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417. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

La vieille plaideuse madame de Crissé et le conseiller Dandinard sont toujours là, et font vis-à-vis au Dandin de la pièce et à la comtesse de Pimbêche encore en costume ; c’est à s’y méprendre : toinette (la servante de Racine). […] Dès ce temps-là, il prenait une part active à la collaboration du Globe ; il allait surtout s’y faire une position spéciale par ses articles sur les représentations théâtrales, et d’abord sur les pièces anglaises principalement. […] Gabriel Naudé nous dit là son goût de penseur hardi et sceptique, il nous trahit son gibier favori et ce qu’il aime, sans préjudice des autres pièces : philosophe vorace, il lit tout, il y attrape des milliasses de pensées, et les enveloppe à son tour dans quelqu’un de ces écrits indigestes et copieux, vrai farrago, mais qui font encore aujourd’hui les délices de qui sait en tirer le suc et l’esprit. […] Sa pièce de vers sur les derniers moments de Bayard eut un accessit à l’Académie en 1815. […] Un jeune homme soumettait à La Harpe le manuscrit d’une tragédie de Marie Stuart ; La Harpe lut la pièce et répondit : « Votre pièce est assez bien écrite, mais le sujet n’est nullement propre au théâtre ; s’il l’était, Voltaire ou moi nous nous en serions emparés. » Voltaire ou moi !

418. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Comparer, même dans une pièce marotique, l’art des vers à un jeu n’est pas d’un poète. […] Prenons la maîtresse pièce du poème épique, les caractères. […] Un poète lui offrait un rôle dans une pièce où ses amis, disait-il avec candeur, avaient loué quelques beaux vers. « J’aime mieux les bons », lui dit Talma. […] Elle ne lui est nulle part plus fidèle que dans les pièces légères, son véritable génie, comme la Henriade est sa prétention. […] Quelques pièces ont le tort d’avoir été écrites trop près de la circonstance qui y donne sujet.

419. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Dès cette pièce de Crispin commence l’attaque aux gens de finance : on voit poindre Turcaret. […] Avant que la pièce fût représentée, il avait promis à la duchesse de Bouillon d’aller la lui lire. […] Il s’adonne aux petits théâtres, aux théâtres forains, et fait seul ou en société une centaine au moins de petites pièces qui représentent assez bien en germe, ou déjà même au complet, ce que sont aujourd’hui les vaudevilles, les opéras-comiques, nos pièces des Variétés et des Boulevards. […] Mais tous ces emprunts, ces pièces de rapport, et les choses qu’il y mêlait de son invention, se fondaient et s’unissaient comme toujours dans le cours d’un récit facile et amusant. […] [NdA] Sa surdité presque complète ne l’avait nullement empêché, durant des années, de suivre la représentation de ses pièces : il n’en perdait presque rien, et disait même qu’il n’avait jamais mieux jugé du jeu et de l’effet que depuis qu’il n’entendait plus les acteurs.

420. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Avec ces éléments, en puisant au trésor poétique de toute une race, il a composé ses œuvres les plus pures, les plus impersonnelles, les plus lues en Allemagne, des lieds vagues et charmants que pénètre toute la songerie diffuse et la mélancolie des populations du Nord, de merveilleuses petites pièces, d’un dessin moins arrêté que les quelques joyaux de l’Anthologie, mais plus émues et d’un chant plus profond. […] Ses plus belles et plus calmes pièces se terminent souvent ainsi par quelques vers navrés : Ma bien-aimée, nous étions ensemble Assis dans une barque légère ; La nuit était silencieuse, et nous voguions Sur la vaste étendue des eaux. […] Il en a condensé les incidents et les émotions dans son Intermezzo, cette suite de petites pièces, chantantes comme des musiques, vagues comme un chuchotement, toutes pénétrées de larmes, de rayons de lune et de sourires. […] Ce qui est constitutionnel dans Heine, c’est l’instabilité des sentiments et des sensations, une instabilité qui rompt la suite de ses moindres poèmes, qui le fait terminer une pièce triste par une gambade, et une épigramme par un sanglot, qui le pousse dans tous les genres, dans toutes les opinions, dans toutes les liaisons, et du salon de Rahel Lewin dans le mariage d’une grisette à peu près nulle. […] Son œuvre s’en ressentit ; l’instabilité émotionnelle de l’auteur se marque dans tout ce qu’elle présente de divers et de violemment heurté, dans son entier, dans chaque livre, dans presque chaque pièce.

421. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Il ne se borne pas à critiquer les livres et les pièces de théâtre. […] Qu’il faut refaire des pièces à l’imitation de nos classiques ? […] Ganderax qu’une pièce soit ou non faite selon la formule ? […] Il va droit à l’âme même de la pièce. […] S’agit-il d’une pièce ancienne ?

422. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Voilà bien de quoi laisser à l’ancien Anacréon quelques petites pièces du recueil posthume : il en est digne, s’il ne les a pas faites. […] Il peut aussi admirer çà et là dans ce recueil quelques pièces charmantes, et que la Fontaine seul pouvait embellir. […] Ces pièces, cependant, d’un tour simple et délicat, étaient aussi des odes et doivent être comptées parmi les modèles que suivit Horace.

423. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Depuis Alexandre, une foule de critiques s’étaient mis après lui, amis de Corneille, ennemis de Boileau, rivaux et envieux : c’était à qui trouverait des fautes et ferait les beautés dans ses pièces ; les préfaces amères dont il accompagna toutes ses tragédies depuis Alexandre faisaient voir qu’on ne perdait pas sa peine à le tourmenter. […] Ses effets paraissaient trop crus, et blessaient l’optimisme galant des salons : Saint-Evremond, un homme d’esprit, trouvait Britannicus trop noir ; et la pièce, en effet, n’est pas « consolante ». […] Les éléments d’une vision complète et colorée lui ont manqué, et le style de la pièce est plus pragmatique que poétique ; cependant il est visible qu’il a utilisé avec soin toutes les indications de mœurs et d’institutions, qui pouvaient l’aider à former une représentation sensible du sujet. […] A la fin du siècle, je ne vois à nommer que la pièce de Longepierre (1688), pour une Médée rendue avec une raideur énergique de dessin et une pauvreté de couleur qui font moins songer à l’antiquité qu’à David, et pour un Jason très curieux de réalité prosaïque, dans son rôle de bellâtre égoïste et plat. […] Puis vint l’abbé Perrin, qui, après avoir fait représenter plusieurs pièces, obtint en 166S le privilège d’une Académie des Opéras en langue française.

424. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

Les poëtes anglais, tels que William Cowper, ou ceux qu’on a compris sous le nom de Lakistes, offrent à chaque page des pièces dans ce genre moral, familier, domestique, que j’aurais voulu voir se naturaliser en France, et que j’ai tout fait à mon heure pour y introduire. Voici une de ces moindres pièces imitée de Southey, et adressée à l’un de ses amis qu’il désigne sous le nom de William, et qui était athée comme le Wolmar de la Nouvelle Héloïse, ce qui m’a fait substituer ce dernier nom.

425. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

À une heure aussi avancée, la critique court le risque de mordre dans le vide et de dépecer l’ombre d’une pièce. […] C’est ainsi qu’il composa pour Limnander la pièce des Monténégrins. […] En rapprochant les ais disjoints de l’action, il vous restera peut-être une pièce ; mais vous n’aurez plus de comédie. […] Jules Janin dit que « la pièce est écrite avec soin, mais d’un grand ennui ». […] Je vous demande pardon pour ce début funèbre servant de préface à une pièce de théâtre qui, de son vivant, visait à la bouffonnerie : mon excuse, la voici : la pièce en question a péri de mort violente, étranglée en plein Théâtre-Français par la justice du parterre.

426. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Je pourrais indiquer encore plus d’une de ces pièces, achevées dans leur brièveté, les quelques vers adressés à Charles Baudelaire, des odelettes (comme les intitule l’auteur) qui sont de vrais bijoux d’exécution, à Théophile Gautier, aux frères de Goncourt, etc. […] M. de Banville, dans cette pièce et ailleurs, n’hésite pas à nommer et à saluer, au rang de ses maîtres divins, un poète qui ne nous saurait être indifférent, le vieux Ronsard. « En ce temps-là, je ronsardisais », écrivait l’aimable Gérard de Nerval au début d’une de ses préfaces. […] Voici cette jolie pièce tout entière : À la Font-Georges Ô champs pleins de silence. […] Et c’est ainsi qu’au déclin d’une école et quand dès longtemps on a pu la croire finissante, quand de ce côté la prairie des muses semble tout entière fauchée et moissonnée, des talents inégaux, mais distingués et vaillants, trouvent encore moyen d’en tirer des regains heureux et de produire quelques pièces presque parfaites qui iraient s’ajouter à tant d’autres dans la corbeille, si un jour on s’avisait de la dresser, — dans la couronne, si l’on s’avisait de la tresser —, d’une anthologie française de ce siècle.

427. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Il s’écrie, à propos de Corneille43 : « Qu’est-ce qu’une pièce qui ne fait pas pleurer ?  […] Il y a sous Louis XVI des pièces officielles qui commencent ainsi : « La sensibilité de mon cœur me porte à…, etc. » La Révolution fut le paroxysme, le déchaînement, l’éruption brûlante de la passion accumulée dans les cœurs, comme une lave volcanique, depuis plus d’un demi-siècle. […] Qu’on cherche dans les romans, les pièces et les poésies du temps, le contre-coup du grand choléra de 1832. […] Paris avait vu des milliers d’êtres humains emportés par une maladie inconnue et foudroyante ; des rues entières dépeuplées, au point que les fabricants de cercueils ne suffisaient plus à la consommation ; des cadavres empilés nus, pêle-mêle, à ciel ouvert, dans des charrettes quelconques ; des terreurs paniques, où la foule avait mis en pièces des hommes accusés d’empoisonner le vin et les fontaines ; le plaisir côtoyant la mort ; des mascarades plus folles que jamais ; et dans les théâtres mêmes des sachets de camphre, des seaux d’eau chlorurée destinés à conjurer le péril toujours invisible et présent.

428. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Avec les dispositions d’un pareil peuple, abandonner au hasard la direction des théâtres, ne s’en réserver aucune, ne pas user de ces grands organes, de ces foyers électriques d’action sur l’esprit public, ne pas assurer une existence régulière à trois ou quatre d’entre eux qui, à force de zèle et d’activité, à force de bonnes pièces, de nouveautés entremêlées à la tradition, fassent concurrence aux théâtres plus libres et empêchent qu’on ne puisse dire Paris s’ennuie, ou Paris s’amuse, à faire peur, ce serait méconnaître les habitudes et les exigences de notre nation, le ressort de l’esprit français lui-même. […] Le Mariage de Figaro avait enflammé les esprits et allumé une gaieté folle, inextinguible, mais qui n’était pas inoffensive comme le bon rire des pièces de Molière. […] Sans vouloir faire tort à aucun des poètes dramatiques d’alors, on accordera peut-être qu’elle possédait en Talma le premier de ces poètes, le plus naturellement inventeur, créant des rôles imprévus dans des pièces où ils n’eussent point été soupçonnés sans lui, créant aussi ces autres rôles anciens qu’on croyait connus, et sur lesquels il soufflait la vie avec une inspiration nouvelle. […] Le public français, qui a si peu de choses en respect, a gardé la religion du Théâtre-Français ; il y croit : à chaque annonce d’une pièce nouvelle, il s’y porte avec espérance.

429. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Ce fut alors seulement qu’il distribua ses pièces avec gradation et selon l’ordre où elles se présentent aujourd’hui : dans le premier livre, la jouissance pure et simple ; dans le second, une fausse alarme d’infidélité ; dans le troisième, le bonheur ressaisi, d’autant plus vif et plus doux ; dans le quatrième, l’infidélité trop réelle et le désespoir amer qu’elle entraîne. […] A la suite des chansons en prose, on lisait en un clin d’œil, dans le mince volume, les dix petites pièces intitulées Tableaux, simple jeu d’un crayon gracieux et encore léger, mais où déjà l’on pouvait voir une redite, la même image toujours reprise et caressée, une variante affaiblie d’une situation trop chère, dont l’imagination du poëte ne saura jamais se détacher. […]  » Le Parny de ces jolies pièces qu’on se plaît à citer était bien celui qu’on retrouvait avec agrément dans la société et dans l’intimité, aux années du Consulat et de l’Empire, celui qui, n’ayant plus rien d’érotique au premier aspect, rachetait ces pertes de l’âge par quelque chose de fin, de discret, de noble, que tous ceux qui l’ont approché lui ont reconnu. […] Théocrite, dans sa belle pièce intitulée les Grâces ou Hiéron, a dit : « C’est toujours le soin des filles de Jupiter, toujours le soin des chantres, de célébrer les immortels, de célébrer aussi les louanges des braves et des bons. […]  — On a la lettre par laquelle Parny adressait sa pièce au ministre de l’intérieur, François de Neufchâteau, bonhomme de lettres, s’il en fut, qui ordonnait solennités sur solennités, lançait des circulaires en tous sens et se donnait un mouvement extraordinaire pour rendre un air de vie à cette fin de Directoire.

430. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Gambetta s’est calé dans l’entre-deux d’une porte et entend toute la pièce debout, en la pose d’une cariatide. […] La pièce continue dans ce petit bruit de friture, que fait le froissement des programmes et des robes de soie de femmes dans l’ennui d’une salle : bruit précédant d’ordinaire les sifflets. […] On cause de la pièce, et Daudet explique l’insuccès par ceci : que le père est un bouffon, et que son métier de bas comique tue l’émotion de la paternité, en sa personne. […] Enfin il s’écrie que la pièce lui a semblé, tout le temps, jouée en charge, en charge sérieuse, appliquée, pieuse même, mais en charge, comme devaient la jouer les excellents acteurs du Théâtre-Français. […] Cependant il ne peut s’empêcher de proclamer, qu’il y a des choses qui sont bougrement bien, dans le rôle de Blanche : « Attendez, je ne me rappelle plus les vers, mais ce “Je t’aime” du premier acte, c’est vraiment pas mal. » — Oui, là est la création de la pièce, jette Daudet.

431. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

Les dernières pièces du volume, qui sont d’une date plus récente, ont aussi plus de vigueur et de fermeté. […] L’ode à M. de La Mennais est pleine d’essor ; mais nous trouvons, et nous osons croire que l’illustre prêtre trouvera comme nous qu’elle est trop prise du côté de la gloire humaine : il ne fallait pas clore une pièce à M. de La Mennais par des fleurons.

432. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fontainas, André (1865-1948) »

Fontainas sont malaisés, ses pièces fibres sont plus souples, mais la peine des premières me rend suspecte la nécessité rythmique des autres. […] Lisez dans Crépuscules le long poème intitulé : L’Eau du fleuve, arrêtez-vous plus particulièrement à la pièce qui commence ainsi : La lune illumine la nuit du fleuve et vous connaîtrez l’ampleur de vision de M. 

433. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Haraucourt, Edmond (1857-1941) »

. — Jean Bart, pièce (1900). […] Nombre des pièces du volume purent reparaître dans l’Âme nue publiée deux ans plus tard avec un très vif succès et qui, en affirmant les qualités de force, de couleur et de pensée de M. 

434. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lebrun, Pierre (1785-1873) »

Lebrun, en publiant en 1858 une édition complète de ses œuvres, nous a montré, par quelques pièces de vers charmantes, que, dès l’époque du premier Empire, il y avait bien des élans et des essors vers ces heureuses oasis de poésie qu’on a découvertes depuis et qu’il a été des premiers à pressentir, comme les navigateurs devinent les terres prochaines au souffle odorant des brises.. […] Édouard Fournier Il échapperait à notre temps, s’il était resté ce que son âge, — il naquit en 1785, — voulait qu’il fût d’abord : un arrière-classique, un poète de l’Empire, rimant des Odes sur la Guerre de Prusse, sur la Campagne de 1807 et des tragédies telles qu’Ulysse et Pallas, fils d’Évandre ; mais il lui appartient, par la part qu’il prit au mouvement rénovateur, avec sa pièce de Marie Stuart assez fièrement imitée de celle de Schiller et surtout avec son brillant Voyage en Grèce, l’œuvre la plus sincère, la plus vraie de couleur et la plus éclatante qui ait été inspirée chez nous par la guerre des Hellènes.

435. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Mais ce sont là des artifices et ils n’empêchent que les poètes de ce penchant, dans les pièces où ils sont particulièrement analystes psychologues, cessent d’écrire des poésies. […] Dans les Sérénades, la pièce VIIl est assurément d’une émotion toute germanique ainsi que la pièce XI, qui débute par cette strophe : Tes yeux méchants et captieux, Comme le regard des chimères, Je veux les voir, bien que ces yeux Causent des peines très amères. […] Le Cahier rouge encore contient de ces pièces pures et profondes. […] Maurice Bouchor présentent également une série de petites pièces simples, passionnées, éprises ou ironiques, dénuées de déclamation, sans la grande emphase romantique, qui tiennent parfois de la sensibilité et de la méchanceté de Heine. […] Villiers a intercalé sept petites pièces de vers qui sont de pures chansons germaniques.

436. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Chaque année, Shakspeare donnait une ou deux pièces de théâtre. […] Il jouait aussi, dans sa jolie pièce Comme il vous plaira, le rôle du vieil Adam. […] Les pièces des poètes espagnols, ces pièces faites en vingt-quatre heures, comme disait l’un d’eux, semblent toujours une improvisation favorisée par la richesse de la langue, plus encore que par le génie du poète. […] On admire beaucoup en Angleterre la pièce qu’un de nos critiques a le plus accablée de sa superbe raison. […] L’originalité de Shakspeare se montre toujours dans ses pièces comiques.

437. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Ses trois pièces les meilleures sur le ton soutenu sont une ode à Conrart, une ode à Patru, et des stances dans le genre de celles de La Retraite de Racan. Ce sont trois pièces qui sont imitées d’Horace, de Malherbe ; le poète y redit, en l’affaiblissant, ce que ce dernier avait dit de la mort, qui n’épargne personne. […] Son grand travail, en quelques endroits qu’il a tâché de polir, ne sert qu’à mieux faire voir qu’il n’est point naturel. » Maucroix, en deux ou trois pièces, a précisément ce naturel joint au poli, et qui fait de lui plutôt un disciple de Racan. On conçoit qu’il ait dit de Virgile : « Virgile est ma folie, et je soutiendrai jusqu’à la mort que ses Géorgiques sont le plus bel ouvrage qui soit jamais sorti de la main des Muses. » On le conçoit surtout en lisant la pièce suivante, où respire avec l’amour des champs une sagesse tranquille, et dont j’interromprai à peine la citation complète par une ou deux remarques : Heureux qui sans souci d’augmenter son domaine Erre, sans y penser, où son désir le mène,             Loin des lieux fréquentés ! […] J’ai un jour proposé que, dans une édition des poésies de Malherbe, on ajoutât quatre ou cinq pièces de Racan et de Maynard comme étant des productions, si l’on peut dire, de la même Flore lyrique : ces stances de Maucroix mériteraient d’y avoir place à côté de Racan.

438. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Dangeau lit si bien que Corneille se mit à cette pièce de Bérénice, sans soupçonner la concurrence de Racine, et qu’il tomba dans le piège : aussi était-ce bien le bonhomme Corneille. […] Des pièces de Racine qui sont de sa première manière, Dangeau nous apprend laquelle Louis XIV préférait : « Le soir (dimanche 5 novembre 1684, à Fontainebleau), il y eut Comédie-Française ; le roi y vint, et l’on choisit Mithridate, parce que c’est la comédie qui lui plaît le plus. » Mais quand Racine eut fait Esther, ce fut certainement la pièce de prédilection de Louis XIV, si l’on en juge par le nombre de fois qu’il y assista. […] À propos de cette nouvelle comédie du Jaloux, qu’on joua à Marly le 28 janvier 1688 : « Le roi la trouva fort jolie ; mais il a ordonné qu’on y changeât quelque chose sur les duels, et quelque autre chose qui lui parut trop libre. » Louis XIV goûte moins une autre pièce de Baron qui se jouait également à Marly en même temps qu’on y dansait le ballet : « Le roi le vit (le ballet) de la chambre de Joyeux ; mais il n’y demeura pas toujours, parce qu’il ne trouva pas la comédie trop à son gré ; c’était L’Homme à bonnes fortunes. » En revanche, Louis XIV assistera peut-être trente fois à Esther, et toujours avec plaisir. […] Comme singularité, je remarque qu’en février 1688 on jouait à Versailles Jodelet ou le maître-valet, de Scarron, et la Dauphine y assistait, sans qu’on prît garde aux origines, et que cette pièce était du premier mari de Mme de Maintenon : de telles idées ne venaient pas à l’esprit, ou du moins on les gardait pour soi.

439. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Sarazin, dans sa jolie pièce de la pompe funèbre, a pu présenter les exploits d’esprit de Voiture en une suite d’épisodes et de chapitres distincts comme ceux d’un roman. […] La véritable pièce historique de Voiture est sa lettre écrite en 1636 après son retour en France, à l’occasion de la reprise de Corbie sur les Espagnols, qui s’en étaient emparés quelques mois auparavant ; il y embrasse d’un coup d’œil sensé et supérieur tout l’ensemble de la politique du cardinal de Richelieu, et, se mettant au-dessus des misères et des animosités contemporaines, il en fait à bout portant un jugement tout pareil à celui qu’a confirmé la postérité. Quels que fussent les motifs de Voiture en composant cette pièce, et quoiqu’il ait pu avoir intérêt à faire par là sa paix particulière (s’il en avait eu besoin) avec le cardinal, il n’est pas douteux qu’il exprime ce qu’il pense et l’on n’écrit pas de la sorte, avec cette simplicité et cette fermeté, sans être convaincu. […] Mlle de Rambouillet disait des douceurs que répandait Voiture en conversant ou en écrivant des lettres : « C’est toute poésie. » II était trop paresseux, trop insoucieux de l’avenir, pour travailler ses vers : ayant eu à copier je ne sais quelle de ses pièces qu’on lui avait demandée en Angleterre, il dit « que ce sont les seuls vers que jamais il ait écrits deux fois. » J’admets qu’il se vante un peu, mais cette affectation de négligence équivaut à la négligence même. […] Ce sont les vers improvisés à la reine Anne d’Autriche dans une promenade à Ruel : Je pensais que la destinée Après tant d’injustes malheurs… C’est surtout l’épître à M. le prince, après son retour d’Allemagne où il avait failli mourir de maladie (1645), pièce charmante, philosophique et de la plus douce veine.

440. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Un homme d’esprit et de tact qui avait vieilli dans le journalisme me disait un jour « Un critique, en restant ce qu’il doit être, peut avoir jusqu’à trois jugements, — trois expressions de jugement : — le jugement secret, intime, causé dans la chambre et entre amis, un jugement d’accord avec le type de talent qu’on porte en soi, et, par conséquent, comme tout ce qui est personnel, vif, passionné, primesautier, enthousiaste ou répulsif, un jugement qui, en bien des cas, emporte la pièce : c’est celui de la prédilection ou de l’antipathie. […] Ainsi, à propos d’une pièce (la Fille du Cid) de Casimir Delavigne : « Dans le monde des arts, il y a toujours au-dessous de chaque génie un homme de talent qu’on lui préfère. […] Casimir Delavigne. » Ainsi encore, à propos d’une pièce de Marivaux, il glissera ce spirituel éloge de la manière : « Marivaudage ! […] Qu’on lise sa jolie pièce aux Trois Grâces de Grenade, Martirio, Dolorès et Gracia. […] Le canal fait un coude, et vous pénétrez dans d’autres enceintes ornées de pièces d’eau et dont les murs conservent des traces de fresques du xvie  siècle… Au milieu d’un de ces bassins s’épanouit, comme une immense corbeille, un gigantesque laurier-rose d’un éclat et d’une beauté incomparables.

441. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Horace se plaint de ce que les Romains, au milieu de la représentation des pièces de théâtre, les interrompaient pour demander à grands cris des gladiateurs. […] Les édiles, à Rome, étaient chargés de décider, d’après la lecture des pièces de théâtre, si elles seraient ou non représentées : comment donc savoir s’ils ont autorisé la représentation d’une pièce sur un sujet romain, en supposant même qu’il en existe que nous ne connaissions pas, tandis que les titres de près de deux cents tragédies tirées des sujets grecs nous ont été transmis ! […] Y a-t-il rien dans ces vers qui suppose que les Romains aient eu des pièces de théâtre originales ? et n’est-ce pas un trait à ajouter au caractère des Romains, que cette espèce d’orgueil qu’ils attachaient à ne pas corriger les pièces qu’ils composaient ?

442. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

., tout excellents qu’ils sont dans leur genre, ne seront jamais mis par moi au même rang que la scène d’Horace et de Curiace, ou que les pièces inimitables de Racine, ou que le parfait Art poétique de Boileau, ou que Le Misanthrope ou le Tartuffe de Molière. […] Le premier ouvrage qu’il publia fut la traduction en vers de L’Eunuque de Térence en 1654 ; il avait trente-trois ans ; cette traduction est contemporaine des premières pièces de Molière. […] Dans ce monde de Fouquet, La Fontaine composa Le Songe de Vaux et des épîtres, ballades, sizains et dizains ; le surintendant lui avait donné une pension, sous cette clause gracieuse qu’il en acquitterait chaque quartier par une pièce de vers. […] Dans cette pièce, comme dans le discours en vers à Mme de La Sablière sur l’idée finale de conversion, comme dans le début de Philémon et Baucis, comme dans Le Songe d’un habitant du Mogol, La Fontaine a trouvé pour l’expression de ses vœux, de ses regrets et de ses goûts, un alexandrin plein et facile qui sait rendre coulamment le naturel, la tendresse, la hauteur de l’âme et l’indulgence, et qui se loge de lui-même dans la mémoire. […] Le Lac, si admirable d’inspiration et de souffle, n’est pas lui-même si bien dessiné que Les Deux Pigeons ; et, quand j’entends réciter aujourd’hui, à quelques années de distance, quelqu’une de ces belles pièces lyriques qui sont de Lamartine ou de son école, j’ai besoin, moi-même qui ai été malade en mon temps de ce mal-là, d’y appliquer toute mon attention pour la saisir, tandis que La Fontaine me parle et me rit dès l’abord dans ses peintures :         Du palais d’un jeune Lapin         Dame Belette, un beau matin,         S’empara ; c’est une rusée.

443. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Ajoutez quelques pièces relatives à son procès. […] Soulié, Recherches] des pièces qu’il eût imitées dans les siennes, et qu’il n’aurait jamais jouées à Paris [Cf.  […] Maurice Raynaud, Les Médecins au temps de Molière] ; — et ses pièces redeviennent aussi claires que jamais. […] I. — Pièces relatives à la biographie de Fontenelle ; —  Dialogues des morts anciens, — Dialogues des morts anciens avec les modernes. […] Campistron [1656, † 1723], — et si ses pièces, comme l’a dit Voltaire, « sont mieux intriguées que celles de Racine » ?

444. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Alors je suis entré dans une maison, et je me suis senti transporté, comme par des changements à vue, de pièce en pièce, où des spectacles extraordinaires m’étaient donnés. […] Un enfant est fort curieux de savoir si on verra Henri IV dans la pièce, et le demande plusieurs fois avec instance à sa mère. Au fond un public naïf sur lequel la pièce historique exerce une fascination. […] » Elle écoute, ne parle pas, a une larme pour une pièce de vers de Hugo, à l’endroit de la sentimentalité fausse de la pièce… Ce qui me frappe chez la femme-écrivain, c’est la délicatesse merveilleuse de petites mains, perdues, presque dissimulées dans des manchettes de dentelle. […] Mais cette pièce est impossible pour deux raisons.

445. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Lamartine.] » pp. 534-535

L’Ombre de Joseph Delorme a dû tressaillir de se voir si bien traitée et louée si magnifiquement pour une des pièces les plus contestées de tout temps et les plus raillées de son recueil. […] Comme ces pièces premières de Lamartine n’ont aucun dessin, aucune composition dramatique, comme le style n’en est pas frappé et gravé selon le mode qu’on aime aujourd’hui, elles ont pu perdre de leur effet à une première vue ; mais il faut bien peu d’effort, surtout si l’on se reporte un moment aux poésies d’alentour, pour sentir ce que ces élégies et ces plaintes de l’âme avaient de puissance voilée sous leur harmonie éolienne et pour reconnaître qu’elles apportaient avec elles le souffle nouveau.

446. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — France, Anatole (1844-1924) »

. — Le Lis rouge, pièce (1899). — Pierre Nozière (1899). — Clio, choix (1900). […] Dans les courtes pièces des Poèmes dorés, combien de pages ravissantes.

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