Bonaparte venait d’apparaître et d’hériter de tout le monde. […] C’étaient ensuite mille autres questions sur l’état de mon cœur : elles me demandaient si j’avais vu une biche blanche dans mes songes, et si les arbres de la vallée secrète m’avaient conseillé d’aimer. » Cependant Atala apparaît pour la première fois à Chactas : « Une nuit que les Muscogulges avaient placé leur camp sur le bord d’une forêt, j’étais assis auprès du feu de la guerre avec le chasseur commis à ma garde. […] « La même rencontre, dit-il, la même méprise se reproduit presque toutes les fois qu’un homme de génie apparaît en littérature.
Il apparaît, à lire Villehardouin, qu’un des puissants motifs qui lui font appuyer la politique de Boniface et du doge, c’est qu’il a engagé sa foi aux Vénitiens : ceux-ci, qui s’accommodaient fort pour leur commerce de la présence des Musulmans en Egypte, ne tenaient pas à y conduire des chrétiens. […] La foi servant à la politique, les actes égoïstes sortant d’une volonté de sacrifice, la cruauté et l’intérêt se faisant ministres de la justice et vengeurs du crime, on voit apparaître ici, quand on lit bien, quelques-uns des éternels sophismes, des incessantes contradictions de la faible humanité qui ne peut renoncer ni à rêver le bien ni à suivre son bien. […] Le temps avait un peu brouillé dans son esprit la chronologie : et le dessin des opérations militaires lui apparaît un peu confusément.
Voyons les choses dont les petits livrets envolés de Ferney entretiennent le public : ce sont les événements du jour, ceux où apparaît quelque abus, quelque vice social, quelque effet des vieux préjugés et de la tradition oppressive ou fanatique. […] Tel apparut aussi Voltaire aux Parisiens en 1778. […] La même ironie apparaîtra dans le choix des faits : chacun d’eux est comme une expérience bien combinée qui dégage instantanément le contenu de vérité ou d’erreur qu’une théorie abstraite dissimule.
Une sainte épouvante a gonflé leurs narines Sous des dieux apparus loin de leur ciel natal… Elle les voit si beaux ! […] Ce fonds sérieux d’idées générales n’est jamais absent : souvent, à l’improviste, à propos de quelque observation particulière, il apparaît comme dans un éclair, et l’on voit tout à coup, derrière le souvenir ou l’impression notée en passant, s’ouvrir, par la vertu de quelques mots, des lointains qui troublent et qui font songer. […] Ils n’apparaissent que comme des démonstrations piquantes de l’instinct de conservation et de conquête, comme les premiers et innocents engagements de la lutte nécessaire pour la vie.
Un des défauts caractéristiques auxquels se laisse aller celui qui vit trop exclusivement pour l’art et s’attache au culte des formes, c’est de ne plus voir et sentir avec force dans la vie que ce qui lui paraît le plus facile à représenter par l’art, « ce qui peut immédiatement se transposer dans le domaine de la fiction. » Flaubert, qui était artiste dans la mœlle des os et qui s’en piquait, a exprimé cet état d’esprit avec une précision merveilleuse : selon lui, vous êtes né pour l’art si les accidents du monde, dès qu’ils sont perçus, vous apparaissent transposés comme pour l’emploi d’une illusion à décrire, tellement que toutes les choses, y compris votre existence, ne vous semblent pas avoir d’autre utilité. […] Hugo apparaîtra plutôt comme un grand songeur, mais « ce genre de songe profond est la caractéristique de la plupart des génies, qui sont emportés par leur pensée plutôt qu’ils ne la maîtrisent ». […] Les hommes passent et leurs vies avec eux, le sentiment demeure… Ce qui fait que quelques-uns d’entre nous donnent parfois si facilement leur vie pour un sentiment élevé, c’est que ce sentiment leur apparaît en eux-mêmes plus réel que tous les autres faits secondaires de leur existence individuelle ; c’est avec raison que devant lui tout disparaît, s’anéantit.
La beauté très primitive inhérente à l’utilité, en tant qu’ensemble de moyens et de fins bien ordonnés, apparaît, surtout quand cette utilité est plus visible et quand l’objet utile, mis en action, prouve immédiatement devant nous son usage. […] La solidarité et la sympathie, des diverses parties du moi nous a semblé constituer le premier degré de l’émotion esthétique ; la solidarité sociale et la sympathie universelle va nous apparaître comme le principe de l’émotion esthétique la plus complexe et la plus élevée. […] Prenons pour exemple le paysage : il nous apparaîtra comme une association entre l’homme et les êtres de la nature.
* ** Mais, refuser de connaître l’égalitarisme au point de départ des sociétés, ce n’est nullement affirmer — nous ne l’oublions pas — qu’il ne peut apparaître qu’aux dernières étapes de leur évolution. […] Ni l’une ni l’autre n’avaient trouvé place dans les fondements de la cité antique : elles nous apparaîtront au moins un instant, debout sur ses ruines. […] Pourquoi est-elle apparue là, et non ailleurs ?
Béatrice lui apparaît en songe, portée sur une nuée de feu, et ravie par l’amour jusqu’aux sphères célestes. […] Effrayé, il recule, il va retomber aux ténèbres de la forêt, quand soudain une ombre lui apparaît qui le rassure et l’invite à le suivre. […] Et que le dieu vous apparu ! […] Mais dans ces vagues contours où l’émotion tremble encore, quel charme, et que cette morte adorée nous apparaît touchante en son linceul ! […] Le spectre de Hamlet apparaissait au seuil des universités.
Que le monde nous apparaisse dans sa spontanéité. […] Voici que dans le secret l’œuvre de Claudel se reforme, se rassemble, se condense et nous apparaît soudain dans sa terrible beauté. […] Elle n’apparaissait dans les drames que par moments. […] Limpide et tremblante distinction, comme à travers le voile de la chaleur le paysage qui bouge, apparaît plus subtil et plus clair. — L’orchestre de Debussy est perpétuellement divisé. […] Aux quelques lecteurs des Cahiers d’André Walter, Gide sans doute apparut d’abord pur et méfiant, auprès de la vie plein de scrupule, chaste, je veux dire : séparé.
Ce qui apparaît évidemment, c’est qu’il est profondément chrétien. […] Mais ces indices d’une imminente transformation apparaissent plus nombreux et plus nets dans la prose de Montchrétien. […] Enfin, l’admirateur et le disciple des anciens nous apparaîtra dans les Mélanges inédits. […] Le Sage apparaissait soudain, comme un phénomène singulier, dans un siècle qui semblait déjà orienté vers l’Angleterre. […] Le sens, le rythme, et tous les caractères du mouvement apparaîtront mieux, quand il sera comme dessiné par les seuls noms de ceux qui en ont réellement modifié la vitesse ou la direction.
Il est à genoux, et tout d’un coup la sainte Vierge lui apparaît.
La colonisation lui apparaissait au-delà de la guerre, et tout en lui élargissait cette pensée.
Dans lesquels seuls le fond du cœur peut apparaître.
Rathery est d’une remarquable précision quand il fixe le point où l’influence française finit en Italie et où l’influence italienne apparaît en France.
Vous verrez apparaître un petit Breton qui, sorti de l’Église, est aussi énergique dans sa négation de fraîche date qu’il a pu l’être dans sa foi. […] Maintenant, sa vie lui apparaît comme « une charmante promenade à travers la réalité ». […] Bourget apparaît dès l’abord comme une des intelligences les plus complètes, les plus meublées, les plus compréhensives de ce temps. […] Lemaître ne retient que ce qu’il y a d’humain et apparaît ainsi manifestement dépourvu de génie métaphysique. […] En sorte que son œuvre critique apparaît aujourd’hui comme un monument isolé, que quelques-uns iront toujours visiter avec intérêt, mais qui ne sera ni imité ni continué.
Si cela ne vous apparaît pas, à vous, avec la même évidence, qu’y puis-je ? […] … Oui, j’entends bien, il y a des moments où ce seul fait, que l’on est au monde, et que le monde existe, apparaît comme tout à fait incompréhensible, nous emplit d’une indicible stupeur. […] Cette incapacité apparaît lorsqu’ils s’avisent de classer nos écrivains : ils mettent ensemble les grands et les médiocres. […] J’observe toutefois que, si la réalité est peut-être moins impudique qu’elle n’apparaît dans quelques-uns de nos romans réalistes, elle l’est certainement beaucoup plus que les romans anglais ou russes ne nous le feraient croire.
Si bien que cette représentation se trouvait être une évocation véritable, et que, derrière l’actrice chargée de figurer son image, apparaissait le pâle et frêle fantôme de la jeune morte, revenue à la vie rêveuse du drame et de la nuit pour recommencer, comme pendant sa vie, à troubler et à inquiéter les cœurs. […] Et pourtant la Mort apparaît, dans ce boudoir délabré, moins pathétique qu’élégiaque et plus touchante que terrible. […] A peine l’artiste a-t-il le temps de fuir par une porte secrète, que le mari apparaît, grave, sérieux, glacé, poli, comme toujours. […] Quant à cette Diane de Lys, sœur de la Dame aux Camélias, quoi qu’on en dise, je ne veux pas la faire meilleure qu’elle ne m’apparaît.
Nous avons vu avec Diderot, avec Rousseau, les thèmes lyriques se constituer : les caractères propres du romantisme, l’infini des aspirations et des lamentations, le goût des larmes, des ruines, de la tristesse et de la mort, la recherche des contrastes touchants ou terribles, tout cela apparaît entre Rousseau et Volney607. […] Il nous apparaît vaguement confondu dans la troupe des versificateurs, à peine distinct par un air original de bonté attendrie, sans emphase et sans fadeur : voilà pour ses poésies ; pour son théâtre, il ne s’est sauvé de l’oubli que par le ridicule.
L’Église, par une fausse manœuvre qui lui a coûté cher, s’était laissé lier aux partis politiques : elle apparaissait comme la grande ennemie de la liberté et de l’égalité. […] Louis Veuillot840, d’origine populaire, et qui se cultiva sans s’éloigner du peuple, homme de volonté forte et d’ardente charité, devint catholique en visitant Rome : le catholicisme lui apparut comme l’unique croyance où les misérables pouvaient se consoler, comme l’unique autorité qui devait guérir les misères.
Vraiment il plane et n’effleure que la surface brillante de l’univers, comme un dieu innocent et ignorant de ce qui est au-dessous, ou plutôt comme un être paradoxal et fantasque, un porte-lauriers pour de bon qui se promène dans la vie comme dans un rêve magnifique et à qui la réalité, même contemporaine n’apparaît qu’à travers des souvenirs de mythologie, des voiles éclatants et transparents qui la colorent et l’agrandissent. […] Ces Idylles prussiennes, sur lesquelles je veux particulièrement insister, ne sont pas seulement les plus belles poésies du volume, mais elles portent avec elles un caractère de nouveauté si peu attendu et si étonnant, qu’en vérité on peut tout croire de la puissance d’un poète qui, après trente ans de la vie poétique de la plus stricte unité, apparaît poète tout à coup dans un tout autre ordre de sentiments et d’idées, — et poète, comme certainement jusque-là il ne l’avait jamais été !
Voilà donc la règle que nous suivons, et la seule que nous puissions suivre ; quand un phénomène nous apparaît comme la cause d’un autre, nous le regardons comme antérieur. C’est donc par la cause que nous définissons le temps ; mais le plus souvent, quand deux faits nous apparaissent liés par une relation constante, comment reconnaissons-nous lequel est la cause et lequel est l’effet ?
Le siècle présent n’apparaît jamais qu’à travers un nuage de poussière soulevé par le tumulte de la vie réelle ; on a peine à distinguer dans ce tourbillon les formes belles et pures de l’idéal. Au contraire, ce nuage des petits intérêts étant tombé pour le passé, il nous apparaît grave, sévère, désintéressé.
Plus complexe apparaît le cas du romancier, comme aussi le cas de l’homme de théâtre — car il vaut mieux pour l’instant les confondre, et les opposer au poète ensemble. […] Il apparaît dès aujourd’hui le vrai classique, et dont le temps ne fait que commencer encore. » J’ai nommé Gustave Flaubert.
Une fois que cette idée lui apparut, elle lui apparut non comme une idée, mais comme un devoir.
Pour apparaître dans sa splendeur presque mystique, tant elle est pure et religieuse aux yeux de la postérité, Lamartine n’a besoin ni d’une statue, fût-elle de Michel-Ange lui-même, ni d’une biographie, fût-elle de n’importe qui ! […] Il n’a pas le bonheur, si c’est là un bonheur que cette bonne fortune éphémère, d’être éloigné de nous et de nous apparaître avec la grandeur et le mirage des bâtons flottants !
Vue de près, sa gaieté même manque souvent de franchise ; elle apparaît extérieure et superficielle ; on sent qu’il se force à la joie, mais qu’au fond de son âme une invincible tristesse le poursuit et l’étreint. […] En définitive, vus d’ensemble, ils apparaissent simplement comme une série de soubresauts psychologiques, d’idées, de sensations, d’accidents, de phénomènes capricieux, qui se suivent en désordre, selon l’enchaînement que leur donne le hasard. […] Notons d’ailleurs que, dans le passage cité plus haut : « Ce qu’on appelle la Nature m’apparaît comme un bourreau et un tortureur », la version primitive et non imprimée d’abord, contenait ces mots : « Dieu m’apparaît comme un bourreau et un tortureur. » Si l’acuité des sensations leur a révélé aussi profondément quelques mystérieux aspects de l’univers, ils ont deviné, avec une perspicacité non moins extraordinaire, les règles qui conduisent les évolutions des sociétés civilisées. […] Il n’en parla que très rarement, très superficiellement et avec une sorte d’indifférence dédaigneuse ; à l’inverse du poète antique, tout ce qui touchait à l’humanité lui resta étranger d’une manière à peu près absolue, et n’apparut dans son œuvre que par hasard, comme un reflet de son caractère propre. […] Quand apparurent les terribles symptômes, il n’avait encore composé que des fragments sans importance, plus son roman de Novembre, et avec une facilité extrême, en deux mois.
Ses deux personnages, Kerguen et Smilis, lui apparaissent toujours tels qu’il les a rêvés, comme deux types idéaux, comme les deux symboles de la chasteté et du sacrifice. […] C’est alors qu’apparaît l’éternelle tentatrice sous les traits d’une vierge, Sara, qui lui inspire un ardent amour. […] C’est un miroir infiniment mobile, où apparaissent les divers aspects des choses ; et c’est en même temps une symphonie. […] Cette tête coupée qui rouvre les yeux, nous la contemplons, elle nous est montrée, elle nous apparaît avec une merveilleuse intensité de coloris. […] Il nous apparaît, à la réflexion, comme un monstre d’indifférence.
Ce fut autre chose quand vinrent ce que j’appelle les recrues de 1831-1833, et quand la Bohême de l’impasse du Doyenné apparut à l’horizon.
C’est bien le recueil d’un ramageur de ballades à la cour des Papes en Avignon, ou d’un ménestrel du royaume d’Arles, au temps de la comtesse de Die : cela chante, chatoie, frissonne et flamboie comme une étoffe de soie moirée de jadis, avec des cliquetis de joaillerie et une belle envolée d’oriflammes ; cela jase comme un jet d’eau, babille comme une mandoline et embaume comme une fleur : marjolaine et pimprenelle ; c’est à la fois sauvage, élégant et précieux, et c’est bien en mai neigeux d’amandiers ou en juin de flamme qu’il faut feuilleter, à l’heure de la sieste, avec la mer ensoleillée apparue entre les lamelles des persiennes closes, ces jolis lais et virelais qui fleurent la ruine, le thym, le passé et la brise du large… [Le Journal (8 juin 1897).]
Aussi, tandis que la leur apparaît surtout comme analytique, critique, négative, destructive, la sienne fait l’effet d’être synthétique, poétique, positive, constructive. […] Exerçons l’instinct ; aidons la réflexion à se dégager des sensations ; attendons, sans la prévenir, que la raison apparaisse. […] Et ici apparaît la vérité profonde enfermée dans le paradoxe qu’il soutient contre les arts et les lettres. […] Jean-Jacques nous apparaît aussi comme le restaurateur de la morale. […] Il a noté que la nature changeait avec lui, c’est-à-dire que, restant la même, elle lui apparaissait différente lorsqu’il n’était plus le même : et ainsi il a été un grand docteur de relativité.