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1597. (1925) La fin de l’art

Agglomérés en nation, ils rougissent de leur niaiserie passée et ne supportent même plus qu’on s’intéresse aux bagatelles que, dans des heures d’égarement, ils ont entassées dans leurs musées.

1598. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Le style n’est pas seulement « l’homme », il est la société d’une époque, il est la nation et le siècle vus à travers une individualité.

1599. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Le contraste est frappant dans bien des cas, par exemple quand des nations en guerre affirment l’une et l’autre avoir pour elles un dieu qui se trouve ainsi être le dieu national du paganisme, alors que le Dieu dont elles s’imaginent parler est un Dieu commun à tous les hommes, dont la seule vision par tous serait l’abolition immédiate de la guerre.

1600. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Alfred Fabre-Luce y commence toute une série d’enquêtes qu’il ne cessera de poursuivre dans la Crise des Alliances aussi bien que dans Attirance de la Mort, dans la Victoire : enquête sur soi, d’abord, enquête sur les conditions de l’existence de son pays par rapport aux autres nations, ensuite. […] « Soudain mêlés à la vie intime d’une nation étrangère, dit Maurois, nous étions semblables à ces hommes qu’un mariage de raison unit brusquement à une inconnue.

1601. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Livré à moi seul, sans amis, sans conseils, sans expérience, en pays étranger, servant une nation étrangère, au milieu d’une foule de fripons qui, pour leur intérêt et pour écarter le scandale du bon exemple, me tentaient de les imiter : loin d’en rien faire, je servis bien la France, à qui je ne devais rien, et mieux l’ambassadeur, comme il était juste, en tout ce qui dépendait de moi. […] Et voici la contre-épreuve « Opposons à ces tableaux celui des mœurs du petit nombre des peuples qui, préservés de cette contagion des vaines connaissances, ont par leurs vertus fait leur propre bonheur et l’exemple des autres nations. » Tels furent les premiers Perses, tels furent les premiers Romains. […] C’est ainsi qu’il nous arrive, à vous, à moi, d’être excédés de ce qu’il y a de factice dans nos mœurs, de penser que nous nous passerions facilement des derniers bienfaits de la science appliquée, puisque nous nous en passions avant ; que l’humanité tourne probablement le dos à son bonheur ; que la civilisation industrielle est un mal, comme aussi ces amas démesurés d’hommes qui forment les grandes villes et les grandes nations ; qu’il serait bon de revenir à la vie naturelle et rustique, etc. […] — Après avoir raillé Montesquieu sur la division des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire), il y revient lui-même en séparant les pouvoirs délégués aux commissaires de la nation, etc., etc.

1602. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

J’accorde qu’il y a cette différence entre Sancho et lui qu’en sa qualité d’homme de génie il n’emprunte pas ses proverbes à la foule anonyme ; mais qu’il crée des proverbes ; qu’il ne prend pas à son compte les maximes de la sagesse des nations ; mais qu’il lui en fournit. […] Il faut tenir compte à Molière de cette « générosité », de ce sentiment qui n’est pas plat et vulgaire, de ce qu’il s’est éloigné en ceci de cette prudence honteuse par où les races et les nations se condamneraient à mort ; cependant je ne crois pas que, sur ce point, il se soit beaucoup écarté de l’opinion ou du sentiment général de son public. […] Léon Blay a dit : « X… était moliériste, comme il convient à tout esprit bas. » J’irai moins loin ; mais enfin je dirai qu’une nation qui aurait pris Molière pour guide moral et qui suivrait bien ses leçons ne serait pas méprisable, ne serait pas très mauvaise, serait même d’assez bon sens et d’assez bon goût, mais serait la plus plate du monde.

1603. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Nous l’écouterions sans doute ; mais passivement, en témoin indifférent, en nation neutre, sans cette application soutenue, un peu anxieuse, que l’on apporte à une chose sur laquelle on veut avoir une opinion très personnelle, à une chose que, en trois heures, et pendant qu’elle se déroule, on veut comprendre un peu en son fond, de manière à en saisir le fort et le faible, à une chose en un mot, non seulement dont on veut recevoir l’impression, mais encore qu’on veut analyser. […] Cela ne fait peut-être pas un très grand honneur à une nation. […] Il écrit à M. de Soumarekof, le 26 février 1769 : « Je souscris entièrement à ce que vous me dites de Molière et de la comédie larmoyante, qui, à la honte de la nation, a succédé au seul vrai genre comique, porté à sa perfection par l’inimitable Molière. […] Son nom, son seing n’a pas besoin, comme la monnaie d’un souverain [plus qu’un souverain parfaitement], que la valeur du métal serve de caution à son empreinte : sa personne a tout fait il a signé, et cela suffit… Ce n’est pas un peuple, ce n’est pas une seule nation qu’il sert : il les sert toutes et en est servi ; c’est l’homme de l’univers. » Voyez-vous d’ici l’épanouissement dans la joie et l’élargissement dans l’orgueil de Samuel Bernard !

1604. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Il y a, dans cette tradition, Bossuet, Voltaire et Chateaubriand ; il y a, dans cette tradition, tous les modes de la parole influente, tous les échos de l’histoire, tous les frémissements de la nation. […] Un Paul Bourget qui, depuis quarante ans bientôt, consacre son labeur admirable à composer les systèmes d’idées sur lesquels s’appuieraient notre conscience et nos arts, est l’un des grands ouvriers de la nation. […] On le priera de ne pas oublier qu’une obligeante manière de convier à nos jeux spirituels les étrangers est une ancienne tradition française ; que nous avons pour institutrice continuelle, à travers notre histoire, l’antiquité d’Athènes et de Rome ; que nos écrivains classiques n’ont refusé ni l’influence italienne, ni l’espagnole ; que l’Europe entière a collaboré à la formation de notre conscience française ; et que, si Paris est, de nos jours, une ville cosmopolite, il en était une déjà au moyen âge, dès le douzième siècle, quand Abélard sur la montagne Sainte-Geneviève enseignait toutes les nations et que l’université parisienne régissait la pensée universelle. […] Considérez les grands mouvements de races ou de nations qui ont le plus secoué le monde, les migrations, les révolutions : vous les verrez conduites par des individus éminents, dont l’absence détraquerait tout.

1605. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Il se détruirait d’ailleurs lui-même si jamais il triomphait complètement chez un peuple, parce qu’il se transformerait rapidement en routine, abaisserait l’intelligence et entraînerait la perte de la nation qui l’aurait, favorisé à l’excès. […] Ceux dont l’histoire est aujourd’hui achevée, et chez qui le développement excessif des goûts mercantiles semble avoir tué le grand art, doivent être plaints sans doute, mais rien ne peut faire prévoir qu’ils aient marqué d’avance la direction sans issue où s’engagerait l’humanité : parmi les nations comme parmi les individus il est des destinées incomplètes et avortées ; d’autres peuples au contraire pressentent l’avenir ; ils portent à leur front, comme certaines tribus de l’Afrique, une étoile qu’ils y ont eux-mêmes incrustée. […] Pourquoi l’Espagne, cette nation à la tête étroite et dure, a-t-elle aussi ses grands peintres, et parmi eux un Murillo, — un mystique, à qui les nudités semblent avoir fait peur ?

1606. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Aujourd’hui tout le monde passe par le régiment ; le régiment est donc le vaste cadre qui enferme toute la nation ; et c’est l’organisation la plus forte qui nous reste. […] En d’autres termes, n’a-t-il pas charge d’âmes et ne peut-il, grâce à l’autorité dont il dispose et à la nature des sentiments auxquels il s’adresse, faire du régiment, pour la nation tout entière, l’école, non du devoir militaire seulement, mais du Devoir ? […] Ces romans nous fournissent l’occasion d’examiner une question qui à l’heure actuelle est très débattue : celle du « libre échange intellectuel » qui tend à s’établir entre les différentes nations de l’Europe.

1607. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Or, ce qui se passe dans la vie d’un homme se passe dans la vie d’une nation et dans celle de l’humanité. […] Nous avons tous vu des théâtres de formes les plus diverses, les uns ouverts, les autres fermés, souvent chez différents peuples ; nous avons assisté à de nombreuses représentations dramatiques ; nous possédons dans notre imagination une ample collection, un peu confuse, mais très riche, de costumes de tous les âges ; nous connaissons plus ou moins les mœurs des nations anciennes et modernes ayant joué un rôle important dans l’histoire ; enfin, nous sommes familiers avec les légendes héroïques, les mythologies, souvent même avec les langues des pays étrangers. […] Car cette élite plus éclairée, que toute nation possède en elle-même, est destinée à voir peu à peu grossir ses rangs par l’adjonction de ceux qu’élèvent jusqu’à elle l’instruction et l’éducation de jour en jour plus répandues.

1608. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Et par moments, il nous semblait marcher dans une image peinte du Japon, autour de ce palais infini, sous ce toit avancé comme celui d’une bonzerie, éclairé par des globes de verre dépoli, tout pareils aux lanternes de papier d’une Fête des Lanternes ; ou bien sous le flottement des étendards et des drapeaux de toutes les nations, il nous venait l’impression d’errer dans les rues de l’Empire du Milieu, peintes par Hildebrand dans son Tour du monde, sous les zigzags claquants de leurs enseignes et de leurs oriflammes.

1609. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Personne ne parle le langage en général, car il n’y a pas de langue universelle ; on parle toujours une langue particulière, qui est d’ordinaire la langue de la nation dont on fait partie ; et l’on fait ainsi quand on parle intérieurement comme quand on parle à haute voix.

1610. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Quoi qu’il en soit, nous devons n’en apprécier que plus profondément des publications qui maintiennent pour une élite le culte des hautes idées, et qui sentent l’utilité, l’urgence qu’il y a à discuter ces problèmes en apparence abstraits, mais qui, dans la réalité, dominent et commandent la vie même des nations.

1611. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Mais nous croyons que la poésie, soit qu’elle puise aux sources de l’Orient, soit qu’elle cherche dans l’histoire des nations occidentales le thème de ses chants, est obligée de tenir compte du cœur et de l’intelligence ; aussi les Orientales sont-elles pour nous un solfège et rien de plus. […] Par un singulier privilège, il lui est donné de se montrer tour à tour lyrique, philosophique, épique, selon qu’il lui plaît d’entreprendre la peinture des passions, l’analyse de la pensée, ou le tableau des événements qui intéressent une nation tout entière.

1612. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Le vent souffle à l’économie politique et la nation se met à disserter sur les grains ? […] Ce fut même à titre de client des Pâris qu’il eut le bonheur d’échapper à cette fièvre de l’or que Law inocula deux ans à la nation tout entière. […] Il en veut à tous les piédestaux… Il aura beau faire, beau dégrader, je vois une douzaine d’hommes dans la nation qui, sans s’élever sur la pointe du pied, le passeront toujours de toute la tête ; cet homme n’est que le second dans tous les genres 216. » Et en effet, pour atteindre ce premier rang qu’on lui refusait encore, pour devenir le chef des encyclopédistes, pour amener Diderot, d’Alembert et tous les garçons de la grande boutique encyclopédique à n’être plus, selon le mot de Mme du Deffand, que la livrée de Voltaire, il y fallut toute son incomparable adresse à flatter les amours-propres, toute son habileté souveraine à prendre le vent de l’opinion, cet art enfin de faire arme de tout et d’intéresser à la fois à sa gloire Frédéric et Marie-Thérèse, Catherine et Stanislas Poniatowski, Choiseul et la du Barry, Diderot et Richelieu, d’Alembert et Mme du Deffand, Turgot et Necker, Beaumarchais et le président Maupeou, cette aristocratie qu’il choyait et cette canaille qu’il méprisait. […] Voltaire voit « tous les étrangers indignés, tous les officiers suisses protester qu’ils ne combattront pas de grand cœur pour une nation qui fait rouer leurs frères sans aucune preuve 236 ».

1613. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Rien ne contribue davantage à rendre une nation grossière, détruire le goût, abâtardir l’éloquence et toute sorte d’esprit. […] Moi, je n’en crois rien ; je crois que les Russes écraseront les Turcs par contre-coup, et ne feront qu’agrandir et réveiller le Polonais, comme Philippe II et la maison d’Autriche écrasèrent l’Allemagne et l’Italie en voulant troubler la France, et ne firent qu’ennoblir votre nation. » C’est au mois de juin 1771, à la veille des fameux partages de la Pologne, que Galiani lit si clairement dans l’avenir.

1614. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Plus précisément, nous dirons que la psychologie, comme toutes les sciences qui portent sur les phénomènes de la vie, comporte des écoles, procède par écoles ; que, dans ces écoles formées autour de la personne d’un maître presque autant qu’autour de l’œuvre imprimée qui fait sa doctrine partout présente dans l’espace, les considérations de langue, de nation, de religion, de clientèle, d’éloquence, de savoir-faire jouent un rôle important ; que, sciences de la vie, elles baignent par ailleurs de toutes parts dans les conditions et dans les nécessités, souvent humiliantes, de la vie. […] Les étrangers, qui s’étonnent de nous voir continuer aujourd’hui des disputes vieilles d’un siècle entre le classicisme et le romantisme, voudront bien considérer que c’est là, en partie, un rythme de notre vie intellectuelle française au xixe  siècle, un moment naturel dans l’existence d’une nation qui constitue un ménage du Nord et du Midi, un dialogue jamais achevé entre le Nord et le Midi. […] Barrès est un grand romantique qui a trouvé une discipline dans le sentiment vivant de la nation, comme Chateaubriand en avait trouvé une dans le sentiment vivant de l’honneur féodal. […] Celle de Balzac aussi : c’est par là que Balzac participe à l’esprit des deux nations.

1615. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Mais bientôt, en l’embrassant d’une plus équitable manière, en la comparant, selon la philosophie et l’art, avec d’autres renommées des nations voisines, il l’a mieux comprise encore et respectée.

1616. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Cependant les Précieuses ridicules, pièce satirique et personnelle, peignent des vices de salons propres à la nation française.

1617. (1914) Une année de critique

Et l’intérêt de la nation, confondu avec le leur, dictait leurs sentiments, leurs passions, leur conduite. » Non, je ne m’attarderai pas davantage sur ce roman où la volupté chante des airs si gracieux quand la rafale souffle de toutes parts. […] On venait de mener une enquête sur l’influence allemande en France, et les réponses avaient donné prétexte à des discussions sur les qualités respectives des différentes races, ou plutôt des différentes nations européennes.

1618. (1913) Poètes et critiques

Dans sa Roumanie contemporaine, il a exprimé, avec une verve vraiment heureuse, la renaissante activité de cette nation et les aspects originaux de cette terre. […] Mais voici le premier effort de « conciliation », et comme une idée de retour à l’idée chrétienne, sous cette forme, à demi rationaliste, du protestantisme entrevu, étudié, admiré, dans la nation anglaise ; et, à la fin, surgit cette conclusion, assurément inattendue chez l’auteur des Philosophes classiques et du livre de l’Intelligence : « La vérité n’est supportable que pour quelques-uns ; il vaudrait mieux qu’on ne pût l’écrire qu’en latin. » Évolution émouvante, poignante même, par la noblesse de l’esprit qui l’accomplit, et par la cruauté des temps qui l’ont déterminée.

1619. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

À la rigueur, il admet que les douze pieds de l’hexamètre puissent servir à marquer fortement une sentence ; encore ne voit-il pas bien ce que le rythme et la rime ajoutent à la maxime d’un moraliste ou à celles qu’a dictées la sagesse des nations. […] Car la lutte s’étend à toute la nation : c’est une mêlée universelle. […] Il aime cette époque privilégiée, pour ses mœurs d’abord qui étaient si probes, honnêtes sans sévérité, aisées et enjouées sans licence, pour le ton de délicatesse et d’élévation qui régnait dans la société, pour la sagesse d’un gouvernement qui a donné à la France la plus grande somme connue de liberté et de bonheur. 1840 est à ses yeux la date lumineuse, l’année qui représente dans la période contemporaine le point de perfection, une sorte d’année décrétoire qui marque un sommet dans le développement moral, intellectuel et politique de la nation française.

1620. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Je vois maintenant ces pièces d’un tout autre œil qu’au temps où je les ai écrites, et il est pour moi bien intéressant de constater l’effet qu’elles produisent sur une nation étrangère et dans une époque dont les idées sont tout autres.

1621. (1927) André Gide pp. 8-126

On devine que ce prince, c’est la foi, qui mobilise les nations et déplace les montagnes, mais s’accommode mal des curiosités indiscrètes.

1622. (1904) Zangwill pp. 7-90

« Quelle opposition entre notre littérature du douzième siècle et celle des nations voisines. » J’arrête ici pour aujourd’hui la citation ; la méthode est bien ce que nous avons dit ; elle est doublement ce que nous avons dit ; quand par malheur l’historien parvient enfin aux frontières de son sujet, à peine réchappé de l’indéfinité, de l’infinité du circuit antérieur, il se hâte, pour parer ce coup du sort, de se jeter dans une autre indéfinité, dans une autre infinité, celle du sujet même ; à peine réchappé d’avoir absorbé une première indéfinité, une première infinité, celle du circuit, celle du parcours, et de tous ces travaux d’approche, qui avaient pour principal objet de n’approcher point, il invente, il imagine, il trouve, il feint une indéfinité nouvelle, une infinité nouvelle, celle du sujet même ; il analyse, il découpe son sujet même en autant de tranches, en autant de parcelles que faire se pourra ; il y aura des coupes, des tranches longitudinales, des tranches latérales, des tranches verticales, des tranches horizontales, des tranches obliques ; il y en aurait davantage ; mais notre espace n’a malheureusement que trois dimensions ; et comme nos images de littérature sont calquées sur nos figures de géométrie, le nombre des combinaisons est assez restreint ; tout restreint qu’il soit, nous obtenons déjà d’assez beaux résultats ; nous étudierons séparément l’homme, l’artiste, le penseur, le rêveur, le géomètre, l’écrivain, le styliste, et j’en passe, dans la même personne, dans le même auteur ; cela fera autant de chapitres ; nous nous garderons surtout de nous occuper dans le même chapitre de l’art et de l’artiste ; cela ferait un chapitre de perdu ; et si d’aventure, de male aventure nous parvenons à parcourir toutes les indéfinités, toutes les infinités de détail de tous ces chapitres, de toutes ces sections, il nous reste une ressource suprême, un dernier moyen de nous rattraper ; ayant étudié séparément l’homme, l’écrivain, l’artiste, et ainsi de suite, nous étudierons les relations de l’homme et de l’écrivain, puis de l’artiste et de l’art, et du styliste, et ainsi de suite, d’abord deux par deux, puis trois par trois, et ainsi de suite ; étant données un certain nombre de sections, formant unités, les mêmes mathématiques nous apportent les formules, et nous savons combien de combinaisons de relation peuvent s’établir ; cela fera autant de chapitres nouveaux ; et quand nous aurons fini, si jamais nous finissons, le diable soit du bonhomme s’il peut seulement ramasser ses morceaux ; que de les rassembler, il ne faut point qu’il y songe ; l’auteur a fait un jeu de patience où nulle patience ne se retrouverait.

1623. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Elle coïncide exactement, on le voit, avec la division de l’Europe du Moyen Âge en deux grandes « nations » désormais séparées et qui ne se rapprocheront plus, qui ne se rejoindront plus de longtemps maintenant.

1624. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

L’Encyclopédie est, dans l’ordre de la pensée et de l’érudition philosophiques, ce que furent, dans l’ordre de l’art, les cathédrales du moyen âge, — mais avec cette formidable différence que le sentiment qui animait les grands artistes du moyen âge a eu beau perdre de son énergie, de sa profondeur et de sa beauté dans le cœur des nations modernes, les magnifiques chefs-d’œuvre qu’on leur doit n’en existent pas moins à l’état de chefs-d’œuvre, enlevant d’admiration ceux qui les contemplent, tandis que l’Encyclopédie, dont on croyait faire quelque chose comme une cathédrale de Cologne ou de Strasbourg de l’impiété, ne fait plus guères l’effet que d’une masse informe, incohérente, sans grandeur réelle, dont se détournent également à cette heure l’imagination et la raison des hommes.

1625. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Car ils disent, ces héroïques applaudissements, « que la France aime à acclamer d’incontestables gloires dont l’éclat dissimule la rareté, aux époques où son prestige de première nation du monde subit quelques défaillances ». […] Mlle Cladel, heureusement, nous instruit, et désormais nous contemplerons en la directrice de la Renaissance, la « haute et insubmersible figure du devenir de la nation ».

1626. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Ainsi jadis du Bellay, mais sur un autre ton, tout de même, et pour des besognes un peu différentes, poussait au pillage la troupe ardente des jeunes poètes : « Là doncques, François, marchiez courageusement vers cette superbe cité romaine : et des serves despouilles d’elle comme vous avez fait plus d’une fois) ornez vos temples et autels … Donnez en cette Grece menteresse, et semez encore un coup la fameuse nation des Gallogrecs. […] L’art n’a pas encore perdu en France toutes ses vieilles libertés et il est encore permis, ce que les nations protestantes répriment sévèrement, comme un retour au paganisme, de mêler & l’ingénuité des fleurs et des feuillages la nudité idéale de l’homme et de la femme.

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