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591. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Lui-même, il venait de donner six sous au Diable et se laissait conduire. […] La jeune femme ne se laissa pas aborder tout uniment et sans se rebeller un peu ; mais tous deux avaient de l’esprit, et leurs esprits d’emblée se prirent de bec, se querellèrent. De cette première rencontre il résulta, à deux jours de là, un rendez-vous ; ce rendez-vous ne se donna point non plus, on peut le croire, sans toutes sortes de façons et de cérémonies ; mais Michel était beau, d’une taille noble, d’une grande finesse de physionomie, d’une parole aisée et sobre qui ne montrait que l’homme du monde et qui ne laissait deviner en rien le métier ni la profession. […] n’en parlons plus, laissons mon rêve. […] « Tiens, Marie, avant de quitter cette pensée, laisse-moi te dire qu’un de mes plus doux souhaits aurait été de te donner cette noble indépendance de la raison, cette fierté dans ce que l’homme a de plus fier, la pensée.

592. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

A ceux qui me reprochent de trop m’amuser au détail en de semblables sujets, je ne répondrai qu’en redoublant de soin pour laisser à ceux qui viendront après nous le plus de renseignements précis et le plus d’idées vivantes sur un passé déjà si enfui pour nous-mêmes et si lointain dans le souvenir. […] Paris, avec sa bonne humeur et sa bonne grâce, avec une certaine humanité de ton et de mœurs qui y est généralement répandue, adoucit tout et sauve les transitions : Londres laisse se heurter à nu les contrastes. […] Quels que soient donc les motifs qui aient déterminé Gavarni à mener à Londres le genre de vie assez singulier qu’il y observa ; que ç’ait été pur dégoût du trop d’aristocratie, attrait vif pour une nature populaire qui se déployait devant lui et se laissait lire à livre ouvert dans sa franchise ; que peut-être aussi cette réserve ait tenu au soupçon qu’il eut dès son arrivée, qu’on cherchait à exploiter son nom et sa présence, il ne perdit point son temps dans cette période de recueillement et de retraite durant laquelle il ne cessa de produire et de méditer. […] Quand il dessine, il ne va point au hasard et ne laisse point courir son crayon à l’aventure, sauf à corriger. […] Ô ligne aveugle et inflexible, ne pouviez-vous donc vous détourner un peu et vous laisser attirer doucement du côté de ceux (comme il y en a beaucoup) qui ne demandent qu’à être traversés de part en part, sauf à être ensuite largement guéris et dédommagés ?

593. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

Au lieu d’appliquer le Quintilien à la peinture, que n’y a-t-on appliqué à temps le Théophile Gautier, sauf à laisser les Quintilien d’alors crier à la confusion des genres, à la corruption du goût et à la décadence ? […] Il vous a fait passer sous les yeux une image fidèle, une merveille de réduction toute brillantée, et il vous laisse à vous, l’homme sévère, l’arbitre inexorable du goût, l’honneur facile de prononcer, si vous y tenez, le jugement qu’il a amené, pour ainsi dire, sur vos lèvres. […] Il choisit précisément ce temps d’orage, qui lui laissait plus d’un loisir forcé, pour graver par contraste ses Émaux et Camées (1852), une poésie toute d’art et de délicate transfiguration. […] Cet air de parfaite insensibilité (vous le savez mieux que moi) ne provient souvent que d’une pudeur extrême de la sensibilité la plus tendre, qui rougirait de se laisser soupçonner aux yeux du monde et des indifférents. […] Je laisse la série des aventures ; elles se multiplient surtout et se compliquent après l’arrivée à Paris.

594. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Nous avons à reprendre les dernières années de la vie de Cervantes là où nous l’avons laissée, c’est-à-dire depuis la publication de la première partie de Don Quichotte (1605). […] Lorsqu’il ne s’agit pas d’étudier pour gagner sa vie, et si l’étudiant est assez heureux pour que le Ciel lui ait donné des parents qui lui assurent du pain, je serais volontiers d’avis qu’on le laissât suivre la science pour laquelle il se sentirait le plus d’inclination ; et bien que celle de la poésie soit moins utile qu’agréable, du moins elle n’est pas de ces sciences qui déshonorent ceux qui les cultivent La poésie, seigneur hidalgo, est, à mon avis, comme une jeune fille d’un âge tendre et d’une beauté parfaite, que prennent soin de parer et d’enrichir plusieurs autres jeunes filles, qui sont toutes les autres sciences ; car elle doit se servir de toutes, et toutes doivent se rehausser par elle. […] Après tout, même dans ses malheurs et ses guignons récents, s’il se reportait en esprit à ses anciennes infortunes et à cette horrible captivité en Alger, Cervantes avait la ressource de se dire comme Ulysse : « Courage, mon cœur, tu en as vu de pires, le jour où l’infâme Cyclope te dévorait tous tes braves compagnons, et où, la prudence et l’audace aidant, tu l’échappas belle… » J’ai connu des cœurs philosophes auxquels le souvenir des maux et des périls passés ne laissait pas d’être une consolation dans les ennuis du présent. […] Prenons une comparaison bien sensible pour nous : en faisant justice des Précieuses ridicules, en faisant main basse sur leur faux jargon avec sa verve la plus vigoureuse, Molière ne laissait pas à ce qu’on appelait les bonnes précieuses la ressource de se distinguer des autres et de leur survivre. […] Un aimable écrivain qui, sans se laisser oublier ici, a su depuis quelques années se naturaliser en Espagne, M. 

595. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Quand un chameau vient à périr, comme il n’y en a pas de rechange, on laisse sa charge sur la route, avec la certitude de la retrouver intacte, fût-ce même après une année. […] Duveyrier a joui de l’hospitalité parmi ces nobles tribus de montagnards nomades, et il nous a décrit (en ce qui est de ceux du Nord) leurs mœurs, leurs usages, leur caractère et tout ce qui les concerne, de façon à laisser peu à désirer. […] Duveyrier, et qui s’est même laissé décider par lui à venir à Paris en 1862, accompagné de deux de ses disciples. […] — Nous le laverons de son bien, sans même lui laisser d’eau ; — sa gourmande de femme (celle qui devant un bon mets fait lien, lien, lien, comme le cheval auquel on apporte sa musette pleine d’orge), ne pourra plus supporter son désespoir. »    . […] Ne laissons pas aux Anglais et aux Allemands tout l’honneur de ces courageuses et savantes expéditions.

596. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Louis XV en conçoit à la rigueur l’idée et la nécessité, et il se laisse aller à le dire. […] » Avant que la critique allemande ait protesté contre de pareilles plaisanteries mises sur le compte d’un des souverains qui ont eu le plus à cœur leur métier de roi, il y avait longtemps que la critique française, dans une vue de simple bon sens, avait dit : « Nous ignorons si Frédéric était capable de se servir des moyens indiqués ici ; mais nous croyons pouvoir affirmer que, s’il avait assez d’immoralité pour employer des médecins et des serruriers politiques, il avait en même temps trop d’adresse pour l’avouer à qui que ce soit, même à son successeur75. » Il y avait peut-être à introduire Frédéric dans cette Étude où Louis XV tient le premier rôle, mais c’aurait dû être alors pour opposer les deux esprits, la mollesse et la force, l’abandon et l’infatigable vigilance, le laisser aller de tout, après quelque velléité d’action passagère, et l’héroïque et constant labeur, tant civil que guerrier, qui occupa toutes les heures d’une longue vie. […] Une disposition d’esprit, pourtant, qui règne dans ces lettres de Louis XV et qui ne laisse pas de nous blesser un peu, c’est de voir que, dans son bon sens, il soit si vite résigné au mal, à la médiocrité des hommes et des temps ; il n’a ni le feu sacré ni le diable au corps ; il est totalement dénué du démon. […] C’est le ton d’un roi qui se laisse aller. […] Camille Rousset, ne laisse pas d’être relativement honorable pour les deux correspondants ; elle l’est, après tout, pour le bon sens de Louis XV, sinon pour sa grandeur d’âme ; elle l’est davantage pour le maréchal de Noailles, et devant la postérité elle balancera, sans les couvrir entièrement, bien des mauvais propos et des médisances dont il avait été l’objet.

597. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Le besoin qu’on a en toute chose de vérifier, de remonter aux sources, d’épuiser les documents, de fixer les particularités, conduit à des résultats qui démentent le plus souvent la tradition, qui la déjouent, qui quelquefois n’en laissent rien subsister. […] Jal s’est laissé toucher. […] Fournier, qui lui-même tâche beaucoup et renchérit sur chaque détail, et qui ne laisse rien passer sans en exprimer avec effort un sens caché, je faisais cette réflexion : Des esprits élégants, sans beaucoup de précision, régnaient autrefois dans la littérature ; d’autres leur ont succédé, qui ont essayé d’atteindre à l’exactitude et à la précision, même au prix de quelque élégance ; mais les derniers venus portent ce zèle, cette démangeaison continuelle de la précision ou de ce qu’ils considèrent comme tel à un point de subtilité et de minutie qui, s’il était poussé à un degré de plus, irait jusqu’à déformer les plus beaux sujets littéraires et à n’y rien laisser subsister de naturel. […] Je laisserai le soin de les détacher une à une et de les examiner de près à l’éditeur actuel des Œuvres de La Bruyère 127, M.  […] Au reste, si je m’égare, j’égare bien peu les autres : je reste dans le temps que j’ai fort étudié ; chez l’homme même que j’ai travaillé profondément, et avec qui, par là, à force de familiarité, j’ai cru pouvoir me permettre, j’en conviens, certains abandons d’hypothèses, où malgré soi l’on se laisse entraîner par la suite des faits réagissant l’un sur l’autre, et pour ainsi dire par l’engrenage des déductions trop tendues.

598. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Élu grand maître de l’Ordre maçonnique à la mort du duc d’Antin, il y laissa introduire le désordre par son absence et sa complète incurie ; il fallut, après lui, en venir à une réforme. […] Cette citadelle prise, Rochambeau, qui, au commencement de cette campagne, était aide de camp du duc de Chartres, demanda à ce prince, au moment où il repartait pour Paris à la suite du roi, de le laisser avec son oncle le comte de Clermont, à qui le maréchal de Saxe venait de donner des troupes légères et l’avant-garde de l’armée à commander. […] L’habileté et la vivacité avec lesquelles vous conduisez, Monseigneur, cette opération intéressante, méritent les plus grands éloges et ne laissent certainement rien à désirer. » A quoi le prince répondait : « Être loué par vous, cela me donne bonne opinion de moi. » La bataille de Raucoux suivit de près la prise de Namur. […] J’entendis toute cette dispute, et le pauvre prince fut comme un écolier qui laisse toujours parler son gouverneur. » Le grief contre Lœwendal, on le sent, était qu’il n’était pas Français, et on le lui faisait à tout moment sentir. […] Il nous laisse du moins sur la bonne bouche.

599. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Et ceci ne laisse pas d’être une originalité qui aurait bien son prix, et qu’il ne faudrait pas trop mépriser, à défaut d’autres. […] Mais l’esprit, je le sais, qu’une foi absolue possède, mourrait plutôt que de s’en laisser un instant séparer. […] Malgré la difficulté d’être vraiment naïf, en sachant si bien ce qu’on veut et ce qu’on fait, il a laissé échapper sur presque toutes les pages la candeur, que sa piété n’a pas perdue, la facilité à l’enthousiasme, le bonheur d’admirer, d’adorer, la docilité, l’élancement, la simplicité de cœur, toutes ces belles qualités du disciple et du jeune homme, si rares de nos jours à rencontrer, si perverties le plus souvent et si exploitées là où elles essayent de naître. […] Je ne sais s’il est vrai qu’au sortir d’une conférence de Lacordaire M. de Montalembert se soit laissé aller à dire : « Quand on vient d’entendre de ces choses, on sent le besoin de réciter son Credo ; » mais il est bien certain qu’après avoir entendu un discours ou lu quelque écrit de M. de Montalembert, l’abbé Lacordaire disait : « Cet homme sera donc toujours le disciple de quelqu’un !  […] Je raconterai peut-être un jour cette séance qui n’a laissé de trace nulle part et qu’on chercherait vainement dans les procès-verbaux.

600. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Cette fille de l’ancien ministre M. de Montmorin, échappée pendant la Terreur au sort du reste de sa famille, et qui trouva grâce à cause de son abattement et de sa pâleur, était un de ces êtres touchants qui ne font que glisser dans la vie et qui y laissent une trace de lumière. […] Si on pouvait n’en avoir aucun besoin, je m’y résignerais facilement, et je me passerais fort bien de corps si on me laissait toute mon âme. […] Joubert, isolé, vivant avec ses livres, avec ses songes, notant ses pensées sur de petits papiers qui ne se joignaient pas, serait mort sans rien laisser d’achevé ni de durable, si l’un des alliés de la famille, M.  […] Cela est sensible dans les lettres qu’il écrit, et ne laisse pas de fatiguer à la longue. […] Naturellement, la conversation de ces hommes est encore supérieure à ce qu’ils laissent par écrit, et qui n’offre que la moindre partie d’eux-mêmes.

601. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Aucun esprit ferme, au nom de l’école de Hume et de Voltaire, au nom de celle de l’expérience et du bon sens, au nom de l’humilité humaine, n’est venu lui dérouler les objections qui n’auraient rien diminué de ses mérites vigoureux de penseur et d’ordonnateur, qui auraient laissé subsister bien des portions positives de son œuvre, mais qui auraient fait naître quelques doutes sur le fond de sa prétention exorbitante. […] Cette syllabe animée un moment, voilà l’homme ; et vous venez lui dire qu’il n’a qu’à le vouloir pour saisir l’ensemble des choses écoulées sur cette terre, dont la plupart se sont évanouies sans laisser de monuments ni de traces d’elles-mêmes, et dont les autres n’ont laissé que des monuments si incomplets et si tronqués ! […] Ils ne vivent plus, ils nous arrivent épars, morcelés ; ils se laissent régenter et discipliner à volonté, quand une main capable s’étend pour les dresser et les reconstruire. […] Une personne qui le connaissait bien disait de lui : « Ce qu’il sait de ce matin, il a l’air de le savoir de toute éternité. » En effet, l’idée, en entrant dans ce haut esprit, laisse sa fraîcheur ; elle est à l’instant fanée et devient comme ancienne. […] Vous laissez à ceux-ci les petites causes et les chétifs accidents qui décident de leur destinée.

602. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Si nous laissions encore les peuples manger des œufs, il en arriverait une espèce de prescription contre la loi, comme il est arrivé pour le lait, pour le beurre et pour le fromage… Voilà donc Fénelon évêque tout de bon et dans le plus strict détail, et y attachant de l’importance. […] Laissons la part due à tout ce que vous voudrez reconnaître de mystérieux et d’invisible dans ces opérations du dedans, même à ce qu’on appelle la grâce ; laissons sa part au vénérable duc de Beauvilliers, gouverneur excellent ; mais, entre les instruments humains, à qui donc fera-t-on plus large part qu’à Fénelon, à celui qui, de près comme de loin, ne cessa d’influer directement sur son élève, de lui inculquer, de lui insinuer cette maxime de père de la patrie, « qu’un roi est fait pour le peuple », et tout ce qui en dépend ? Nous en savons maintenant là-dessus, à certains égards, plus que n’en savait Saint-Simon : nous avons les lettres confidentielles que Fénelon adressa de tout temps au jeune prince, les mémoires qu’il rédigea pour lui, les plans de réforme, toutes pièces alors secrètes, aujourd’hui divulguées, et qui, en permettant de laisser à l’ambition humaine la place qu’il faut toujours faire aux défauts de chacun jusque dans ses vertus, montrent celles-ci du moins au premier rang, et mettent désormais dans tout son jour l’âme patriotique et généreuse de Fénelon. […] Les Entretiens que nous a transmis Ramsay, et dans lesquels Fénelon lui développa les raisons qui devraient amener victorieusement, selon lui, tout déiste à la foi catholique, sont d’une largeur, d’une beauté simple, d’une éloquence pleine et lumineuse qui ne laisse rien à désirer. […] Il répondit à La Motte par des compliments et des louanges, sans vouloir se prononcer sur le fond ; il s’en tira par un vers de Virgile, qui laisse la victoire indécise entre deux bergers : « Et vitula tu dignus, et hic… » La victoire indécise entre La Motte et Homère !

603. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Enfin, s’il est permis d’entrer dans ces particularités, qui ne laissent pas d’avoir leur importance pour le lecteur, je me plaindrai, au nom de la France, qu’il n’existe pas à Paris un seul exemplaire complet des volumes jusqu’ici publiés. […] Je laisse de côté quelques essais et quelques saillies de Frédéric très jeune et prince royal ; mais, du moment qu’il conçut son rôle de roi, je trouve tout l’homme d’accord avec lui-même, je le trouve vrai. […] La monarchie qu’il avait laissée à ses descendants était, s’il m’est permis de m’expliquer ainsi (c’est toujours Frédéric qui parle), une espèce d’hermaphrodite, qui tenait plus de l’électorat que du royaume. […] Il nous dit ces motifs, et pourquoi il prévint la maison d’Autriche au lieu de l’attendre et de se laisser frapper ou humilier. […] Il laisse aux professeurs en us

604. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Mme de Neuillant, si zélée pour son bien spirituel, mais misérablement avare, la laissait manquer de tout. […] C’est là un côté qui nous échappe aujourd’hui et que les lettres de Mme de Maintenon ne nous laissent qu’entrevoir. […] Je laisse à de plus osés de mettre la main au feu pour des questions de ce genre : il me suffit, et il doit suffire à ceux qui cherchent avant tout le caractère du personnage, que Mme de Maintenon ait eu dans l’ensemble une ligne de conduite pleine de réserve et de convenance. […] C’est ce qui fit que, cet horizon se resserrant avec les années, ce roi de bon sens fit tant de fautes que cette femme d’un sens si droit lui laissa faire et qu’elle approuvait. […] Deux côtés seulement la laissent très recommandable aux yeux de la postérité : la fondation de Saint-Cyr d’abord, et son talent d’excellent écrivain.

605. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Une femme de bien (je laisse au cardinal son langage) ne coucherait pas avec son mari, ni une coquette avec son galant, s’ils ne leur avaient parlé ce jour-là d’affaires d’État ; elles veulent tout voir, tout connaître, tout savoir, et, qui pis est, tout faire et tout brouiller. […] Ayant joué en Espagne un rôle considérable pendant treize années, interrompues à peine par une première disgrâce, puis s’étant vue brusquement précipitée et comme déracinée en un clin d’œil, sans laisser derrière elle de partisans ni de créatures, elle a excité des jugements contradictoires, et la plupart sévères. […] Il fallait donc rappeler mon ambassadeur, vous abandonner à la princesse des Ursins et la laisser seule gouverner vos royaumes, ou la rappeler elle-même. […] Elle voit les dangers à l’avance, les met à nu et les étale sans se laisser décourager. […] Mme de Maintenon, en effet, qui, avec son bon esprit, se tourmentait et se lamentait toujours, lui faisait un perpétuel éloge de cette tranquillité naturelle qu’elle enviait, de ce courage mêlé d’aimable humeur, de cette douceur et de ce beau sang qui ne laissait rien d’âpre et de chagrin en elle .

606. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Son second professeur de mathématiques, Labbey, ayant été nommé à l’École d’artillerie de Châlons, Courier l’y suivit (1791) ; mais, tout en poursuivant son dessein d’entrer dans une arme savante, il ne sacrifiait cependant point ses auteurs grecs et latins, et, à chaque moment de relâche, il leur laissait reprendre l’empire. […] Envoyé à Rome pendant l’occupation de 1799, témoin de cette émulation de rapines que le gouvernement du Directoire propageait partout dans les républiques formées à son image, il écrit à son ami Chlewaski qu’il a laissé à Toulouse : Dites à ceux qui veulent voir Rome qu’ils se hâtent, car chaque jour le fer du soldat et la serre des agents français flétrissent ses beautés naturelles et la dépouillent de sa parure… Les monuments de Rome ne sont guère mieux traités que le peuple. […] Que Courier laisse donc l’histoire à laquelle il n’a pas confiance et qui est trop vaste pour lui ; mais l’art, mais la nature, mais le beau sous la forme classique et antique, voilà à quoi il excelle. Laissez-le en jouir à souhait et sans dessein ; il nous en rendra ensuite avec pureté et lumière quelque fragment de tableau. […] Il vit dans ces beaux lieux, il s’y naturalise, il s’y oublie ; et, dès qu’il a quitté son « harnais », comme il dit, et laissé son vil métier, il retourne y vivre et y passer les dernières années de la sécurité et du loisir (1810-1812).

607. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Laissez-moi tranquille avec vos Japonais. […] Son mari laisse échapper un « hélas !  […] Il ne me laisse pas assez tranquille. […] Laissez-moi rassembler mes souvenirs. […] Jacques se laisse faire. « Hélas !

608. (1864) Études sur Shakespeare

Au moment où la vérité semble près de se laisser saisir, l’image pâlit, s’efface, son rôle est fini, elle disparaît. […] Dieu emploie la volonté humaine à accomplir des intentions que l’homme n’a point eues, et le laisse marcher librement vers un but qu’il n’a pas choisi. […] Shakespeare lui-même nous laisse peu de doute sur des torts qu’il a du moins le mérite de regretter. […] Hors du cercle magique qu’il a tracé, il ne laisse rien qui soit assez puissant pour altérer la seule unité dont il ait besoin. […] je l’ignore ; mais le terrain où peuvent s’asseoir leurs fondements se laisse déjà découvrir.

609. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

En obéissant à son goût naturel et réfléchi, M. de Latena cependant ne s’y est point laissé aller comme un simple amateur ; il n’a pas jeté au hasard et sans suite les remarques que lui suggérait l’étude de l’homme ou le spectacle de la société, et, sans enchaîner précisément toutes ses notes et ses aperçus dans une combinaison de chapitres se succédant avec méthode et transition, il a tenu à y établir un ordre général qui maintient la liaison des principales parties ; il a fait et voulu faire un ouvraget ; il a eu tout le respect du sujet qu’il traitait. […] La Bruyère et La Rochefoucauld ont eu leur métaphysique, au fond et au-dessus de leur morale ; cette métaphysique seulement, ils ne l’ont pas dite ; ils ont jugé plus prudent de la sous-entendre, ou de ne la laisser voir, comme La Bruyère, que sous un jour qui n’est peut-être pas le plus en accord avec l’ensemble de leur observation pratique. […] … Le seul livre que j’aie constamment médité est celui qui est ouvert à tous, c’est-à-dire l’homme agissant sous les influences qui le dominent sans cesse, ses intérêts et ses passions ; et si quelquefois j’ai jeté un coup d’œil rapide sur La Bruyère et sur La Rochefoucauld, je ne l’ai fait que pour être certain de ne pas laisser de simples réminiscences se glisser parmi mes propres observations. » De cette manière de composer il est résulté quelquefois, en effet, que le lecteur, familier avec les écrits soit de Sénèque, soit de La Rochefoucauld et de La Bruyère, soit de Massillon, de Montesquieu et du comte de Maistre, sent se réveiller en lui des traces de pensées connues, en lisant tel passage de M. de Latena.

610. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

Il faut les laisser aller à la pente de leur nature, les abandonner à leur instinct, à leur goût naturel. […] Laissons-les acquérir de la facilité, une certaine adresse empirique, une certaine habitude de trouver et de rendre des pensées ; n’imposons des lois à ce qu’ils font que quand ils sont en état de faire quelque chose. […] Beaucoup de jeunes gens ont trop de pente à laisser leur mémoire faire la tâche de leur intelligence, pour qu’on leur offre encore ici cette tentation.

611. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

Jeunes gens et jeunes filles ne peuvent expliquer les mots les plus usuels : la lecture d’une page de français leur laisse une vague et indécise idée dans l’esprit, et s’ils n’en gardent pas un souvenir précis, s’ils ne peuvent à l’instant même la résumer en substance, c’est moins faiblesse de réflexion, légèreté d’attention, gaucherie d’intelligence, l’ignorance du sens des mots qu’ils ont lus. […] Soit qu’on ne sache pas faire usage des mots qu’on connaît, soit qu’on n’ait pas les mots eux-mêmes à sa disposition, on se laisse aller à croire que la langue ne peut pas rendre ce qu’on ne sait pas lui faire dire, et l’on crée des tours de phrases et des termes pour le besoin de sa pensée. […] On aime aujourd’hui à défaire ses phrases, à ne plus les construire, à braver l’antique et régulière structure des propositions, à jeter les sujets sans verbes au milieu d’une mer d’épithètes et de compléments, à greffer d’étranges et singulières incidentes sur le tronc des phrases, à faire chevaucher les prépositions les unes sur les autres, à supprimer toutes les articulations des périodes, tous les mots qui liaient les termes expressifs, et les assemblaient selon les exigences de la syntaxe, pour ne laisser subsister que ces termes expressifs, dépositaires de l’impression et du sentiment, qu’on plaque les uns à côté des autres comme des couleurs sur la toile, sans rien qui les assemble ou les sépare, que les seules lois de l’accord et de l’opposition des tons.

612. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Paix aux morts, respectons leur cendre, laissons intacte leur gloire et l’image épurée que nous nous formons d’eux ! […] Ses Lettres nous révélaient en effet ou nous laissaient deviner le plus poignant et le plus singulier des drames intimes. […] Car un homme de lettres ne laisse rien perdre.

613. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Les Fedeli Nous avons dit qu’Isabelle Andreini laissait un fils né en 1579, ayant vingt-cinq ans, par conséquent, à la mort de sa mère. […]   Le directeur des Fedeli, Giovanni-Battista Andreini, fut un écrivain dramatique des plus féconds : il a laissé un grand nombre de pièces appartenant à tous les genres ; il y en a dix-huit cataloguées dans la Drammaturgia d’Allacci, et ce n’est qu’une faible partie de ses productions. […] Ce qui pourrait sembler contradictoire, c’est que les pièces de Giovanni-Battista Andreini ne laissent pas d’être aussi licencieuses que celles des Gelosi ; mais, comme dit Beltrame, c’était l’usage de l’art.

614. (1887) Discours et conférences « Discours à l’Association des étudiants »

Laissez la pensée venir à vous, avec son vêtement naturel, qui est la parole ; ne l’appelez pas, ne la pressez pas. […] Les cases du cerveau occupées par un travail laissent des vides, qui sont avantageusement remplis par un autre travail. […] De la sorte, on vous laissera bien tranquilles.

615. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

On voulut jetter du ridicule sur toutes ses beautés ; prouver qu’il n’avoit réussi dans aucun genre : Qu’il avoit manqué le pastoral dans ses bucoliques, ouvrage admirable par les graces simples & naturelles, par l’élégance & la délicatesse, par cette pureté de langage qui le caractérisent ; le didactique dans ses géorgiques, poëme le plus travaillé de tous ceux qu’il nous a laissés, & qu’on peut appeller le triomphe de la poësie Latine ; l’épique dans son énéide, chef-d’œuvre de l’esprit humain, qu’Auguste ne pouvoit se lasser de lire, & la tendre Octavie de récompenser, jusqu’à faire compter à l’auteur dix grands sesterces pour chaque vers, ce qui montoit à la somme de 325 000 livres. […] Il avoit desiré qu’on laissât son poëme tel qu’il étoit, au cas qu’on le sauvât des flammes ; & l’on eut cette attention. […] L’auteur de cet ouvrage unique mourut assez riche pour laisser des sommes considérables à Tucca, à Varius, à Mécène, à l’empereur même.

616. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Les auteurs de sa naissance, catholiques romains, le laissèrent sans fortune, la leur ayant été presque épuisée par les doubles taxes, & par les autres loix penales que le roi Guillaume imposa à ceux de cette communion. […] Laissez-moi écraser cette punaise aux aîles dorées, cet insecte né de la boue pour piquer, pour infecter. […] La relation porte que les deux malintentionnés, après avoir fouetté, jusqu’au sang, le malheureux Pope, l’avoient à peine laissé, qu’il fut apperçu dans cet état par mademoiselle Blount, personne charitable & proche voisine du poëte.

617. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Néanmoins nous avons un musicien, qui est à la fois grand artisan et homme de sentiment, lequel ne se laisse pas entraîner au torrent. […] Je pourrois alléguer en preuve, Commine et plusieurs autres écrivains, mais je me contenterai de citer un témoin sans reproche et dont la déposition est tellement circonstanciée, qu’elle ne laisse plus aucun lieu au doute. […] Enfin les sens sont si flatez par le chant des récits, par l’harmonie qui les accompagne, par les choeurs, par les symphonies et par le spectacle entier, que l’ame qui se laisse facilement séduire à leur plaisir, veut bien être enchantée par une fiction dont l’illusion est palpable, pour ainsi dire.

618. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Mais laissez-moi tranquille. […] Je crois donc que si Alceste me les offrait, je me laisserais tenter. […] Le gros du public se laissera emporter à cette allure rapide. […] de grâce, laissez, je suis fort chatouilleuse. […] qui eût laissé froid un public de théâtre.

619. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Wangel, laisse-moi, dit-elle, te parler devant lui. […] Laissez-nous donc tranquille ! […] Le vieux se laisse faire, tout en grognant. […] Vous voyez bien, Madame, qu’il faut laisser les choses comme elles sont. […] Il n’avait jamais désobéi à sa mère : il se laissa marier.

620. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

La rêverie désormais, ne se laisse plus enfermer dans un cercle tracé d’avance. […] Laissons le poète définir lui-même ce délice insaisissable. […] Elle a laissé couler quarante-trois volumes, et le flux continue. […] A laissé deux enfants. […] Malgré les quelques perles qu’il laisse apercevoir, j’ai trouvé le bâillement interminable.

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