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1204. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Renan a sa couleur et son accent, et qu’elle n’est pas précisément celle du charbonnier.

1205. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Loti les désigne par de rares indications de formes, par des étiquettes de couleurs indéfiniment ressassées.

1206. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Je vous donne à deviner ce qui s’appelait, en ce temps-là, tour à tour, « une bibliothèque vivante où l’on apprend tout sans peine et sans étude ; une salle de musiciens où l’on entend les plus savants concerts ; un théâtre magnifique où tout ce qui frappe les yeux étonne l’esprit et glace la voix ; une école toute céleste où les esprits, de quelque étage qu’ils soient, peuvent, en y arrivant, s’élever à tous moments, et, par l’approche et la communication d’un corps lumineux, acquérir tous les jours des clartés nouvelles ; un parterre orné de fleurs de toutes les couleurs ; un corps qui marche à frais communs et à pas égaux vers l’immortalité ; le sanctuaire et la famille des Muses ; une si haute région d’esprit, que l’on en perd la pensée, comme, quand on est dans un air trop élevé, on perd la respiration. » C’est l’Académie française à qui s’adressaient ces louanges à la fois si énigmatiques et si outrées, dans des discours de réception où les nouveaux élus se donnaient toute cette peine pour ne pas se dire simplement reconnaissants.

1207. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Il ramène sur l’auditoire enfiévré la douceur fleurie et tranquille du ciel d’Hellas, et tandis qu’il récite, il semble qu’on entende le bruissement des lauriers-roses au long des rives harmonieuses… Je naquis au bord d’une mer dont la couleur Passe en douceur le saphir oriental… On attendait les chansonniers de Montmartre.

1208. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon.

1209. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Certains noms de couleurs en sont restés à la phase mixte, tantôt substantifs, tantôt adjectifs : teint brique, cheveux acajou, la Revue saumon 19 ; mais tout substantif français peut être employé adjectivement : le champ de la composition des mots selon ce système est donc illimité20.

1210. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Mais tous les esprits ne sont pas susceptibles au même degré de vibrer au contact de l’œuvre d’art, d’éprouver la totalité des émotions qu’elle peut fournir ; de là le rôle du critique : le critique doit renforcer toutes les notes harmoniques, mettre en relief toutes les couleurs complémentaires pour les rendre sensibles à tous.

1211. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Tournure poétique qui a l’avantage de mettre en contraste, dans l’espace de dix vers, les idées charmantes qui réveillent le printems, les oiseaux de Vénus, etc… et les couleurs opposées dans la description du peuple vautour.

1212. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

L’auteur peint l’amour avec des couleurs si fines & si touchantes, qu’il est à craindre que la lecture de ses écrits ne réveille ou n’entretienne cette passion dans les jeunes cœurs.

1213. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 2, de la musique rithmique » pp. 20-41

Mais comme nous disons quelquefois absolument le mouvement pour dire la mesure et le mouvement, les grecs disoient aussi quelquefois le rithme tout court, pour dire le rithme et le metre : c’est en prenant le mot de rithme dans cette acception qu’Aristote a dit dans sa poetique, que la musique fait ses imitations avec le chant, l’harmonie et le rithme ; ainsi que la peinture fait les siennes avec les traits et avec les couleurs.

1214. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

les choux et la salade tant aimés étalaient jusque sous la fenêtre leurs vives couleurs appétissantes.

1215. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

L’auteur comique peut donc reproduire d’anciens personnages sous d’autres couleurs, et peindre une seconde fois des figures qui ne sont plus les mêmes.

1216. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Celui de Mme de Chandeneux n’est qu’une dissolution de toutes les couleurs des livres qu’elle a lus, dans le verre d’eau de sa manière qu’on voudrait quelquefois plus pur… Je l’ai déjà dit de Mme de Chandeneux, elle a la plume légère.

1217. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

À travers ses compilations d’histoire et de voyages, écrites sans expression et sans couleur et où un déisme insignifiant est affirmé comme pour couvrir des marchandises suspectes, on sent le libre penseur qui, au tournant d’une phrase, salue presque respectueusement le honteux, grotesque et simiesque Darwin, — la Bête du temps, — et on croit ailleurs deviner çà et là le positiviste très peu positif qui se dissimule… Au vague de son esprit, sans conclusion comme sans vue fixe, Faliés ajoute le vague des doctrines, et si, parmi les civilisations qu’il pouvait étudier et dont il a oublié les principales, il a choisi (pour parler comme lui) les civilisations américaines, c’est qu’il a obéi — la chose n’est pas plus grosse que cela — au hasard de ses lectures et à la préférence de ses admirations.

1218. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

il lui mettait un œil de poudre d’or, comme ils faisaient, au xviiie  siècle, lorsque les flatteurs voulaient imiter la couleur des cheveux de la Reine.

1219. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Le poète le plus écarlate de la sonorité et de la couleur est trop exclusivement extérieur pour parler profondément de ce Shakespeare, qui surplombe, lui, également les deux mondes, le monde visible et l’invisible.

1220. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Il ne se ramasse pas en petits pelotons d’idées et ne se condense pas en Maximes comme La Rochefoucauld, et il a plus d’étendue et de profondeur que La Bruyère, qui n’est, après tout, qu’un portraitiste, éclatant de couleur comme une tapisserie des Gobelins.

1221. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

« J’aime mieux — disait madame de Staël — qu’on m’apprenne tout simplement la couleur de la voiture de monsieur un tel, que de me débiter solennellement des généralités sans puissance. » Madame de Staël avait raison.

1222. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Pour lui, mourir fut aussi simple que de changer sa veste de couleur musc d’Espagne contre la veste blanche dans laquelle il voulut marcher à l’échafaud, par une dernière coquetterie.

1223. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Il n’a ni la raideur ni la morgue classiques, il ne tient pas puérilement à la couleur locale et à ce que les pédants appellent, avec des airs suprêmes : la convenance dans le langage.

1224. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

C’est un esprit sans verve et sans couleur, laborieusement monotone dans son expression, toujours la même, et dont l’unique procédé dans la plaisanterie est de dégrader les choses élevées en les comparant aux choses basses, et de les dégrader encore en comparant les choses basses aux choses élevées… Tout le temps de son livre, il ne cesse de se balancer comme un singe sur cette puérile et fatigante escarpolette de l’antithèse.

1225. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Des scènes historiques qui ne sont que de l’imagerie historique, des découpures de personnages avec la petite couleur locale appropriée, ne valent pas la plus médiocre narration ou le plus médiocre jugement d’un historien quelconque ; car une narration et un jugement sont, après tout, des choses viriles, et des scènes historiques qui ne sont pas des chefs-d’œuvre ne sont que de la puérilité.

1226. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

… La haine de Michelet contre l’Église est un sentiment couleur de rose, en comparaison de la haine atrocement noire des libres-penseurs de ce délicieux moment.

1227. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

On y verra, du moins, qu’il n’était pas, comme homme, le violent d’âme et de passion égoïste comme on l’avait fait, et que, comme talent, il n’était pas non plus uniquement le violent de couleurs, de mouvement et d’idées, dans lequel on a vu trop exclusivement son génie.

1228. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Narcisse mécontent, qui disait du mal de sa figure avec coquetterie… « Squelette je suis né, — disait-il, — squelette je suis, et la mort ne me changera pas… » Ce squelette, il l’enveloppait dans un costume complet couleur de lavande, la veste, avec un mince filet d’argent ou de soie blanche, brodée au tambour, des bas de soie œil de perdrix, des boucles d’or, des manchettes et un jabot de dentelles, ce qui, pour un squelette, n’est pas trop mal !

1229. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Ce n’est pas pour rien qu’elle portait des robes couleur feuille morte, cette automnale Madame de Maintenon !

1230. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Le problème de cœur et de nature humaine posé par la correspondance de Madame Geoffrin, et qu’aurait agité certainement Stendhal, par exemple, l’auteur du traité De l’amour, s’il avait lu cette correspondance, ne préoccupe pas beaucoup l’esprit calme de cet éditeur sans enthousiasme, de ce peintre scrupuleux (est-ce de couleur ou de moralité ?

1231. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

Chargés de vérité et pour ainsi parler, pavoisés de couleurs d’un grand talent, dont le caractère est l’éclat, ces trois volumes, comme le vaisseau que montait l’aïeul de Cortès pour aller à la conquête d’un monde, s’en vont à la conquête des âmes, qui sont aussi des mondes et peut-être plus difficiles à conquérir… Quelle que soit leur destinée, c’est un service rendu à l’Église que d’avoir pensé à les traduire et à les publier dans cette langue française qui n’est pas seulement, comme on l’a dit, la langue de la diplomatie et de la philosophie, mais qui est plus qu’une autre la langue de la propagation et de la foi.

1232. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Pelletan cache plus d’une obscurité sous la couleur de son style, oriental d’éclat, brillant comme les escarboucles du diadème de Salomon, dont il n’a malheureusement pas la sagesse.

1233. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Dans ses ardeurs vers Dieu, le feu qui la consume, ce feu mystique, est blanc comme la neige à force d’être concentré, et voilà pourquoi les âmes accoutumées à la grossièreté de la terre et à l’expression violente et morbide de ses passions peuvent trouver sans couleur et sans fulgurance cette flamme divinisée en Dieu et qui a perdu l’écarlate de la flamme humaine !

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