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579. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Une vive et facile école débutait justement avec le règne, et saluait pour chef et pour prince le jeune Clément Marot. […] Ce manuscrit commence tout simplement par une lettre en prose que le roi prisonnier écrit à une maîtresse dont on ignore le nom : « Ayant perdu, dit-il, l’occasion de plaisante escripture et acquis l’oubliance de tout contentement, n’est demeuré riens vivant en ma mémoire, que la souvenance de vostre heureuse bonne grace, qui en moy a la seulle puissance de tenir vif le reste de mon ingrate fortune. […] Quand on lit de suite et tout d’une haleine cette série d’épîtres plates, de rondeaux alambiqués et amphigouriques, et qu’on tombe sur quelque dizain vif et bien tourné, on est surpris, on est réjoui ; mais il arrive le plus souvent que l’éditeur est oblige de nous avertir qu’il se rencontre quelque chose de pareil dans les œuvres de Marot ou de Saint-Gelais. […] Je ne rappellerai que ce couplet d’une ballade, qui gagne à être isolé des couplets suivants ; pris à part, c’est un dizain des plus frais et des plus vifs ; on dirait que le rayon matinal y a touché : Estant seullet auprès d’une fenestre Par ung matin, comme le jour poignoit, Je regarday Aurore, à main senestre, Qui à Phebus le chemyn enseignoit.

580. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

en reproduisant sur la scène une passion à jamais féconde en situations tragiques, et toujours sûre d’exciter les émotions les plus vives. […] En vain vous me promettez de vives jouissances, si je consens à vous suivre ; tant que vous me faites illusion, je consens à tout ; mais je vous échappe dès que vous ne me trompez plus. […] On leur avait donc permis, ordonné même d’arranger ce qui précède la catastrophe, de manière à produire l’illusion la plus complète, l’émotion la plus vive. […] Ce n’est pas tout à fait sans fondement qu’on reproche aux tragiques français de n’exposer que les résultats matériels d’une conspiration, d’une révolution ; de n’en point laisser voir les causes ; de ne pas pénétrer assez avant dans le secret des intrigues qui préparent ces grands mouvements ; d’être avares enfin de ces détails où réside souvent, en une telle matière, le plus vif et le plus intime intérêt.

581. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Flaubert a peint en quelques traits heureux le voltairianisme épais de son pharmacien de village, la niaiserie béate du curé, l’imbécillité bavarde des personnages secondaires, quand il a décrit tous les aspects de la bêtise humaine dans un canton de la Basse-Normandie, non content de cette vive esquisse, il reprend son texte et revient à la charge ; on dirait que les trivialités l’attirent. […] Il avait toujours eu, cela est facile à voir, une admiration très vive pour les parties les plus vagues et les plus sonores du magnifique idiome de Chateaubriand ; il lui parut original de rajeunir ces beautés passées de mode en les associant au style robuste, palpable, visible, au style sans âme et sans ailes, mais poétiquement terre à terre que manie avec tant d’aisance M.  […] Nos entreprises sont nouvelles, répondent les partisans de la secte réaliste, et c’est précisément à l’idéalisme de l’école précédente que nous opposons des figures prises hardiment dans le vif de la nature. — Ici encore j’invoque l’autorité de Goethe, et je me demande ce que penserait le grand réaliste à la vue de ces inventions barbares qui prétendent se rattacher à lui. […] Madame Bovary, malgré un talent des plus vifs, avait inspiré du dégoût ; Salammbô, malgré un énergique effort, n’a fait qu’ajouter au dégoût la fatigue et l’ennui.

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