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1114. (1923) Paul Valéry

La question qu’avait posée Mallarmé n’était pas une question vaine, puisque la voici reprise par un génie original, par une autre voix et sur un autre registre spirituel. […] Ou, sur un autre registre, songeons à ces racines faites de consonnes, simples directions de la voix, imprononçables par elles-mêmes, et auxquelles les linguistes ramènent la presque totalité des mots sanscrits ou grecs : paradis d’une langue, comme les mouvements abstraits de cette mécanique que Léonard appelait le paradis des sciences, et comme ces actions dont parle Valéry, « qui se ralentissent en œuvres distinctes. » Avec la pratique de la langue et des livres de philosophie, qu’un accident de carrière, aussi vraisemblable que ceux qui advinrent en effet, aurait pu lui donner, Valéry se transporterait ici dans le monde de la relation pure, familière à un lecteur de l’Analytique transcendentale, de Renouvier et d’Hamelin. […] « Le réel d’un discours, dit Valéry, c’est après tout cette chanson, et cette couleur d’une voix, que nous traitons à tort comme détails et accidents. » Jusqu’à un certain point ! […] Elle dérangera d’autant plus nos idées toutes faites, devant la poésie de Mallarmé et de Valéry, que, si leur vers se défend de comporter une liaison logique, il comporte, autant et plus que tout autre, une chair verbale, qui se touche voluptueusement de la voix ; il existe, et même avec un raffinement paradoxal, comme matière rythmique, comme texture incomparable d’assonances, d’allitérations, de rimes, et de toutes les rigueurs, et de toutes les disciplines. […] Voici parler une Sagesse Et sonner cette auguste voix, Qui se connaît quand elle sonne N’être plus la voix de personne Tant que des ondes et des bois !

1115. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

moi, j’ai sa chevelure… mais voici que la voisine a le son de sa voix ; et puis celle-là ce soir te représente un brin de ton rêve… Va, nous savons bien que tu nous méprises au fond véritable de ton cœur de fou. […] On est entré dans un génie vaste où les pas résonnent sur les dalles d’écho en écho : la multiplicité des sons pourrait empêcher qu’on ait bien entendu ce que des voix disent tout bas derrière les piliers. […] Qu’il s’évade donc de ses méthodes et surtout de sa dangereuse instrumentation ; guidé par ses seules forces naturelles, il entendra et nous fera entendre plus clairement les métamorphoses De la voix humaine dans la voix des roseaux. […] Randon avait été l’une des voix de l’anarchisme littéraire, au temps où de futurs académiciens démolissaient (très peu) la Société au moyen de phrases élégantes et de sarcasmes spirituels. […] Quand je parle, on ne m’écoute pas, parce que ma voix est si puissante qu’on l’entend sans l’écouter : on n’écoute pas le tonnerre.

1116. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Condamné d’abord par contumace, il fut ensuite acquitté à la majorité d’une voix, le 10 fructidor an VII. […] l’œil s’éclaire, la voix monte, le geste lui-même, à peine sorti de sa longue indolence, est éloquent. […] La parole est la voix de l’âme, Elle vit par le sentiment ; Elle est comme une pure flamme Que la nuit du néant réclame185 Quand elle manque d’aliment.

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