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1946. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Le genre humain est né sot et mené par des fripons, c’est la règle ; mais, entre fripons et fripons, je donne ma voix aux Mirabeau et aux Barnave plutôt qu’aux Sartine et aux Breteuil… Je serais bien aise de revoir Paris, et je me repens fort, quand j’y pense, d’avoir fait un si sot usage, quand j’y étais, de mon temps, de mon argent et de ma santé.

1947. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Barrès a placé, a supposé, la source mystique, la voix et la vie de l’esprit, d’un esprit libre, haut, délicat, dont le prêtre qui assiste à son lit de mort Baillard réconcilié, a la révélation à son tour, avec lequel, lui aussi, comme repentant et faisant l’autre moitié du chemin, il se réconcilie. « Au fond de sa longue erreur ce malheureux hérésiarque avait connu un enthousiasme du divin et un élan d’adoration que le meilleur croyant devait envier et désirer d’ajouter à sa foi. » Mais quand il était dans l’Église, le connaissait-il ? […] L’instrument qui s’essayait dans le prélude se révèle accordé par l’exercice, par le temps, par les esprits de Sion, et par le tourbillon éphémère de ces hommes qui maintenant disparaissent et ne laissent plus de voix qu’à la colline, à la prairie où ils rentrent et sont recueillis. Ainsi une voix qui se répétait et qui peut-être s’égarait, incorporée à l’œuvre s’est disciplinée, embellie, ajustée par elle.

1948. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Nous voyons aujourd’hui le Transylvain, le Hongrois, le Courlandais se réunir avec l’Espagnol, le Français, l’Allemand, l’Italien pour sentir également les beautés de Virgile et d’Horace, quoique chacun de ces peuples prononce différemment la langue d’Horace et de Virgile… Sans doute Pantolabus et Crispinus écrivirent contre Horace de son vivant, et Virgile essuya les critiques de Bavius ; mais, après leur mort, ces grands hommes ont réuni les voix de toutes les nations. […] Renan l’art de « rendre une voix aux races qui ne sont plus » ; et, jusque dans l’étude particulière des individus, c’est à peine eux qu’il a cherchés, mais bien plutôt les traits de la race dont ils furent les représentants.

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