S’il peut s’appliquer aux agents naturels qui sont pour la plupart irrésistibles, on voit combien son application aux mobiles des actions humaines est inexacte. […] Mais il y en a d’autres qui, tout en étant aussi bien que les premières des cas de causation, ne sont pas dites nécessaires, comme la mort par empoisonnement qu’un antidote ou l’emploi d’une pompe stomacale peut quelquefois prévenir. » Les actions humaines sont dans cette catégorie. […] Supposez, dit-il, deux races particulières d’êtres humains, — l’une ainsi constituée dès l’origine, que de quelque façon qu’on l’élève et la traite, elle ne pourra s’empêcher de penser et d’agir de manière à être une bénédiction pour tous ceux qui en approchent ; — l’autre d’une nature originelle si perverse, que ni éducation, ni châtiment n’ont pu lui inspirer quelque sentiment de devoir ni l’empêcher de mal faire. […] Et je soutiens qu’un être humain qui aime d’une manière désintéressée et constante ses semblables et tout ce qui tient à leur bien ; qui hait d’une haine vigoureuse ce qui tend à leur mal et agit en conséquence, est naturellement, nécessairement et raisonnablement un objet d’amour, d’admiration, de sympathie, qu’il est chéri et encouragé par le genre humain » ; que celui qui a des tendances contraires, est un objet naturel et légitime d’aversion ; et cela soit qu’ils jouissent l’un et l’autre de leur liberté ou non. […] On considère, dit-il, comme embarrassante cette question : Comment peut-on justifier le châtiment, si les actions humaines sont déterminées par des motifs ?
C’est bien possible ; mettons 1 000, et admirons la variété de l’esprit humain. […] Madeleine regarde ses cheveux, etc. » Il n’en demeure pas moins certain qu’il y a des fragments de chefs-d’œuvre dans cette œuvre inégale, et que ces fragments peuvent être compris de tous, et qu’ils sont d’une beauté que tout esprit humain peut apercevoir. […] Un fil mystérieux relie la mère patrie avec les îles et les continents de toute la terre, comme ces lignes légères, tracées sur les cartes de géographie, et qui marquent la route normale des vaisseaux, la route aussi de la pensée humaine. […] ils ont, de plus, la certitude d’être entendus lorsqu’ils élargissent l’horizon terrestre et qu’ils expriment un sentiment religieux ; entendus non pas d’une élite, mais du peuple encore pénétré de christianisme, et qui conserve, de ses origines, un idéal divin mêlé à tous les appétits humains. […] disant : « L’art est un moyen d’union parmi les hommes, … une activité qui a pour but de transmettre d’homme à homme les sentiments les plus hauts de l’âme humaine. » De tout temps, de très grands artistes ont considéré de la sorte leur mission dans le monde.
Et ainsi de suite Et, si ces diverses façons de voir et de sentir sont fort mélancoliques par elles-mêmes, l’analyse qu’on fait de chacune d’elles en redouble la tristesse en nous la montrant incurable Bref, connaître, c’est être triste, parce que toute connaissance aboutit à la constatation de l’inconnaissable et à celle de la vanité de l’être humain. […] Tout homme qui réfléchit sur la destinée humaine et la trouve inintelligible et n’a, pour se réconforter, ni la foi chrétienne ni la naïve croyance au progrès, peut être dit pessimiste. […] Cette idée lui inspire un grand trouble, d’affreux remords et enfin une immense pitié de l’universelle souffrance humaine. […] c’est le signe d’une puissance d’aimer plus religieuse, plus largement humaine peut-être que celle des grands amoureux. […] Pour ces raisons ou pour d’autres, il semble qu’un attendrissement de l’âme humaine soit en train de se produire dans cette fin de siècle et que nous devions bientôt assister, qui sait ?
La certitude et l’activité ; des croyances morales simples et fortes, héritées de l’antiquité grecque et latine, attendries par le christianisme, élargies par la Renaissance, enrichies de toute la générosité acquise par l’âme humaine à travers trente siècles ; des actes conformes à ces croyances ; des écrits conformes à ces croyances et à ces actes ; le plus ardent patriotisme et le plus humain ; les plus solides vertus privées et publiques ; une sincérité entière ; toutes communications ouvertes, si je puis dire, entre la vie publique, la vie privée et l’œuvre écrite ; des passages aisés et tranquilles de la médiocrité à la puissance, de la chaire du professeur à la tribune et au cabinet du ministre, et de là au foyer domestique et au recueillement de l’étude… bref, c’est une vie singulièrement harmonieuse que celle de M. […] Il serait guéri de la vanité, de la haine et de l’envie ; car l’intelligence totale de ce qui est en impliquerait pour lui, j’imagine, la totale acceptation ; et puis, connaissant tout, j’aime à croire que, entre autres choses, il connaîtrait avec certitude que l’intérêt de l’individu coïncide avec celui de la communauté humaine. […] D’un autre côté, une morale rationaliste, non assise sur des dogmes, non défendue par des terreurs et des espérances précises d’outre-tombe, fondée sur le sentiment de l’utilité commune, sur l’instinct social, sur l’égoïsme de l’espèce qui est altruisme chez l’individu et s’y épure et s’y élargit en charité, enfin sur ce que j’appellerai la tradition de la vertu simplement humaine à travers les âges, une telle morale ne peut que très lentement établir son règne dans les multitudes : il lui faut du temps, beaucoup de temps, pour revêtir aux yeux de tous les hommes un caractère impératif. […] Tels ces citoyens de foi opiniâtre qui après Cannes, refusèrent de désespérer de Rome (car cette vie d’un bon Français éveille aisément des souvenirs romains), ou tel Condorcet, traqué, écrivant son Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, — ainsi, une nuit du tragique hiver, dans sa casemate, Victor Duruy crayonna pour lui-même, sur un carnet, cette profession de foi, admirable en cet excès de détresse : « À cette heure funèbre, quelle est ma foi et mon espérance ? […] Le probe historien Victor Duruy fut un homme excellemment représentatif de cette tradition, qui fait tout le prix de la longue histoire humaine.
Le vice de la conception courante vient de ce qu’elle est téléologique ; on ne juge les faits que par rapport au bonheur humain ; on ne s’inquiète que de ce qui l’augmente ou tend à l’accroître. […] La forme la plus rudimentaire du langage est l’exclamation ; a-t-elle constitué seule, à l’origine, le langage humain ? […] Ainsi Platon traçait sa république idéale sur le modèle des facultés de l’âme humaine. […] Les généralisations précédentes s’appliquent non à la genèse des choses en elles-mêmes, mais à leur genèse en tant qu’elles se manifestent à l’esprit humain. […] Il apprend à la fois la grandeur et la petitesse de l’intelligence humaine, sa puissance dans le domaine de l’expérience, son impuissance quand elle le dépasse.
Pourquoi ne pas admettre que Saint-Just fut humain ce jour-là ? […] Biot, rétabli, se retrouve peu après en qualité d’élève, et des plus zélés, à l’École polytechnique, une belle fondation de la Convention délivrée, et qui, avec l’établissement de l’École normale, honore à jamais le génie de cette première époque restauratrice, où l’esprit humain revenu à peine d’une terrible oppression n’avait pourtant rien perdu encore, comme cela se vit plus tard, de sa hardiesse et de sa grandeur. […] L’intelligence humaine en possession des méthodes modernes, de ces méthodes précises et graduelles « qui lui donnent non des ailes pour l’égarer, mais des rênes qui la dirigent, » y reçoit des hommages qui ne sont, à les bien prendre, qu’un juste et fier encouragement. […] Nous, à la vive lumière de la philosophie, oublions donc aussi ces craintes chimériques du retour de l’ignorance, et marchons d’un pas ferme dans l’immense carrière désormais ouverte à l’esprit humain. » Ainsi parlait le jeune savant ; et plein d’un profond sentiment d’horreur pour le régime oppressif et ignare qu’on avait subi, pour ce retour inouï de barbarie en pleine civilisation, il montrait pourtant avec une satisfaction élevée le rôle honorable et indispensable des savants au fort de la crise et leur empressement courageux à répondre à l’appel de la patrie, tout décimés qu’ils étaient alors par l’échafaud. […] Quand un homme atteint à ces dernières limites de la vie humaine, il a traversé et enterré plus d’une époque.
Je dis à l’homme qui ne veut se plaindre que du sort, qui croit voir dans sa destinée un malheur sans exemple avant lui, et ne s’attache qu’à lutter contre les événements ; je lui dis : parcourez avec moi toutes les chances des passions humaines, voyez si ce n’est pas de leur essence même, et non d’un coup du sort inattendu que naissent vos tourments. […] Je ne sais pas une délibération plus importante que celle qui conduirait à se faire un devoir de causer une peine, ou de refuser un service en sa puissance ; il faut avoir si présent à la pensée la chaîne des idées morales, l’ensemble de la nature humaine ; il faut être si sûr de voir un bien dans un mal, un mal dans un bien. […] Malheur donc aux chefs qui, en étouffant dans leurs partisans, tout ce qui est humain, tout ce qui est remuable enfin par l’imagination, ou le sentiment, en font des assassins raisonneurs, qui marchant au crime par la métaphysique, et les immolant au premier arrangement de syllabes qui sera pour eux de la conviction. […] Cette commotion produit plus en un jour que tous les écrits et les combinaisons politiques ; l’homme lutte contre sa nature, en voulant donner à l’esprit seul la grande influence sur la destinée humaine. […] 5 J’aurais pu traiter la générosité, la pitié ; la plupart des questions agitées dans cet ouvrage, sous le simple rapport de la morale qui en fait une loi, mais je crois la vraie morale tellement d’accord avec l’intérêt général, qu’il me semble toujours que l’idée du devoir a été trouvée, pour abréger l’exposé des principes de conduite qu’on aurait pu développer à l’homme d’après ses avantages personnels ; et comme, dans les premières années de la vie, on défend ce qui fait mal, dans l’enfance de la nature humaine, on lui commande encore ce qu’il serait toujours possible de lui prouver.
Cette revue du théâtre ancien et moderne démontrera à qui voudra l’entreprendre l’universalité de cette proposition, à savoir, que tout le rire humain tient dans l’intervalle de l’angle bovaryque, dans l’écart qui se forme entre la réalité de quelque personnage et la fausse conception de lui-même à laquelle il s’attache. […] Ces ressentiments extrêmes, en raison même de leur intensité, ont été pris pour modèles en la plupart des sociétés humaines. […] Ce pouvoir montre ici ce qu’il a d’essentiellement humain par généralité et par la prépondérance avec laquelle il s’exerce. Il semble, durant cette première période de la vie humaine, que l’effort héréditaire employé tout entier à composer le squelette, les tissus et les nerfs, et, d’une façon générale, l’être physiologique, soit impuissant alors à opposer une résistance importante, en ce qui touche à la mentalité, aux images-notion suscitées par le milieu. Aussi voit-on que l’enfant témoigne d’une extraordinaire sensibilité à l’égard de toutes les impulsions venues du dehors, en même temps que d’une avidité surprenante à l’égard de toutes les connaissances acquises par le savoir humain et enfermées dans •les notions qui les rendent transmissibles.
Chapitre I : De la méthode en général15 La civilisation, comme tout ce qui est humain, a dû passer successivement par deux états différents : elle a été d’abord instinctive et spontanée, puis réfléchie et raisonnée. […] Toujours est-il que le caractère remarquable de la société contemporaine est précisément cet effort d’appliquer la science à l’amélioration de la destinée humaine. […] Dugald Stewart dans ses Éléments de la philosophie et de l’esprit humain, M. le docteur Whewell dans son Histoire des sciences inductives, M. […] N’est-ce pas d’ailleurs un vrai trait de génie de la part de celui-ci d’avoir deviné que cette méthode toute neuve et à peine éprouvée était le renouvellement de la science et de l’esprit humain ? […] Je citerai, par exemple, un excellent chapitre de Dugald Stewart dans ses Éléments de la philosophie de l’esprit humain, où se trouve rassemblé tout ce que l’on peut dire en faveur de l’hypothèse considérée comme moyen de recherches.
Il s’agit de peindre toute la vie humaine, et non plus seulement les parties défendues de la vie humaine. […] Les paysans s’y trouvent, et à côté d’eux les rois, les villageoises auprès des grandes dames, chacun dans sa condition, avec ses sentiments et son langage, sans qu’aucun des détails de la vie humaine, trivial ou sublime, en soit écarté pour réduire le récit à quelque ton uniforme ou soutenu. […] Les personnages y sont généraux ; dans les circonstances particulières et personnelles, on aperçoit les diverses conditions et les passions maîtresses de la vie humaine, le roi, le noble, le pauvre, l’ambitieux, l’amoureux, l’avare, promenés à travers les grands événements, la mort, la captivité, la ruine ; nulle part on ne tombe dans la platitude du roman réaliste et bourgeois. […] Ses plus généreuses sont d’obéir, d’accepter le mal pour soi comme pour autrui, parce qu’il est dans la condition humaine.
Mais la poésie dramatique, celle qui présente les passions du cœur humain aux prises dans les diverses variétés sociales, celle-là il la recherche et il la goûte ; il aime à en disserter, et il trouve à en dire les choses les plus ingénieuses et les moins prévues, qui n’en sont pas moins justes pour cela. […] C’est ainsi que, prenant un à un les différents sentiments, les différentes passions qui peuvent servir de ressorts au drame, il nous en fait l’histoire chez les Grecs, chez les Latins, chez les modernes, avant et après le christianisme : « Chaque sentiment, dit-il, a son histoire, et cette histoire est curieuse, parce qu’elle est, pour ainsi dire, un abrégé de l’histoire de l’humanité. » M. de Chateaubriand avait, le premier chez nous, donné l’exemple de cette forme de critique ; dans son Génie du Christianisme, qui est si loin d’être un bon ouvrage, mais qui a ouvert tant de vues, il choisit les sentiments principaux du cœur humain, les caractères de père, de mère, d’époux et d’épouse, et il en suit l’expression chez les anciens et chez les modernes, en s’attachant à démontrer la qualité morale supérieure que le christianisme y a introduite, et qui doit profiter, selon lui, à la poésie. […] Il a des commencements de chapitres, parfaits de ton, de tenue, de sévérité, d’une haute critique ; puis il descend ou plutôt il s’élance, il saute à des points de vue tout opposés. « Mais ce n’est point ma faute à moi, dira le critique ; je n’invente pas mon sujet, je suis obligé d’en descendre la pente, et de suivre les modernes dans ces recoins du cœur humain où ils se jettent, après que les sentiments simples sont épuisés. » — Pardon, répondrai-je encore ; votre ingénieuse critique, en faisant cela, n’obéit pas seulement à une nécessité, elle se livre à un goût et à un plaisir ; elle s’accommode à merveille de ces recoins qu’elle démasque, et dont elle nous fait sentir, en se jouant, le creux et le faux. […] C’est ce qui arrive de presque toutes les maladies de l’esprit humain qu’on se flatte d’avoir guéries. […] Saint-Marc Girardin, qui connaît si bien la nature humaine, le sait mieux que nous.
Il n’est pas besoin de dire que ce Français italianisé est, avant tout, un catholique, plus haut que ses deux patries, l’une de naissance et l’autre d’adoption, comme le catholicisme lui-même, qui est la patrie de toutes les patries, — la patrie supérieure du genre humain, qui peut les contenir toutes, et chacune dans son intégrité et son indépendance ! […] Il est un coup de baguette miraculeux qu’une grande situation frappe sur les hommes et qui éveille le genre de génie qu’il faut pour cette situation même, et ce coup de baguette doit être encore plus puissant sur les papes que sur les autres hommes, puisque, dans l’opinion catholique, leur situation est plus qu’humaine. […] En restant dans l’ordre purement humain de la logique, cette biographie est évidemment une promesse, et qui ne sera suivie d’aucune surprise, car, avant d’être Léon XIII, celui qui porte maintenant ce nom a, toute sa longue vie, montré l’aptitude la plus haute, la plus appliquée et la plus soutenue au gouvernement moral et politique des hommes. […] Si jamais homme a fait un éclatant contraste avec son époque, c’est incontestablement Léon XIII, et comme on ne domine les hommes qu’en faisant contraste avec eux, ce sera peut-être, si tout n’est pas perdu dans les choses humaines, la raison qui les lui fera dominer ! […] Mais leur illusion ne sera pas longue… Dans leur ardente préoccupation contre l’Église, qu’il faut, disent-ils, effacer des institutions humaines, et d’autant plus qu’elle s’est vantée d’être immortelle et qu’il est bon de lui prouver qu’elle ne l’est pas, ni les gouvernements, ni les peuples, ne voient présentement l’horrible danger qui les menace.
Elles n’adorent pas Jupiter… Elles viennent après Voltaire et le xviiie siècle, qui, plus coupables que les moines châtreurs de l’ancienne Égypte, ont opéré l’esprit humain de la faculté d’adorer n’importe qui et n’importe quoi. […] Elles ont trop d’incrédulité cultivée pour accepter une religion quelconque, mais elles ont un vieux et incorrigible goût pour le paganisme et les sociétés qu’il a produites, parce que le paganisme est la négation naturelle du principe surnaturel qui l’a vaincu dans l’Histoire et dans la conscience du genre humain. […] Qui pourra jamais croire, en effet, que le Christianisme, qui a changé le monde jusqu’à l’axe, et retourné, bout pour bout, l’âme humaine, ne soit que le prolongement normal, très simple, très prévu, très attendu, du paganisme, évoluant dans l’humanité ? […] Il vous a mené, par une multitude de routes et de sentiers, à la négation, ou, pour mieux dire, à la disparition, à l’effacement complet du principe qui fait de l’avènement du Christianisme dans le monde quelque chose de sui generis, quelque chose qui n’est plus seulement une révolution humaine sans exemple dans l’Histoire et même dans l’Histoire éclairée par la conception d’une Providence, quelque chose enfin d’une si tonitruante surnaturalité ! Le cœur de l’orgueilleux et voluptueux genre humain cloué avec amour à la croix des esclaves sur laquelle meurt un Dieu, les douze bateliers de Judée prenant la terre entière dans leur miraculeux filet, cette histoire, qui n’avait besoin que d’être racontée, depuis saint Paul jusqu’à Bossuet, pour que ceux qui n’étaient pas chrétiens le devinssent, — Credo quia absurdum et impossibile !
Il aurait pu nous donner un roman mordant et profond, qui aurait coupé non plus dans le vif, mais dans cet énervé et ce lâche de la nature humaine qui a remplacé le vif ; mais il n’a su être ni le Tacite ni le Juvénal du roman. […] ce n’est point à une telle condition qu’on peut régner sur l’imagination humaine. […] Mais il nous a trop parqués dans un monde d’aristocratie humaine créé par lui, et qui, en somme, n’est pas le monde de la réalité… « Il n’y a pas de minuit tissé d’étoiles », disait magnifiquement lord Byron. […] Tous y accomplissent merveilleusement leurs courbes humaines. […] Afin de mieux fuir cette démocratie dévorante qui s’étend sur le monde comme le cancer dont il doit mourir, on se réfugie et on se calfeutre dans l’aristocratie des exceptions humaines.
J’ai vu quelques-unes des plus brutales manifestations de la bestialité humaine. […] Mon chien a des yeux intelligents et bons, et quand d’aventure il hurle à la lune, c’est sans doute assez désagréable à entendre, mais il y a encore je ne sais quoi d’humain dans sa plainte. […] » Oui, je sais, il y a comme cela des gens qui se sont donné pour tâche d’expliquer, et, par suite, d’aimer toutes les manifestations, quelles qu’elles soient, de la vie et de l’art humain à travers les pays et les âges.
Si tel de ses jugements particuliers paraît « étroit », comme on dit, ce n’est que par une illusion ou un abus de mots : car toute une conception de l’esprit humain et de la destinée humaine tient dans l’ampleur sous-entendue de ses considérants. […] Lire un livre pour en jouir, ce n’est pas le lire pour oublier le reste, mais c’est laisser ce reste s’évoquer librement en nous, au hasard charmant de la mémoire ; ce n’est pas couper une œuvre de ses rapports avec le demeurant de la production humaine, mais c’est accueillir avec bienveillance tous ces rapports, n’en point choisir et presser un aux dépens des autres, respecter le charme propre du livre que l’on tient et lui permettre d’agir en nous… Et comme, au bout du compte, ce qui constitue ce charme, ce sont toujours des réminiscences de choses senties et que nous reconnaissons ; comme notre sensibilité est un grand mystère, que nous ne sommes sensibles que parce que nous sommes au milieu du temps et de l’espace, et que l’origine de chacune de nos impressions se perd dans l’infini des causes et dans le plus impénétrable passé, on peut dire que l’univers nous est aussi présent dans nos naïves lectures qu’il l’est au critique-juge dans ses défiantes enquêtes.
Pierre Dupont, qui le sera un jour, n’est encore que populaire… Mais il est venu à son heure ; et en rendant, je le répète, la chanson plus humaine, il a fait œuvre de génie. […] On sort de son œuvre comme d’un bain de jeunesse et de santé, plus vaillant, meilleur, presque en confiance avec cette compagne si peu sûre qui s’appelle l’humaine destinée. […] Dans ces deux infatigables compagnons de l’effort humain, il honore les créatures, élues entre toutes pour réchauffer de leur haleine la crèche où vagissait l’esprit de fraternité.
Seulement reste à savoir comment il convient de mener cette enquête, portant non seulement sur toutes les branches de la civilisation, mais sur toutes les forces qui peuvent modifier l’évolution humaine. […] Par quel prodige les mêmes hommes, comme autant de maîtres Jacques, pourraient-ils avoir non seulement d’autres dehors, mais d’autres idées, d’autres sentiments, une autre âme, en passant d’un domaine à un autre domaine de l’activité humaine ? […] Je ne nie pas, à coup sûr, que l’histoire bien faite d’une littérature ne puisse servir à tirer de l’ombre des faits sociaux de haute valeur ou encore à éclaircir certains mystères de la mentalité humaine.
Les physiologistes modernes ont montré que l’embryon humain, à travers les formes passagères de son développement, reproduit d’une manière provisoire et fugitive plusieurs formes arrêtées et permanentes dans les espèces inférieures : il traverse à la hâte, en quelque sorte, la nature animale, il la résume en une esquisse rapide, avant d’être homme. Quelque chose d’analogue se produit dans la genèse des idées : nous commençons par penser à la manière des animaux, avant de penser à la manière humaine ; nous réalisons, pour les dépasser, les diverses phases de leur évolution intellectuelle. […] Chacun de nous résume et exprime en soi les différents règnes de la nature, avant d’entrer dans le règne humain.
Préface de l’auteur La tâche la plus haute du dix-neuvième siècle a été, semble-t-il, de mettre en relief le côté social de, l’individu humain et en général de l’être animé, qui avait été trop négligé par le matérialisme à forme égoïste du siècle précédent. […] La conception de l’art, comme toutes les autres, doit faire une part de plus en plus importante à la solidarité humaine, à la communication mutuelle des consciences, à la sympathie tout ensemble physique et mentale qui fait que la vie individuelle et la vie collective tendent à se foudre. […] L’homme devient religieux, avons-nous dit, quand il super pose à la société humaine où il vit une autre société plus puissante et plus élevée, d’abord restreinte, puis de plus en plus large, — une société universelle, cosmique ou supra-cosmique, avec laquelle il est en rapport de pensées et d’actions.
De là vient que son livre n’a pas une simple valeur historique, mais humaine. […] Il a émancipé l’esprit humain et l’homme même, dans la théorie et dans la pratique. […] La pensée humaine est une et les formes artistiques ne sont que ses divers langages. […] La science de l’esprit humain, disait encore Renan, c’est l’histoire des produits de l’esprit humain. […] Et tous deux admiraient le grand œuvre rationnel du génie humain.
Mais la vraie solitude n’est point l’absence d’une société humaine. […] Il en est ainsi de presque toutes les destinées humaines. […] Mais là où Gide ne voulait écrire que le drame d’une âme humaine, M. Estaunié a voulu écrire le drame de l’âme humaine. […] Estaunié, parce que ce sont des destinées humaines et que des hommes existent.
Emile Augier, qui est plus humain et plus puissant. […] Emile Augier, les études humaines de M. […] Remarquez que je ne nie pas le génie humain. […] Il n’y a pas la une étude humaine. […] Il nous pousse à toutes les vérités humaines.
Les humanités polythéistes et mythologues, ayant, même dans l’ordre de la divinité, excellemment, éminemment le sens du parfait, du fini, de la limite, l’avaient en particulier dans l’ordre de l’humanité ; a jouter ai-je que ces humanités étaient généralement intelligentes, et qu’elles ne vivaient point sur des contrariétés intérieures sans les avoir enregistrées ; dans ces humanités l’homme était reconnu limité aux limites humaines ; et l’historien demeurait un homme. […] Les titres de chaque famille humaine à des mentions plus ou moins honorables dans l’histoire du progrès sont à peu près déterminés. » Je copie cette citation, pour ne pas découper mon exemplaire ; nous sommes épouvantés, aujourd’hui, de cette assurance, et de cette limitation ; quelles expressions d’audace et de limitation théocratique : on voit le bout des sciences historiques : dans un siècle, l’humanité saura à peu près ce qu’elle peut savoir sur son passé ; et alors il sera temps de s’arrêter ; … l’histoire des religions est éclaircie dans ses branches les plus importantes ; … le processus de la civilisation est reconnu dans ses lois générales ; l’inégalité des races est constatée ; les titres de chaque famille humaine à des mentions plus ou moins honorables dans l’histoire du progrès sont à peu près déterminés. […] Le monde n’est qu’une série de sacrifices humains ; on les adoucirait par la joie et la résignation. […] La vie humaine, par son revers moral, écrit un petit sillon, connue la pointe d’un compas, au sein de l’infini. […] « Nous touchons ici aux antinomies de Kant, à ces gouffres de l’esprit humain, où l’on est ballotté d’une contradiction à une autre.
La plus âpre et la plus pratique de toutes, celle des puritains, qui, négligeant la spéculation, se rabat sur l’action, enferme la vie humaine dans une discipline rigide, impose à l’âme humaine l’effort continu, prescrit à la société humaine l’austérité monacale, interdit le plaisir, commande l’action, exige le sacrifice, et forme le moraliste, le travailleur et le citoyen. […] Elle aura beau se discréditer d’abord par ses emportements et sa tyrannie ; atténuée par l’épreuve, elle s’accommodera par degrés à la nature humaine, et, transportée du fanatisme puritain dans la morale laïque, elle gagnera toutes les sympathies publiques parce qu’elle correspond à tous les instincts nationaux. […] Il gronde et beugle éternellement, le vieux monstre rauque, et le train aboyant de ses vagues avance comme une armée infinie devant laquelle toute force humaine doit plier. […] Partout il y a des inférieurs et des supérieurs qui se sentent tels ; le mécanisme du pouvoir établi se dérangerait, qu’on le verrait bientôt se reformer de lui-même ; par-dessous la constitution légale s’étend la constitution sociale, et l’action humaine entre forcément dans un moule solide qui est tout prêt. […] Une vaste révolution se fait depuis trois siècles dans l’intelligence humaine, semblable à ces soulèvements réguliers et énormes qui, déplaçant un continent, déplacent tous les points de vue.
Hugo en fait plus qu’un homme, une date du genre humain. […] Quant au réel, nous y insistons, Shakespeare en déborde ; partout la chair vive ; Shakespeare a l’émotion, l’instinct, le cri vrai, l’accent juste, toute la multitude humaine avec sa rumeur. […] « Les sorcières sont venues à moi au jour du succès, et j’ai appris par le plus incontestable témoignage qu’en elles résidait une intelligence plus qu’humaine. […] C’est la plus magnifique analyse de l’ambition qui ait jamais été tracée par un génie humain. […] Molière, qui ne ressemble à rien dans l’antiquité comique, rend en vers plaisants et merveilleux les plus facétieux détails des caractères humains ; il n’a point d’égal, comme il n’eut point de modèle.
. — Comment il combat l’hypocrisie humaine. — Idée de l’homme. — Idée de la femme. — Dona Julia. […] Prenez-vous-en à la nature humaine, mes chers moralistes ; ce n’est pas moi qui l’ai faite ainsi ; si vous voulez gronder, adressez-vous plus haut ; nous sommes ici peintres, et non pas fabricants de marionnettes humaines, et nous ne répondons pas de la structure de nos pantins. […] Qui est-ce qui donne un prix à la vie humaine et une noblesse à la nature humaine, sinon le pouvoir d’atteindre aux émotions délicieuses et sublimes ? […] Vous vous croyez raisonnable, humain, j’y consens pour aujourd’hui ; vous avez dîné, et vous êtes à votre aise dans une bonne chambre. […] Dans cet impitoyable et universel écrasement de toutes les vanités humaines, qui est-ce qui subsiste ?
Section 4, du pouvoir que les imitations ont sur nous, et de la facilité avec laquelle le coeur humain est ému Personne ne doute que les poëmes ne puissent exciter en nous des passions artificielles, mais il paroîtra peut-être extraordinaire à bien du monde et même à des peintres de profession, d’entendre dire que des tableaux, que des couleurs appliquées sur une toile puissent exciter en nous des passions : cependant cette verité ne peut surprendre que ceux qui ne font pas d’attention à ce qui se passe dans eux-mêmes. […] Qu’on se souvienne de la défense que les tables de la loi font aux juifs de peindre et de tailler des figures humaines : elles faisoient trop d’impression sur un peuple enclin par son caractere à se passionner pour tous les objets capables de l’émouvoir. […] Quand on fait attention à la sensibilité naturelle du coeur humain, à sa disposition pour être ému facilement par tous les objets dont les peintres et les poëtes font des imitations ; on n’est pas surpris que les vers et les tableaux mêmes puissent l’agiter.
Salive humaine bientôt séchée ! […] Le livre des Œuvres et des Hommes, sera en effet, distribué en autant de catégories, qu’il y a de fonctions spéciales et de vocations dans l’esprit humain, et chaque série de fonctions aura autant de volumes que le nécessiteront le nombre des écrivains et la valeur de leurs travaux. […] Après les Philosophes, viendront les Historiens ; après les Historiens, les Poètes ; après les Poètes, les Romanciers ; après les Romanciers, les Femmes (les Bas-Bleus du xixe siècle) ; après les Femmes, les Voyageurs ; après les Voyageurs, les Critiques, et ainsi de suite, de série en série, jusqu’à ce que le zodiaque de l’esprit humain ait été entièrement parcouru !
Vous n’avez pas assez d’humain en vous pour la foule, vous serez mieux compris des anges que des hommes, vous sacrifierez sur les hauts lieux. […] Ces amours moins vagues et moins éthérés, quoique aussi purs, vous feront découvrir dans votre cœur des fibres plus émues et plus consonantes au cœur humain ; vous descendrez des généralités idéales aux personnalités passionnées de la vie humaine, et, après avoir été un poète d’autel, vous deviendrez un poète de foyer. […] Si Psyché eût été de chair au lieu d’être de marbre, elle aurait fait palpiter le cœur humain ; elle ne fait qu’illustrer le génie du poète. […] Veut-on les lire dans leur morale, on les lira dans l’Imitation de Jésus-Christ, par Gerson ; l’Imitation, le plus sublime commentaire qui ait jamais été écrit sur un texte humain ou sur un texte divin depuis que le monde est monde. […] et par le droit chemin, À mon chaste foyer j’apprends le cœur humain ; Et je lis mieux que vous dans ses pages suprêmes.