Quels que soient les défauts, les lacunes et les contradictions que présentent les personnages choisis ou créés par M. […] Il ne s’est pas enquis du sens précis de la tradition ; il ne s’est pas demandé quelle valeur il faut attribuer au passé, si les ouvrages admirés conseillent la servilité ou l’indépendance, s’il convient de les copier, ou d’engager la lutte et de créer à son tour. […] Vitet ; mais restituer n’est pas créer, et le poète qui ne crée pas ne mérite pas le nom de poète. […] Loin de là, toutes les parties, contradictoires en apparence, du caractère que le génie de Shakespeare a créé par sa seule volonté, se relient constamment dans une harmonieuse unité. […] Étant donnés les héros et les fables créés par le poète anglais, le dialogue de ses pièces ne pourrait sans absurdité se proposer l’unité grecque.
D’autres écrivains eurent, comme lui, à se créer leur isolement et à se sauvegarder des événements qui les voulaient arracher à eux-mêmes. […] Il n’a pas seulement créé aux romanciers à venir des obligations nouvelles et étendu son influence sur toute une région littéraire qu’il domine encore de sa grande ombre. […] Hugo seul, peut-être, eut conscience de l’importance profonde de Baudelaire quand il lui écrivit : « Vous avez créé un frisson nouveau ». […] Elles créent ainsi dans la mémoire une agitation pittoresque et mouvante. […] Les choses se dispersent et se retrouvent si singulièrement et le hasard crée des rencontres si mystérieuses !
Mais cette atmosphère, on doit la créer soi-même ; il est prudent de « faire bon visage aux à peu près », d’en jouir comme de bonheurs parfaits et même souvent de bâtir la maison de bonheur sans autres matériaux que des rêves. […] Pour créer de la douleur en lui-même et en l’adorée, Emmanuel fait semblant d’être marié. […] Par malheur, ses innombrables romans me confirment dans cette pensée que la femme est également incapable d’ordonner un livre et de créer un caractère. […] Attendri, je pardonne à celle qui a créé un peu de vie humaine d’avoir quelquefois fabriqué de la vie parisienne. […] Elle ne créera jamais ni un poème large, ni un drame puissant, ni un caractère autre que le sien, ni un roman qui ne soit pas son roman, ni surtout une doctrine philosophique.
Comme ils n’ont point assez d’esprit pour créer, ils ne font des livres qu’en dénigrant ceux qui paroissent. […] On diroit qu’il n’a créé sa maison & ses jardins qui sont délicieux, que pour les mettre dans un étui. […] C’est à qui renchérira le plus sur la maniere de créer & d’enchâsser des termes avec élégance… Ce mal vient de ce qu’on donne aujourd’hui quittance des pensées en faveur des mots. […] Il semble que tout ait été crée pour prendre ses ordres. […] Encore s’il n’y avoit que les journalistes ardens à montrer leurs défauts ; mais des êtres inconnus qui n’ont souvent ni capacité, ni mission, & qui ne pourroient pas créer un seul ouvrage, s’attachent aux meilleurs livres, comme les insectes aux excellens fruits, & les couvrent de leur venin.
Non pas en interdisant aux écrivains les tours nouveaux et les expressions créées : tout mot est bon qu’aucun autre ne remplacerait ; toute expression est française qui éclaire comme un phare dans la nuit. […] Parmi les écrivains qui se sont créé une personnalité propre et très accentuée, les plus éloignés de lui en apparence, les plus antipathiques à sa manière sont encore ses héritiers ou ses débiteurs. […] Le roman, vulgarisé dans le feuilleton, le feuilleton, multiplié par les livraisons à images, puis par les journaux à un sou, ces journaux-là eux-mêmes, qui semblaient être le nec plus ultra du bon marché, dépassés par le miracle de la petite presse quotidienne, ont créé des millions de lecteurs. […] Le Jet d’eau, la Malabaraise, Bien loin d’ici, les Yeux de Berthe, montrent que le poëte de l’horreur, qui a « doté le ciel de l’art d’on ne sait quel rayon macabre et créé un frisson nouveau », est aussi, quand il veut, le poëte de la grâce, non pas, il est vrai, de la grâce molle et vague, mais de la grâce étrange, mystérieuse et fascinatrice qui peut séduire des esprits raffinés. […] En aucun cas, la fortune née d’un coup de lansquenet ne doit créer une noblesse.
Mais il me semble plutôt que c’est un mot créé par elle et spontanément forgé, une articulation sympathique, qui d’elle-même s’est trouvée d’accord avec toute intention arrêtée et distincte, et qui, par suite, s’est associée à ses principales intentions arrêtées et distinctes, lesquelles sont aujourd’hui des envies de prendre, d’avoir, de faire prendre, de fixer son regard ou le regard d’autrui. […] Ham (manger, je veux manger). — Ici tout est créé, le son et le sens.
Entre l’homme actif et l’homme inerte, l’égalité de biens devient une injustice ; car l’un crée et l’autre dépense. […] L’impatience crée des illusions et des ruines au lieu de vérités.
La littérature en ce moment était exclusivement politique ; madame de Staël suivit d’autant plus naturellement ce courant qu’elle-même l’avait créé. […] Elle se flatta même que ce jeune génie s’inclinerait devant le sien, qu’elle acquerrait plus facilement sur ce dictateur l’ascendant qu’elle cherchait à se créer sur des chefs de factions multiples, qu’elle serait l’Aspasie française de ce futur Périclès.
Sans rival déjà parmi les sculpteurs du siècle, il rivalisait en se jouant les maîtres de la peinture, indifférent à l’instrument et à la matière, pourvu qu’il reproduisît la forme, l’attitude, le contour ou la couleur en toute chose créée ou pensée. […] En voici une faible traduction : Florence à la Liberté : « Ô femme, tu fus créée pour mille amants, dans la perfection de tes formes angéliques.
Ainsi, de l’honneur, de la foi féodale, il ne faut plus parler, et voici que la foi religieuse elle-même n’est plus de force à enlever l’homme, à créer de nobles formes d’âme et d’existence. […] Ce diplomate croit aux instruments diplomatiques, aux droits créés par les conventions de chancellerie, à la validité des titres poudreux et archaïques : terre d’Empire n’est pas terre de France, et il s’arrête, avec son maître Louis XI, devant cette distinction.
« Alors pourra venir celle-là : et l’amante au seuil très noblement s’alanguira, comprenant, sa rougeur d’ange exquisement éparse parmi le doux soir, l’Hymen immortel mêlé d’oubli et d’appréhension qui de son murmure visible emplira le site créé. » Cela veut dire, sauf erreur : — Supposons que le poète veuille, pour que l’amante y dorme le soir, un paysage digne d’elle et qui fasse rêver d’amour. […] C’est donc notre amour qui crée sa sainteté.
Et je relis avec mélancolie cette page de M. de Vogüé, dans la préface de son Roman russe : « Il se crée de nos jours, au-dessus des préférences de coteries et de nationalité, un esprit européen, un fond de culture, un fond d’idées et d’inclinations communs à toutes les sociétés intelligentes ; comme l’habit partout uniforme, on retrouve cet esprit assez semblable et docile aux mêmes influences, à Londres, à Pétersbourg, à Rome ou à Berlin… Cet esprit nous échappe ; la philosophie et la littérature de nos rivaux font lentement sa conquête ; nous ne le communiquons pas, nous le suivons à la remorque ; avec succès parfois, mais suivre n’est pas guider… Les idées générales qui transforment l’Europe ne sortent plus de l’âme française. » C’est peut-être qu’elles en sont sorties il y a cinquante ans. […] Que si nous les aimons précisément parce qu’elles sont très imparfaites, et parce qu’elles nous permettent de rêver autour d’elles et de créer ou d’achever nous-mêmes leur beauté à travers les traductions, sachons du moins que c’est à cause de cela que nous les aimons, et non pour une supériorité qu’elles n’eurent jamais… Je crois bien que je donne depuis quelques minutes dans le chauvinisme littéraire.
Il songe : — Que l’image de Notre-Dame de Lourdes ait été uniquement créée par le désir de Bernadette, qu’importe ? […] C’est le croyant qui crée, par son amour, la justice de son Dieu.
Quand on ne sait plus créer de cathédrales, on les gratte, on les imite. […] On trouve mauvais que nous autres civilisés nous touchions au dogme que des barbares ont créé.
Car les emplois auxquels il sert supposent les propriétés spécifiques qui le caractérisent, mais ne les créent pas. […] C’est une œuvre d’art, une machine construite tout entière de la main des hommes et qui, comme tous les produits de ce genre, n’est ce qu’elle est que parce que les hommes l’ont voulue telle ; un décret de la volonté l’a créée, un autre décret la peut transformer.
» Et c’est aussi là l’infirmité de Frédéric Moreau dans L’Éducation sentimentale, mais cette infirmité crée le procédé de Flaubert, dont la pensée ne fonctionne jamais non plus que sous la forme de tableaux. […] Il les eut autant que Henri Monnier, par exemple, qui a créé contre le bourgeois son Joseph Prud’homme immortel.
. — Le second nous fait voir que les premiers hommes qui représentaient l’enfance de l’humanité, étant incapables d’abstraire et de généraliser, furent contraints de créer les caractères poétiques, pour y ramener, comme à autant de modèles, toutes les espèces particulières qui auraient avec eux quelque ressemblance. […] Et même après l’expulsion des rois, de crainte d’altérer la forme des cérémonies, on créait un roi des choses sacrées ; c’était le chef des féciaux, ou hérauts de la république.
La raison en est simple : un hasard, une surprise, une catastrophe imprévue suffit pour reporter sur le trône des princes dont le nom parle encore à bien des imaginations qui se tournent naturellement vers eux dans un jour de crise ; mais, pour s’y maintenir, pour faire une juste part entre les intérêts et les principes dont ils sont les représentants et ceux qui se sont créés sans eux ou contre eux, pour se concilier, pour rassurer la masse de la population qui, s’étant momentanément attachée à un autre drapeau, ne peut les voir revenir qu’avec crainte et défiance, il faut un mélange d’intelligence, de sagacité, de fermeté et d’adresse que bien peu d’hommes ont possédé, comme Henri IV, au degré suffisant69.
Le mot de visée revient volontiers sous la plume de l’auteur ; il se crée des nœuds au dedans : « Il y a, dit-il, deux tendances en apparence inconciliables qui se trouvent unies dans ma nature ; mais comment s’est fait ce nœud ?
Pourtant un inconvénient est à craindre dans ces productions lyriques trop fréquentes, surtout quand on tient à les rattacher, ainsi que fait l’auteur, à des cadres distincts et composés : c’est qu’au lieu de réfléchir fidèlement dans les vers les nuances vraies qui se succèdent dans l’âme, on ne crée, on ne force un peu, on n’achève exprès des nuances qui ne sont qu’ébauchées encore ; c’est que, pour compléter sa corbeille de fruits, on n’en ajoute, aux naturels et aux plus beaux, d’autres plus énormes d’apparence, mais artificiels et nés à la hâte dans la serre échauffée de l’imagination.
Qu’on ne s’attende ici à rien de brillant, à rien de flatteur ni même d’agréable, à rien de ce que le talent, ce grand enchanteur, va évoquer à distance et deviner ou créer plutôt que de s’en passer.
Souvent les œuvres littéraires furent des actes politiques, quelquefois des actes décisifs : mais surtout l’état politique créa des conditions qui permirent à certains genres de grandir, ou de se transformer, ou d’éclore.
Ce sera ce goût antique qui ira se développant sous la Révolution, favorisé par les événements politiques et par le mouvement des idées : dégagé de plus en plus des éléments mondains, élégants, spirituels, auxquels il s’est allié d’abord, il créera des formes pures et froides ; il réalisera l’harmonie sans la vie, et la beauté par l’effacement du caractère ; il suscitera la correcte poésie des Fontanes, des Luce de Lancival et des Chênedollé ; il imposera même à l’imagination brûlante de Chateaubriand les idéales figures de Cymodocée et d’Atala, qui ressemblent à l’antique tout juste comme des marbres de Canova.
Je ne vois qu’un homme à signaler, qui vraiment a fait de la conférence autre chose qu’un discours ou une lecture, et s’y est créé une forme originale de parole.
L’essentiel était de manifester une originalité personnelle, de créer de l’esprit ou un système, et de se montrer avantageusement à l’occasion de son auteur.
Bien souvent, il substitua la restauration de vieilles formes émotionnelles à la simple ivresse de créer.
Disons que nous ignorons s’ils suscitent ou s’ils détruisent du bonheur : leur effet ne nous concerne point : pour nous seuls nous les créons, ils nous tonifient seuls.
En un mot, le temps psychologique nous est donné et nous voulons créer le temps scientifique et physique.
La scène changea lorsque Curie s’avisa de mettre le radium dans un calorimètre ; alors on vit que la quantité de chaleur incessamment créée était très notable.
Il s’était créé un style à part qui devait lui aliéner le commun des lecteurs, une langue qui s’adressait à tous les sens, pleine d’onomatopées, d’artifices typographiques, où les adverbes, des majuscules imprévues, se mettaient à chevaucher follement la phrase, où des incidentes répétées revenaient avec l’obsession du leitmotiv ; une langue musicale et orchestrée.