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785. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Le décor, Séville la nuit, ou la salle du trône dans un palais mauresque, complète merveilleusement le drame. […] Fuyons dans la nuit infernale. […] Théâtre national de l’Odéon : Le Songe d’une nuit d’été, de Shakespeare, traduction et adaptation de M.  […] Elle alla chez Valmiki à la nuit tombante, s’assit auprès de lui, et l’interrogea sur quelque points de philosophie. […] dit Nikita, je n’ai eu de bon temps qu’avec toi : te rappelles-tu comme les nuits nous semblaient courtes, au chemin de fer ?

786. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Il ne peut voir une aurore sans regretter l’aube, l’aube sans regretter la nuit, ni une belle nuit sans regretter le tomber du jour. […] Jeune oiseau de la nuit, qui, sans mouiller son aile, Voltige sur les mers de la réalité. […] Rolla est un Don Juan à la française, jeune homme qui s’est ruiné dans la débauche et qui veut se tuer dans une dernière nuit de plaisir. […] Comment pourrait-on en douter en écoutant ces notes déchirantes de la Nuit de Décembre : Ce soir encor je t’ai vu m’apparaître.     C’était par une triste nuit.

787. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Et pourtant, qui sait si cette grande âme, enveloppée de nuit, ne continuait pas d’aimer et de souffrir ? […] On m’y a introduit clandestinement au milieu d’une nuit noire. […] La hauteur des maisons nuit à la majesté des clochers. […] Gare au bateau-ronde, qui promène chaque nuit les gabelous d’Espagne ! […] Les journaux, dès le matin, les affiches, tout le long de l’après-midi, les voix humaines, jusqu’à une heure avancée de la nuit, lui crient des noms.

788. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Sa conduite, dans la tempête, au milieu des murmures de l’équipage, sa résolution de monter au mât sur le refus du lieutenant, sa volonté ferme de demeurer à bord du vaisseau abandonné tant qu’il en restera une planche à flot, tous ces sentiments énergiques et vrais répandent au milieu de tant de scènes déchirantes une forte teinte de sublimité morale qui rehausse et achève leur effet ; et lorsque, après la tempête, la nuit, sous les rayons de la lune, on voit Wilder, au gouvernail de la chaloupe, se pencher en avant, comme pour entendre la douce respiration de Gertrude endormie, l’âme du lecteur, qui a passé par tous les degrés de l’angoisse, jouit délicieusement de cet instant de pure ivresse, et succombant aux sensations qui l’inondent, elle dirait volontiers avec le poète : C’est assez pour qui doit mourir.

789. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Éphémérides poétiques, 1870-1890 » pp. 181-188

Adolphe Retté : Cloches dans la nuit.

790. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

D’abord on brise ainsi l’enchaînement des faits ; et Turgot a dit, au siècle dernier, avec une admirable précision : « Tous les âges sont enchaînés par une suite de causes et d’effets qui lient l’état présent du monde à tous ceux qui l’ont précédé. » Cette pensée doit être pour l’historien comme un phare qui le guide dans la nuit et les brouillards des âges révolus.

791. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

Près d’elle Jupiter a placé cette Balance dans laquelle il pese la Nature, & qui tempérant les feux du soleil, alonge les nuits, & rend leur empire égal à celui du jour ».

792. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Il aimoit l’étude avec tant de passion, que, pour y passer les nuits & s’empêcher de dormir, il étendoit hors du lit une main, dans laquelle il avoit une boule d’airain : la boule répondoit à un bassin, & le réveilloit au bruit qu’elle faisoit en tombant.

793. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

A cette heure avancée de la nuit qui me hâte et dans la première minute de ce grand deuil, oserai-je reprendre, souligner, développer le mot « provisoire » dont je qualifiais tout à l’heure cette attitude constante chez M. 

794. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Le Béotien s’y met lâchement : la lenteur et l’oisiveté de Lamachus, autre général Athénien, nuit à l’œuvre des travailleurs. […] Harpagon veille nuit et jour sur un trésor pour lequel il oublie le soin de sa personne et de sa famille ; on le lui vole, et son désespoir le jette dans la démence. […] « J’ai bien de fâcheux jours et de plus dures nuits. […] La comédie veut les corriger de ce travers de passion qui nuit à leur repos, et leur apprendre à s’aimer en paix. […] L’avarice est soupçonneuse ; Harpagon frémit et tremble qu’on ne lui dérobe le trésor autour duquel il rode jour et nuit, et qu’on n’attrape son secret dans la moindre de ses paroles.

795. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Non pour ma vie, non pour toujours, mais pour une heure, mais pour une nuit ! […] Une nuit pour que je saccage mon rêve ! Une nuit pour me gorger, pour me lasser de vous ! […] Une nuit pour te voir comme tu es, faible, pâli, vieilli, ô mon amour, ô dieu terrible de mon souvenir ! […] Comme elles s’allient profondément avec l’aube et le silence, ces paroles trempées dans le parfum des nuits mityléniennes : « Les Étoiles autour de la belle lune voilent aussitôt leur clair visage lorsque, dans son plein, elle illumine la terre de sa lueur d’argent… » En face de l’insondable nuit qui enveloppe cette mystérieuse beauté, nous ne pouvons que l’entrevoir, la deviner, à travers les strophes et les vers qui nous restent d’elle.

796. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

L’un d’eux semble un jockey tombé, un autre, une prostituée la nuit, à la porte d’un café qui ferme ; un autre, un mendiant dont la sébile est vide. […] Le surlendemain, une dépêche confirmait la nouvelle : son fils était mort, frappé d’une balle au cœur, dans une surprise de nuit, à l’heure même où elle l’avait dit. […] À regarder fixement le soleil, source de lumière, les yeux se troublent et la nuit s’y fait ; est-ce à dire que sa flamme soit éteinte ? […] Demain, cette nuit peut-être, ce sera vous plein de santé, vous orgueilleux de vos forces, vous si fier de votre intelligence, vous dont la jeunesse est imprégnée de joie, ce sera vous que tranchera l’inexorable faux. […] Quand je l’ai quitté pour la dernière fois, samedi, il avait un volume de Lamettrie sur sa table de nuit, ce qui m’a rappelé mon pauvre Alfred Le Poitevin lisant Spinoza.

797. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Le marquis d’Urfé devait en grande partie sa célébrité à sa longue et merveilleuse passion pour Diane de Châteaumorand, personne d’une admirable beauté, d’une grande fortune, toute occupée de ses charmes, et pénétrée du respect pour elle-même, au point d’avoir refusé à un neveu de s’arrêter une nuit dans un château qu’il avait sur une route où elle passait, parce qu’on y avait remplacé des vitres de cristal par du verre.

798. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Non contens d’avoir donné ce spectacle pendant le jour, ils couroient la nuit les rues, espérant fléchir, par ce moyen, la justice divine.

799. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Enfin, les images favorites des poètes enclins à la rêverie sont presque toutes empruntées d’objets négatifs, tels que le silence des nuits, l’ombre des bois, la solitude des montagnes, la paix des tombeaux, qui ne sont que l’absence du bruit, de la lumière, des hommes, et des inquiétudes de la vie27.

800. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

Durant toute la nuit on y chantoit des airs profanes, et les gesticulateurs y déclamoient. " apparemment que quelque chrétien avoit mis en vers la passion de saint Cyprien, et qu’on executoit ce poëme sur son tombeau, de la même maniere qu’on executoit les pieces prophanes sur le théatre.

801. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VI. Autres preuves tirées de la manière dont chaque forme de la société se combine avec la précédente. — Réfutation de Bodin » pp. 334-341

On sait que Valérius Publicola ne se justifia du reproche d’avoir construit une maison dans un lieu élevé, qu’en la rasant en une nuit. — Les nations les plus belliqueuses et les plus farouches sont celles qui conservèrent le plus longtemps l’usage de ne point fortifier les villes.

802. (1922) Gustave Flaubert

Une nuit de 1843, dans un petit appartement de la rue de l’Est, sur le square du Luxembourg, Gustave lit Novembre à Du Camp. […] Une belle vie à goûter, une grande place à prendre, les idées d’une génération nouvelle à affirmer et à exploiter, tel est le rêve de Paris qu’il déploie devant Flaubert dans les nuits d’Égypte. […] Son souvenir le plus profond d’Égypte est une nuit passée à Esneh avec une courtisane arabe réputée, Ruchouk-Hanum. […] Voilà un mois que mes plus longues nuits ne dépassent pas cinq heures. […] Une nuit, le conducteur de la malle-poste annonça dans Pont-l’Évêque la révolution de Juillet.

803. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Dans le tumulte des domestiques réveillés, il vient chez sa femme parce qu’il faut qu’on sache qu’il est venu une nuit chez sa femme. […] La causerie du duc et de la duchesse, où s’agitent, futilement semble-t-il, tant d’éternels problèmes, leur fait paraître bien courtes les heures de la nuit, bien courtes et si douces… Ils auraient pu s’aimer ! […] Ardemment sa nuit aspire à l’aurore. […] et ces journaux avaient plus d’abonnés que dans les nuits d’août il ne glisse, de l’Orient à l’Occident, d’étoiles pareilles à des comètes. […] Mais quelles joies sont réservées à ceux qui, s’initieront aux arcanes sacrés de cet esprit, et devenus pour lui comme des frères, et, avec lui, dans les brumes matinales rosées d’aurore ou dans les nuits stellaires à peine, égarés à la recherche de l’Amie hélas !

804. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

N’essayez point de l’émouvoir en lui vantant l’hystérique exaltation de la nuit du 4 août. […] Son Jean Valjean est un homme du peuple, que le plus vulgaire délit, un vol avec effraction, la nuit, dans une maison habitée, mène au bagne. […] Alfred de Musset y apparaît de nouveau, tel qu’il s’est présenté dans les Nuits, comme la victime d’une des plus abominables trahisons de femme qui se puissent concevoir. […] La nuit est belle sur la lagune, le poète veut sortir ; le romancier a ses feuilles blanches à noircir d’encre et demande à rester. […] L’incohérence n’y est pas plus volontaire que dans Rolla, où les apostrophes se mêlent et se croisent frénétiquement, que dans les Nuits, avec le désordre de leur inspiration.

805. (1876) Romanciers contemporains

Ses travaux, bien qu’écrits la nuit, n’ont jamais senti l’huile. […] La basse-cour est comme folle ; les poules parlent de passer la nuit ! […] Que de nuits a dû passer M.  […] « Tête nue, il regarde la nuit noire. […] La nuit surtout, ces lieux ont une horreur sacrée.

806. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Ce fut l’occupation de ses nuits, comme il le dit lui-même. […] Catilina, troublé, sortit du sénat en vomissant des menaces, et dans la nuit partit pour l’Étrurie avec trois cents hommes armés. […] C’est une lumière brillante, mais égale ; toutes les parties s’éclairent, s’embellissent et se soutiennent, et la perfection générale nuit seule aux effets particuliers. […] Le général lui-même souvent n’avait pas de tente, bivaquait sur le gazon, et était prêt à toute heure de nuit. […] Jouer de nuit était un luxe réservé aux théâtres particuliers de la cour et de quelques grands seigneurs.

807. (1774) Correspondance générale

C’est ordinairement pendant la nuit que s’élèvent les vapeurs qui obscurcissent en moi l’existence de Dieu ; le lever du soleil les dissipe toujours ; mais les ténèbres durent pour un aveugle, et le soleil ne se lève que pour ceux qui voient. […] Dites, s’il vous plaît, à toutes vos augustes pratiques que c’est très-mal à propos que vous avez attribué l’incognito à la traduction des Nuits d’Young par M.  […] la Providence, qui aime ses bons serviteurs, avait l’attention de les couvrir toutes les nuits d’un matelas de duvet, de l’épaisseur d’un bon pied et demi. […] J’ai pensé me perdre dans les glaces à Riga, et me fracasser un bras et une épaule dans un bac, pendant la nuit, à Mittau. […] Enfin, mon prince, on ne trouve pas mauvais qu’un homme se promène chez lui en robe de chambre et en bonnet du nuit ; mais il faut être décemment dans les rues, en visite, dans une église, en public.

808. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

C’est la nuit, tout dort dans le camp des Grecs. […] La plupart du temps sans doute le spectateur n’éprouve qu’un ennui que dissipe le lever du rideau ; mais quelquefois la longueur de l’entr’acte nuit à l’effet dramatique. […] Si nous nous transportons au cinquième acte d’Hernani, au moment où doña Sol voudrait entendre s’élever le chant du rossignol au milieu de cette belle nuit nuptiale, c’est le son inattendu du cor qui résonne au milieu de la solitude de la nuit et vient rappeler à Hernani qu’il est l’heure de mourir. […] C’est le cor qui déchaîne la mort dans cette nuit promise à l’amour et qui précipite le dénouement tragique. […] Les arbres, des bouleaux au feuillage léger, aux troncs clairs, disposés par bouquets, laisseraient le regard du spectateur se perdre dans « l’océan des nuits ».

809. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Je me bornerai à indiquer au lecteur le récit, dans la Nuit de Noël à Verdun, d’une communion militaire à la chapelle de la forteresse. […] Et cette Nuit du sarcophage de Julien, quelle vision fuit-elle dans ce sommeil si douloureusement contracté ? […] C’est une des poésies tragiques du destin que cette subite tombée dans la nuit de ces nobles ambitions intellectuelles dont on fut le confident. […] Il jouissait de sa gloire au bruit de ces eaux « qui ne se taisent ni jour ni nuit », disait Bossuet à ses funérailles. […] L’Atre, c’est le cimetière où Gau-vain, à la poursuite de son ennemi, se prépare à passer la nuit.

810. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Pour Troïlus, il est tout tremblant ; il pâlit quand il voit revenir le messager ; il doute de son bonheur et n’ose croire les assurances qu’on lui en donne. « Tout comme les fleurs par le froid de la nuit — fermées, s’inclinent bas sur leur tige. —  Mais le soleil brillant les redresse,  — et elles s’ouvrent par rangées sous son doux passage. » Ainsi tout d’un coup son cœur s’épanouit de joie. […] » Il va à l’endroit où il l’a vue pour la première fois, puis à un autre où il l’a entendue chanter ; « il n’y a point d’heure du jour ou de la nuit où il ne pense à elle. » Personne n’a depuis trouvé des paroles plus vraies et plus tendres ; voilà les charmantes « branches poétiques » qui avaient poussé à travers l’ignorance grossière et les parades pompeuses ; l’esprit humain au moyen âge avait fleuri du côté où il apercevait le jour. […] L’amour entre dans son cœur avec l’air chaud et suave ; la campagne se transfigure, les oiseaux parlent, et il les entend : Là je m’assis parmi les belles fleurs, Et je vis les oiseaux sortir en sautillant des berceaux Où toute la nuit ils s’étaient reposés. […] J’allais me promener de nuit, et, au retour, je leur jurais que c’était pour surveiller leurs escapades. […] Mais tout à côté sont des personnages choisis, le chevalier qui est allé à la croisade à Grenade et en Prusse, brave et courtois, « aussi doux qu’une demoiselle, et qui n’a jamais dit une vilaine parole213  » ; le pauvre et savant clerc d’Oxford ; le jeune squire, fils du chevalier, « un galant et amoureux, tout brodé comme une prairie pleine de fraîches fleurs blanches et rouges. » Il a chevauché déjà et servi vaillamment en Flandre et en Picardie, de façon à gagner la faveur de sa dame ; « il est frais comme le mois de mai, chante ou siffle toute la journée, sait bien se tenir à cheval et chevaucher de bonne grâce, faire des chansons et bien conter, jouter et danser aussi, bien pourtraire et écrire ; il est si chaudement amoureux, qu’aux heures de nuit il ne dort pas plus qu’un rossignol ; courtois de plus, modeste et serviable, et à table découpant devant son père214. »  — Plus fine encore, et plus digne d’une main moderne est la figure de la prieure « madame Églantine », qui, à titre de nonne, de demoiselle, de grande dame, est façonnière et fait preuve d’un ton exquis.

811. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Il brille comme un soleil fulgurant, comme une étoile de première grandeur, étrange et lointaine, dans la nuit somptueuse et infinie où dorment les poètes. […] Ce poète et ce penseur, parce qu’il a voulu s’en tenir aux formes du passé, parce qu’il a cru que la poésie française avait trouvé avec Victor Hugo sa formule définitive, n’a pas eu la force ni le courage de recréer des formes nouvelles ; il n’a réussi qu’à produire une œuvre de transition, glorieuse il est vrai, mais dans laquelle on sent, entre la pensée et le moyen d’expression, une contradiction permanente qui nuit même à ses pages les plus fortes. […] Citons-en au moins les lignes suivantes : « Ce soir, dans le silence de la nuit, j’entends une petite voix qui sort des rideaux blancs du berceau. […] Il reprend son grand rêve, le grand silence de la nuit recommence. […] Pour préciser et pour raisonner sur un exemple, choisissons un poème qui soit connu de tout le monde : les Nuits, si l’on veut.

812. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

111 Un jour qu’il dînait chez Mme Harvey, il s’attarda et n’arriva qu’à la nuit. […] L’homme aujourd’hui ressemble à ces grandes capitales qui sont les chefs-d’oeuvre et les nourrices de sa pensée et de son industrie ; le pavé y couvre la terre, les maisons offusquent le ciel, les lumières artificielles effacent la nuit, les inventions ingénieuses et laborieuses encombrent les rues, les visages actifs et flétris se pressent le long des vitrines ; les souterrains, les égouts, les quais, les palais, les arcs de triomphe, l’entassement des machines étalent et multiplient le magnifique et douloureux spectacle de la nature maîtrisée et défigurée. […] Nous sommes tentés de nous demander ce qu’ils ont fait la nuit lorsque le silence et l’ombre enveloppaient leurs grandes formes, et que la brume venait poser son voile diaphane sur leurs manteaux.

813. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

« La fortune », dit-il dans cette lettre, « non contente de toutes mes adversités passées, vient, pour me rendre complètement malheureux, de m’enlever cette jeune et charmante femme, mon épouse, et de détruire par cette mort toute espérance de félicité pour moi, le seul soutien de mes pauvres enfants et la seule perspective de consolation qui me restât pour mes vieux jours ; je la pleure nuit et jour et je m’accuse de sa mort, parce que je n’aurais jamais dû, par une vaine ambition de grandeur, ou par un attachement trop grand à mon prince, l’avoir abandonnée ainsi que mes petits enfants et le gouvernement domestique de ma maison, entre les mains non de ses frères, mais plutôt de ses plus cruels ennemis ! […] Pendant les fêtes, tournois et spectacles donnés à l’occasion de ce mariage, et qui durèrent six jours et six nuits, le Tasse fut présenté à Lucrézia et à Léonora, les deux charmantes sœurs du duc et du cardinal. […] J’y trouve toute la grande poésie d’Homère avec plus de variété, toute l’imagination des Mille et une Nuits, la sensibilité de Tibulle, les plaisanteries de Plaute, toujours le merveilleux et le simple.

814. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Le marbre et le basalte et l’ombre et le silence Érigent, dans la Nuit, des tombeaux Où la face sculptée au fronton du silence Éternise sa vigilance À revoir sa durée aux taciturnes eaux. […] Déjà, à certaines places, il est vrai, le rythme se montrait seul maître de lui-même, avec l’accompagnement d’une mesure, non plus traditionnelle, mais logique ; encore peu divers, il était franc, ingénu et de primesaut : « Vous, si claire et si blonde et si femme, Vous tout le rêve des nuits printanières, Vous gracieuse comme une flamme Et svelte et frêle de corps et d’âme, Gaie et légère comme les bannières ; Et ton rire envolé comme une gamme En écho, par les clairières — ». […] On en trouve des exemples typiques : Voici ma pensée : Si la flèche Que mon arc lance aux étoiles Retombe et blesse Ma main qui l’a lancée Vers les étoiles ; Et si le cri d’opprobre Que je jette à l’écho des bois — Bavard ou de réponse sobre, Selon ma voix- Se retourne comme une insulte Qui brûle mon cœur en moi ; Ainsi tout vieux rêve vers toi, Tout vieil émoi (Qu’un nouveau rire, croit-il, achève) Surgit encore comme un tumulte, Hélène, Et tout vieux rêve Me pèse jour et nuit en honte vaine Comme un remords : Tel l’espoir d’une aube qui jamais ne se lève, Tel que mon jour est las de porter mes jours morts.

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