/ 3038
1971. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame de La Fayette ; Frédéric Soulié »

Les Mémoires en question, les autres romans de l’auteur, ces drames de toute forme, très intrigués et dans lesquels les événements semblent des nœuds gordiens impliqués les uns dans les autres, frappèrent à poing fermé sur l’imagination d’une époque qui avait ressenti les étincelantes secousses du Romantisme.

1972. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Forme d’esprit des Français. —  Deux traits principaux : les idées distinctes et les idées suivies. —  Construction psychologique de l’esprit français. —  Narrations prosaïques, manque de coloris et de passion, facilité et bavardage. —  Logique et clarté naturelle, sobriété, grâce et délicatesse, finesse et moquerie. —  L’ordre et l’agrément. —  Quel genre de beauté et quelle sorte d’idées les Français ont apportés dans le monde. […] Le goût leur était venu tout de suite, c’est-à-dire l’envie de plaire aux yeux, et d’exprimer une pensée par des formes, une pensée neuve : l’arche circulaire s’appuyait sur une colonne simple ou sur un faisceau de colonnettes : les moulures élégantes s’arrondissaient autour des fenêtres ; la rosace s’ouvrait simple encore et semblable à la rose des buissons, et le style normand se déployait original et mesuré entre le style gothique dont il annonçait la richesse, et le style roman dont il rappelait la solidité. […] Ainsi se forme l’anglais moderne, par compromis et obligation de s’entendre. […] Solidarité et lutte : voilà les deux effets de ce grand établissement réglementé qui forme et maintient en corps, d’un côté l’aristocratie conquérante, de l’autre la nation conquise ; de même qu’à Rome l’importation systématique des vaincus dans la plèbe, et l’organisation forcée des patriciens en face de la plèbe, enrégimenta les particuliers en deux ordres dont l’opposition et l’union formèrent l’État. […] On n’y peut point vivre nonchalamment étendu sous la belle lumière, dans l’air tiède et clair, les yeux occupés par les nobles formes et l’heureuse sérénité du paysage.

1973. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

Le récit de la prise de la Bastille par Mévisto blessé, soutenu par deux hommes, forme un groupe d’un beau dessin. […] mais je crois au surnaturalisme entre les vivants… L’amour par exemple, qui fait, à première vue de deux êtres qui ne se connaissent pas, des amoureux ; ce coup de foudre, qui en une seconde, affole deux êtres l’un de l’autre… voilà du surnaturel bien certain, bien positif. » Samedi 6 avril Je retrouve cette note donnée par Hayashi : « Shitei Samba, romancier et critique japonais (1800) ayant une certaine parenté avec la forme du Journal des Goncourt. » Lundi 8 avril Je voudrais faire un livre — pas un roman — où je pourrais cracher de haut sur mon siècle, un livre ayant pour titre : Les Mensonges de mon temps. […] Ils sont tout à la bataille des mots, et ne se doutent guère qu’à l’heure présente, il s’agit de bien autre chose : il s’agit d’un renouvellement complet de la forme pour les œuvres d’imagination ; d’une forme autre que le roman, qui est une forme vieille, poncive, éculée. […] le théâtre, s’écrie-t-il, c’est une ardoise et un torchon, et une chose à la craie qu’on efface à tout moment… ç’a été le procédé de Shakespeare et de Molière. » Mardi 24 septembre Une singulière forme de gouvernement, ce suffrage universel, qui ne tient aucun compte des minorités, quelque nombreuses qu’elles puissent être. […] Et au milieu de l’ornementation de queues de paon, d’yeux de plumage, ces attelées d’hommes à la pantomime inquiétante, et ces danseuses, aux formes de fœtus, coiffées de tiares, au rire héliogabalesque.

1974. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Tant il est vrai que toutes les erreurs laïques correspondent à quelque forme d’hérésie ! […] Il renoue une tradition. — Et il est vrai qu’il y ajoute quelque chose, parce qu’il se sert d’une forme traditionnelle avec une âme neuve. […] Il n’est ridicule qu’en tant que certaines de ses colères sont excessives dans la forme et disproportionnées avec leur objet. […] Il n’y a point, dit-il, d’erreur dans la nature ; tous les vices qu’on impute au naturel sont l’effet des mauvaises formes qu’il a reçues. […] Il en est, sous une forme sentencieuse, le plus obscur et le plus chaotique.

1975. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Elle n’a pas de visage, ni seulement de forme. […] Et je sais bien qu’un roman n’est pas un objet dont la forme soit arrêtée à jamais. […] Vallery-Radot n’a point trouvé, pour sa pensée nouvelle, une nouvelle forme littéraire ; il emploie une forme ancienne et qu’un usage imprévu désorganise. […] Ces ombres avaient des formes humaines. […] Et il écrit : « Toute forme créée, même par l’homme, est immortelle.

1976. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

On sent à chaque instant qu’en lui l’imagination va faire éruption pour se dépouiller de cette forme inerte. […] Elle ressemble à ces grandes peintures de Jordaens, montagnes de corps entassés, de visages enluminés, où les chairs débordent hors de toute forme, où les couleurs exagérées s’entre-choquent, mais où toutes les figures sont vivantes et de belle humeur. […] Toute sa force et tout son emploi sont de montrer l’action et les sentiments ; les couleurs et les formes corporelles n’apparaissent chez elle que dans un éclair, aux moments d’émotion extrême. Elle empiète sur le domaine d’autrui quand elle essaye régulièrement et à chaque vers de les montrer ; elle n’y atteint pas, car les mots, si expressifs qu’ils soient, n’éveillent point en nous des couleurs exactes ni des nuances précises, mais des formes fuyantes et des teintes inachevées.

1977. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Les premières pages affectent évidemment la forme du commencement de la profession de foi du vicaire savoyard de J. […] Un tel accord de la raison, de la Révélation et de toutes les traditions humaines, forme une démonstration que la bouche seule peut contredire. […] Je vous avoue même qu’en lisant le Banquet des sept Sages, dans les œuvres morales de Plutarque, je n’ai pu me défendre de soupçonner que les Égyptiens connaissaient la véritable forme des orbites planétaires. […] Elles n’ont inventé ni l’algèbre, ni les télescopes, ni les lunettes achromatiques, ni la pompe à feu, ni le métier à bas, etc. ; mais elles font quelque chose de plus grand que tout cela : c’est sur leurs genoux que se forme ce qu’il y a de plus excellent dans le monde : un honnête homme et une honnête femme.

1978. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

« Plaines cultivées, collines arrondies, ondes limpides, rives ombreuses, molles prairies, bosquets de jeunes tiges de lauriers-roses, cèdres, palmiers, orangers chargés de fruits et de fleurs, groupés et entrelacés en formes diverses, mais toutes gracieuses, faisaient un dais contre les ardeurs de l’été avec leurs épaisses ombrelles, et parmi les branches s’abritaient en pleine sécurité, chantaient et voletaient les rossignols… « Près de là, auprès d’une fraîche source entourée de cèdres et de palmiers féconds, Roger dépose son bouclier, découvre son front de son casque, et, tantôt vers la plage de la mer, tantôt vers la montagne, il tourne son visage pour se faire caresser les joues par les brises fraîches et embaumées qui, sur les hautes cimes, font frissonner avec de gais murmures les feuilles des hêtres et des chênes. […] Mélisse porte à Roger l’anneau qui fait disparaître tous les enchantements de la magie ; dès que Roger a passé à son doigt l’anneau, Alcine lui apparaît sous sa forme hideuse d’une vieille magicienne, faisant horreur et dégoût. […] Le chant qui contient l’histoire de Joconde ne forme plus seulement disparate, mais scandale dans le poème ; il devrait être déchiré de toute édition populaire de l’Arioste. […] Le bon sens y paraissait sous la forme d’une liqueur très subtile et très prompte à s’évaporer ; il était, en conséquence, renfermé dans une multitude de petites bouteilles, plus ou moins grandes.

1979. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Ce langage secret forme en quelque sorte la franc-maçonnerie des passions. […] Ce marteau, de forme oblongue et du genre de ceux que nos ancêtres nommaient jaquemart, ressemblait à un gros point d’admiration ; en l’examinant avec attention, un antiquaire y aurait retrouvé quelques indices de la figure essentiellement bouffonne qu’il représentait jadis, et qu’un long usage avait effacée. […] Les sièges, de forme antique, étaient garnis en tapisseries représentant les fables de la Fontaine ; mais il fallait le savoir pour en reconnaître les sujets, tant les couleurs passées et les figures criblées de reprises se voyaient difficilement. […] Eugénie appartenait bien à ce type d’enfants fortement constitués, comme ils le sont dans la petite bourgeoisie, et dont les beautés paraissent vulgaires ; mais, si elle ressemblait à Vénus de Milo, ses formes étaient ennoblies par cette suavité du sentiment chrétien, qui purifie la femme et lui donne une distinction inconnue aux sculpteurs anciens.

1980. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Oui, le succès est toujours à côté… La forme, ah ! la forme, mais qu’est-ce qui dans le public est réjoui et satisfait par la forme. Et notez que la forme est ce qui nous rend suspects à la Justice, aux tribunaux qui sont classiques… Classiques, oh !

1981. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Ses traits étaient imposants de forme, mais bons d’expression ; ses regards répandaient comme des ombres de velours noir sur ses joues. […] Sa physionomie, qui est connue de tout le monde, était déjà médaille ; elle rappelait par la forme et par la teinte les bronzes impériaux des empereurs du Bas-Empire. […] Il me fit asseoir entre la cheminée et la fenêtre, et il s’assit en face de moi dans un fauteuil de forme grecque. […] Le style n’est ni prose, ni vers, ni récitatif, ni mélodie : c’est de la pensée fondue au feu du sanctuaire d’un seul jet avec la forme ; c’est le métal de Corinthe de la langue moderne.

1982. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Elles les distillent, elles en fixent l’odeur volatile, elles en remplissent, sous forme d’une goutte de liqueur ou d’huile suave, des flacons que respirent avec délices les odalisques, les voluptueux et les amants. […] Cette beauté de madame Malibran existait par elle-même sans avoir besoin de formes, de contours, de couleurs pour se révéler. C’était la beauté métaphysique n’empruntant à la matière que juste assez de forme pour être perceptible aux yeux d’ici-bas. […] L’âme d’un peuple, c’est sa littérature sous toutes ses formes : religion, philosophie, langue, morale, législation, histoire, sentiment, poésie !

1983. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

. — Ces deux femmes, d’une forme délicate, sont vaporeusement, outrageusement blanches ; elles commencent pour ainsi dire à reparaître. — Celle qui est debout a l’avantage de séparer et de diviser symétriquement le tableau. […] Ces dessins, dont les uns représentent la grande lutte entre Arminius et l’invasion romaine, d’autres, les jeux sérieux et toujours militaires de la Paix, ont un noble air de famille avec les bonnes compostions de Pierre de Cornélius. — Le dessin est curieux, savant, et visant un peu au néo-Michel-Angelisme. — Tous les mouvements sont heureusement trouvés — et accusent un esprit sincèrement amateur de la forme, si ce n’est amoureux. — Ces dessins nous ont attiré parce qu’ils sont beaux, nous plaisent parce qu’ils sont beaux ; — mais au total, devant un si beau déploiement des forces de l’esprit, nous regrettons toujours, et nous réclamons à grands cris l’originalité. […] Jollivet, dénote un esprit sérieux et appliqué. — Son tableau est, il est vrai, d’un aspect froid et laiteux. — Le dessin n’est pas très-original ; mais ses femmes sont d’une belle forme, grasse, résistante et solide. […] Matout a donné trois sujets antiques, où l’on devine un esprit sincèrement épris de la forme, et qui repousse les tentations de la couleur pour ne pas obscurcir les intentions de sa pensée et de son dessin.

1984. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Il n’y avait qu’un point sur lequel dom Rivet se faisait illusion : le tableau qu’il avait conçu, et qui a été en bonne partie exécuté, qui forme toute une suite si bien établie, existe, mais il ne vit pas. […] Lorsque Goethe s’est amusé à versifier à la moderne le roman allemand de Renart, il n’a fait à bien des égards que varier une des formes de son Méphistophélès.

1985. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Là même où il s’élève jusqu’à cette troisième et haute région où tout semble écraser l’homme et où la vie sous toutes ses formes se retire, Töpffer trouve encore un sens correspondant au cœur en ces effrayantes sublimités. […] Tout en admirant nos grands écrivains, il ne les imite donc pas le moins du monde : placé hors du cercle régulier et, pour ainsi dire, national, de leur influence, il ne trouve pas qu’il y ait révolte à ne pas les suivre, même dans les formes générales qu’ils ont établies et qui font loi en France ; il n’est pas né leur sujet.

1986. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Dans la seconde forme et la rédaction définitive, le chevalier annonce simplement qu’il est revenu aux inspirations de l’honneur ; le caractère de l’homme du monde y est observé sans rien de plus. […] Après un long exil de sept ans, rentré en France en 1735, retiré quelque temps, pour la forme, à l’abbaye de La Croix-Saint-Leufroy au diocèse d’Évreux, chez l’abbé de Machault, où il voyait bonne compagnie, et d’où il correspondait avec Thieriot et avec l’abbé Le Blanc, qui lui donnaient des nouvelles littéraires ; ayant achevé sa courte pénitence spirituelle à Gaillon ; puis devenu l’hôte et l’aumônier commode et tout honoraire du prince de Conti, l’abbé Prévost, quoique souvent aux expédients jusque sous le toit d’un prince, vivait toutefois d’une existence relativement heureuse au prix de son ancienne vie errante, lorsqu’au commencement de 1741, un service de correction de feuilles, qu’il rendit imprudemment à un nouvelliste satirique, l’obligea de quitter de nouveau Paris et le royaume.

1987. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Aujourd’hui, grâce aux travaux successifs des estimables éditeurs et au progrès qu’on a fait dans la connaissance des formes de notre vieil idiome, Villehardouin est immédiatement accessible pour tout homme instruit. […] Ainsi va le monde, et, nonobstant ses changements de forme, si souvent proclamés, il continuera encore longtemps sur ce pied-là.

1988. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

J’oserai dire la même chose de la guerre sans trêve que Bossuet a faite au protestantisme sous toutes les formes. […] Il aime ces formes souveraines ; il étend la main sur les choses, et, durant le temps qu’il parle, il ne peut s’empêcher de faire l’office du Dieu son maître.

1989. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Avant Ronsard, il n’est chez nous qu’un seul écrivain célèbre, un seul qui soit capable de cette lecture largement prise à la source : c’est Rabelais, également lecteur de Platon, d’Hippocrate ou d’Homère ; et au milieu de ses bruyantes facéties, — à l’ampleur, au naturel et à la richesse aisée de sa forme, — il s’en ressent. […] Ainsi, par exemple, Henri IV, qui n’était rien moins que savant, eut un précepteur qui lui apprit un peu de latin ; il en eut même un, La Gaucherie, qui essaya de lui apprendre du grec par forme d’usage, sans grammaire, et qui lui faisait réciter par cœur quelques sentences ou maximes.

1990. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Les nuages reprennent leurs formes légères et gracieuses, et dessinent sur l’azur de charmants caprices. […] Ils affectent de plus en plus leurs formes d’été.

1991. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

N’oublions pas qu’il s’agissait de la bourgeoisie à discipliner, à rallier et à grouper pour la défense commune : si, au lieu de la tenir unie, on la choquait par le ton trop absolu, par la hauteur et la rigueur de la forme, par un certain ensemble d’idées trop logiques pour elle et qu’on poussait à outrance, si on la désaffectionnait enfin, qu’avait-on gagné ? […] Molé sans garanties suffisantes), à mes impressions personnelles, à l’insistance du roi, à l’urgence de la situation, et aussi à une disposition de ma nature qui est d’avoir trop de facilite à accepter ce qui coupe court aux difficultés du moment, trop peu d’exigence quant aux moyens et trop de confiance dans le succès. » Il est curieux, en le lisant, de remarquer comme ces formes de phrases se reproduisent involontairement sous sa plume : « J’ai la confiance de croire, etc.

1992. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Biot trouve de nobles paroles pour caractériser ce nouvel effort héroïque d’où sortirent l’École polytechnique dans sa première forme plus ouverte et plus libre que depuis, et surtout l’École normale d’alors qui dura peu, mais qui donna, dans cette résurrection des esprits, une impulsion puissante et décisive, — assez pour que sa destinée fût remplie : « On voulut qu’une vaste colonne de lumière sortit tout à coup du milieu de ce pays désolé, et s’élevât si haut, que son éclat immense pût couvrir la France entière et éclairer l’avenir… Ce peuple, qui avait vu et ressenti en peu d’années toutes les secousses de l’histoire, était devenu insensible aux impressions lentes et modérées ; il ne pouvait être reporté aux travaux des sciences que par une main de géant. » Ces géants civilisateurs et pacifiques qui remirent alors en peu de mois l’édifice entier sur ses bases, se nommaient Lagrange, Laplace, Monge, Berthollet… moment immortel ! […] Si tout est fixé, jusqu’aux moindres détails, il n’y a plus d’émulation : que l’objet de l’enseignement soit déterminé ; que la forme générale en soit réglée ; qu’il soit dirigé par une réunion d’hommes éclairés, mais que l’instruction publique soit vivante : que l’on cherche à exciter les esprits plutôt qu’à les enchaîner.

1993. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Il faut lire encore la Médaille, c’est-à-dire le beau côté et son revers : non plus une simple copie d’après nature, mais une invention ingénieuse de cette imagination charmante et souple qui savait prendre toutes les formes pour s’insinuer et persuader. […] Les Fables de Fénelon, sous leur forme enfantine ; lues dans l’esprit qui les a fait composer et vues en situation, deviennent fort intéressantes.

1994. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Armand Lefebvre avait une forme d’esprit essentiellement tournée à la considération des causes et des effets, à la suite et à l’enchaînement des questions. […] Armand Lefebvre avait cette forme d’esprit exigeante ; il était un peu comme Tocqueville, et, sans avoir comme lui le style qui grave, il avait la pensée qui pénètre et qui creuse ; il pesait longtemps avant de conclure, il concentrait plus qu’il ne déployait ; et, dans la conversation même, si mes souvenirs sont bien fidèles, son œil pétillant et vif, son sourire fin, laissaient deviner plus encore que sa parole n’en disait ; son geste fréquent, moins décisif que consultatif, et qui semblait s’adresser à sa propre pensée, exprimait cette habitude de réflexion et comme de dialogue intérieur.

1995. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

En l’acceptant même sous sa meilleure forme et tel qu’il nous revient des mains de M.  […] Berchoux y est remis à sa place pour ce poëme trop vanté de la Gastronomie, qui semble avoir été « composé en face d’un verre d’eau sucrée. » Il n’y a guère, en effet, que la forme de gastronomique dans ce badinage.

1996. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Il se plairait à reconnaître encore la nature et à la suivre jusqu’à travers les formes opposées sous lesquelles elle se déguise ou elle se trahit. […] Ce n’est plus la question classique ou romantique, si vous le voulez ; il s’agit de bien autre chose que d’une cocarde, que des coupes et des unités, — des formes et des couleurs — il s’agit du fond même et de la substance de nos jugements, des dispositions et des principes habituels en vertu desquels on sent et l’on est affecté.

1997. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Loyson, spiritualiste et même expressément chrétien, est tout voisin de cette muse prochaine des Méditations ; il l’est par l’élévation de la pensée, par le sentiment ; mais l’imagination n’est pas à la hauteur, et trop nourri de l’ancien goût, trop plein des formes classiques un peu usées, il n’atteint pas à l’expression puissante. […] Il y avait amalgame, mélange, tâtonnement ; la forme nette n’était pas encore dégagée et sortie de sa gaine.

1998. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

C’est, sans doute, une jouissance enivrante que de remplir l’univers de son nom, d’exister tellement au-delà de soi, qu’il soit possible de se faire illusion, et sur l’espace et sur la durée de la vie, et de se croire quelques-uns des attributs métaphysiques de l’infini ; l’âme se remplit d’un orgueilleux plaisir par le sentiment habituel, que toutes les pensées d’un grand nombre d’hommes sont dirigées sur vous ; que vous existez en présence de leur espoir ; que chaque méditation de votre esprit peut influer sur beaucoup de destinées ; que de grands événements se développent au-dedans de soi, et commandent, au nom du peuple, qui compte sur vos lumières, la plus vive attention à vos propres pensées ; les acclamations de la foule remuent l’âme, et par les réflexions qu’elles font naître, et par les commotions qu’elles excitent ; toutes ces formes animées, enfin, sous lesquelles la gloire se présente, doivent transporter la jeunesse d’espérance et l’enflammer d’émulation. […] Quand les difficultés des premiers pas sont vaincues, il se forme à l’instant deux partis sur une même réputation ; non, parce qu’il y a deux manières de la juger, mais parce que l’ambition parle pour ou contre : celui qui veut être l’adversaire des grands succès reste passif, tant que dure leur éclat, et c’est pendant ce temps, au contraire, que les amis ne cessent d’agir en votre faveur ; ils arrivent déjà fatigués à l’époque du malheur, lorsqu’il suffit au public du mobile seul de la curiosité, pour se lasser des mêmes éloges ; les ennemis paraissent avec des armes toutes nouvelles, tandis que les amis ont émoussé les leurs, en les faisant inutilement briller autour du char de triomphe.

1999. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

C’est d’abord une passion très vive, à la fois sincère et étudiée, pour certaines formes particulièrement élégantes de l’esprit français et pour les périodes où cet esprit a montré le plus de finesse et de grâce et aussi le plus de générosité. […] Weiss, n’est point de subir ou de copier la réalité, mais de la dominer, de la pétrir, soit en des œuvres d’art, soit par l’action matérielle ; c’est de lui imposer, dans la mesure où on le peut, la forme de son rêve.

2000. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Les Flaubert ou les Baudelaire choqueront toujours — par le sujet, la forme ou l’esprit — leur époque. […] Quant au cas désespérant d’un génie totalement anéanti par la seule obscurité, il doit nous apparaître aussi exceptionnel que celui d’un artiste réalisant cette merveille du pur cristal, forme et fond, et imposant son rayonnement officiellement, avant décès, même aux adversaires.

/ 3038