C’est aussi la faculté de découvrir des vérités, car les contes eux-mêmes ont besoin d’être vrais, au moins par un côté, pour être bons. […] Et cette raison que je dirai, cette raison plus profonde que le talent, plus involontaire que la conviction dans l’auteur de l’Histoire de la Liberté religieuse, c’est son âme même, son instinct de cœur le plus vrai, c’est ce que les hommes et lui-même n’ont pas mis en lui et ce qui, pour cette raison, y est davantage ! […] Cette queue impérieuse qui commande à la tête dans tous les partis et qu’il a méprisée l’a, dit-on, accusé d’avoir fait trop belles certaines individualités catholiques, comme si lui, le plus vrai d’impression de tous les historiens, même quand il ne l’est pas d’appréciation raisonnée, ne les avait pas vues telles qu’il les a peintes, absous par cette pureté de vision qui est, hélas ! […] l’historien de la liberté religieuse a rejeté ce joug du sien, et il nous a donné, pour la première fois, le Machiavel vrai, qui a fait tous les crimes de son siècle à l’image de sa pensée, et il nous a dit avec une merveilleuse éloquence qu’on n’est jamais plus grand que le mépris, lorsque l’on est un pervers. […] Il y a bien partout en elle, il est vrai, et il devait y avoir, la négation de ce pouvoir religieux qui, au xvie siècle, était la base de la constitution de l’État, mais est-ce que l’honneur et l’obligation n’étaient pas alors de le défendre contre l’irruption des idées nouvelles qui l’attaquaient, le fer aux mains ?
Telle nous paraissait en effet être la fonction du métaphysicien : il doit pénétrer à l’intérieur des choses ; et l’essence vraie, la réalité profonde d’un mouvement, ne peut jamais lui être mieux révélée que lorsqu’il accomplit le mouvement lui-même, lorsqu’il le perçoit sans doute encore du dehors comme tous les autres mouvements, mais le saisit en outre du dedans comme un effort, dont la trace seule était visible. […] D’un principe immanent à sa méthode elle sacrifie quelque chose à une hypothèse immédiatement vérifiable et qui donne tout de suite des résultats utiles : si l’avantage se maintient, ce sera que l’hypothèse était vraie par un côté, et dès lors cette hypothèse se trouvera peut-être un jour avoir contribué définitivement à établir le principe qu’elle avait provisoirement fait écarter. […] Il est vrai que cette partie de l’œuvre d’Einstein est la dernière. […] Il est vrai que ce second système peut être mis en mouvement par la pensée à son tour, sans que la pensée élise nécessairement domicile dans un troisième. […] Il n’en est pas moins vrai qu’on se représente maintenant la possibilité d’horloges matérielles et d’observateurs vivants en tous les points du système.
Avant ces nouveaux détails, il n’y avait sur sa vie que la tradition de Leucade et l’épître romanesque d’Ovide sur cette tradition ancienne, si elle n’est vraie. […] À part deux comédies, sous le titre de Phaon, l’une de Platon le poëte, l’autre d’Antiphane ; il part une comédie, la Leucadienne, par Ménandre, et une pièce d’Antiphane, le Leucadien, on joua dans Athènes six comédies de différents auteurs, portant toutes le titre de Sapho, et pleines d’allusions à sa gloire poétique et aux événements fabuleux ou vrais de sa vie. […] L’espérance de cette gloire, l’orgueil, non plus de la beauté, mais du génie, éclate dans quelques vers d’une pièce perdue71 : « Morte, tu seras gisante », dit la Muse lesbienne à quelque femme ennemie ou rivale ; « il ne restera de toi nulle mémoire dans l’avenir ; car tu ne touches pas aux roses de la montagne des Piérides ; mais tu iras, obscure, visiter les demeures d’Adès, t’envolant sur le sol des aveugles morts. » Une autre fois, devant des femmes qui, riches et belles, semblaient enivrées de leur destinée, elle parut plus fière encore, en disant « que les Muses lui donnaient, à elle, le vrai bonheur et le seul digne d’envie ; car, même dans la mort, elle ne serait jamais oubliée ». Elle disait vrai. […] Il est vrai que, pour nous, ce qu’elle décrit, c’est moins l’émotion délicate de l’âme que le trouble des sens et comme la fièvre du cœur.