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521. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Il appartient donc à ce groupe d’esprits qui pensent que la Renaissance et l’expérimentalisme de Bacon ont détourné les sciences, aussi bien que les lettres, de la voie qu’elles devaient suivre au sein d’une civilisation chrétienne, et qui sont décidés à mourir ou à ne jamais vivre dans la popularité de leur siècle, pour les y faire rentrer, si Dieu lui-même ne s’y oppose pas. […] Nous avons donc vécu en vain. […] Ce plan aurait, s’il avait vécu, ravi d’espérance Condorcet.

522. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

Il existe depuis 1441 à peu près, et il est bien probable qu’il vivra autant que le sentiment du christianisme qui l’a inspiré, et que le sentiment de la langue charmante dans laquelle il a été traduit. […] L’écrivain de l’Internelle Consolacion, qui a partagé la destinée de l’auteur de l’Imitation (l’anonyme convenant comme le silence de leur règle à ces hommes humbles qui ne vivaient, comme disent les saintes Chroniques, que sur la montagne de l’éternité, in monte æternitatis), l’écrivain ignoré de l’Internelle Consolation ne s’est point attaché à la glèbe du mot à mot de son auteur. […] Ces hommes, qui vivaient les yeux au ciel ou baissés sur la poussière de leurs sandales, se souciaient bien de cette bavarderie qu’on appelle la Gloire, et des commérages que l’Avenir devait faire, un jour, sur leur tombeau !

523. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Tous deux essuyèrent des disgrâces, et tous deux vécurent exilés et tranquilles, cultivant jusqu’au dernier moment les trois choses les plus douces de la vie, la vertu, l’amitié et les lettres. […] « Lâche, dit-il, tu me proposes de vivre de la part de ton maître ! si je dois vivre, si les jours de Démosthène doivent être conservés, que mes conservateurs soient mon pays, les flottes que j’ai armées à mes dépens, les fortifications que j’ai élevées, l’or que j’ai fourni à mes concitoyens, leur liberté que j’ai défendue, leurs lois que j’ai rétablies, le génie sacré de nos législateurs, les vertus de nos ancêtres, l’amour de mes concitoyens qui m’ont couronné plus d’une fois, la Grèce entière que j’ai vengée jusqu’à mon dernier soupir ; voilà quels doivent être mes défenseurs ; et si, dans ma vieillesse, je suis condamné à traîner une vie importune aux dépens des autres, que ce soit aux dépens des prisonniers que j’ai rachetés, des pères à qui j’ai payé la dot de leurs filles, des citoyens indigents dont j’ai acquitté les dettes ; ce n’est qu’à ceux-là que Démosthène veut devoir : s’ils ne peuvent rien pour moi, je choisis la mort ; cesse donc de me séduire, etc. » J’aime ensuite à voir la pitié de dédain avec laquelle il regarde le courtisan qui le croyait sans défense, parce qu’il n’avait autour de lui ni armes, ni soldats, ni remparts, comme si le courage n’était pas la défense la plus sûre pour un grand homme.

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