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507. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 256-257

L'invention des sujets, les graces de la narration, la douceur du coloris, le choix des termes, l'aisance de la versification, forment de ces petits Poëmes autant de chef-d'œuvres.

508. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Amédée Vanloo » p. 218

Vis-à-vis et à droite, le pape et ses assistants forment, en s’étendant vers le fond et sur le devant, toute l’assemblée, dont le personnage le plus voisin du spectateur est un prélat, la tête appuyée sur sa main, qui écoute, et qui écoute bien ; qui a un beau caractère de tête, qui est drapé largement, qui est bien peint, mais qui nuit à tout.

509. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 259-261

D’ailleurs le Président Fauchet n’écrivoit mal, que parce que c’étoit un défaut assez général de son temps, où la langue n’étoit pas encore formée.

510. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 63-64

On ne peut, en puisant dans de pareilles sources, que former péniblement un tissu de faits décharnés, & propres à fatiguer le Lecteur, qui aime à trouver dans un Historien, l'homme instruit & capable de suppléer, par sa sagacité, aux obscurités que les Faiseurs de Mémoires ont répandues sur certains événemens.

511. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Ces mutilés forment malheureusement la grande majorité des écrivains et des artistes de profession, et leur grouillante masse parasitaire étouffe trop souvent le talent vrai et spontané. […] Ainsi se forment, pour la propagation d’une onde d’excitation, une route déterminée, une habitude de marche. […] Trois peintres, Dante-Gabriel Rossetti, Holman Hunt et Millais, formèrent en 1848 une association qui s’intitula Preraphaelitic Brotherhood (Fraternité préraphaélilique). Quand le groupe fut formé, les peintres F. […] Les mots qui composent la phrase forment une écholalie pure ; c’est un alignement de sons similaires qui s’appellent l’un l’autre comme des échos.

512. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Ils ont saisi ces vérités universelles et limitées qui, étant situées entre les hautes abstractions philosophiques et les petits détails sensibles, sont la matière de l’éloquence et de la rhétorique, et forment ce que nous appelons aujourd’hui les lieux communs. […] Deux à deux, les antithèses se suivent comme des rangées de colonnes ; il y en a treize couples qui forment enfilade, et la dernière s’élève au-dessus du reste par un mot qui fait centre et relie tout. […] C’était le costume du temps, il fallait bien l’endosser. « La demande des élégances, dit le brave Samuel Johnson dans son style commercial et académique, était si fort accrue, que la pure nature ne pouvait être supportée plus longtemps. » La bonne compagnie et les lettrés faisaient un petit monde à part, qui s’était formé et raffiné d’après les mœurs et les idées de la France. […] « Simplicité d’enfant, écrivait Pope, esprit d’homme. » Il vivait, comme La Fontaine, aux dépens des grands, voyageait autant qu’il pouvait à leurs frais, perdait son argent dans les spéculations de la mer du Sud, souhaitait une place à la cour, écrivait des fables pleines d’humanité pour former le cœur du duc de Cumberland1127, finissait par s’établir en parasite aimé, en poëte domestique, chez le duc et la duchesse de Queensbury. […] To love an altar built Of twelve vast French romances, neatly gilt ; There lay three garters, half a pair of gloves, And all the trophies of his former loves.

513. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

La cour de Prusse, enthousiasmée par la beauté et le patriotisme de sa reine, porte plus de jactance que de solidité dans l’armée ; les plans de campagne s’y forment et s’y brisent en un instant ; on consume le temps en conseils de guerre ; on finit par diviser l’armée en deux corps pour satisfaire aux exigences de deux généraux. […] Napoléon avait placé sa tente au centre d’un carré formé par sa garde, et n’avait laissé allumer que quelques feux ; mais l’armée prussienne avait allumé tous les siens. […] À peine quelques granges réunies en hameaux, et des lignes de barrière servant à parquer le bétail, formaient-elles un point d’appui ou un obstacle sur ce morne champ de bataille. […] Lançant d’abord les chasseurs de sa garde, et quelques escadrons de dragons qui étaient à sa portée, pour ramener la cavalerie ennemie, il fit appeler Murat, et lui ordonna de tenter un effort décisif sur la ligne d’infanterie qui formait le centre de l’armée russe, et qui, profitant du désastre d’Augereau, commençait à se porter en avant. […] Quel autre que lui pouvait passer en revue, sur toutes les routes de l’empire, ces innombrables bandes de conscrits qui allaient, du dépôt du bataillon de marche au bataillon de guerre, former, d’étape en étape, ces prodigieux rassemblements d’hommes qu’on appelait l’armée de Boulogne, l’armée d’Austerlitz, l’armée de Wagram, l’armée d’Iéna, l’armée d’Espagne, l’armée de Moscou ?

514. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Passons à la petite Italie, à l’Italie du moyen âge, à l’Italie d’hier : qui prétendez-vous ressusciter dans ces huit ou dix Italies incohérentes, formées des lambeaux de l’Italie historique ? […] XIX Si donc une des nationalités qui composent l’Italie, justement jalouse de constituer son indépendance fédérale, si la maison de Savoie, par exemple, jusqu’ici restreinte au rôle de gardienne des Alpes et de puissance neutre interposée entre l’Autriche et la France ; si cette puissance venait à s’annexer par les armes vingt ou trente millions de sujets en Italie, et à former ainsi une puissance militaire de trois ou quatre cent mille hommes, l’équilibre du midi de l’Europe serait rompu, la sécurité de la France serait éventuellement compromise, l’indépendance même de l’Italie serait perdue. […] À la première distraction de la France qui vous défend contre l’Allemagne, les armées de l’Autriche, débouchant du Tyrol, ne trouveront devant elles qu’une armée piémontaise, très patriotique, mais formée de recrutements de quelques États italiens mal annexés et peut-être déjà aigris par ces annexions contre nature. […] La lumière qu’ils ont autrefois répandue dans le Nord leur revient du Nord comme un reflet répercuté de leur propre et primitive splendeur ; de longues servitudes n’ont fait que les affamer de plus d’indépendance de sol et de liberté d’esprit : c’est une grande race dans de petits peuples, mais ces petits peuples forment de nouveau une grande race.

515. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

On a vu comment Marot avait été touché plutôt que formé par la Renaissance. […] Dans le temps donc que Saint-Gelais, créature gentille, comme l’appelle Marot, aiguisait quelques douzains à la manière italienne, ou chantait ses vers sur des airs qu’il avait composés lui-même84, de jeunes esprits se formaient dans les écoles restaurées par là Renaissance, et retrouvaient l’idéal de la poésie dans les grands poëtes de l’antiquité. […] Au milieu de ces excès si intéressants par l’ardeur même qui les suscitait, l’esprit français s’éprouvait tour à tour à toutes ces imitations où l’invitaient les doctes et les poëtes populaires, et il se formait en silence par le sentiment naïf des différences et des analogies. […] Du moins en fit-on dans le particulier, sur tous les points de la France, des gloses qui formaient le sujet le plus général des conversations du temps.

516. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Quand à force de soins, de courses, on s’est formé un public assez intrépide pour applaudir des absurdités, on peut espérer que les cris, les menaces, le bruit parviendront à faire taire la raison, ce qui est déjà un triomphe. […] Les chefs d’une opposition, en soulevant leurs partisans contre de prétendus abus, se forment des disciples qui, bientôt devenus leurs maîtres, les forcent à suivre une phalange immorale et perturbatrice. […] Cette idée, vous en conviendrez, a dû paraître bien singulière à celui qui, depuis quarante ans qu’il travaille pour le théâtre, a toujours cru que c’était le public qui formait les acteurs et les auteurs. […] Ce sont les billets donnés ou vendus au dehors qui forment les cabales des théâtres.

517. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

… Toutes ces belles morts que vous m’annoncez forment la réserve du bon Dieu, et c’est celle-là qui nous donnera la victoire ».‌ […] Pleins de goût et de feu, ces jeunes doctrinaires formaient une société d’une espèce rare, une académie à la fois savante, policée et enthousiaste. […] Il semble que notre vocabulaire formé sur les coteaux modérés de la vie et approprié à nos occupations quotidiennes manque de termes pour nommer ces états extraordinaires et solennels. […] Nous étions dans la boue liquide jusqu’à mi-cuisse, et la nuit la glace se formait, nous immobilisait !

518. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Que fait, par exemple, M. de Quatrefages, pour démontrer que l’homme arrive à former psychologiquement un règne à part dans l’ordre des êtres animés ? […] On ne peut nier non plus l’instinct de sociabilité des animaux quand on les voit, non-seulement se réunir et s’associer accidentellement pour la chasse et la guerre, comme les loups, mais encore vivre en communauté, former des sortes de républiques, comme les abeilles, les fourmis et les castors. […] Pour eux, comme pour leur maître Hume, la prétendue nécessité logique de ce principe se résout, quand on l’analyse, dans une simple association formée par l’expérience et transformée par l’habitude en cette disposition de l’esprit dont l’école de l’à priori fait une loi propre de la raison. […] On a vu comment la méthode des naturalistes qui procèdent par la statistique, la méthode des historiens qui procèdent par l’érudition, la méthode des ethnographes qui procèdent par les explorations de voyage et les recherches de philologie, arrivent à des vues neuves et précieuses sur les races, les peuples, les œuvres, les institutions de notre espèce, sans pénétrer jusqu’aux éléments simples, aux facultés primordiales qui constituent le fond de la nature humaine et forment la seule matière d’une véritable définition.

519. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coolus, Romain (1868-1952) »

Une philosophie d’un scepticisme peut-être un peu aventureux, finement gouailleuse, d’une charmante immoralité, qui ondoie, sans en avoir l’air, autour des situations plaisantes ou gentiment sentimentales que forment Sazy, ses trois amants, son petit frère capricieux et sa maman puritaine, et les baigne de sa délicate ironie… Sazy est entretenue par un nommé Gorgeron, dont la hauteur de vue et le détachement sont vraiment admirables.

520. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Vavasseur, Gustave (1819-1896) »

Il fut, avec Philippe de Chennevières, l’auteur des Contes de Jean de Falaise , d’un groupe d’esprits rares qui forma un moment une sorte de petite école dont la Normandie aurait le droit d’être fière et qui eût fait plus de bruit si les gens du pays du cidre étaient aussi retentissants et ardents et hardis que les félibres méridionaux.

521. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 128-130

Le Public lui doit quarante Ouvrages, qui forment plus de trois cents volumes.

522. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 430-432

Ses différens Mémoires sur les objets les plus intéressans de l'Anatomie, de la Physiologie, de la Thérapeutique ; sur l'établissement de la Société Royale de Médecine que le Roi vient de former ; sur les inconvéniens des cimetieres dans les Villes, &c. n'offriront sans doute rien de piquant à la curiosité des Esprits légers & frivoles ; mais la reconnoissance éclairée du vrai Citoyen, dédommagera M. de Vicq. de la privation de ces sortes de suffrages que le Savant utile doit compter pour rien.

523. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Bref, et comme on l’a vu par le récit deRohan, après la défaite de Soubise en l’île de Ré, la paix se fit, mais non pas telle tout à fait que Rohan se plaît à le dire : le cardinal sans doute, sachant bien « que toute la prudence politique ne consiste qu’à prendre l’occasion la plus avantageuse qu’il se peut de faire ce qu’on veut », et sentant que les grandes et diverses affaires que le roi avait pour lors sur les bras ajournaient plus ou moins cette occasion, dissimula et laissa croire aux réformés qu’il ne leur était pas un irréconciliable adversaire : « Car ce faisant, dit-il, il avait moyen d’attendre plus commodément le temps de les réduire aux termes où tous sujets doivent être en un État, c’est-à-dire de ne pouvoir faire aucun corps séparé et indépendant des volontés de leur souverain. » Toutefois, par ce traité du 5 février 1626, le roi, déjà plus roi qu’auparavant, donnait la paix à ses sujets et ne la recevait pas ; et, du côté de La Rochelle expressément, il se réservait le fort Louis comme une citadelle ayant prise sur la ville, et les îles de Ré et d’Oléron comme deux autres places « qui n’en formaient pas une mauvaise circonvallation ». […] Une grande cabale s’était formée en Cour, dont Monsieur, frère du roi, était le prête-nom. […] Il n’osa toutefois assumer la responsabilité d’un refus, et il se mit de la partie avec ce même sentiment de la difficulté et de la non-réussite qui constitue son étoile : « Je considérais quel fardeau je prenais sur mes épaules pour la troisième fois ; je me ramentevais l’inconstance de nos peuples, l’infidélité des principaux d’iceux, les partis formés que le roi avait dans toutes nos communautés, l’indigence de la campagne, l’avarice des villes, et surtout l’irréligion de tous. » Par irréligion il faut simplement entendre l’affaiblissement de ce principe religieux exalté qui ne s’était vu qu’au xvie  siècle et qui poussait à tous les sacrifices de vie et de fortune pour la foi, affaiblissement qui tenait déjà de l’esprit moderne, et un vertu duquel beaucoup d’estimables réformés préféraient le commerce à la guerre ; Ce n’était pas le compte de Rohan ni des chefs féodaux.

524. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Nous demandons la permission, ayant à parler de lui, d’en rester à nos propres impressions déjà anciennes, fort antérieures à des débats récents, et de redire, à propos des volumes aujourd’hui publiés, et sauf les applications nouvelles, le jugement assez complexe que nous avons tâché, durant plus de vingt ans, de nous former sur son compte, de mûrir en nous et de rectifier sans cesse, ne voulant rien ôter à un grand esprit si français par les qualités et les défauts, et voulant encore moins faire, de celui qui n’a rien ou presque rien respecté, un personnage d’autorité morale et philosophique, une religion à son tour ou une idole. […] Il traversa bien souvent dans sa vie de ces cercles délicieux (« suavissimam gentem », comme il disait) qui se formaient un moment autour de lui, qui se ralliaient à son brillant, dont il était le génie familier et l’âme, et en sortait bientôt par quelque accident a. […] Il en revint définitivement formé, avec un fonds d’idées qu’il accroîtra peu, et avec un cachet intérieur qu’il ne perdra plus.

525. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

., etc.) formait un total de 133124 vers, et que, d’autre part, ses traductions poétiques des livres sacrés, des grands et des petits prophètes, etc., etc., allaient à plus de 40000 vers : « Si quelqu’un sans besoin (c’est-à-dire apparemment, sans y être forcé) en peut mettre autant en ligne de compte, je serais bien trompé », ajoutait-il ; et il nous assure qu’il s’y est agréablement diverti. […] Il se contente de tout ce qui se présente à son imagination, quelque absurde qu’il puisse être, et se complaît dans les chimères qu’il s’est formées comme dans les sentiments les plus réguliers. […] Les deux catalogues qu’il a dressés de son trésor de gravures, et, comme il dit, de sa Bibliothèque imaginaire (j’aimerais mieux imagère), le premier en 1666 pour la collection acquise au roi par Colbert, le second en 1672 pour une nouvelle collection qu’il s’était formée depuis, mériteraient d’être appréciés par de plus connaisseurs que moi30.

526. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Des vapeurs capiteuses formaient un brouillard autour des lampes. […] Vous dire comment une particularité de si peu de valeur a pu se fixer dans ma mémoire, avec la date précise de l’année et, peut-être bien, du jour, au point de trouver sa place en ce moment dans la conversation d’un homme plus que mûr, je l’ignore ; mais si je vous cite ce fait entre mille autres, c’est afin de vous indiquer que quelque chose se dégageait déjà de ma vie extérieure, et qu’il se formait en moi je ne sais quelle mémoire spéciale assez peu sensible aux faits, mais d’une aptitude singulière à se pénétrer des impressions. » Un précepteur qu’on lui donne, pour le mettre en état d’entrer bientôt au collège, ne réussit qu’à partager l’esprit du jeune enfant et à y introduire un élément d’étude régulière, sans rien supprimer d’une sensibilité vague et discrète qui ne se laissait pas soupçonner. […] Blanche, elle avait des froideurs de teint qui sentaient la vie à l’ombre et l’absence totale d’émotions, des yeux qui s’ouvraient mal comme au sortir du sommeil ; ni grande, ni petite, ni maigre, ni grasse, avec une taille indécise qui avait besoin de se définir et de se former : on la disait déjà fort jolie, et je le répétais volontiers, sans y prendre garde et sans y croire. » Patience !

527. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Les portraits que trace Malouet dans un de ses premiers chapitres, et qui forment comme sa galerie des États généraux, n’approchent certes pas, même de bien loin, de ceux qu’un Retz a tracés dans sa galerie de la Fronde, et un Saint-Simon dans ses tableaux de la Régence ; mais les principaux traits sont fort justes, fort ressemblants, et le mot propre du caractère de chacun est souvent donné. […] Necker et de M. de Montmorin, qui forment à peu près tout le Conseil du roi ; je ne les aime ni l’un ni l’autre, et je ne suppose pas qu’ils aient du goût pour moi ; mais peu importe que nous nous aimions, si nous pouvons nous entendre. […] Ayant lu avec transport les éloquents passages de son célèbre ouvrage, je m’étais formé la plus haute idée de l’auteur ; mais mon attente fut désagréablement déçue.

528. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

La foi d’ailleurs ne paraît jamais avoir fait question dans son esprit durant ces années, même quand il adresse à son frère et à son guide des questions comme celle-ci : « Sur la Géologie : — Que penser de ces couches superposes et formées de coquillages qui s’éloignent d’autant plus des espèces connues qu’ils sont plus éloignés de la surface du sol ? […] Son étude elle-même, dans sa direction habituelle, est presque toute tournée à la théologie, aux citations des Pères : à peine Virgile et Horace se laissent-ils quelquefois deviner à travers cette sombre culture ; M. de La Mennais lisait le latin, mais il était peu capable de l’écrire ; il l’avait appris solitairement et ne s’était formé à aucun des exercices qui, ne fussent-ils bons à autre chose, disposent du moins à apprécier, à goûter avec justesse la belle fleur de l’antiquité109. […] Le fruit, déjà formé et mûri à l’ombre, n’attendait que ce coup de soleil pour se dorer.

529. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Mais ici le développement se montre dans chaque lettre, abondant, naïf, continu ; on suit à vue d’œil l’âme, le talent, la raison, qui s’empressent d’éclore et de se former. […] Mlle Phlipon a dix-huit ans, elle est depuis longtemps formée, elle est dévote encore. […] Et c’est parce que les générations finissantes de ce dix-huitième siècle tant dénigré croyaient fermement à ces principes dont Mme Roland nous offre la plus digne expression en pureté et en constance, c’est parce qu’elles y avaient été plus ou moins nourries et formées, que, dans les tourmentes affreuses qui sont survenues, la nation si ébranlée n’a pas péri90.

530. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Les romanciers se sont partagé la France, chacun nous peignant sa province natale ou celle qu’il connaissait le mieux ; et l’on pourrait former, en réunissant leurs tableaux, une sorte de géographie pittoresque et morale de la patrie française. […] C’est ainsi que l’Idéal, qui est un livre tout plein de bons sentiments et où même les sermons abondent, lu à la campagne, dans un milieu paisible et patriarcal, m’a fait passer d’agréables heures. — M. d’Artannes, un gentilhomme qui a toutes les vertus et beaucoup d’expérience et d’esprit, se fait le mentor d’une fillette et s’applique à former son esprit et son cœur. […] » Assez souvent il s’est formé un idéal de l’élégance du style, d’où le poncif n’est pas tout à fait absent.

531. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Nisard commence par se former une idée générale, et comme purifiée, du génie français. […] Car le critique s’est d’abord formé, sans le dire, par une première revue rapide de la littérature anglaise, une idée du génie anglais (comme M.  […] Et, s’il n’était indiscret et inutile de former des vœux, j’ajouterais : Qu’il nous propose encore, si tel est son plaisir, des cas de psychologie passionnelle ; mais qu’il ne s’y tienne pas : il serait bientôt condamné à se répéter un peu.

532. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Les royaumes grecs de la Bactriane et de la Pentapotamie ont été depuis quelques années l’objet de travaux qui formeraient déjà plusieurs volumes et sont loin d’être clos. […] Ainsi, je suis persuadé que les naturalistes tireraient de grandes lumières, pour le problème si philosophique de la classification et de la réalité des espèces, de l’étude de la méthode des linguistes et des caractères naturels qui leur servent à former les familles et les groupes, d’après la dégradation insensible des procédés grammaticaux. […] Je suis persuadé néanmoins que ce livre, que je me propose de lire, renferme de précieuses lumières et doit former un utile complément aux travaux de Braun, Schrœder et Hartmann sur les vêtements du grand prêtre et des femmes hébraïques.

533. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Les chefs l’accueillaient avec bienveillance ; et lui, avec cette illusion confiante à laquelle n’échappe aucune noble jeunesse, il voulut user d’abord de cette espèce d’influence qu’ils paraissaient lui accorder, pour tenter de les réunir : « Ainsi, dit-il, je fis de vains efforts pour rapprocher Mounier et l’abbé Sieyès, entreprise bien digne d’un jeune homme à l’égard de ces hommes impérieux, qui étaient arrivés pour faire prévaloir des systèmes opposés. » Lui-même il se forma vite et se décida sur la ligne à suivre. […] Lorsque les événements qu’il a redoutés le plus sont consommés, il y souscrit, il abandonne ses anciens chefs et ses anciens principes, et cherche seulement, dans la nouvelle marche, à former encore l’arrière-garde et à retarder la marche de la colonne révolutionnaire, à la suite de laquelle il se traîne à contrecœur. […] Il faut pouvoir sentir et penser ensemble, et ne former entre vous qu’une famille comme nous étions : c’est la première base du bonheur.

534. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Elle eut de la sorte pour amis tout ce qu’il y avait de plus trié et de plus élevé à la Cour, tellement qu’il devint à la mode d’être reçu chez elle, et qu’on avait raison de le désirer par les liaisons qui s’y formaient. Jamais ni jeu, ni ris élevés, ni disputes, ni propos de religion ou de gouvernement ; beaucoup d’esprit et fort orné, des nouvelles anciennes et modernes, des nouvelles de galanteries, et toutefois sans ouvrir la porte à la médisance ; tout y était délicat, léger, mesuré, et formait les conversations qu’elle sut soutenir par son esprit, et par tout ce qu’elle savait de faits de tout âge. […] , dans un éloge en latin de Fraguier, nous le représente au moment où il voulut écrire en français et se former au bon goût de notre langue : À cet effet, dit d’Olivet que je traduis, il s’en remit de son éducation à deux muses ; l’une était cette célèbre La Vergne (Mme de La Fayette), tant de fois chantée dans les vers des poètes, et l’autre qu’on a surnommée la moderne Leontium (Ninon).

535. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

En commençant à vingt-trois ans à vouloir régner entièrement par lui-même, Louis XIV met au nombre de ses occupations essentielles et de ses devoirs, de noter par écrit ses actions principales, de s’en rendre compte, et d’en faire le sujet d’un enseignement à son fils qui, plus tard, pourra s’y former à l’art de régner. […] Pourtant, réduite et entendue dans un certain sens, cette idée a sa justesse : « Je ne crains pas de vous dire, écrit-il pour son fils, que plus la place est élevée, plus elle a d’objets qu’on ne peut ni voir ni connaître qu’en l’occupant. » Saint-Simon, que j’oserai ici contredire et réfuter, a dit de Louis XIV : Né avec un esprit au-dessous du médiocre, mais un esprit capable de se former, de se limer, de se raffiner, d’emprunter d’autrui sans imitation et sans gêne, il profita infiniment d’avoir toute sa vie vécu avec les personnes du monde qui toutes en avaient le plus, et des plus différentes sortes, en hommes et en femmes de tout âge, de tout genre et de tous personnages. Et il revient plusieurs fois sur cette idée, que Louis XIV n’avait qu’un esprit au-dessous du médiocre, mais qu’il était très capable d’acquérir et de se former, de s’approprier ce qu’il voyait faire aux autres.

536. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Cela formera trois heures de lecture ; mais je vous assure que cela m’a coûté tant de travail, que mes cheveux en sont blanchis. […] Quand on a beaucoup lu Montesquieu et qu’on est Français, une tentation vous prend : « Il semble, a dit de lui un critique sagace17, enseigner l’art de faire des empires ; on croit rapprendre en l’écoutant ; et, toutes les fois qu’on le lit, on est tenté d’en construire un. » Montesquieu ne dit pas assez à ceux qui le lisent : « Pour considérer l’histoire avec cette réflexion et avec cette suite, et pour en raisonner si à l’aise et de si haut, vous n’êtes pas, je ne suis pas moi-même un homme d’État. » Le premier mot et le dernier de L’Esprit des lois devrait être : « La politique ne s’apprend point par les livres. » Que nous tous, esprits qui formons le commun du monde, nous tombions dans ces erreurs et dans ces oublis d’où nous ne sommes tirés que rudement ensuite par l’expérience, rien de plus naturel et de plus simple : mais que le législateur et le génie qui s’est levé comme notre guide y soit jusqu’à un certain point tombé lui-même, ou qu’il n’ait point paru se douter qu’on y pût tomber, là est le côté faible et une sorte d’imprudence. […]  » Partout, à ces beaux endroits si souvent cités, on sent l’homme qui désire la liberté véritable, la véritable vertu du citoyen, toutes choses dont il n’avait vu nulle part l’image parfaite chez les modernes, et dont il achevait de se former l’idée dans l’étude du cabinet et devant les bustes des anciens.

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