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373. (1933) De mon temps…

De ce traitement, il usait pour donner cours à un certain goût qu’il avait de la plaisanterie et de la mystification. […] Il manquait de goût, et ce manque de goût avait fait de son hôtel de la rue Montchanin un logis de « souteneur caraïbe » ainsi que le qualifiait Edmond de Goncourt Maupassant n’avait rien d’un raffiné. […] Sa prose, admirable de clarté, de souplesse et de force harmonieuse, était un exemple de goût et de mesure. […] J’avoue même que je pris pour lui un certain goût. […] Son goût ;     des voyages lui faisait souvent quitter la Belgique.

374. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Autant de goûts personnels, autant d’auteurs différents. […] Le goût seul éclaire la lecture, montre les beautés et les défauts. […] « Le goût, dit J. […] L’éducation du goût existe. […] Chateaubriand avait trop de goût pour abuser des antithèses dans un sujet si fécond.

375. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 396-397

Il est malheureux pour lui & pour elle, qu’on n’ait conservé que le titre de ses Productions, qui sont la Renommée Littéraire, la Wasprie, l’Ane Littéraire, & d’autres allusions de ce goût, devenues des cris de guerre dans le plaisant Monde philosophique. […] Cette espece de Journal offre quelques Analyses faites avec beaucoup de goût & de précision : telle est celle où il rend compte de la Poétique de M.

376. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

On le voit, nous n’avons même pas le privilège d’un goût inférieur au goût général ; nous sommes au niveau de l’inintelligence universelle. […] Le goût public les encourage dans l’exercice de cette profession immorale dont le premier mérite est d’être à la portée de tous. […] Haine de la tyrannie, amour de la liberté, goût de la lutte, ambition de la victoire ou du martyre, tout s’y donne rendez-vous et s’y rencontre. […] Avec le goût honnête et louable de l’ordre dans la liberté, il n’a forcément ni colère, ni fanatisme, ni amertume profonde. […] Je n’en veux pour preuve que la sûreté de son goût critique en tout ce qui ne le concerne pas.

377. (1772) Éloge de Racine pp. -

J’en développerai les raisons et les preuves : je les trouverai dans l’amour-propre et les intérêts de la médiocrité ; dans cet esprit des sectes littéraires, qui, comme toutes les autres, ont leur politique et leur secret ; enfin dans le petit nombre des hommes doués de ce sens exquis qu’on appelle le goût. […] C’est de la nature que tu reçus cette sensibilité prompte qui réfléchit tous les objets qui l’ont frappée, ce tact délicat, ces vues justes et fines, ce discernement si sûr, ce sentiment des convenances, ce goût enfin cultivé par les leçons de port-royal, nourri par le commerce assidu des anciens, fortifié par les conseils de Boileau ; ce goût, qualité rare et précieuse, qui peut-être est au génie ce que la raison est à l’instinct, s’il est vrai que l’instinct soit le mobile de nos actions, et que la raison en soit le guide ; ce goût qui attache aux productions vraiment belles le sceau d’une admiration éclairée et durable ; qui sépare, par un intervalle immense, les Virgile, les Cicéron, les Horace, des Lucain, des Stace et des Sénèque ; qui seul enfin élève les ouvrages de l’homme à ce degré de perfection qui semblait au dessus de sa foiblesse. […] Il fut créateur à son tour, comme Corneille l’avait été ; avec cette différence, que l’édifice qu’avait élevé l’un frappait les yeux par des beautés irrégulières et une pompe informe, au lieu que l’autre attachait les regards par ces belles proportions et ces formes gracieuses que le goût fait joindre à la majesté du génie. […] Boileau, et ce petit nombre d’hommes de goût qui juge et se tait, quand la multitude crie et se trompe, aperçurent un progrès dans ce nouvel ouvrage. […] On lui a reproché cette vivacité dans la dispute qui tient à une humeur franche et à une conception prompte, et cette sévérité de jugement qui est la suite d’un goût exquis.

378. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Saint-Lambert, qui était surtout fait pour la société, avait certainement du goût pour la nature, et il l’a chantée de la manière dont il l’aima. […] Ces jugements exprimés en dix endroits, et qui ressemblent à des contrevérités sur tous les points, sont aujourd’hui un peu compromettants pour celui qui les a portés : dans la poésie élevée, ou sérieuse avec âme, Voltaire n’a pas eu le vrai style, et il est à craindre qu’il n’ait pas même toujours eu le vrai goût. Une femme, Mme Du Deffand, précisément parce qu’elle n’était pas du métier et qu’elle n’en croyait que son impression, se trompait moins lorsqu’elle écrivait à Horace Walpole (12 mars 1769) : Je ne vous enverrai point Saint-Lambert ; rien, selon mon goût, n’est plus fastidieux, excepté huit vers que voici : Malheur à qui les Dieux accordent de longs jours ! […] Un petit nombre abandonne la foule, demande les yeux levés la richesse du ciel, et gagne les seuls biens réels, vérité, sagesse, grâce, et une paix pareille à celle de là-haut… Alors il se met à examiner les différents jeux, ces cailloux de différentes couleurs que s’amusent à ramasser les hommes et qu’ils continuent souvent de rechercher jusque dans la retraite et la solitude : car la plupart ne la désirent que pour s’y plus abandonner à leurs goûts favoris, et pour mieux caresser leur passion secrète. […] Comme le chèvrefeuille enlace l’arbre qu’il peut atteindre, aune rugueux, frêne à l’écorce unie ou hêtre luisant, enroule autour du tronc ses anneaux en spirale, et suspend aux branches feuillues ses glands dorés, mais il cause un dommage là où il prête une grâce, entravant la croissance par un embrassement trop étroit ; de même l’amour, lorsqu’il s’enlace aux plus fiers esprits, empêche le déploiement de l’âme qu’il subjugue : il adoucit, il est vrai, la démarche de l’amant, le forme au goût de celle qu’il aime, enseigne à ses yeux un langage, embellit son parler, et façonne ses manières ; mais adieu toute promesse de plus heureux fruits !

379. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Étienne-Jean Delécluze, (suite et fin) »

Delécluze, qui a toujours eu le goût des procès-verbaux et des copies exactes, soit en dessin, soit en littérature, n’était pas fâché que Beyle se lançât et, selon lui, extravaguât beaucoup, afin d’avoir le plaisir d’écrire : le soir, à tête reposée, les conversations dont il nous donne les échantillons aujourd’hui dans ses Souvenirs, et qu’il nous représente comme des fantaisies folles : car sa marotte à lui, c’est la sagesse ? […] Quel qu’ait été et que soit mon goût pour Beyle, je ne puis en mon âme et conscience consentir à un tel jugement, et je ne pense pas qu’aucun de ceux qui ont connu le personnage y souscrive. […] Il poussait le goût du franc et de l’imprévu jusqu’à passer outre à cette bonne compagnie trop émoussée, trop monotone, et à préférer la mauvaise : là était l’écueil. […] Hugo et Delavigne nous conviennent mieux que les petits vers doucereux et d’excellent goût de MM.  […] Viollet-le-Duc était un homme d’esprit, exact ; délicat, peu fécond, très-occupé d’ailleurs de fonctions administratives, qui avait précédé tout le monde dès le temps de l’Empire dans le goût des vieux auteurs français antérieurs à Malherbe et de la poésie du xvi siècle : le Catalogue qu’il a dressé de sa bibliothèque, et dans lequel il donne un aperçu de chaque auteur de sa collection, est un livre qui restera.

380. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

D’Aguesseau porta dès l’abord ses scrupules de timidité dans le goût comme dans tout le reste. […] C’est dans cette retraite heureuse que, rendu à ses goûts naturels, il nous apparaît avec toutes ses qualités douces, tempérées, ingénieuses, et le plus à son avantage. […] Dans les Instructions contenant un plan général d’études à l’usage de son fils, et qui sont datées de Fresnes, mais d’une date antérieure à ses exils, on saisit d’Aguesseau au complet avec tous ses goûts, ses principes et ses jugements littéraires régulièrement exposés. […] « Évitez, mon cher fils, s’écrie d’Aguesseau, de tomber dans le même inconvénient (la négligence de l’histoire), et fuyez comme le chant des sirènes les discours séducteurs de ces philosophes abstraits, etc., etc… » On voit déjà, à ce ton, quel est le goût littéraire fleuri et cicéronien de d’Aguesseau. […] Ce goût cicéronien du magistrat à demi Romain, ce faible du chancelier de France qui se croyait à Tusculum dans ses exils de Fresnes et qui voyait partout des reflets consulaires, se retrouve, avec une naïveté revêtue d’élégance et animée d’onction, dans la belle et touchante Vie que d’Aguesseau a donnée de son père.

381. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 178-179

Ses Pieces seroient plus irréprochables, si elles n’étoient pas hérissées de pointes, reste de la barbarie de l’ancien goût. […] Evremont, vient de ce que Mairet s’étoit appliqué, dans cette Piece, à rendre les mœurs des personnages conformes à celles de son Siecle, ce qui ne pouvoit manquer de plaire aux Spectateurs : au lieu que Corneille, attaché au vrai goût de l’antiquité, n’avoit pas eu la complaisance de s’écarter de la nature, pour flatter les esprits frivoles.

382. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 517-518

Sa Bibliotheque des Auteurs séparés de la Communion Romaine, est écrite dans le même goût que la précédente. […] du Pin n’a pas eu le mérite de donner au Public des Ouvrages irréprochables du côté du goût & de la perfection, il a celui d’avoir beaucoup travaillé, & d’avoir donné plusieurs Bibliotheques utiles.

383. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 566-567

Il a cultivé les Arts, l’Erudition, les Lettres, & l’on peut ajouter que ce n’est pas sans succès : dans chacune des parties où il s’est exercé, il s’est montré plein de sagacité, de discernement, & de goût. […] Le style de celui-ci est aisé, nombreux, plein de goût, propre enfin à servir de modele ou de condamnation à certains Aristarques qui s’érigent en Censeurs des Productions d’autrui, sans s’apercevoir que rien n’est d’abord plus digne de censure que leurs propres Productions.

384. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

Mais à voir comme des gens réputés d’esprit et même de goût y sont pris, je désespère de la finesse de l’art et je rentre plus que jamais dans ma coque pour n’en plus sortir. […] Mais un bon Génie, un Amschaspand, aurait de quoi répondre : « A travers ce manque de goût et ces torrents d’invectives, il y a des restes de candeur, une sincérité incontestable bien que si muable en sa rapidité ; l’amour de l’humanité, de ce que l’auteur croit tel, y compense à ses yeux la haine pour quelques individus ; la fibre humaine vibre en certains endroits sous une touche dont très-peu sont capables. […] C'est simplement et gravement écrit, avec le goût séant à ce noble sujet ; une très-agréable lecture de quelques heures, et destinée à un légitime succès de société, en un temps où tout ce qui tient au grand siècle est si curieusement recherché.

385. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Avertissement »

Il faut les laisser aller à la pente de leur nature, les abandonner à leur instinct, à leur goût naturel. […] Ce sont leurs compositions mêmes qui les instruisent ; c’est sur les matières mêmes qu’ils auront traitées que le maître leur apprendra à féconder, à développer, à ordonner un sujet, c’est par leurs propres trouvailles de pensée et de style, bonnes ou méchantes, qu’il éclairera leur jugement et redressera leur goût. […] On forme son style en formant son goût.

386. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

La Henriade Si un plan sage, une narration vive et pressée, de beaux vers, une diction élégante, un goût pur, un style correct, sont les seules qualités nécessaires à l’Épopée, la Henriade est un poème achevé ; mais cela ne suffit pas : il faut encore une action héroïque et surnaturelle. […] Des critiques judicieux ont observé qu’il y a deux hommes dans Voltaire : l’un plein de goût, de savoir, de raison ; l’autre qui pèche par les défauts contraires à ces qualités. […] L’élégance de ses mœurs, ses belles manières, son goût pour la société, et surtout son humanité, l’auraient vraisemblablement rendu un des plus grands ennemis du régime révolutionnaire.

387. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Des gens de goût (pas beaucoup ; est-ce qu’il y en a jamais beaucoup ?) […] Il semble même (est-ce goût naturel ? […] Il est temps de chercher les goûts et les préférences de son esprit. […] C’est leur goût qu’il a pris comme unité de mesure. […] Tel est mon goût : voilà le fort dans lequel se retranche habilement M. 

388. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 60-61

Il en arrivera toujours de même à ces petits Oppresseurs du vrai mérite, & en même temps les Corrupteurs du goût de ceux qui les écoutent. […] Il est vrai qu’il ne fut point heureux dans ce genre d’escrime ; la partie étoit trop inégale : le goût & la raison assaisonnés du sel de l’Epigramme, seront toujours les fléaux du médiocre talent ; mais enfin il ne lui vint pas dans l’esprit d’employer le crédit de ses Mécenes, puissans & en grand nombre, pour opprimer ses Censeurs.

389. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 384-385

Ce défaut, assez ordinaire aux jeunes Littérateurs, prend sa source dans une imagination trop vive ; car dans quelques esprits, il faut que l’imagination décroisse, pour que le goût se fortifie ; comme il faut, à l’égard de certains tempéramens, que le corps se dégraisse, pour devenir robuste. […] Desmahis, à laquelle il nous paroît avoir encore ajouté, par l’Eloge historique qu’il a mis à la tête de la Collection des Œuvres de ce Poëte, trop tôt enlevé aux Gens de goût & de bonne Compagnie.

390. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

L’entrée à l’hôtel Rambouillet de cette femme charmante, dont l’esprit et la grâce n’ont pas vieilli depuis deux siècles, dont la vertu a été aussi souvent citée que sa grâce et son esprit, n’est pas moins un hommage à la pureté de principes et de goût de la marquise de Rambouillet, que ne l’ont été la noble sagesse et l’austère vérité de Montausier, quand il s’y est établi. […] Madame de Caylus parle aussi de l’hôtel de Richelieu : « Monsieur et madame de Richelieu avaient l’un et l’autre du goût pour les gens d’esprit. […] Du moment qu’elle fut établie, elle se plut à rassembler chez elle des hommes distingués dans les lettres, du nombre desquels était La Fontaine, que son goût portait vers toutes les femmes agréables, et qui leur savait plaire. […] Elle écrivait à madame de Guittaut, après la mort de madame de La Fayette, que leur amitié de quarante ans n’avait jamais eu le moindre nuage, que son goût pour madame de La Fayette avait toujours été vif et nouveau.

391. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Lorsque Denys d’Halicarnasse me tomba pour la première fois dans les mains, j’étais bien jeune ; j’avoue que ce grand homme, ce rhéteur d’un goût si exquis, me parut un insensé. […] Le vrai goût s’attache à un ou deux caractères et abandonne le reste à l’imagination ; les détails sont petits, ingénieux et puérils. […] Un trait seul, un grand trait, abandonnez le reste à mon imagination ; voilà le vrai goût, voilà le grand goût.

392. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Ils ont composé dans le même goût que ceux des bons auteurs de l’antiquité. […] Il y a véritablement ajoûté trois scénes à la fin du cinquiéme acte, et comme elles sont propres à faire connoître le goût de la nation de Monsieur Philips, je dirai ce qu’elles contiennent. […] On peut bien croire que Moliere qui composa ses femmes sçavantes vers mil six cens soixante et douze, et qui met si souvent dans la bouche de ses héroïnes les dogmes et le stile de la nouvelle physique, attaquoit dans sa comédie l’excès d’un goût regnant, et qu’il y joüoit un ridicule où plusieurs personnes tomboient tous les jours. […] Dans ces circonstances, Monsieur Despreaux, pour dire poetiquement que malgré le goût regnant, il s’attachoit à l’étude de la morale préferablement à celle de la physique, sentiment très-convenable à un poete satirique, écrit à son ami, qu’il abandonne aux recherches des autres plusieurs questions que cette derniere science traite.

393. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Gallien, qui fut à la fois voluptueux et brave, et qui se rendit célèbre par des victoires et des bons mots, avait le talent de bien écrire, et fit des vers pleins de volupté et de goût. […] Ce maître devient le tyran de sa pensée et le législateur de son goût ; ce maître lui dicte ses opinions, et jusqu’aux mots dont il doit se servir. […] Julien paya, comme les autres, ce tribut au goût de son siècle, et dans ce panégyrique surtout. […] Cette femme, une des plus belles de son siècle, aima les sciences, non par ostentation, mais par goût.

394. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Plusieurs questions intéressantes et sur le goût et sur la morale sociale se rattachent, d’ailleurs, de très-près aux variations de sa renommée, et peuvent relever, agrandir même un sujet qui semblerait périlleux par trop de grâce. […] Ce devait être dans le temps une maison de plaisance dans le goût français du xviiie siècle. […] A ses débuts donc, on le trouve dans toute la vivacité des goûts et des modes d’alors, très-imbu de cette fin de Louis XV et vivant comme vivaient la plupart des jeunes gentilshommes de Versailles, contemporains ou à peu près de cette première jeunesse du comte d’Artois. […] Quoique le goût et la morale ne soient pas exactement la même chose, il pouvait sembler piquant de trouver si rigoriste sur le chapitre des doctrines littéraires celui qui l’avait été si peu tout à côté. […] Parny se montrait très-opposé, et presque aussi vivement qu’aurait pu l’être un critique de profession, au goût nouveau qui tendait à s’introduire et dont les essais en vers n’avaient rien, jusque-là, il est vrai, de bien séduisant.

395. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Comme toute chose ici-bas, les œuvres d’art se plient aux caprices passagers de la mode et aux perversions momentanées du goût. […] Elle s’admire dans les œuvres qui flattent ses goûts, comme le fat devant un miroir qui reflète son air à la mode. […] Il est donc intéressant d’examiner dans quelle mesure les principes peuvent s’infléchir et s’accommoder à notre goût actuel. […] Pour les légitimer, on ne peut jamais invoquer le caprice et le goût de l’art pour l’art. […] Elle est pourtant une traduction aussi fidèle que possible, et la mise en scène en a été réglée avec un goût parfait.

396. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Léonard161 Dans mon goût bien connu pour les poëtes lointains et plus qu’à demi oubliés, pour les étoiles qui ont pâli, j’avais toujours eu l’idée de revenir en quelques pages sur un auteur aimable dont les tableaux riants ont occupé quelques matinées de notre enfance, et dont les vers faciles et sensibles se sont gravés une fois dans nos mémoires encore tendres. […] De tels contrastes flattaient les goûts du xviiie  siècle, qui était dans la meilleure condition d’ailleurs pour adorer l’idylle à laquelle ses mœurs se rapportaient si peu. […] Le pays était beau, les fonctions médiocrement assujettissantes ; il paraît les avoir remplies avec, plus de conscience et d’assiduité que de goût. […] Je reviens de mes longs voyages Chargé d’ennuis et de regrets, Fatigué de mes goûts volages, Vide des biens que j’espérais. […] Au sortir de la Révolution, un homme de goût, un poëte gracieux, M. 

397. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

Rochefort et ce que nous savons forcément de ses habitudes et de ses goûts, ce qui dans sa vie privée est au grand jour  et d’autre part ses opinions et son rôle politique : vous reconnaîtrez que, lorsque je parle d’un problème à résoudre, je ne l’invente point pas amour du mystérieux. […] Le sentiment de la nature s’est tourné en une adoration sensuelle et mystique ; le goût du pittoresque en une poursuite inquiète d’impressions ténues et insaisissables ; le goût de la réalité en une recherche morose de ce qu’elle a de brutal et de triste ; la tendresse est devenue hystérie et la mélancolie pessimisme. […] Le personnage que nous jouons, par nécessité ou par goût, ce que nous livrons de nous-mêmes au public, c’est rarement nous tout entiers, et, comme dit Balzac, « nous mourons tous inconnus. » Tel qui, dans son journal, sème l’outrage et la révolte ; tel qui, moitié par tempérament, moitié sous la pression des circonstances, a fait de la démagogie sa carrière, est l’homme le plus doux, le meilleur ami, le père de famille le plus tendre et plus dévoué. […] Il s’adresse moins aux appétits des malheureux qu’à leurs instincts de révolte, et cela par goût naturel.

398. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire Pour peu qu’on ait tracé le tableau de plusieurs époques successives d’une littérature, deux graves questions se présentent auxquelles on ne saurait se soustraire : Pourquoi le goût littéraire varie-t-il d’une époque à une autre ? […] § 1. — Il ne servirait à rien de dire que, si le goût littéraire varie, c’est que l’état social en se modifiant modifie l’état mental. […] Comment le goût littéraire pourrait-il rester immobile dans cette mobilité ambiante ? […] C’est à ce besoin de changement que répondent mille choses dans la vie de tous les jours : l’institution des récréations et des vacances dans les écoles ; l’habitude d’entremêler dans l’enseignement divers sujets d’études, histoire, langues, mathématiques ; les brusques volte-face de la mode ; le goût des voyages et des jeux ; les règles de rhétorique qui recommandent à l’écrivain de réveiller l’attention par la diversité des tournures, etc. […] Et la Vie, inséparable de la Mort, nous apparaît de la sorte comme un mouvement sans fin, comme une circulation perpétuelle ; la Vie elle-même est dès lors la grande force motrice qui fait varier les choses, les individus, les sociétés et avec elles le goût littéraire.

399. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 120-121

Son Traité des Etudes, plein de réflexions justes, délicates & solides, est le Livre le plus propre que nous connoissions à inspirer l'amour de la vertu & le goût des Lettres. […] C'est ainsi qu'il est permis aux Modernes de s'enrichir des dépouilles des Anciens ; ce sont des richesses étrangeres qu'ils transplantent pour l'utilité publique ; & l'on a droit de devenir Législateur, quand on a pour garans les Oracles du vrai goût & de la saine raison.

400. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Avec des goûts littéraires aussi casaniers, j’ignore comment M.  […] Par goût réfléchi de la règle, ils s’imposaient cette discipline. […] Si le goût existe pour lui, c’est un instrument sans usage. […] Il n’a pour eux qu’un goût d’estime, tempéré par des considérations prudentes. […] Il s’y rattacha constamment par l’heureuse délicatesse de son goût.

401. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Toujours Mathieu Marais maintiendra la mémoire de Despréaux et s’y montrera fidèle, même alors que le goût public aura le plus changé et que l’esprit des Fontenelle et des La Motte prévaudra. […] Il est tel homme de lettres des plus célèbres en ce temps-ci, tel éloquent écrivain et historien qui bien souvent pourtant a heurté mon goût, froissé mes habitudes, et que j’ai été tenté mainte fois de reprendre assez vivement. […] Dieu envoie son Fils pour ramener la vérité dans le monde ; ses apôtres la prêchent ; mais elle est bientôt altérée par les équivoques d’un mot, d’une syllabe, d’une lettre : de là l’Arianisme et tant d’autres hérésies… » Marais était un homme de sens et, qui plus est, de goût. […] Le champ visuel du goût, si j’ose ainsi parler, s’est agrandi. […] Versatilité des goûts !

402. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

La perte de sa chaire, en 1693, lui fut moins fâcheuse à supporter qu’il n’aurait semblé, et, dans la modération de ses goûts, il y vit surtout l’occasion de loisir et d’étude libre qui lui en revenait ; il se félicite presque d’échapper aux conflits, cabales et entremangeries professorales qui règnent dans toutes les académies. […] Si Bayle l’avait eue, il aurait fait durant toute sa vie un ou deux ouvrages dans le goût des Essais, et n’eût pas écrit ses Nouvelles de la République des Lettres, et toute sa critique usuelle, pratique, incessante. De plus, quand on a un art à soi, une poésie, comme Voltaire, par exemple, qui certes est aussi un grand esprit critique, le plus grand, à coup sûr, depuis Bayle, on a un goût décidé, qui, quelque souple qu’il soit, atteint vite ses restrictions. […] La dialectique, qu’il pratiqua d’abord à demi par goût et à demi par métier (étant professeur de philosophie), finit par le passionner et par empiéter un peu sur sa faculté littéraire. […] Un des écueils de ce goût si vif pour les livres eût été l’engouement et une certaine idée exagérée de la supériorité des auteurs, quelque chose de ce que n’évitent pas les subalternes et caudataires en ce genre, comme Brossette.

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