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514. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Sur la cause première du mouvement, l’opinion de Platon est aussi arrêtée qu’il se peut, et il ne balance pas à rapporter à Dieu le mouvement qui se montre partout dans l’univers et qui le vivifie. […] L’étendue du génie d’Aristote se montre par la généralité de ses vues ; celle de ses connaissances, par la multiplicité des exemples qu’il rapporte successivement. […] « Le cerf devenu trop épais, ce qui lui arrive en automne où il engraisse beaucoup, ne se montre plus nulle part. […] Deux personnes vont ensemble : l’une se montre et chante ou joue de la flûte ; l’autre se tient en arrière et tire la flèche au signal que le premier lui donne.

515. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Je ne vois dans toute la pièce que Regnard qui, sous le nom de Valère, me montre son esprit et rime agréablement ses souvenirs de mauvais sujet. […] Marquer ces progrès et cette marche insensible de l’attrait qu’on ne s’avoue pas à la passion qu’on déclare ; mettre sans inconvenance une fille de condition en face d’un valet qui lui fait une déclaration d’amour ; nous faire consentir qu’elle écoute ce valet et qu’elle réponde de façon à ne pas le désespérer et à ne pas l’encourager ; la retenir dans le naturel et la vérité, entre la raison qui lui montre le péril, et le penchant secret qui le lui dérobe, fuyant et s’avançant à demi, retirant les paroles échappées, fermant son cœur presque en même temps qu’elle l’entr’ouvre, c’est un vrai tour de force de l’art, ou tout simplement une vérité de cœur humain vue avec simplicité, en un jour de veine heureuse, non par le Marivaux bel esprit, entêté du fin 54 et ne voyant dans Voltaire que « la perfection des idées communes », mais par le Marivaux homme de bien et doux, naturel à force de candeur, et peut-être à son insu. […] Au juge qui est assis au parterre, je montre un juge sur la scène. […] S’il préfère les sujets compliqués aux sujets simples, c’est, avoue-t-il, qu’il est plus aisé d’en faire le dialogue ; et il ajoute : « La multitude des incidents donne pour chaque scène un objet d’intérêt déterminé ; au lieu que si la pièce est simple, et qu’un seul incident fournisse à plusieurs scènes, il reste pour chacune je ne sais quoi de vague qui embarrasse un auteur ordinaire ; mais c’est où se montre un homme de génie. » Rien de plus vrai.

516. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Dans Bourdaloue, l’humilité du prêtre avait dû aggraver la sévérité de cette doctrine, et de même qu’il ne montre pas tout l’esprit qu’il avait, de même il avait plus d’imagination qu’il n’en laisse voir. […] L’un nous montre leur impuissance pour notre bonheur ; l’autre, leur étroite affinité avec nos travers et nos vices ; celui-ci, l’obstacle incessant qu’elles font à notre paix avec nous-mêmes et avec les autres ; celui-là, leur présence, soit visible, soit inaperçue, dans toutes nos actions et toutes nos pensées. […] Il nous montre qu’il y a plus loin d’une passion à une vertu qu’à un vice ; il nous tient en défiance contre nous-mêmes ; et, quand il est un Pascal, il nous passionne contre nos passions. […] Et cet autre personnage que Vauvenargues nous montre passant toute la matinée à se laver la bouche, n’est-ce point Othon lui-même ?

517. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Il avait alors perdu sa mère, une mère qui l’adorait, et dont il me montre, à son doigt, une bague qui ne l’a jamais quitté. […] Théo me montre, avec une satisfaction de débutant, la nouvelle édition d’Émaux et camées, toute fraîche sortie des presses, et où Jacquemart a fait son portrait, en une espèce de poète de l’antiquité. […] Picard nous le montre, pendant toute la Défense nationale, assis sur une chaise, en arrière de la table du conseil, en un coin, dissimulé, et retraité dans l’ombre, ne se décidant sur rien, ne se prononçant sur quoi que ce soit, ne se compromettant par aucune opinion tranchée, ménageant tous les partis, et se conservant pour toutes les aventures du hasard. […] Jeudi 15 août Dans une petite église d’ici, il y a un squelette, enfermé dans une gaze constellée de paillettes, fleurie de feuillages d’or à la façon d’un maillot de clown, un squelette qui a, dans le creux de ses orbites et le vide de ses yeux, deux topazes, un squelette, qui montre un râtelier de pierres précieuses : c’est le corps de « saint Alexandre », présenté à l’adoration des fidèles.

518. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Fais la nique à la camarde Qui nous montre ses gros yeux. […] Mais il faut remarquer que, plus la civilisation avance, plus l’individualité se développe ; et ce développement peut devenir une cause de décadence si, en même temps que l’individualité se montre plus libre et plus riche, elle ne se subordonne pas elle-même volontairement à l’ensemble social. […] Et pourtant, n’est-ce pas l’auteur même des Fleurs du mal qui, en une heure de philosophie, écrivait cette dissertation édifiante : « L’intellect pur vise à la vérité, le goût nous montre la beauté et le sens moral nous enseigne le devoir. […] La troisième cause, c’est qu’en s’attaquant à de pareils sujets il est aisé d’obtenir un succès de scandale ; on excite la curiosité, sinon l’intérêt ; un bateleur montre aux spectateurs ébahis un veau à deux têtes, mais si son veau, fût-il le plus joli du monde, n’avait qu’une tête, il n’obtiendrait aucun succès.

519. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

En quelque endroit qu’il porte ses armes, il trouve à son arrivée toutes choses prêtes à le couronner de gloire, et vous faites beaucoup plus pour lui que jamais le bonheur ne fit pour César, puisqu’il a vaincu souvent avant même que d’avoir vu… Résumant dans un tableau qui n’est pas trop emphatique cette politique armée qui se montre partout à la fois en divers pays, qui soutient des luttes et des alliances sans nombre, et où la supériorité de la pensée se fait toujours sentir dans l’exécution : J’en prendrais à témoin, s’écriait-il, et La Rochelle et Nancy…, si Perpignan n’en était un témoignage plus nouveau et pour le moins aussi glorieux. […] Veut-on trouver dans son Histoire le contrecoup même de la dédicace et de l’éloge adressé à Richelieu au sujet de la prise de Perpignan : qu’on ouvre le règne de Charles VIII ; Mézeray y montre ce roi assez souvent victorieux, mais peu politique, restituant à la maison d’Autriche une partie de l’Artois et la Franche-Comté : Ce ne fut pas, remarque-t-il, sans un grand étonnement des sages politiques que le roi restitua ces deux comtés : mais ce fut avec murmure et indignation de la France, et à la risée de toute l’Europe, qu’il rendit encore celle (la comté) de Roussillon au roi d’Aragon.

520. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Une lettre piquante adressée à son ancien ami Ségur qui avait donné quelque adhésion aux premiers actes de la Révolution, nous montre le prince de Ligne à la date d’octobre 1790, dans le premier instant de son irritation et de sa colère : La Grèce avait des sages, dit-il, mais ils n’étaient que sept ; vous en avez douze cents à dix-huit francs par jour, … sans mission que d’eux-mêmes, … sans connaissance des pays étrangers, sans plan général, … sans l’Océan qui peut, dans un pays dont il fait le tour, protéger les faiseurs de phrases et de lois… Messieurs les beaux esprits, d’ailleurs très estimables, ont bien peu de talent pour former leurs semblables. […] Il est un sujet auquel il revient souvent, soit à propos de Besenval, soit à propos de La Harpe, toutes les fois qu’il en trouve l’occasion, c’est la reine Marie-Antoinette ; et chaque fois, inspiré par son cœur, par une imagination fidèle et émue, il nous la montre sous un vrai jour, avec ses ingénuités, ses étourderies innocentes, et dans tout l’éclat de sa figure « sur laquelle on voyait se développer, en rougissant, ses jolis regrets, ses excuses, et souvent ses bienfaits ».

521. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Si le président Groulard nous montre Gabrielle traitée et présentée à l’avance presque en reine par le roi dans ses voyages et ses résidences, L’Estoile nous la fait voir considérée sous un tout autre aspect par le peuple et les habitants de Paris. […] Il n’arrive pourtant au sujet même qu’après une demi-heure au moins, durant laquelle il parle encore d’autres affaires : après quoi venant au point indiqué, y venant par de nouveaux circuits, énumérant ses fatigues et les peines qu’il s’est données pour parvenir au trône et pour rétablir l’État, il montre que tout cela n’est rien encore et n’aboutira à rien de solide et de durable, s’il ne se procure des héritiers.

522. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Douce puissance de l’étude qui ne permet de connaître ni le poids du temps, ni le vide de l’âme, ni les regrets d’une ambition vulgaire, et qui montre à l’homme une source plus pure, où il ne tient qu’à lui de puiser tout ce qui lui appartient de bonheur et de dignité ! […] Daru, qui fait partie de ses écrits inédits, montre d’ailleurs qu’en politique il était des moins sujets aux illusions, qu’il plaçait la difficulté là où elle est en réalité, et qu’après tout il eût été médiocrement étonné de ce qui s’est vu depuis : Les peuples veulent être puissants, libres, tranquilles : ils demandent au philosophe de leur tracer un écrit qui leur garantisse tous ces droits.

523. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

C’est chez Mme de Montespan, le mercredi 16 mai 1685, à Versailles, que Quinault apporte et montre au roi trois livres ou libretti d’opéra « pour cet hiver, nous dit Dangeau : l’un était Malaric, fils d’Hercule ; le second Céphale et Procris ; le troisième Armide et Renaud. […] Le roi se montre satisfait en somme de toutes ces redditions, suffisamment honorables, mais que l’on n’a presque rien fait d’ailleurs pour empêcher.

524. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Montluc réplique à M. de Saint-Pol par de nouvelles raisons et assez bien fondées : il montre que le moral de l’armée de Piémont est excellent ; que, dans toutes les précédentes occasions et rencontres, l’avantage lui est demeuré sur l’ennemi ; qu’il ne s’agit que de pousser outre et d’achever : « Regardez donc, nous qui sommes en cœur et eux en peur, nous qui sommes vainqueurs et eux vaincus, nous qui les désestimons cependant qu’ils nous craignent, quelle différence il y a d’eux à nous !  […] Au reste, il ne faisait pas uniquement ces choses pour la montre et pour l’exemple ; dans la pose des pièces d’artillerie, à quoi il excellait, il avait la main à la besogne pour qu’elle fût mieux et plus sûrement faite : au siège de Monte-Calvo, pendant qu’il était une nuit à loger ses gabions et ses canons, survint M. d’Enghicn qui, le prenant familièrement par la taille, lui dit : « Vous avez été mon soldat autrefois, à présent je veux être le vôtre. » — « Monsieur, dis-je, soyez le bienvenu !

525. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

La première lettre de Henri le montre très amoureux, et les ennemis qui le savent s’embusquent dans un moulin pour le prendre au passage, s’il se hasarde à courir vers la dame de ses pensées : « Ne craignez, rien, mon âme, écrit Henri ; quand cette armée, qui est à Nogaro, m’aura montré son dessein, je vous irai voir, et passerai sur les ailes d’Amour, hors de la connaissance de ces misérables terriens, après avoir pourvu, avec l’aide de Dieu, à ce que ce vieux renard n’exécute son dessein. » Terriens, pour habitants de cette vile terre ; il y a ici du langage d’amour un peu alambiqué, et qui sent sa cour de Henri III. […] Elle n’a pas à se plaindre pourtant et n’a rien à envier même à la belle Gabrielle, au moins si l’on en juge, comme aime à le faire la postérité, au point de vue poétique et littéraire ; car assurément la plus ravissante lettre de Henri, la plus développée et la plus épanouie, celle où il se montre le mieux à nous dans un intervalle de paix pastorale et tendre et de repos, lui est adressée ; c’est la lettre où il lui décrit le pays de Marans sur la Sèvre Niortaise ; la voici, — voici ce coin de paysage délicieux : J’arrivai hier soir de Marans, où j’étais allé pour pourvoir à la garde d’icelui.

526. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Voltaire, dans son invention vive et rapide, se montre fidèle à son objet même : il est prompt, il ne s’appesantit pas, il est l’homme de l’impatience et de la délicatesse françaises ; il égaie chaque chose et peint chaque auteur en quelques traits ; il fait vivre son allégorie autant qu’une allégorie peut vivre. […] Maynard, après avoir épuisé le récit des infortunes d’Apollon et de ses exils terrestres, le montre rétabli dans sa gloire, mais jusque dans l’Olympe ayant à lutter toujours et à travailler, trouvant « avec l’honneur la fatigue mêlée » ; et il en tire une morale poétique qui semble d’abord toute dans le sens de Despréaux : Ne te rebute point ; change, corrige, efface.

527. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Richelieu, tout vif qu’il est sur la religion, montre qu’il n’était pas loin de l’entendre ainsi en idée ; mais, de part et d’autre, qu’on était neuf pour ce nouvel état ! […] Il s’agissait de trouver un personnage qui les poussât et les guidât, « adroit à manier les peuples, agréable aux Grisons (la plupart protestants) », propre « à remettre ces gens-là peu à peu et à regraver dans leurs esprits la dévotion qu’ils commençaient à perdre pour les Français, et qui fût de tel poids, qu’il pût être en ce pays comme garant et caution de son maître », sans que le nom de ce maître fût mis d’abord trop en montre.

528. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Cette mélancolie, chez Bonstetten, ne se montre que rapide et par éclairs : c’est l’esprit avec lui qui court le plus fréquemment. […] Dans un spirituel chapitre écrit plus tard et qui a pour titre : « Ce que nous avons été et ce que nous sommes, ou l’an 1789 et 1824 », il se reporte à ses souvenirs d’alors ; il montre la ligne de démarcation précise qui sépare deux mondes, cette grande cordillière placée entre deux siècles, ainsi qu’il appelle la Révolution : « Elle sépare, dit-il, des hommes si différents d’eux-mêmes que ceux qui, comme moi, ont vécu dans les deux époques sont étonnés d’être les mêmes hommes. » Il ne se fâche pas, il ne s’insurge pas contre l’irréparable, comme de Maistre ; il ne monte pas sur la montagne pour prophétiser ; mais il la traverse en voyageur de bonne volonté par les cols et les passages qui sont devant lui, et il se plaît à en comparer ensuite les versants opposés et les pentes.

529. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mémoires de Mme Elliot sur la Révolution française, traduits de l’anglais par M. le comte de Baillon » pp. 190-206

Attachée au duc d’Orléans par une amitié qui survivait à un premier sentiment déjà entièrement éteint, elle nous montre d’abord la Révolution presque uniquement par ce côté du Palais-Royal et de Monceaux. […] Elle insiste un peu plus que M. de La Marck, et selon son rôle de femme, sur les qualités sociales du prince et son amabilité superficielle ; mais pour le fond, elle nous montre encore plus, elle nous fait encore mieux comprendre son peu de caractère et de consistance, et cette absence de tout ressort moral qui le laissait à la merci des factieux et des intrigants, dont les groupes se succédèrent, se relayèrent jusqu’à la fin autour de lui, sans pouvoir jamais l’associer à quelque plan suivi ni rien faire de lui en définitive, dans le plus fatal des instants, qu’un criminel par faiblesse.

530. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Cette Correspondance nous le montre, jour par jour, pendant près de vingt années, et grâce à elle, nous assistons, dans ce cœur, dans cette intelligence supérieure et fébrile, à tous les flux et reflux, à toutes les pulsations du dedans. […] — Je ne saurais mieux comparer Lamennais, pour son empressement à devancer les temps, qu’à un homme qui aurait dans la tête une montre à répétition qui lui sonnerait l’heure à chaque minute.

531. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Paul Boiteau, à qui l’on doit de la reconnaissance pour la peine infinie qu’il a prise à la rassembler, à la mettre en ordre et à l’éclaircir, s’est trop prodigué ; il a oublié que la parfaite bienséance, pour un éditeur, est de se considérer comme une femme de chambre qui ne se montre plus, dès que sa maîtresse est habillée. […] Je ne m’explique pas bien les circonstances de cette offre assez singulière ; mais la réponse qu’y fait Béranger (novembre 1816) montre que la proposition était sérieuse.

532. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Thiers d’une manière un peu leste et comme de haut en bas ; elle montre l’illustre historien préoccupé avant tout de chercher « des croyants à la conversion de Napoléon aux idées libérales » ; elle le rappelle à l’ordre pour n’avoir pas eu présents certains passages du livre des Considérations : « Lorsqu’il s’agit, dit-elle, d’un écrivain de l’ordre de Mme de Staël, il ne peut être permis de lui prêter des opinions autres que celles qu’elle a elle-même exprimées. […] Nous avons eu des querelles terribles par lettres sur Bonaparte : il a vu la liberté là où elle était impossible ; mais il faut convenir aussi que pour la France tout valait mieux que l’état où elle est réduite actuellement. » Cette parole écrite à la date du 8 décembre 1815, et en partie à la décharge de Sismondi, montre que si Mme de Staël avait pu, sans partager ses espérances de liberté, paraître approuver pourtant l’Acte additionnel, elle avait bien pu, à plus forte raison, faire une tentative auprès du Prince-Régent en faveur de la paix, c’est-à-dire de l’indépendance nationale dont elle déplorait si amèrement la violation et la perte.

533. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Ce travail est absurde, mais les pauvres artisans s’en trouveraient mal s’ils voulaient prouver que leurs examinateurs sont des niais. » Je ne crois pas qu’en parlant ainsi Gœthe fût équitable pour tous les savants de nos jours, et le succès de ses vues en physiologie végétale, ou même en anatomie comparée, montre assez que ce n’était pas la seule prévention qui s’opposait à son triomphe dans l’optique. […] Aussi tout chez eux est comme chez nous, même la nouvelle piété : seulement elle se montre chez eux un peu plus galante et plus spirituelle. » Le mouvement romantique se confondait un peu alors, en France comme en Allemagne, avec le mouvement religieux et néo-catholique, bien que la liaison fût moins étroite.

534. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

J’attends toujours qu’on me les montre. […] La scène suivante nous le montre reprenant ou continuant son prêchement prophétique et invitant le peuple au baptême.

535. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Une mite serait grotesque, si elle se considérait comme le centre des choses, et il ne faut pas « qu’un insecte presque infiniment petit montre un orgueil presque infiniment grand335 ». […] Condillac montre en outre que toute perception, souvenir, idée, imagination, jugement, raisonnement, connaissance, a pour éléments actuels des sensations proprement dites ou des sensations renaissantes ; nos plus hautes idées n’ont pas d’autres matériaux ; car elles se réduisent à des signes qui sont eux-mêmes des sensations d’un certain genre.

536. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

On trouverait la juste expression du goût moyen et général de la bonne société, pendant le dernier tiers du xviie  siècle, dans Bussy-Rabutin et son cercle, tel que sa correspondance nous les montre. […] Nous voulons qu’on nous amusé, fût-ce en nous faisant pleurer ; et nous voulons avoir raison de nous amuser et de pleurer, c’est-à-dire être sûrs que l’auteur ne se moque pas de nous, que ce qu’il nous montre pour nous plaire existe hors de lui et hors de nous, hors de notre sensation actuelle, enfin que c’est arrivé.

537. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

« Il était laid, nous dit un contemporain628 : sa taille ne présentait qu’un ensemble de contours massifs ; quand la vue s’attachait sur son visage, elle ne supportait qu’avec répugnance le teint gravé, olivâtre, les joues sillonnées de coutures ; l’œil s’enfonçant sous un haut sourcil, … la bouche irrégulièrement fendue ; enfin toute cette tête disproportionnée que portait une large poitrine… Sa voix n’était pas moins âpre que ses traits, et le reste d’une accentuation méridionale l’affectait encore ; mais il élevait cette voix, d’abord traînante et entrecoupée, peu à peu soutenue par les inflexions de l’esprit et du savoir, et tout à coup montait avec une souple mobilité au ton plein, varié, majestueux des pensées que développait son zèle. » Et Lemercier nous montre « les gestes prononcés et rares, le port altier » de Mirabeau, « le feu de ses regards, le tressaillement des muscles de son front, de sa face émue et pantelante ». […] Vous avez noté l’image grandiose qui nous montre le trône : elle sort d’une imagination qui n’est plus celle du xviiie  siècle, ni formée à l’école de l’antiquité.

538. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Descartes décrit, et le plus souvent imagine arbitrairement les effets physiques des passions ; Buffon décrit les attitudes qu’elles font prendre à l’homme ; il montre les mouvements de l’âme dans la pantomime du corps. […] Ce que le moraliste ou le prédicateur a voilé par des scrupules d’art ou par respect pour la chaire, Buffon le montre dans sa nudité, et l’effet que ceux-ci veulent produire par la violence de leur dégoût, il le produit sans effort par la fidélité de son pinceau.

539. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Ainsi, en ce qui concerne l’origine de la vie, on peut conclure qu’il y a toujours eu des êtres vivants, puisque le monde actuel nous montre toujours la vie sortant de la vie ; et on peut conclure aussi qu’il n’y en a pas toujours eu, puisque l’application des lois actuelles de la physique à l’état présent de notre globe nous enseigne qu’il y a eu un temps où ce globe était tellement chaud que la vie y était impossible. […] Et cependant — étrange contradiction pour ceux qui croient au temps — l’histoire géologique nous montre que la vie n’est qu’un court épisode entre deux éternités de mort, et que, dans cet épisode même, la pensée consciente n’a duré et ne durera qu’un moment.

540. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Et jamais les écoliers n’avaient fait montre de scrupules si précoces, ni de telles susceptibilités maladives : Ô la leçon qui n’est pas sue, Le devoir qui n’est pas fini, Une réprimande reçue ! […] En 1892, le procès de Ravachol, à Paris, montre, par les discussions de presse, que la majorité des intellectuels est sinon acquise, du moins sympathique à la doctrine anarchiste et l’effet s’en produit par l’ouverture en 1893, du Théâtre d’art social où les militants du parti se donnent rendez-vous pêle-mêle avec les écrivains nouveaux.

541. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Ce qu’il en dit montre que le principe de cette œuvre n’est nullement original et qu’elle ne doit se développer que comme très ingénieuse et intéressante compilation recréée par un esprit poétique, délicat et éminemment subtil, des conceptions idéales à priori. […] Stéphane Mallarmé montre enfin à quelles tendances s’arrête sa pensée : On ne peut se passer d’Eden.

542. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Les robinsonnades y pullulent : vous trouvez déjà dans Fénelon l’île de Calypso et l’île des Plaisirs ; Marivaux vous montre l’île de la Raison et l’île des Esclaves, terres fabuleuses qui ne figurent pas (et pour cause) sur les certes ; Diderot place ses rêveries amoureuses et sociales dans l’île d’Otaïti. […] Rien ne montre mieux le renversement des rôles qui s’est accompli dans ses relations avec l’homme ; rien n’atteste mieux les victoires qu’il a remportées.

543. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

J’avoue que le pamphlétaire m’est un compagnon moins précieux : il se laisse aller à trop de lyrisme excrémentiel ; trop volontiers il inflige aux condamnés de sa conscience le supplice du pal et, avec une insistance barbarement joyeuse, il nous montre que les culs qu’il va transpercer ne sont pas propres. […] Quand il s’agit de faits, il est un peu plus à son aise, il montre quelques qualités d’observateur et il lui arrive même d’organiser en récit lisible les petits détails patiemment rassemblés.

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