Une lettre d’un de ses camarades de jeunesse nous montre qu’il avait même songé, durant ces années du Directoire, à étudier la langue turque, et il avait donné commission à cet ami qui partait pour Constantinople de lui envoyer grammaire et vocabulaire. […] Il montre très-bien qu’elle n’a pas résolu les problèmes qui se rapportent à la perfection de cette poésie merveilleuse et de cette langue déjà si magnifique à son berceau. […] L’avis fut aussitôt transmis par Fauriel à Benjamin Constant, alors en Suisse, et de là toute une négociation à mots couverts, qui montre à quel point le secret des lettres et la liberté individuelle étaient peu respectés à cette époque glorieuse. […] J’en veux citer un exemple qui me semble touchant, et qui montre à quel point il avait aversion de l’apprêté et du sophistiqué en tout genre. […] L’historien qui, si impartial qu’il soit, se range manifestement pour les traditions romaines, et qui tient à honneur de les défendre avec Aétius, avec Majorien, avec les derniers des Romains, se montre moins défavorable aux Visigoths qu’il ne le sera aux autres races germaniques survenantes ; c’est que cette barbarie visigothe se montre elle-même aussi peu tenace que possible et aussi vite transformable qu’on peut le désirer.
Nourri de la lecture des Anciens, dont il paroît s'être pénétré ; appuyé sur les principes invariables de la nature, qui sont ceux du vrai & du beau ; toujours armé du flambeau de la raison, l'Auteur parcourt d'un pas noble & ferme les différens âges du Génie Littéraire de la France, découvre les causes qui l'ont retenu long-temps captif dans les chaînes de l'ignorance & du mauvais goût, & nous montre par quels secours il en a triomphé.
Ce que l’Homéride chantait d’une voix lointaine comme l’écho de la tradition, le poète dramatique l’incarne et le montre ; il rend le souffle de l’actualité au fait immémorial, à l’événement aboli ; il redresse toute pendante et toute menaçante la catastrophe écroulée.
Ce char enveloppé de vapeurs, ce voyage invisible d’un enchanteur et d’un héros au travers du camp des chrétiens, cette porte secrète d’Hérode, ces souvenirs des temps antiques jetés au milieu d’une narration rapide, ce guerrier qui assiste à un conseil sans être vu, et qui se montre seulement pour déterminer Solyme aux combats, tout ce merveilleux, quoique du genre magique, est d’une excellence singulière.
On montre ce qu’il y a en soi de meilleur. […] Il le vide de toute idée ; et, tel qu’il nous le montre, à peine est-ce encore un sentiment. […] Cela même est la méthode de Maupassant, qui ne nous montre jamais que des résultats. […] J’aime qu’il nous montre du doigt le ciel où il est chargé de nous conduire. […] Fier de mon zèle et afin de faire montre de mon érudition, je voudrais parler de tous.
Mérimée se montre naturel, confiant ; affectueux avec l’une et l’autre. […] Buridan montre sa bonhomie et sa simplicité. […] Il se montre sous des masques divers. […] Henry Houssaye nous montre côte à côte l’héroïsme et l’infamie. […] À ceux qui n’ont pas de terre ici-bas, il montre les terres fleuries du ciel.
Ce que je vous montre l’avez-vous vu, vous qui avez du bon sens et qui avez vu beaucoup de choses ? […] Si vous aviez vu comme j’en fis rencontre, Vous auriez pris pour lui l’amitié que je montre. […] Il regarde la femme qu’il désire, il a des attentions pour elle, il lui rend des soins ; il lui montre qu’il l’aime ; il ne le lui dit jamais. […] Elle dit sa volonté à son père avec des révérences respectueuses qui ressemblent à des actes respectueux et elle se montre peu pourvue de piété filiale. […] Celui où le poète se moque des passions de l’amour et le montre comme une hallucination perpétuelle.
Musa inspiratrix, c’est le nom que lui donne Spindler dans cette icône où il la montre de profil, vêtue du peplum antique, ses cheveux dénoués casqués de lauriers.
Après une légère défaillance vocale au début du rêve, Mme Fidès-Devriès se montre la grande cantatrice que l’on sait. […] Elle montre, une fois de plus, quels résultats nos artistes pourront donner du jour où ils s’appliqueront à des ouvrages vraiment humains. […] D’ailleurs, par patriotisme, Reyer ne fit pas le voyage à Bayreuth, et saura conserver ses distances envers le compositeur allemand comme il le montre très bien dans ce petit texte. […] A lire leur correspondance qui montre assez l’amour (fût-il platonique) de Louis II pour Wagner et l’expression enflammée de leur amitié toujours plus tendrement exprimée, on comprend comment les caricatures ont pu s’emparer d’un thème bien tentant pour les détracteurs et les caricaturistes.
L’un est indépendant jusqu’à la libre critique exercée à la pointe de la plumef ; l’autre ne se montre susceptible qu’autant qu’on doit l’être quand un ami nous a jugé devant tous en des termes qui laissent à désirer. — Nous devons les retrouver l’un et l’autre en concert parfait au 18 Brumaire. […] (Journal de Paris, 16 août 1795.) — Dès qu’il a vu la Convention sortie victorieuse des insurrections jacobines de Prairial, il réclame d’elle enfin « un gouvernement énergique, républicain sans populacité, un gouvernement qui ramène tous les royalistes de bonne foi, ceux qui ne veulent que la sûreté des personnes et des propriétés » (26 mai 1795). — Mettant à profit ce qu’il a vu en 1792, et écrivant, comme il le dit, non d’imagination, mais de mémoire, il rappelle les principes auxquels on ne revenait qu’avec lenteur, car les révolutions aussi ont vite leur routine ; il montre le nouveau pouvoir exécutif tel qu’on l’a conçu avec méfiance, incomplet, démembré, mutilé : Il était très bon sans doute d’ôter les forces à un mauvais gouvernement, disait-il, mais il est absurde de n’en pas donner à celui qu’on travaille à rendre bon. — Le Directoire exécutif, tel que le projet l’annonce, est un berceau, qu’on nous passe ce mot, un nid de factions ennemies ; et sa destinée serait de ressembler bientôt à tous les conseils de gouvernement que nous avons vus en France depuis trois ans, où Roland et Pache, Robespierre et Billaud se sont tour à tour arraché la puissance… Je n’entre pas dans le détail des voies et moyens, des remèdes plus ou moins efficaces qu’il proposait ; je ne fais qu’indiquer la ligne générale de Roederer en ces années. […] Bonaparte le détourne d’accepter et lui montre le Conseil d’État : — Bonaparte : « Eh bien, citoyen Roederer, qu’est-ce qu’on dit ?
Le plus ancien monument poétique à son sujet et qui date du xiie siècle, la Chronique rimée, nous montre le premier essai et comme la première ébauche grossière de ce roman du Cid. […] Seigneur, par grâce, faites-moi rendre justice. » Mais le roi se montre fort affligé et fort en peine ; son royaume est en péril ; il craint de mécontenter les Castillans et de les soulever en sévissant contre Diègue et son fils. […] Cette résolution, mon Rodrigue, montre-la à la vengeance de mon honneur, lequel est perdu s’il ne se recouvre par toi et ne triomphe. » « Il lui conta son injure et lui donna sa bénédiction et l’épée avec laquelle il tua le comte, et commença ses exploits63. » Nous voilà dans le monde des Romances, qui est postérieur à celui du Poème, et surtout de la Chronique.
Quand il nous signale en une langue les divers systèmes de mots qui disparaissent ou s’introduisent selon les changements plus ou moins graves survenus dans les mœurs, il montre l’un ou l’aufre de ces cortéges mobiles qui se retire avec le temps, laissant à la vérité dans la langue, dit-il, des allusions et des métaphores qui ne peuvent s’en détacher, mais toutefois emportant, ainsi qu’une épouse répudiée, la plus grande partie de sa dot. […] — Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin. […] Vinet se montre avec tendresse et solennité funèbre dans quelques mots sur le dernier chant de Gilbert, que je n’appellerai pourtant pas un grand poëte 22.
Il fallait beaucoup de zèle, de patience et de discipline, pour monter un mystère, pour rassembler, instruire, dresser parfois plusieurs centaines d’acteurs, pour arriver sans encombre du cry qui, plusieurs mois à l’avance, annonçait l’entreprise et invitait les acteurs volontaires à se présenter, à la montre solennelle, qui promenait par la ville tout le personnel de la représentation, en costumes parfois somptueux, depuis Dieu le Père jusqu’au dernier valet de bourreau. […] Il montre tout ce qui se peut montrer : mais il supprime tout ce qui ne se peut montrer, et suppose tout ce qui se peut imaginer. […] La grande basoche de Paris, dès le début du xvie siècle, était un corps considérable, ayant ses armes, son roi, son chancelier, jugeant ses membres, frappant monnaie, tenant ses réunions générales deux ou trois fois l’an, et surtout vers le mois de juin ou juillet, faisant sa montre solennelle où elle défilait devant son roi, donnait aubades et sérénades aux présidents et conseillers du parlement, à grand fracas de tambours, hautbois et timbales.
Veut-il peindre un docteur, il nous montre l’homme « qui a un long manteau de soie ou de drap de Hollande, une ceinture large et placée haut sur l’estomac, le soulier de maroquin, la calotte de même, d’un beau grain, un collet bien fait et bien empesé, les cheveux arrangés et le teint vermeil » : ce costume, c’est le « caractère » ; un peintre qui ferait un portrait n’exprimerait pas autrement le moral. […] Sur l’éloquence en général, il complète, dégage, éclaircit en perfection la théorie des dialogues : il ramène l’éloquence au raisonnement ; mais il distingue le véritable ordre, naturel et efficace, des divisions scolastiques et sèches ; il enveloppe le raisonnement de passion : il montre la puissance de la sincérité et de la simplicité. […] Nommé archevêque de Cambrai grâce au silence des commissaires d’Issy sur ses doctrines, qu’il paraissait avoir rétractées, sacré par Bossuet, le souple abbé, devenu prélat et prince de l’empire, se redresse ; il travaille à regagner le terrain perdu, à rattraper ses désaveux : dans ses lettres, il incrimine Bossuet, il se montre persécuté, offensé par lui ; et, le gagnant de vitesse, il fait paraître son Explication des Maximes des Saints avant les États d’Oraison.
On montre à la Farnésine une tête colossale dessinée au crayon par Michel-Ange qui, selon la tradition, aurait voulu donner une leçon à Raphaël et lui apprendre qu’il fallait viser au grand. […] En lisant, le soir, dans mon lit quelques histoires de revenant, je frissonnerai au craquement d’une boiserie, pourvu que l’auteur se montre aussi crédule, aussi peureux que moi. […] Il ne nous montre ses géants qu’habillés en Croquemitaine, et dès qu’ils ne font plus peur, ils ont perdu presque tout leur mérite.
La nature nous montre sur une immense échelle le sacrifice de l’espèce inférieure à la réalisation d’un plan supérieur. […] Et quant à la mort d’un sauvage, ce n’est guère un fait plus considérable dans l’ensemble des choses que quand le ressort d’une montre se casse, et même ce dernier fait peut avoir de plus graves conséquences, par cela seul que la montre en question fixe la pensée et excite l’activité d’hommes civilisés.
Égisthe se montre et conduit tout chez Homère ; il ne paraît chez Eschyle qu’au troisième plan de la scène, complice obscur et presque furtif. […] Il proclame en quelques mots la victoire, il montre, à l’horizon de l’Asie, la fumée qui dissipe Ilion dans les airs. — « Nous avons tendu des rêts inévitables, et, pour la cause d’une femme, le « monstre argien, ce peuple en armes sorti d’un cheval a détruit la ville. […] Égisthe se montre à cette fin du drame, comme s’il sortait d’un trou d’embuscade.
M. de Septmonts montre à sa femme la lettre qu’il vient de saisir ; il pourrait s’en faire une arme de séparation scandaleuse, il préfère la changer en traité de paix. […] M. de Septmonts a pris l’américain Clarkson pour témoin ; il arrive, pressé comme toujours, et, montre en main, se fait exposer l’affaire. […] La famille de Sottenville, de Molière, ne montre pas plus de zèle à faire Georges Dandin ce qu’il est, que ce complaisant entourage n’en met à pousser l’ingénieur entre les bras de Catherine de Septmonts.
Si au contraire un individu se montre en proie à une manie habituelle, si les causes qui agissent sur la plupart des hommes pour les empêcher de commettre un acte — la présence d’autres hommes, la certitude du châtiment, — n’ont pas de prise sur lui, on constate alors que quelques-uns des poids ou des contrepoids qui constituent une personnalité normale font défaut chez lui, on le déclare automate, il devient irresponsable, le Bovarysme cesse à son égard, on le conçoit tel qu’il est. […] L’activité humaine se montre dupe ici des désirs qui la soulèvent. […] Or à considérer dans son détail le jeu de cette illusion qui réussit à se faire agréer, il apparaît que l’homme de toutes les époques se montre préoccupé à la fois d’améliorer sa vie immédiate, son bien-être terrestre et de s’assurer, par-delà cette première existence, un bonheur plus parfait et plus durable en une seconde existence qu’il imagine.
Par exemple, dans un des premiers chapitres, il montre que le trait fondamental de la démocratie américaine est l’absence totale de centralisation administrative, et dans le dernier livre de son ouvrage il soutient que cette sorte de centralisation est le plus grand mal des démocraties. […] Il montre comment la doctrine de l’intérêt bien entendu est conforme à l’esprit démocratique. […] Cette grande question me semble digne de votre esprit, et celui-ci capable de la saisir et d’y pénétrer. » C’est là un grand problème, trop grave peut-être pour être traité ici en quelques mots, mais qui montre avec quelle pénétration hardie Tocqueville abordait les questions les plus délicates ; peut-être la demi-liberté qu’il s’accordait sur ces matières ne lui permettait-elle pas de le sonder dans toute sa profondeur.
Dans le journal, au contraire, écrit pour lui seul et pour servir de matière à ses souvenirs, il se montre toujours rempli sans doute d’admiration et de respect pour le personnage auquel il appartient, mais son langage n’y aide pas ; ses révélations sont de toutes sortes et sans choix ; il y a des trivialités et des platitudes qu’on regrette de rencontrer. […] L’abbé Le Dieu nous montre Bossuet à Meaux avant de monter en chaire, et après qu’il en est descendu.
Le poëte se montre surtout sensible à la calomnie, aux propos infamants qui flétrissent jusqu’à son repentir. […] Veyrat, vu à son rang dans la grande armée des poëtes, n’est pas un de ces chefs qu’on montre de loin et qu’on nomme : il est seulement, et c’est beaucoup déjà, un des premiers entre les seconds. — Et maintenant que j’ai fait ma station au tombeau d’un mort, je reviens aux vivants.
La pièce nous le montre comme un homme ramolli plutôt qu’endurci par l’égoïsme, moins méchant que lâche et indifférent, non point coulé en bronze, mais pétri de papier mâché. […] André s’y montre déjà bien prompt à la jalousie.
Voilà ce que nous retrouvons, sans adjonction, sans accroissement, sans modification d’aucune sorte, en ces deux volumes de Correspondance où Stendhal se montre complètement, mais ne s’augmente pas. […] Du reste, cette force dans le talent qui distingue Stendhal, il l’avait dans l’âme, et la Correspondance montre combien son caractère rayonnait dans le même sens que son esprit.
C’est, enfin, toujours le produit du xviiie siècle, l’athée à tout, excepté à la force humaine, qui voulait être à lui-même son Machiavel et son Borgia ; qui n’écrivit pas, mais qui caressa pendant des années l’idée d’un Traité de logique (son traité du Prince, à lui), lequel devait faire, pour toutes les conduites de la vie, ce que le livre de Machiavel a fait pour toutes les conduites des souverains ; voilà ce que nous retrouvons sans adjonction, sans accroissement, sans modification d’aucune sorte en ces deux volumes de Correspondance, où Stendhal se montre complètement, mais ne s’augmente pas ! […] Du reste, cette force dans le talent qui distingue Stendhal, il l’avait dans l’âme, et la Correspondance qu’on publie montre combien son caractère rayonnait dans le même sens que son esprit.
Elle résout le corps en un nombre quasi indéfini de corpuscules élémentaires ; et en même temps elle nous montre ce corps lié aux autres corps par mille actions et réactions réciproques. […] L’analyse que nous venons de faire le montre suffisamment.
Que les hommes qui vivent dans une révolution, et qui en sont ou spectateurs éclairés ou acteurs principaux, lèguent à la postérité le dépôt fidèle de leurs souvenirs, c’est un devoir que nous réclamons d’eux ; que ceux mêmes qui, dans une situation secondaire, n’ont vu qu’un coin du vaste tableau et n’en ont observé que quelques scènes, nous apportent leur petit tribut de révélations, il sera encore reçu avec bienveillance ; et si surtout l’auteur nous peint l’intérieur d’une cour dans un temps où les affaires publiques n’étaient guère que des affaires privées, s’il nous montre au naturel d’augustes personnages dans cette transition cruelle de l’extrême fortune à l’extrême misère, notre curiosité avide pardonnera, agrandira les moindres détails ; impunément l’auteur nous entretiendra de lui, pourvu qu’il nous parle des autres ; à la faveur d’un mot heureux, on passera à madame Campan tous les riens de l’antichambre et du boudoir : mais que s’en vienne à nous d’un pas délibéré, force rubans et papiers à la main, mademoiselle Rose Bertin, modiste de la reine, enseigne du Trait galant, adressant ses Mémoires aux siècles à venir, la gravité du lecteur n’y tiendra pas ; et, pour mon compte, je suis tenté d’abord de demander le montant du mémoire.
Car il est à la fois philosophe et peintre, et il ne nous montre jamais les causes générales sans les petits faits sensibles qui les manifestent, ni les petits faits sensibles sans les causes générales qui les ont produits.
Le Bonhomme Misère, trois actes en vers, montre, dans un cadre de légende du moyen âge, que ce poète est aussi un philosophe à ses heures, mais qu’en somme c’est, chez lui, la poésie qui l’emporte.
Autant il est sévere à proscrire les inutilités, autant il se montre attentif à circonstancier les grands événemens, à recueillir scrupuleusement les détails qui ont rapport aux traits instructifs & intéressans.