La logique nous invite à déterminer la condition de l’œuvre d’art, ensuite à distinguer le cas particulier de l’art dramatique ; en termes de l’école : à définir par le genre prochain et par la différence spécifique. […] À cette indispensable condition, la représentation sur la scène d’une action fictivement empruntée au réel suscitera l’émotion complémentaire, dans la communion de tous les spectateurs, voyant, en eux et devant eux, la double image d’une vie de représentation et de la représentation de cette vie. […] La formule de la condition du théâtre analytiquement établie, vérifions sa justesse par le contrôle de l’histoire, avant de la requérir pour nous expliquer le présent et nous pronostiquer l’avenir.
Avant d’indiquer dans quelle mesure et à quelles conditions elle est désirable et possible, il est bon de fixer, comme des garde-fous, les barrières que l’historien ne doit pas chercher à franchir. […] Je voudrais surtout que sous le voile de la fable il laissât entrevoir aux yeux exercés quelque vérité fine qui échappe au vulgaire. » Qu’est-ce à dire, sinon que les ordres inférieurs de beauté sont la base et par suite la condition d’existence des ordres supérieurs ; que la beauté morale et la beauté idéale sont le couronnement d’un édifice qui peut se passer d’elles, mais dont elles ne peuvent point se passer ? […] Au nom de ce principe, nous pouvons comprendre et accepter deux conditions qui s’imposent à tout écrivain et qui se limitent l’une l’autre.
Elle en eut besoin dans sa condition pour se tirer de l’état social inférieur où la comédienne se trouvait encore au commencement du xviiie siècle. […] Mais les femmes, même celles de talent comme la Champmeslé, n’avaient pu conquérir à aucun degré la considération ; elles restaient dans une condition socialement infime. […] On peut y joindre une ou deux femmes spirituelles, de condition et pas trop grandes dames, telles que la présidente Bertier, par exemple.
Elle était fille adultérine de Mme d’Albon, une dame de condition de Bourgogne, dont la fille légitime avait épousé le frère de Mme Du Deffand. C’est chez ce frère que, dans un voyage en Bourgogne, Mme Du Deffand rencontra à la campagne la jeune fille, alors âgée de vingt ans, opprimée, assujettie à des soins domestiques inférieurs et dans une condition tout à fait dépendante. […] Mme Du Deffand crut devoir prendre ses précautions, et lui dicta assez peu délicatement ses conditions là-dessus, avant de la faire venir près d’elle ; pour quelqu’un qui appréciait si bien son esprit, c’était bien mal connaître son cœur.
Voulant en venir à publier son propre discours qui a obtenu le prix, il commence par en railler les circonstances, par montrer ce prix en l’honneur de Malesherbes proposé sous la monarchie légitime et décerné sous la dynastie de Juillet, non sans avoir été quelque peu modifié dans ses conditions et dans son programme. […] Je reviens à lui, tel qu’il était aux pleines années de la Restauration, grand, bien fait de taille, d’une physionomie forte et fine, jouissant d’une position aisée et qui sentait l’indépendance, possédant, ce semble, toutes les conditions du bonheur, et pourtant ayant en lui un principe d’ironie et d’âcreté secrète que l’attrait piquant de son esprit ne recouvrait pas et ne faisait le plus souvent que mettre en saillie. […] Il avait eu soin de réaliser pour lui de longue main toutes ces conditions de flânerie heureuse (y compris, bien entendu, le célibat) ; et, comme ce flâneur encore qu’il a si bien décrit, il complétait la ressemblance par la crainte des visites qui retiennent chez lui l’honnête homme qui veut sortir.
Il n’importe point dans quel temps, mais à quelles conditions une négociation se termine. […] La condition des rois héréditaires allait devenir de plus en plus pareille à celle des fondateurs d’empires : il fallait presque, pour conserver désormais, le même génie et le même courage que pour créer et pour acquérir. […] Mais d’ordinaire, et dans le courant habituel, il est dans la bonne mesure, dans les conditions de l’exacte et juste milieu de la plus saine des langues.
Dans le beau portrait qu’il a tracé d’un général qui remplit toutes les conditions du commandement, il n’oublie pas celle-ci : « Un général doit être aussi magnifique que sa fortune le lui permet. » Ce n’est pas mon fait ici de suivre pas à pas Marmont dans tous les degrés de sa carrière. […] Il indique comme première condition de salut le besoin d’établir l’unité de commandement, et de réunir sous une même autorité toutes les troupes et tout le pays depuis Bayonne jusques et y compris Madrid et la Manche. […] Et moi, je crois qu’il faut dire, en embrassant toute la condition humaine : « Il est mieux qu’il ait vécu pour montrer ce que peut le malheur, la force des circonstances, une certaine fatalité s’attachant, s’acharnant à plus d’une reprise à une belle vie, un cœur généreux ressentant l’outrage sans en être abattu, sans en être aigri, et finalement une belle intelligence trouvant en elle des ressources pour s’en nourrir et des résultats avec lesquels elle se présente aujourd’hui, en définitive, devant la postérité. » 1.
Enfin il l’a magistralement repris dans Terres vierges, sans un oubli de détail, avec une pénétration psychologique, une maturité d’art, qui mettent ce livre du petit nombre des romans supérieurs du siècle ; l’atrophie éclate avec tous ses symptômes définis ; elle mine peu à peu les conditions premières de la vie et finit par détruire fatalement l’organisme, qu’elle ravage. […] Dans cette invasion d’idées adventices, il a perdu la condition première de toute vie sociale, l’aptitude à se tenir dans les rangs de ses compatriotes, l’instinct par lequel chaque individu se concerte avec d’autres pour un avantage dont une part lui reviendra. […] L’obscur passé leur est l’origine des maux qui, ayant commencé peuvent cesser d’être, et quant à la mort même, elle leur apparaît comme la condition essentielle de la durée prospère de l’espèce, qui ne saurait subsister utilement que par la destruction de ses représentants momentanés, comme le corps ne vit que par l’usure de ses cellules.
Le despotisme intelligent est la condition même de la liberté. […] La vie universelle a pour condition même le meurtre incessant. […] montrez au moins dans quelles conditions cette conciliation peut et doit se faire. […] Et, aussi, comme il satisfait plus pleinement la raison pure, à condition, du moins, que la critique sommeille ! […] On pardonne aux cœurs légers à la condition qu’ils aient l’esprit faible.
Une fois, dans une fête, une cérémonie solennelle à Pétersbourg, il s’agissait pour toutes les personnes de la cour de porter le costume russe national : cette condition, qui était de rigueur et ne soutïrait pas d’exception, était pénible au cœur français, au cœur impérial de la princesse. […] Tout ce qu’elle peut solliciter et appuyer, elle le fait ; elle considère cette charge, dit-elle, comme un des devoirs de sa condition.
« Ces phénomènes sont donc exactement pour lui dans la même condition que les phénomènes de la nature extérieure. » — Voilà cependant où leur logique les mène, et ils appellent cela faire de la science, et ne pas faire de l’imagination. […] Le moi qui profiterait de cette facilité trop fréquemment et avec trop d’amour, le moi qui se livrerait à la vie du dehors autrement que pour comprendre et regarder, le moi qui s’adonnerait à une pratique assidue de la nature et à de trop longues communications avec le monde matériel ; qui, franchissant le pont-levis dès le matin, s’égarerait dans ses pâturages et ses terres pour les amender, visiterait ses mines et ses canaux, dessécherait ses marais, transplanterait des troupeaux lointains pour s’enrichir de leurs toisons, croiserait des races, apprivoiserait une végétation agreste, assainirait un climat fangeux, et qui ne rentrerait au logis qu’à la nuit close, ce moi-là, selon les psychologistes, courrait grand risque d’oublier qu’il n’est pas dans les conditions essentielles de sa nature ; qu’il n’y a au fond et dans la réalité rien de commun entre cette matière et lui ; qu’il n’arrive à elle que moyennant un pont tremblant et fragile, sur la foi d’un laisser-passer arbitraire ; et qu’il ne doit pas s’attarder dans la plaine ni sur les monts, de peur des distractions trompeuses et des pièges sans nombre.
Enfin dans les deux descriptions j’apercevrai, non pas deux procédés seulement, ni deux arts, mais deux siècles et deux hommes : d’un côté, l’esprit lettré, l’orateur, qui raisonne sa sensation et ne conçoit rien que de triste hors des conditions du monde civilisé et de la vie de société ; de l’autre, le critique, l’artiste, capable de prendre tour à tour l’âme de tous les peuples, acceptant la sensation étrange et même illogique, habile à saisir la beauté dans les moins riants aspects de la nature, dans l’égalité monotone de la lumière. […] Maintes fois, vous n’aurez pas vu, vous ne pouvez voir l’objet qu’il vous faudra décrire : il vous restera à l’imaginer, c’est-à-dire à adapter, à joindre des fragments d’images, résidus de vos expériences antérieures, de façon à former une image qui puisse être la représentation sensible, aussi approchante que possible, de l’idée que vous prenez de l’objet, selon les conditions et les données qui vous sont indiquées.
Si vous ne l’aviez point lu, si vous ne le connaissiez que par le raccourci de drame anonyme où je l’ai résumé en commençant, peut-être hésiteriez-vous sur leur condition sociale. […] Hervieu ne nous dissimulent que l’amour sensuel est, en effet, le grand niveleur des conditions, et que, par lui, la femme du monde ou la grande dame a, comme les autres, ses heures simplement brutales et peut avoir même ses minutes « canailles ».
Elles naissent et cessent dans des conditions où notre présence n’a rien à voir, en général. […] Ainsi donc notre idée de l’esprit, ce n’est rien de plus que l’idée de la série de nos sensations actuelles et des possibilités infinies de sensation qui se réaliseront si les conditions appropriées se rencontrent.
Verrons-nous l’impudence d’un côté, la résignation de l’autre, se tendre une main aussi familière que serait celle d’une franche amitié dans une parfaite parité de condition, de vertu et d’honneur ? […] Je suis trop vieille pour changer de condition ; et selon le bien que j’aurai, je songerai à m’établir en pleine tranquillité.
Mais ce n’était pas l’Église qui contraignait : c’était une sûreté pour l’avenir que prenait Charlemagne entamé dans ses frontières ; c’était une condition de sa victoire. […] Le Protestantisme, qui, un peu plus tard, allait le forcer à donner son Édit de Nantes, aurait forcé le Catholicisme lassé, et qui mourait d’avoir un Roi, à l’accepter, sans condition.
Seulement, elle le trompe, et dans les conditions les plus ignominieuses pour elle et pour lui. […] Mais ce conflit est éternel et les conditions dans lesquelles il s’engage varient infiniment. […] Car la comtesse finit par consentir au mariage, à une seule condition ; et cette condition, Gontran n’ose pas la repousser. […] Il semble bien que la condition sociale du criminel soit pour beaucoup dans l’écœurement de Maxime. […] Il nous faut faire effort pour y entrer, et ce sont là de mauvaises conditions au théâtre.
Pressé par les Tripolitains d’interpréter à leur avantage une condition du Traité d’Alger, par laquelle ils étoient obligés à payer deux cent mille écus au profit du Roi de France ; malgré des offres considérables, il soutint que la stipulation portoit que la somme seroit payée en écus de France, & non en écus de Tripoli, ce qui eût causé une diminution très-considérable.
L’Ecrivain promene sans fatigue son Lecteur, au milieu d’une infinité de tableaux qui peignent d’après nature tout ce que la Scene du monde, depuis la Cour jusqu’aux plus basses conditions, peut offrir d’instructif & de varié.
Cette infirmité apparente n’est donc peut-être qu’une condition de succès ; et pour apprécier équitablement tout ceci, il faut en attendre les résultats. […] Il avait idéalisé dans ses dieux les âges, les sexes, toutes les conditions de l’humanité : le jeune homme, la vierge, le guerrier, la mère, le prêtre, le chantre, l’athlète, le roi, tout le monde avait son idole, comme on disait au moyen âge, son saint. […] Tel homme, tel art — tel art, tel homme, impossible de sortir de là, ce qui revient à dire que la première condition pour un artiste de transfigurer son art, pourrait bien être la transfiguration préalable de son entendement. […] Comme toutes les classes en seraient susceptibles à certaines conditions, c’est aux artistes à se soumettre à ces conditions pour faciliter l’accès de ccs jouissances à tout le monde. […] Que dans les conditions normales de sa spécialité, tout homme est exclusivement responsable de sa destinée et n’a à compter que sur lui-même.
La parole extérieure est assujettie à certaines conditions, les unes physiologiques, les autres sociales : à parler trop vite, la langue s’embarrasse ; si l’on parvient, comme certains acteurs, à concilier une extrême volubilité avec l’articulation la plus nette, on est mal compris par des auditeurs dont on surmène l’attention ; pour parler distinctement, se faire bien entendre et bien comprendre, il faut parler lentement ; puis il y a la nécessité toute physique de reprendre haleine de temps en temps, la parole n’ayant lieu que pendant l’expiration, le larynx étant impropre à vibrer normalement durant l’aspiration. La parole intérieure n’est soumise à aucune de ces conditions ; elle profite de cette indépendance. […] On sait qu’un état de conscience infinitésimal est comme un néant pour l’observation ; mais une accumulation de tels états fait une somme, une conscience totale, qui peut ou être appréciable à l’observation, ou du moins produire un effet appréciable, duquel on peut la déduire d’abord elle-même comme condition immédiate, puis déduire ses éléments comme condition indirecte et première. […] En définitive, rien n’est changé à nos premières déclarations : il reste établi que la parole intérieure est essentiellement une image simple, une image sonore ; l’image tactile qui, théoriquement, devrait l’accompagner toujours, est d’ordinaire réduite à une intensité minimum ; par suite, elle est inobservable ; certains faits très généraux semblent pourtant dénoter sa présence, parce qu’ils trouvent en elle la condition qui peut servir à les expliquer. […] A cette condition seulement, le psychologue peut acquérir la science du moi implicite, c’est-à-dire dépasser vraiment la psychologie du sens commun.
Seulement, des conditions spéciales de milieu et de tempérament firent que ces tendances diverses n’eurent, dans Amiel aucun contrepoids, en sorte qu’il laissa s’exagérer chez lui jusqu’à la maladie et l’esprit germanique et l’analyse, et le goût du songe.
Sainte-Beuve L’auteur, pour peu qu’il s’apaise un jour et qu’il rencontre les conditions d’existence et de développement dont il est digne, me paraît des plus capables de cultiver avec succès la poésie domestique et de peindre avec une douce émotion les scènes de la vie intime ; car si Mme Blanchecotte (ce qui est, je crois, son nom) a de la
Cette Princesse lui destinoit une chaîne d'or de dix mille francs, à condition qu'il retrancheroit de cet Ouvrage les louanges qu'il y donnoit au Comte de la Gardie, qu'elle avoit disgracié.
C’était là aussi que se formaient entre ces jeunes gens de diverses conditions sociales ces liaisons de l’adolescence qui devenaient ensuite à Rome les amitiés, les patronages, les clientèles de l’âge mûr. […] Le souvenir de son propre esclavage même et de sa condition d’affranchi lui faisait sentir plus qu’à un autre la passion de la supériorité sociale. […] On lui livrait ces noms obscurs, à la condition sans doute de ne pas toucher aux grands noms du parti d’Octave. […] Elles s’attachaient par des liens fugitifs, tantôt d’intérêt, tantôt d’amour, à des hommes de toute condition et de tout âge, aux uns pour leur opulence, aux autres pour leur beauté. […] Quand un peuple abdique par lâcheté ou par éblouissement entre les mains des soldats, il n’a plus le droit de se plaindre de la servitude ; celle de César était brillante, celle d’Auguste était douce, celle de Tibère pouvait être sinistre ; c’est la condition de l’hérédité du pouvoir absolu.
L’Angleterre, la France, la Russie, l’Autriche, la Prusse, l’Espagne, ne leur parurent plus que des comparses laissées par leur outrecuidance, sous condition, au rang des puissances pour applaudir à leurs exploits et pour saluer leur bannière étoilée promenée pendant vingt-cinq ans de port en port sur leur frégate nomade et à peu près unique, la Constitution. […] J’ai eu le bonheur de signer enfin cet affranchissement, honneur de la République, en 1848 ; mais je ne l’ai signé qu’avec la condition du rachat par l’État de cette nature honteuse de propriété d’une race humaine par une autre race ! […] Quand vous aurez dépossédé sans condition le blanc de sa propriété, que deviendra son revenu, et, le revenu supprimé, que deviendra le salaire du noir ? […] On conçoit aisément que ce peuple n’a encore presque aucune des conditions d’une littérature américaine. […] Pendant les grandes inondations, ce poisson ne veut d’aucune espèce d’amorce ; mais alors on peut le prendre à l’épervier ou à la seine, à condition que le pêcheur ait une parfaite connaissance des lieux.
Un poète tragique ou épique, comme Corneille ou comme Racine, peut imiter l’antiquité, parce qu’il peint la fable ou l’histoire, choses antiques qui se prêtent aux costumes et aux passions hors du temps ; mais un poète comique n’est comique qu’à la condition d’être vrai, d’être actuel et de prendre ses modèles, ses couleurs et ses aventures, non dans des mœurs mortes, mais dans des mœurs vivantes. […] Énumérez seulement quelques-unes des conditions innombrables de ce qu’on nomme style, et jugez s’il est au pouvoir de la rhétorique de créer dans un homme ou dans une femme une telle réunion de qualités diverses : Il faut qu’il soit vrai, et que le mot se modèle sur l’impression, sans quoi il ment à l’esprit, et l’on sent le comédien de parade au lieu de l’homme qui dit ce qu’il éprouve ; Il faut qu’il soit clair, sans quoi la parole passe dans la forme des mots, et laisse l’esprit en suspens dans les ténèbres ; Il faut qu’il jaillisse, sans quoi l’effort de l’écrivain se fait sentir à l’esprit du lecteur, et la fatigue de l’un se communique à l’autre ; Il faut qu’il soit transparent, sans quoi on ne lit pas jusqu’au fond de l’âme ; Il faut qu’il soit simple, sans quoi l’esprit a trop d’étonnement et trop de peine à suivre les raffinements de l’expression, et, pendant qu’il admire la phrase, l’impression s’évapore ; Il faut qu’il soit coloré, sans quoi il reste terne, quoique juste, et l’objet n’a que des lignes et point de reliefs ; Il faut qu’il soit imagé, sans quoi l’objet, seulement décrit, ne se représente dans aucun miroir et ne devient palpable à aucun sens ; Il faut qu’il soit sobre, car l’abondance rassasie ; Il faut qu’il soit abondant, car l’indigence de l’expression atteste la pauvreté de l’intelligence ; Il faut qu’il soit modeste, car l’éclat éblouit ; Il faut qu’il soit riche, car le dénûment attriste ; Il faut qu’il soit naturel, car l’artifice défigure par ses contorsions la pensée ; Il faut qu’il coure, car le mouvement seul entraîne ; Il faut qu’il soit chaud, car une douce chaleur est la température de l’âme ; Il faut qu’il soit facile, car tout ce qui est peiné est pénible ; Il faut qu’il s’élève et qu’il s’abaisse, car tout ce qui est uniforme est fastidieux ; Il faut qu’il raisonne, car l’homme est raison ; Il faut qu’il se passionne, car le cœur est passion ; Il faut qu’il converse, car la lecture est un entretien avec les absents ou avec les morts ; Il faut qu’il soit personnel et qu’il ait l’empreinte de l’esprit, car un homme ne ressemble pas à un autre ; Il faut qu’il soit lyrique, car l’âme a des cris comme la voix ; Il faut qu’il pleure, car la nature humaine a des gémissements et des larmes ; Il faut… Mais des pages ne suffiraient pas à énumérer tous ces éléments dont se compose le style. […] Il y a des vices dans les sacerdoces, et ces vices mêmes sont plus vicieux que dans les autres conditions, parce qu’ils jurent plus avec la sainteté de Dieu et avec la pureté de la morale. […] Rassembler le peuple de toute condition à une heure donnée, et le rassembler où ? […] Tout ce qui nous étonne, c’est que, dans de pareilles conditions de lieu, d’heure, d’auditoire, de liberté et d’autorité surhumaines, il n’y ait pas autant de Bossuets qu’il y a d’orateurs dans les chaires de Bossuet.
Est-ce qu’empêché de sortir de sa condition par le poids, le nombre, et l’astreignante continuité des obligations qui l’y retiennent, « l’individu », serf ou seigneur, clerc ou laïque, moine ou baron, ne s’appartient pas à lui-même ? […] Commynes a peu de préjugés, ce qui est toujours une excellente condition pour écrire l’histoire ; il a de l’expérience ; et surtout il a vécu dans la familiarité de l’un des modèles les plus originaux que jamais peintre ait rencontrés. […] L’élément germanique ; — et d’abord, dans quelles conditions se sont faites les « invasions barbares ». […] C’est presque aussitôt après que l’histoire proprement dite se dégage de l’épopée. — Geoffroi de Villehardouin et La Conquête de Constantinople, 1210-1215 ; — conditions « épiques » de l’événement, et allure « épique » du récit ; — comparaison à cet égard de l’évolution de l’épopée française et de celle de l’épopée grecque : — l’auteur de la Conquête de Constantinople est à l’auteur de la Chanson de Roland ce qu’Hérodote est à Homère. — Il serait plus arbitraire de prétendre retrouver le caractère « épique » dans la Vie de saint Louis, du sire de Joinville, 1275 ; — et cependant, si saint Louis en est le héros, ne peut-on pas dire que l’hagiographie est la véritable épopée chrétienne ? […] La valeur des Mystères, — et qu’en général, au point de vue littéraire, ils sont la médiocrité même ; — ce qui s’explique aisément si le théâtre vit de son fonds, comme un art indépendant ; — et que l’histoire n’en coïncide qu’accidentellement avec celle de la littérature. — Mais les Mystères ne sont même pas du théâtre : ils ne sont que du « spectacle », — et leurs auteurs ne les ont traités que comme tel. — Que cette opinion est prouvée par les conditions mêmes de la représentation des Mystères. — Et cela ne veut pas dire qu’ils ne contiennent parfois des « aventures » intéressantes, comme quelques Mystères du Cycle des saints ; — des scènes où se retrouve quelque chose de la grandeur du modèle, comme les Mystères du Cycle de l’Ancien Testament ; — et des « épisodes » curieux, d’un caractère plus ou moins réaliste, comme les Mystères du Cycle du Nouveau Testament ; — mais cela veut dire qu’ils n’ont aucune valeur littéraire ; — que l’on n’a pas à regretter leur décadence ni leur mort, — et qu’il n’a rien passé d’eux, même dans le théâtre « chrétien » de l’époque classique.
Lorsque de toutes parts il n’était question en France, en Angleterre, en Italie, que de plaisir, d’intérêt et de bonheur, une voix s’éleva de Kœnigsberg pour rappeler l’âme humaine au sentiment de sa dignité, et enseigner aux individus et aux nations qu’au-dessus des attraits du plaisir et des calculs de l’intérêt, il y a quelque chose encore, une règle, une loi, une loi immuable, obligatoire en tout temps et en tout lieu et dans toutes les conditions sociales ou privées : la loi du devoir. […] Il faut consentir à sa condition, et puisque notre condition est d’être hommes, nous devons agiter les problèmes humains. […] Une telle recherche West pas la science, mais elle en est la condition. […] Le principe d’identité n’engendre pas les démonstrations mathématiques, il en est seulement la condition nécessaire ; sans lui, les mathématiques ne peuvent faire un pas, mais ce n’est point par lui qu’elles avancent.
je veux dire : le fait de leur succession est-il l’œuvre des circonstances, des conditions du dehors ? […] Par exemple, il n’était pas nécessaire que Louis XIl fît la guerre pendant un demi-siècle, et si les guerres de son règne, comme vous n’en doutez pas, ont réagi sur la structure de la société de son temps, voilà la différence des conditions historiques et des conditions sociales. […] Et eux-mêmes n’ont de place et de rang dans l’histoire de la littérature qu’à cette condition. […] Mais, dans ces conditions, est-il étonnant que la littérature se présente à, nous comme l’expression de la société ? […] Mauvaise condition, quoi que l’on en dise, pour juger équitablement les œuvres et les hommes : il y faut plus de recul et de perspective.