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619. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud lui refuse la gloire ; il nie l’enthousiasme militaire de la jeunesse française, et montre le consul menacé par ses compagnons d’armes et, peu s’en faut, par son armée. […] Il lui conseille d’être au plus tôt un Monk, c’est-à-dire un restaurateur des rois légitimes : « Hâte-toi, s’écriait-il dans une apostrophe finale, de dissiper nos craintes et les tiennes ; hâte-toi de remplir nos vœux et d’achever ta gloire. […] « Ce n’est point, disait-il, que je recherche la vaine gloire d’avoir été prophète. » Il se flattait pourtant d’avoir prédit juste, à quelques années près. […] Quatorze années de gloire, de grandeur et de reconstruction sociale, avec même tous les désastres de la fin, ne se suppriment pas dans la mémoire et dans la vie d’une nation, comme une parenthèse dans une phrase trop longue.

620. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Courez-vous après les honneurs, après la gloire, après la reconnaissance, partout il y a des erreurs, partout il y a des mécomptes… Si vous laissez votre vaisseau dans le port, les succès des autres vous éblouissent ; si vous le mettez en pleine mer, il est battu par les vents et par la tempête : l’activité, l’inaction, l’ardeur et l’indifférence, tout a ses peines ou ses déplaisirs… Rien n’est parfait que pour un moment… Tout ce motif est développé avec bonheur, et vraiment comme l’eût fait un Bourdaloue. […] disait-il, tous les hommes sans doute sont égaux devant vous, lorsqu’ils communiquent avec votre bonté, lorsqu’ils vous adressent leurs plaintes, et lorsque leur bonheur occupe votre pensée ; mais, si vous avez permis qu’il y eût une image de vous sur la terre, si vous avez permis du moins à des êtres finis de s’élever jusqu’à la conception de votre existence éternelle, c’est à l’homme dans sa perfection que vous avez accordé cette précieuse prérogative ; c’est à l’homme parvenu par degrés à développer le beau système de ses facultés morales ; c’est à l’homme enfin, lorsqu’il se montre dans toute la gloire de son esprit. La gloire de l’esprit ! il me semble que ce n’est pas là tout à fait la doctrine de l’Évangile ; il me semble que l’apôtre et, depuis lui, saint Augustin, Bossuet et tous les grands chrétiens, ont noté précisément cette gloire et cette superbe de l’esprit comme un des périls les plus raffinés et les plus à craindre pour les hautes âmes.

621. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Pour moi, je l’en loue de tout mon cœur, car vraiment n’était-ce pas une chose triste de voir, comme on l’a vu il y a trente ans, un grand pays se dépouiller de gaieté de cœur de toutes ses admirations et de toutes ses gloires, et les sacrifier à des dieux étrangers ? […] Tel fut cependant le spectacle que donna la France il y a une trentaine d’années : elle jouait, sur des promesses incertaines et sur l’espérance de chefs-d’œuvre futurs non encore éclos, tout son passé littéraire et cette gloire même que l’Europe entière avait consacrée. […] Il a défendu Molière contre les courtisans : c’est là littérairement son plus beau titre de gloire ; mais a-t-il eu la moindre influence sur ce génie populaire et hardi, si grand et si simple, si profond et si familier, si français et si humain ? […] Par sa passion du vrai, par son horreur du faux, Boileau a instruit le goût public, et, s’il n’a pas formé les grands poètes de son temps, qui auraient pu se passer de lui, il a rendu le public attentif et sensible aux beautés de leurs chefs-d’œuvre ; par là, il s’est associé à leur gloire, et avec justice.

622. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Il sait que, si rien n’égale la joie de monter publiquement sur les planches et d’être de ceux que nomme la foule, c’est encore une volupté très appréciable que de contempler les traits de ces privilégiés, de participer à leur gloire par sympathie. […] Puisque leur gloire est la plus purement viagère de toutes ; puisqu’au surplus elle n’est jamais bien nette ni libre de redevances, et qu’il leur faut toujours la partager avec ceux dont ils incarnent la pensée (comment doit se faire ce partage ?

623. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

Un magasin d’articles de toilette s’est ouvert à leur intention, galerie d’Orléans, au Palais-Royal, et des artistes peintres se font inscrire, sollicitant la gloire unique de les portraiturer. […] Les grandes dames se faisaient gloire de tenir à leur adresse, table d’hôte et y conviaient jusqu’à la bohème des lettres, sans trembler pour leur argenterie.

624. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Que la gloire des Corneille, des Despréaux, des Rousseau, des Montesquieu, soit la premiere victime de son goût offensé ; qu’il y répete que le premier n’a fait que des Scenes & pas une bonne Piece ; que l’Oracle de notre Parnasse n’est qu’un Versificateur ; que le Pindare François ne savoit pas sa Langue, & ne mérite point le surnom de Grand ; que le Temple de Gnide n’est qu’un lieu commun. […] tant de gloire entraîne de grands soins !

625. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

En effet, tout homme qui écrit un livre est mû par trois raisons : premièrement, l’amour-propre, autrement dit, le désir de la gloire ; secondement, le besoin de s’occuper, et, en troisième lieu, l’intérêt pécuniaire. […] « Si le désir de la gloire est le premier mobile d’un artiste, c’est un noble désir, qui ne trouve place que dans une noble organisation.

626. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Je l’entends, il vous dit : ; « Celui qui renferme dans une urne la cendre négligée d’un inconnu, fait un acte pieux ; celui qui élève un monument à son ami, donne de l’éclat à sa piété : que ne vous dois-je pas, à vous qui vous occupez de ma gloire !  […] Mais, au défaut du succès, on ne nous ravira point à vous, à moi, et à quelques autres écrivains qui m’ont précédé dans la même carrière, et dont le travail ne m’a pas été inutile, la gloire de la tentative.

627. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Cette gloire est bien lumineuse. […] La gloire m’a paru belle, la lumière forte et vraie ; le cheval assez beau, mais faible de touche et sans humeur.

628. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Les peuples qui brûlèrent Rome avaient des prétentions à la gloire ; chez eux les scaldes chantaient les héros ; souvent même ils gravaient ces chants et ces éloges, ou dans les forêts, ou en pleine campagne, et l’on en trouve encore aujourd’hui sur les rochers du nord. […] J’honore l’homme qui ne recule pas devant un homme ; c’est la gloire de celui qui a du courage ; et qui veut inspirer de l’amour à une femme, doit être prompt et hardi dans les batailles… Non, dans le palais du puissant Odin, l’homme brave ne gémit point sur sa mort.

629. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Qu’ai-je à faire d’une gloire importune ? […] Mais, seigneur, notre gloire est dans nos propres mains. Pas toujours : souvent les occasions d’acquérir la gloire militaire ne se présentent pas ; il n’y a que la gloire de la vertu morale qui soit toujours entre les mains de l’homme, mais ce n’est pas de celle-là que parle Achille. […] Il n’y a point d’exemple d’une plus grande gloire pour un poète. […] C’est de cette époque que date la gloire d’Athalie, qui depuis n’a pas souffert la moindre éclipse.

630. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Le respect humain la rendit en apparence fidèle au culte de la gloire de ce grand homme convenu, qu’elle avait aimé jeune sous le nom d’Alfieri. […] Il est heureux, il a fini de voir tant de malheurs ; sa gloire va augmenter : moi seule, je l’ai perdu, il faisait le bonheur de ma vie. […] Son âme généreuse et fière appartenait à ces siècles de grandeur et de gloire que j’ai cherché à faire connaître. […] M. de Reumont me cite dans la liste de ces adorateurs du génie, de la gloire, de la renommée. […] Rien n’empêche aujourd’hui l’Italie, qui a Dante, Arioste, le Tasse et Pétrarque pour ses poètes immortels, d’élever à sa gloire nationale un théâtre qu’elle n’a jamais eu !

631. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

La pusillanimité, qui par amour du repos redoute également la gloire & les critiques, n'est pas faite pour entrer dans un caractere comme le vôtre : Elle est à la fois le poison des talens & celui de la société. […] La gloire de Marie-Thérese & celle d’Emmanuel III, ont droit de vous intéresser autant par les liaisons du sang, que par la conformité de vos vertus avec celles qui les distinguent. […] Il n'a pas tenu au zele charitable de quelques Personnes, non Philosophes, mais pires, de persuader à l'Aristide du Clergé de France, à un Prélat qui m'honore d'une bienveillance particuliere dont je fais ma gloire, que j'étois l'Auteur d'une nouvelle Traduction, en dix volumes, des Contes de Jean Bocace. […] Leurs Dévots les plus zélés ont été les seuls confidens du sublime dépit qui les animoit, & c’est à de simples mortels qu’elles ont confié le soin de venger leur gloire outragée. […] Son but étoit de la porter à solliciter des ordres contre ma liberté, sous prétexte que les hommes que je décriois étoient des hommes de génie & la gloire du Génie François.

632. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Cependant on ne peut refuser à la Chaussée la gloire d’avoir introduit, sur notre théâtre, ce genre de comédie, de l’avoir développé, & perfectionné. […] Il se représenta la parodie sous un autre aspect, & la décida directement opposée aux bonnes mœurs, au bon goût, au progrès de l’esprit humain, à la gloire des gens de lettres. […] Dans la clôture de leur théâtre, en 1735, un d’eux prononça ces vers : Les grands succès enflent de trop de gloire. […] On sçait encore combien Quinault se repentit de n’avoir pas fait des siens un autre emploi que celui auquel il doit toute sa gloire. […] Notre premier acteur eut la gloire d’en faire pleurer quelques-uns à Zaïre, à Brutus, dans un voyage qu’il fit à Genève.

633. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

On est libéral avec les riches : « La nouvelle comtesse de Mailly, disent-ils, avait apporté tout le gauche de sa province, et entra dessus toute la gloire de la toute-puissante faveur de madame de Maintenon. » Cette métaphore inintelligible vous effarouche ; ne vous effarouchez pas. […] Avec cela beaucoup d’esprit, de sens, de conduite, de hauteur et de sentiment, sans gloire et sans arrogance, de la politesse, mais avec beaucoup de dignité ; et par mérite et sans usurpation, le dictateur perpétuel de ses amis, de sa famille, de sa parenté, de ses alliances, qui tous et toutes se ralliaient à lui. […] C’est peu d’obtenir des distinctions de gloire, il faut obtenir des distinctions de honte : les bâtards simples du roi ont la joie de draper à la mort de leur mère, au désespoir des bâtards doubles qui ne le peuvent pas. […] C’était au siège de Namur, en 1692 : quarante ans de gloire, point de revers encore ; les plus grands réduits, les trois Ordres empressés sous le despotisme. […] Il écrivait seul, en secret, avec la ferme résolution de n’être point lu tant qu’il vivrait, n’étant guidé ni par le respect de l’opinion, ni par le désir de la gloire viagère.

634. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

d’Alméras dans son livre : Avant la gloire (I., p. 60).‌ […] Quelques-uns peuvent passer pour les premiers modèles des grands sonnets retentissants qui font la gloire des Trophées.‌ […] » Il n’admettait l’éloge des autres qu’avec des réserves rassurantes pour sa propre gloire. […] Je suis de ceux que la gloire n’excite pas. […] Ce sont les dieux qui ont consacré la gloire de Mistral, en l’empêchant de quitter son village pour aller vivre à Paris.

635. (1925) Comment on devient écrivain

Dans les milieux simples, la gloire apparaît comme une balançoire. […] La gloire des écrivains et des artistes va au petit bonheur.‌ […] Caro, ignorera toujours la gloire que peut donner un public féminin. […] La gloire de Racine ne fut pas du tout ce qu’on croit. […] Il a manqué à beaucoup d’écrivains un gardien vigilant de leur production et de leur gloire.‌

636. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Dans toutes ces portions de son ouvrage, Le Dieu justifie bien les expressions par lesquelles il se définit lui-même à côté de Bossuet « un homme tout à lui, passionné pour sa gloire, et très curieux de recueillir les moindres circonstances qui peuvent orner une si belle vie ». […] Bossuet aimait mieux prêcher la parole de Dieu toute simple et toute nue que de prononcer des oraisons funèbres : « Il n’aimait pas naturellement, a dit Le Dieu, ce dernier travail qui est peu utile, quoiqu’il y répandît beaucoup d’édification. » Sentant donc que ce déploiement et cet appareil d’éloquence solennelle le fatiguait en pure perte et ne tournait guère qu’en réputation et en gloire, il aurait cru faire tort à son troupeau que de s’y prêter plus longtemps, et, après ce dernier devoir de reconnaissance payé à la mémoire d’un prince dont l’amitié l’y obligeait, il déclara publiquement de ce côté sa carrière close, réservant désormais toute sa source vive pour des usages comme domestiques et familiers. […] — Puis quand il avait fini, et comme pour se mettre à l’abri de l’applaudissement, il rentrait aussitôt chez lui et s’y tenait caché, « rendant gloire à Dieu lui-même de ses dons et de ses miséricordes, sans dire seulement le moindre mot, ni de son action ni du succès quelle avait eu ; et la remarque qu’on fait à ce propos, ajoute Le Dieu, est un caractère vrai et certain, car il en usait de même dans toutes les autres occasions. » Il ne se considérait que comme un organe et un canal de la parole, heureux s’il en profitait tout le premier et aussi bien que les autres, mais ne devant surtout point s’en enorgueillir !

637. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Bossuet, grand théologien, grand orateur funèbre, meurt aux premières années du xviiie  siècle (12 avril 1704) : sa mémoire recueille aussitôt la gloire qui lui est due et qui, depuis longtemps, le couronnait ; mais l’admiration, sur son compte, s’attache littérairement aux endroits célèbres, aux chefs-d’œuvre en lumière. […] Les thèses qu’il soutint à la fin de sa première année de philosophie et qu’il dédia à l’évêque de Lisieux, Cospéan, furent célèbres ; il était cité comme l’une des merveilles de l’Université, une des gloires de Navarre. […] Un jour, à l’une de ces thèses dite la tentative, le prince de Condé, ami et protecteur de sa famille, à qui il l’avait dédiée et qui y assistait, voyant le répondant assailli de toutes parts et faisant face à tous, eut la tentation lui-même de faire comme sur le champ de bataille, de courir à son secours et d’entrer dans la mêlée : instinct de héros, qui ne peut voir un ami, un brave dans le péril, sans s’y jeter et sans prendre sa part à la fête. — Ou bien encore (car ces sortes de légendes sont flottantes) ce fut contre le brillant bachelier en personne qu’il se sentit, dit-on, l’envie de disputer, le voyant si redoutable et si vainqueur : autre instinct de héros et d’Alexandre, jaloux de toutes les palmes, avide et amoureux de toutes les gloires.

638. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Jusque dans ses traits M. de Chateaubriand portait cet illustre combat de sa destinée contre elle-même : il y avait dans sa tête la majesté pensive de la foi, les rayons de la gloire et ceux de la solitude, mais non pas toute la paix du chrétien qui depuis longtemps s’est assis au Calvaire en face de la Croix. […] Cela le mène à dire, par exemple, à un jeune homme qui lui parlait de l’Allemagne où il avait voyagé : « Parmi les hommes que vous me nommez comme les gloires récentes de l’Allemagne, il en est au moins deux, Kant et Goethe, qui ont été de mauvais génies. J’avoue que de grands coupables par l’esprit peuvent avoir des noms glorieux ; mais cette gloire est d’un ordre que les cœurs chrétiens ne reconnaissent pas.

639. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Ce n’est que justice que cette gloire plus humble, mais non moins durable, du second. […] Les Anciens, dans toutes les carrières, croyaient à la gloire, à la belle gloire ; ils voulaient laisser d’eux mémoire louable et noble sillon sur la terre.

640. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Il chante, dédaigneux de l’antique Memnon ; Car ton soleil se lève et s’illumine, ô gloire ! […] Sully Prudhomme Maître, qui, du grand art levant le pur flambeau, Pour consoler la chair besoigneuse et fragile, Rendis sa gloire antique à cette exquise argile, Ton corps va donc subir l’outrage du tombeau ! […] Et c’est pourquoi d’en bas nous saluons ta gloire Et ton rêve vainqueur de l’ennemi meurtrier, Triomphal invité du Temple de Victoire !

641. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

J’étais fier, nous dit leur chef, de la gloire qu’ils avaient acquise ; je jouissais d’avance du repos dont j’espérais les voir bientôt jouir. […] Tous ces sentiments élevés et délicats, ces belles qualités, ces vertus sociales inculquées dès l’enfance, transmises par les générations, et qui semblent le noble apanage de l’homme civilisé, l’amour de la patrie, de la gloire, l’honneur, le dévouement aux siens, l’amitié, tout cela peu à peu s’obscurcit et s’affaiblit jusqu’à s’abolir. […] Je vous le donne pour un véritable chevalier français, et vous pouvez désormais le regarder comme un vieux colonel. » L’héroïque figure de Ney n’a cessé de remplir et de dominer la relation qu’on vient de parcourir ; c’est par une telle parole de lui qu’il y avait convenance et gloire, en effet, à la couronner.

642. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Quelques modernes se sont fait gloire d’adopter l’opinion de ce philosophe, & ont encore chargé le portrait. […] Frédéric en fait le plus cher de ses amusemens & sa gloire. […] Rollin, en condamnant l’usage des fictions dans un poëte chrétien, n’interdit point certaines figures hardies qui font image, & par lesquelles on donne de la voix, du sentiment, de l’action même aux choses inanimées : « Il sera toujours permis, dit il, d’adresser la parole aux cieux & à la terre ; d’inviter la nature à louer son auteur ; de supposer des aîles aux vents pour en faire les messagers de dieu ; de prêter une voix de tonnerre aux cieux pour publier sa gloire ; de personnifier les vertus & les vices.

643. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Quand un grand homme a cessé de vivre, quand il est sorti de la phase historique qu’il a marquée de la double empreinte de son esprit et de son caractère, il laisse souvent après lui, et dans l’histoire même, quelques gouttes de son sang : — une famille, que la curiosité aime à étudier pour y retrouver les influences de sa gloire et de son génie ; car ceux qui croient le plus à la personnalité du mérite posent, malgré eux, la question de race à propos de tout, comme si c’était une fatalité ! […] Mais la gloire de Marie Mancini, quoique inférieure, et de beaucoup, à celle de madame de Maintenon, n’en sera pas moins d’avoir préparé le grand homme que madame de Maintenon acheva, et d’avoir fait ainsi, dans des proportions différentes, le roi Louis XIV à elles deux ! […] Il y a une biographie du marquis de Vardes qui fait rentrer sous terre les Améric Vespuce de sa gloire, les Lauzun, les Richelieu, et toute cette race de fats heureux, le caprice des femmes et leurs tyrans.

644. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

Il n’a rien de niais dans sa forme, qui peut être fausse et même cruelle pour les esprits délicats et fins, mais qui, du moins, a de la décision et du relief ; mais, dans sa pensée, il tient à ces badauds actuels qui rêvent une humanité nouvelle, haïssent la guerre, médisent de la gloire, repoussent toute répression un peu forte, et croient que les peuples peuvent se passer de grands hommes et sont eux-mêmes assez grands pour se gouverner parfaitement tout seuls ! […] Il y a dans les choses humaines beaucoup de bravoure et de talent perdus, et si ce n’est pas la gloire de l’homme, c’est la gloire de Dieu !

645. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Il paraît que Libanius n’eut que l’ambition des lettres et de cette espèce de gloire qui est indépendante de la fortune et des princes. […] « Ô toi, dit l’orateur, élève et disciple de ces êtres qui occupent le milieu entre la Divinité et l’homme ; toi dont la tombe n’occupe qu’une petite portion de terre, mais qui par ta gloire remplis le monde ; toi qui en commençant ta carrière, as surpassé tous les grands hommes qui ne sont pas Romains, qui en la finissant, as surpassé ceux même de Rome ; toi que les pères regrettent plus que leurs propres enfants, et que les enfants regrettent plus que leurs pères ; toi qui as exécuté de grandes choses, mais qui devais en exécuter encore de plus grandes ; toi qui foulais aux pieds tous les genres de voluptés, excepté celles qui naissent du charme inexprimable de la philosophie, protecteur et ami des dieux de l’empire ; ô prince ! […] Son extérieur était simple, son caractère ne l’était pas ; ses discours, ses actions avaient de l’appareil et semblaient avertir qu’il était grand ; suivez-le, sa passion pour la gloire perce partout ; il lui faut un théâtre et des battements de mains ; il s’indigne quand on les refuse ; il se venge, il est vrai, plus en homme d’esprit qu’en prince irrité qui commandait à cent mille hommes, mais il se venge ; il court à la renommée, il l’appelle ; il flatte pour être flatté : il veut être tout à la fois Platon, Marc-Aurèle et Alexandre57.

646. (1884) La légende du Parnasse contemporain

— quelques-uns d’entre les nôtres sont en plein succès, on peut dire en pleine gloire. […] Ce sévère et délicat esprit avait toujours eu peu de goût pour les rumeurs de la foule ; il s’était fait une sorte de gloire à l’écart. […] De toutes nos gloires, il en est une, grâce à Dieu, qui demeure inattaquée ; oui, inattaquée ! […] Eh bien, cette gloire sans tache, Richard Wagner a tenté de la souiller. […] Mais notre plus haute gloire, nous ne la tirerons pas de notre œuvre même ; nous la devrons à celui ou à ceux qui procéderont de nous.

647. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

C’est une gloire qu’il peut partager avec Théophile Gautier et les Goncourt. […] Mallarmé, il incarne, selon moi, ce souci de forme nouvelle, cette révolution dans l’expression poétique — seule gloire de cette époque transitoire en littérature : le symbolisme. […] On se dispute la gloire de l’avoir célébré. […] L’une de ses gloires aura donc été de chanter sans poétique, d’accorder ses chansons selon ses sentiments, de les rythmer au gré de ses frissons. […] Le laboureur met toute sa gloire à creuser un sillon, et le potier toute sa joie à caresser la glaise, à la polir, à l’arrondir.

648. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

L’injustice, l’envie de mes rivaux, des journalistes et des biographes allemands de Mozart, ne consentiront jamais à accorder une telle gloire à un Italien comme moi ; mais toute la ville de Vienne, tous ceux qui ont connu Mozart et moi en Allemagne, en Bohême, en Saxe, toute sa famille, et surtout le baron de Vetzlar lui-même, son enthousiaste, dans la maison duquel naquit la première étincelle de cette divine flamme, me sont témoins de la vérité de ce que je dis ici... « Et vous, continue-t-il en prenant à témoin et en apostrophant leur protecteur commun, M. de Vetzlar, vous, monsieur le baron, qui venez de me donner des preuves récentes de votre fidèle et gracieux souvenir ; vous, qui avez tant aimé et tant apprécié cet homme vraiment céleste, et qui avez une si juste part dans sa gloire, dans cette gloire devenue plus grande et plus sacrée par l’envie qui l’a constatée et par notre siècle, qui la ratifie unanimement après sa mort, rendez-moi le témoignage que je revendique aujourd’hui de vous pour la postérité. […] Ses prières, ses larmes, ses imprécations, qui attendrissent Leporello, n’arrachent à don Juan qu’un sourire moqueur et un éloge magnifique du vin et de la femme, gloire et consolation de l’humanité. […] C’est à l’âge de soixante-seize ans qu’il écrit sur les brumes de New-York ces pages ivres encore d’adolescence, d’amour et de gloire ; la jeunesse de ces hommes est dans leurs adversités. […] La terre ne se doutait pas de ce qu’elle perdait : il fallut trente ans à son nom pour mûrir à la gloire que ce nom possède aujourd’hui.

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