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438. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

L’effort, à son tour, n’est pas quelque chose de désintéressé, d’indifférent et de froid : sous sa forme primitive, dans l’être vivant et sentant, il est appétit. […] Toutefois les fonctions organiques elles-mêmes, qu’on s’efforce de réduire à un pur automatisme, présupposent dans les cellules vivantes des états de conscience rudimentaires, non sous la forme de l’intelligence réfléchie, mais sous celle de la sensibilité spontanée. […] Faut-il exagérer la pensée de Pascal jusqu’à croire que l’être vivant pourra devenir par la suite, au sens propre du mot, « machine en tout » ? […] Le résultat des lois de l’hérédité, chez les êtres vivants, n’a pas été jusqu’ici un accroissement d’inconscience, mais au contraire un accroissement de conscience.

439. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Elle répond très franchement que cela n’est plus, mais que cela était autrefois, quand elle était toute jeune, toute bien portante, toute vivante, dans le bonheur d’une existence facile et aisée, et qu’alors il n’y avait dans la charité qu’elle faisait, aucun attendrissement, rien de son cœur. […] Et tous deux se plongent, avant de manger, dans la lecture d’imprimés immenses, où les raccourcis de la face pâle de la femme, où les raccourcis de la tête de bossu méchant du jeune homme, prennent, sous le gaz, l’aspect effrayant d’un ménage de larves, vivant de correspondances étrangères. […] Il y a quelque chose de triste chez l’homme arrivé à la somme de notoriété, qu’un littérateur peut acquérir de son vivant. […] Lundi 12 novembre Un curieux type à fabriquer avec ce marquis de Saint-Senne, vivant dans une mansarde, en face du plus beau tapis persan du seizième siècle connu, et possédant dans deux ou trois malles, — des malles des bonnes de la campagne, — les plus belles épées, les plus riches majoliques, et pour garder ces trésors, se privant de tout, et mangeant dans une crémerie.

440. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Seulement, comme son art consiste justement à grandir toutes choses en les animant, il est indispensable que l’idée soit par lui repensée, qu’il la fasse pour ainsi dire sienne en la rendant vivante de sa vie propre. […] Ainsi en arrive-t-il pour Lamartine : quoique le sentiment soit vrai, trop souvent la pensée philosophique et religieuse, au lieu de projeter spontanément son expression vivante, est « traduite en vers », — en vers heureux, faciles, abondants, poétiques, mais qui n’en sont pas moins des traductions et des tours d’adresse84. […] Rappelez-vous ces vers qui expriment si bien la vie universelle et l’animation divine de la nature : Peut-être qu’en effet, dans l’immense étendue, Dans tout ce qui se meut une âme est répandue ; Que ces astres brillants sur nos têtes semés Sont des soleils vivants et des feux allumés ; Que l’océan frappant sa rive épouvantée Avec ses flots grondants roule une âme irritée ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . […] Il ne reste de nous qu’un cadavre vivant ; Le désespoir l’habite et le néant l’attend90.

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