend aujourd’hui, comme les Souvenirs de Mme Récamier nous l’avaient déjà appris, que ce n’est pas uniquement avec cela qu’on fait des portraits ressemblants et vivants et placés dans des jours nouveaux, qu’on annonce, — dans la perspective, définitive et suprême, où jusqu’ici on ne les avait jamais vus !

1024. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

Car, en restant dans le cercle étroit où ils se sont placés et dans lequel ils ont étranglé la conception de leur livre, si vous défalquez de cette société qu’ils évoquent tous ceux qu’ils oublient, et ceux qui se sauvent, et ceux qui se cachent ou se taisent, et ceux qu’on tue, et ceux qui combattent à l’intérieur et aux frontières, vous verrez ce qui vous restera !

1025. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Quand on ne peut plus montrer dans une figure placée et comme appendue, ainsi qu’un grand portrait, dans la préoccupation contemporaine, un trait oublié que l’admiration n’avait pas vu ou que quelque autre trait d’à côté plus développé ou plus puissant avait recouvert et caché, il faut s’en détourner sous peine de pléonasme d’idées, car la critique, cette observatrice qui se sert tout à la fois du télescope et du microscope, est tenue d’apercevoir dans ce qu’elle regarde quelque chose qu’on ne voyait pas, sous peine de manquer à son devoir.

1026. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Pour avoir fait des encyclopédistes, et de toute la cuistrerie philosophique à la suite, les ennemis implacables qui se sont rués sur lui, comme la meute enragée des chiens de Diane sur Actéon, il y a dû avoir sous la plume de Fréron autre chose que ces placides citations faites par M. de Barthélemy… Admettons, si l’on veut, que cet esprit très haut eut le calme des choses très hautes, — des choses placées dans le voisinage du ciel, — admettons que ce sagittaire pour la Vérité contre l’erreur n’étendit jamais de poison sur la pointe de ses flèches, toujours est-il qu’il n’aurait pas produit de ces colères, de ces haines et de ces ressentiments personnels, s’il n’avait pas meurtri davantage les personnalités vaniteuses auxquelles il répondait en sa qualité de critique.

1027. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Avec cette profondeur de tendresse qui lui fut sa Fatalité, avec sa rêverie amoureuse de la mort, même dans la vie la plus intense de sa gloire, avec cette fantaisie si noire qui plaça de si bonne heure dans sa chambre le cercueil où il se rêvait et coupa dans le combat même, sur la tête d’un ami, des cheveux pour en tapisser ce cercueil, Nelson, le Mélancolique intrépide, est bien du pays de Shakespeare et méritait certes, le coup de pinceau shakespearien.

1028. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Ces messieurs sont, pour la plupart, trop sceptiques, trop éclectiques, trop philosophiques, — ces trois choses qui n’en font qu’une, comme la sainte Trinité à laquelle ils ne croient pas, — pour ne point placer le monde antique, fils du paganisme, bien au-dessus du monde moderne, fils de l’Église, et pour ne pas reprendre et ne pas recommencer incessamment son apothéose dans l’histoire.

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