Rien qu’à son nom et à l’aspect de son cachot, mes jambes fléchissaient sous mon corps. […] Nos âmes ont-elles jamais été un seul jour plus séparées que nos corps ? […] Le son de sa voix m’entra comme une musique dans tout le corps, je crus qu’un esprit de lumière était entré dans la caverne et m’avait parlé. […] » sous les balles des sbires, sur la place des exécutions de Lucques, et son corps livré au bourreau, comme celui d’un décapité par la hache, et enseveli par les frères de la Miséricorde dans le coin du Campo-Santo réservé aux meurtriers, avec la croix rouge sur leur sépulcre. […] Quant à la nourriture, nous n’y pensions seulement pas, bien que nous n’eussions plus, pour soutenir nos misérables corps et pour nourrir le chien Zampogna, que quelques croûtes de pain dur, que le père Hilario nous avait laissées dans sa besace jusqu’à son retour.
C’est dans ces salles funèbres que Michel-Ange, enfermé pendant les nuits, étudiait, à la lueur de la lampe des morts, cette anatomie du corps humain dans tous les âges qui devint comme la charpente cachée de ses statues. […] Jamais l’esprit de la Bible ne prit un corps plus imposant dans un bloc de pierre. […] La terre a recueilli ton beau corps et le ciel tes saintes pensées ! […] Il fit approcher son confesseur, son médecin, ses élèves favoris, et leur dicta en trois lignes son testament : « Je donne mon âme à Dieu, mon corps à la terre, mon bien à mes proches. […] On dressa son catafalque et on déposa son corps sous ce dôme de San Lorenzo, au milieu de ces statues du Jour et de la Nuit, du Crépuscule et de l’Aurore, ses plus divines conceptions.
Bardoux prend à sa droite Girardin, à sa gauche Berthelot : le fabricateur de La France a été jugé un convive plus important que le décompositeur des corps simples. […] La vieille femme a d’abord parlé de son mari malade, disant que depuis trois mois elle couchait sur le paillasson, et que lui, ne voulait pas aller à la consultation, parce que les médecins ne lui ôteraient pas le mal qu’il avait dans le corps, — et se courbant, et imitant une toux au plus profond de l’être, elle a ajouté : « C’est comme cela toute la nuit ! […] Et chez ces éclopés, aux pépins déteints, ficelés autour de leurs corps, et qui semblent les membres d’une immense association haillonneuse, loqueteuse, vermineuse, il n’y avait ni tristesse, ni désolation, mais bien au contraire régnait en eux un certain gaudissement, sur une note raillarde. […] Jeudi 10 octobre Au fond, dans toute cette Exposition de 1878, il n’y a guère que les objets d’art japonais, les imitations de verre de Venise, et le moulage russe d’un seul jet du corps d’une femme. […] J’étudiais ce poisson à l’œil carnassier, j’étudiais ses immobilités mortes au profond de l’eau, le ventre sur la grève, puis tout à coup les frottements de côté de ses flancs sur les cailloux : frottements fous et comme électriquement voluptueux, qui, à chaque contact du corps du poisson avec le fond, le fait remonter deux ou trois pieds en l’air.
Victime d’une fatalité qu’elle porte dans son corps ardent et dans le sang de ses veines, pas un instant elle ne consent au crime. […] Francillon s’appelle Franc-Chignon, a le diable au corps et fait des sauts de carpe. […] C’est la plus dramatique et la plus saisissante mise en action de la pensée de Pascal : « Tous les corps, les firmaments, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits, car il connaît tout cela et soi : et les corps, rien. Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité : car elle est d’un ordre infiniment plus élevé… De tous les corps ensemble on ne saurait en faire réussir une petite pensée ; cela est impossible, et d’un autre ordre. […] Mais Pallas leur dérobe le cœur et l’apporte encore palpitant à Jupiter, qui reforme autour de ce centre le corps de son fils, foudroie les Titans et l’associe à sa gloire.
À ce moment, éclata l’aventure boulangiste, Paul Déroulède s’y jeta à corps perdu. […] Mon corps se ressouvient d’avoir été limon, D’avoir été poussière, et mer, et sable et marbre ! […] Dieu. — Les voix se transforment, deviennent des corps animés, dont chacun incarne un symbole. […] Et son corps est précipité dans les flots du Pacifique. — Cependant la veuve Berny attend, au port de Brest, le retour du navire qui lui ramène son fils. […] Ils voudraient marcher en avant, engager la lutte, se mesurer corps à corps avec les Prussiens ; mais les généraux en décident autrement, et les pauvres diables, affamés, cahotés, exaspérés, continuent d’attendre une bataille qui ne vient pas.
Salviati, pendu à côté de lui dans ses habits pontificaux, s’attacha avec les dents au corps nu de Pazzi et ne cessa de le déchirer qu’en cessant de vivre. […] III Le corps de troupes que le pape avait fait marcher s’arrêta et se retira après l’assassinat manqué. […] La démocratie de Florence, gouvernée par les corps de métiers et surtout par les ouvriers de la laine, ne l’inquiétait pas au-dedans, mais l’inquiétait pour le gouvernement extérieur, qui demande plus de suite que la multitude n’en met dans ses passions. Il y remédia en créant un sénat, corps aristocratique plus empreint de l’intelligence du gouvernement. […] Toute la ville applaudit à ce meurtre, hormis un corps de troupes enfermées dans la citadelle.
Plus indépendante du corps que la sensibilité et l’imagination, elle ne souffre pas que la nature entreprenne sur ses droits. […] Est-ce un effet des circonstances extérieures d’un pays admirablement tempéré, où, sous un ciel qui ne nous opprime jamais, l’âme paraît plus indépendante du corps, et jouit d’une plus grande liberté ? Quoi qu’il en soit, nous avons toutes les inspirations qu’on peut tirer de cette grande idée de la patrie, regardée comme la demeure même de la raison et nous n’avons pas ce patriotisme étroit, qui naît de la dépendance même du corps à l’égard de la patrie matérielle, et qui borne les pensées à la vallée où l’on est né. […] Les aspirations qui renforcent les sons ne figurent, dans le corps de ses règles, qu’à titre d’exceptions ; les atténuations ou les élisions de certaines parties de mots, qui semblent des moyens d’éluder certaines difficultés de prononciation, y sont inconnues. […] Ce qui est pour la France comme une sorte de constitution écrite dans des grammaires et des vocabulaires officiels, consacrés et, si le temps n’avait pas tout relâché, défendus par des corps institués pour cet objet, est, chez les autres nations, une faculté individuelle qui n’est réglée que par le succès.
L’action réflexe, à son tour, décrit un arc de cercle plus ou moins étendu : une petite impression, comme un léger coup sur la tête, provoque une petite réaction, qui ne dépasse guère le cerveau ; une autre plus forte va jusqu’aux membres ; un coup violent met tout le corps en mouvement dans l’espace, etc. […] Les images simultanées du toucher et de la vue se disposent dans des cercles concentriques dont l’ensemble indéfini forme le monde extérieur ; l’un de ces cercles n’embrasse que notre corps, les autres embrassent les objets voisins de notre corps, les autres des objets de plus en plus éloignés, jusqu’à la voûte du firmament. N’apprenons-nous pas fort bien à distinguer ce qui se passe uniquement dans l’intimité du cerveau et ce qui nous vient de la périphérie du corps, fut-ce de la surface du crâne ? […] L’image d’un coup est elle-même, en somme, extérieure et objective ; seulement elle demeure cérébrale et n’est pas projetée hors de notre corps. […] Aussi le contraste s’établit-il tout seul entre la perspective d’images faibles constituant le passé et le tableau d’images vives constituant le présent, comme font contraste au grand soleil mon corps et son ombre, parce que les différences sont données ensemble et éclairées d’une même lumière.
L’auteur a l’art de fondre les faits & de les rapprocher pour en faire un corps. […] Il n’y a de lui dans le corps de l’ouvrage que quelques courtes réfléxions renfermées entre deux crochets, soit pour concilier les choses qui peuvent paroître contraires, soit pour servir de liaison aux différens passages des auteurs, soit pour instruire en peu de mots & édifier en passant le lecteur. […] Nous avons quelques corps d’histoires, & des catalogues raisonnés des hérésies, qui, de siécle en siécle, se sont élevés jusqu’à notre tems ; mais sans en excepter le Dictionnaire des Hérésies du R. […] Il y a pourtant des recherches curieuses ; mais les lecteurs qui ne sont pas prévenus par l’esprit de parti auroient souhaité que l’auteur en parlant d’un certain Corps qui ne subsiste plus en France, eût moins laissé voir de passion. […] Elle n’est pas plus ménagée dans le corps de l’ouvrage où l’auteur se livre à cette excessive liberté de penser qui est le défaut dominant de notre-siécle.
Joubert, « cette âme qui avait rencontré un corps et qui s’en tirait comme elle pouvait », est un document humain aussi bien que Mme Bovary, ce corps qui a rencontré une âme et qui s’en débarrasse comme elle peut. […] Jamais âme plus basse n’habita un corps moins poétique. […] D’un côté, elle s’attache surtout à la peinture du vice, à la laideur morale, à la maladie répugnante à voir du corps ou de l’âme ; de l’autre, elle emprunte de préférence les sujets de ses peintures aux classes inférieures de la société. […] sans doute je sais bien que ce sont des muscles et des tendons qui déterminent chacun de nos mouvements ; que les corps se composent d’os et de chair, de globules sanguins qui incessamment vont et viennent portés par la circulation. […] On peut continuer quelque temps encore avant d’avoir épuisé la série des corps de métiers.
Nous concluons de l’assimilation superficielle à l’assimilation profonde, de la parenté des corps à la parenté des âmes. — L’influence des ressemblances intérieures est d’ailleurs assez puissante pour contrebalancer au besoin celle des différences extérieures ; ceux qui communient dans une même foi se sentent portés à oublier que la race ou l’habit les séparaient. […] Parlant des Slaves du Sud réunis en zadrugas, Guy Coquille 107 disait que « par fraternité, amitié et liaison économique, ils font un seul corps ». […] Des cerveaux anatomiquement identiques porteront peut-être des idées toutes différentes, et des corps tout différents se cacheront sous des tenues identiques : les hommes ne se reproduisent pas seulement, ils s’imitent. […] Et, de fait, on se souvient qu’à Rome, l’époque où l’idée d’un Droit naturel prend corps est aussi celle où, avec toutes les races, toutes les pratiques et toutes les croyances s’entrecroisent et se mêlent. […] Sous le règne de la coutume, c’est-à-dire lorsque nous imitons un petit nombre d’individus en tout, nous faisons corps avec la collectivité, notre individualité disparaît.
Nous ferons remarquer, comme exemple de l’excellente manière à la fois expérimentale et philosophique de M. de Tocqueville, ce qu’il dit de la division du Corps législatif en deux branches aux États-Unis. Les Américains, en instituant deux Chambres, n’ont pas voulu créer une Assemblée héréditaire et une autre élective ; ils n’ont pas prétendu faire de l’une un Corps aristocratique, et de l’autre un représentant de la démocratie ; donner dans l’un un auxiliaire au pouvoir, et dans l’autre un organe au peuple : ils n’ont voulu que diviser la force législative, ralentir le mouvement des Assemblées politiques, et créer un tribunal d’appel pour la révision des lois. […] « Ainsi, dit M. de Tocqueville, cette théorie (la nécessité de partager l’action législative en plusieurs Corps) à peu près ignorée des républiques antiques, introduite dans le monde presque au hasard, ainsi que la plupart des grandes vérités, méconnue de plusieurs peuples modernes, est enfin passée comme un axiome dans la science politique de nos jours. » Il y a loin de cette prudente et saine façon de raisonner à tout ce qu’imaginent encore les uns sur les vertus inhérentes à une Chambre aristocratique et de grande propriété qu’ils voudraient reconstituer artificiellement, et à tout ce que déduisent les autres d’extrêmement logique sur l’unité simple d’une Chambre ou Convention souveraine qu’aucun pouvoir collatéral ne contrôlerait.
Elle prit le dogme corps à corps, elle essaya d’y mettre en évidence toutes les marques de l’invention humaine et d’y rendre inutile l’hypothèse d’une action divine. […] Les protestants, qui prétendaient restaurer la primitive Église, avaient été amenés à faire la part du divin et de l’humain dans le corps des traditions chrétiennes, soit contre le catholicisme romain, soit contre les sectes rivales issues également de la Réforme.
Ce fils d’un placide ministre protestant qui fut le plus audacieux des marins et peut-être de toutes les âmes qui aient été créées impassibles, était faible de corps jusqu’à l’infirmité, et les portraits que nous avons de lui avec ses cheveux longs et plats, les plans de ses joues vieillies avant l’âge, et son air de simple ecclésiastique de campagne, disent à qui sait que c’est là Nelson, toute la profondeur du cratère qu’il y avait en cet homme d’apparence si peu volcanique. Cœur tendre dans un pauvre corps avorté, il pouvait à peine se traîner sur la terre, et il alla à la mer, comme disent les Anglais, et jamais pied plus solide ne la foula, quand il fut dessus. […] Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale, aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté, et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes, borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie, cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité.
Ce fils d’un placide ministre protestant, qui fut le plus audacieux des marins et peut-être de toutes les âmes qui aient été créées impassibles, était faible de corps jusqu’à l’infirmité, et les portraits que nous avons de lui, avec ses cheveux longs et plats, les plans de ses joues vieillies avant l’âge, et son air de simple ecclésiastique de campagne, disent, à qui sait que c’est là Nelson, toute la profondeur du cratère qu’il y avait en cet homme d’apparence si peu volcanique. Cœur tendre dans un pauvre corps avorté, il pouvait à peine se traîner sur la terre et il alla à la mer, comme disent les Anglais, et jamais pied plus solide ne la foula, quand il fut dessus. […] Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes : borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité.
— signifie sagesse, n’a plus de sagesse à l’extrémité d’une vie folle que de vivre en bonne intelligence avec les femmes que ses anciens amants ont épousées ; n’ayant plus même l’énergie ou la délicatesse d’une jalousie qui reste quelquefois aux femmes les plus perdues ; pourrie de cœur dans un corps pourri, — ce qui n’étonne guères dans une courtisane, — mais pourrie jusque dans son esprit même, cet esprit par lequel elle avait bien plus régné que par son corps et que MM. de Goncourt voudraient nous faire croire immortel ! […] Elle est morte ruinée d’esprit comme de cœur et de corps.
D’ailleurs elle a de beaux yeux et est fort bien faite ; elle est blanche, a de beaux cheveux ; beaucoup de désir de plaire, remplie d’attentions ; de l’esprit, de la vivacité ; sentant parfaitement tout son bonheur ; souhaitant passionnément de réussir dans cette Cour-ci ; une très bonne santé, point délicate de corps ni d’esprit ; encore un peu enfant ; une extrême envie de bien apprendre le français ; demandant qu’on la reprenne sur les mauvais mots qu’elle pourra dire… » Après l’avoir vue de ses yeux, il adoucit quelques traits et y ajoute en bien : « Un beau teint, assez blanche, de beaux yeux bleu foncé, un assez vilain nez, des dents qui seront belles quand on y aura travaillé, la taille très jolie ; elle se tient un peu en avant en marchant ; un peu plus grande que Madame (Madame Henriette). […] Il appartiendrait au comte Vitzthum, dans une seconde édition de son livre, de prendre cette accusation corps à corps, et de n’en rien laisser debout24. […] Je compte, que ces dames s’amuseront fort bien ; j’ai un corps d’officiers très bien choisi… » A sa sœur, la princesse de Holstein, quinze jours après et pendant le séjour même de ces dames, il en parlait de plus en plus gaillardement, en vrai voisin de Rabelais, plaisantant toujours sur ses houlans, qu’il comparait à des moines reclus. […] Ils ne font tort qu’à ceux qui les emploient : « Ce pauvre corps gros, mou, sanguin, s’affaissa tout à coup.
L’Église n’est pas plus ménagée, ni la religion : Bernart l’âne est archiprêtre ; Primaut le loup, ivre du vin que Renart lui a fait boire, revêt l’étole, sonne les saints, et chante l’office à tue-tête devant l’autel ; Rosnel le mâtin joue le corps saint sur lequel on doit jurer, et machine un miracle, en promet faut de ressusciter au bon moment pour happer le parjure. Et voici tout le service funèbre de Renart (qui du reste n’est pas mort) : d’abord on chante auprès du corps les leçons, répons et versets des vigiles des morts ; puis le lendemain on sonne les sains, on porte le corps à l’église, on le dépose devant l’autel, et l’office commence. […] Nous apprenons comment se jouait une partie de dés au xiiie siècle, de quels cris de joie ou de colère les joueurs saluaient le point qu’ils amenaient, et que le perdant jurait par le corps de Dieu ou des saints. […] Pas une émotion n’altère l’ironique sérénité des conteurs, tandis qu’ils nous défilent cet interminable chapelet de ruses souvent brutales, et même meurtrières : ils n’ont d’applaudissement que pour la force, force du corps ou force de l’esprit : de réelle sympathie, ils n’en ont pour personne.
Il faut détruire l’antagonisme du corps et de l’esprit, non pas en égalant les deux termes, mais en portant l’un des termes à l’infini, de sorte que l’autre s’anéantisse et devienne comme zéro. Cela fait, accordez au corps ses jouissances ; car les lui refuser, ce serait supposer que ces misères ont quelque valeur. […] Nous disons, nous autres spiritualistes : « Sanctifiez-vous, et le plaisir deviendra pour vous insignifiant, et vous ne songerez pas au plaisir. » La sainteté, c’est de vivre de l’esprit, non du corps. Des esprits grossiers ont pu s’imaginer qu’en s’interdisant la vie du corps ils se rendaient plus aptes à la vie de l’esprit. […] Qu’est-ce qui résistera à la science, quand l’humanité elle-même sera savante et marchera tout d’un corps à l’assaut de la vérité ?
La tension en excès dans une partie du corps social se répand sur les autres parties. […] Les sensations de l’ouïe et de la vue semblent d’abord comme abstraites, étrangères à l’état intime des corps dont elles nous transmettent la forme ou les sons. Mais il ne faut pas oublier que l’ouïe et la vue rendent pour nous sensibles, dans les vibrations mêmes de l’air et de la lumière, les changements apportés à la direction et à l’amplitude de ces vibrations par les corps qu’elles ont rencontrés ; lorsque ces corps sont agités par des ondes nerveuses, celles-ci, arrivent Jusqu’à nous, portées pour ainsi dire par les ondes lumineuses ou sonores. […] La musique est du mouvement rendu sensible à l’oreille, une vibration de la vie propagée d’un corps à l’autre.
N’est-ce pas un spectacle de ce genre qui nous est offert, lorsque nous voyons le prêtre, cet atrophié, ce blessé, ce malade de corps et d’âme, redevenir sain, normal, s’acheminer vers sa libération corporelle et spirituelle ? […] Le prêtre, dont le corps, le cœur et l’esprit demeurent ensevelis sous le fardeau de la règle à laquelle il s’est attaché, est donc bien un malade, un être pitoyable, qui appelle tous nos soins. […] Atrophié dès le début par le séminaire, obscurci à l’âge viril par la chasteté, tenu perpétuellement en laisse par l’Église, malade de corps, de cœur et d’intelligence, le prêtre nous apparaît donc, parmi l’espèce humaine, l’être le moins apte à remplir le rôle qui lui est destiné, celui d’apôtre, d’éclaireur et de guide. […] Le monde est un lieu d’opprobre et de péché, la nature est maudite, seul le séjour divin est pur ; l’humanité se divise en deux groupes dont l’un, celui des fidèles, possède toute la vérité, l’autre, celui des infidèles ne possède que l’erreur ; l’homme se compose d’un corps, substance vile et méprisable et d’une âme, substance divine et immortelle. […] Puisque le monde est un lieu sans espoir, orientons notre destinée vers le mystique séjour ; puisque l’Église possède toute la vérité, étouffons tout ce qui n’est pas sa doctrine ; puisque le corps de l’homme n’est qu’abjection, exaltons, à ses dépens, sa divine substance spirituelle.
Afin d’observer quelque méthode dans cet ouvrage, il est divisé en plusieurs articles : Querelles particulières, ou Querelles d’auteur à auteur ; Querelles générales, ou Querelles sur de grands sujets ; Querelles de différens corps. […] On peut comparer les Querelles particulières aux combats singuliers ; les Querelles générales aux guerres réglées de nation à nation ; les Querelles de différens corps à ces combats où l’on appelloit des seconds, & où l’on combattoit parti contre parti.
L’auteur s’y montre un homme dégagé des préjugés de parti ou de corps ; il rend justice aux Protestans comme aux Catholiques, aux Jansénistes comme aux Molinistes, & dit la vérité avec une liberté judicieuse. […] Il a pourtant un avantage, c’est de renfermer en un corps, ce qui est dispersé dans cent volumes différens.
Un œil expérimenté reconnaîtra dans la femme du plus bel embonpoint les traces des muscles du corps de l’homme ; ces parties sont seulement plus coulantes dans la femme, et leurs limites plus fondues. […] Placez un linge entre la main de la Venus de Médicis, et la partie de son corps que cette main veut me dérober, et vous aurez fait d’une Venus pudique une Venus lascive, à moins que ce linge ne descende jusqu’aux pieds de la figure.
L’ame a ses besoins comme le corps, et l’un des plus grands besoins de l’homme est celui d’avoir l’esprit occupé. […] Il est facile de concevoir comment les travaux du corps, même ceux qui semblent demander le moins d’application, ne laissent pas d’occuper l’ame.
Il ne peut être bon qu’à former un corps de notables, et encore à condition que l’élection se fasse dans une forme que nous spécifierons plus tard. […] Tout cela venait du suffrage universel, puisque l’empereur, source de toute initiative, et le Corps législatif, seul contrepoids aux initiatives de l’empereur, en venaient. […] Le temps des volontaires indisciplinés et des corps francs est passé. […] Les cent vingt ou cent trente membres restants représenteraient les corps nationaux, les fonctions sociales. […] Cette chambre représenterait ainsi tout ce qui est une individualité dans l’État ; ce serait vraiment un corps conservateur de tous les droits et de toutes les libertés.
Ne détruisez pas sous une discipline la beauté native de son corps et de son âme. […] Mais rien n’est plus souple que ce corps, rien de plus aisé que les attaches des membres. […] Que de dons de l’âme et du corps réunis en un seul homme ! […] Le corps nu est chaste comme tous les vrais antiques. Ce qui rend la nudité impudique, c’est l’opposition de la vie du corps et de celle de l’âme.
Se sentir l’outrance morale que nous avons, et être trahis par des nerfs, par une faiblesse maladive, une lâcheté du creux de l’estomac, une chifferie du corps. […] C’est là qu’apparaît plus nettement l’individualité de l’organisme de chacun, cette personnalité de construction, qui empêche les monteurs de squelettes, de jamais confondre dans le tri de leurs matériaux, le plus petit os d’un corps avec celui d’un autre corps. […] On ne sait plus ce que fait son corps. […] Le beau pour lui est toujours la nature : le beau trouvé comme le beau à trouver… Et encore pour lui le corps humain actuel, dans les beaux échantillons, offre d’aussi beaux modèles que la Grèce. […] » Je ne parle pas seulement du contre-coup en nous de ces huées sauvages, mais de cette vie sans un moment de repos de l’esprit ou du corps.
Au xviie siècle, par exemple, les Universités, les Jésuites, l’Oratoire, Port-Royal, voilà quatre corps enseignants qui, avec des traits de ressemblance, ont des physionomies distinctes. […] Quelle part y est faite aux sciences, aux lettres, aux arts, aux exercices du corps ? […] Le corps académique a de la sorte encouragé, suivant les temps, telle ou telle tendance sociale. […] Le Parlement en corps suivit son convoi ; une pluie d’élégies et d’épitaphes célébrèrent Pindare et Homère mis au cercueil en sa personne. […] Chaque école a pris soin de condenser en corps de doctrines ses idées esthétiques, et les systèmes en isme, romantisme, réalisme, symbolisme, illusionisme, etc., ont pullulé avec surabondance.
Jusqu’ici, en parlant des universités de la Péninsule, Vicq d’Azyr n’avait en vue que de loin l’université de Paris, bien autrement pratique et avancée pour la branche médicale ; mais il y songeait manifestement et il y faisait une allusion qui devait être sentie de tous, lorsqu’il ajoutait : Semblable aux vieillards qui racontent avec enthousiasme ce qu’ils ont vu dans leur jeunesse et qui refusent d’apprendre ce que les modernes ont découvert, la plupart des anciens corps enseignants prodiguent des éloges aux âges qui les ont précédés, et se traînent péniblement après le leur. […] Dans l’Éloge de M. de Lassone, il indiquera plus directement encore, et par une exacte définition, le caractère qui doit distinguer les académies d’avec les facultés ou collèges : Les académies, disait-il en parlant des sociétés médicales de Londres et d’Édimbourg, les académies de ce genre et les facultés ou collèges de médecine ont toujours formé des corps distincts. […] Telle était la manière à la fois modérée et victorieuse par laquelle Vicq d’Azyr répondait aux requêtes et représentations de la faculté de Paris, qui demandait purement et simplement au roi le monopole absolu de l’enseignement et de l’examen médical, et qui disait : « Ordonnez qu’il n’y ait plus, comme il n’y a jamais eu, qu’un corps de médecine enseignant dans votre capitale ; et ce corps, jouissant de son institution, redoublera de zèle et méritera de plus en plus la protection et les bontés de son roi. » L’Ancien Régime se réformait de lui-même et se rajeunissait par parties ; bon gré mal gré, de bonne composition ou par la force, l’ère des corporations allait finir.