Une fois, un vendredi saint, le régiment manque un bon coup. […] mais il m’a fait manquer un coup qui m’envoyait droit à la postérité. » Cette prise était réservée, quelques mois plus tard, à un jeune et hardi chasseur dont rien ne bridait l’audace. […] C’est un porc-épic, et les piquants sont toujours en arrêt. » La campagne semblait manquée ; elle l’était dans sa première partie. […] Nous n’avions pas besoin de cela… Rien ne nous aura manqué : le choléra dans l’armée, et aujourd’hui dans les flottes ; — l’incendie. — Il nous faut une tempête atroce pour être complets : — je l’attends… Cependant il n’y avait plus que le choléra qui s’opposât au départ ; on attendait avec anxiété qu’il se ralentît ou cessât de sévir. […] Je serai le 23, au plus tard, sous Sébastopol. » Le 20 septembre se livre cette glorieuse bataille de l’Alma qui restaure, en face de l’Europe, l’honneur des armes de la France, et à laquelle il n’a manqué que mille sabres des chasseurs d’Afrique pour être la plus merveilleuse par les résultats : « Malgré tout, belle et magnifique journée, qui a mis au grand jour la valeur et les qualités de chacun, nation et hommes, a donné à l’armée un moral de 99 degrés et tué les Russes. » Saint-Arnaud écrit ces mots triomphants sur le champ de bataille même et la tête encore ardente de l’action.
Il manque aux uns la dialectique, aux autres le style du philosophe de Tusculum. […] La pratique des hommes et des affaires donnait au consul un sens des réalités qui manquait totalement au Platon de Genève. […] « Lorsqu’il eut ainsi parlé : Ô Scipion, lui dis-je, s’il est vrai que les services rendus à la patrie nous ouvrent les portes du ciel, votre fils, qui, depuis son enfance, a marché sur vos traces et sur celles de Paul-Émile, et n’a peut-être pas manqué à ce difficile héritage de gloire, veut aujourd’hui redoubler d’efforts à la vue de ce prix inappréciable… « Courage ! […] « Soit ; mais, tant que les lettres parleront notre langue, on ne manquera pas de trouver ici un chêne qui s’appelle le chêne de Marius, et ce chêne, comme l’a dit Scévola du Marius même de mon frère, vieillira des siècles sans nombre . […] L’espace nous manque pour le commenter en entier devant vous ; il fut composé au bruit des tempêtes de Rome, pendant que César tombait et qu’Antoine agitait à Rome le manteau sanglant du dictateur, pour faire tomber la dictature et pour la saisir à l’aide de la popularité attendrie des soldats et du peuple ; et cependant quel calme dans l’âme et dans le style de Cicéron !
Il ne lui manque même pas la cruauté de l’égoïsme : son gain ne lui est cher que s’il est une perte pour autrui. […] Enfants du génie, ils doivent comme lui voir clairement dans leurs pensées, et ne jamais manquer de bien rendre ce qu’ils pensent à propos. […] Les invraisemblances de lieu n’y manquent pas, et la rue entend bien des choses qui ne se disent qu’à la maison. […] Comme Tartufe, il trouble toute la maison ; mais s’il y fait des dupes, il n’y manque pas non plus d’ennemis. […] Déméa, qui est fort en colère, mais qui en a sujet, est devenu Sganarelle, qui est dur et ne se croit que sage ; et Micion, dont la faiblesse n’est que le manque de caractère, s’est changé en Ariste, dont l’indulgence n’est que de la raison.
Pour lui, la statue manque peut-être parce qu’elle est inévitable. […] Les exemples de cette coutume ne manquent guère. […] Entre temps, il avait manqué mourir de faim, fait la guerre. […] La gaieté tombe, l’intrigue languit, le dénouement manque. […] Mais la verve y est courte et le geste y manque d’ampleur.
— Vous manquez de respect à la critique. — Le Printemps et le Soleil : J’te crois ! […] Accordons que ce parti pris ne manque pas d’une certaine grandeur. […] N’y manquez jamais. […] Ainsi, de cette façon, je ne manquerai pas d’être prévenue. […] Le vent ayant éteint ma lumière, je le tire au hasard, je le manque, mais je blesse à la jambe celui qui le portait.
Je fais une différence entre le manque de gratitude et l’ingratitude, c’est-à-dire la répugnance à la reconnaissance. […] Cela ne manque pas. […] C’est elle-même, la Bonne ne nous manque jamais, nous sommes exaucés, les heures nous l’envoient. […] Et il y a les rôles pour lesquels on manque de titulaires, que les premiers sujets doivent encore remplir par-dessus le marché. […] Ce bonheur du foyer domestique, quand il manque, rien ne saurait le remplacer.
C’est un étourdi que la régence a oublié d’emporter dans son linceul et auquel la poudre et l’épée en verrouil manquent évidemment. […] Les faits, les notes, les observations à faire, ne manquent pas. […] Luchet passe pour l’homme le plus fort de France sur cette nouvelle science sociale ; et quand on parle Fouriérisme, on ne manque pas de dire : Ah ! […] Arnaud manque de style, mais possède de l’invention et du dramatique plus que n’en avaient communément les femmes avant George Sand. […] Dumas, quand il osera l’oser, n’y manquera pas non plus.
J’ai peur d’avoir manqué à deux au moins de ces devoirs. […] Sardou n’a pas manqué. […] Sauf cela, il n’y manque rien. […] on manquait de lecteurs. […] Voilà qui est dit ; la pièce est manquée.
C’est un fort honnête homme à qui il ne manquerait rien, si la nature l’avoit fait aussi agréable qu’il a envie de l’être. […] Ils naissent instruits, et ils sont plus tôt des hommes parfaits que le commun des hommes ne sort de l’enfance. » Au chapitre des Grands, il s’est échappé à dire ce qu’il avait dû penser si souvent : « L’avantage des Grands sur les autres hommes est immense par un endroit : je leur cède leur bonne chère, leurs riches ameublements, leurs chiens, leurs chevaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous et leurs flatteurs ; mais je leur envie le bonheur d’avoir à leur service des gens qui les égalent par le cœur et par l’esprit, et qui les passent quelquefois. » Les réflexions inévitables que le scandale, des mœurs princières lui inspirait n’étaient pas perdues, on peut le croire, et ressortaient moyennant détour : « Il y a des misères sur la terre qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu’aux aliments ; ils redoutent l’hiver ; ils appréhendent de vivre. […] Il était religieux, et d’un spiritualisme fermement raisonné, comme en fait foi son chapitre des Esprits forts ; qui, venu le dernier, répond tout ensemble à une beauté secrète de composition, à une précaution ménagée d’avance contre des attaques qui n’ont pas manqué, et à une conviction profonde. […] Mais non… ; La Bruyère en est encore pleinement, de son siècle incomparable, en ce qu’au milieu de tout ce travail contenu de nouveauté et de rajeunissement, il ne manque jamais, au fond, d’un certain goût Simple. […] J’avais noté aussi sa plainte sur l’infirmité du cœur humain trop tôt consolé, qui manque de sources inépuisables de douleur pour certaines pertes, et je la rapprochais d’une plainte pareille dans Atala.
Vous prétendez que les premiers offrent des situations touchantes, de grands caractères, des scènes pathétiques, où pour nous enchanter et nous instruire, tout est mis en usage, l’élégance et l’énergie du style, la profondeur et la clarté des idées, la vivacité des images, la sublimité des sentiments, la nature enfin habilement imitée dans tout ce qu’elle a de vrai et de noble à la fois ; voilà le mal : mais nous avons aussi des farces tragi-comiques que nous appelons mélodrames ; là, rien ne nous manquera bientôt des meilleures pratiques, fables compliquées, personnages gigantesques, préceptes moraux d’un aussi fort poids que les bons mots et les jeux d’esprit qui s’y entremêlent. […] Que d’Anglais déjà disent avec Blair, « que Shakespeare est un génie sauvage, qui manque d’un goût pur et qui est privé à la fois des secours du savoir et de l’art2» ; avec Johnson., « qu’occupé de plaire bien plus que d’instruire, Shakespeare semble écrire sans aucun but moral3 ». […] Les premiers fondateurs de notre scène ont été bien grossiers aussi ; heureusement pour nous, le génie leur a manqué ; et n’étant pas restés modèles, ils n’ont recommandé aucun de leurs travers, consacré aucune de leurs routines6. […] À l’égard des faits positifs, ils ne sont plus tragiques dès qu’ils manquent de noblesse. […] Toutes les éditions de Boileau portent : Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe, Je ne reconnais plus l’auteur du Misanthrope, et Brossette n’a pas manqué d’observer que « ce n’est pas Scapin qui s’enveloppe dans un sac : c’est le vieux Géronte à qui Scapin persuade de s’y envelopper ».
Manque de psychologie et d’objectivité. — 5. […] Cet orgueil sans limite s’accompagnait d’un manque absolu de volonté : effet, ou cause, ou l’un et l’autre. […] Chateaubriand a reconnu lui-même que son merveilleux était manqué : son ciel et ses enfers, ses démons et ses anges sont d’insupportables machines. […] L’ennui, la mélancolie, tout le vague de l’âme de Chateaubriand, séparé de sa puissance pittoresque, formera le courant lamartinien665.À chaque instant, dans une lecture rapide, se notent les thèmes auxquels il ne manque que le vers de Lamartine. […] Cette page, écrite en 1822, est une critique du manque de vérité et de couleur de l’historien Velly.
Une histoire de la littérature française, où ces origines n’auraient pas leur place, manquerait de ce qui doit en former l’introduction naturelle. […] On y voit l’homme tout entier, son imagination, ses sens, sa raison ; car, où l’une de ces choses manque, il n’y a point de vie mais la raison gouverne. […] Il nous manque peut-être une certaine espèce de rêverie solide, propre aux grands poëtes du Nord ; une certaine richesse d’imagination, propre à ceux du Midi. […] Dans ces deux pays, le public se prête à cette incertitude de la langue : en Angleterre, parce que la littérature est la seule chose qui n’y soit pas une affaire ; en Allemagne parce que le manque d’activité politique y rend la curiosité littéraire insatiable. […] La clarté qui ne laisserait rien à désirer y est suspecte de manque de profondeur, et l’on préfère à une lecture qui produit immédiatement son effet, celle qui donne à rêver.
C’est cette force qui a manqué à Michelet. […] Ce n’est donc point seulement, comme nous l’avons dit, parce que ce livre ne donne qu’une sensation déjà produite par un livre antérieur, qu’il ne suffit pas aux esprits troublés, salis ou corrompus, et qu’il a manqué son succès, mais c’est encore parce que, moralement aussi mauvais que le premier, littérairement, ce livre est pire. […] n’ont pas manqué de s’y trouver. […] Il ne l’a pas manquée. […] c’est bien le lion qui manque dans ce Cours de 1847, mais la femme y est, et dans toute sa détestable séduction !
Si l’Esprit des lois manque de clarté ; si la lecture en est plus laborieuse que celle de l’Essai sur les mœurs ; si nous n’y pouvons discerner que l’ébauche d’un grand livre, c’est qu’il est confusément et ensemble trois ou quatre choses dont Montesquieu n’a pas pu réussir à démêler les liaisons. […] Osons enfin le reconnaître : l’Esprit des lois est un livre manqué, et on ne pourra jamais le réduire à l’unité d’un seul plan, par la bonne raison que Montesquieu n’a lui-même jamais bien su ce qu’il y avait voulu faire. […] Et l’Esprit des lois n’en demeure pas moins un livre manqué ; mais on ne le trouve plus indigne de sa haute fortune ; on comprend que l’influence en ait passé le mérite ; et on se l’explique en considérant que le génie de Montesquieu a sans doute été supérieur à son œuvre. […] et généralement que toute cette littérature encyclopédique, — à force d’être philosophique, — ne manque de rien tant que de réalité, de substance et de vie ? […] Et Condorcet ne se plaindra-t-il pas, quelques années plus tard, « de trouver dans les Provinciales un trop grand nombre d’expressions familières et proverbiales, qui paraissent maintenant manquer de noblesse » [Cf.
Étienne Mayran, c’est du Stendhal écrit, habillé, composé, — manqué. […] C’est un fait pourtant : il y a manqué. […] Elle a fait son domaine propre de ce qui manquait à leur philosophie. […] Combien elle manquait à mon cœur, cette dépendance qui m’avait révolté souvent ! […] mais lorsque la vie est faite, elle n’a plus qu’à se défaire, et elle n’y manque pas.
» Et il a ajouté avec une grande sérénité : « Quand on a soixante-quinze ans, on ne peut pas manquer de penser quelquefois à la mort. […] « Il ne faut pas le nier, dit Goethe, il a d’éclatantes qualités, mais il lui manque l’amour. […] Ses intentions sont toujours bonnes, mais ce qui manque, c’est la réunion des circonstances nécessaires pour que l’intention puisse se réaliser parfaitement. […] Si on les suspend près du poêle, ils dépérissent par manque d’air nourrissant ; si on les met près de la fenêtre, ils dépérissent par suite du froid des longues nuits. […] Si un oiseau pendant la mue est maladif, c’est qu’on le nourrit mal, que son eau est mauvaise, ou qu’il manque d’air.
Ainsi rien ne manquait à cette existence de la famille agricole, pas même l’élévation de la pensée au-dessus de cette terre, pas même ce sursum corda qui manque à toute chose quand on ne la relie pas avec l’infini, l’horizon de l’âme. […] Si elles se ravalent à imaginer, soyez sûrs que c’est qu’il leur a manqué quelque chose à aimer : leur gloire publique n’est que l’éclat de leur malheur secret. […] Jamais dans ce pays le possesseur d’un champ, ou même son berger, ne manquent ni de fromage, ni de la chair des troupeaux, ni d’un lait savoureux… Mais Ménélas fait dans la conversation mention du courage et de la sagesse d’Ulysse. […] Les fruits de ces arbres ne cessent pas de se succéder pendant toute l’année ; ils ne manquent à l’homme ni l’été, ni l’hiver ; sans cesse le vent tiède, en soufflant, fait éclore les uns et mûrir les autres. […] « Pénélope, à ce signe, sent son cœur se fondre et ses genoux se dérober sous elle. » Les époux se reconnaissent ; rien ne manque au groupe triomphant de la famille que l’aïeul Laërte ; ce père d’Ulysse vit retiré dans une maison des champs, loin de la ville, depuis le départ et les malheurs d’Ulysse.
Ses plaisanteries sont basses & ses vers manquent d’harmonie. […] Sa traduction est écrite agréablement, nettement, & ne manque ni de clarté, ni d’élégance. […] in-12, est fidéle à la vérité dans le texte, savante & instructive dans les notes ; mais elle manque de grace. […] Cet échantillon bien accueilli est un garant qu’une version entiere de l’ouvrage d’Ovide n’auroit pas manqué d’être bien reçue. […] Mais on a trouvé que pour la satisfaire, il en coûtoit quelquefois à la fidélité de l’interprétation ; & qu’il y a plusieurs endroits où le sens du Poëte est manqué.
C’est qu’en effet, lorsque la présence de ces dernières leur manque, ils sont obligés, tout au moins, de se débarrasser eux-mêmes de leur excrétion ; mais, comme elle est extrêmement visqueuse, il leur est probablement plus commode qu’elle leur soit enlevée par un secours étranger. […] Mais si l’instinct est variable, pourquoi l’Abeille n’a-t-elle pas reçu la faculté d’user de quelque autre substance que la cire, quand celle-ci vient à lui manquer ? […] Il faudrait manquer de sens pour ne pas être pénétré d’une admiration profonde, quand on examine avec soin la structure si singulière d’un rayon de miel, structure surtout si parfaitement adaptée au but qu’elle doit remplir. […] Je puis me faire garant de l’exactitude de ces observations, bien qu’elles diffèrent un peu de celles du célèbre François Huber ; et si l’espace ne manquait ici, je démontrerais qu’elles n’ont rien de contradictoire avec ma théorie. […] Nous manquons de degrés de transition pour nous aider à conjecturer quelles ont pu être les phases de développement des autres.
On a dit de nos jours avec un grain de malice et un coin de vérité : « La poésie française, au temps de Henri IV, était comme une demoiselle de trente ans qui avait déjà manqué deux ou trois mariages, lorsque, pour ne pas rester fille, elle se décida à faire un mariage de raison avec M. de Malherbe, lequel avait la cinquantaine. » Mais ce ne fut pas seulement un mariage de raison que la poésie française contracta alors avec Malherbe, ce fut un mariage d’honneur. […] M. de Racan est en cette ville, qui n’en manque point et confesse avec sa bonté ordinaire que les conférences qui s’y font ne lui sont pas inutiles, quelque excellent homme qu’il soit14. […] Sa poésie pastorale me paraît surtout manquer de naïveté franche, et de cet amour des champs qu’avait Racan. […] Le Cowper, jusqu’ici, nous a manqué.
Louvois introduisait dans ce grand corps l’organisation moderne ; mais la base essentiellement moderne, la contribution égale et régulière de tous au service militaire, manquait. […] Et le courage m’aurait manqué. […] Et quant au célibat auquel trop de jeunes filles, en sortant, pouvaient être condamnées faute de dot et de fortune (car « ce qui me manque surtout, disait-elle agréablement, ce sont des gendres »), elle y voyait également un état triste. […] Ces Dames pourtant firent une longue et placide résistance qui les maintint dans leur maison jusqu’en 1793 : elles accomplirent et vérifièrent à la lettre la parole de Mme de Maintenon : « Votre maison ne peut manquer tant qu’il y aura un roi en France » ; et elles n’achevèrent, en effet, de périr que le lendemain du jour où il n’y eut plus de roi.
Ainsi donc, dans ce mariage si brillant en apparence qu’elle contracta avec le frère de Louis XIV, Madame ne songeait qu’à une chose, servir et protéger son pays allemand auprès de la politique française ; et ce seul côté par où la politique, à laquelle elle resta d’ailleurs toujours étrangère, la touchait au cœur, elle eut le regret de le manquer. […] Elle ne manquait point d’esprit, et ce qu’elle voyait, elle le voyait très bien. […] Au contraire de la nature des femmes, elle n’a aucune envie de plaire, aucune coquetterie : « Nulle complaisance, dit Saint-Simon, nul tour dans l’esprit, quoiqu’elle ne manquât pas d’esprit. » On lui demandait un jour pourquoi elle ne donnait jamais un coup d’œil au miroir en passant : « C’est, répondit-elle, parce que j’ai trop d’amour-propre pour aimer à me voir laide comme je suis. » Le beau portrait de Rigaud nous la rend d’une parfaite ressemblance dans sa vieillesse, grasse, grosse, à double menton, aux joues colorées, avec la dignité du port toutefois et la fierté du maintien, et une expression de bonté dans les yeux et dans le sourire. […] On l’a vu donner à ce prince mourant des larmes amères, en donner même à sa mémoire, le chercher dans ce superbe palais qu’il remplissait de l’éclat de sa personne et de ses vertus, dire souvent qu’il y manquait, et porter toujours depuis sa mort une plaie profonde, dont toute la gloire de son fils n’a pu lui ôter le sentiment.
Il prétend, à travers tout, être resté un bon Français ; il a toujours l’air de ne prendre les armes que malgré lui, à son corps défendant, et parce qu’il ne peut en honneur s’en empêcher sans manquer à son devoir et au bien des Églises. […] Quand il n’y aurait que deux personnes de la religion, je serai un des deux. » Il a tenu cette parole dans toute la suite des guerres, et il n’a renoncé que lorsque tout lui a manqué. […] Il commença le 1er mai 1625 ses entreprises à main armée, manqua son coup sur Lavaur44, mais fit déclarer chemin faisant toutes les villes du Lauraguais. […] En conseillant au roi de faire impérieusement, et même avec menaces (s’il en était besoin), ces demandes assez singulières à ses alliés protestants pour battre ses sujets protestants, le cardinal, à qui son tact présageait qu’on obtiendrait tout, savait bien pourtant qu’il se mettait en grand hasard auprès du maître si l’on essuyait un refus : Qui se fût considéré lui-même, dit-il dans un sentiment de généreux orgueil, n’eût peut-être pas pris ce chemin qui, étant le meilleur pour les affaires, n’était pas le plus sûr pour ceux qui les traitaient ; mais sachant que la première condition de celui qui a part au gouvernement des États est de se donner du tout au public et ne penser pas à soi-même, on passa par-dessus toutes considérations qui pouvaient arrêter, aimant mieux se perdre que manquer à aucune chose nécessaire pour sauver l’État, duquel on peut dire que les procédures basses et lâches des ministres passés avaient changé et terni toute la face.
Il réitère à ce propos, comme en mainte autre occasion, sa profession de foi en ces matières spéculatives : « Vous avez grande raison de dire, mon cher frère, qu’on ne fera pas de grands progrès dans la métaphysique ; c’est une région où il faudrait voler, et nous manquons d’ailes. » Frédéric ne se laisse pas enlever volontiers jusqu’à la région des étoiles : il craint trop les nuages. […] n’avait ni l’essor de vol, ni la parole de flamme, ni les hautes sources sacrées de Bossuet : c’est bien ici que les ailes lui manquent. […] Vous voyez un peu noir dans nos affaires ; j’avoue que nous n’avons pas toutes les assistances que nous pourrions désirer ; mais nous ne nous manquerons pas à nous-mêmes, si le besoin le demande. (18 mars 1778.) […] Louis XVI avait de l’éloignement pour Frédéric, et il disait : « Frédéric a la plus mauvaise opinion des hommes. » II ne trouvait pas à faire le même reproche au prince Henri, qui avait une couleur de bienveillance et d’optimisme, et à qui une teinte de Greuze ne manquait pas.
Le pain surtout était l’inquiétude principale ; c’est à quoi Villars dut pourvoir tout d’abord et durant toute la campagne, il n’y avait pas de magasins, et les subsistances n’arrivaient qu’au jour le jour ; on n’en avait pas d’assurées pour deux journées à l’avance ; et ce n’était point la faute des intendants, mais le grain manquait par tout le royaume, et la famine n’était pas seulement dans l’armée : Imaginez-vous, écrivait Villars au ministre, l’horreur de voir une armée manquer de pain ! […] Écrivant à M. de Torcy et lui exprimant la situation dans toute sa nudité : « Je parle à un ministre, ajoutait-il, car aux autres je me fais tout blanc de mon épée et de mes farines. » Il était bien obligé de répandre des bruits faux et d’imaginer, ne fut-ce qu’à l’usage de l’ennemi, des arrivées de fonds ou de subsistances qui n’existaient pas : Je me vis donc réduit à payer de hardiesse, je dirais presque d’effronterie, avec cinquante mille hommes de moins que les ennemis, une petite artillerie de campagne mal traînée, mal approvisionnée, contre deux cents bouches à feu bien servies, et la frayeur perpétuelle de manquer de pain chaque jour. […] Vous le permettre et vous l’ordonner serait la même chose, et je ne veux pas que l’on puisse penser ni l’un ni l’autre. » Ce n’est pas Louis XIV qui manquera jamais à une noble et délicate convenance.
Il y a surtout quatre aunes de tapisserie, provenant de l’ameublement de Germigny, qu’il a sur le cœur et qu’il réclame à outrance : On voit par là que l’abbé Bossuet n’a pas seulement eu la pensée de me faire présent de ces quatre aunes de tapisserie, tant pour rendre ma tenture parfaite que pour me restituer l’aunage qui me manque, à moi qui travaille pour lui actuellement en chose si importante et si nécessaire (les Méditations sur les Évangiles). […] Le grand cabinet d’audience, orné de tableaux superbes, tous de piété ou de la cour de Rome et de France, sur des tapisseries de damas violet sans or, est la dernière pièce de ce superbe appartement, destinée aux audiences publiques : des bureaux, des fauteuils, des paravents se voient à l’entour dans un grand ordre, et rien ne manque de ce qui est nécessaire à la propreté et à la magnificence ; et il y avait aussi fort bon feu. […] Il ouvrit alors son paquet et parcourut ses lettres : « Elles sont, dit-il, un peu malaisées à lire ; il faudra les étudier à loisir. » — « J’espère, monseigneur, de votre bonté, lui dis-je, que vous l’honorerez d’une réponse, afin qu’elle voie que j’ai exécuté ses ordres et que je lui porte de vos nouvelles de vive voix et par écrit. » — « Je n’y manquerai pas, ajouta-t-il ; et encore il faut bien lui recommander la fermeté. » — « Elle en sait l’importance et la nécessité, lui dis-je, monseigneur, car elle ne peut se déplacer sans lettre de cachet, et elle ne veut pas si souvent faire parler d’elle… » Comme on était déjà venu avertir pour dîner, il se leva et m’invita à venir prendre place à sa table. […] M. l’archevêque prit la peine de me servir, de sa main, de tout ce qu’il y avait de plus délicat sur sa table ; je le remerciais chaque fois en grand respect, le chapeau à la main, et chaque fois aussi il ne manqua jamais de m’ôter son chapeau, et il me fit l’honneur de boire à ma santé, tout cela fort sérieusement, mais d’une manière aisée et très polie.
Il s’agit d’indiquer que Mme Swetchine, retirée alors dans ses terres, manqua Mme de Staël au passage de cette dernière en Russie (1811), et que lorsqu’elle revint à Pétersbourg, elle ne l’y trouva plus ; voici comment M. de Falloux s’exprime : « Lorsque Mme Swetchine fut ramenée au centre habituelde son existence, elle n’y trouva plus qu’un brillant souvenir. » Il y en a, dit Pascal, qui masquent la nature : ils ne disent point Paris, mais la capitale du royaume ; ils ne disent point Pétersbourg, mais le centre habituel de l’existence. Cela me rappelle que, dans son Histoire de saint Pie V, le même M. de Falloux veut louer cepontife d’avoir envoyé des brefs d’encouragement aux hommes lettrés qui, en France, prenaient parti pour la cause catholique ; le poëte Ronsard est de ce nombre : il s’est engagé dans une querelle avec les protestants, et de part et d’autre on en est vite venu aux injures les plus grossières, notamment à celles qui ne manquent jamais au XVIe siècle, et qui consistaient en de dégoûtantes allusions au mal apporté d’Amérique. […] » Et c’étaient des effusions de tendresse qui, dans leur vivacité, contrastaient avec un désabusement personnel profond ; elle souhaitait passionnément à son amie ce qui lui avait manqué à elle-même : « Chère Roxandre, il faut bénir la Providence quand on a comme vous beaucoup à perdre ; il faut la bénir encore quand on a comme vous mille chances réparatrices. […] Vous me manquez, comme si nous avions passé beaucoup de temps ensemble, comme si nous avions beaucoup de souvenirs communs ; comment s’appauvrit-on à ce point de ce qu’on ne possédait pas hier ?
Un juge impartial, le chancelier d’Aguesseau, a heureusement défini son principe de conduite, et a tracé de lui, à cette occasion, le beau portrait dont voici les points principaux : « François de Harlay, prélat d’un génie élevé et pacifique, auquel il n’aurait rien manqué s’il avait su autant édifier l’Église qu’il était capable de lui faire honneur par ses talents et de la conduire par sa prudence, se conduisait lui-même avec tant d’habileté qu’il réussissait presque toujours également à contenir la vivacité de ceux qu’on appelait Jansénistes, et à éluder, au moins en grande partie, les coups des Jésuites. […] Une de ces aventures, pour qu’il n’y manquât rien, se rapportait à une veille de Toussaint ; c’est ainsi que le prélat se préparait aux bonnes fêtes. […] L’un et l’autre s’acquittèrent assez mal de leur tâche : « Le prélat n’en fut point fâché, remarque à ce sujet Legendre, qui a bien son grain de causticité ; il aimait à briller aux dépens d’autrui ; c’était assez sa coutume de faire agiter devant lui des problèmes de toute sorte, afin d’avoir le plaisir de donner à ce qu’on avait dit, et qu’il ne manquait point de résumer exactement, un tour si fin, si délicat, que l’on admirait dans sa bouche ce qui avait paru plat dans celle des autres. » On aime d’ordinaire ce qu’on fait bien : le prélat aimait à jouer aux arbitrages. […] … Si l’infraction d’une seule loi peut contre-balancer toutes nos bonnes œuvres, et que, par le seul manquement, on soit coupable comme si l’on avait manqué à tout, qui pourra se sauver de la rigueur d’un jugement où rien ne nous sera pardonné ?
Il s’agit donc de savoir si la monarchie et le monarque survivront à la tempête qui se prépare, ou si les fautes faites, et celles qu’on ne manquera pas de faire encore, nous engloutiront tous. » « Il s’arrêta là, comme pour me laisser le temps de dire quelque chose. […] C’est pour la première fois que la conduite de l’abbé Raynal dans cette solennelle circonstance nous est complètement expliquée, et ceci nous mène naturellement à parler des relations intimes établies de tout temps entre Malouet et le célèbre abbé : on peut dire même que l’on ne connaît bien Raynal que d’aujourd’hui, et qu’avant les éclaircissements inattendus qui nous viennent de ce côté on manquait à son égard d’un élément essentiel de jugement. […] Tous les contemporains sont d’accord pour caractériser la conversation de l’abbe Raynal : elle manquait essentiellement de charme. […] Il faut que Romilly ait vu Raynal eu un mauvais jour ; car habituellement ce n’était pas lu verve ni la chaleur, telle quelle, qui lui manquaient.
Ils avaient cent autres dons excellents ; un seul, mais qui n’était pas le moindre, leur a manqué. […] Si j’ai dit que l’œuvre manquait d’unité, je me rétracte ; l’insaisissable unité se rassemble ici comme dans un éclair, et tombe magiquement sur ce visage : voilà l’objet d’idolâtrie. […] Il y a force obscurités par manque de liaison ; ainsi, je n’ai pas compris le duc Laërte disant (page 168) : Nous voulons la beauté pour avoir la tristesse. […] Pour nous, critique, chargé d’enregistrer à temps ces choses nouvelles, nous tâcherons de n’y jamais manquer, et nous gardant, s’il se peut, de la précipitation enthousiaste qui prophétise inconsidérément des splendeurs par trop nébuleuses, nous ne serons pas des derniers à signaler les vraies apparitions dignes du regard.