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1185. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Voici la profession de foi politique du siècle, suivant M. de Carné, et nous la ratifierions en tout point, sous la réserve de l’expliquer et de la préciser : 1° Tout pouvoir tire sa légitimité de sa conformité à la loi morale et à l’utilité du plus grand nombre : son droit est subordonné à cette utilité reconnue par les corps politiques auxquels le pays a confié mission de la constater ; 2° aucune classification permanente de la société n’est désormais possible, et une aristocratie mobile et personnelle tend à remplacer l’aristocratie héréditaire légale ; 3° les idées tendent, selon les progrès graduels des mœurs, à faire prévaloir le principe électif pour les fonctions publiques ; 4° la publicité est désormais la condition essentielle du pouvoir, en même temps qu’elle deviendra son principal appui.

1186. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Et je me demandais (toujours dans mon songe), par un retour sur nos époques paisibles et sûres d’elles-mêmes, si de telles vicissitudes étaient à jamais loin de nous ; si, en accordant un laps suffisant d’années, les révolutions inévitables des mœurs et du goût, sans parler des autres chances plus funestes, n’infligeraient pas aux littératures modernes quelque chose au fond de plus semblable qu’on n’ose de près se l’imaginer.

1187. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Elle se déguisa d’abord sous la réaction, frivole en apparence, qu’afficha la classe riche et moyenne de Paris contre les mœurs et les modes de la Terreur.

1188. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

La vie, le sentiment de la réalité, y respirent ; de frais paysages, l’intelligence poétique symbolique de la nature, une conversation animée et sur tous les tons, l’existence sociale du xviiie  siècle dans toute sa délicatesse et sa liberté, des figures déjà connues et d’autres qui le sont du moment qu’il les peint, d’Holbach et le père Hoop, Grimm et Leroy, Galiani le cynique ; puis ces femmes qui entendent le mot pour rire et qui toutefois savent aimer plus et mieux qu’on ne prétend ; la tendre et voluptueuse madame d’Épinay, la poitrine à demi nue, des boucles éparses sur la gorge et sur ses épaules, les autres retenues avec un cordon bleu qui lui serre le front, la bouche entr’ouverte aux paroles de Grimm, et les yeux chargés de langueurs ; madame d’Houdetot, si charmante après boire, et qui s’enivrait si spirituellement à table avec le vin blanc que buvait son voisin ; madame d’Aine, gaie, grasse et rieuse, toujours aux prises avec le père Hoop, et madame d’Holbach, si fine et si belle, au teint vermeil, coiffée en cheveux, avec une espèce d’habit de marmotte, d’un taffetas rouge couvert partout d’une gaze à travers la blancheur de laquelle on voyait percer çà et là la couleur de rose ; et au milieu de tout ce monde une causerie si mélangée, parfois frivole, souvent souillée d’agréables ordures, et tout d’un coup redevenant si sublime ; des entretiens d’art, de poésie, de philosophie et d’amour ; la grandeur et la vanité de la gloire, le cœur humain et ses abîmes, les nations diverses et leurs mœurs, la nature et ce que peut être Dieu, l’espace et le temps, la mort et la vie ; puis, plus au fond encore et plus avant dans l’âme de notre philosophe, l’amitié de Grimm et l’amour de Sophie ; cet amour chez Diderot, aussi vrai, aussi pur, aussi idéal par moments que l’amour dans le sens éthéré de Dante, de Pétrarque ou de notre Lamartine ; cet amour dominant et effaçant tout le reste, se complaisant en lui-même et en ses fraîches images ; laissant là plus d’une fois la philosophie, les salons et tous ces raffinements de la pensée et du bien-être, pour des souvenirs bourgeois de la maison paternelle, de la famille, du coin du feu de province ou du toit champêtre d’un bon curé, à peu près comme fera plus tard Werther amoureux de Charlotte : voilà, et avec mille autres accidents encore, ce qu’on rencontre à chaque ligne dans ces lettres délicieuses, véritable trésor retrouvé ; voilà ce qui émeut, pénètre et attendrit ; ce qui nous initie à l’intérieur le plus secret de Diderot, et nous le fait comprendre, aimer, à la façon qu’il aurait voulu, comme s’il était vivant, comme si nous l’avions pratiqué.

1189. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Tout fait a sa cause, et toute littérature, toute œuvre d’art est un fait dont il suffît de chercher, dont il faut sans passion chercher la cause dans les mœurs, les idées et les goûts de la société qui l’a produite, dans l’esprit du siècle qui l’a inspirée, dans le génie de la nation qui lui a donné son caractère général, dans le tempérament, les habitudes et la vie de l’auteur original qui lui a imprimé son cachet particulier.

1190. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Les mœurs y avaient sans douter une dignité un peu raide ; elles y étaient pourtant plus simples.

1191. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

Rappelez-vous les mœurs de ces siècles sauvages Où, sur l’Europe entière apportant les ravages, Des Vandales obscurs, de farouches Lombards, Des Goths, se disputoient le sceptre des Césars.

1192. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Je ne dis pas qu’on en eût mieux fait d’admettre ce tableau, et que le comité n’eût pas manqué de respect au public et outragé les bonnes mœurs.

1193. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

L’auteur des Philippiques, jetant l’imprécation à son temps, l’attaquait dans son impiété et ses mœurs.

1194. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Nous dirons pourquoi tout à l’heure ; mais nous commençons par l’affirmer, sans craindre qu’on le nie ou qu’on le conteste : la critique vraie, — sympathique et sévère, — qui s’adresse au public de tous les lieux et de tous les temps, et non plus au petit public du carrefour ou du quart d’heure ; la critique, ce symbole d’ordre universel, est complètement étrangère à notre temps de mœurs lâches et d’individualités mesquines.

1195. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

C’était un homme probe et cultivé, de naissance médiocre, mais de mœurs élevées, placé par la fortune de son génie en dehors de toutes les prétentions et de toutes les passions de son temps, ayant le pied, — un pied digne du talon rouge, — et l’œil, — un œil capable de tout embrasser, — dans les deux sociétés qu’on nommait alors la cour et la ville, et que sa vocation était d’observer et de reproduire.

1196. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Mauvais mari comme le fut Byron, il n’eut pas beaucoup plus que Byron des mœurs réglées, ce sinistre… De cœur, de cette fidélité ordinaire aux âmes fortes, il fut moins vaillant que Pétrarque, et sa Béatrix a besoin d’être transfigurée dans ses chants pour n’être pas un enfantillage ou un mensonge.

1197. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Saint Thomas d’Aquin1 [Le Pays, 19 avril 1859] I Si l’Académie des sciences morales et politiques n’avait pas pris sur elle de mettre au concours saint Thomas d’Aquin et sa doctrine, quel livre ou quel journal, avec la superficialité de nos mœurs littéraires, eût osé jamais parler d’un tel sujet ?

1198. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Le mélange des races contribue à l’effacement des types collectifs aussi bien que la transmission des mœurs, des désirs et des croyances et cette transmission est à son tour provoquée ou interdite, hâtée ou retardée par des causes nombreuses et diverses. — De même, si les sociétés s’unifient, ce n’est pas seulement à la guerre qu’il conviendrait d’en rapporter l’honneur, mais ici à la religion, et là à l’industrie.

1199. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre IV. De la méthode » pp. 81-92

Dans l’obscurité jusqu’ici impénétrable qui couvre l’origine des nations, dans la variété infinie de leurs mœurs et de leurs coutumes, dans l’immensité d’un sujet qui embrasse toutes les choses humaines, peut-on désirer des preuves plus sublimes que celles que nous offriront la facilité des moyens employés par la Providence, l’ordre qu’elle établit, la fin qu’elle se propose, laquelle fin n’est autre que la conservation du genre humain ?

1200. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

« Celui que la pureté de ses mœurs a rarement laissé faillir, un éclatant rayon le frappe et lui montre les choses invisibles.

1201. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Et n’alléguez pas non plus qu’Aristophane a eu le mérite de donner à la démocratie les meilleurs avis, de lui recommander les vertus dont elle a le plus besoin, la simplicité et la sévérité des mœurs. […] Weiss vient de nous faire observer que la comédie d’Augier « n’a jamais été, ni sous Louis-Philippe, où elle est censée se passer, ni sous Napoléon III, aussi concordante qu’aujourd’hui avec les mœurs du jour ». […] Or, cet historien, ce philosophe, cet observateur des mœurs trouve encore le temps d’être un critique. […] Mais il paraît qu’en 1869, en dépit de la « corruption des mœurs », qui est de tous les temps, on était moins éloigné de la nature que nous ne sommes aujourd’hui… Donc, le comte de La Rivonnière continue à s’amuser. […] Brevet supérieur appartient à la même poétique, — observation aiguë des mœurs contemporaines dans une fable agréablement surannée, — que la Veuve ou que la Cigale.

1202. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Le jeune homme a la seule règle de mœurs qui subsiste dans la ruine de toutes les autres, le goût du travail. […] * Par une contradiction de nos mœurs, tandis que la médecine est de plus en plus en discrédit, le crédit des médecins augmente. […] Cependant elle se consume, demandant en vain à des institutions éphémères la liberté qu’elle tient de sa nature et de ses mœurs, ayant la proie et courant après l’ombre13 ! […] Dans le tableau qu’il nous traçait du mouvement des transactions entre les deux pays, nous avions à la fois une statistique saisissante de leurs besoins économiques et une image de leurs mœurs. […] On prenait quelque idée des denrées, des coutumes et des mœurs locales.

1203. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

La règle des mœurs était le point sur lequel les bons prêtres de Tréguier insistaient le plus dans leurs sermons. […] Dom Gerle avait des mœurs pures, puisque Robespierre lui délivra, sur sa demande, précisément au moment où nous sommes, un certificat de civisme. […] Le cœur, tel que la douceur des mœurs et la paix des sociétés l’ont fait, est un conseiller de charité et d’amour. […] Ce symbole leur conviendrait, puisqu’ils défendent la pureté des mœurs offensée par Baudelaire. […] Et il y a plus de génie et de bonheur dans Candide que dans l’Essai sur les mœurs.

1204. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Mais dès qu’en ouvrant le livre on s’est vu introduit dans un monde vrai, vivant, nôtre, à cent lieues des scènes historiques et des lambeaux de moyen âge, dont tant de faiseurs nous ont repus jusqu’à satiété ; quand on a trouvé des mœurs, des personnages comme il en existe autour de nous, un langage naturel, des scènes d’un encadrement familier, des passions violentes, non communes, mais sincèrement éprouvées ou observées, telles qu’il s’en développe encore dans bien des cœurs sous l’uniformité apparente et la régularité frivole de notre vie ; quand Indiana, Noun, Raymon de Ramière, la mère de Raymon, M.

1205. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Si Racine, dans les vingt-six années environ qui forment sa pleine carrière depuis les Frères ennemis jusqu’à Athalie, avait eu le temps de voir une couple de révolutions politiques et littéraires, s’il avait été traversé deux fois par un soudain changement dans les mœurs publiques et dans le goût, il aurait eu fort à faire assurément, tout Racine qu’il était, pour soutenir cette harmonie d’ensemble qui nous paraît sa principale beauté : il n’aurait pas évité çà et là dans la pureté de sa ligne quelque brisure.

1206. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

[Le Théâtre et les Mœurs (1889).]

1207. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

« Les comédiens, disait Niccolo Barbieri, étudient beaucoup et se munissent la mémoire d’une grande provision de choses : sentences, concetti, déclarations d’amour, reproches, désespoirs et délires, afin de les avoir tout prêts à l’occasion, et leurs études sont en rapport avec les mœurs et les habitudes des personnages qu’ils représentent4. » Ainsi, l’on verra l’un des capitans les plus renommés, Francesco Andreini, publier ses Bravure, ses bravacheries, divisées en plusieurs discours.

1208. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

Elles forment un recueil instructif, une petite histoire anecdotique des mœurs des Cénacles du Quartier Latin.

1209. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Ce n’est pas seulement que les Parnassiens aient peur de cette jeunesse dont les manifestes violents respirent, comme ils disent, des mœurs de Caraïbes et qu’ils l’estiment capable de les étrangler, mais c’est qu’ils cèdent à un retour de conscience.

1210. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Ce n’est pas chose indifférente de savoir que Corneille pour ses tragédies puisa surtout dans l’histoire romaine et que Racine tira la plupart de ses pièces de la légende grecque ou de la Bible qu’Augustin Thierry s’enferma dans le moyen âge ; que Zola n’est pas sorti des mœurs contemporaines.

1211. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Il appelle, dans ses lettres, Abailard, un horrible composé d’Arius, de Pélage & de Nestorius ; « un moine sans règle, un supérieur sans vigilance, un abbé sans discipline, un homme sans mœurs ».

1212. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

L’auteur de l’Esprit des loix veut que la différence des gouvernemens, des religions, des mœurs & des coutumes des peuples, vienne principalement du climat.

1213. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Ils respirent partout la droiture, les bonne mœurs, le christianisme : mais y remarque-t-on un vrai talent ?

1214. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Quoi qu’il fût très agréable en conversation lorsque les gens lui plaisaient, il ne parlait guère en compagnie, à moins qu’il ne se trouvât avec des personnes pour qui il eût une estime particulière : cela faisait dire à ceux qui ne le connaissaient pas qu’il était rêveur et mélancolique ; mais s’il parlait peu, il parlait juste, et d’ailleurs il observait les manières et les mœurs de tout le monde ; il trouvait moyen ensuite d’en faire des applications admirables dans ses Comédies, où l’on peut dire qu’il a joué tout le monde, puisqu’il s’y est joué le premier en plusieurs endroits sur des affaires de sa famille, et qui regardaient ce qui se passait dans son domestique.

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