/ 2350
1374. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Je n’ai pas voué assez de respect à Renan pour que sa parole me suffise. […] C’est un fait unique, et tellement immense dans ses manifestations et dans ses conséquences, que la parole et ses richesses sont impuissantes à les énumérer.

1375. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Ce ne sera peut-être pas sa première parole, mais ce sera sa seconde. […] Si vous l’étudiez, vous verrez qu’il gasconne encore, en paroles et en actes, vous verrez qu’il ruse comme un Auvergnat, s’entête comme un Breton, s’emporte comme un Flamand et pense comme une toute petite ville.

1376. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Un jour je lui apportai les œuvres de Maine de Biran et je lui dis en empruntant les paroles de M.  […] Suivez ce couloir sombre ; au bout vous trouverez l’escalier. » Beaucoup de gens s’en allaient, croyant sur parole.

1377. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

En effet, qu’on suppose un orateur doué par la nature de cette magie puissante de la parole, qui a tant d’empire sur les âmes et les remue à son gré ; qu’il paraisse aux yeux de la nation assemblée pour rendre les derniers devoirs à Henri IV ; qu’il ait sous ses yeux le corps de ce malheureux prince ; que peut-être, le poignard, instrument du parricide, soit sur le cercueil et exposé à tous les regards ; que l’orateur alors élève sa voix, pour rappeler aux Français tous les malheurs que depuis cent ans leur ont causés leurs divisions et tous les crimes du fanatisme et de la politique mêlés ensemble ; qu’en commençant par la proscription des Vaudois et les arrêts qui firent consumer dans les flammes vingt-deux villages, et égorger ou brûler des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, il leur rappelle ensuite la conspiration d’Amboise, les batailles de Dreux, de Saint-Denis, de Jarnac, de Montcontour, de Coutras ; la nuit de la Saint-Barthélemi, l’assassinat du prince de Condé, l’assassinat de François de Guise, l’assassinat de Henri de Guise et de son frère, l’assassinat de Henri III ; plus de mille combats ou sièges, où toujours le sang français avait coulé par la main des Français ; le fanatisme et la vengeance faisant périr sur les échafauds ou dans les flammes, ceux qui avaient eu le malheur d’échapper à la guerre ; les meurtres, les empoisonnements, les incendies, les massacres de sang-froid, regardés comme des actions permises ou vertueuses ; les enfants qui n’avaient pas encore vu le jour, arrachés des entrailles palpitantes des mères, pour être écrasés ; qu’il termine enfin cet horrible tableau par l’assassinat de Henri IV, dont le corps sanglant est dans ce moment sous leurs yeux ; qu’alors attestant la religion et l’humanité, il conjure les Français de se réunir, de se regarder comme des concitoyens et des frères ; qu’à la vue de tant de malheurs et de crimes, à la vue de tant de sang versé, il les invite à renoncer à cet esprit de rage, à cette horrible démence qui, pendant un siècle, les a dénaturés, et a fait du peuple le plus doux un peuple de tigres ; que lui-même prononçant un serment à haute voix, il appelle tous les Français pour jurer avec lui sur le corps de Henri IV, sur ses blessures et le reste de son sang, que désormais ils seront unis et oublieront les affreuses querelles qui les divisent ; qu’ensuite, s’adressant à Henri IV même, il fasse, pour ainsi dire, amende honorable à son ombre, au nom de toute la France et de son siècle, et même au nom des siècles suivants, pour cet assassinat, prix si différent de celui que méritaient ses vertus ; qu’il lui annonce les hommages de tous les Français qui naîtront un jour ; qu’en finissant il se prosterne sur sa tombe et la baigne de ses larmes : quelle impression croit-on qu’un pareil discours aurait pu faire sur des milliers d’hommes assemblés, et dans un moment où le spectacle seul du corps de ce prince, sans être aidé de l’éloquence de l’orateur, suffisait pour émouvoir et attendrir ? […] Ainsi, un acteur célèbre (Baron), qui prétendait que l’émotion est en nous un sentiment involontaire, et presque indépendant de l’esprit, en mettant sur des paroles gaies, ou même ridicules, un accent pathétique, attendrissait peu à peu, et parvenait à faire couler les larmes.

1378. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Hugo daigna sourire et m’adresser quelques paroles encourageantes. […] Ensuite il les a écrites en les amplifiant et en les perfectionnant, car la parole est ailée et l’impression reste. […] La pensée, la parole et la rime jaillissaient en même temps, et quelle rime ! […] La parole lui donnait une forme immédiate, et réalisait à volonté ses conceptions. […] S’il a le soupir, il a la parole et le cri ; il domine aussi facilement qu’il charme.

1379. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR » pp. -

« Ce dernier trait, dit Sainte-Beuve, (tel que M. de Balzac l’emploie) peut être vrai d’un artiste sculpteur ou peintre qui, au lieu de se mettre à l’œuvre, passe son temps à disserter et à raisonner ; mais, dans l’ordre de la pensée, cette parole du romancier, qui revient souvent sous la plume de toute une école de jeunes littérateurs, est à la fois (je leur en demande bien pardon) une injustice et une erreur.

1380. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Rousseau tué par les chagrins et par la misère… » Après avoir quelque temps continue sur ce ton,  l’auteur s’attache à une phrase échappée à M. de Custine dans son livre sur l’Espagne : « En France, dit le spirituel touriste, Rousseau est le seul qui ait rendu témoignage par ses actes autant que par ses paroles à la grandeur du sacerdoce littéraire ; au lieu de vivre de ses écrits, de vendre ses pensées, il copiait de la musique, et ce trafic fournissait à ses besoins.

1381. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Il fait son devoir dans les terribles journées des Quatre-Bras et de Waterloo ; blessé, il continue de lutter ; il se bat simplement, vaillamment, dans ce bois accidenté d’Hougoumont dont chaque arbre est pris et repris avec tant d’acharnement pendant tout le jour ; le soir, il rejoint l’héroïque et désespéré Capitaine dans le carré de la vieille garde, où l’âme guerrière de la France s’est comme réfugiée ; et il entend cette parole qui, en un tout autre moment, eût réjoui son cœur : « Mon frère, je vous ai connu trop tard. » On n’a pas à suivre le prince Jérôme dans les longues années de la proscription et de l’exil.

1382. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

Il prend la parole et, du ton le plus sérieux : « Messieurs, dit-il, soyez satisfaits ; vous verrez tous cette grande révolution que vous désirez tant.

1383. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

Il n’y aurait pas d’histoire littéraire possible, ni même concevable, si la multitude n’en croyait quelques-uns sur parole.

1384. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dierx, Léon (1838-1912) »

. — Les Paroles d’un vaincu (1871). — Poésies complètes (1879)

1385. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Son âme, ainsi que celle de sainte Catherine de Sienne, saura s’éduquer au voisinage banal et familier de chaque jour et de chaque endroit, et, peu à peu, dans la parole d’un enfant, dans les réflexions du petit Allan, du petit Yniold, ou du petit Tintagiles, il découvrira des trésors de bonté infinis et des fortunes d’amour inépuisable.

1386. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Sa parole est évocatrice et s’épanche — tonnante et éblouie — comme un torrent qui tombe de haut.

1387. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Mme de Staël risque celle-ci : « Tout ce qui concerne l’exercice de la pensée dans les écrits, les sciences physiques exceptées » ; et Schlegel : « Tous les arts et toutes les sciences, ainsi que toutes les créations et toutes les productions qui ont pour objet la vie et l’homme lui-même, mais qui, sans avoir aucun acte extérieur pour but, n’agissent que par la pensée et le langage et ne se manifestent qu’à l’aide de la parole et de l’écriture. » Cette définition encyclopédique est peut-être juste, mais, si elle définit quelque chose, elle exprime que la littérature embrasse tout ce qui s’écrit, car où serait la démarcation ?

1388. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Laissez la pensée venir à vous, avec son vêtement naturel, qui est la parole ; ne l’appelez pas, ne la pressez pas.

1389. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

La philosophie du xviiie  siècle tenait pour maxime que c’était par l’amélioration des rois qu’il fallait commencer l’amélioration du sort des peuples, et j’ai entendu d’Alembert excuser par ce motif les paroles adulatrices de Voltaire au grand Frédéric et à l’impératrice de Russie.

1390. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

Je consume les plus beaux jours de ma vie au service d’autrui… Je vis dans une action continuelle ; pas un moment à donner à mes amis ; les bontés du roi ne sauraient me dédommager de toutes ces pertes. » On pourrait trouver une nuance d’ingratitude dans ces paroles, si l’on n’y voyait la sage précaution d’une femme intacte contre des soupçons offensants.

1391. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VI, première guerre médique »

« Les feux de l’aurore sont moins doux que les premiers regards de la gloire. » Ces paroles modernes d’une grâce attique, peuvent s’appliquer à cette jeune bataille, aube d’un jour rayonnant, fleur de pourpre d’un printemps sacré.

1392. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Celle des conquérans lui paroissoit moins juste & moins flatteuse que celle de règner sur ses concitoyens par le talent de la parole.

1393. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Il répond : Les paroles sont parfaitement belles, mais l’air n’en vaut rien.

1394. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Il est aussi hors d’état de discerner le mérite que de jouir de la beauté… Ne vous imaginez-vous pas entendre discourir une marionette, à laquelle Brioché suggère des paroles… ?

1395. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Si les discours des Ligueurs respirent l’esprit du temps, ne pourrait-on pas se permettre de penser que c’étaient les actions des personnages, encore plus que leurs paroles, qui devaient déceler cet esprit ?

1396. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

L’auteur anglois qui réprend la parole, prétend que nos poëtes, afin de pouvoir mettre de l’amour par tout, ont pris l’habitude de donner le nom d’amour et de passion à l’inclination generale d’un sexe pour l’autre sexe, determinée en faveur d’une certaine personne par quelques sentimens d’estime et de préference.

1397. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Comme l’eloquence du corps ne persuade pas moins que celle des paroles ; les gestes aident infiniment la voix à faire son impression.

1398. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

C’est le roman… Et quand je dis la plus généralement intéressante, je prie bien que l’on pèse mes paroles et qu’on n’en exagère pas la portée.

1399. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Mais il se distingua surtout dans cette partie de l’esprit philosophique, utile lors même qu’il se trompe, qui analyse les principes du goût, n’admire rien sur parole, et avant d’adopter une opinion, même de deux mille ans, cherche toujours à s’en rendre compte.

1400. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Le soir, disait-on, le prêtre, au moment où il fermait les portes du temple de Delphes, l’appelait à haute voix par ces mots : « Pindare le poëte est invité au souper du Dieu. » Cette vocation religieuse semblait attachée de naissance il la personne du poëte, venu au monde durant une des fêtes du Dieu, comme l’attestent quelques mots d’un de ses hymnes perdus29 : « C’était la fête qui revient tous les cinq ans, où, pour la première fois, je fus nommé, enfant chéri dans les langes. » Et, selon le commentaire ancien qui cite ces paroles, elles rappellent le cri Évoé, qui commençait les mystères d’un autre Dieu.

1401. (1923) Nouvelles études et autres figures

Quant à lui, Hésiode, il se chargera d’adresser à Persès des paroles vraies. […] Et le héraut des dieux, le messager Hermès, logea dans son cœur le mensonge, les paroles flatteuses et les ruses. […] Elle lui fit la grâce de lever ses yeux et l’accueillit avec de douces paroles. […] Elle l’accueille avec ses paroles : “Ô ami de Dieu, comme il y a longtemps que je soupirais après toi ! […] Ce jeune tribun, qui prenait la parole après O’Connell, n’avait pas plus de vingt ans.

1402. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Plus tard chaque fois qu’une lecture un peu longue m’avait mis en humeur de causer, le camarade à qui je brûlais d’adresser la parole venait justement de se livrer au plaisir de la conversation et désirait maintenant qu’on le laissât lire tranquille. […] Odette ne cessa plus de parler, mais ses paroles n’étaient qu’un gémissement : son regret de ne pas avoir vu Swann dans l’après-midi, de ne pas lui avoir ouvert, était devenu un véritable désespoir. […] Tout ce que les écrivains se sont habitués à subir, tout à coup simplement ils le regardent ; ils se servent pour le déchiffrer de toutes ces traces, de tous ces signes qu’il dépose sur les visages ou dans les paroles, de tous ces résidus inexploités, et au lieu de les reproduire, ils les interprètent. […] Mais la parole ! […] Il disparaît vraiment, comme auteur, sous le flot de leurs paroles ; il ne lui impose aucune limite, ni aucune direction.

1403. (1893) Alfred de Musset

du moins, moi, je puis parler de toi à toute heure, sans jamais voir un front rembruni, sans jamais entendre une parole amère. […] » Elle ne s’en tenait pas aux paroles. […] Il ne resta plus au poète de pensées ni de paroles pour autre chose que son malheur. […] L’auteur piqué déclara qu’il n’écrirait plus pour la scène et tint parole. […] Ses paroles épurent l’air autour de ses lèvres ; son vol est si rapide que nul ne peut dire où il va.

/ 2350