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2134. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Ces membres qu’au premier coup d’œil on croirait rompus, épars, simplement pressés les uns contre les autres, un lien Invincible les unit, une vie commune les meut, un seul et même souffle de pensée les anime. […] Quand Alfieri voulut se mesurer avec Salluste, il retrempa l’idiome toscan aux sources primitives ; quand Rousseau s’attaqua à Tacite, il s’était muni de la lecture des Vies de Plutarque et de celle des Essais. […] Mais certes, ils ne sauraient nous reprocher d’avoir longuement fixé leur attention sur un de ces hommes si rares de nos jours, purs d’ambition et d’intrigues, voués pour la vie à la science et à l’enseignement, participant de cœur et d’âme aux progrès, aux vœux d’une jeunesse qu’ils ont formée et qui les révère, et s’étonnant ensuite avec une véritable candeur quand la réputation qu’ils méritent vient couronner leurs solides et précieux travaux.

2135. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Tous ceux qui faisaient partie de ces deux tiers, « véritables comédiens ambulants qui changèrent de nom et d’habit en même temps que de rôle »,lui paraissent « indignes non-seulement de gouverner, mais encore de vivre. » Il reconnaît pourtant qu’en voyant meilleure compagnie ils se sont amendés sous quelques rapports, et que, pour tout dire, « ils ont fait à peu près comme ces malheureuses femmes, qui, ramassées dans les carrefours et dans les prisons de la capitale, sont envoyées dans les colonies Étrangères, où, quoique leur jeunesse se soit écoulée dans le désordre, elles adoptent une nouvelle vie, redeviennent honnêtes, et, grâce à de nouvelles habitudes, dans une position nouvelle, sont encore des membres tolérables de la société. » Le rapprochement n’a rien de flatteur ni de délicat ; mais l’illustre baronnet n’y regarde pas de si près ; il a même tant d’affection pour ces sortes d’images, que plus tard l’arrangement du premier consul avec ses ministres lui semblera « pareil aux mariages contractés par les colons espagnols ou les boucaniers avec les malheureuses créatures envoyées pour peupler les colonies », et qu’il trouvera les moyens en un endroit de comparer, je ne sais trop pour quelle raison, M. de Talleyrand à une vivandière. […] En lisant et en jugeant la Vie de Napoléon Bonaparte, nous avons tâché plus d’une fois de séparer dans notre esprit l’historien du romancier, et de ne pas souffrir que notre sévérité pour l’un retranchât rien à notre admiration pour l’autre. […] Et nous nous disions : Si, au lieu d’une Vie de Napoléon Bonaparte, Walter Scott avait eu l’idée d’écrire un roman historique où ce personnage eût joué un rôle, s’il avait saisi cette occasion pour peindre des scènes de la Révolution française et pour montrer en action quelques-uns des caractères principaux qui s’y rencontrent, il eût fait un ouvrage plus intéressant à coup sûr que son histoire, mais également plein de vues fausses, de descriptions superficielles, et de portraits de fantaisie : et pourtant Walter Scott a eu sur cette période contemporaine autant et plus de renseignements que sur les époques d’Ivanhoë, de Quentin Dthrward, d’Élisabeth, de Cromwell et des Puritains.

2136. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Saint-Georges de Bouhélier lorsqu’il écrivit la Vie héroïque des Aventuriers, des Poètes, des Rois et des Artisans, et qu’il y formula les phrases chantantes et accentuées que voici : « Ces héros ruraux et urbains représentent, incarnent, glorifient, pompeux, une Face de la Terre ou du Firmament… La Nature elle-même nécessite l’auguste ardeur de leur patience. […] Il s’agit de les sanctifier, d’en montrer les relations sacrées avec la vie même de l’univers. […] Et puisqu’on veut bien nous accorder que les Naturistes apportent en effet une éthique imprévue et une inédite méthode de vie, je ne crains pas trop de m’avancer en déclarant que leur désir d’art populaire, autochtone, païen et rationnel, contribuera énormément à une réforme dans l’expression, qui, pour être très différente de celle de Malherbe, n’en sera pas moins considérable.

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