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1158. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Féval, à la double nature, aristocratique et artiste, pour cet homme d’esprit qui échappe à tout par le don précieux de l’ironie et n’est dupe de rien, pas même peut-être de ses propres inventions, ne voilà-t-il pas une belle position et une belle gloire que d’être le Dennery du roman et de trôner comme roi d’un genre dans lequel M. 

1159. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Mais Wey, qui est chrétien, échappe par là au bronze des esprits cruels, et si son cœur se brisait jamais, ce serait à la manière des cœurs chrétiens, dont les débris n’ont jamais blessé les autres coeurs qui s’y appuient.

1160. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Il va, il vient, il retourne sur lui-même ; il a le désordre d’une imagination forte et d’un sentiment profond ; quelquefois il laisse échapper une idée sublime, et qui, séparée, en a plus d’éclat ; quelquefois il réunit plusieurs grandes idées, qu’il jette avec la profusion de la magnificence et l’abandon de la richesse.

1161. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Il consiste presque toujours dans des allusions fines, ou à des traits d’histoire connus, ou à des préjugés d’état et de rang, ou aux mœurs publiques, ou au caractère de la nation, ou à des faiblesses secrètes de l’homme, à des misères qu’on se déguise, à des prétentions qu’on ne s’avoue pas ; il indique d’un mot toute la logique d’une passion ; il met une vertu en contraste avec une faiblesse qui quelquefois paraît y toucher, mais qu’il en détache ; il joint presque toujours à un éloge fin une critique déliée ; il a l’air de contredire une vérité, et il l’établit en paraissant la combattre ; il fait voir ou qu’une chose dont on s’étonne était commune, ou qu’une dont on ne s’étonne pas était rare ; il crée des ressemblances qu’on n’avait point vues ; il saisit des différences qui avaient échappé ; enfin, presque tout son art est de surprendre, et il réussit presque toujours.

1162. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Le futur auteur du Discours sur l’inégalité et du Contrat social n’échappe point à cette obligation, et d’ailleurs ne cherche point à y échapper. […] Allons, la petite Larnage l’a échappé belle ! […] Puis, il craint d’être gauche, de manquer de présence d’esprit, de laisser échapper quelque balourdise. […] Rousseau devait donc faire son traité de l’éducation ; il n’y pouvait guère échapper. […] On s’inquiète, on interroge Sophie, et elle laisse échapper son secret.

1163. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Un autre élément leur échappe, et non moins nécessaire pourtant à l’histoire d’une littérature : c’est l’histoire elle-même, et ce que les renseignements de la chronologie toute seule y apportent. […] Que si d’ailleurs quelque détail en avait échappé jadis à l’active curiosité de l’historien de Port-Royal, les éditeurs récents des Provinciales l’auront sans doute glané sur ses traces. […] Tous n’en sont pas morts ; quelques-uns en ont même vécu ; presque tous en ont été certainement atteints : la seule école des Regnard, des Le Sage, des Dancourt y a presque entièrement échappé. […] Échappe-t-on à qui sait remuer les ressorts de l’âme par ce qu’il y a de plus vif et de plus fort ?  […] L’opinion lui échappait, et elle lui échappait au moment même qu’il croyait enfin s’en être rendu maître, que les encyclopédistes en corps affectaient de se mettre à sa suite, qu’il venait de voir mourir Fontenelle et Montesquieu ; — et il avait passé soixante-cinq ans !

1164. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Dans l’impossibilité d’échapper à cette loi de l’esprit, la synthèse, l’artiste fera donc un choix. […] Et pourtant, j’ose le crier bien haut, depuis Sagesse nous n’avons entendu de chants plus mystiquement catholiques, plus spontanément fervents que ceux échappés de la bouche saignante du Pauvre Pécheur. […] Le poète s’abandonne dans l’instant où parle son démon, et sait tout de même lui échapper pour le mieux contempler. […] Mithouard s’est créé un goût nuancé au point de ne laisser échapper aucune de nos subtilités, et la clarté logique extraite des œuvres qui l’entourent s’est changée en un spectre d’idées qu’à nouveau l’auteur du Tourment de l’Unité va décomposer au prisme de son siècle. […] Echappé d’entre les mains tueuses d’un barbare, Et qui enlève vers notre espoir encor Les spasmes d’un vol suprême, aveugle et mort.

1165. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Il s’y ennuie et, la seconde année, il s’en échappe. […] Il ne peut rencontrer la strophe du Lac :     Assez de malheureux ici-bas vous implorent, etc… sans éprouver le besoin de nous réciter, tout de suite après, la strophe de La Jeune Captive :     Ô mort, tu peux attendre ; éloigne, éloigne-toi ; Va consoler les cœurs que la honte, l’effroi, Le pâle désespoir dévore, etc… Il nous conte, à un endroit, que Lamartine, pour échapper à la mélancolie, s’était mis au travail manuel, au métier de menuisier et de tourneur : tout aussitôt, ce mot de « tourneur » lui rappelle le vers d’Horace : Et male tornatos, etc…. […] Lamartine écrit dans son Commentaire : « C’est un chant ou plutôt un cri de pieux enthousiasme échappé de mon âme à Florence, en 1828. […] Sully-Prudhomme confesse un « scrupule » dans un sonnet des Épreuves  Vous êtes ignorants comme moi, plus encore, dit il aux astres ; la raison de vos lois vous échappe. […] Et cela encore, si c’était le lieu, se prouverait avec aisance  Pour Lamartine, en tout cas, le reproche de subjectivisme est étrange ; ou bien, alors, je ne sais pas quel poète y échapperait.

1166. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Quand nous nous expliquons l’universalité, la réalité nous échappe, et réciproquement. […] Selon d’autres, la substance des choses nous échappe, mais les lois mathématiques en représentent la forme, les relations ; elles sont ce qu’il y a de commun entre nous et la réalité extérieure. […] Entendus en un sens idéaliste, les concepts dont se composent les lois mécaniques échappent aux contradictions qui apparaissent quand on les entend dans un sens réaliste. […] On n’échappe, semble-t-il, au mécanisme cartésien, que pour aboutir au miracle ou à l’harmonie préétablie. […] Mais l’effort des psychologues sera d’échapper aux difficultés qui ont compromis le cartésianisme.

1167. (1902) La poésie nouvelle

Il fait le coup de feu et, à l’arrivée des Versaillais, s’échappe heureusement…‌ Et le voilà de nouveau à Charleville. […] Cette confusion, qui ne se décrit pas, échappe à la plus délicate analyse. […] Or, c’est l’idée incessante de Laforgue d’échapper à ce « langage poétique », et il a recours pour cela à tous les moyens. […] Mais son pessimisme est ardent et, bien qu’il ne le veuille pas, trop fier, exprimer avec complaisance, des cris parfois lui échappent par où se révèle une âpre désespérance, une révolte en vain réfrénée à l’égard du Tout tel qu’il le conçoit.‌ […] Henri de Régnier s’est aperçu que l’analyse la plus minutieuse laisse échapper l’essentiel même des choses et, pour ainsi dire, leur substance, ce que l’on ne saurait ni décrire ni nommer, ce que l’on ne saurait raconter, ce que l’on peut sentir, ce que l’on peut aussi faire sentir, à la condition qu’on ne le décrive pas, mais qu’on tâche seulement de l’évoquer.

1168. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Ce dernier, qui vivait loin de la Capitale, échappa à la persécution de l’Ecole ; mais peu s’en fallut qu’elle ne devînt pour Descartes ce qu’avait été l’Inquisition de Florence pour Galilée. […] Le Génie changea de ton pour ajouter quelques conseils aux menaces qui venaient de lui échapper. […] Il développait les replis les plus cachés du cœur humain : mais ses tableaux offraient des nuances si déliées, qu’elles risquaient d’échapper aux yeux les plus pénétrans. […] Quelques essais de combats échappés du pinceau de le Brun présageaient déja ses batailles d’Alexandre. […] l’ivoire échappé de sa prison bruyante Va fixer le sort incertain ?

1169. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Sainte-Beuve, qui nous apparaissait dans l’éloignement comme le modèle des honnêtes hommes de lettres, n’échappe pas à cette justice amère et rétrospective. […] Si le cordon a été coupé un peu vite, si l’enfant s’est retourné contre sa nourrice, c’est par une fatalité d’ingratitude où les écoles n’échappent pas plus que les hommes. […] Kahn, je crois bien qu’ils échappent entièrement à toute littérature. […] Ces divers genres échappent déjà par certains côtés à la littérature ; j’ai bien peur que le roman-feuilleton n’y échappe par tous les côtés à la fois. […] Une mince fumée bleue s’échappe d’une hutte.

1170. (1893) Alfred de Musset

Il méprisait profondément les journaux, ne manquait jamais de se découvrir lorsqu’il rencontrait dans une « gazette » le nom d’un membre de la famille royale, et n’avait cependant pas complètement échappé à l’influence de Rousseau. […] Musset ne cachait pas son goût pour le xviiie  siècle, mais on passe à un échappé de collège d’aimer Crébillon fils et Clarisse Harlowe. […] Musset n’a pas échappé à cette fatalité. […] Lorenzo avait revêtu un déguisement qu’il croyait pouvoir rejeter à son gré ; la débauche l’a saisi et gangrené jusqu’aux moelles, et il ne lui échappera plus : « Je me suis fait à mon métier, dit-il amèrement. […] Il est sauvé, mais il l’a échappé belle.

1171. (1894) Études littéraires : seizième siècle

À un degré supérieur c’est un effort, pour échapper au temps où l’on vit, et pour se faire une âme antique. […] Il est cela, souvent du moins, car on n’échappe jamais à son époque, chez Daurat, chez Ronsard et chez André Chénier. […] Ne s’avisa-t-il point, dans les rues de Paris, de faire échapper un prisonnier des mains des archers qui remmenaient ? […] Certes celui n’est pas bien sage Qui quiert deux fois être frappé, Et veut repasser un passage Dont à peine il est échappé. […] Nous échappons au scandale de la fatalité, dès que la fatalité est infinie, véritablement infinie, c’est-à-dire infinie en sagesse comme en toutes choses, dès que ce n’est pas la fatalité qui lie Dieu, mais Dieu qui fait la fatalité.

1172. (1925) Proses datées

Il me dit ses voyages et ses travaux, ses amitiés et ses ambitions, et ses misères, et aussi ces moments mystérieux où sa raison chancelle et où il échappe à la réalité et s’enfuit, esprit délivré et enivré, dans les royaumes aériens de la Chimère. […] Faguet se montre donc envers lui bienveillant, mais il se montre aussi, comme je le disais, familier, et cette familiarité, d’ailleurs parfaitement respectueuse, a pour raison que Faguet échappe complètement au prestige qu’exerce d’ordinaire sur ceux qui l’étudient l’existence, même que mena Balzac. […] Ceux-là dépitent les amateurs de pèlerinages littéraires et échappent à leur sympathie posthume. […] A peine aux mains de leurs destinataires, elles s’en échappaient pour faire le tour de vos amis. […] Vous n’avez pas, d’ailleurs, tout à fait tenu votre promesse et quelques-uns de ses monuments n’ont pas échappé, à votre critique.

1173. (1900) Molière pp. -283

Mais ils étaient tous là, mes fidèles auditeurs, si appropriés aux choses dont j’allais les entretenir, si munis pour m’y approprier moi-même par toute la curiosité intelligente qui s’échappait de leurs physionomies. […] Ils nous offriront à la lecture une autre espèce d’intérêt qui nous échapperait au théâtre où nous songeons trop à chercher un divertissement, pour faire l’effort de nous instruire. […] La personne d’Hannibal, qui y est annoncée, nous échappe ; la sentence qui devait être définitive nous fait défaut. […] Elles seules savent ce qu’il faudrait savoir pour résoudre le problème ; mais, depuis trois mille ans, ni prêtre des faux dieux, ni médecin, ni femme n’a laissé échapper un mot qui trahît le secret commun de la caste. […] Il nous interrompt dix fois en un quart d’heure pour dire : « Mes chevaux, mon groom, mon cocher. » Il lui échappa même de s’écrier : « Mes aïeux ! 

1174. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Mais si la constance de l’instinct est un fait qui ne se discute pas, on conçoit que la constance de l’intelligence ou la constance du génie chez les animaux échappe à nos observations. […] Cette forme de l’intelligence a donc totalement échappé à l’évolution. […] Souvent, quand nous réfléchissons aux motifs de nos actes, nous croyons les avoir trouvés, et le plus important nous a échappé. […] Elle est si peu un lien nécessaire entre nos diverses actions que des séries entières d’actions, à vrai dire d’importance minime, échappent entièrement à son contrôle. […] Un médecin distingué, quoique peu connu, si peu que son nom m’échappe, a écrit un excellent traité sur l’instinct des malades en thérapeutique.

1175. (1925) Comment on devient écrivain

La poésie est la première des tentations ; très peu y échappent. […] Pourquoi donc faire des fautes, puisque aucune ne m’échappe, pourquoi en souffrir dans mes écrits ? […] Plus l’art se vulgarise en bas, plus il s’affine en haut, par dédain de la foule61. »‌ C’était l’avis de Flaubert, qui pensait lui aussi que ce qu’il y a « de meilleur dans l’art échappera toujours au grand public ». […] Il tomba à la renverse et la coupe s’échappa de sa main inerte, et un jet de sang sortit de sa narine et il repoussa des pieds la table, et les mets roulèrent épars sur la terre, et le pain et la chair rôtie furent souillés. […] Mais après que ils eurent mis-en-ordre tout le palais, ayant fait-sortir alors les servantes du palais solidement établi entre et le pavillon et l’enceinte irréprochable de la cour, ils les rassemblaient à l’étroit, (dans un endroit) d’où il n’était pas possible de s’échapper.

1176. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Il y a des millions d’animaux que nous avons vus et plus encore qui nous échappent. […] Un oiseau bleu volait dans l’air et me parla ; et comment voulez-vous que j’échappe à cela ? […] Une apparence de vivacité et de franchise exprimées par quelques mots qui semblent lui échapper, est pour elle un artifice qui vous dérobe les machinations de son âme lâche et sans pitié ; ses lèvres sont faites à la trahison, son visage à la dissimulation. […] Il n’y a rien de vague là-dedans, et en dehors de cela il n’y a rien, il ne peut y avoir rien ; ce qu’on croit être autre chose, c’est cela même à quoi l’on s’imagine échapper. […] Quant à l’idéaliste, ne faut-il pas qu’il échappe à son système dès qu’il vise à une action déterminée, puisque tout être déterminé est soumis à des conditions temporelles et suit des lois empiriques ?

1177. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Je ne parle, bien entendu, pas d’imitation, mais de parenté de sentiments, comme d’un peu du parfum qui s’échappe d’une fleur qu’on ne voit pas. […] » La bonne Sœur faisait marcher ses aiguilles avec une conscience telle que le manège lui échappa complètement. […] L’épopée ne pouvait échapper à ce doute gouailleur qui n’épargnait pas Dieu lui-même. […] Le livre de Frédéric Febvre nous raconte non seulement la vie de l’acteur, les étapes de cette carrière faite d’amour ardent du théâtre, de noble ambition artistique, mais aussi il nous montre bien des physionomies disparues, nous rappelle bien des faits prêts à s’échapper de nos mémoires. […] Le baron de Batz, qui connaissait son époque, laquelle ressemblait trop à la nôtre, trouva moyen d’échapper aux poursuites, à la guillotine, rien que par l’intervention des fameux « arguments irrésistibles ».

1178. (1774) Correspondance générale

Vous avez dit encore : Mais tout peut m’échapper , et D… a assuré votre sort. […] Si c’est en vain que je vous préviens et qu’il vous échappe une larme, essuyez-la bien vite. […] Ce que vous pensez vous-même de la licence que cet exemple pourrait introduire ne leur a point échappé. […] Je me trompe, avec un peu de mémoire, je retrouverai encore beaucoup de traits qui me seront échappés, et je ne serai de longtemps dans le cas de me répéter. […] Diderot, l’un des chefs les plus célèbres des philosophes de notre siècle, a échappé à la maladie dangereuse qu’il a essuyée à Neufchâtel [La Haye] ; il se porte actuellement très-bien.

1179. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

De là, dans les premiers chants surtout, qui lui sont échappés avant aucune lecture, quelque chose de particulier et d’imprévu, d’une simplicité un peu étrange, élégamment naïve, d’une passion ardente et ingénue, et quelques-uns de ces accents inimitables qui vivent et qui s’attachent pour toujours, dans les mémoires aimantes, à l’expression de certains sentiments, de certaines douleurs. […] Au reste, lorsqu’elle s’échappa à faire des vers, elle n’avait rien lu, rien.

1180. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Les mêmes malédictions durent lui échapper, que tout à l’heure il prêtait à Ulysse vengeur. […] Béranger n’échappe aux confrontations qu’à force de traits aussi et par la perfection serrée de sa forme.

1181. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

je ne sais qu’une chose, c’est qu’Amour a brisé Jupiter lui-même et son vouloir. » Dans l’épigramme suivante, il s’échappera avec la même vivacité, avec la même incohérence passionnée et de façon à moins choquer nos mœurs, qui ne veulent, en fait d’amour, qu’une seule ivresse. […] Je fais remarquer seulement que le mot de sauterelle en grec (ἀχρὶς) n’a rien que d’agréable, et que, de plus, tous les mots dans cette petite pièce sont choisis dans un sentiment imitatif, et de manière à exprimer le cricri fondamental combiné avec une certaine harmonie : ces nuances échappent en français : « Sauterelle, tromperie de mes amours, consolation du sommeil qui me fuit ; Sauterelle, muse rurale à l’aile sonore, imitation toute naturelle de la lyre, touche-moi quelque chose d’enchanteur en frappant de tes pieds chéris tes ailes babillardes ; ainsi chasse de moi les fatigues d’un souci toujours en éveil, en ourdissant, ô Sauterelle, un son qui distraie l’amour.

1182. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Empêtré dans cette enveloppe brute, le sentiment ne s’en échappe que par une éruption brusque et discordante. […] Donc il faut avoir soin De le nourrir sans qu’il échappe.

1183. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

« Il part du bord des cieux, et sa course s’étend jusqu’à l’autre bord ; rien ne peut échapper à sa chaleur !  […] Je ne sais si la peste était la seule cause de la nudité des chemins et du silence profond autour de Jérusalem et dedans ; je ne le crois pas, car les Turcs et les Arabes ne se détournent pas des fléaux de Dieu, convaincus que sa main peut les atteindre partout et qu’aucune route ne lui échappe. — Sublime raison de leur part, mais qui les mène par l’exagération à de funestes conséquences !

1184. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

CXXXIV En parlant ainsi, je m’efforçais de m’échapper violemment des bras de mon père et de ma tante. […] alors, monsieur, je pus à peine achever, malgré la dissonance si je n’achevais pas, et, malgré la peur de manquer ainsi à l’oreille de la Madone, j’achevai cependant, mais le chalumeau s’échappa de mes doigts à la dernière note de gaieté qui contrastait trop fort avec mon désespoir : mes larmes me coupèrent le souffle, la zampogne se dégonfla dessous mon coude avec un long gémissement faux, comme de quelqu’un qu’on étrangle, et je roulai évanouie sur le pont sans regarder, sans voir, jusqu’à ce qu’un char à quatre bœufs, qui menait une noce de contadini, s’arrêta devant moi, à ce qu’on me dit depuis.

1185. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Il s’établit — vers la cinquantaine, alors que délivré de sa longue prison, sans grand souci des affaires publiques ni même de ses prétentions princières, il vivait grassement, oiseusement, aux bords de la Loire, dans son aimable Blois, au milieu de sa petite cour de gentilshommes lettrés et de poètes quémandeurs, — il s’établit pour le reste de ses jours dans son personnage d’homme du monde aimable et désabusé : raillant l’amour et les dames, et les jeunes gens qui s’y donnent sérieusement, chansonnant amis et indifférents, avec une malice qui n’appuie pas, et pique sans blesser, jouissant de la vie sans illusion, et prêt à la mort, ne souhaitant plus qu’en « hiver du feu, du feu, et en été boire, boire », avec cela bonne compagnie et gais propos, de tout le reste du monde ne s’en souciant pas, et ne lui demandant pas plus qu’il ne lui donne : enfin, le plus gracieux des égoïstes et des épicuriens, qui même devança peut-être les hardiesses païennes du siècle suivant, si l’on s’arrête à cette inquiétante forme de serment qui lui échappe : Par mon âme, s’il en fut en moi. […] la fade sentimentalité qui encore aujourd’hui partage les applaudissements avec la grosse ordure dans nos cafés-concerts, d’innocentes mièvreries émanées de la haute littérature allégorique, et qui une fois sur vingt échappent à la puérilité, une fois sur cent atteignent l’exquise délicatesse : avec cette poésie de rêve, la réalité sans voiles, dans toute sa brutalité, dérision du mariage et de la famille, âpre désir des jouissances grossières, filles qui partent avec les gens d’armes, soudards avides de pillage, accourant comme des bêtes de proie aux provinces où il y a guerre : en somme, le plus complet nihilisme moral adouci par les tons chauds d’une verve robuste.

1186. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Il se peut que ce contraste même ravisse certains lecteurs, justement parce qu’il échappe à première vue et qu’on se sait gré de le découvrir, parce que Racine peut-être ne s’en doutait pas toujours, et qu’on se croit beaucoup d’esprit de démêler ce dont il n’avait pas conscience. […] Les personnages sont ainsi d’une clarté qui ne laisse rien à désirer ; aucun de leurs mobiles ne nous échappe ; aucun anneau ne se dérobe dans la chaîne serrée de leurs sentiments et de leurs états de conscience.

1187. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Un pauvre moine défroqué, qui n’échappa à ses ennemis que parce qu’il plut à quelques petits princes de le prendre sous leur protection. […] Par la suite, la religion, n’étant plus capable de tout contenir, maudit ce qui lui échappe.

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