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720. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Tout en chantant, elles vont et viennent d’un autel à l’autre, avec des gestes d’angoisse ; et les versets de l’oraison se mêlent, dans leur hymne, aux éclats de l’ode : — « Ah ! […] L’homme doit interdire à la femme de se mêler des affaires du dehors. […] diras-tu : Une place au tombeau de leurs pères. » La Bible a de cruels jeux de mots ; Hamlet, au cimetière d’Elseneur, lorsqu’il frappe du doigt sur les crânes vides de leurs convoitises et de leurs passions, a des sarcasmes qui font frissonner : — aucun plus terrible que ce dernier trait : « Leur haine a cessé, leurs vies se sont mêlées sur la terre.

721. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Chacun à sa manière lui a déjà rendu hommage, un hommage mêlé, dans lequel les restrictions et les correctifs entrent pour une grande part, mais qui s’est trouvé unanime sur un point, la distinction de l’esprit. […] On entrait dans ce jeu, et de près on l’applaudissait sous cette forme avec faveur ; mais il avait trop d’esprit pour ne pas sentir que ce n’étaient là que des complaisances mêlées d’estime, et que tous ces éloges mis ensemble ne composaient pas une renommée. […] Il n’a fait en cela, au reste, que trahir une fois de plus ce grain de taquinerie et de caprice qui se mêlait en lui à tant de belles et bonnes qualités. — Quand je dis qu’on ne sait pourquoi Béranger avait une légère dent contre André Chénier, je me trompe ; c’est sans doute à cause de ces abeilles de l’Hymette : J’ai sur l’Hymette éveillé les abeilles.

722. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Son front, où brillait cependant la majesté d’un dieu, portait une couronne de rubis cachés dans les fleurs, et si jeune, il avait déjà la teinte rubiconde des buveurs. » À sa suite heureuse, il entraînait les grâces, les élégances, les beautés, les jeux et les fêtes, mêlés aux plus douces odeurs. — Voilà un des tyrans de la jeunesse, et prenez garde, il enchante l’esprit pour le corrompre. […] Ici l’ironie est impitoyable ; elle tue, elle brise, elle insulte, elle livre à la haine et au mépris l’homme auquel elle s’attaque, et elle le livre tout entier, sans lui tenir compte de quelques bonnes qualités qui se seront mêlées à ses défauts. […] Jamais comédiens plus heureux et plus illustres n’occupèrent un théâtre. — Eux-mêmes ils étaient, dans ce monde à part, une passion nouvelle, quelque chose d’inconnu dont on s’approchait avec un plaisir mêlé d’un certain effroi.

723. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Nous ne devons pas exprimer au dehors toute notre existence intérieure ; il en est une partie qui, n’étant que pour nous, doit rester entièrement nôtre ; la raison nous le dit, et, si la raison ne nous trompe pas, il est inutile que nous croyions externer ce qui doit rester interne et reste tel en effet ; quand on est raisonnable, mieux vaut l’être jusqu’au bout ; être raisonnable et s’imaginer qu’on ne l’est pas, c’est ne pas l’être entièrement, c’est mêler un grain de folie à une sagesse qui, dès lors, est imparfaite. […] L’imagination suppose toujours la mémoire ; son acte est une modification du souvenir ; un souvenir inexact est un souvenir mêlé d’imagination ; le moindre changement dans l’ordre des éléments du souvenir est une œuvre de l’imagination. […] Classification des images ; caractères distinctifs de la parole intérieure Le genre des images ou des pseudo-sensations peut être divisé de plusieurs manières : A. — Selon la nature des sensations reproduites, il comprend : 1° Les images proprement dites, ou images visuelles ; 2°Les sons intérieurs, qui se divisent en : paroles intérieures, autres sons ; 3° On peut réunir dans une même subdivision les images des autres sensations, sensations de l’odorat, du goût, du toucher, du sens musculaire, du sens vital, qui sont toujours plus ou moins mêlées les unes aux autres.

724. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Il faut même leur rendre cette justice qu’ils poussent le scrupule jusqu’à ne pas mêler, d’ordinaire, à leur drame, un personnage étranger. […] Lorsque nous traversons les champs en chemin de fer ou en voiture, la silhouette courbée de ces hommes et de ces femmes qui travaillent est si voisine du sol et si bien mêlée à ses lignes que le paysan peut sembler un accessoire du paysage, une chose qui se meut à peine entre des choses immobiles. […] Nous les retrouvons souvent, quelques années plus tard, Sœurs d’hôpital, Sœurs débarbouillant et gardant les enfants dans les crèches, Sœurs des pauvres, Sœurs d’écoles, mêlées à toutes les misères, à toutes les peines, jamais à nos joies, qu’elles n’ont pas l’air de nous envier.

725. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Je ne suis arrivé que peu à peu à cette explication dernière ; elle m’a souvent rassuré aux heures de doute ; si l’on me reprochait de mêler la philosophie à la littérature, je répondrais que c’est précisément mon ambition suprême ; de plus en plus, la vérité me semble être là : rattacher un phénomène en apparence isolé (dans notre cas : la vie littéraire) aux lois de la vie totale. […] Dans la réalité on passe de l’individu à l’être social, de l’effet à la cause, par des transitions insensibles ; tout cela est inextricablement mêlé, sans être pourtant une seule et même chose. […] Nous arrivons ainsi à un problème essentiel qu’on résume généralement sous cette forme pratique : le créateur doit-il s’isoler, ou au contraire se mêler à son peuple, à son temps ?

726. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Il en résulte que « l’art dramatique total », en raison même de ses ressources, serait le plus mêlé et le plus contingent de tous les arts, celui qui traîne après lui le plus lourd passif, celui qui a le plus à compter avec la pratique. […] Aucun de ces sujets qui ne soit populaire, mêlé à la substance intime de chacun. […] Vous savez qu’ils étaient familiers, populaires, accessibles à tous, mêlés parfois de farce et que même ils dégénérèrent en bouffonneries irrespectueuses qui nécessitèrent plus tard l’intervention du bras séculier. […] Comme ses ancêtres médiévaux et les nôtres, il estimait tout naturel de mêler la farce à la tragédie. […] Il n’est donc pas mauvais qu’un public moyen et divers se mêle à l’élite dans les théâtres où s’élabore l’art dramatique de demain.

727. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Tout s’y mêle : la fantaisie, les espérances mystiques et l’étude positive de la nature. […] Il vivait pour ses élèves et ils éprouvaient pour lui un enthousiasme mêlé de tendresse. […] Michelet avait en lui ce trait germanique qui, mêlé à une nature d’ailleurs toute française, fit sa grande originalité. […] Il mêle la nature à toutes ses émotions : « Rien de la nature ne m’est indifférent. […] , p. 40), il insiste sur la nécessité de ne pas mêler la morale et la religion à la recherche scientifique.

728. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Ces doux accents mêlés aux légendes devront, en effet, trouver plus d’un écho dans ces montagnes qui nous ont donné Nodier et Jouffroy, et Droz, et qui ont gardé le savant et bon Weiss.

729. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre premier. Que personne à l’avance ne redoute assez le malheur. »

Au sortir de l’enfance, l’image de la douleur est inséparable d’une sorte d’attendrissement qui mêle du charme à toutes les impressions qu’on reçoit ; mais il suffit souvent d’avoir atteint vingt-cinq années pour être arrivé à l’époque d’infortune marquée dans la carrière de toutes les passions.

730. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Il étrangle la discussion sur la légalité du décret, qu’il glisse au milieu de l’apologie de sa politique, entre deux parties très étendues, dont la seconde est mêlée de toutes les invectives et de toute la diffamation qui peuvent rendre odieux son adversaire Eschine.

731. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Il nous a confié ses fragments de mémoires, ses carnets, ses notules, ses récits de voyages, ses cahiers de mathématique, au parchemin graissé et noirci par une compulsation continue, et où la littérature écrite à rebours se mêle aux X, enfin les feuilles volantes qui livrent des épisodes de son existence.

732. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

S’il y avait un homme aujourd’hui qui pût réaliser le drame comme nous le comprenons, ce drame, ce serait le cœur humain, la tête humaine, la passion humaine, la volonté humaine ; ce serait le passé ressuscité au profit du présent ; ce serait l’histoire que nos pères ont faite confrontée avec l’histoire que nous faisons ; ce serait le mélange sur la scène de tout ce qui est mêlé dans la vie ; ce serait une émeute là et une causerie d’amour ici, et dans la causerie d’amour une leçon pour le peuple, et dans l’émeute un cri pour le cœur ; ce serait le rire ; ce serait les larmes ; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie ; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand !

733. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Et guidera Folie l’aveugle Amour, & le conduira par tout où bon lui semblera ; &, sur la restitution de ses yeux, après en avoir parlé aux Parques, en sera ordonné. » Clémence de Bourges mêla dans toutes ses critiques beaucoup de personnalités.

734. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

J’ai cru que pour éviter la sécheresse & la monotonie, il falloit mêler les sujets qui offrent quelques détails piquans avec ceux qui ne présentent que des notices séches, & qui ne peuvent guéres présenter autre chose.

735. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

On conçoit que l’huile répandue sur les endroits où il y a beaucoup de différentes couleurs mêlées et fondues, occasionne une action des unes sur les autres et une décomposition d’où naissent des taches jaunes, grises, noires, et la perte de l’harmonie générale.

736. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Les femmes dont on lui conte l’aventure ont ce charme souverain qui fait tout pardonner, mêlé de grâce physique, de douceur d’âme et de tristesse. […] Et c’est encore un retour nostalgique vers ce christianisme qui a d’abord été mêlé intimement à toutes les affaires de votre vie. […] Il lui arrive d’emprunter les façons de parler des théologiens et de mêler à son style les termes spéciaux de leur langue. […] Il mêle à des phrases d’une extrême correction des termes d’argot qu’il souligne encore d’un « si j’ose m’exprimer ainsi ». […] Elle doit se mêler au siècle.

737. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Le génie normand se mélangea avec le génie saxon, mais seulement dans les proportions de l’alliage de cuivre que l’on mêle aux monnaies d’or et d’argent pour les rendre solides et sonores. […] Le fait est que les deux sociétés ne furent jamais mêlées aussi étroitement, et surtout qu’elles ne furent jamais mêlées d’aussi bonne heure qu’on le prétend. […] Dès les premiers mots de l’entretien, M. de Luynes le prit de très haut : « De quoi se mêle le roi, votre maître ? […] Un flot de fureur mêlé de tendresse s’échappe de cette âme bouleversée, mais l’équilibre se rétablit presque aussitôt en faveur du plus fort des deux sentiments qui la partagent. […] Les beaux visages d’hommes et de femmes s’y montraient en profusion, et nous vîmes mêlés à la foule un grand nombre d’habitants du quartier de l’Orgueil, qui étaient venus pour s’y faire complimenter et adorer.

738. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Un homme supérieur ne doit parler de lui-même qu’à propos des grandes choses auxquelles il a été mêlé. […] Dans les belles âmes, une divine indulgence se mêle à la passion la plus furieuse. […] Elle est excusable et presque touchante chez les très jeunes gens, parce qu’il s’y mêle une infinie candeur. […] Voyons-le mêlé au peuple et aux héros de 1789, partageant leur puissant idéal et leurs nobles illusions. […] Il mêle au vocabulaire français des éléments d’encyclopédie générale.

739. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Mais chez la plupart des hommes il s’y mêle des qualités qui compensent les défauts, et qui souvent les cachent. […] Il est sorti sur les pas d’Isabelle ; il la voit entrer chez Valère ; et comme il n’est pas homme à se contenter du bien qui lui arrive, s’il n’est mêlé du mal d’autrui, il court informer Ariste du tort que l’on fait à son honneur. […] Il a les mêmes travers que Sganarelle bourgeois ; il est égoïste, systématique, entêté, vain ; mais quelques qualités s’y mêlent : il est civil, il n’est pas incapable d’un bon office. […] Savons-nous bien d’ailleurs si l’opposition qu’il fait à tout n’est pas mêlée de quelque désir de dominer ?

740. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Tout cela est mêlé, confondu, bouleversé durant quelques années. […] Mais, de même qu’aux environs de 1661, la hiérarchie sociale un instant bouleversée se reforme plus sévère ; de même que les classes superficiellement mêlées se séparent, si bien qu’il se constitue deux Frances, l’une aristocratique, l’autre bourgeoise et populaire, ayant chacune ses mœurs et ses intérêts ; de même les mots de la langue se divisent en deux castes, ceux-ci nobles et réservés à une petite élite, ceux-là roturiers et abandonnés à la foule ; les genres littéraires un moment confondus s’écartent l’un de l’autre ; la comédie et la tragédie sont parquées dans deux domaines différents avec défense formelle de franchir les barrières qui les isolent ; le mélange des tons, accepté ou recherché comme quelque chose de piquant, répugne au goût nouveau ; le burlesque, où les deux faces de la vie étaient violemment confrontées de façon à faire rire aux dépens des choses graves et des grands de la terre et du ciel, tombe dans le mépris et l’oubli. […] Élu membre de l’Académie française, il avait écrit dans son discours de réception cette phrase, en faisant, suivant l’usage, l’éloge de son prédécesseur qui était Marie-Joseph Chénier : « La liberté est si naturellement l’amie des sciences et des lettres qu’elle se réfugie auprès d’elles, lorsqu’elle est bannie, du milieu des peuples. » Il avait eu beau prendre ses précautions, mêler à ses paroles un hommage à César ; quand l’Empereur eut entre les mains le discours qui devait lui être soumis avant d’être prononcé, il entra dans une colère frénétique. […] Zola, qui ne s’attendait pas à être un jour au plus fort de la mêlée sociale, a lancé jadis des invectives amères contre cette gêneuse, contre cette concurrente tapageuse et sans scrupule.

741. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

. — et nommons ici le plus diligent et le plus génial, l’exemplaire Christophe Glück — jusqu’à ce que vinssent deux maîtres les derniers nés de la musique : Beethoven, qui inventa en ses derniers quatuors le mystère des plus hautaines expressions musicales, et qui, superbe et patricien de l’art, nous laissa l’épouvante de ses musiques vierges essentiellement de toutes compromissions ; et cet énigmatique ménétrier, âme d’authentiques aristocraties et de fondamentales démocraties mêlée, Wagner. […] Alors vient ce troisième acte composé après un très long intervalle ; et entendez d’abord le fulgurant prélude ; c’est la musique toute qui institue cette évocation d’âme dans le sombre des solitudes morales ; puis, les deux scènes corrélatives de Wotan en face de son rêve et en face de son acte, fondamentales du drame, et nécessairement mêlées de littératures explicatives du symbole originel ; mais dans ces scènes, rien aux mimiques, les décorations et les gestes étant dans l’orchestre. […] quelques métaphysiques qui s’y mêlent, le puéril fabliau ! […] Puis, le Verwandlungsmusik, une marche longuement graduée d’instruments et d’instruments et de voix, une progression mêlée de placidités et d’efforts souffrants, tantôt d’un calme, tantôt de mystérieuses répulsions prêtes à éclater, une progression tour à tour tranquille et douloureuse vers un auguste et terrible lieu ; et c’est la sérénité argentée des trompettes qui sonnent l’ouverture d’un rite, lorsqu’enfin libérés de contraintes retentissent des cris de renégations ; alors, l’âme souffrante, liée dans le temps et vers le futur sollicitée, l’âme gémit dans l’attache des charnalités vers le pur ciel ; et tandis que s’entraperçoit le ciel, elle gémit encore, sous l’inexpugnable charnalité ; âme religieuse et concupiscente !

742. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Peu s’en faut, dans sa légèreté et son inattention, qu’il n’y voie un présage de la décadence du goût, et il se fait un plaisir de mêler et brouiller tout cela avec les mauvais vers de ce libertin d’abbé Pellegrin : Voilà une Pélopée de l’abbé Pellegrin qui réussit, écrivait-il à son ami Formont (26 juillet) ; o tempora ! […] À mesure qu’on avancera dans le monde moderne, il deviendra pourtant de plus en plus difficile aux rédacteurs qui seront en exercice alors de se contenir à l’exposé des faits à l’analyse des ouvrages, sans y mêler quelque chose des idées et des impressions qui sortent presque inévitablement : mais jusqu’à présent l’esprit essentiel et primitif de l’œuvre, convenablement entendu et dans une juste extension, a été fidèlement observé.

743. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Dans le dernier discours sur Jouffroy, il me semble avoir sacrifié plus que d’ordinaire à la mise en scène ; il y a mêlé un but étranger au sujet même qu’il étudiait ; il a voilé en un sens et drapé son personnage ; il a pris parti, plus finement qu’il ne convient, pour la malice et la rancune des grands sophistes et des grands rhéteurs dont l’histoire sera un jour l’un des curieux chapitres de notre temps, intolérants et ligués comme les encyclopédistes, jaloux de dominer partout où ils sont, et qui, depuis que l’influence décidément leur échappe, s’agitent en tous sens pour prouver que le monde ne peut qu’aller de mal en pis. […] Mignet en a mêlé un peu trop à son dernier discours, sans compter que son apprêt était à double fin.

744. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

On conçoit qu’avec tous ces souvenirs vivants, en présence de ces membres d’une famille qui est encore aujourd’hui pour la cité ce qu’elle était il y a plus d’un siècle, la fête qui se célébrait, il y a quinze jours, dans la jolie ville d’Hesdin n’était pas une solennité ordinaire, toute d’apparat et de curiosité ; il s’y mêlait un intérêt amical et commun, et ce n’était que justice. […] Heureux du moins est-il, et favorisé entre tous, au milieu de ses succès mêlés et de ses labeurs, puisqu’il a rencontré le rayon !

745. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Une expression naturelle de regret se mêle dans la parole d’Arago au sentiment d’orgueil que lui inspire la vérité inaltérable, mais peu accessible, des sciences : Les sciences exactes, a-t-il dit dans sa notice sur Thomas Young, ont sur les ouvrages d’art ou d’imagination un avantage qui a été souvent signalé : les vérités dont elles se composent traversent les siècles sans avoir rien à souffrir ni des caprices de la mode ni des dépravations du goût. […] Pour l’anecdote, elle est très mêlée chez lui : il y en a de vives et de remuantes, il y en a de communes ; il ne choisit pas.

746. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

On y a trop exclusivement rassemblé ce qui tient aux choses intérieures, en retranchant des lettres ce qui s’y mêlait d’accidentel, de relatif au monde, aux personnes, ce qui y donnait de la réalité. […] On est plus disposé à passer cet excès à saint François de Sales, en raison de son siècle, et aussi à la faveur d’une certaine poésie franche qui s’y mêle et qui ne se donne que comme poésie.

747. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

. — Il observe très bien que de son temps les conditions de la société se sont tellement mêlées et confondues, et avec un frottement si continuel, que ce qu’on appelle les gens du monde n’ont plus ni état ni âge, ni rien qui marque l’individualité de la personne : La vie intérieure et domestique, dit-il, n’a plus été le partage que des états obscurs et des gens sans fortune. […] Les grands hommes n’ont jamais vécu dans les cercles de la bonne compagnie ; ils y paraissent, mais les entraves dont elle accable l’homme supérieur l’en écartent : il vit en famille, avec sa maîtresse (voilà la marque et le petit signe libertin du xviiie  siècle, qui se mêle à tout), avec des amis particuliers ; il cherche la confiance, et il n’a pas besoin des petits succès de la société pour s’assurer de sa valeur… Ce qui ne peint pas moins M. de Meilhan que son moment de société, c’est que dans ce regret général qu’il exprime de voir les caractères s’effacer de la sorte, il trouve moyen de songer même à la disparition prochaine des grands fats et des Alcibiades qui vont chaque jour en diminuant ; il le dit d’ailleurs d’une manière piquante : Il est des genres dans la société qui se perdent ; c’est ainsi que certains poissons, après avoir longtemps abondé sur les côtes, disparaissent pour des siècles.

748. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

De geste et de ton, il tient d’un Moïse ; il y mêle dans la parole des actions du Prophète-Roi, des mouvements d’un pathétique ardent et sublime ; il est la voix éloquente par excellence, la plus simple, la plus forte, la plus brusque, la plus familière, la plus soudainement tonnante. […] Le premier point du discours où l’orateur glorifie la bonté de Jésus, toute conforme à sa vraie nature, est marqué par des bonds et des élans, des termes vifs et impétueux, des mots significatifs qui enfoncent la pensée ; un peu d’archaïsme s’y mêle dans l’expression : Et à ce propos (de la miséricorde), il me souvient, dit l’orateur, d’un petit mot de saint Pierre par lequel il dépeint fort bien le Sauveur à Corneille : Jésus de Nazareth, dit-il, homme approuvé de Dieu, qui passait bien faisant et guérissant tous les oppressés : Pertransiit benefaciendo… Ô Dieu !

749. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Le jeune Ramond participa intellectuellement de cette double origine ; il montra de bonne heure la vivacité, la promptitude brillante d’impressions qui caractérise les races du Midi, et il y mêla de la sensibilité et quelque chose de l’enthousiasme du Nord. […] Il décrit dans un curieux détail les mœurs et le gouvernement des petits cantons ; il n’a rien gardé du vague et de la fougue qui dominaient dans ses précédents ouvrages ; la partie positive et commerciale l’occupe ; il ne néglige aucune des circonstances physiques des lieux qu’il parcourt ; il y mêle des considérations morales qui le montrent affranchi des lieux communs de son siècle, ou plutôt devançant l’esprit du siècle prochain.

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