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628. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

Alors même qu’il disparaîtrait un moment dans les flots d’une époque que nous n’avons pas choisie pour y vivre, dans le gouffre de cette publicité, affairée et positive, dont nous parlions plus haut et où tout s’engloutit, ce serait l’histoire des pièces d’or que le Singe de La Fontaine lançait dans la mer, par la fenêtre. […] Roger de Beauvoir pour donner une idée complète de ce talent simplifié et sorti, au moment où l’on y pensait le moins, de la fontaine de Jouvence que le Temps fait filtrer dans la pensée de tout poète digne de ce nom, nous indiquerons comme étant les plus remarquables et les plus beaux du recueil les morceaux suivants : La Colombe, Dolor, Les Morts qui vivent (superbe pensée !) […] Il doit laisser là les vers de tambours de basque et de castagnettes, ce facile Carnaval de l’Espagne, les amabilités aux danseuses et le marivaudage des albums, et se maintenir dans une région plus haute et moins exploitée par les petites gens de la poésie contemporaine qui vivent depuis vingt ans des miettes tombées de la table d’Alfred de Musset.

629. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Fils d’une horrible époque pressée et qui veut vivre à la minute, où tous se ruent sur le petit sou du Savoyard, — le petit sou de la célébrité ou de la monnaie, — il ne s’est mêlé ni aux poussées ni aux culbutes de son temps ; il s’est noblement tenu coi et à l’écart dans son talent, comme l’abeille dans sa ruche d’or. […] De temps en temps, une Revue, à laquelle il faut rendre cette justice qu’elle n’a pas cessé d’être littéraire quand la littérature véritable, la littérature désintéressée n’avait pas une pierre pour reposer sa tête, L’Artiste, publiait des vers charmants à faire presque croire qu’Alfred de Musset vivait toujours… Ces vers, qui, d’ailleurs, ne jouaient ni au pastiche, ni au mystère, ces vers sincères, étaient sincèrement signés de ce nom euphonique de Saint-Maur, qui, du moins, n’écorchera pas la bouche de la gloire, si cette renchérie se donne la peine de le prononcer ! […] Assurément, puisqu’il a vécu, il a eu, comme tout homme, ses raisons de pleurer, et même je lui en connais une qui a laissé une trace bien touchante dans les dernières pages de son volume (Date lilia !)

630. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Génie mendiant qui vivait d’aumônes. […] Enfin le style, « qui fait vivre les œuvres », est chez Balzac « matériel, inégal, surchargé, bizarre, trahissant l’effort », et il trahira sa mémoire, en ne l’arrachant pas à l’oubli. […] , c’est par la peinture de genre qu’il vivra, s’il vit, ce peintre effrayant de nature humaine, de société, de caractère, d’histoire, qui allait être encore un peintre de batailles, s’il n’était pas mort !

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