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607. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

VIII À l’exception d’un vieux portique de colonnettes accouplées en faisceaux, qui déborde le seuil de la galerie extérieure portée par des arcades massives, et d’une tourelle à flèche aiguë qui fend le ciel à un angle occidental du vieux château, rien n’y rappelle à l’œil une construction de luxe : c’est l’aspect d’une large ferme creusée pour des usages rustiques dans le bloc épais d’un manoir abandonné. La paille et le foin débordent çà et là des lucarnes pleines de fourrages ; les portes des étables, des fenils, des basses-cours, s’ouvrent sur le gazon autour du puits ; à côté de la porte des maîtres, les chars de récoltes se chargent et se déchargent sous les fenêtres des chambres hautes ; des sacs d’orge, de blé, de pommes de terre, se tassent sur les marches en spirale du large escalier aux dalles usées par les souliers ferrés des laboureurs ; les vaches paissent sous les groupes de vieux arbres écorcés dans les vergers ; on voit les jardiniers, les bergers, les jeunes vachères, tirer les seaux du puits, emporter les arrosoirs, accoupler leurs bœufs, traire leurs vaches dans la cour qui sert de pelouse à l’habitation ; on y est en pleine rusticité, comme en pleine nature. […] Cette doctrine, qui ne contredit aucune de ses doctrines chrétiennes, et qui agrandit le Créateur en agrandissant son œuvre, est une vérité vieille comme le monde, et qui ressemble à une audace, tant le monde moderne semble l’avoir oubliée. […] Par toi, dans l’ombre sainte, enfant des vieux Druides, J’ai connu des grands bois le sublime frisson ; Poursuivant l’infini des horizons fluides, Par toi, des hauts sommets je fus le nourrisson. […] « Épargne, ô vieux Caton, tes stoïques entrailles, Survis, et tu vaincras, fallût-il cent batailles ; Survis, et tu rendras par ta seule fierté Des autels à nos dieux, à nous la liberté ! 

608. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Gilbert de Voisins, quand les enfants, « le tintamarre des nourrices et des servantes », forcent notre vieux garçon de poète à déloger, il va occuper, toujours au cloître Notre-Dame, dans la maison du chanoine Lenoir, « une chambre au premier étage, ayant vue sur la terrasse qui donne sur l’eau ». […] Ses habitudes étaient modestes, quoiqu’il fût assez riche sur ses vieux jours pour se donner un carrosse. […] Au reste, il est généreux : il donne de l’argent à Linière qui court le chansonner au cabaret voisin ; il offre d’abandonner sa pension pour faire rétablir celle du vieux Corneille ; il achète à Patru sa bibliothèque, à condition qu’il continue de la garder chez lui sa vie durant. […] Scarron et Ménage en savaient quelque chose, et le prudent Chapelain avait sacrifié de vieux amis, Ménage et Pellisson, pour se faire bien venir d’un si terrible railleur : il l’avait aidé à entrer à l’Académie. […] À ce vieux jeu, Boileau était passé maître.

609. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Il était la terreur d’Alphonse Daudet qui se sauvait toujours lorsqu’il voyait apparaître son vieux confrère, la stature et l’air provocants sous ses cheveux blancs, la moustache en croc d’un colonel de cavalerie. […] On ne peut y voir qu’une utilisation de vieux papiers et de livres anciens, un désir de collectionneur de rentrer dans ses déboursés. […] L’âme de Bouvard et Pécuchet, celle d’un vieux fakir, fat et ignorant le ridicule, habitaient ce corps de militaire. […] Relisons l’ennemi de Taine, Joseph de Maistre, relisons Balzac, relisons Michelet, Stendhal, Mérimée, Renan, relisons même le vieux père Dumas et la vieille Sand. […] L’homme bas ne voit pas les liens qui l’unissent aux autres êtres, il agit pour lui-même ; seulement, autrefois, il y avait une vieille morale qui lui faisait honte de sa vilenie, et parfois l’orgueil le rendait humain.

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