Valens voulut presque toujours l’avoir à sa cour, et se fit même accompagner par lui dans ses guerres contre les barbares. […] « Celui, dit-il à Valens, qui dans la guerre poursuit avec acharnement, et veut détruire, ne se montre que le roi d’une nation ; celui qui, après avoir vaincu, pardonne, se montre le père et le souverain de tous les hommes. […] Les malheurs des guerres, les grandes révolutions peuvent retarder les progrès des lettres, sans les anéantir ; ce ne sont que des secousses qui les transportent ailleurs, comme ces germes de plantes que les orages enlèvent, et qu’ils vont disperser sur les champs éloignés où elles se reproduisent.
La guerre vient de finir, le territoire est encore envahi. […] — Quelle guerre ! […] La Guerre future. — 1891. […] Selon lui, il faut être prêt, archi-prêts à entrer en guerre et prendre l’offensive dès qu’on le pourra. […] Lockroy entre dans les détails des manœuvres de la dernière guerre, expliquant les fautes pour qu’elles soient évitées dans un avenir de luttes qu’il croit prochaines.
Il fit même d’abord la guerre avec avantage. […] Elle fut le signal d’une guerre générale dans le monde littéraire. […] C’est une satisfaction qu’il voulut donner à l’université, depuis si long-temps en guerre avec eux. […] « Si on ne le peut déposer sans guerre, qu’on lui fasse guerre. […] Aux combats à force ouverte, on joignoit les ruses de guerre.
Ses séances, courtes et silencieuses, sont pleines de résultats et tout entières en action ; elle n’est plus qu’un Conseil d’État, ou plutôt un grand Conseil de guerre, qui ne voit dans la France qu’un camp où la Révolution est assiégée. […] « Il fallait à la fois, dit l’historien, mettre la population debout, la pourvoir d’armes, et fournir, par une nouvelle mesure financière, à la dépense de ce grand déplacement ; il fallait mettre en rapport le papier-monnaie avec le prix des subsistances et des denrées ; il fallait disposer les armées, les généraux, convenablement à chaque théâtre de la guerre, et enfin satisfaire la colère révolutionnaire par de grandes et terribles exécutions. » De là, d’abord, la levée en masse, la mise en disponibilité de la population entière, et cet inépuisable fond d’armée nationale, dans laquelle se recrutaient les autres ; armée majestueuse, solennelle, échelonnée par rang d’âge et mise en ordre de bataille par générations.
. — Impressions de la guerre, les Destins, la Révolte des fleurs (1873). — La France (1874). — Les Vaines Tendresses (1875). — La Justice (1878) […] Après la guerre, il put s’écrier : Ô peuple futur, qui tressailles Aux flancs des femmes d’aujourd’hui, Ton printemps sort des funérailles, Souviens-toi que tu sors de lui.
Sa Pharsale, ou la guerre de César & de Pompée, l’a immortalisé. […] Il sembloit qu’on dût y voir renouveller les prescriptions sanglantes des guerres civiles de Rome.
Le génie de Ronsard se tourna d’abord du côté de la guerre & des négociations. […] Mais les partisans de Saint-Gelais & de Ronsard continuèrent la guerre.
Voilà pourquoi l’on habille aujourd’hui communément ces personnages de vêtemens imaginez à plaisir, et dont la premiere idée est prise d’après l’habit de guerre des anciens romains, habit noble par lui-même, et qui semble avoir quelque part à la gloire du peuple qui le portoit. […] La mandragore de Machiavel, l’une des meilleures comédies qui aïent été faites depuis Terence, et qu’on ne prendroit jamais pour une production d’esprit née dans le même cerveau, où sont écloses tant de refléxions si profondes sur la guerre, sur la politique, et principalement sur les conjurations, est demeurée en Italie une piece unique en sa classe.
De même que le grand Frédéric, qui avait inventé un système de guerre et de victoire qui a été renversé par le système de guerre d’un autre inventeur, Napoléon, Balzac attend le Napoléon qui le vaincra.
Rien de plus commun que de trouver tous les mots propres à la guerre, à l’histoire et à la morale, et d’ignorer le nom d’une fleur, d’une plante potagère ou d’un ustensile domestique ; on sait le mot latin d’un bouclier, on ne sait pas le mot latin d’un éteignoir, mot qui n’exista peutêtre pas ou qui ne nous est pas parvenu, la perte des auteurs ayant consommé avec le progrès de nos connaissances l’appauvrissement des langues anciennes. […] Thucydide, historien des vingt-huit années de la Guerre de Péloponèse, est serré, avare de mots, plein de sentences, vif et subtil. […] Polybe a écrit l’Histoire romaine depuis la seconde guerre Punique jusqu’à la destruction de Corinthe. […] Il y a de Diogène de Laërce, les Vies des Philosophes ; de Polyen, les Stratagèmes de guerre ; de Pausanias, les Antiquités des villes de la Grèce ; des deux Philostrate, la Vie d’Apollonius et les Vies des Sophistes ; de Dion Cassius, l’Histoire romaine jusqu’il Alexandre, fils de Mammée ; d’Hérodien, la même Histoire depuis la mort d’Antonius jusqu’à celle de Balbin et de Maximin ; de Zozime, la même Histoire depuis Auguste jusqu’au second siège de Rome par Alaric ; de Procope, les Guerres contre les Goths, les Alains et les Vandales ; les Faits et Gestes de Justinien, par Agathias ; d’Elien, de Jules Capitolin et de Vopiscus73, les vies de quelques-uns des Césars. […] Salluste s’est occupé de la révolte de Catilina et de la guerre de Jugurtha.
En les rapprochant des événements récents (et on ne peut s’empêcher de le faire en voyant les mêmes intérêts aux mains, les mêmes guerres recrudescentes, et jusqu’aux mêmes devises sur les drapeaux), on apprend combien la vieille plaie a duré et s’est aigrie, combien, à plus de quarante ans de distance, on a peu gagné de remèdes par cette science sociale tant vantée : on rentre dans l’humilité alors, de se voir si médiocrement avancé, bien que sous l’invocation perpétuelle de ce dieu Progrès que de toutes parts on inaugure77. […] Elle écrit à Bosc : « On n’ose plus parler, dites-vous, soit ; c’est tonner qu’il faut faire. » Une lettre à Lanthenas, du 6 mars 90, commence par ce cri trois fois répété : « Guerre, guerre, guerre ! […] Ils se seraient radoucis pour le fond des principes de 89 ; leur antipathie contre les hommes de cette période aurait cessé, ou du moins l’estime aurait fait taire à jamais une guerre injurieuse.
C’est le dix-septième siècle dans une correspondance entre deux femmes d’esprit qui n’y connaissent rien de plus important que leurs propres affaires, et qui mêlent Louis XIV, Turenne, Condé, les guerres de la France et de l’Empire à des détails de ménage, à une grossesse, à un projet de mariage, au menu des dîners officiels de la gouvernante de Provence, Mme de Grignan. […] Les caractères abaissés, les influences des cabinets secrets, la servitude des courtisans, les ministres portés au conseil par leur habileté au jeu de billard, les gens de guerre qui ont peur du feu187; une vieille femme qui se rend puissante auprès du maître le plus jaloux, en affectant de ne vouloir que ce qu’il veut ; les fortunes faites par les petits moyens, depuis que les grands sont devenus suspects ; les anecdotes innombrables, depuis que les grandes actions sont devenues rares ; voilà la matière où se plaît Saint-Simon et où il excelle. […] Il a même absous l’empire, et il l’a comme légitimé par ces belles paroles du commencement des Annales : « Auguste recueillit sous le pouvoir d’un seul le monde fatigué des guerres civiles188. » On ne peut donner plus explicitement tort au passé. […] Que d’esprit, de ressources, de stratégie, dans ces guerres d’intrigue où sont jetés tous les personnages de marque ! […] Quel siècle enfin que celui qui, après avoir enfanté tant de grands hommes, et, pour toutes les fonctions de la guerre et de la paix, des hommes de génie, produisait dans sa vieillesse, et jusque dans sa décrépitude, une tête de société si forte et si capable !
Mais là où il a complètement réussi, c’est dans sa guerre à mort aux privilèges, c’est dans la conception d’une société qui en serait entièrement purgée et chez qui l’égalité civile ferait loi. […] On sait les magnifiques paroles par lesquelles Mirabeau, dans la séance de l’Assemblée constituante du 20 mai 1790, où se discutait la motion sur le droit de paix et de guerre, invoqua les lumières et l’avis d’un homme « dont je regarde, dit-il, le silence et l’inaction comme une calamité publique ». […] » Lui envoyant, en juin 1790, le discours prononcé à l’occasion du droit de paix et de guerre, et dans lequel se trouvait cette solennelle apostrophe sur la calamité de son silence ; y joignant de plus la motion qu’il venait de faire le jour même sur le deuil solennel qu’il avait fait décréter à l’Assemblée pour la mort de Franklin, il lui écrivait ce billet plein d’effusion et d’hommages : Le 11 juin 1790. — Voici, mon très cher maître, mon Droit de la guerre, qui vous sera un éternel monument (si toutefois vous ne le brûlez pas) de mes sentiments et de mes reproches. […] , demi-ivre, dissertant sur le plan de la guerre, et examinant le ministre par interrogats et censure ; Les auditeurs ne s’apercevant même pas combien cela est ridicule et à quel point de perfection l’orateur porte la bêtise ; Le malheureux ministre, échappant aux questions par une réponse de café et l’historique des campagnes ; Ce sont là les hommes chargés de conduire les affaires et de sauver la République !
Ce petit peuple, bouffi d’ineptie et de mauvaises passions, qui déblatère et se démène contre la saine politique et contre l’ordre social, ces enfants qui insultent à la majesté paternelle, sont réellement en guerre contre le Divin et non contre son apparence. […] L’analyse du cœur humain, la peinture des caractères remplacèrent sur la scène l’antique guerre des Dieux. […] Mais, dans ce deuxième cas comme dans le premier, soit que leur liberté déréglée ne s’attaque à aucune vérité de l’ordre moral, soit qu’elle ose faire la guerre aux choses divines, ils doivent, pour se montrer comiques, rire de leur propre extravagance. […] Je sais bien que la tragédie, sous sa forme romantique, a cessé d’être le contraire de la comédie, puisqu’elle a pour principe, non plus la guerre des Dieux et sa fatale issue, mais, de même que la comédie, le libre développement de la personnalité de l’homme. […] La guerre et la paix sont déterminées par des relations politiques, qui échappent à leur direction et à leur pouvoir personnel.
Granier de Cassagnac, cette plume de guerre qui sait être aussi une plume de justice, nous a donné, il y a quelques années, une Histoire des causes de la Révolution française que personne n’a oubliée, et il s’est cru obligé d’y ajouter, comme une conclusion, celle du Directoire. […] Il veut la paix ; le Directoire voulait la guerre. […] Il avait toujours été ce qu’on appelle « une plume de guerre », et une plume qui valait épée et qui se continuait très bien en épée quand il le fallait. […] … Pendant trente ans et davantage, un homme, doué du plus robuste tempérament d’écrivain, se jette dans toutes les péripéties de cette guerre furieuse — la guerre du siècle — entre l’Autorité et la Liberté, entre la Révolution et les Monarchies, qui n’est pas encore près de finir ! […] Dès ses premières polémiques sur le nouveau terrain où il s’engageait, Granier de Cassagnac apparut immédiatement le formidable et l’invulnérable polémiste qu’il n’a pas cessé d’être jusqu’à sa dernière heure, et — comme la polémique des idées ressemble à la guerre !
C’est alors que Louis XV, de guerre lasse, lui fit une pension de quinze cents livres sur sa cassette, et lui accorda un logement dans les combles des Tuileries ; Bernis avait été logé jusque-là chez le baron de Montmorency, un de ses parents. […] Pâris-Duverney, homme supérieur, d’une capacité administrative de premier ordre, et d’un talent singulier pour les choses de guerre, était déjà à demi dans la retraite ; il s’occupait presque exclusivement de réaliser sa dernière pensée patriotique, l’établissement de l’École militaire. […] Turgot, dans des vers satiriques anonymes qui coururent tout Paris, et qui étalaient au vif les désastres flétrissants dont la guerre de Sept Ans affligeait la France, s’écriait : Bernis, est-ce assez de victimes ? […] Ses vues se tournèrent toutes du côté de la paix, pour terminer, d’une part, une guerre dont il ne prévoyait que des désavantages, et d’une autre, pour tirer sa nation d’une alliance contraire et forcée dont la France portait le fardeau, et dont la maison d’Autriche devait seule retirer tout le fruit et tout l’avantage.
La noblesse, qui était et restait l’âme de la guerre, se voyait pour la première fois assujettie à des règlements stricts et à des obligations continues qui choquaient son esprit et qui aggravaient ses charges. […] Mme de Maintenon lui en faisait la guerre dans des lettres très belles et qui ne la convainquaient pas : Comment surmonterez-vous, lui écrivait-elle, les croix que Dieu vous enverra dans le cours de votre vie, si un accent normand ou picard vous arrête, ou si vous vous dégoûtez d’un homme, parce qu’il n’est pas aussi sublime que Racine ? […] Pendant les guerres, il sait qu’il a à Saint-Cyr dans ces jeunes âmes, filles de Saint-Louis et de la race des preux, « des âmes guerrières, bonnes religieuses et bonnes Françaises ». […] Louis XIV et Mme de Maintenon croyaient à l’efficacité des prières, surtout à Saint-Cyr : « Faites-vous des saintes, répétait sans cesse la fondatrice à ses filles durant les guerres calamiteuses, faites-vous des saintes pour nous obtenir la paix. » Et vers la fin, quand un rayon de victoire fut revenu, mêlant quelque enjouement dans le sérieux de son espérance : « Il serait bien honteux à notre supérieure, écrivait-elle, de ne pas faire lever le siège de Landrecies à force de prières : c’est aux grandes âmes à faire les grandes choses. » Dans les dernières années de Louis XIV, Mme de Maintenon n’était heureuse que quand elle venait à Saint-Cyr « pour se cacher et pour se consoler ».
à combattre encore, à se contredire, à se lancer ce nom à la tête comme une arme de guerre, à s’en faire un signal de ralliement ou une pierre de scandale. […] écrivait-il à Thieriot en 1739 ; j’en suis très mortifié : il est dur d’être toujours un homme public. » Ce fut toute sa vie sa prétention d’avoir l’existence d’un écrivain gentilhomme, qui vit de son bien, s’amuse, joue la tragédie en société, s’égaie avec ses amis et se moque du monde : « Je suis bien fâché, écrivait-il de Ferney à d’Argental (1764), qu’on ait imprimé Ce qui plaît aux dames et L’Éducation des filles ; c’est faner de petites fleurs qui ne sont agréables que quand on ne les vend pas au marché. » Je me suis amusé moi-même à recueillir dans la correspondance nouvellement publiée bon nombre de préceptes de vie qui se rapportent à ce régime de gaieté, auquel il dérogea souvent, mais sur lequel aussi il revient trop habituellement pour que ce ne soit pas celui qu’il préfère : Ce monde est une guerre ; celui qui rit aux dépens des autres est victorieux. […] Que la guerre continue (celle de Sept Ans), que la paix se fasse, vivamus et bibamus ! […] Se moquer est bien amusant ; mais ce n’est qu’un mince plaisir si l’on ne se moque des gens à leur nez et à leur barbe, si les sots ennemis qu’on drape n’en sont pas informés et désolés ; de là mille saillies, mille escarmouches imprudentes qui devenaient entre eux et lui des guerres à mort.
Le maire était pris d’ordinaire parmi les nobles de haute qualité, « parmi les plus vaillants et capables seigneurs du pays. » Il montait à cheval selon les occurrences, ayant une compagnie dressée pour pourvoir aux désordres en temps de paix et de guerre. […] Henri III, également satisfait de la prise du Château-Trompette, en remercia le maréchal et y ajouta l’ordre de marcher sur Agen, dont la reine Marguerite prétendait se faire une place de guerre et de sûreté. […] Ici, on va le voir, finit son beau rôle, et il est à regretter pour lui que son temps de mairie n’ait pas expiré en cet été de 1585, vers ce mois de juin : il sortait de l’exercice de sa charge avec tous les honneurs de la guerre. […] Peste, guerre et famine, Montaigne, sans les chercher, en eut sa bonne part alors, durant ces six mois de calamité.
De là la guerre à mort qui s’engagea bientôt entre lui et tous les esprits sensés qu’un intérêt étroit et direct n’aveuglait pas. […] De 1821 à 1828, chacun, tôt ou tard, arrivait à son tour à l’opposition, et y faisait la guerre à son poste, à sa manière. […] Plus tard, à Hambourg (1810), il fit jouer des proverbes écrits, par la société française qui s’y trouvait amenée à la suite des guerres de l’Empire. […] Théodore Leclercq a eu bonne part, à sa façon, dans cette guerre alerte, moqueuse, pénétrante, bien française et bien parisienne, qu’on a de tout temps déclarée chez nous aux hypocrites et aux faiseurs de grimaces, aux entrepreneurs de morale ; il a sa place à la suite dans cette liste brillante qui, depuis et avant la Satyre Ménippée, se continue jusqu’à Beaumarchais et au-delà.
On ne saurait avoir moins de dispositions que lui à être un fat : à la guerre, Gourville ne songe pas non plus à devenir un héros. […] Dans les dangers que va courir M. de Marcillac pendant la guerre de la Fronde, il fera de même, bien décidé à ne le point quitter dans les traverses, et, dans le cas où son maître aurait la tête tranchée, ne marchandant pas pour son compte à se faire pendre. […] Le jour de son arrivée, il soupe au quartier du marquis d’Humières, qu’il trouve servi en vaisselle d’argent comme à la ville ; c’était le premier qui eût donné en temps de guerre ce ruineux exemple. […] En pays étranger, il a l’œil à tout ; dans sa curiosité de s’instruire, il a remarqué à la fois la bizarrerie des mœurs, le naturel des peuples, le talent et la portée d’esprit des gouvernants, le fort et le faible de chaque branche d’administration ; et, tout en faisant rire dans ses relations pleines de vivacité et de saillies, il instruit l’homme d’État ou même l’homme de guerre qui l’interroge.
Ces passions violentes et fatales, même dans leur générosité ; ces utopies politiques et sociales, filles du xviiie siècle, et qui étaient devenues le rêve des plus chauds et des plus nobles cœurs ; ce prestige républicain, attaché à certaines maximes, à certaines formes de gouvernement ; cette éducation de collège et de livres, toute romaine : et Spartiate, sans l’intelligence de ce qui diffère dans les temps modernes ; enfin la guerre au dehors qui excitait et commandait l’énergie en toutes choses : voilà les causes réelles qui renversèrent la Constitution de 91 : et qui eussent renversé toute autre eu sa place ; voilà, en y ajoutant les faits et les mille incidents qui survinrent, ce qui amena le 10 août, la Convention » et la Montagne. Des passions semblables, quoique en sens inverse, des ressouvenus terrifiants de 93, des réactions religieuses et monarchiques, un regret superstitieux de l’ancienne forme en haine du sang qui avait souillé la nouvelle, un sublime égarement de guerre et de conquête : voilà encore ce qu’il fallut pour renverser la Constitution de l’an III, moins brillante, moins hardie que celle de 91, mais aussi sincère, aussi consciencieuse, et d’une modération profonde, d’une graduation expérimentée dans toutes ses parties.
Shakspeare fut romantique parce qu’il présenta aux Anglais de l’an 1590, d’abord les catastrophes sanglantes amenées par les guerres civiles, et, pour reposer de ces tristes spectacles, une foule de peintures fines des mouvements du cœur, et des nuances de passions les plus délicates. Cent ans de guerres civiles et de troubles presque continuels, une foule de trahisons, de supplices, de dévouements généreux, avaient préparé les sujets d’Élisabeth à ce genre de tragédie, qui ne reproduit presque rien de tout le factice de la vie des cours et de la civilisation des peuples tranquilles.
Cet écrivain, naturellement audacieux & républicain, échauffé par l’esprit du temps & la fureur des guerres civiles, composa son livre sur le Droit des rois & des magistrats. […] Il eût mieux fait de garder cette neutralité dans les guerres civiles.
Quoique bon ami, bon citoyen, il eut beaucoup d’ennemis, parce qu’il fit toute sa vie la guerre aux sots ; modéré d’ailleurs, & incapable de donner dans aucun fanatisme de religion, d’ambition & de fortune. […] Dans celui de la guerre, on a fait de nouveaux noms : dans le barreau, on a créé des charges & des dignités qui n’ont aucun rapport à celles d’autrefois.
Le premier, en France, qui ait eu le courage de faire la guerre à ce mauvais goût & de vouloir amener la réforme dans le barreau, est Gabriel Guéret. […] Tous les deux ont mis pour jamais, en France, nos avocats sur la bonne voie ; l’un par son exemple, & l’autre par la guerre qu’il fit, toute sa vie, au verbiage emphatique.
Or, la guerre et les autres professions que nous avons citées, dépendent encore moins de la fortune que le trictrac, quoique la fortune ait part dans le succès de ceux qui les exercent. […] Ainsi le public n’a point de tort de penser que le general, dont presque toutes les campagnes sont heureuses, est un grand homme de guerre, quoiqu’un general puisse avoir un évenement heureux sans mérite, comme il peut perdre une bataille ou lever un siege sans être mauvais capitaine.
il n’y va pas de main morte ; mais aussi c’est pour faire mourir… Procédé de guerre nouveau et redoutable ! […] Dessins du temps et des époques qui ont suivi, gravures noires, gravures coloriées, portraits, éclaircissements sur la géographie et le costume de la guerre en 1430, théâtre des événements, histoire littéraire où l’on passe en revue les livres et les poèmes inspirés par Jeanne d’Arc, tout est là de ce qui se rattache à sa gloire, depuis le mystère du siège d’Orléans jusqu’au drame de Jules Barbier et de Gounod.
Suivre la vie de Mme de Longueville à cette époque, dans les rivalités commençantes, dans les intrigues et bientôt les guerres de la Fronde, ce serait se condamner (chose agréable d’ailleurs) à émietter les Mémoires du temps ; ce serait surtout vouloir enregistrer tous les caprices d’une âme ambitieuse et tendre, où l’esprit et le cœur sont dupes sans cesse l’un de l’autre ; ce serait prétendre suivre pas à pas l’écume légère, la risée des flots : In vento et rapida scribere oportet aqua162. […] On la voit dans ses conseils près de M. le Prince, à Saint-Maur, tantôt vouloir l’accommodement parce que M. de La Rochefoucauld le désire, tantôt vouloir la rupture parce que la guerre l’éloigne de son mari, « qu’elle n’avoit jamais aimé, dit Retz, mais qu’elle commençoit à craindre. » Et il ajoute : « Cette constitution des esprits auxquels M. le Prince avoit affaire eût embarrassé Sertorius165. » Fâcheux et bizarre augure ! […] Étant encore à Bordeaux, et d’un couvent de bénédictines où elle s’était logée aux approches de cette paix, elle écrivait à ses chères carmélites du faubourg Saint-Jacques, avec lesquelles, dans les plus grandes dissipations, elle n’avait jamais tout à fait rompu : « Je ne désire rien avec tant d’ardeur présentement que de voir cette guerre-ci finie, pour m’aller jeter avec vous pour le reste de mes jours… Si j’ai eu des attachements au monde, de quelque nature que vous les puissiez imaginer, ils sont rompus et même brisés. […] Singlin, Mme de Longueville s’occupa avant tout d’aumônes et de restitutions dans les provinces ravagées par sa faute durant les guerres civiles. […] Mais, enfin, la circonstance de la paix est une sorte d’amertume qui me blesse jusqu’au cœur, quand je me mets à sa place ; quand je me tiens à la mienne, j’en loue Dieu, puisqu’elle conserve mon pauvre Sévigné et tous nos amis. » On découvrit bientôt (un peu complaisamment peut-être) qu’avant de partir pour la guerre, M. de Longueville s’était converti en secret, qu’il avait fait une confession générale, que messieurs de Port-Royal avaient mené cela, qu’il répandait d’immenses aumônes ; enfin que, nonobstant ses maîtresses et un fils naturel qu’il avait, il était quasi un saint.
L’Europe ne tenait pas toute, en effet, à cette heure, dans les entrechoquements de la politique, de la guerre, de la cour, des passions charnellement humaines, mais elle tenait encore plus dans les idées, qui tombaient de toutes parts, dans tous les esprits, comme la pluie de flammes de Sodome, et qui allaient mettre à feu toutes les traditions respectées, depuis des siècles, par les peuples. […] Son fils Henri, dont Forneron, souvent très artiste (voir son portrait d’Élisabeth et surtout sa mort de Marie Stuart), écrit qu’il avait le charme et la témérité de Borgia, — un Borgia blond, « plus Italien que Lorrain, malgré ses cheveux d’or, plus paladin que général, plus conspirateur qu’homme d’État, et qui mourut d’une conspiration », — eut, par un hasard inouï de guerre, le bonheur de prendre à son père, par une blessure reçue à la même place, son fier surnom de Balafré. […] Il raconte cette révolte et cette guerre des Flandres, qui remplissent ce deuxième volume presque tout entier, avec ce ferme et sobre esprit politique que rien n’entraîne et que rien n’échauffe, et qui est, à lui, son genre de supériorité. […] « L’illusion fut, pour les émigrés français, — ajoute Forneron, — de croire que les rois de l’Europe ne pensaient qu’à la France, et ils y pensaient en effet, mais pour calculer combien de temps durerait notre impuissance momentanée, et pour remanier sans nous — et nous en effaçant — la carte de l’Europe. » Encore ne fût-ce pas eux qui déclarèrent la guerre en 1792 ; ce fut la France et le ministère girondin. […] Il l’a poursuivie jusque dans les armées aux commandements contradictoires, et où un homme comme Hoche, terrorisé par la Convention, manquait à sa parole de chef de guerre et se déshonorait par le massacre de Quiberon.