Ainsi métamorphosé, il a réfuté par une équivoque le scepticisme, doctrine immorale ; réduit la psychologie à l’étude de la raison et de la liberté, seules facultés qui aient rapport à la morale ; défini la raison et la liberté de manière à servir la morale ; prescrit à l’art l’expression de la beauté morale ; institué Dieu comme gardien de la morale, et fondé l’immortalité de l’âme comme sanction de la morale. […] Personne ne se scandalisa en voyant M. de Chateaubriand recommander le christianisme à titre d’agréable, changer Dieu en tapissier décorateur, et répondre à la géologie nouvelle que le monde fut créé vieux. […] Pendant trente ans, tout jeune homme fut un Hamlet au petit pied, six mois durant, parfois davantage, dégoûté de tout, ne sachant que désirer, croire ou faire, découragé, douteur, amer, ayant besoin de bonheur, regardant au bout de ses bottes pour voir si, par hasard, il n’y trouverait pas le système du monde, entre-choquant les mots Dieu, nature, humanité, idéal, synthèse, et finissant par se laisser choir dans quelque métier ou dans quelque plaisir machinal, dans les coulisses de la Bourse ou de l’Opéra. […] Les odes furent des méditations, des traités de morale, des cours de théologie : on s’affligea en vers de savoir et de ne pas savoir ce qu’est l’homme ; on prouva et l’on réfuta en belles strophes l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme ; on fut sceptique, idéaliste, mystique, indien, païen, chrétien, humanitaire, manichéen, en stances, en versets, en alexandrins, en petits vers, en couplets croisés, en rimes continues. […] Si l’on excepte les élèves qui croient sur parole, les professeurs qui croient par état, et les inventeurs qui croient à titre d’inventeurs, on trouve que sur la foule, savants, jeunes gens et gens du monde, cette philosophie n’a plus de prise, Ceux-ci admettent comme l’école Dieu, l’âme, le devoir ; mais l’obligation en est au catéchisme et à l’opinion plus qu’à l’école.
La « Verge de Dieu » se répète beaucoup. […] Je prends cela sur moi… Dieu me jugera. […] Cela nous est, Dieu merci, expliqué assez longuement ! […] Ne suis-je pas sous les regards de Dieu ? […] Trahir un compagnon, c’est trahir Dieu, puisque nul n’agit pour soi, mais que tous agissent pour Dieu.
Le brillant luminaire de Dieu ! […] L’enthousiasme est leur état naturel, et leur Dieu nouveau les remplit d’admiration comme leurs dieux anciens les pénétraient de fureur. […] Nul développement ; ils sont incapables de contenir ou d’expliquer leur passion ; elle éclate ; ce ne sont que transports à l’aspect du Dieu tout-puissant. […] — Je puis être — un Dieu, comme lui. — Debout avec moi ! […] Didion, Histoire de Dieu.
Dieu. — 1891. […] Tu construis la mort quand Dieu sème la vie ! […] L’heure est proche, adorez Dieu et tremblez ! […] Quel nom de Dieu de sale ronfleur ! […] au lieu de dire : Dieu que nous sommes bêtes !
Pierre Dupont, si je ne l’ai pas entendu, et je puis dire que son sculpteur est un de ces amis terribles contre lesquels Dieu devrait nous garder, selon le proverbe espagnol, lorsque nous nous gardons contre nos ennemis. […] Il l’ouvre peut-être ainsi, grand Dieu ! […] Les tyrans, l’avenir du monde, l’égal partage, l’homme se faisant Dieu un jour ou l’autre très-prochainement, toutes ces vulgarités du xixe siècle ont saisi l’imagination de M.
Ils durent être dans la famille des rois absolus, supérieurs à tous les autres membres, et soumis seulement à Dieu. […] C’était là que le père de famille sacrifiait aux dieux de la maison, deivei parentum (loi des douze tables, de parricidio) ; comme parle l’Histoire sainte, le Dieu de nos pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob . […] Des familles composées de serviteurs, antérieures à l’existence des cités, et sans lesquelles cette existence était impossible Au bout d’un laps de temps considérable, plusieurs des géants impies qui étaient restés dans la communauté des femmes et des biens, et dans les querelles qu’elle produisait, les hommes simples et débonnaires, dans le langage de Grotius, les abandonnés de Dieu dans celui de Pufendorf, furent contraints, pour échapper aux violents de Hobbes, de se réfugier aux autels des forts.
Dieu le créa le premier. […] Lorsqu’il naquit, tout un ciel de nuages flottait autour de lui ; Dieu lui-même le souleva dans ses bras, et lui dit en le bénissant : Créature, me voici.
Dieu me garde de l’oublier ! […] Il est superbe, nom de Dieu ! […] Et pourtant Satan était un fils de Dieu. […] À Dieu, qu’il se représentait avec une extrême naïveté. […] Dieu me garde de médire d’un esprit si charmant.
Or le génie, l’ombre de Dieu, est comme lui de créer. […] En d’autres termes : il s’arrête où commencerait Dieu. […] … L’homme est le premier entretien de la nature avec Dieu. […] Mais comme tout Homme digne d’être Homme, c’est Dieu qu’il cherche. […] Dieu ne doit-il pas être ce qu’il y a de plus beau ?
Cette manière d’entendre la nature, la bonne nature, cette chambrière de Dieu, comme elle se qualifie (véritable chambrière en effet d’un Dieu des bonnes gens), a eu, depuis Jean de Meun, sa continuation par Rabelais, Regnier, La Fontaine lui-même, Chaulieu. […] Bien qu’aucune doctrine philosophique ou religieuse (excepté celles qui mortifient absolument et retranchent) ne soit contraire au sentiment et à l’amour de la nature ; bien qu’on ait dans ce grand temple, d’où Zenon, Calvin et Saint-Cyran s’excluent d’eux-mêmes, beaucoup d’adorateurs de tous bords, Platon, Lucrèce, saint Basile du fond de son ermitage du Pont, Luther du fond de son jardin de Wittemberg ou de Zeilsdorf, Fénelon, le Vicaire Savoyard et Oberman, il est vrai de dire que la première condition de ce culte de la nature paraît être une certaine facilité, un certain abandon confiant vers elle, de la croire bonne ou du moins pacifiée désormais et épurée, de la croire salutaire et divine, ou du moins voisine de Dieu dans les inspirations qu’elle exhale, légitime dans ses amours, sacrée dans ses hymens : chez Homère, le premier de tous les peintres, c’est quand Jupiter et Junon se sont voilés du nuage d’or sur l’Ida, que la terre au-dessous fleurit, et que naissent hyacinthes et roses. […] Avait-il conçu dans ses querelles avec les savants, et sous prétexte de défendre Dieu contre les athées, des haines violentes qui s’exhalaient en toute circonstance55 ? […] Jean-Jacques, le maître de Bernardin, et supérieur à son disciple par tant de qualités fécondes et fortes, n’a jamais eu cette rencontre d’une œuvre si d’accord avec le talent de l’auteur que la volonté de celui-ci y disparaît, et que le génie facile et partout présent s’y fait seulement sentir, comme Dieu dans la nature, par de continuelles et attachantes images. […] La Prière à Dieu qui termine la première Étude de la Nature : « Les riches et les puissants croient qu’on est misérable… », n’est autre chose qu’une copie abrégée, intelligente et pleine de goût, une copie, accommodée au xviiie siècle, de la Prière à Dieu, plus mystique, qui termine la première partie du traité de l’Existence de Dieu par Fénelon.
Chacun ici-bas a sa route tracée de la main de Dieu. […] À Dieu ne plaise qu’un pareil sentiment nous anime dans nos études biographiques et littéraires. […] Ils ont leur mission providentielle ; ils sont autant de fanaux que la main de Dieu place çà et là parmi les hommes pour les éclairer. […] La faculté de produire et de moduler des sons par les organes de la voix nous a été donnée avec l’intelligence, avec la vie : la parole est un don de Dieu. […] — Dieu m’en garde !
On avait le bon goût et le bon sens de le laisser faire et de ne pas établir de frivoles distinctions entre les simples et les humbles qui viennent s’agenouiller devant Dieu. […] C’était moins pour s’épargner à elles-mêmes un regret sur des biens dont elles avaient fait le sacrifice à Dieu, que par délicatesse, de peur que leur présence ne parût un reproche à ces parvenus. […] Une fois par semaine, le samedi, c’était une douceur inexprimable pour elle d’être une demi-heure seule avec lui, comme face à face avec Dieu, de le voir, de le sentir remplissant le rôle de Dieu, de respirer son haleine, de subir la douce humiliation de ses réprimandes, de lui dire ses pensées les plus intimes, ses scrupules, ses appréhensions. […] … Être son égale, lui si savant, si près de Dieu, je n’y saurais prétendre ; être mère par lui, oh ! […] Il se rendit au manoir à l’heure où il savait devoir rencontrer le père et la fille. « Vous avez péché gravement, dit-il à celle-ci, moins par votre folie, que Dieu vous pardonnera, qu’en laissant emprisonner la meilleure des femmes.
Il date sa vie par rapport à eux : il avait sept ans quand Scaliger est mort en 1609, à Leyde, tel jour de janvier, la veille d’une éclipse : « Ce démon d’homme-là savait tout, et plût à Dieu que je susse ce qu’il avait oublié ! […] Il continue : Outre les ornements qui sont à ma cheminée, il y a au milieu de ma bibliothèque une grande poutre qui passe par le milieu de la largeur, de bout en bout, sur laquelle il y a douze tableaux d’hommes illustres d’un côté, et autant de l’autre, y ayant assez le lumière par les croisées opposées ; si bien que je suis, Dieu merci, en belle et bonne compagnie avec belle clarté. […] … Dieu ne manque jamais de punir ces brutaux épicuriens, et l’on ne saurait manquer d’attendre de lui telle justice. […] Je prie Dieu qu’il donne de la force et de la constance à ce parti, qui est le vrai ennemi de la tyrannie ». […] Il est fier de son sexe et le fait sonner bien haut : « J’ai souvent loué Dieu, dit-il, de ne m’avoir fait ni femme, ni prêtre, ni Turc, ni Juif. » En présence de l’hôtel Rambouillet et de ce nouvel empire, il reste de l’avis de Scaliger qui raillait le cardinal Du Perron de ce que, pour paraître savant, il entretenait les dames du flux et reflux de la mer, de l’Être métaphysique et autres points de philosophie.
Vous m’avez dit que ce fut par traité et par grâce de Dieu. La grâce de Dieu est bonne quand on la peut avoir, et elle a certes son prix ; mais on voit peu de seigneurs terriens présentement augmenter leurs seigneuries, si ce n’est par force et puissance ; et quand je serai retourné en la comté de Hainaut, où je suis né, et que je parlerai de cette matière, sachez que j’en serai examiné et questionné très avant. […] Il est religieux et dévot, quoique mondain et bon vivant ; il s’agenouille devant une croix qu’il rencontre, et récite des Pater et des Ave pour les morts ; il félicite les chevaliers qu’il célèbre, et tire sujet de louange pour eux que Dieu leur ait accordé pleine connaissance et entière repentance à l’heure de la mort. […] Il fut décidé que l’on combattrait sans retard, que tous se mettraient aux champs, et que chaque seigneur déploierait sa bannière au nom de Dieu et de saint Denis. […] » et qu’il fit descendre tous ceux qui étoient à cheval, et que lui-même se mit à pied devant tous les siens, une hache de guerre en ses mains, et fit passer en avant ses bannières au nom de Dieu et de saint Denis, desquelles messire Geoffroi de Charny portoit la souveraine (l’oriflamme).
Ainsi prirent naissance les souverainetés civiles, soumises à Dieu seul. Toutes les puissances souveraines reconnaissent la Providence, et ajoutent à leurs titres de majesté, par la grâce de Dieu ; elles doivent en effet avouer publiquement que c’est de lui qu’elles tiennent leur autorité, puisque, si elles défendaient de l’adorer, elles tomberaient infailliblement. […] En formant par leur union des corps politiques, ils donnèrent naissance à la puissance civile, puissance souveraine, de même que dans l’état précédent celle des pères sur leurs familles n’avait relevé que de Dieu. […] La Providence, en faisant naître les familles, qui, sans connaître le Dieu véritable, avaient au moins quelque notion de la Divinité, en leur donnant une religion, une langue, etc., qui leur fussent propres, avait déterminé l’existence d’un droit naturel des familles, que les pères suivirent ensuite dans leurs rapports avec leurs clients. […] Qu’on parcoure l’âge de la vertu romaine, que Tite-Live fixe au temps de la guerre contre Pyrrhus ( nulla ætas virtutum feracior ), et que, d’après Salluste (saint Augustin, Cité de Dieu), nous étendons depuis l’expulsion des rois jusqu’à la seconde guerre punique.
Malgré le grand creux qu’il trouvait, dit-il quelque part, dans l’antiquité profane, il était en intelligence, en harmonie de l’âme avec cette poésie morale venue de Pythagore et déclarée sainte par Platon, toute pleine d’éclatantes peintures et de graves pensées, et souvent si chaste et si haute, que les premiers pères de l’Église l’accusaient d’avoir dérobé la parole de Dieu, comme Israël les vases d’Égypte, et que Clément d’Alexandrie en particulier prétendait noter dans Pindare bien des traits empruntés aux chants de David et à la sagesse de Salomon. Mais de telles ressemblances, dont nous parlerons ailleurs, n’étaient prises peut-être qu’au trésor inépuisable des sentiments humains, et à ces rencontres du génie, perpétuelle révélation que Dieu donne à l’homme. […] Mais, habitantes du ciel, les âmes des justes chantent harmonieusement dans des hymnes le grand bienheureux15. » Cette dernière expression, qui n’a point été remarquée ni traduite, n’aurait-elle pas pu sortir de la bouche de Bossuet même, lorsqu’il parle de ces justes « jouissant de Dieu dans une bienheureuse paix qui réunit en lui tous leurs désirs, et le contemplant avec une insatiable admiration de ses grandeurs », ou bien encore, lorsqu’il se figure « les élus tombant, à la vue de Dieu, dans un tel ravissement d’amour qu’il leur faut toute l’éternité pour en revenir » ? […] il connaît les fins de la vie et le commencement donné de Dieu17. » Mais ailleurs il avait dit : « Qu’est-ce que Dieu ? […] Sous des joies salutaires meurt vaincu le ressentiment de la souffrance passée, alors que la faveur de Dieu envoie d’en haut une prospérité supérieure.
C’est une seconde création que Dieu a permis à l’homme de feindre en reflétant l’autre dans sa pensée et dans sa parole ; un verbe inférieur, mais un verbe véritable, qui crée, bien qu’il ne crée qu’avec les éléments, avec les images et avec les souvenirs des choses que la nature a créées avant lui : jeu d’enfant, mais jeu divin de notre âme avec les impressions qu’elle reçoit de la nature ; jeu par lequel nous reconstruisons sans cesse cette figure passagère du monde extérieur et du monde intérieur, qui se peint, qui s’efface et qui se renouvelle sans cesse devant nous. […] Les sphères elles-mêmes se meuvent aux mesures d’un rythme divin, les astres chantent ; et Dieu n’est pas seulement le grand architecte, le grand mathématicien, le grand poète des mondes, il en est aussi le grand musicien. […] Job n’a crié à Dieu que sur son fumier et dans ses angoisses. […] Il lui apprend le patriotisme par le récit des exploits de ses héros, qui quittent leur royaume paternel, qui s’arrachent des bras de leurs mères et de leurs épouses pour aller sacrifier leur sang dans des expéditions nationales, comme la guerre de Troie, pour illustrer leur commune patrie ; il lui apprend les calamités de ces guerres dans les assauts et les incendies de Troie ; il lui apprend l’amitié dans Achille et Patrocle, la sagesse dans Mentor, la fidélité conjugale dans Andromaque ; la piété pour la vieillesse dans le vieux Priam, à qui Achille rend en pleurant le corps de son fils Hector ; l’horreur pour l’outrage des morts dans ce cadavre d’Hector traîné sept fois autour des murs de sa patrie ; la piété dans Astyanax, son fils, emmené en esclavage dans le sein de sa mère par les Grecs ; la vengeance des dieux dans la mort précoce d’Achille ; les suites de l’infidélité dans Hélène ; le mépris pour la trahison du foyer domestique dans Ménélas ; la sainteté des lois, l’utilité des métiers, l’invention et la beauté des arts ; partout, enfin, l’interprétation des images de la nature, contenant toutes un sens moral, révélé dans chacun de ses phénomènes sur la terre, sur la mer, dans le ciel ; sorte d’alphabet entre Dieu et l’homme, si complet, et si bien épelé dans les vers d’Homère, que le monde moral, le monde matériel, réfléchis l’un dans l’autre comme le firmament dans l’eau, semblent n’être plus qu’une seule pensée et ne parler qu’une seule et même langue à l’intelligence de l’aveugle divin ! […] c’est renvoyer à Dieu ses plus souveraines facultés, de peur qu’elles n’offusquent les yeux jaloux et qu’elles ne fassent paraître le monde réel trop obscur et trop petit, comparé à la splendeur de l’imagination et à la grandeur de la nature !
Hugo, montrant l’armée de Sennachérib miraculeusement anéantie, écrit : Mais le ciel eut pitié de vingt peuples tremblants, Dieu souffla sur cet astre aux crins étincelants, Et soudain s’éteignit l’effrayante merveille, Comme une lampe aux mains d’une veuve qui veille. […] Hugo écrit : Vos régiments, pareils à l’hydre qui serpente, Vos Austerlitz tonnants, vos Lutzen, vos Lépante, Vos Iena sonnant du clairon, Vos camps pleins de tambours que la mort pâle éveille Passent pendant qu’il (Dieu) songe, et font à son oreille Le même bruit qu’un moucheron ; l’esprit, n’ayant besoin d’aucun effort pour ramener l’idée du mot propre, les batailles et les victoires, n’ayant même pas à repasser par ce mot propre, s’abandonne tout entier à l’impression de la figure, et l’imagination voit défiler toutes les scènes terribles ou glorieuses que ces grands noms font surgir de la mémoire. […] Que vous servira d’avoir tant écrit dans ce livre, d’en avoir rempli toutes les pages de beaux caractères, puisque, enfin, une seule rature doit tout effacer : encore une rature laisserait-elle quelque trace, du moins d’elle-même ; au lieu que ce dernier moment, qui effacera d’un seul trait tout notre vie, s’ira perdre lui-même avec tout le reste dans ce grand gouffre du néant… Qu’est-ce donc que ma substance, ô grand Dieu ? […] Ô Dieu ! […] Et de même dans la fameuse période par où Bossuet commence l’oraison funèbre de la reine d’Angleterre, la périphrase par laquelle il désigne Dieu rend tout croyable de sa puissance, et dispose à voir sa main dans les malheurs des rois.
Surtout, lorsqu’il eut perdu en 1843 sa fille et son gendre, nouveau-mariés, qui se noyèrent à Villequier, il dit son désespoir, ses souvenirs douloureux, ses appels au Dieu juste, au Dieu bon en qui il crut toujours, dans un livre des Contemplations 871, où la perfection du travail artistique n’enlève rien à la sincérité poignante du sentiment. […] Dieu, l’inconnaissable, l’humanité, le mal dans le monde, la misère et le vice, le devoir, le progrès, l’instruction et la pitié comme moyens du progrès, voilà quelques idées centrales que V. […] Une idée philosophique et sociale soutient chaque poème : ici affirmation de Dieu ou de la justice, la dévotion au peuple, haine du roi et du prêtre. […] Tout est illusion, écoulement sans fin de phénomènes ; rien ne s’arrête, rien n’est, pas même Dieu.
En Montluc, par exemple, nous trouvons un capitaine héroïque, ardent, infatigable, fanatique pour son Dieu et son roi, un croisé du xvie siècle. En d’Aubigné, nous trouvons un autre capitaine, intrépide, ardent, opiniâtre, non moins Gascon que l’autre, aussi attaché à son Dieu, mais malmenant un peu son roi ; fidèle, mais à condition, non plus royaliste quand même ; plus féodal, plus communal, et qui mourra républicain à Genève. […] De tous ces princes et seigneurs qui ne parlent en sens divers que de la religion de Dieu, du service du roi, de l’amour de la patrie, « je n’en vois pas un tout seul, dit-il, qui, sous ces beaux prétextes, ne ruine totalement le royaume de fond en comble… Il seroit impossible de vous dire quelles cruautés barbaresques sont commises d’une part et d’autre : où le Huguenot est le maître, il ruine toutes les images, démolit les sépulchres et tombeaux… En contr’échange de ce, le catholique tue, meurdrit, noie tous ceux qu’il connoît de cette secte ; et en regorgent les rivières… » Quant aux chefs, bien qu’ils fassent contenance de n’approuver tels déportements, Pasquier remarque qu’ils les passent aux leurs par connivence et dissimulation. […] M. le chancelier s’en contriste : tous les autres y prennent plaisir (1561). » Il gémit de ce vertige presque universel ; il sent que le peuple et la classe moyenne n’ont rien à gagner à ces querelles d’ambitieux qui se servent des passions et des croyances de tous pour arriver à leurs propres fins et se supplanter l’un l’autre : « S’il m’étoit permis de juger des coups, écrit-il, je vous dirois que c’est le commencement d’une tragédie qui se jouera au milieu de nous, à nos dépens ; et Dieu veuille qu’il n’y aille que de nos bourses ! […] Le chef et le héros de cette haute magistrature au xvie siècle, le premier président Achille de Harlay, dira au duc de Guise qui le venait visiter au lendemain des Barricades, et qui le trouvait se promenant tranquillement dans son jardin : « C’est grand pitié quand le valet chasse le maître ; au reste, mon âme est à Dieu, mon cœur est à mon roi, et mon corps est entre les mains des méchants : qu’on en fasse ce qu’on voudra !
c’est cette ère des personnalités fortes, ouverte par Louis XIV, mais qui n’est pas fermée, c’est cette réserve de Dieu quand les peuples sont à bout de malheurs et de fautes et qui est peut-être toute la question des temps modernes dans ce qu’ils ont de passé déjà et ce qui leur reste d’avenir, c’est celle nécessité et cette grandeur qu’il n’est pas permis aux esprits fermes en politique de méconnaître. […] ajoute-t-il (ce serait plutôt à nous d’écrire ce mot-là), qu’il était bon et juste, ayant assez reçu de Dieu pour être un bon roi, et peut-être même un assez grand Roi ! […] De toutes ces insultes de Saint-Simon, en les exprimant d’un pouce ferme, il ne sort rien de plus que l’ambition effrénée d’une femme qui avait le droit de prétendre à tout et qui, arrivée à sa place par cette loi de gravitation dont le jeu reste toujours innocent de ses actes, s’effaça et vécut avec la simplicité de la plus humble chrétienne, entre son royal époux et Dieu ! […] Unis de leur vivant au sommet des grandeurs humaines, unis devant Dieu et par des ressemblances de nature qu’on n’a pas assez remarquées et qu’il serait curieux de faire saillir, Louis XIV et Mme de Maintenon seront encore unis dans l’injustice et dans l’injure. […] Aux autres pages des Mémoires, on applaudit et l’on ne regrette rien de cette gouaillerie grandiose et comique, infligée par ce grand seigneur, en gaîté de mépris, à un homme, moins qu’un homme d’attitude première, mais qui finit par montrer qu’il pouvait s’élever et se tenir en homme sur son piédestal de boue, lorsque la mort, — cette épouvantable justicière de Dieu, — le renversa dessus pour qu’il ne pût pas en descendre.
la critique s’est reposée, comme Dieu quand il eut créé l’univers. Elle crut, elle, avoir expliqué le sien, et elle se trompa, preuve qu’elle n’était pas Dieu. […] Tout y était Dieu, excepté Dieu lui-même. […] Dieu a déjà commencé à lui mettre sur sa tête brune, à l’aspect toujours jeune, la pincée de cendre des quarante ans qui sont le Mercredi des Cendres de la vie, la fin de ce Carnaval qu’il faut traduire : Adieu à la chair !
Dieu n’est pas dans la nature. […] Être vertueux pour aller en paradis, c’est prêter à Dieu à la petite semaine ; et le malheur est que le prêteur donne des crocodiles empaillés, non de bonnes espèces ; car la vertu des sacristies, c’est d’aller à la messe, de ne point toucher aux vases sacrés ; l’amour du prochain vient après. […] Dieu existe ou n’existe pas ; s’il existe, il n’existe pas dans la nature ; nous n’avons pas à en tenir compte. […] Si, un beau jour, hors de la vie, nous nous trouvons face à face avec lui, dans son monde, eh bien, Dieu n’est pas assez mauvais diable pour nous en vouloir de l’avoir nié, quand nous n’avions aucune raison de l’affirmer.
Philarète Chasles C’était la plus étonnante créature de Dieu, la plus instinctive, la moins apte à conduire les affaires ou à juger les hommes, la mieux douée pour s’élever, planer, ne pas même savoir qu’il planait, tomber dans un abîme et un gouffre de fautes, sans avoir conscience d’être tombé ; sans vanité, car il se croyait et se voyait au-dessus de tout ; sans orgueil, car il ne doutait nullement de sa divinité et y nageait librement, naturellement ; sans principes, car, étant Dieu, il renfermait tous les principes en lui-même ; sans le moindre sentiment ridicule, car il pardonnait à tout le monde et sc pardonnait à lui-même ; un vrai miracle, une essence plutôt qu’un homme ; une étoile plutôt qu’un drapeau ; un arome plutôt qu’un poète, né pour faire couler en beaux discours, en beaux vers, même en actes charitables, en hardis essors, en spontanées tentatives, les trésors les plus faciles, les plus abondants d’éloquence, d’intelligence, de lyrisme, de formes heureuses, quoique trop fluides ; de grâces inépuisables, non pas efféminées, mais manquant de concentration, de sol et de virilité réfléchie. […] Homère, ce qu’il exprimait sans effort, c’étaient tous les beaux sentiments tristes et doux accumulés dans l’âme humaine depuis trois mille ans : l’amour chaste et rêveur, la sympathie pour la vie universelle, un désir de communion avec la nature, l’inquiétude devant son mystère, l’espoir ou la bonté du Dieu qu’elle révèle confusément ; je ne sais quoi encore, un suave mélange de piété chrétienne, de songe […] Cette imagination des états de l’âme, si exclusivement dominatrice dans cette tête de songeur, est la cause que ces poèmes expriment non pas une âme individuelle et spéciale, mais l’Âme elle-même, la Psyché vagabonde et nostalgique et son dialogue immortel avec Dieu, avec l’Amour, avec la Nature.
Des hommes animés d’une joie saine doivent chanter d’abord Dieu, d’après de pieuses traditions et avec de chastes paroles, puis demander par libations et prières le pouvoir d’accomplir la justice. […] Ou plutôt de la contemplation de la nature n’avait-il pas détaché le principe d’un Dieu tout spirituel, d’une intelligence absolue et suprême ? […] Juge par l’esprit ce qu’il y a de manifeste en chaque chose. » Sublime par le ton, enthousiaste par la doctrine, cette poésie d’Empédocle, tout en peignant avec force la misère de l’homme, n’a rien du triste découragement de Lucrèce ; elle aspire à Dieu, comme Lucrèce aspire au néant. […] Si tu le cherches avec ardeur, il te sera donné d’apprendre jusqu’où peut s’élever la pensée mortelle. » Cette révélation ainsi promise n’était autre que celle d’un Dieu suprême, l’espérance de s’unir à lui et la menace des peines réservées aux méchants.
Il appelle même cette montagne : Un jardin de haut lieu Qui n’a pour jardinier que le souffle de Dieu ! […] Du reste, il appelle encore Dieu le laboureur d’en haut. Est-ce de Dieu qu’il dit ailleurs : Tu descends comme la lumière Du haut des monts !
Le premier de ces trois discours est l’Apologie ; qu’on se peigne un vieillard de soixante-dix ans, qui toujours a été vertueux et juste, paraissant dans les tribunaux pour la première fois ; intrépide et simple devant ses juges, comme il l’était dans les actions ordinaires de sa vie, dédaignant l’artifice et les vains secours de l’éloquence, n’en connaissant d’autre que la vérité, et jurant de parler son langage jusqu’au dernier moment, priant ses juges avec l’autorité d’un vieillard et d’un homme de bien, d’examiner si ce qu’il va leur dire est juste ou ne l’est pas, parce que c’est là leur fonction, comme la sienne est de dire la vérité, parlant de ses accusateurs sans colère comme sans dédain, du reste, tranquille sur son sort, qu’il soit condamné ou qu’il soit absous, abandonnant à Dieu le succès, et se justifiant pour obéir à la loi : tel paraît Socrate dans son début. […] Socrate, laisse-toi persuader, et ne préfère ni tes enfants, ni ta vie, ni rien même à la justice. » Criton cède ; il admire Socrate qui finit par lui dire : « Marchons par où Dieu nous conduit. » Le troisième discours, beaucoup plus connu que les deux autres, est ce Phédon si fameux qui contient le récit des derniers entretiens de la mort de Socrate ; c’est un des ouvrages les plus célèbres de l’antiquité ; c’est celui que Cicéron, comme il nous l’apprend lui-même, n’avait jamais pu lire sans verser des larmes. […] La mort d’un homme juste est un objet sublime par lui-même ; mais si ce juste est opprimé, si l’erreur traîne la vérité au supplice, si la vertu souffre la peine du crime, si en mourant elle n’a pour elle-même que Dieu et quelques amis qui l’entourent, si cependant elle pardonne à la haine, si de l’enceinte obscure de la prison où elle meurt, ses regards se tournent avec tranquillité vers le ciel, si, prête à abandonner les hommes, elle emploie encore ses derniers moments à les instruire, si enfin, au moment où elle n’est plus, ce soit le crime qui l’a condamnée qui paraisse malheureux et non pas elle, alors je ne connais point d’objet plus grand dans la nature : et tel est le spectacle que nous présente Platon, en décrivant la mort de Socrate ; il y joint tous ces détails qui donnent de l’intérêt à une mort célèbre et qui en reçoivent à leur tour.
Chéris le genre humain, obéis à Dieu… Il faut vivre avec lui ! […] — Je suis Attila, Fléau de Dieu. — Oh ! […] Dieu vous ha fait justice ! […] Dieu seul, Sire, cognoist la cause d’un événement si tragique. […] — il semblait que Dieu l’eût fait, — ô Marie !
Dieu m’en garde ! […] Que Dieu voie et nous juge ! […] c’est à Dieu seul qu’il faut nous attacher ! […] Sa foi en lui-même se confond avec sa foi en son Dieu : « Et pour qui comptez-vous Dieu qui combat pour nous ? […] Ô Dieu du ciel, puisses-tu le confondre !
« Salut, Dieu des Troyens ! […] La réponse même du Dieu témoigne l’absurde qui gâte la fiction, et qui empêche d’y croire. […] Les Grecs, les Latins, tressaillaient au mouvement des sourcils du Dieu qui détrôna Saturne : une sainte terreur se joignait à leur admiration. […] « Elle lève à son Dieu ses yeux mouillés de pleurs : « Son Dieu pour l’éprouver la livre à leurs fureurs. […] « Dans les murs de Paris cette infâme milice « Suit, au milieu des flots d’un peuple impétueux, « Le Dieu, ce Dieu de paix qu’on porte devant eux.